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Décisions

Cass. 2e civ., 30 septembre 2021, n° 18-20.239

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Cayenne, du 1er juin 2018

1 juin 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 1er juin 2018), la Société minière Yaou Dorlin (la société) a notifié à M. [D] son licenciement pour motif économique. Un tribunal d'instance, statuant en matière prud'homale, a annulé ce licenciement, ordonné la réintégration de M. [D] et condamné la société au paiement d'une certaine somme au profit de M. [D] et du syndicat UTG.

2. La société ayant interjeté appel de ce jugement, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d'appel de la société sur le fondement de l'article 902, alinéa 3, du code de procédure civile, à défaut pour cette dernière d'avoir signifié la déclaration d'appel à M. [D] dans le délai d'un mois à compter de l'avis qui lui a été adressé par le greffe.

3. La société a déféré l'ordonnance du conseiller de la mise en état à la cour d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré caduque la déclaration d'appel du 3 janvier 2017, alors « que les limitations apportées au droit d'accès au juge doivent être proportionnées à l'objectif visé ; qu'en se bornant à retenir que l'article 902, alinéa 3, du code de procédure civile, posait un délai raisonnable au cours duquel la société était en mesure de surmonter les difficultés pour signifier l'acte, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, au regard des circonstances exceptionnelles de la cause, la caducité de la déclaration d'appel, privant définitivement l'appelante de son droit de former appel en mettant fin à l'instance à l'égard de l'intimé, ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, dès lors que la société s'était conformée aux dispositions de l'article 902, alinéa 3, du code de procédure civile, en saisissant le commandement de la gendarmerie de la Guyane, comme elle l'a constaté, dix jours avant l'expiration du délai prévu par ce texte, pour procéder à la signification, qui, néanmoins, avait été effectuée un jour seulement après l'expiration du délai, en raison d'une modification des pratiques régionales, imposant désormais de s'adresser à une série d'intermédiaires pour signifier un acte dans une commune dite isolée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 902, alinéa 3, du code de procédure civile, et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

6. En application de l'article 902, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, en cas de retour au greffe de la lettre de notification de la déclaration d'appel ou lorsque l'intimé n'a pas constitué avocat dans un délai d'un mois à compter de l'envoi de la lettre de notification, le greffier en avise l'avocat de l'appelant afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d'appel. A peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office, la signification doit être effectuée dans le mois de l'avis adressé par le greffe.

7. Selon la Cour européenne des droits de l'homme, le droit d'accès aux tribunaux n'étant pas absolu, il peut donner lieu à des limitations implicitement admises car il appelle de par sa nature même une réglementation par l'État, laquelle peut varier dans le temps et dans l'espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus. En élaborant pareille réglementation, les États contractants jouissent d'une certaine marge d'appréciation. Néanmoins, les limitations appliquées ne sauraient restreindre l'accès ouvert à l'individu d'une manière ou à un point tel que le droit s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, elles ne se concilient avec l'article 6, § 1, de la Convention que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (notamment CEDH Edificaciones March Gallego S.A. c. Espagne, 19 février 1998, § 34, Recueil 1998).

8. Ayant relevé que l'appelante n'avait pas signifié la déclaration d'appel à M. [D] dans le délai imparti par la loi, et retenu que le délai légal d'un mois imposé aux termes de l'article 902 du code de procédure civile, à la société, pour signifier sa déclaration d'appel, était un délai raisonnable au cours duquel cette dernière était en mesure de surmonter les difficultés particulières pour signifier cet acte à M. [D], la cour d'appel, qui a fait ressortir que la caducité ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d'assurer la célérité et l'efficacité de la procédure d'appel avec représentation obligatoire, et n'est par conséquent pas contraire aux exigences de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société minière Yaou Dorlin aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt et un.