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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 13, 6 novembre 2024, n° 24/11057

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/11057

6 novembre 2024

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRET DU 06 NOVEMBRE 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/11057 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJTRU

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Septembre 2023 -TJ de Paris - RG n°22/05442

DEMANDEUR AU DEFERE :

Monsieur [T] [K]

[Adresse 6]

[Localité 5] Arabie Saoudite

Représenté par Me Anthony BEM, avocat au barreau de PARIS, toque : C2584

DEFENDEUR AU DEFERE :

Maître [G] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Bernard FAU, avocat au barreau de PARIS, toque : E1429 substitué par Me Gregory PARADE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 916 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, et Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de Chambre chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre

Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de Chambre

Mme Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 06 novembre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de Chambre et par Michelle NOMO, Greffière stagiaire, présente lors de la mise à disposition.

***

M. [T] [K] a mandaté M. [G] [P], avocat au barreau de Paris, afin de déposer une requête devant la Cour européenne des droits de l'homme. Cette requête a été déposée le 26 juin 2020 et par lettre du 8 juillet 2020, le greffe de la CEDH a informé M. [K] que sa requête ne pouvait être examinée, au motif qu'il n'avait pas respecté les exigences énumérées à l'article 47 du règlement de la Cour.

Estimant que M. [P] avait engagé sa responsabilité professionnelle, M. [K] l'a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris par acte du 28 avril 2022.

Par jugement du 6 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Paris a :

- condamné M. [P] à payer à M. [K] les sommes de :

- 500 euros au titre de son préjudice financier,

- 250 euros au titre de son préjudice d'image et de réputation,

- 1 000 euros au titre de son préjudice moral,

- condamné M. [P] aux dépens,

- condamné M. [P] à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes,

- dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 24 novembre 2013, M. [K] a interjeté appel de cette décision, en déclarant être domicilié en Arabie Saoudite.

Par ordonnance sur incident du 21 mai 2024, le conseiller de la mise en état a :

- constaté la caducité de la déclaration d'appel,

- dit qu'elle emporte extinction de l'instance et non pas de l'action,

- condamné M. [K] à payer à M. [P] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [K] aux dépens d'appel.

Par requête du 4 juin 2024, M. [K] a formé un déféré à l'encontre de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 29 août 2024, M. [T] [K] demande à la cour de :

- réformer l'ordonnance du conseiller de la mise en état en toutes ses dispositions,

- juger que sa déclaration d'appel n'est pas caduque,

- renvoyer l'affaire à la mise en état afin qu'elle poursuive son cours,

- condamner M. [P] aux entiers dépens,

- condamner M. [P] à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées et déposées le 11 juillet 2024, M. [G] [P] demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions,

- condamner M. [K] à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article

700 du code de procédure civile,

- condamner M. [K] aux entiers dépens.

SUR CE

Sur la caducité de la déclaration d'appel

Le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d'appel, aux motifs que :

- la déclaration d'appel ayant été déposée le 24 novembre 2023, M. [K] disposait d'un délai de trois mois pour conclure, lequel pouvait être augmenté de deux mois en application de l'article 911-2 du code de procédure civile en cas de domiciliation à l'étranger,

- la circonstance que la déclaration d'appel mentionne un domicile en Arabie Saoudite ne suffit pas à établir que l'appelant demeure à l'étranger,

- les pièces produites par M. [K], rédigées en langue étrangère et dont la traduction libre est discutée en défense, ne font pas la preuve d'un domicile à l'étranger, démontrant tout au plus un séjour temporaire de M. [K] en Arabie Saoudite qui n'est pas de nature à lui faire perdre son domicile habituel en France,

- l'appelant n'a pas conclu dans le délai de trois mois de la déclaration d'appel conformément

à l'article 908 du code de procédure civile.

M. [K] fait valoir que :

- ses conclusions déposées au greffe le 18 avril 2024 sont recevables puisqu'il résidait à l'étranger et disposait d'un délai de deux mois supplémentaires pour conclure,

- il ne demeurait plus chez ses parents à [Localité 8] depuis mars 2023 puisqu'il a quitté la France pour demeurer définitivement en Arabie Saoudite,

- Mme [R] citée par le commissaire de justice dans l'acte de signification ne réside pas au [Adresse 2] à [Localité 8] mais au [Adresse 3] de la même rue et ne pouvait valablement témoigner de la réalité de son domicile,

- il justifie d'un bail d'habitation depuis cette date et de deux visas valables jusqu'en 2025,

- il justifie de sa présence en Arabie Saoudite du 26 juillet au 8 novembre 2023 par la production de son billet d'avion et de la preuve du paiement d'un droit aux frontières à l'aéroport [7],

- il justifie de soins d'orthodontie en Arabie Saoudite du 18 avril au 5 novembre 2023.

M. [P] répond que :

- M. [K] ne peut se prévaloir du délai de distance prévu par l'article 911-2 du code de procédure civile puisque l'ensemble des éléments produits démontrent tout au plus un séjour temporaire de ce dernier en Arabie Saoudite, éventuellement réitéré, qui n'est pas de nature à lui faire perdre son domicile habituel en France,

- l'attestation de résidence émanant du bailleur de M. [K] n'est pas de nature à établir un changement de domicile, cette pièce n'étant par ailleurs accompagnée que d'une proposition de traduction libre dont il n'est possible de vérifier ni la pertinence ni le caractère probant,

- il ne justifie pas de la résiliation du bail d'habitation du logement qu'il occupait toujours à la

date de signification du jugement le 25 septembre 2023, la notion de domicile ne se confondant pas avec celle de résidence qu'il met en 'uvre,

- il ne produit pas ses avis d'imposition pour justifier de son prétendu changement de domicile,

- les deux visas produits permettent de confirmer qu'il n'a pas changé de domicile puisqu'il n'a été autorisé à résider en Arabie Saoudite que pour deux courtes périodes de 90 jours chacune pendant les périodes du 15 septembre 2022 au 15 septembre 2023 puis du 16 mars 2024 au 16 mars 2025 et surtout, à la date de signification du jugement le 25 septembre 2023 à la seule adresse connue qu'il avait déclarée dans le cadre de la procédure, il ne pouvait plus résider en Arabie Saoudite puisque son visa avait expiré.

Selon l'article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.

L'article 911-2 du même code prévoit que le délai prévu à l'article 908 est augmenté de deux mois si l'appelant demeure à l'étranger.

Le jugement dont appel a été signifié à M. [K] le 25 septembre 2023 au domicile mentionné dans la décision, soit au [Adresse 2], selon les modalités de l'article 658 du code de procédure civile, l'huissier de justice précisant 'le domicile nous a été confirmé par Mme [R] au numéro [Adresse 2], qui certifie le domicile'.

M. [K] critique vainement cette mention en arguant du fait que Mme [R] habiterait non pas au [Adresse 2] mais au [Adresse 3], ce qui est inexact, l'attestation d'EDF produite mentionnant un logement occupé par cette dernière situé [Adresse 2] signifiant selon toute vraisemblance [Adresse 2] ter et en aucun cas [Adresse 3].

Il verse aux débats devant la cour des documents traduits par un traducteur assermenté dont il ressort qu'il a obtenu deux visas touristiques pour résider en Arabie Saoudite de quatre-vingt-dix jours durant deux périodes, soit du 15 septembre 2022 au 15 septembre 2023 puis du 16 mars 2024 au 16 mars 2025, lesquels ne couvrent pas la période du 25 septembre 2023.

Par ailleurs, il produit une demande de visa pour affaires datée du 13 septembre 2013 pour 90 jours mais pas la réponse donnée à cette demande et une facture d'acquittement de droits aux frontières de l'aéroport [7] international du 8 novembre 2023 dont aucune mention ne permet de la rattacher à sa personne et surtout ne produit pas le billet d'avion correspondant mais un document faisant état d'une demande de changement de date de vol en anglais et peu claire.

Le conseiller de la mise en état a relevé de manière pertinente que le contrat de bail du 23 mars 2023 et les quittances de loyer de mars à novembre 2023 dont il se prévaut ne suffisent pas à démontrer la réalité du domicile à l'étranger alors que le domicile habituel français, déclaré par M. [K], a été constaté par le commissaire de justice, étant souligné que le domicile se différencie de la résidence.

De même, l'attestation de 'résidence' n'est pas davantage pertinente puisqu'elle mentionne une résidence du 23 mars 2023 au 23 mars 2025 alors qu'elle a été établie le 21 décembre 2023 et est en contradiction avec les dates d'autorisation de séjour figurant sur le visa de M. [K], même si ses parents attestent qu'ils ont cessé de l'héberger à leur domicile en mars 2023, celui-ci étant parti habiter en Arabie Saoudite.

L'attestation de ses parents et les factures de soins d'orthodontie produites en appel, dont seule celle datée du 5 novembre 2023 est traduite en français, ne sont pas suffisantes, même si M. [K] était en déplacement temporaire à l'étranger à la date du 5 novembre 2023, pour lui faire perdre son domicile habituel en France alors qu'il n'a obtenu que des visas touristiques de moins de trois mois.

En conséquence, il ne justifie pas pouvoir bénéficier du délai supplémentaire de deux mois pour adresser au greffe ses conclusions d'appelant et ayant formé appel le 24 novembre 2023, il avait jusqu'au 24 février 2024 pour déposer au greffe ses conclusions, ce qu'il n'a fait que le 18 avril suivant. L'ordonnance est donc confirmée en ce qu'elle a déclaré caduque la déclaration d'appel de M. [K].

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont confirmées.

Les dépens d'appel doivent incomber à M. [K] lequel est également condamné à payer à M. [P] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions,

Condamne M. [T] [K] aux dépens,

Condamne M. [T] [K] à payer à M. [G] [P] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFI'RE LA PR''SIDENTE