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Décisions

CA Reims, ch. soc., 6 novembre 2024, n° 23/01953

REIMS

Arrêt

Autre

CA Reims n° 23/01953

6 novembre 2024

Arrêt n°

du 6/11/2024

N° RG 23/01953

OJ/FJ

Formule exécutoire le :

à :

COUR D'APPEL DE REIMS

CHAMBRE SOCIALE

Arrêt du 6 novembre 2024

APPELANTE :

d'un jugement rendu le 17 novembre 2023 par le Conseil de Prud'hommes de CHALONS EN CHAMPAGNE, section Commerce (n° F 22/00051)

S.A.S. DHYGIÉTAL

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par la SCP ACG & ASSOCIES, avocats au barreau de REIMS

INTIMÉ :

Monsieur [B] [E]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Corinne BRIEZ-PROCUREUR, avocat au barreau de REIMS

DÉBATS :

En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 septembre 2024, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François MÉLIN, président de chambre, et Monsieur Olivier JULIEN, conseiller, chargés du rapport, qui en ont rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 6 novembre 2024.

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

Monsieur François MÉLIN, président

Madame Marie-Laure BERTHELOT, conseiller

Monsieur Olivier JULIEN, conseiller

GREFFIER lors des débats :

Monsieur Francis JOLLY, greffier

ARRÊT :

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MÉLIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige :

Selon contrat à durée indéterminée en date du 13 décembre 2016, M. [B] [E] a été embauché par la SAS COCOONCENTER, société de vente de produits de parapharmacie en ligne, en qualité d'opérateur de saisie correspondant à la catégorie professionnelle Employé, catégorie B, niveau Débutant, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1.506 euros, étant précisé que la convention collective applicable est celle des entreprises de vente à distance.

Selon un avenant en date du 19 septembre 2017, prenant effet le 1er octobre 2017, M. [B] [E] occupe le poste de chargé de clientèle bilingue correspondant à la catégorie professionnelle Technicien, catégorie D, niveau Maîtrisant, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1.950 euros.

M. [B] [E] a démissionné de ses fonctions par courrier daté du 31 juillet 2018 et quitté les effectifs de la société le 7 septembre 2018.

Par requête en date du 19 août 2019, M. [B] [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne aux fins de voir modifier la classification professionnelle et d'obtenir les indemnités afférentes.

La SAS COCOONCENTER est devenue la SAS DHYGIETAL le 10 mars 2022.

Après réinscription de l'affaire le 3 juin 2022, le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne, par jugement en date du 17 novembre 2023, a :

- dit que les demandes de M. [B] [E] sont recevables et bien fondées ;

- dit que la SAS DHYGIETAL doit à M. [B] [E] les sommes de :

- 332,05 euros au titre du rappel de salaires et accessoires pour 2016 ;

- 6.812,69 euros au titre du rappel de salaires et accessoires pour 2017 ;

- 2.170,95 euros au titre du rappel de salaires et accessoires pour 2018 ;

- 770,31 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

- 1.000 euros au titre de l'article 700 ;

- rappelé l'exécution provisoire de droit ;

- débouté la SAS DHYGIETAL de ses demandes ;

- dit que chacune des parties supportera ses propres dépens.

La SAS DHYGIETAL a interjeté appel le 14 décembre 2023 en sollicitant l'infirmation de toutes les dispositions du jugement.

Au terme de ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 28 août 2024, la SAS DHYGIETAL demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne le 17 novembre 2023 ;

et statuant à nouveau :

- juger que M. [E] exerce bien les fonctions d'un Technicien catégorie D niveau Maîtrisant de la convention collective nationale des entreprises de vente à distance ;

- juger M. [E] mal fondé en ses demandes, fins et prétentions ;

- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- juger que les calculs de rappels de salaire effectués par M. [E] sont erronés et les ramener aux sommes suivantes :

- de janvier à octobre 2017 : 6.230,08 euros bruts ;

- de janvier à août 2018 : 1.841 euros bruts ;

- à titre d'indemnités compensatrices de congés payés y afférents : 679,06 euros bruts ;

- rappeler que les condamnations éventuelles sont prononcées sous déduction des cotisations sociales et salariales et impôt sur le revenu ;

A titre reconventionnel,

- condamner M. [E] à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et 2.000 euros au titre de l'appel ;

- condamner M. [E] en tous les dépens dont distraction au profit de la SELAS ACG qui en a fait l'avance, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société DHYGIETAL indique qu'elle avait initialement embauché deux opérateurs de saisie en 2013 et 2014 qui étaient chargés de la saisie des fiches produits en vue de leur publication sur un site internet, de leur traduction en anglais et de la tenue d'une hotline français / anglais, puis que M. [B] [E] a été embauché en vue du développement de la société avec la création d'un site internet allemand.

La SAS DHYGIETAL précise que, lors de son embauche, M. [B] [E] n'avait aucune expérience dans le métier, de sorte que le niveau "débutant' a été initialement retenu dans le contrat de travail, d'autant qu'avant la mise en oeuvre du site internet allemand, son travail a essentiellement consisté à faire de la traduction.

Elle reconnaît que la fiche de poste de 2017 a été élaborée en raison de la croissance de la société et de l'évolution des tâches effectuées par ce salarié, avec une classification en catégorie D pour valoriser la maîtrise d'une langue étrangère.

L'employeur estime que, pour un tel poste de chargé de clientèle bilingue, le salarié ne bénéficie pas d'une large autonomie ni d'une grande responsabilité au sens de la catégorie E.

En effet, pour l'employeur, la majorité des tâches accomplies par M. [B] [E] relèvent davantage de la catégorie C, en l'absence de spécificité particulière pour les différentes activités mentionnées dans la fiche de poste, dès lors que le salarié effectue des opérations d'exécution et que les décisions les plus importantes étaient prises par la Direction.

L'employeur soutient que la quasi-totalité de la traduction de fiches produits était confiée à un prestataire extérieur spécialisé, la société Textmaster, à charge pour le salarié de procéder à une vérification.

La SAS DHYGIETAL précise que seuls les dirigeants avaient accès aux comptes bancaires et que les chargés de clientèle ne peuvent effectuer que des opérations de visualisation, d'annulation ou de remboursement en fonction du numéro de transaction, dans la mesure où seule la direction est habilitée à analyser les problématiques et à y apporter une solution, de sorte que M. [B] [E] ne procéde pas à une analyse des erreurs commises.

Elle estime que, contrairement aux allégations du salarié, M. [B] [E] n'avait aucune activité au niveau de la création des fiches produits, puisque son travail consistait à traduire celles qui avaient été élaborées par d'autres salariés et qu'il n'avait pas exercé de compétences de développeur de site internet.

Au terme de ses conclusions, communiquées par voie électronique le 12 juin 2024, M. [B] [E] demande à la cour de :

- déclarer la SAS DHYGIETAL recevable mais mal fondée en son appel ;

- en conséquence, l'en débouter ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne le 17 novembre 2023 ;

- condamner la SAS DHYGIETAL à lui régler la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [B] [E] indique qu'à son arrivée dans l'entreprise, il était le seul à maîtriser l'allemand, qu'il a réalisé des traductions et qu'il a eu des contacts avec les clients lorsque le site Internet était opérationnel.

Il estime que les missions mentionnées dans la fiche de poste établie en 2017 relèvent de plusieurs des catégories prévues par la convention collective, à savoir la catégorie C pour les tâches les plus simples et les catégories D et E, de sorte qu'il y a une polyvalence des compétences.

Il soutient que le référentiel ne reflète pas exactement les tâches qu'il exerçait au sein de la société, dès lors qu'il n'y avait pas de planning défini ni de suivi ou de contrôle des tâches, mais seulement des objectifs à atteindre dans un délai déterminé, de sorte qu'il était libre d'organiser les tâches comme il le souhaitait.

Concernant le traitement des commandes et des réclamations, il affirme que les chargés de clientèle procédaient aux remboursements sans attendre une quelconque autorisation de la direction.

Quant à la traduction des fiches produits, il soutient qu'il devait procéder à un travail de synthèse pour permettre l'intégration des notices sur le site Internet et qu'il lui appartenait de procéder à des reformulations pour mettre en valeur le produit en bénéficiant d'une totale autonomie dans la conception du texte mis en ligne, sans aucun contrôle, puisqu'il était le seul à maîtriser la langue allemande.

Il estime que les tâches qu'il réalisait se rapprochent de l'emploi de concepteur-rédacteur figurant à la catégorie E de la convention collective, lequel a pour mission, à partir d'un cahier des charges, dans le respect des contraintes juridiques et techniques, et dans le cadre de la stratégie commerciale définie, d'assurer la conception et la réalisation de supports de communication graphique et/ou visuelle ou de créer des messages commerciaux sous forme rédactionnelle, graphique, audiovisuelle pour une communication ciblée et performante, dans le but de déclencher l'achat.

En effet, il soutient qu'il a été engagé pour promouvoir des produits et les ventes en Allemagne, qu'il a formé une autre personne, Mme [Z] [D], qui l'a remplacé à son départ de la société et qu'il a suivi une formation en codage informatique notamment pour adapter la mise en forme sur le site internet.

Il indique également qu'il agissait de manière autonome, puisqu'il devait consulter des sites concurrents pour analyser comment un produit similaire était mis en vente pour faire des propositions de modifications afin qu'il soit plus attractif sur le site DHYGIETAL (anciennement COCOONCENTER) ou qu'il avait créé les documents figurant sur les sites français et allemands en s'inspirant de la concurrence, comme par exemple les conditions générales de vente.

Quant à la gestion des problèmes avec les clients, il indique qu'il effectuait des opérations bancaires via Paybox, en étant en mesure de visualiser le compte des clients, de vérifier le paiement et d'effectuer des remboursements ou d'accorder des avoirs.

Motifs de la décision :

A titre liminaire, la cour constate que la recevabilité des demandes de M. [B] [E] n'est pas contestée.

Sur la classification du salarié

Il est constant que la classification d'un salarié doit correspondre aux fonctions réellement exercées par lui dans l'entreprise, la charge de la preuve des fonctions exercées incombant au salarié qui revendique une autre classification que celle qui lui est reconnue par l'employeur.

L'avenant du 24 juin 2011 portant modification de l'annexe "classification" de la convention collective nationale des entreprises de vente à distance, applicable au litige, prévoit que la classification des salariés se fait en deux étapes :

- la classification de l'emploi par catégorie, notamment les catégories D et E pour les techniciens et agents de maîtrise ;

- l'attribution d'un niveau correspondant à la maîtrise des savoir-faire par le salarié dans chaque catégorie : débutant ; maîtrisant ; référent et/ou polyvalent.

Cet avenant précise notamment que les agents de maîtrise et techniciens exercent leur mission dans le cadre d'une délégation et d'objectifs définis le plus souvent dans un cadre annuel, étant relevé que les techniciens sont reconnus pour leur maîtrise d'une ou plusieurs technologies et/ou leur aptitude à la conduite de projets, groupes de travail dans le cadre de leur domaine d'action.

Les niveaux correspondant à cette classification sont définis de la manière suivante :

- niveau débutant : il s'agit du salarié en phase d'acquisition des pratiques professionnelles nécessaires à l'exercice de l'emploi, avec un besoin régulier d'assistance, de contrôle et d'accompagnement. A l'issue d'une période de pratique professionnelle effective d'au maximum 12 mois, les salariés maîtrisant les savoir-faire requis de l'emploi sont classés au niveau maîtrisant ;

- niveau maîtrisant : il s'agit de la maîtrise de l'emploi permettant au salarié d'obtenir de façon régulière et satisfaisante les contributions attendues, d'être force de proposition auprès de sa hiérarchie dans le cadre de son domaine d'activité afin de résoudre des problèmes inhabituels, d'animer des groupes de travail dans son domaine d'activité, d'accueillir les nouveaux collaborateurs de son domaine d'activité et d'assister ses collaborateurs ;

- niveau référent : il s'agit du salarié dominant l'emploi qu'il exerce au point d'être reconnu comme expert.

Quatre critères permettent de définir les catégories et, pour ce qui concerne les techniciens des catégories D et E, il s'agit des éléments suivants :

Catégorie

Autonomie

Activité

Responsabilité

Connaissances requises

D

L'emploi s'organise dans le cadre de programmes ou plannings de travail préétablis. Le contrôle de la bonne réalisation du travail a lieu à la fin des opérations par le responsable hiérarchique.

Réaliser des dossiers ou travaux présentant des spécificités techniques pouvant nécessiter de réunir, de communiquer des informations de nature et de sources diverses.

Propose des solutions, met en oeuvre, contrôle et adapte les méthodes, procédures et moyens mis à sa disposition, pour obtenir les résultats attendus. Il est un relais de communication de l'entreprise.

BTS, DUT ou licence professionnelle. Ce niveau peut être acquis par voie scolaire ou par une formation équivalente ou par l'expérience professionnelle, reconnue le cas échéant par une validation des acquis de l'expérience professionnelle (VAE).

E

L'emploi requiert une autonomie pour organiser son travail en fonction de l'activité conformément aux objectifs fixés avec son responsable hiérarchique (gestion du planning, priorisation des activités à gérer).

Réaliser ou coordonner des travaux relatifs à un projet, nécessitant de maîtriser plusieurs techniques, d'appliquer et d'adapter les actions en vue d'atteindre les objectifs.

Participer à l'élaboration des prévisions, à la communication des résultats et de leur analyse. La maîtrise de sa spécialité lui permet d'apporter des conseils techniques, de proposer et de mettre en oeuvre des solutions nouvelles. L'activité exige d'être en lien avec des interlocuteurs différents et variés pour aboutir à des solutions dans l'intérêt de l'entreprise.

Il contribue par son action à l'amélioration des process de l'entreprise, il élabore les techniques nouvelles, il analyse et adapte les méthodes et détermine les moyens, en vue d'atteindre les objectifs.

Il participe à la détermination de ces objectifs.

Il est un relais de communication de l'entreprise.

BTS, DUT ou licence professionnelle. Ce niveau peut être acquis par voie scolaire ou par une formation équivalente ou par l'expérience professionnelle, reconnue le cas échéant par une VAE.

Le contrat de travail de M. [B] [E] en date du 13 décembre 2016 mentionne que les attributions du salarié sont les suivantes : "saisie de fiches produits en français, allemand et anglais ; traduction de fiches produits en allemand et en anglais et le suivi ; traitement des demandes et/ou litiges clients en français, allemand ou anglais", en précisant que cette liste n'est ni limitative ni immuable.

Selon la fiche de poste "chargé de clientèle bilingue", à laquelle l'avenant au contrat de travail en date du 19 septembre 2017 renvoie expressément, l'objectif est d'assurer la mise à jour et la traduction des informations des produits et d'assurer le traitement des réclamations clients, en précisant notamment les missions suivantes :

- mission n° 1 (traitement des demandes et réclamations clients) en français et en langue étrangère : traiter les demandes d'information orales ou écrites des clients en amont et en aval des ventes ; conseiller et proposer des solutions personnalisées, rapidement et de manière professionnelle lorsque les clients rencontrent des difficultés ; gérer et suivre les litiges liés à la livraison des commandes ; gérer et suivre les demandes de remboursement suite aux litiges ;

- mission n° 2 (litiges transporteurs) : suivre et récupérer les colis retournés par les transporteurs ; suivre les litiges jusqu'à leur solde ; trier les produits récupérés après ouverture des colis ;

- mission n° 3 (rédaction de fiches produits) : mesurer et peser les produits pour établir la fiche produit ; rédiger et saisir les fiches produits à référencer sur le site en fonction de la notice du produit et mentions exigées par la réglementation et par la Direction ; s'assurer de la cohérence avec les autres fiches produits de la marque ou de produits similaires ; mettre à jour les anciennes fiches quand cela est nécessaire ; contrôler la véracité des fiches ;

- mission n° 4 (traduction) dans la langue étrangère attribuée : traduire et adapter tous les supports marketing ; traduire les fiches produits ; contrôler la bonne traduction et l'orthographe des fiches produits déjà traduites ; assister les équipes lors de la création des sites internet dédiés aux pays ;

- mission n° 5 (reporting) : informer régulièrement sa Direction en délivrant les commentaires et indicateurs de suivi de son activité ; participer à l'élaboration continue des process (remontée des problèmes techniques rencontrés par les clients, les bugs...) ;

- mission n° 6 (sécurité) : veiller lors de ses déplacements et ses activités dans l'entrepôt à respecter les consignes de sécurité.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats, notamment par M. [B] [E], que, par courrier du 7 août 2018, postérieurement à sa lettre de démission, celui-ci a sollicité auprès de son employeur la conclusion d'un nouvel avenant à son contrat de travail estimant que certaines de ses missions réelles relèvent davantage de la catégorie E, concepteur-rédacteur, notamment pour les missions n° 3 et 4 mentionnées dans la fiche de poste "chargé de clientèle bilingue".

Au soutien de ses prétentions, M. [B] [E] produit des traductions de mots-clés ou de noms de produits effectuées avant le lancement du site allemand (pièces n° 21 à 23), mais ces éléments ne démontrent pas la nécessité d'une activité de création, s'agissant d'un travail de traduction, pour lequel il a été initialement engagé par la société COCOONCENTER.

De même, les documents produits par l'intéressé concernant un éventuel paramétrage et un codage informatique (pièces n° 24 et 26) contiennent essentiellement des traductions en allemand, mais le salarié ne rapporte pas la preuve qu'il a bénéficié d'une formation spécifique relativement à l'usage de l'outil informatique ou pour la maîtrise du codage informatique.

De plus, concernant les demandes de vérification concernant les fichiers élaborés par un prestataire extérieur, il sera rappelé que cela relève de la mission n° 3 mentionnée dans la fiche de poste et qu'aucune activité de création n'est exigée du salarié.

Quant à une prétendue formation de Mme [Z] [D], les messages électroniques versés aux débats par l'employeur démontrent que son recrutement est intervenu au mois de juin 2018 sans que M. [B] [E] y ait été associé à un titre quelconque, étant relevé que cette dernière a été embauchée au poste de chargée de clientèle bilingue correspondant à la catégorie technicien catégorie D niveau débutant.

En ce qui concerne la gestion d'opérations bancaires par les chargés de clientèle, M. [B] [E] procède par voie d'allégations sans justifier des tâches effectivement accomplies à ce titre, alors que la SAS DHYGIETAL justifie que seuls le président et le directeur général avaient un total accès aux comptes bancaires et que deux autres salariés avaient un accès limité pour des opérations de virement, à l'exclusion des chargés de clientèle.

Par ailleurs, les captures d'écran versées aux débats par la SAS DHYGIETAL démontrent que l'opérateur se contente de sélectionner des items sur un menu déroulant en vue d'un remboursement ou d'une réexpédition, par exemple, ou de cliquer sur des boutons afin de finaliser la procédure de remboursement ou d'annulation de la transaction, sans que cela ne constitue la prise de décision sur le bien-fondé de la réclamation, étant précisé que le mode opératoire SAV produit ne saurait être opposé à M. [B] [E] pour avoir été établi postérieurement à son départ de la société.

M. [B] [E] ne démontre pas, au vu des pièces versées aux débats, qu'il disposait d'une autonomie importante dans l'exécution de ses tâches ni qu'il effectuait des tâches comparables à celles d'un concepteur-rédacteur, dans la mesure où son activité consistait essentiellement à traduire des fiches produits, des mots clés en respectant une structure déjà élaborée.

Dans ces conditions, il n'établit pas que la classification retenue par son employeur, à savoir technicien de catégorie D niveau maîtrisant, ne correspond pas aux tâches qu'il réalisait au sein de la SAS COCOONCENTER devenue SAS DHYGIETAL.

En conséquence, le jugement du conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne en date du 17 novembre 2023 sera infirmé et les demandes de M. [B] [E] rejetées.

Sur les demandes accessoires

Dès lors que M. [B] [E] succombe en ses prétentions, il sera tenu aux dépens tant de première instance que d'appel. Il y a lieu de préciser que les dépens d'appel pourront être directement recouvrés par la SELAS ACG dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile.

De même, il ne saurait prétendre à l'allocation de frais irrépétibles tant en première instance qu'en cause d'appel et il sera débouté de ce chef de demande.

Quant aux frais irrépétibles sollicités par l'employeur, l'équité commande d'allouer à la SAS DHYGIETAL une somme de 1.000 euros au titre des frais exposés en première instance et celle de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Par ces motifs :

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Châlons-en-Champagne en date du 17 novembre 2023 sauf en ce qu'il a déclaré les demandes de M. [B] [E] recevables ;

Statuant à nouveau,

Dit que M. [B] [E] exerce les fonctions de technicien catégorie D niveau maîtrisant de la convention collective nationale des entreprises de vente à distance ;

Déboute M. [B] [E] de sa demande de classification dans la catégorie E ;

Déboute M. [B] [E] de sa demande de rappel de salaires ;

Condamne M. [B] [E] aux dépens de première instance et d'appel ;

Accorde à la SELAS ACG, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile concernant les dépens d'appel ;

Déboute M. [B] [E] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [B] [E] à payer à la SAS DHYGIETAL la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et celle de 1.000 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT