Livv
Décisions

Cass. com., 6 novembre 2024, n° 23-15.254

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme de Lacaussade

Avocats :

Me Carbonnier, SCP Piwnica et Molinié

Montpellier, du 28 févr. 2023

28 février 2023

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 28 février 2023) et les productions, M. [G] et ses quatre enfants ont, par un acte du 20 février 2014, cédé à la Sarl Etsi les actions qu'ils détenaient dans la société Cedi, société mère de la Sas Mobil concepts.

2. L'acte de cession était assorti d'une garantie d'actif et de passif à la charge de M. [G], consentie dans la limite de 300 000 euros et pour une durée de 2 ans. Il était stipulé à cet égard que le cessionnaire devait informer le cédant dans un délai de soixante jours à compter de la date à laquelle il a eu connaissance de la survenance de l'événement de nature à mettre en jeu sa responsabilité au titre de la garantie.

3. L'acte faisait par ailleurs état d'un litige en cours avec la société Pisoni, laquelle recherchait la responsabilité de la société Mobil concepts pour un montant total de 688 720 euros HT n'ayant pas donné lieu à la constitution de provisions dans les comptes de la société Cedi.

4. Le 6 février 2019, invoquant l'existence d'un arrêt du 2 juin 2016 ayant, à la suite d'une instance introduite le 13 décembre 2013, condamné la société Mobil Concepts à payer des dommages et intérêts à la société Pisoni, la société Etsi a indiqué à M. [G] mettre en oeuvre la garantie de passif.

5. Les 9 et 10 juillet 2019, M. [G] a assigné les sociétés Etsi et Cedi pour voir dire que la première n'est pas fondée à mettre en oeuvre la garantie de passif. A titre reconventionnel, la société Etsi a demandé diverses sommes au titre de la garantie de passif.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Les sociétés Etsi et Cedi font grief à l'arrêt de confirmer le jugement du tribunal de commerce en ce qu'il a dit que la société Etsi n'était pas forclose dans son action mais n'était pas fondée à mettre en œuvre la garantie d'actif et de passif stipulée à l'acte de cession du 20 février 2014 en ce qu'elle n'avait pas respecté ses conditions de mise en œuvre, dit que la société Etsi ne peut porter au débit du compte courant d'associé de M. [G] la somme de 150 000 euros, condamné la société Cedi à lui verser la somme de 10 000 euros au titre des intérêts contractuels annuels non versés au 20 février 2019 ainsi qu'au 20 février 2020 et, y ajoutant, de condamner la société Cedi à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des intérêts contractuels annuels dus au 20 février 2021, alors :

« 1°/ que la contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a affirmé "que la mise en œuvre de ladite clause de garantie, par lettre recommandée avec avis de réception (non produit) en date du 10 novembre 2016, se heurte à la forclusion" pour ensuite confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a "dit et jugé que la société Etsi n'est pas forclose dans son action mais n'est pas fondée à mettre en œuvre la garantie d'actif et de passif stipulée à l'acte de cession en date du 20 février 2014" ; qu'en se contredisant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que tout jugement doit être motivé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a "dit et jugé que la société Etsi […] n'est pas fondée à mettre en œuvre la garantie d'actif et de passif stipulée à l'acte de cession en date du 20 février 2014", sans aucunement motiver ce chef de son dispositif insusceptible de reposer sur les motifs du jugement entrepris puisqu'ils sont contraires à ceux de l'arrêt attaqué ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, pour dire que la mise en œuvre de la clause de garantie litigieuse se heurte à la forclusion, la cour d'appel a considéré que le jugement du 25 mai 2016 avait permis à la société Mobil concepts et aux sociétés Etsi et Cedi de prendre connaissance de la mise en jeu de la responsabilité de la société d'exploitation dans le litige "Pisoni" sans que l'arrêt, partiellement confirmatif du 18 décembre 2018 n'ait pu retarder le point de départ de cette connaissance, et que ce jugement avait été signifié par acte d'huissier du 2 juin 2016 à la demande de la société Mobil concepts, quand pourtant la responsabilité de la société Mobil concepts ne s'est retrouvée définitivement engagée que lorsque l'arrêt du 18 décembre 2018 est devenu irrévocable, de sorte que l'événement de nature à mettre en jeu la garantie du cédant à compter duquel le délai de 60 jours commençait à courir était cette décision de justice ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, pris dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

4°/ que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, les sociétés Etsi et Cedi faisaient valoir qu'au jour la cession définitive des titres sociaux intervenue le 20 février 2014, M. [G] savait parfaitement que, le 13 décembre 2013, la société Pisoni avait assigné les sociétés Mobil concepts et Metalco devant le tribunal de commerce de Montpellier, de sorte que le but recherché par la notification prévue à l'article 9.4.1 du contrat de cession avait déjà été atteint, rendant cette notification superfétatoire ; qu'en ne répondant pas à ce moyen des sociétés Etsi et Cedi, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. En premier lieu, si c'est à tort que, tout en confirmant le jugement en ce qu'il avait retenu que la société Etsi n'était pas forclose mais mal fondée dans son action, il retient que la mise en œuvre de la clause de garantie se heurte à la forclusion, l'arrêt n'encourt pas pour autant la censure, dès lors qu'il résulte de ses motifs qu'en dépit du choix de ce terme, c'est parce que les société Esti et Cedi n'avaient pas respecté le délai qui leur était contractuellement imparti pour informer le garant de la survenance d'un événement de nature à mettre en jeu sa responsabilité, que leurs demandes ont été rejetées.

8. En second lieu, après avoir constaté que le jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 25 mai 2016, qui avait permis à la société Mobil Concepts et aux sociétés Etsi et Cedi de prendre connaissance de la mise en jeu de la responsabilité de la première dans le litige l'opposant à la société Pisoni, avait été signifié à la société Mobil Concepts le 2 juin 2016, l'arrêt retient que la clause litigieuse n'est ni limitative ni restrictive quant aux faits susceptibles d'entraîner la garantie devant être notifiés au garant avant l'expiration du délai de soixante jours et que seule l'exigibilité des sommes dues au garant est conditionnée, selon les cas, par l'existence d'une « décision judiciaire exécutoire ».

9. En l'état de ces énonciations, constatations et appréciations, la cour d'appel, répondant aux conclusions prétendument délaissées visées par la quatrième branche, a exactement décidé que la mise en œuvre de la clause de garantie effectuée le 10 novembre 2016 était intervenue après l'expiration du délai contractuel de soixante jours.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.