CJUE, 5e ch., 7 novembre 2024, n° C-683/22
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
Question préjudicielle
PARTIES
Demandeur :
Adusbef – Associazione difesa utenti servizi bancari e finanziari
Défendeur :
Presidenza del Consiglio dei ministri, Ministero dell’Economia e delle Finanze, Ministero delle Infrastrutture e della Mobilità sostenibili, DIPE – Dipartimento programmazione e coordinamento della politica economica, Autorità di regolazione dei trasporti, Corte dei Conti, Avvocatura generale dello Stato
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Jarukaitis
Juges :
M. Gratsias, M. Regan (rapporteur)
Avocat général :
M. Campos Sánchez-Bordona
Avocats :
Me Granara, Me Mazzola, Me Gallo, Me Vercillo, Me Zoppini, Me Anglani, Me Annoni, Me Cogoni, Me Merola, Me Torchia, Me Parini, Me Perego, Me Police, Me Roberti
LA COUR (cinquième chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 38, 43 et 44 de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession (JO 2014, L 94, p. 1).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Adusbef – Associazione difesa utenti servizi bancari e finanziari (association pour la défense des usagers des services bancaires et financiers) à la Presidenza del Consiglio dei ministri (présidence du Conseil des ministres, Italie), au Ministero dell’Economia e delle Finanze (ministère de l’Économie et des Finances, Italie), au Ministero delle Infrastrutture e della Mobilità sostenibili (ministère des Infrastructures et de la Mobilité durables, Italie), au DIPE –Dipartimento programmazione e coordinamento della politica Economica (département pour la programmation et la coordination de la politique économique, Italie), à l’Autorità di regolazione dei trasporti (Autorité de régulation des transports, Italie), à la Corte dei Conti (Cour des comptes, Italie) et à l’Avvocatura generale dello Stato (bureau du procureur général, Italie) au sujet de la légalité des modifications apportées à la concession autoroutière dont Autostrade per l’Italia SpA (ci-après « ASPI ») est titulaire, à la suite de l’effondrement du pont Morandi, à Gênes (Italie), le 14 août 2018.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les considérants 75 et 76 de la directive 2014/23 énoncent :
« (75) Les contrats de concession font généralement intervenir des mécanismes techniques et financiers complexes et de long terme qui sont souvent soumis à un contexte évolutif. Il est donc nécessaire de clarifier les conditions dans lesquelles des modifications apportées à une concession en cours d’exploitation imposent une nouvelle procédure d’attribution de concession, en tenant compte de la jurisprudence de la [Cour] en la matière. Il y a lieu d’engager une nouvelle procédure d’attribution de concession lorsque des modifications substantielles sont apportées à la concession initiale, notamment en ce qui concerne l’étendue et le contenu des droits et obligations réciproques des parties, y compris l’attribution de droits de propriété intellectuelle. Ces modifications attestent l’intention des parties de renégocier les conditions essentielles de cette concession. [...]
(76) Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices peuvent se trouver confrontés à des circonstances extérieures qu’ils ne pouvaient prévoir au moment de l’attribution de la concession, notamment lorsque l’exploitation de celle-ci s’étend sur une plus longue période. Dans ces cas, ils doivent disposer d’une certaine marge de manœuvre pour pouvoir adapter la concession à ces circonstances sans engager de nouvelle procédure d’attribution. La notion de circonstances imprévisibles correspond à des circonstances qu’un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice, bien qu’ayant fait preuve d’une diligence raisonnable lors de la préparation de l’attribution initiale, n’aurait pu anticiper compte tenu des moyens à sa disposition, de la nature et des caractéristiques du projet, des bonnes pratiques du secteur et de la nécessité de mettre dûment en cohérence les ressources employées pour préparer l’attribution de la concession avec sa valeur prévisible. [...] »
4 L’article 3 de cette directive, intitulé « Principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de transparence », dispose :
« 1. Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices traitent les opérateurs économiques sur un pied d’égalité et sans discrimination et agissent de manière transparente et proportionnée.
[...]
2. Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices visent à garantir la transparence de la procédure d’attribution et de l’exécution du contrat, tout en respectant l’article 28. »
5 L’article 38 de ladite directive, intitulé « Sélection et évaluation qualitative des candidats », prévoit :
« 1. Les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices vérifient les conditions de participation relatives aux capacités professionnelles et techniques et à la capacité économique et financière des candidats ou des soumissionnaires, sur la base de déclarations sur l’honneur, ainsi que la ou les références à présenter comme preuve conformément aux exigences spécifiées dans l’avis de concession qui sont non discriminatoires et proportionnées à l’objet de la concession. Les conditions de participation sont liées et proportionnées à la nécessité de garantir la capacité du concessionnaire d’exploiter la concession, compte tenu de l’objet de la concession et de l’objectif d’assurer une concurrence effective.
[...]
7. Les pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices peuvent exclure ou être obligés par les États membres d’exclure un opérateur économique de la participation à une procédure d’attribution de concession si l’une des conditions suivantes est remplie :
[...]
c) lorsque le pouvoir adjudicateur peut démontrer par tout moyen approprié que l’opérateur économique a commis une faute professionnelle grave qui remet en cause son intégrité ;
[...]
f) lorsque des défaillances importantes ou persistantes de l’opérateur économique ont été constatées lors de l’exécution d’une obligation essentielle qui lui incombait dans le cadre d’une concession antérieure ou d’un contrat antérieur passé avec un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice au sens de la présente directive ou de la directive 2014/25/UE [du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE (JO 2014, L 94, p. 243),] qui ont donné lieu à la résiliation de ladite concession ou dudit contrat, à des dommages-intérêts ou à d’autres sanctions comparables ;
[...]
9. Tout opérateur économique qui se trouve dans l’une des situations visées aux paragraphes 4 et 7 peut fournir des preuves afin d’attester que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité malgré l’existence du motif d’exclusion invoqué. Si ces preuves sont jugées suffisantes, l’opérateur économique concerné n’est pas exclu de la procédure.
[...] »
6 L’article 43 de la directive 2014/23, intitulé « Modification de contrats en cours », est rédigé comme suit :
« 1. Les concessions peuvent être modifiées sans nouvelle procédure d’attribution de concession conformément à la présente directive dans l’un des cas suivants :
[...]
c) lorsque toutes les conditions suivantes sont remplies :
i) la modification est rendue nécessaire par des circonstances qu’un pouvoir adjudicateur diligent ou une entité adjudicatrice diligente ne pouvait pas prévoir ;
ii) la modification ne change pas la nature globale de la concession ;
iii) en ce qui concerne les concessions attribuées par le pouvoir adjudicateur afin de mener une activité autre que celles visées à l’annexe II, toute augmentation de leur montant ne peut être supérieure à 50 % du montant de la concession initiale. Lorsque plusieurs modifications successives sont effectuées, cette limite s’applique au montant de chaque modification. Ces modifications consécutives ne visent pas à contourner les dispositions de la présente directive.
d) lorsqu’un nouveau concessionnaire remplace celui auquel le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice a initialement attribué la concession :
i) en application d’une clause de réexamen ou d’une option sans équivoque conformément au point a) ; ou
ii) consécutivement à une succession universelle ou partielle dans la position du concessionnaire initial, à la suite d’opérations de restructuration de société, notamment de rachat, de fusion, d’acquisition ou d’insolvabilité, d’un autre opérateur économique qui remplit les critères de sélection qualitatifs établis initialement, à condition que cela n’entraîne pas d’autres modifications substantielles du contrat et ne vise pas à se soustraire à l’application de la présente directive ; ou
iii) dans le cas où le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice assume lui-même les obligations du concessionnaire principal à l’égard de ses sous-traitants lorsque cette possibilité est prévue par la législation nationale ;
e) lorsque les modifications, quel qu’en soit le montant, ne sont pas substantielles au sens du paragraphe 4.
Les pouvoirs adjudicateurs ou les entités adjudicatrices qui ont modifié une concession dans les cas mentionnés aux points b) et c) du présent paragraphe publient un avis à cet effet au Journal officiel de l’Union européenne. Cet avis contient les informations prévues à l’annexe XI et est publié conformément à l’article 33.
2. En outre, et sans qu’il soit nécessaire de vérifier si les conditions énoncées au paragraphe 4, points a) à d), sont remplies, les concessions peuvent également être modifiées sans qu’une nouvelle procédure d’attribution de concession conforme à la présente directive ne soit nécessaire lorsque le montant de la modification est inférieur aux deux montants suivants :
i) le seuil fixé à l’article 8 ; et
ii) 10 % du montant de la concession initiale.
Toutefois, la modification ne peut pas changer la nature globale de la concession. Lorsque plusieurs modifications successives sont effectuées, le montant en question est le montant cumulé des modifications successives.
[...]
4. La modification d’une concession en cours est considérée comme substantielle au sens du paragraphe 1, point e), lorsqu’elle rend les caractéristiques de la concession substantiellement différentes de celles prévues initialement. Dans tous les cas, sans préjudice des paragraphes 1 et 2, une modification est considérée comme substantielle lorsqu’au moins une des conditions suivantes est remplie :
a) elle introduit des conditions qui, si elles avaient figuré dans la procédure initiale d’attribution de concession, auraient permis l’admission de candidats autres que ceux initialement admis ou l’acceptation d’une offre autre que celle initialement retenue ou auraient attiré davantage de participants à la procédure d’attribution de concession ;
b) elle modifie l’équilibre économique de la concession en faveur du concessionnaire d’une manière qui n’était pas prévue dans la concession initiale ;
c) elle étend considérablement le champ d’application de la concession ;
d) lorsqu’un nouveau concessionnaire remplace celui auquel le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice a initialement attribué la concession dans d’autres cas que ceux prévus au paragraphe 1, point d).
5. Une nouvelle procédure d’attribution de concession conforme à la présente directive est requise pour des modifications des dispositions d’une concession en cours autres que celles prévues aux paragraphes 1 et 2. »
7 L’article 44 de cette directive, intitulé « Résiliation de concessions », prévoit :
« Les États membres veillent à ce que les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices aient la possibilité, dans les conditions déterminées par le droit national applicable, de résilier une concession en cours lorsqu’au moins une des conditions suivantes est remplie :
a) une modification de la concession a eu lieu, laquelle aurait requis une nouvelle procédure d’attribution de concession conformément à l’article 43 ;
b) le contractant se trouvait, lors de l’attribution du contrat, dans une des situations visées à l’article 38, paragraphe 4, et aurait dès lors dû être exclu de la procédure d’attribution de concession ;
c) la Cour [...] estime, dans le cadre d’une procédure au titre de l’article 258 [TFUE], qu’un État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des traités parce qu’un pouvoir adjudicateur ou une entité adjudicatrice appartenant à cet État membre a attribué la concession en question sans respecter les obligations qui lui incombent en vertu des traités et de la présente directive. »
8 Aux termes de l’article 54, second alinéa, de la directive 2014/23, cette dernière ne s’applique pas à l’attribution de concessions ayant fait l’objet d’une offre ou attribuées avant le 17 avril 2014.
9 L’annexe XI de cette directive, intitulée « Informations qui doivent figurer dans les avis de modification d’une concession en cours conformément à l’article 43 », est libellée comme suit :
« [...]
4. Description de la concession avant et après modification : nature et étendue des travaux, nature et étendue des services.
5. Le cas échéant, changement de la valeur de la concession, y compris une hausse des prix ou des honoraires due à la modification.
6. Description des circonstances qui ont rendu la modification nécessaire.
[...] »
Le droit italien
10 L’article 43 du decreto-legge n. 201 – Disposizioni urgenti per la crescita, l’equità e il consolidamento dei conti pubblici (décret-loi no 201, portant dispositions urgentes pour la croissance, l’équité et la consolidation des comptes publics), du 6 décembre 2011 (supplément ordinaire no 251 à la GURI no 284, du 6 décembre 2011), converti, avec des modifications, en loi par la legge n. 214 (loi no 214) du 22 décembre 2011, tel que modifié par l’article 16 du decreto-legge n. 109 (décret-loi no 109) du 28 septembre 2018, converti, avec des modifications, en loi par la legge n. 130 (loi no 130) du 16 novembre 2018, dispose :
« 1. Les actualisations ou révisions des conventions autoroutières en cours à la date d’entrée en vigueur du présent décret, lorsqu’elles entraînent des changements ou modifications du plan d’investissement ou des aspects de nature réglementaire visant à protéger les finances publiques, sont transmises, après avoir entendu l’Autorité de régulation des transports pour les compétences visées à l’article 37, paragraphe 2, sous g), en ce qui concerne l’identification des systèmes tarifaires, par le [Ministero delle Infrastrutture e dei Trasporti (Ministère des Infrastructures et des Transports, Italie)] au CIPE [Comitato interministeriale per la programmazione economica e lo sviluppo sostenibile (Comité interministériel pour la planification économique et le développement durable, Italie)], qui, après avoir consulté le [Nucleo di consulenza per l’attuazione delle linee guida per la regolazione dei servizi di pubblica utilità (Conseil consultatif pour la mise en œuvre des lignes directrices pour la réglementation des services d’utilité publique, Italie)], se prononce dans les 30 jours et, ensuite, approuvées par un décret du ministre des Infrastructures et des Transports, pris en accord avec le ministre de l’Économie et des Finances, à publier dans les 30 jours à compter de la transmission de la convention par l’administration concédante.
2. Les actualisations ou révisions des conventions autoroutières en cours à la date d’entrée en vigueur du présent décret qui n’entraînent pas les changements ou modifications visées au paragraphe 1, sont approuvées par un décret du ministre de l’Infrastructure et des Transports, pris en accord avec le ministre de l’Économie et des Finances, pris dans les 30 jours de la transmission de la convention par l’administration concédante.
2bis. Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, après avoir entendu l’Autorité de régulation des transports, le concédant contrôle l’application des critères d’établissement des tarifs, en prenant également en compte l’état d’avancement effectif de la réalisation des investissements déjà inclus dans les tarifs.
3. Les actualisations ou révisions des conventions autoroutières, dont les projets d’acte additionnel ont déjà été soumis à l’avis du CIPE à la date d’entrée en vigueur du présent décret, sont approuvées par un décret du ministre des Infrastructures et des Transports, pris en accord avec le ministre de l’Économie et des Finances, à adopter dans les 30 jours à compter de la transmission de la convention par l’administration concédante. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
11 Le 12 octobre 2007, ASPI et l’Azienda Nazionale Autonoma delle Strade (Entreprise nationale autonome pour le réseau routier, Italie) ont conclu la « convention unique de concession d’un ensemble de tronçons autoroutiers », ces tronçons s’étendant sur plus de 2 800 kilomètres. Selon l’article 4 de cette convention, la concession prendra fin le 31 décembre 2038. Le 1er octobre 2012, le ministère des Infrastructures et de la Mobilité durables a succédé à l’Entreprise nationale autonome pour le réseau routier en tant que pouvoir adjudicateur.
12 Le 14 août 2018, le pont Morandi, situé à Gênes, s’est effondré, provoquant la mort de 43 personnes. Ce pont faisait partie du viaduc du Polcevera sur l’autoroute A10, dont l’exploitation est concédée à ASPI. Le 16 août 2018, le ministère des Infrastructures et des Transports a engagé une procédure contre ASPI pour manquement grave aux obligations d’entretien et de conservation du réseau autoroutier.
13 À partir du 10 juillet 2019, plusieurs réunions ont eu lieu entre ASPI, la présidence du Conseil des ministres, le ministère de l’Économie et des Finances et le ministère des Infrastructures et de la Mobilité durables, dans le but de trouver une solution négociée aux litiges pendants relatifs à l’effondrement du pont Morandi.
14 Le 11 juillet 2020, ASPI a soumis une proposition de solution négociée dans laquelle elle s’engageait, premièrement, à payer à titre d’intervention financière compensatoire la somme de 3 400 millions d’euros, deuxièmement, à renforcer les normes de sécurité du réseau autoroutier concédé et, troisièmement, à céder, conjointement avec Mundys SpA, anciennement Atlantia SpA, sa société mère, le contrôle d’ASPI à la Cassa Depositi e Prestiti SpA et à des investisseurs jugés acceptables par cette dernière.
15 Le 14 octobre 2021, sur la base de cette proposition, ASPI et le ministère des Infrastructures et de la Mobilité durables ont conclu un accord de règlement amiable (ci-après « l’accord de règlement amiable »). Conformément à la procédure établie à l’article 43 du décret-loi no 201 visé au point 10 du présent arrêt, cet accord a été approuvé par la décision no 75, du 22 décembre 2021, du CIPE ainsi que par le décret no 37, du 22 février 2022, du ministre des Infrastructures et de la Mobilité durables, pris en accord avec le ministre de l’Économie et des Finances.
16 L’accord de règlement amiable a mis un terme à la procédure engagée contre ASPI pour manquement grave aux obligations d’entretien et de conservation du réseau autoroutier, sans que soit formellement constatée l’existence d’un manquement de la part de cette dernière.
17 L’Adusbef a saisi le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium, Italie), qui est la juridiction de renvoi, d’un recours en annulation contre les deux actes mentionnés au point 15 du présent arrêt, qui ont approuvé l’accord de règlement amiable, ainsi que contre plusieurs actes connexes à cet accord.
18 Dans sa décision de renvoi, cette juridiction a souligné que le pouvoir adjudicateur n’a pas formellement procédé à un examen de la conformité, avec les dispositions de la directive 2014/23, de la modification par l’accord de règlement amiable de la concession autoroutière octroyée à ASPI.
19 Premièrement, le pouvoir adjudicateur n’aurait pas formellement vérifié si la modification apportée à cette concession satisfaisait aux conditions établies à l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), de cette directive. La juridiction de renvoi estime, à cet égard, qu’un manquement aux obligations d’entretien incombant au concessionnaire, susceptible d’affecter la sécurité routière, ne peut être considéré comme une circonstance imprévisible au sens de cette disposition.
20 Deuxièmement, le pouvoir adjudicateur n’aurait pas non plus vérifié si la modification envisagée était susceptible d’altérer « la nature globale de la concession » au sens de l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), ii), de ladite directive.
21 Troisièmement, la juridiction de renvoi souligne que, conformément à l’accord de règlement amiable, Mundys a vendu 88 % du capital d’ASPI à une société holding dont la Cassa Depositi e Prestiti Equity est l’actionnaire majoritaire à hauteur de 51 % et dans laquelle deux fonds étrangers, Macquarie et Blackstone, détiennent chacun 24,5 %. Cependant, le pouvoir adjudicateur n’aurait pas formellement examiné si cette modification de la composition de l’actionnariat d’ASPI nécessitait l’organisation d’une nouvelle procédure d’attribution de concession, notamment au regard de l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, sous d), de la directive 2014/23.
22 Quatrièmement, cette juridiction se demande, à la lumière de l’article 38, paragraphe 7, sous f), et de l’article 38, paragraphe 9, de la directive 2014/23, si l’accord de règlement amiable, qui a conduit à la poursuite de la concession autoroutière en cause dans le litige au principal, aurait dû être précédé d’une évaluation formelle de la fiabilité d’ASPI, suite à l’effondrement du pont Morandi. À cet égard, ladite juridiction note que la reconstruction du pont Morandi a été confiée non pas à ASPI, pourtant titulaire de cette concession incluant l’exploitation de ce pont, mais à des entreprises tierces.
23 Cinquièmement, dans l’hypothèse où une nouvelle procédure d’attribution de concession aurait dû être organisée et/ou le pouvoir adjudicateur aurait dû évaluer la fiabilité du concessionnaire préalablement à la conclusion de l’accord de règlement amiable, la juridiction de renvoi demande à la Cour de se prononcer sur l’interprétation de l’article 44 de la directive 2014/23, qui régit la résiliation des concessions par le pouvoir adjudicateur. En particulier, cette juridiction se demande si cette disposition exige la résiliation d’une concession en cours lorsqu’une modification a été apportée en violation des dispositions de cette directive.
24 Dans ces conditions, le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional pour le Latium) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« [À la lumière des] articles 38, 43 et 44 de la directive 2014/23 :
1) Est-il contraire au droit [de l’Union] d’interpréter la réglementation nationale en ce sens que l’administration concédante peut instruire une procédure de modification concernant la personne du concessionnaire et l’objet d’une concession autoroutière en cours, ou de renégociation de cette concession, sans évaluer ni se prononcer sur l’obligation d’organiser une procédure de mise en concurrence ?
2) Est-il contraire au droit [de l’Union] d’interpréter la réglementation nationale en ce sens que l’administration concédante peut instruire une procédure de modification concernant la personne du concessionnaire et l’objet d’une concession autoroutière en cours, ou de renégociation de cette concession, sans évaluer la fiabilité d’un concessionnaire qui a commis un manquement contractuel grave ?
3) En cas de violation du principe de mise en concurrence et/ou de non fiabilité du titulaire d’une concession autoroutière, le droit [de l’Union] impose-t-il de résilier ladite concession ? »
La procédure devant la Cour
25 Invoquant l’importance de l’affaire au principal au niveau national, la juridiction de renvoi a demandé à la Cour d’appliquer la procédure préjudicielle accélérée prévue à l’article 105 du règlement de procédure de la Cour.
26 Par une décision du 15 décembre 2022, le président de la Cour, le juge rapporteur et l’avocat général entendus, a rejeté cette demande.
27 À cet égard, il convient de rappeler que la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure constitue un instrument procédural destiné à répondre à une situation d’urgence extraordinaire (arrêt du 28 avril 2022, Caruter, C 642/20, EU:C:2022:308, point 21 et jurisprudence citée).
28 En l’occurrence, il ne ressort pas des éléments fournis par la juridiction de renvoi dans sa demande de décision préjudicielle, notamment au soutien de sa demande de procédure accélérée, que la nature de la présente affaire exigerait, à titre exceptionnel, son traitement dans de brefs délais en application de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure.
29 En particulier, la nécessité d’un traitement dans de brefs délais, en application de cette disposition, ne saurait être déduite du seul caractère économiquement ou socialement sensible de l’affaire au principal [voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2022, Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (Assurance maladie complète), C 247/20, EU:C:2022:177, point 45].
Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle
30 Mundys, ASPI, Holding Reti Autostradali SpA et le gouvernement italien ont soutenu que la demande de décision préjudicielle est, dans son ensemble, irrecevable.
31 En premier lieu, Mundys a fait valoir que la directive 2014/23 n’est pas applicable ratione temporis à la concession en cause dans le litige au principal, laquelle a été attribuée le 11 octobre 2007, dès lors que, aux termes de l’article 54, second alinéa, de cette directive, celle-ci ne s’applique pas à l’attribution de concessions ayant fait l’objet d’une offre ou attribuées avant le 17 avril 2014.
32 À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en cas de modification substantielle d’un contrat de concession, la législation de l’Union au regard de laquelle cette modification doit être appréciée est celle en vigueur à la date de cette modification, nonobstant la circonstance que la date de conclusion du contrat de concession initial est antérieure à l’entrée en vigueur des dispositions du droit de l’Union pertinentes (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Sisal e.a., C 721/19 et C 722/19, EU:C:2021:672, point 28).
33 En l’occurrence, la juridiction de renvoi est appelée à déterminer, notamment, si les modifications apportées par l’accord de règlement amiable, lequel a été conclu le 14 octobre 2021, soit postérieurement à l’entrée en vigueur de la directive 2014/23, doivent être considérées comme substantielles par rapport au contrat de concession initial.
34 Il s’ensuit que, dans le litige au principal, la question de savoir si des modifications substantielles ont été apportées au contrat de concession initial par l’accord de règlement amiable doit être appréciée au regard des dispositions de la directive 2014/23.
35 En second lieu, Mundys, ASPI, Holding Reti Autostradali et le gouvernement italien ont soutenu, en substance, que la demande de décision préjudicielle doit être déclarée irrecevable en raison, d’une part, du caractère hypothétique des questions posées et, d’autre part, de l’absence de précisions suffisantes sur le contexte factuel du litige au principal ainsi que sur les dispositions nationales applicables.
36 À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer [arrêt du 21 mars 2023, Mercedes-Benz Group (Responsabilité des constructeurs de véhicules munis de dispositifs d’invalidation), C 100/21, EU:C:2023:229, point 52 et jurisprudence citée].
37 Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêt du 21 mars 2023, Mercedes-Benz Group (Responsabilité des constructeurs de véhicules munis de dispositifs d’invalidation), C 100/21, EU:C:2023:229, point 53 et jurisprudence citée].
38 À cet égard, la Cour a itérativement souligné que la procédure instituée à l’article 267 TFUE constitue un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu’elles sont appelées à trancher et que la justification du renvoi préjudiciel tient non pas dans la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais dans le besoin inhérent à la solution effective d’un litige [arrêt du 9 janvier 2024, G. e.a. (Nomination des juges de droit commun en Pologne), C 181/21 et C 269/21, EU:C:2024:1, point 62 ainsi que jurisprudence citée].
39 Ainsi qu’il ressort des termes mêmes de l’article 267 TFUE, la décision préjudicielle sollicitée doit être « nécessaire » pour permettre à la juridiction de renvoi de « rendre son jugement » dans l’affaire dont elle se trouve saisie [arrêt du 9 janvier 2024, G. e.a. (Nomination des juges de droit commun en Pologne), C 181/21 et C 269/21, EU:C:2024:1, point 63 ainsi que jurisprudence citée].
40 En l’occurrence, les première et deuxième questions posées par la juridiction de renvoi ne relèvent pas des situations énumérées au point 37 du présent arrêt, dans lesquelles la présomption de pertinence d’une question préjudicielle est susceptible d’être renversée. En effet, l’interprétation sollicitée du droit de l’Union dans le cadre de ces questions, qui vise à déterminer si la modification de la concession autoroutière octroyée à ASPI à la suite de l’effondrement du pont Morandi est compatible avec les dispositions de la directive 2014/23, a un rapport direct avec l’objet du litige au principal, la juridiction de renvoi étant saisie d’un recours en annulation contre l’accord de règlement amiable.
41 Tel n’est pas le cas, en revanche, de la troisième question posée par la juridiction de renvoi, comme l’a souligné M. l’avocat général aux points 89 et 90 de ses conclusions.
42 Par cette question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 44 de la directive 2014/23 établit une obligation de résilier une concession en cours lorsqu’une modification y a été apportée en violation soit de l’obligation d’organiser une nouvelle procédure d’attribution, soit de l’éventuelle obligation d’examiner la fiabilité du concessionnaire.
43 En vertu de l’article 44 de cette directive, les États membres doivent veiller à ce que les pouvoirs adjudicateurs aient la possibilité de résilier une concession en cours lorsqu’une modification de la concession a eu lieu sans qu’ait été organisée une nouvelle procédure d’attribution en violation de l’article 43, paragraphe 5, de ladite directive, ou encore lorsque le concessionnaire aurait dû être exclu de la procédure d’attribution de concession en application de l’article 38, paragraphe 4, de la même directive.
44 En l’occurrence, il ressort de la demande de décision préjudicielle et des observations soumises à la Cour que la juridiction de renvoi est saisie d’un recours en annulation introduit par l’Adusbef, une association de consommateurs, contre les actes ayant approuvé l’accord de règlement amiable ainsi que contre plusieurs actes connexes à cet accord.
45 Ainsi, aucun élément du dossier dont dispose la Cour ne laisse apparaître que la juridiction de renvoi serait appelée à examiner une éventuelle résiliation par le pouvoir adjudicateur de la concession autoroutière détenue par ASPI, en application de l’article 44 de la directive 2014/23.
46 Par ailleurs, la Cour constate que, d’une part, la décision de renvoi ne comporte aucune référence à la directive 89/665/CEE du Conseil, du 21 décembre 1989, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à l’application des procédures de recours en matière de passation des marchés publics de fournitures et de travaux (JO 1989, L 395, p. 33), telle que modifiée par la directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007 (JO 2007, L 335, p. 31), et, d’autre part, les explications fournies par la juridiction de renvoi ne permettent pas d’identifier avec la précision requise les dispositions de cette directive dont l’interprétation pourrait, le cas échéant, s’avérer pertinente pour répondre à la troisième question.
47 Il s’ensuit que, en application de la jurisprudence constante rappelée aux points 38 et 39 du présent arrêt, la troisième question doit être déclarée irrecevable.
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
48 Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2014/23 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle le pouvoir adjudicateur peut procéder à la modification d’une concession en cours, concernant la personne du concessionnaire et l’objet de cette concession, sans organiser de nouvelle procédure d’attribution de concession et sans avoir exposé les motifs pour lesquels il a considéré qu’il n’était pas tenu d’organiser une telle procédure.
49 Il y a lieu de relever que la modification de contrats de concession en cours est régie par l’article 43 de la directive 2014/23.
50 Partant, c’est à la lumière des dispositions de cet article qu’il y a lieu de répondre à la première question.
51 La Cour a déjà eu l’opportunité de préciser que ledit article a procédé à une harmonisation exhaustive des hypothèses dans lesquelles, d’une part, les concessions peuvent être modifiées sans pour autant que l’organisation d’une nouvelle procédure d’attribution de concession conforme aux règles établies par ladite directive soit nécessaire à cet effet et de celles dans lesquelles, d’autre part, une telle procédure d’attribution est requise en cas de modification des conditions de la concession (arrêt du 2 septembre 2021, Sisal e.a., C 721/19 et C 722/19, EU:C:2021:672, point 31).
52 En vertu de l’article 43, paragraphe 5, de la directive 2014/23, toute modification des dispositions d’une concession en cours exige, en principe, l’organisation d’une nouvelle procédure d’attribution, à l’exception des modifications visées aux paragraphes 1 et 2 de cet article.
53 Il résulte de ce qui précède que l’article 43, paragraphes 1 et 2, de cette directive énumère de manière exhaustive les situations dans lesquelles une concession en cours peut être modifiée sans organiser de nouvelle procédure d’attribution.
54 En l’occurrence, il est constant que, à la suite de l’effondrement du pont Morandi le 14 août 2018, la concession autoroutière octroyée à ASPI a été modifiée le 14 octobre 2021 par l’accord de règlement amiable sans qu’une nouvelle procédure d’attribution de concession ait été organisée.
55 Il importe de rappeler, à cet égard, que, dans le cadre de la procédure visée à l’article 267 TFUE, fondée sur une nette séparation des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal ainsi que pour interpréter et appliquer le droit national (arrêt du 24 juillet 2023, Lin, C 107/23 PPU, EU:C:2023:606, point 76).
56 Par conséquent, il appartient non pas à la Cour, mais au seul juge national d’apprécier, à la lumière de toutes les circonstances pertinentes, si chacune des modifications apportées par l’accord de règlement amiable à la concession autoroutière détenue par ASPI relève de l’un des cas de figure visés à l’article 43, paragraphes 1 et 2, de la directive 2014/23. Le cas échéant, il en résulterait que lesdites modifications pouvaient être apportées sans organiser de nouvelle procédure d’attribution de concession.
57 En revanche, si le juge national devait constater qu’une ou plusieurs de ces modifications ne relèvent d’aucun cas de figure envisagé à l’article 43, paragraphes 1 et 2, de cette directive, il faudrait en déduire que la ou les modifications concernées ont été réalisées en violation de l’obligation, établie à l’article 43, paragraphe 5, de ladite directive, d’organiser une nouvelle procédure d’attribution de concession.
58 En l’occurrence, la juridiction de renvoi ainsi que les parties ayant soumis des observations à la Cour ont évoqué la possibilité que les modifications apportées par l’accord de règlement amiable relèvent des dispositions de l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, sous c) à e), de la directive 2014/23. Il importe, à cet égard, de fournir à la juridiction de renvoi les éléments d’interprétation du droit de l’Union pertinents pour la résolution du litige au principal.
59 Tout d’abord, en vertu de l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), de cette directive, une concession en cours peut être modifiée sans nouvelle procédure d’attribution à condition, notamment, que la modification soit rendue nécessaire par des circonstances qu’un pouvoir adjudicateur diligent ne pouvait pas prévoir et qu’elle ne change pas la nature globale de la concession.
60 La juridiction de renvoi s’interroge sur l’applicabilité de cette disposition dans des circonstances où la modification apportée à la concession en cours est rendue nécessaire par un manquement contractuel de la part du concessionnaire, qui consisterait, en l’occurrence, en un manquement grave aux obligations d’entretien du réseau autoroutier dont l’exploitation a été concédée à ASPI.
61 Il appartient au seul juge national d’apprécier l’existence d’un tel manquement contractuel de la part du concessionnaire dans les circonstances du litige au principal ainsi que, le cas échéant, celle d’un rapport de causalité entre ce manquement et la modification apportée à la concession en cours.
62 Cela étant, d’une part, il ressort du considérant 75 de la directive 2014/23 que les contrats de concession font généralement intervenir des mécanismes techniques et financiers complexes et de long terme qui sont souvent soumis à un contexte évolutif, de sorte que le législateur de l’Union a estimé nécessaire de clarifier les conditions dans lesquelles des modifications apportées à une concession en cours d’exploitation exigent l’organisation d’une nouvelle procédure d’attribution de concession, en tenant compte de la jurisprudence de la Cour en la matière.
63 D’autre part, il résulte du considérant 76 de la directive 2014/23 que l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), de cette directive a pour objet de conférer aux pouvoirs adjudicateurs et aux entités adjudicatrices une certaine marge de manœuvre pour pouvoir adapter la concession à des circonstances extérieures qu’ils ne pouvaient pas prévoir au moment de l’attribution de celle-ci.
64 Or, un manquement contractuel de la part du concessionnaire ne saurait, en soi, être considéré comme une circonstance qu’un pouvoir adjudicateur diligent ne pouvait pas prévoir, au sens de l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), de la directive 2014/23. Par conséquent, compte tenu de la finalité de cette disposition, telle qu’elle résulte du considérant 76 de cette directive, un manquement du concessionnaire à ses obligations contractuelles n’est pas susceptible de justifier la modification d’une concession en cours sans ouverture à la concurrence.
65 En ce qui concerne, ensuite, l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, sous d), de la directive 2014/23, cette disposition établit les conditions dans lesquelles un nouveau concessionnaire peut remplacer le concessionnaire initial sans qu’il soit besoin d’organiser une nouvelle procédure d’attribution.
66 La juridiction de renvoi s’interroge sur l’applicabilité de cette disposition dans les circonstances du litige au principal, étant donné que l’accord de règlement amiable a entraîné une modification de la composition de l’actionnariat du concessionnaire, à savoir ASPI, décrite au point 21 du présent arrêt, et ayant entraîné un changement durable dans le contrôle d’ASPI.
67 À cet égard, il n’apparaît pas qu’une modification de la composition de l’actionnariat du concessionnaire puisse, en tant que telle, être considérée comme une modification de la concession elle-même, au sens de l’article 43, paragraphe 5, de la directive 2014/23.
68 De manière plus spécifique, les cessions de parts du capital social du concessionnaire, que ce soit au bénéfice de nouveaux actionnaires ou d’actionnaires existants, entraînent non pas le remplacement du concessionnaire initial par un nouveau concessionnaire, cas de figure envisagé à l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, sous d), de cette directive, mais seulement des modifications dans la composition ou dans la répartition du capital social de ce concessionnaire.
69 Dans la mesure où les modifications affectant le capital social du concessionnaire ne modifient pas la concession au sens de l’article 43, paragraphe 5, de la directive 2014/23, elles n’exigent pas l’organisation d’une nouvelle procédure d’attribution.
70 Enfin, il résulte de l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, sous e), de la directive 2014/23, lu en combinaison avec l’article 43, paragraphe 4, de cette directive, que les modifications qui ne sont pas « substantielles » ne doivent pas faire l’objet d’une nouvelle procédure d’attribution. Une modification est considérée comme « substantielle » lorsqu’elle rend les caractéristiques de la concession substantiellement différentes de celles prévues initialement. Le considérant 75 de cette directive précise, à cet égard, que de telles modifications attestent l’intention des parties de renégocier les conditions essentielles de la concession.
71 Conformément à la jurisprudence constante rappelée au point 55 du présent arrêt, il appartient au seul juge national d’apprécier si les modifications apportées par l’accord de règlement amiable, dont la teneur a été résumée au point 14 du présent arrêt, revêtent un caractère « substantiel » au sens des dispositions susmentionnées.
72 Il convient de préciser, à cet égard, que les nouvelles obligations imposées au concessionnaire, telles que le paiement d’une compensation financière ou le renforcement des normes de sécurité du réseau autoroutier concédé, échappent à la présomption établie à l’article 43, paragraphe 4, sous b), de cette directive, en vertu de laquelle doivent toujours être considérées comme substantielles les modifications qui altèrent l’équilibre économique de la concession en faveur du concessionnaire.
73 Il ressort des explications fournies par la juridiction de renvoi que celle ci s’interroge également sur les exigences formelles auxquelles le pouvoir adjudicateur doit se conformer en cas de modification apportée à une concession en cours, à l’image des modifications prévues dans l’accord de règlement amiable qui font l’objet du litige au principal. Il convient, à cet égard, de distinguer deux cas de figure selon que les modifications en question doivent ou non faire l’objet d’une nouvelle procédure d’attribution en application de l’article 43 de la directive 2014/23, ce qu’il appartient à cette juridiction de déterminer.
74 Lorsque la modification envisagée ne relève pas de l’une des situations visées à l’article 43, paragraphes 1 et 2, de cette directive, de sorte que cette modification doit faire l’objet d’une nouvelle procédure d’attribution, toutes les exigences formelles établies au titre II de ladite directive doivent être satisfaites, en particulier la publication d’un avis de concession conformément à l’article 31 de la même directive.
75 Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque la modification d’une concession en cours n’exige pas l’organisation d’une nouvelle procédure d’attribution, les exigences formelles établies au titre II de ladite directive ne sont pas applicables.
76 Dans cette hypothèse, l’article 43, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2014/23 prévoit cependant, dans certains cas, la publication d’un avis de modification au Journal officiel de l’Union européenne conformément à l’article 33 de cette directive, cet avis devant contenir les informations prévues à l’annexe XI de ladite directive.
77 Conformément à l’article 43, paragraphe 1, second alinéa, de la directive 2014/23, cette obligation de publier un avis de modification concerne non pas toutes les modifications pouvant être réalisées sans organiser de nouvelle procédure d’attribution, mais uniquement celles visées à l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, sous b) et c), de cette directive.
78 En outre, cet avis de modification doit être publié postérieurement à la modification envisagée, et non préalablement à celle ci. En effet, le libellé de l’article 43, paragraphe 1, second alinéa, de ladite directive vise de manière univoque les pouvoirs adjudicateurs « qui ont modifié » une concession en cours.
79 Cela étant précisé, il y a encore lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence bien établie, le pouvoir adjudicateur doit se conformer au principe général du droit de l’Union relatif à une bonne administration, ce principe devant être respecté par les États membres lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. Parmi les exigences découlant dudit principe, l’obligation de motivation des décisions adoptées par les autorités nationales revêt une importance particulière, en ce qu’elle permet aux destinataires de ces décisions de défendre leurs droits et de décider en pleine connaissance de cause s’il y a lieu d’introduire un recours juridictionnel contre celles-ci (arrêt du 21 décembre 2023, Infraestruturas de Portugal et Futrifer Indústrias Ferroviárias, C 66/22, EU:C:2023:1016, point 87).
80 Cette obligation de motivation, qui incombe aux pouvoirs adjudicateurs, découle également de leur obligation de garantir la transparence tant de la procédure d’attribution que de l’exécution du contrat de concession, conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 2014/23.
81 Dans le contexte des dispositions de l’article 43, paragraphes 1 et 2, de cette directive, cette obligation de motivation doit permettre, en particulier, aux personnes autres que le concessionnaire de prendre connaissance des motifs pour lesquels le pouvoir adjudicateur a estimé que la concession en cours pouvait être modifiée sans organiser de nouvelle procédure d’attribution.
82 En pratique, cette motivation doit permettre à tout intéressé d’identifier, sans difficulté, les motifs pour lesquels le pouvoir adjudicateur a considéré qu’il n’était pas tenu d’organiser une nouvelle procédure d’attribution de concession en application des dispositions pertinentes de l’article 43, paragraphes 1 et 2, de la directive 2014/23 et/ou des mesures nationales ayant transposé ces dispositions.
83 En effet, en l’absence d’une telle motivation, les personnes susceptibles d’avoir un intérêt à agir contre une telle décision, notamment celles potentiellement lésées par celle ci, ne seraient pas en mesure d’apprécier, en pleine connaissance de cause, l’opportunité d’introduire un recours contre ladite décision.
84 Dans les circonstances du litige au principal, il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si les décisions ayant acté la modification de la concession autoroutière octroyée à ASPI ont satisfait à cette obligation de motivation.
85 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 43 de la directive 2014/23, lu en combinaison avec le principe général de bonne administration, doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle le pouvoir adjudicateur peut procéder à la modification d’une concession en cours, concernant la personne du concessionnaire et l’objet de cette concession, sans organiser de nouvelle procédure d’attribution de concession, pour autant que cette modification ne relève pas de l’article 43, paragraphe 5, de cette directive et que le pouvoir adjudicateur ait exposé les motifs pour lesquels il a considéré qu’il n’était pas tenu d’organiser une telle procédure.
Sur la deuxième question
86 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2014/23 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle le pouvoir adjudicateur peut procéder à la modification d’une concession en cours sans avoir évalué la fiabilité du concessionnaire dans des circonstances où ce dernier a commis ou est suspecté d’avoir commis un manquement contractuel grave.
87 À titre liminaire, en ce qui concerne les déclarations d’ASPI, de Mundys et du gouvernement italien selon lesquelles aucun manquement contractuel du concessionnaire n’a été officiellement constaté en l’occurrence, il importe de rappeler que le juge national est seul compétent pour constater et apprécier les faits du litige au principal.
88 La deuxième question posée par la juridiction de renvoi vise explicitement l’évaluation de la fiabilité « d’un concessionnaire qui a commis un manquement contractuel grave ». Partant, la Cour examinera cette question en se fondant sur cette prémisse factuelle.
89 Conformément à ce qui a été précisé au point 73 du présent arrêt, il y a lieu de distinguer deux cas de figure selon que les modifications apportées à la concession en cours doivent, ou non, faire l’objet d’une nouvelle procédure d’attribution en application de l’article 43 de la directive 2014/23, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer.
90 En premier lieu, si la modification envisagée ne relève pas de l’une des situations visées à l’article 43, paragraphes 1 et 2, de la directive 2014/23, de sorte que cette modification doit faire l’objet d’une nouvelle procédure d’attribution conformément à l’article 43, paragraphe 5, de cette directive, toutes les exigences établies au titre II de la même directive doivent être satisfaites.
91 Parmi ces exigences figurent, notamment, celles relatives à la sélection et à l’évaluation qualitative du candidat, énumérées à l’article 38 de la directive 2014/23.
92 En vertu de l’article 38, paragraphe 1, de cette directive, les conditions de participation, qui visent notamment les capacités professionnelles et techniques, doivent être liées et proportionnées à la nécessité de garantir la capacité du concessionnaire à exploiter la concession, compte tenu de l’objet de la concession et de l’objectif d’assurer une concurrence effective.
93 À l’instar de l’article 57, paragraphe 4, premier alinéa, de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), dont les dispositions correspondent en substance à celles de l’article 38, paragraphe 7, de la directive 2014/23, la faculté, voire l’obligation, pour le pouvoir adjudicateur d’appliquer les motifs d’exclusion énoncés à cette dernière disposition est tout particulièrement destinée à lui permettre d’apprécier l’intégrité et la fiabilité de chaque opérateur économique qui participe à une procédure d’attribution de concession (voir, par analogie, arrêt du 21 décembre 2023, Infraestruturas de Portugal et Futrifer Indústrias Ferroviárias, C 66/22, EU:C:2023:1016, point 56).
94 Le législateur de l’Union a ainsi entendu s’assurer que les pouvoirs adjudicateurs disposent, dans tous les États membres, de la possibilité d’exclure les opérateurs économiques qu’ils jugeraient non fiables (voir, par analogie, arrêt du 21 décembre 2023, Infraestruturas de Portugal et Futrifer Indústrias Ferroviárias, C 66/22, EU:C:2023:1016, point 57).
95 En particulier, l’article 38, paragraphe 7, sous c), de la directive 2014/23 prévoit que les pouvoirs adjudicateurs peuvent exclure ou être obligés par les États membres d’exclure un opérateur économique lorsqu’il est démontré par tout moyen approprié que l’opérateur économique a commis une faute professionnelle grave remettant en cause son intégrité. La Cour a déjà eu l’opportunité de préciser que la notion de « faute professionnelle », qui couvre tout comportement fautif ayant une incidence sur la crédibilité, l’intégrité ou la fiabilité professionnelle de l’opérateur économique en cause, doit faire l’objet d’une interprétation large (voir, par analogie, arrêt du 15 septembre 2022, J. Sch. Omnibusunternehmen et K. Reisen, C 416/21, EU:C:2022:689, point 45).
96 Par ailleurs, si l’article 38, paragraphe 7, de cette directive énumère de manière exhaustive les motifs d’exclusion facultatifs susceptibles de justifier l’exclusion d’un opérateur économique de la participation à une procédure d’attribution de concession pour des raisons fondées sur des éléments objectifs relatifs à ses qualités professionnelles (voir, par analogie, arrêt du 15 septembre 2022, J. Sch. Omnibusunternehmen et K. Reisen, C 416/21, EU:C:2022:689, point 54), rien n’empêche le pouvoir adjudicateur d’imposer des exigences particulièrement élevées concernant l’aptitude et la fiabilité des concessionnaires (voir, par analogie, arrêt du 7 septembre 2023, Commission/Pologne, C 601/21, EU:C:2023:629, point 92).
97 Il s’ensuit que le pouvoir adjudicateur est tenu, préalablement à la modification d’une concession nécessitant l’organisation d’une nouvelle procédure d’attribution en vertu de l’article 43, paragraphe 5, de ladite directive, d’examiner la fiabilité des candidats conformément aux dispositions de l’article 38 de la même directive.
98 En second lieu, dans l’hypothèse où la modification ne doit pas faire l’objet d’une nouvelle procédure d’attribution, au motif qu’elle relève de l’un des cas prévus à l’article 43, paragraphes 1 et 2, de la directive 2014/23, force est de constater que la seule disposition établissant une obligation, dans le chef du pouvoir adjudicateur, de vérifier la fiabilité du concessionnaire se trouve à l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, sous d), ii), de cette directive.
99 Aux termes de cette dernière disposition, lorsqu’un nouveau concessionnaire remplace le concessionnaire initial consécutivement à une succession universelle ou partielle dans la position du concessionnaire initial, à la suite d’opérations de restructuration de société, notamment de rachat, de fusion, d’acquisition ou d’insolvabilité, le nouveau concessionnaire doit remplir les critères de sélection qualitatifs établis initialement.
100 Cependant, pour les motifs indiqués aux points 65 à 69 du présent arrêt, et sous réserve des vérifications d’ordre factuel qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, il n’apparaît pas que l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, sous d), de la directive 2014/23 soit applicable dans des circonstances telles que celles du litige au principal, lesquelles se caractérisent par une modification de la composition de l’actionnariat du concessionnaire, à savoir ASPI.
101 Aucune autre disposition de l’article 43 de cette directive, lequel régit de manière exhaustive les situations dans lesquelles une concession peut être modifiée sans organiser de nouvelle procédure d’attribution, ne prévoit d’obligation, à la charge du pouvoir adjudicateur, de vérifier la fiabilité du concessionnaire.
102 Par ailleurs, si l’article 44 de la directive 2014/23 oblige les États membres à prévoir la possibilité pour le pouvoir adjudicateur de résilier la concession en cours dans trois cas de figure, notamment, en vertu du point a) de cet article, lorsque la modification de la concession aurait dû faire l’objet d’une nouvelle procédure d’attribution, cet article, pas plus qu’aucune autre disposition de cette directive, n’identifie les obligations que les États membres devraient prévoir, à la charge du pouvoir adjudicateur, en cas de manquement du concessionnaire aux obligations que lui impose le contrat de concession.
103 En l’absence d’harmonisation au niveau de l’Union, il appartient à chaque État membre de déterminer les règles permettant au pouvoir adjudicateur de réagir lorsque le concessionnaire a commis ou est suspecté d’avoir commis un manquement contractuel grave, remettant en cause sa fiabilité, en cours d’exécution de la concession.
104 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 43 de la directive 2014/23 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle le pouvoir adjudicateur peut procéder à la modification d’une concession en cours sans avoir évalué la fiabilité du concessionnaire, lorsque cette modification ne relève ni de l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, sous d), ii), ni de l’article 43, paragraphe 5, de cette directive. Il appartient à chaque État membre de déterminer les règles permettant au pouvoir adjudicateur de réagir lorsque le concessionnaire a commis ou est suspecté d’avoir commis un manquement contractuel grave, remettant en cause sa fiabilité, en cours d’exécution de la concession.
Sur les dépens
105 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) dit pour droit :
1) L’article 43 de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession, lu en combinaison avec le principe général de bonne administration,
doit être interprété en ce sens que :
il ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle le pouvoir adjudicateur peut procéder à la modification d’une concession en cours, concernant la personne du concessionnaire et l’objet de cette concession, sans organiser de nouvelle procédure d’attribution de concession, pour autant que cette modification ne relève pas de l’article 43, paragraphe 5, de cette directive et que le pouvoir adjudicateur ait exposé les motifs pour lesquels il a considéré qu’il n’était pas tenu d’organiser une telle procédure.
2) L’article 43 de la directive 2014/23
doit être interprété en ce sens que :
il ne s’oppose pas à une réglementation nationale en vertu de laquelle le pouvoir adjudicateur peut procéder à la modification d’une concession en cours sans avoir évalué la fiabilité du concessionnaire, lorsque cette modification ne relève ni de l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, sous d), ii), ni de l’article 43, paragraphe 5, de cette directive. Il appartient à chaque État membre de déterminer les règles permettant au pouvoir adjudicateur de réagir lorsque le concessionnaire a commis ou est suspecté d’avoir commis un manquement contractuel grave, remettant en cause sa fiabilité, en cours d’exécution de la concession.