Décisions
Cass. com., 6 novembre 2024, n° 23-19.957
COUR DE CASSATION
Autre
Cassation
COMM.
SH
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 novembre 2024
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 614 F-D
Pourvoi n° T 23-19.957
Aide juridictionnelle partielle en demande
au profit de Mme [S].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 11 avril 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 NOVEMBRE 2024
Mme [D] [S], domiciliée [Adresse 4], [Localité 3], a formé le pourvoi n° T 23-19.957 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2022 par la cour d'appel d'Angers (chambre A commerciale), dans le litige l'opposant à la société Banque CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [S], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Banque CIC Ouest, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 22 novembre 2022), par un acte du 9 décembre 2009, la société Banque CIC Ouest (la banque) a consenti à la société Maryvin's (la société) un prêt, garanti par le cautionnement de Mme [S].
2. Par des actes des 5 août 2010 et 27 novembre 2012, Mme [S] s'est encore rendue caution à l'égard de la banque de « tous engagements » souscrits par la société.
3. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné la caution en paiement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme [S] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables en application de l'article 910-4 du code de procédure civile les demandes formées dans ses dernières conclusions tendant à voir rejeter totalement ou partiellement les demandes en paiement et de la condamner en paiement au profit de la banque, alors « qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter dès leurs premières conclusions d'appel l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; que toutefois, constitue un moyen de défense au fond, et non une prétention, la demande en nullité ou en déchéance opposée par le défendeur à seule fin d'obtenir le rejet des demandes en paiement dont il fait l'objet ; qu'en retenant en l'espèce que Mme [S], appelante, qui avait été actionnée en paiement en sa qualité de caution, ne pouvait plus opposer, dans ses dernières conclusions d'appel, la disproportion de son engagement de caution, pour cette raison qu'elle n'avait pas formé cette demande dans ses premières conclusions d'appelante, quand une telle demande, qui ne tendait qu'au rejet de la demande en paiement, constituait un moyen pouvant être soulevé en tout état de cause, la cour d'appel a violé l'article 910-4 du code du procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 64 et 71 du code de procédure civile, et L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 :
5. Aux termes du premier de ces textes, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.
6. Aux termes du deuxième, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.
7. Aux termes du troisième, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
8. Pour déclarer irrecevables les demandes de Mme [S] tendant à rejeter les demandes formées contre elle, l'arrêt retient que Mme [S] n'a pas présenté, dès les premières conclusions notifiées en application de l'article 908 du code de procédure civile, l'ensemble de ses prétentions sur le fond et fait application des dispositions de l'article 910-4, alinéa 1er, dans sa rédaction applicable en la cause.
9. En statuant ainsi, alors que les prétentions de Mme [S] fondées sur la disproportion manifeste de ses engagements de caution à ses biens et revenus, lesquelles tendaient seulement au rejet de la demande en paiement formée par la banque à son encontre, constituaient un moyen de défense au fond, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d' Angers ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne la société Banque CIC Ouest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque CIC Ouest et la condamne à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller rapporteur et Mme Labat, greffier, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
SH
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 novembre 2024
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 614 F-D
Pourvoi n° T 23-19.957
Aide juridictionnelle partielle en demande
au profit de Mme [S].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 11 avril 2023.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 NOVEMBRE 2024
Mme [D] [S], domiciliée [Adresse 4], [Localité 3], a formé le pourvoi n° T 23-19.957 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2022 par la cour d'appel d'Angers (chambre A commerciale), dans le litige l'opposant à la société Banque CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de Mme [S], de la SCP Doumic-Seiller, avocat de la société Banque CIC Ouest, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 22 novembre 2022), par un acte du 9 décembre 2009, la société Banque CIC Ouest (la banque) a consenti à la société Maryvin's (la société) un prêt, garanti par le cautionnement de Mme [S].
2. Par des actes des 5 août 2010 et 27 novembre 2012, Mme [S] s'est encore rendue caution à l'égard de la banque de « tous engagements » souscrits par la société.
3. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné la caution en paiement.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Mme [S] fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables en application de l'article 910-4 du code de procédure civile les demandes formées dans ses dernières conclusions tendant à voir rejeter totalement ou partiellement les demandes en paiement et de la condamner en paiement au profit de la banque, alors « qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties doivent présenter dès leurs premières conclusions d'appel l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ; que toutefois, constitue un moyen de défense au fond, et non une prétention, la demande en nullité ou en déchéance opposée par le défendeur à seule fin d'obtenir le rejet des demandes en paiement dont il fait l'objet ; qu'en retenant en l'espèce que Mme [S], appelante, qui avait été actionnée en paiement en sa qualité de caution, ne pouvait plus opposer, dans ses dernières conclusions d'appel, la disproportion de son engagement de caution, pour cette raison qu'elle n'avait pas formé cette demande dans ses premières conclusions d'appelante, quand une telle demande, qui ne tendait qu'au rejet de la demande en paiement, constituait un moyen pouvant être soulevé en tout état de cause, la cour d'appel a violé l'article 910-4 du code du procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 64 et 71 du code de procédure civile, et L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 :
5. Aux termes du premier de ces textes, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.
6. Aux termes du deuxième, constitue une défense au fond tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.
7. Aux termes du troisième, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
8. Pour déclarer irrecevables les demandes de Mme [S] tendant à rejeter les demandes formées contre elle, l'arrêt retient que Mme [S] n'a pas présenté, dès les premières conclusions notifiées en application de l'article 908 du code de procédure civile, l'ensemble de ses prétentions sur le fond et fait application des dispositions de l'article 910-4, alinéa 1er, dans sa rédaction applicable en la cause.
9. En statuant ainsi, alors que les prétentions de Mme [S] fondées sur la disproportion manifeste de ses engagements de caution à ses biens et revenus, lesquelles tendaient seulement au rejet de la demande en paiement formée par la banque à son encontre, constituaient un moyen de défense au fond, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel d' Angers ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne la société Banque CIC Ouest aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque CIC Ouest et la condamne à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller rapporteur et Mme Labat, greffier, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.