Cass. soc., 27 mai 2021, n° 19-20.908
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme LEPRIEUR
Faits et procédure
1. Selon les arrêts attaqués (Caen, 13 septembre 2018 et 7 juin 2019), M. [Y] a été engagé le 21 mai 2012 par la société Adrexo, dans le cadre d'un contrat à temps partiel modulé, en qualité de distributeur.
2. Il a saisi la juridiction prud'homale pour demander divers rappels de salaire, le remboursement de frais, et des dommages-intérêts liés à l'exécution de son contrat de travail.
3. Par jugement du 9 mai 2017, il a été débouté de ses demandes. Son avocat a interjeté appel de cette décision par lettre recommandée du 26 mai 2017 et l'employeur a soulevé l'irrecevabilité de ce recours.
4. Par arrêt du 13 septembre 2018, la cour d'appel a confirmé l'ordonnance du conseiller de la mise en état ayant déclaré l'appel recevable. Par arrêt du 7 juin 2019, elle a statué au fond.
5. L'employeur s'est pourvu contre les deux arrêts.
Examen des moyens Sur le premier moyen Enoncé du moyen
6. L'employeur fait grief à l'arrêt du 13 septembre 2018 de déclarer recevable l'appel du salarié, alors « que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; que les actes administratifs n'ont pas d'effet rétroactif ; qu'un acte réglementaire ne s'applique pas aux actes de procédure accomplis antérieurement à son entrée en vigueur ; que le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, modifiant l'article 930-1 du code de procédure civile, prévoit que la déclaration d'appel, comme tout acte qui ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, établie sur support papier, peut être remise ou adressée au greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que les dispositions du décret du 6 mai 2017 applicables à compter du 1er septembre 2017 n'ayant pas d'effet rétroactif, elles ne peuvent régulariser un acte de procédure déjà accompli avant leur entrée en vigueur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'avocat de M. [Y] a interjeté appel du jugement rendu le 9 mai 2017 par le conseil de prud'hommes de Caen par lettre recommandée expédiée le 26 mai 2017 et reçue au greffe le 29 mai 2017 ; que pour juger l'appel de M. [Y] recevable, la cour d'appel a énoncé qu' ''en l'espèce, cette irrégularité ne peut toutefois être sanctionnée par l'irrecevabilité de la déclaration d'appel datée du 26 mai 2017 et dont le greffe a accusé réception le 29 mai. En effet, prononcer cette sanction uniquement parce que la déclaration en étant le support n'a pas été remise mais envoyée ? de surcroît par un moyen permettant de lui donner date certaine ? est contraire à l'évolution des normes procédurales applicables. En effet, avant même la déclaration d'appel litigieuse, l'article 930-1 avait été modifié par le décret n°2017-891 du 6 mai 2017. En application de ce texte, la déclaration d'appel établie sur support papier, comme toute acte de procédure ne pouvant être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, peut, depuis le 1er septembre 2017, être remise ou adressée au greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception'' ; qu'en statuant ainsi, quand cet acte réglementaire, à savoir le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, ayant introduit à l'article 930-1 du code de procédure civile la possibilité d'adresser au greffe un acte qui ne pouvait être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'avait accompli par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, n'était pas applicable à une déclaration d'appel adressée au greffe avant son entrée en vigueur le 1er septembre 2017, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble le principe de non-rétroactivité des règlements administratifs et l'article 930-1 du code de procédure civile dans sa version antérieure au 1er septembre 2017 applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 930-1 du code de procédure civile en sa version antérieure au décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :
7. Il résulte de ce texte que la remise au greffe s'entend nécessairement d'une remise matérielle excluant l'envoi sous forme de lettre recommandée avec avis de réception.
8. Pour dire recevable l'appel du salarié, formalisé par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, l'arrêt retient d'abord que l'avocat du salarié, inscrit à un barreau extérieur, ne pouvait avoir accès au RPVA de la cour d'appel de Caen, cela pour des raisons techniques ne lui étant pas imputables. Il en déduit qu'il pouvait donc établir sa déclaration sur support papier et la remettre au greffe, ce qui suppose une remise matérielle de l'acte contre restitution immédiate à l'appelant de l'un des exemplaires de sa déclaration d'appel avec mention de la date de la remise et visa du greffier et donc un déplacement physique.
9. L'arrêt ajoute que cependant, l'irrégularité de la formalisation de l'appel résultant de ce qu'il a été effectué par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception ne peut être sanctionnée par l'irrecevabilité dès lors que prononcer cette sanction uniquement parce que la déclaration en étant le support n'a pas été remise mais envoyée ? de surcroît par un moyen permettant de lui donner la date certaine ? serait contraire à l'évolution des normes procédurales applicables. Il précise en effet qu'avant même la déclaration d'appel litigieuse, l'article 930-1 avait été modifié par le décret n° 2017- 891 du 6 mai 2017, lequel autorise désormais que, lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, son envoi peut être effectué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le second moyen Enoncé du moyen
11. L'employeur fait grief à l'arrêt du 7 juin 2019 de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet, de le condamner à verser au salarié diverses sommes à titre de rappel, de salaire et de congés payés afférents, de rappel de prime d'ancienneté et de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 3 décembre 2014, de dommages-intérêts au titre du travail à domicile avec intérêts au taux légal à compter de la décision, de dire qu'il devra remettre au salarié un bulletin de paie rectificatif par année concernée par les rappels de salaire alloués, alors « que la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ; qu'en l'espèce, la cassation de l'arrêt du 13 septembre 2018 qui a déclaré à tort l'appel de M. [Y] recevable, encourue sur le premier moyen, emportera par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt du 7 juin 2019 ayant, sur l'appel de M. [Y], infirmé le jugement qui l'avait débouté de toutes ses demandes et condamné la société Adrexo à divers titres, et ce en application de l'article 625 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 625 du code de procédure civile :
12. Selon ce texte, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
13. La cassation de l'arrêt du 13 septembre 2018 qui déclarait recevable l'appel du salarié entraîne celle de l'arrêt du 7 juin 2019 qui statue sur cet appel.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus les 13 septembre 2018 et 7 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;
Remet, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;
Condamne M. [Y] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, signé par Mme Leprieur, conseiller doyen faisant fonction de président en ayant délibéré en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai deux mille vingt et un.