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Décisions

Cass. soc., 8 septembre 2021, n° 19-24.625

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme LEPRIEUR

Metz, du 18 septembre 2019

18 septembre 2019

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 18 septembre 2019), M. [O], engagé le 27 avril 2012, par la société Les Taxis Jean-Claude en qualité de chauffeur, a démissionné le 1er août 2016.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens
Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.

Mais sur le second moyen, pris en ses première, deuxième et quatrième branches

Enoncé du moyen

4.Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission claire et non équivoque, de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement abusif, d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité légale de licenciement et de le débouter du surplus de ses demandes, alors:

« 1° / qu'en appel, si l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés ; qu'il s'ensuit que le juge doit examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'était déterminé ; que, pour infirmer le jugement, lequel avait fait droit aux demandes du salarié relatives aux heures supplémentaires en retenant notamment que l'employeur ne contestait pas le quantum des heures supplémentaires effectuées et démontrées par le salarié mais indiquait que celles-ci lui avaient été rémunérées sous forme de prime, la cour d'appel qui se contente de relever que le salarié, intimé, n'ayant pas conclu, ne fournit aucun élément de nature à étayer sa demande de rappel d'heures supplémentaires et que la motivation des premiers juges sur ce point ne renseigne pas la Cour, a violé l'article 472 du code de procédure civile ;

2°/ que la cassation de l'arrêt du chef du rejet de la demande d'heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de l'arrêt en ce qu'il a rejeté la demande au titre du travail dissimulé, ces chefs de dispositifs étant dans un lien de dépendance nécessaire ;

4°/ qu'en appel, si l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés ; qu'il s'ensuit que le juge doit examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'était déterminé ; que pour infirmer le jugement, lequel avait fait droit à la demande du salarié relative au paiement de dommages et intérêts pour non-respect de la législation relative à la durée du travail en retenant notamment que l'analyse des nombreuses feuilles de route démontrent sans ambiguïté que l'employeur s'est exonéré des dispositions légales relatives au respect des durées hebdomadaire et quotidienne maximales de travail et de la durée minimale de repos et qu'ainsi, à maintes reprises, la durée hebdomadaire de travail variait allègrement de 50h à plus de 60h, que la durée de travail journalière dépassait les 10h et que souvent le temps de repos quotidien n'atteignait pas les 11h de repos obligatoires, la cour d'appel qui se contente de relever que le conseil de prud'hommes se réfère à l'analyse des feuilles de route du salarié

lesquelles ne sont toutefois pas produites à hauteur de cour de sorte qu'en l'absence d'élément permettant à la cour de constater le non-respect de la part de l'employeur de la législation relative à la durée du travail les manquements allégués ne sont pas établis et le salarié ne peut pas prétendre à un quelconque préjudice, sans examiner la pertinence des motifs par lesquels les premiers juges s'étaient déterminés, a violé l'article 472 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour
Vu l'article 472 du code de procédure civile :

5. Il résulte de cet article que si l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond et la cour d'appel est tenue d'examiner, au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé.

6. Pour infirmer le jugement et rejeter la demande en paiement de rappel d'heures supplémentaires et celle, subséquente, d'indemnité pour travail dissimulé, l'arrêt retient que le salarié n'ayant pas conclu, il ne fournit aucun élément de nature à étayer sa demande de rappel d'heures supplémentaires, la motivation des premiers juges sur ce point ne renseignant pas la cour d'appel. Pour rejeter la demande en paiement de dommages-intérêts fondée sur le non- respect de la législation sur la durée du travail, il relève que les feuilles de route communiquées en première instance ne l'ont pas été devant la cour d'appel, de sorte que les manquements ne sont pas établis.

7. En statuant ainsi, sans apprécier la pertinence des motifs par lesquels les premiers juges avaient retenu que l'employeur, qui ne contestait pas le nombre des heures supplémentaires effectuées, les avait intentionnellement payées sous forme de primes et qu'il s'était exonéré des dispositions relatives à la durée hebdomadaire du travail ainsi qu'au temps de repos, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

8. Le salarié fait les mêmes griefs à l'arrêt, alors « que les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées ; que la partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque ; qu'ayant expressément constaté que l'appelante demande l'infirmation du jugement ayant fait droit à la demande du salarié relative au paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés, « mais ne conclut pas sur ce point », la cour d'appel qui néanmoins infirme le jugement et déboute le salarié de sa demande à ce titre a violé l'article 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

9. L'employeur conteste la recevabilité du moyen, en raison de sa nouveauté.

10. Cependant, le moyen, ne se prévalant d'aucun fait qui n'ait été constaté par les juges du fond, est de pur droit, et peut donc être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.

11. Le moyen est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu l'article 954, alinéas 3 et 5, du code de procédure civile :

12. Selon ce texte, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ses prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque.

13. Pour infirmer le jugement et débouter le salarié de sa demande en paiement du solde d'une indemnité compensatrice de congés payés, la cour d'appel, après avoir relevé que l'employeur avait demandé l'infirmation du jugement mais n'avait pas conclu sur ce point, a jugé que le livret de paie ne mentionnait pas l'existence d'un solde de congés payés, que les bulletins de salaire produits en première instance ne l'étaient pas devant elle et que le salarié ne justifiait pas de sa demande.

14. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté l'absence de moyen de l'employeur au soutien de sa demande, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

15. Le second moyen est inopérant en ce qu'il prétend critiquer les chefs de dispositif relatifs à la rupture du contrat de travail.

16. En revanche, la cassation entraîne, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif relatifs aux dépens et aux demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il a dit que la rupture du contrat de travail de M. [O] s'analyse en une démission claire et non équivoque et en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes relatives au paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive, d'une indemnité légale de licenciement, d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité compensatrice de congés payés sur préavis, l'arrêt rendu le 18 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne la société Les Taxis Jean-Claude aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Les Taxis jean-Claude et la condamne à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Pietton, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 456 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du président empêché, en son audience publique du huit septembre deux mille vingt et un.