Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 9, 6 novembre 2024, n° 22/03140
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRET DU 06 NOVEMBRE 2024
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/03140 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFKT7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Décembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/08341
APPELANT
Monsieur [N] [I]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Coralie-Alexandra GOUTAIL, avocat au barreau de PARIS, toque : A0201
INTIMEE
S.A.S. DETAXE INTERNATIONAL FINANCIAL SERVICES
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe GEGLO, avocat au barreau de PARIS, toque : C0611
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre
Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller
Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Madame Marika WOHLSCHIES, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [N] [I] a été engagé en qualité de commercial, pour une durée indéterminée à compter du 14 janvier 2013, par la société Détaxe International Financial Services, qui intervient dans le domaine du remboursement de la TVA aux touristes étrangers. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur commercial.
Monsieur [I] a fait l'objet d'avertissements les 15 juin 2018 et 17 février 2020.
Par lettre du 14 mars 2020, Monsieur [I] était convoqué pour le 24 mars à un entretien préalable à un éventuel licenciement, entretien qui a été reporté en raison de la crise sanitaire.
Par lettre du 7 mai 2020, Monsieur [I] a déclaré prendre acte de la rupture aux torts de l'employeur.
Le 10 novembre 2020, Monsieur [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail. La société Détaxe International Financial Services a demandé à titre reconventionnel la condamnation de Monsieur [I] au paiement d'une indemnité de préavis, ainsi que de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par jugement du 6 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Monsieur [I] de ses demandes, la société Détaxe International Financial Services de ses demandes reconventionnelles et a condamné Monsieur [I] aux dépens.
Monsieur [I] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 février 2022, en visant expressément les dispositions critiquées.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 septembre 2022, Monsieur [I] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes, sa confirmation en ce qu'il a débouté la société de ses demandes reconventionnelles, la requalification de sa prise d'acte en licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse, l'annulation des avertissements des 15 juin 2018 et 17 février 2020, ainsi que la condamnation de la société Détaxe International Financial Services à lui payer les sommes suivantes :
- indemnité compensatrice de préavis : 10 098 € ;
- indemnité de congés payés afférente : 1 009,80 € ;
- indemnité légale de licenciement : 9 151,31 € ;
- rappel de prime contractuelle (pharmacie anglaise) : 7 300 € ;
- rappel de prime-fin d'année 2018 : 3 000 € ;
- rappel de prime-fin d'année 2019 : 3 000 € ;
- dommages et intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse : 60 000 € ;
- dommages et intérêts pour préjudice moral lié au harcèlement : 120 000 € ;
- dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'avertissement du 15 juin 2018 : 5 000 €;
- dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'avertissement du 17 février 2020 : 5 000 € ;
- les intérêts au taux légal avec capitalisation ;
- indemnité pour frais de procédure : 4 000 € ;
- Monsieur [I] demande également que soit ordonnée, sous astreinte de 150 € par jour de retard, la remise de bulletins de salaire, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes.
Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, Monsieur [I] expose que :
- les deux avertissements, qu'il a contestés, étaient injustifiés ;
- il a été victime, à compter de janvier 2018, d'agissements constitutifs de harcèlement moral, consistant en un refus d'augmentation et une menace de sanction, alors qu'il venait d'effectuer l'intérim du poste de directeur général pendant les six derniers mois, en des sanctions injustifiées, des refus injustifiés de versement de primes, une rétrogradation, une mise à l'écart, une absence de réponse à ses mails d'alerte, des retards de paiement de salaires, une absence de réponse à sa demande de rupture conventionnelle, ainsi qu'une procédure de licenciement pour faute grave avortée ;
- ces agissements justifiaient sa prise d'acte aux torts de l'employeur, avec les effets d'un licenciement nul ;
- il rapporte la preuve de son préjudice ;
- la demande d'indemnité de préavis formée par la société Détaxe International Financial Services n'est pas justifiée.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 juillet 2022, la société Détaxe International Financial Services demande la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité de préavis lié à la rupture et demande à ce titre la condamnation de Monsieur [I] à lui payer 15 147 €. Elle demande également sa condamnation à lui payer 10 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi qu'une indemnité pour frais de procédure de 3 000 €. Elle fait valoir que :
- à la suite de la révocation de l'ancienne directrice générale pour malversations, Monsieur [I] a fait preuve de démotivation et de laxisme, puis de rétention d'informations, attitudes justifiant les deux avertissements ;
- ses demandes de primes sont injustifiées ;
- Monsieur [I] n'a pas fait l'objet de harcèlement moral, aucun de ses griefs n'étant fondé ;
- La prise d'acte devant être qualifiée de démission, sa demande d'indemnité de préavis lié à la rupture est fondée ;
- Monsieur [I] ne justifie pas des préjudices allégués.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 septembre 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
* * *
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes de dommages et intérêts relatifs aux sanctions disciplinaires
Il résulte des dispositions de l'article L.1333-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire, la juridiction saisie apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l'employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction et qu'au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'elle estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, Monsieur [I] a fait l'objet d'un avertissement notifié le 15 juin 2018, pour son absence le 6 juin à un rendez-vous, fixé depuis plus d'un mois, avec un client majeur de la société, au motif que l'entreprise avait refusé sa demande d'augmentation de salaire, comportement qualifié " d'une insubordination caractérisée et d'une tentative de chantage financier ". La lettre de notification précise que son absence était d'autant plus inexcusable que le rendez-vous avait pour objet la renégociation des accords avec le client et la conclusion d'un nouveau contrat pour lequel son expertise commerciale était précieuse.
Monsieur [I] a contesté cet avertissement par lettre du 22 juin suivant, adressée au directeur général de l'entreprise, exposant que ce dernier ne lui avait pas demandé de se présenter au rendez-vous, alors qu'il lui avait lui-même écrit le 1er juin qu'à sa demande, il lui laisserai gérer le client en question pour se concentrer sur ses fonctions de directeur commercial.
Monsieur [I] produit ce courriel du 1er juin 2018 dont il n'est ni établi, ni même allégué que le directeur général y aurait répondu.
Ainsi , non seulement la société Détaxe International Financial Services ne justifie pas avoir contesté les déclarations de Monsieur [I] selon lesquelles il n'était plus en charge du client mais ne produit aucun élément établissant qu'elle lui aurait expressément demandé d'être présent eu rendez-vous du 6 juin.
Cette sanction n'était donc pas justifiée. Elle a causé à Monsieur [I] un préjudice moral qu'il convient d'évaluer à 1 000 euros.
Monsieur [I] a fait l'objet d'un second avertissement, notifié le 17 février 2020, pour ne pas avoir transmis à sa direction un courriel que l'administration des Douanes lui avait adressé le 6 décembre précédent et qui concernait une nouvelle règlementation. La lettre expose que cette rétention d'information, découverte le 21 janvier, exposait l'entreprise a des sanctions et a entraîné un retard de mise aux normes de plus d'un mois.
Monsieur [I] a contesté cet avertissement par courriel du 20 février suivant, expliquant qu'il pensait que le directeur général avait reçu le courriel des Douanes du 6 décembre en même temps que lui, puisque, le 2 octobre 2019, il lui avait adressé un courriel (qu'il verse aux débats) transmettant un autre courriel des douanes, tout en lui recommandant de bien vouloir faire le nécessaire auprès de cette administration afin de recevoir ses mails.
Ces explications, qui sont ainsi étayées, permettent de justifier l'omission qui lui est reprochée et ce d'autant plus qu'alors que l'employeur, qui expose avoir découvert le courriel des Douanes le 21 janvier, a attendu le 17 février, soit le lendemain du courriel de demande de rupture conventionnelle du salarié, pour lui reprocher la rétention d'information.
Cette sanction n'était donc pas justifiée. Elle a causé à Monsieur [I] un préjudice moral qu'il convient également d'évaluer à 1 000 euros.
Le jugement doit donc être infirmé sur ces points.
Sur la demande de prime contractuelle ("pharmacie anglaise")
Aux termes de l'article 6 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder.
En l'espèce, le contrat de travail prévoyait, en plus du salaire fixe, des primes" quantitative[s] en Valeur et Volume ", calculées en fonction de deux tableaux, l'un tenant compte des " volumes ", lesquels sont calculés en fonction du nombre de " bordereaux roses et valides " et l'autre des " valeurs ", lesquelles dépendent des montants TTT figurant sur ces mêmes bordereaux. Le contrat précise que " le nombre de bordereaux s'entend par le nombre de bordereaux valides (roses et tamponnés) émis par la boutique sur les 12 premiers mois après sa signature".
Monsieur [I] soutient que le chiffre d'affaires généré par la " Pharmacie anglaise " qui présentait entre 4 500 et 5 500 bordereaux par an, aurait dû lui permettre de bénéficier de primes à hauteur de 7 300 € brut et que cette demande avait fait l'objet de plusieurs réclamations de sa part.
Cependant, il n'expose pas en quoi les conditions contractuelles auraient été réunies, ni ne justifie du montant réclamé.
Au surplus, il ne produit aucune élément probant au soutien de sa demande.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il l'en a débouté.
Sur les demandes de rappels de primes de fin d'année
Le paiement d'une prime n'est obligatoire pour l'employeur que lorsque son versement résulte, soit d'une stipulation contractuelle, soit d'un engagement unilatéral de sa part, soit d'un accord collectif, soit encore d'un usage répondant à des caractères de généralité, de constance et de fixité, auquel cas elle constitue un élément de la rémunération du salarié.
En l'espèce, au soutien de sa demande, Monsieur [I] expose qu'une prime de fin d'année était versée habituellement aux salariés de l'entreprise et qu'il les avait lui-même perçues jusqu'en 2017.
Bien qu'il n'indique pas expressément le fondement juridique de sa demande, il convient de déduire de ces explications qu'il invoque l'existence d'un usage au sein de l'entreprise.
A cet égard, l'examen de ses propres bulletins de paie fait apparaître qu'il a perçu les primes suivantes :
- en décembre 2014 : 516,99 € + 3 003,84 € ;
- en janvier 2015 : 1 341 € ;
- en février 2015 : 2 810 € ;
- en mars 2016 : 1 015 € ;
- en janvier 2017 : 3 956,19 €.
La condition de constance et de fixité du versement de la prime n'est donc pas établi.
Il produit par ailleurs les bulletins de paie d'une seule collègue, employée, faisant apparaître le versement de primes de montants variables (entre 1 000 € et 1 289,87 €) entre 2014 et 2018.
La condition de généralité du versement de la prime n'est donc pas davantage établi.
Il convient donc d'en déduire que ce versement présentait, pour l'employeur, un caractère discrétionnaire.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.
Sur l'allégation de harcèlement moral
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Conformément aux dispositions de l'article L.1154-1 du même code, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il juge utiles.
En l'espèce, pendant l'été 2017, Monsieur [I] a remplacé temporairement la directrice générale de la société, laquelle avait été révoquée de son mandat puis licenciée, pour détournements de fonds. La société Détaxe International Financial Services soutient que, par loyauté pour cette dernière, il a ensuite refusé de la remplacer de façon définitive, puis qu'il a fait preuve de laxisme dans son travail.
C'est dans ce contexte que Monsieur [I] soutient tout d'abord qu'en janvier 2018, il a fait l'objet d'un refus d'augmentation et d'une menace de sanction.
Il produit à cet égard un échange de courriels avec le directeur général, lequel lui a demandé, sous peine de sanctions disciplinaires, de produire le procès-verbal de son audition par l'administration des Douanes, dans le cadre d'une enquête pour fraudes. Par courriel du 2 févier 2018, il lui a indiqué qu'après avoir pris conseil auprès de son avocat, il ne prendrait finalement aucune sanction mais lui a alors néanmoins exposé qu'il refusait de lui accorder l'augmentation de salaire qu'il avait demandée, au motif qu'il n'avait pas détecté la fraude dont l'entreprise avait été victime de la part de l'ancienne directrice générale.
Monsieur [I] ajoute que, compte tenu de ses performances, il aurait pourtant dû faire l'objet d'une augmentation.
Il expose avoir fait l'objet d'une rétrogradation et d'une mise à l'écart et écrivait au directeur général le 1er juin 2018 : "Ce mail pour te dire que je prends acte de ta décision de ne pas vouloir me confier les responsabilités élargies que je souhaite je le regrette mais je vais donc comme tu le veux me concentrer sur le c'ur de mes fonctions et te laisser gérer la partie informatique et la relation avec BENLUX ", étant précisé qu'il s'agissait du principal client de l'entreprise.
Monsieur [I] expose ensuite avoir fait l'objet d'un avertissement injustifié le 15 juin 2018, pour ne pas s'être présenté à un rendez-vous avec ce client. Il résulte des explications qui précèdent que ce grief du salarié est fondé.
Monsieur [I] expose également ne pas avoir perçu la prime contractuelle, ainsi que les primes de fin d'année qui lui étaient dues.
Il résulte toutefois des explications qui précèdent que ce grief n'est pas justifié.
Monsieur [I] expose ensuite que l'employeur n'a pas répondu à son premier mail d'alerte du 2 février 2019. Aux termes de ce courriel, qu'il produit, il se plaignait d'une absence de réponse à ses courriels relatifs à l'exercice de ses fonctions et d'une mise à l'écart, ajoutant qu'il se sentait humilié et que la situation lui était " insupportable ".
Il n'est ni établi, ni même allégué, que l'employeur ait répondu à ce courriel.
Par courriel du 4 avril 2019 intitulé "mal-être au travail ", Monsieur [I] exposait faire l'objet d'une mise à l'écart depuis octobre/novembre 2017, d'un refus injustifié d'augmentation de salaire alors que ses collègues en avaient fait l'objet, de l'existence de sanctions injustifiées, ainsi que de l'annonce de son prochain licenciement et se plaignait d'une dégradation de son état de santé.
Il n'est ni établi, ni même allégué, que l'employeur ait répondu à ce courriel.
Monsieur [I] justifie avoir, parallèlement, sur recommandations de son médecin traitant, consulté le médecin du travail pour des troubles du sommeil et un stress.
Il expose ensuite et justifie qu'à compter du mois de septembre 2019 la société a pris du retard pour le règlement de ses salaires, remboursements de frais et des primes, puisque son salaire de septembre 2019 a été réglé le 7 octobre 2019 au lieu du 30 septembre, celui d'octobre le 24 novembre, que l'abondement de son employeur sur son plan d'épargne a été rejeté en septembre, que le remboursement de ses frais et primes ont été retardés.
Par courriel du 16 février 2020, il s'est plaint de ne pas recevoir de nouvelles de ses demandes de rupture conventionnelle depuis le 9 janvier précédent.
Il a alors reçu, le lendemain, la notification du second avertissement, injustifié ainsi qu'il résulte des développement qui précèdent.
Par lettre du 14 mars 2020, Monsieur [I] était convoqué pour le 24 mars à un entretien préalable à un éventuel licenciement, entretien qui a été reporté en raison de la crise sanitaire et qui n'a pas été suivi de la notification d'un licenciement.
Les faits ainsi retenus (avertissements injustifiés, refus d'augmentation motivés par des griefs non établis, retards de paiement de ses salaires et de remboursements de frais, absence de réponses à ses courriels) pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral, en ce qu'ils sont susceptibles d'entraîner une dégradation des conditions de travail du salarié, de porter atteinte à ses droits et à sa dignité et de compromettre son avenir professionnel.
De son côté, la société Détaxe International Financial Services fait valoir que la demande d'augmentation de rémunération formée par Monsieur [I] n'était pas justifiée, ces résultats étant très médiocres et les difficultés de la société ne le permettant pas.
Il résulte cependant des explications qui précèdent, que le directeur général avait expliqué ce refus par le fait que Monsieur [I] n'avait pas détecté la fraude commise par l'ancienne directrice générale, alors qu'il ne l'a pourtant pas sanctionné pour ce motif et qu'aucune preuve de ce grief n'est d'ailleurs produite.
Pour répondre au grief relatif aux menaces de sanctions lors de l'enquête des douanes, la société Détaxe International Financial Services expose avoir finalement renoncé à sanctionner le salarié. Cependant, cette renonciation n'a pu avoir pour effet d'effacer rétrospectivement la menace qui l'a précédée, d'autant moins qu'elle était assortie d'un refus d'augmentation de rémunération.
La société Détaxe International Financial Services fait ensuite valoir que les deux avertissements étaient fondés, alors qu'il résulte des explications qui précèdent qu'ils ne l'étaient pas.
La société Détaxe International Financial Services conteste ensuite les griefs de mise à l'écart et de rétrogradation et expose que c'est Monsieur [I] qui faisait preuve de négligence dans l'exercice de ses fonctions, s'abstenant, notamment, en 2018, de recruter un nouveau commercial, alors que cette tâche lui incombait. Elle produit l'attestation de Madame [Z], finalement recrutée par le directeur général, qui déclare que Monsieur [I] ne l'a pas soutenue dans ses fonctions et qu'il se désintéressait des siennes au sein de l'entreprise.
Cependant, la société Détaxe International Financial Services n'a pas répondu au courriel susvisé du 1er juin 2018, aux termes duquel Monsieur [I] prenait acte du retrait du principal client de l'entreprise. De plus, malgré les deux avertissements qu'elle lui a adressés, la société Détaxe International Financial Services ne prouve pas lui avoir alors reproché de telles négligences, puisque la convocation à l'entretien préalable à un licenciement ne lui a finalement été adressée que le 14 mars 2020. Enfin, pour expliquer l'absence de réponse à ses alertes, elle se contente de faire valoir que le directeur général a préféré les ignorer " par sagesse ", ce qui constitue une explication peu convaincante.
La société Détaxe International Financial Services explique ensuite que les retards de paiement ont été ponctuels, dus à des difficultés passagères et qu'ils ont concerné tous les salariés de l'entreprise. Il n'en reste pas moins que ce fait, même s'il ne concernait pas que Monsieur [I], s'ajoute aux autres éléments susvisés.
La société Détaxe International Financial Services répond au grief relatif au refus de rupture conventionnelle en faisant valoir que les prétentions de Monsieur [I] n'étaient pas acceptables mais n'explique pas pour autant l'absence de réponse à sa demande écrite du 16 février 2020 ou, pour être plus exact, sa réponse par un avertissement injustifié.
Enfin, la société Détaxe International Financial Services fait valoir que Monsieur [I] n'a fait l'objet que d'un arrêt de travail de 3 jours en 2019, que le médecin du travail l'a déclaré apte et qu'il ne justifie pas d'un traitement à base d'anti-dépresseurs ou de somnifères.
Cependant, cet élément ne constitue pas un élément objectif permettant d'écarter le grief de harcèlement moral et il résulte des explications qui précèdent qu'il en est de même des autres éléments dont la société Détaxe International Financial Services se prévaut.
Contrairement à ce qu'a estimé le conseil de prud'hommes, les faits de harcèlement moral sont donc établis. Ils ont causé à Monsieur [I] un préjudice qu'il convient d'évaluer à 5 000 euros.
Sur l'imputabilité de la rupture
Il est de règle que le salarié peut prendre acte de la rupture du contrat de travail et que cette prise d'acte produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul, lorsqu'il rapporte la preuve de manquements de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
En l'espèce, les faits réitérés constitutifs de harcèlement moral, tels que décrits précédemment, rendaient impossible la poursuite de l'exécution du contrat de travail et justifiaient que Monsieur [I] prît acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.
Contrairement à ce qu'a estimé le conseil de prud'hommes, la prise d'acte de la rupture doit donc produire les effets d'un licenciement.
Il résulte des dispositions des articles L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail qu'est nul le licenciement prononcé au motif que le salarié a subi ou a refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral.
En l'espèce, la prise d'acte étant justifiée par des faits de harcèlement moral, doit donc produire les effets d'un licenciement nul.
Sur les effets de la rupture
La rupture étant qualifiée de licenciement nul, la société Détaxe International Financial Services doit être déboutée de sa demandes reconventionnelle en paiement d'une indemnité de préavis et le jugement doit être confirmé sur ce point.
Monsieur [I] est en revanche fondé en ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de congés payés afférente et d'indemnité légale de licenciement, pour des montants qui ne sont pas contestés.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.
En application des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail, Monsieur [I] est fondé à percevoir une indemnité pour licenciement nul, qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.
Son salaire moyen des 6 derniers mois s'élevait à 5 049 euros.
Au moment de la rupture, Monsieur [I], âgé de 36 ans, comptait plus de 7 ans d'ancienneté. Il a créé sa propre entreprise en juin 2020.
Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d'évaluer son préjudice à 30 300 euros.
Enfin, sur le fondement de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois.
Sur les autres demandes
Les demandes de Monsieur [I] étant en grande partie fondées, la procédure qu'il a engagée ne présente pas de caractère abusif et le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la société de sa demande de dommages et intérêts formée à cet égard.
Il convient d'ordonner la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à France Travail, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire.
Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société Détaxe International Financial Services à payer à Monsieur [I] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 3 000 euros.
Il convient de dire, conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2020, date de convocation directe devant le bureau jugement, conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du même code et de faire application de celles de l'article 1343-2.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [N] [I] de ses demandes de rappels de primes et sauf en ce qu'il a débouté la société Détaxe International Financial Services de ses demandes reconventionnelles ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés ;
Dit que la prise d'acte par Monsieur [N] [I], de la rupture de son contrat de travail le 7 mai 2020 produit les effets d'un licenciement nul ;
Condamne la société Détaxe International Financial Services à payer à Monsieur [N] [I] les sommes suivantes :
- indemnité compensatrice de préavis : 10 098 € ;
- indemnité de congés payés afférente : 1 009,80 € ;
- indemnité légale de licenciement : 9 151,31 € ;
- indemnité pour licenciement nul : 30 300 € ;
- dommages et intérêts pour préjudice moral lié au harcèlement : 5 000 € ;
- dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'avertissement du 15 juin 2018 : 1 000 € ;
- dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'avertissement du 17 février 2020 : 1 000 € ;
- indemnité pour frais de procédure : 3 000 € ;
Dit que les condamnations au paiement, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts et de l'indemnité pour frais de procédure porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2020 et dit que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
Ordonne la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à France Travail, conformes aux dispositions du présent arrêt, dans un délai de 30 jours à compter de sa signification ;
Ordonne le remboursement par la société Détaxe International Financial Services des indemnités de chômage versées à Monsieur [N] [I] dans la limite de six mois d'indemnités ;
Rappelle qu'une copie du présent arrêt est adressée par le greffe à France Travail ;
Déboute Monsieur [N] [I] du surplus de ses demandes ;
Déboute la société Détaxe International Financial Services de ses demandes reconventionnelles ;
Condamne la société Détaxe International Financial Services aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, Le président,
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRET DU 06 NOVEMBRE 2024
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/03140 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFKT7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Décembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/08341
APPELANT
Monsieur [N] [I]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Coralie-Alexandra GOUTAIL, avocat au barreau de PARIS, toque : A0201
INTIMEE
S.A.S. DETAXE INTERNATIONAL FINANCIAL SERVICES
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe GEGLO, avocat au barreau de PARIS, toque : C0611
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre
Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller
Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et par Madame Marika WOHLSCHIES, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Monsieur [N] [I] a été engagé en qualité de commercial, pour une durée indéterminée à compter du 14 janvier 2013, par la société Détaxe International Financial Services, qui intervient dans le domaine du remboursement de la TVA aux touristes étrangers. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de directeur commercial.
Monsieur [I] a fait l'objet d'avertissements les 15 juin 2018 et 17 février 2020.
Par lettre du 14 mars 2020, Monsieur [I] était convoqué pour le 24 mars à un entretien préalable à un éventuel licenciement, entretien qui a été reporté en raison de la crise sanitaire.
Par lettre du 7 mai 2020, Monsieur [I] a déclaré prendre acte de la rupture aux torts de l'employeur.
Le 10 novembre 2020, Monsieur [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail. La société Détaxe International Financial Services a demandé à titre reconventionnel la condamnation de Monsieur [I] au paiement d'une indemnité de préavis, ainsi que de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Par jugement du 6 décembre 2021, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Monsieur [I] de ses demandes, la société Détaxe International Financial Services de ses demandes reconventionnelles et a condamné Monsieur [I] aux dépens.
Monsieur [I] a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 28 février 2022, en visant expressément les dispositions critiquées.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 septembre 2022, Monsieur [I] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes, sa confirmation en ce qu'il a débouté la société de ses demandes reconventionnelles, la requalification de sa prise d'acte en licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse, l'annulation des avertissements des 15 juin 2018 et 17 février 2020, ainsi que la condamnation de la société Détaxe International Financial Services à lui payer les sommes suivantes :
- indemnité compensatrice de préavis : 10 098 € ;
- indemnité de congés payés afférente : 1 009,80 € ;
- indemnité légale de licenciement : 9 151,31 € ;
- rappel de prime contractuelle (pharmacie anglaise) : 7 300 € ;
- rappel de prime-fin d'année 2018 : 3 000 € ;
- rappel de prime-fin d'année 2019 : 3 000 € ;
- dommages et intérêts pour licenciement nul et sans cause réelle et sérieuse : 60 000 € ;
- dommages et intérêts pour préjudice moral lié au harcèlement : 120 000 € ;
- dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'avertissement du 15 juin 2018 : 5 000 €;
- dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'avertissement du 17 février 2020 : 5 000 € ;
- les intérêts au taux légal avec capitalisation ;
- indemnité pour frais de procédure : 4 000 € ;
- Monsieur [I] demande également que soit ordonnée, sous astreinte de 150 € par jour de retard, la remise de bulletins de salaire, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à Pôle emploi, conformes.
Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, Monsieur [I] expose que :
- les deux avertissements, qu'il a contestés, étaient injustifiés ;
- il a été victime, à compter de janvier 2018, d'agissements constitutifs de harcèlement moral, consistant en un refus d'augmentation et une menace de sanction, alors qu'il venait d'effectuer l'intérim du poste de directeur général pendant les six derniers mois, en des sanctions injustifiées, des refus injustifiés de versement de primes, une rétrogradation, une mise à l'écart, une absence de réponse à ses mails d'alerte, des retards de paiement de salaires, une absence de réponse à sa demande de rupture conventionnelle, ainsi qu'une procédure de licenciement pour faute grave avortée ;
- ces agissements justifiaient sa prise d'acte aux torts de l'employeur, avec les effets d'un licenciement nul ;
- il rapporte la preuve de son préjudice ;
- la demande d'indemnité de préavis formée par la société Détaxe International Financial Services n'est pas justifiée.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 juillet 2022, la société Détaxe International Financial Services demande la confirmation du jugement, sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité de préavis lié à la rupture et demande à ce titre la condamnation de Monsieur [I] à lui payer 15 147 €. Elle demande également sa condamnation à lui payer 10 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive, ainsi qu'une indemnité pour frais de procédure de 3 000 €. Elle fait valoir que :
- à la suite de la révocation de l'ancienne directrice générale pour malversations, Monsieur [I] a fait preuve de démotivation et de laxisme, puis de rétention d'informations, attitudes justifiant les deux avertissements ;
- ses demandes de primes sont injustifiées ;
- Monsieur [I] n'a pas fait l'objet de harcèlement moral, aucun de ses griefs n'étant fondé ;
- La prise d'acte devant être qualifiée de démission, sa demande d'indemnité de préavis lié à la rupture est fondée ;
- Monsieur [I] ne justifie pas des préjudices allégués.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 11 septembre 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.
* * *
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes de dommages et intérêts relatifs aux sanctions disciplinaires
Il résulte des dispositions de l'article L.1333-1 du code du travail qu'en cas de litige relatif à une sanction disciplinaire, la juridiction saisie apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, que l'employeur fournit les éléments retenus pour prendre la sanction et qu'au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, la juridiction forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'elle estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
En l'espèce, Monsieur [I] a fait l'objet d'un avertissement notifié le 15 juin 2018, pour son absence le 6 juin à un rendez-vous, fixé depuis plus d'un mois, avec un client majeur de la société, au motif que l'entreprise avait refusé sa demande d'augmentation de salaire, comportement qualifié " d'une insubordination caractérisée et d'une tentative de chantage financier ". La lettre de notification précise que son absence était d'autant plus inexcusable que le rendez-vous avait pour objet la renégociation des accords avec le client et la conclusion d'un nouveau contrat pour lequel son expertise commerciale était précieuse.
Monsieur [I] a contesté cet avertissement par lettre du 22 juin suivant, adressée au directeur général de l'entreprise, exposant que ce dernier ne lui avait pas demandé de se présenter au rendez-vous, alors qu'il lui avait lui-même écrit le 1er juin qu'à sa demande, il lui laisserai gérer le client en question pour se concentrer sur ses fonctions de directeur commercial.
Monsieur [I] produit ce courriel du 1er juin 2018 dont il n'est ni établi, ni même allégué que le directeur général y aurait répondu.
Ainsi , non seulement la société Détaxe International Financial Services ne justifie pas avoir contesté les déclarations de Monsieur [I] selon lesquelles il n'était plus en charge du client mais ne produit aucun élément établissant qu'elle lui aurait expressément demandé d'être présent eu rendez-vous du 6 juin.
Cette sanction n'était donc pas justifiée. Elle a causé à Monsieur [I] un préjudice moral qu'il convient d'évaluer à 1 000 euros.
Monsieur [I] a fait l'objet d'un second avertissement, notifié le 17 février 2020, pour ne pas avoir transmis à sa direction un courriel que l'administration des Douanes lui avait adressé le 6 décembre précédent et qui concernait une nouvelle règlementation. La lettre expose que cette rétention d'information, découverte le 21 janvier, exposait l'entreprise a des sanctions et a entraîné un retard de mise aux normes de plus d'un mois.
Monsieur [I] a contesté cet avertissement par courriel du 20 février suivant, expliquant qu'il pensait que le directeur général avait reçu le courriel des Douanes du 6 décembre en même temps que lui, puisque, le 2 octobre 2019, il lui avait adressé un courriel (qu'il verse aux débats) transmettant un autre courriel des douanes, tout en lui recommandant de bien vouloir faire le nécessaire auprès de cette administration afin de recevoir ses mails.
Ces explications, qui sont ainsi étayées, permettent de justifier l'omission qui lui est reprochée et ce d'autant plus qu'alors que l'employeur, qui expose avoir découvert le courriel des Douanes le 21 janvier, a attendu le 17 février, soit le lendemain du courriel de demande de rupture conventionnelle du salarié, pour lui reprocher la rétention d'information.
Cette sanction n'était donc pas justifiée. Elle a causé à Monsieur [I] un préjudice moral qu'il convient également d'évaluer à 1 000 euros.
Le jugement doit donc être infirmé sur ces points.
Sur la demande de prime contractuelle ("pharmacie anglaise")
Aux termes de l'article 6 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder.
En l'espèce, le contrat de travail prévoyait, en plus du salaire fixe, des primes" quantitative[s] en Valeur et Volume ", calculées en fonction de deux tableaux, l'un tenant compte des " volumes ", lesquels sont calculés en fonction du nombre de " bordereaux roses et valides " et l'autre des " valeurs ", lesquelles dépendent des montants TTT figurant sur ces mêmes bordereaux. Le contrat précise que " le nombre de bordereaux s'entend par le nombre de bordereaux valides (roses et tamponnés) émis par la boutique sur les 12 premiers mois après sa signature".
Monsieur [I] soutient que le chiffre d'affaires généré par la " Pharmacie anglaise " qui présentait entre 4 500 et 5 500 bordereaux par an, aurait dû lui permettre de bénéficier de primes à hauteur de 7 300 € brut et que cette demande avait fait l'objet de plusieurs réclamations de sa part.
Cependant, il n'expose pas en quoi les conditions contractuelles auraient été réunies, ni ne justifie du montant réclamé.
Au surplus, il ne produit aucune élément probant au soutien de sa demande.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il l'en a débouté.
Sur les demandes de rappels de primes de fin d'année
Le paiement d'une prime n'est obligatoire pour l'employeur que lorsque son versement résulte, soit d'une stipulation contractuelle, soit d'un engagement unilatéral de sa part, soit d'un accord collectif, soit encore d'un usage répondant à des caractères de généralité, de constance et de fixité, auquel cas elle constitue un élément de la rémunération du salarié.
En l'espèce, au soutien de sa demande, Monsieur [I] expose qu'une prime de fin d'année était versée habituellement aux salariés de l'entreprise et qu'il les avait lui-même perçues jusqu'en 2017.
Bien qu'il n'indique pas expressément le fondement juridique de sa demande, il convient de déduire de ces explications qu'il invoque l'existence d'un usage au sein de l'entreprise.
A cet égard, l'examen de ses propres bulletins de paie fait apparaître qu'il a perçu les primes suivantes :
- en décembre 2014 : 516,99 € + 3 003,84 € ;
- en janvier 2015 : 1 341 € ;
- en février 2015 : 2 810 € ;
- en mars 2016 : 1 015 € ;
- en janvier 2017 : 3 956,19 €.
La condition de constance et de fixité du versement de la prime n'est donc pas établi.
Il produit par ailleurs les bulletins de paie d'une seule collègue, employée, faisant apparaître le versement de primes de montants variables (entre 1 000 € et 1 289,87 €) entre 2014 et 2018.
La condition de généralité du versement de la prime n'est donc pas davantage établi.
Il convient donc d'en déduire que ce versement présentait, pour l'employeur, un caractère discrétionnaire.
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.
Sur l'allégation de harcèlement moral
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Conformément aux dispositions de l'article L.1154-1 du même code, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il juge utiles.
En l'espèce, pendant l'été 2017, Monsieur [I] a remplacé temporairement la directrice générale de la société, laquelle avait été révoquée de son mandat puis licenciée, pour détournements de fonds. La société Détaxe International Financial Services soutient que, par loyauté pour cette dernière, il a ensuite refusé de la remplacer de façon définitive, puis qu'il a fait preuve de laxisme dans son travail.
C'est dans ce contexte que Monsieur [I] soutient tout d'abord qu'en janvier 2018, il a fait l'objet d'un refus d'augmentation et d'une menace de sanction.
Il produit à cet égard un échange de courriels avec le directeur général, lequel lui a demandé, sous peine de sanctions disciplinaires, de produire le procès-verbal de son audition par l'administration des Douanes, dans le cadre d'une enquête pour fraudes. Par courriel du 2 févier 2018, il lui a indiqué qu'après avoir pris conseil auprès de son avocat, il ne prendrait finalement aucune sanction mais lui a alors néanmoins exposé qu'il refusait de lui accorder l'augmentation de salaire qu'il avait demandée, au motif qu'il n'avait pas détecté la fraude dont l'entreprise avait été victime de la part de l'ancienne directrice générale.
Monsieur [I] ajoute que, compte tenu de ses performances, il aurait pourtant dû faire l'objet d'une augmentation.
Il expose avoir fait l'objet d'une rétrogradation et d'une mise à l'écart et écrivait au directeur général le 1er juin 2018 : "Ce mail pour te dire que je prends acte de ta décision de ne pas vouloir me confier les responsabilités élargies que je souhaite je le regrette mais je vais donc comme tu le veux me concentrer sur le c'ur de mes fonctions et te laisser gérer la partie informatique et la relation avec BENLUX ", étant précisé qu'il s'agissait du principal client de l'entreprise.
Monsieur [I] expose ensuite avoir fait l'objet d'un avertissement injustifié le 15 juin 2018, pour ne pas s'être présenté à un rendez-vous avec ce client. Il résulte des explications qui précèdent que ce grief du salarié est fondé.
Monsieur [I] expose également ne pas avoir perçu la prime contractuelle, ainsi que les primes de fin d'année qui lui étaient dues.
Il résulte toutefois des explications qui précèdent que ce grief n'est pas justifié.
Monsieur [I] expose ensuite que l'employeur n'a pas répondu à son premier mail d'alerte du 2 février 2019. Aux termes de ce courriel, qu'il produit, il se plaignait d'une absence de réponse à ses courriels relatifs à l'exercice de ses fonctions et d'une mise à l'écart, ajoutant qu'il se sentait humilié et que la situation lui était " insupportable ".
Il n'est ni établi, ni même allégué, que l'employeur ait répondu à ce courriel.
Par courriel du 4 avril 2019 intitulé "mal-être au travail ", Monsieur [I] exposait faire l'objet d'une mise à l'écart depuis octobre/novembre 2017, d'un refus injustifié d'augmentation de salaire alors que ses collègues en avaient fait l'objet, de l'existence de sanctions injustifiées, ainsi que de l'annonce de son prochain licenciement et se plaignait d'une dégradation de son état de santé.
Il n'est ni établi, ni même allégué, que l'employeur ait répondu à ce courriel.
Monsieur [I] justifie avoir, parallèlement, sur recommandations de son médecin traitant, consulté le médecin du travail pour des troubles du sommeil et un stress.
Il expose ensuite et justifie qu'à compter du mois de septembre 2019 la société a pris du retard pour le règlement de ses salaires, remboursements de frais et des primes, puisque son salaire de septembre 2019 a été réglé le 7 octobre 2019 au lieu du 30 septembre, celui d'octobre le 24 novembre, que l'abondement de son employeur sur son plan d'épargne a été rejeté en septembre, que le remboursement de ses frais et primes ont été retardés.
Par courriel du 16 février 2020, il s'est plaint de ne pas recevoir de nouvelles de ses demandes de rupture conventionnelle depuis le 9 janvier précédent.
Il a alors reçu, le lendemain, la notification du second avertissement, injustifié ainsi qu'il résulte des développement qui précèdent.
Par lettre du 14 mars 2020, Monsieur [I] était convoqué pour le 24 mars à un entretien préalable à un éventuel licenciement, entretien qui a été reporté en raison de la crise sanitaire et qui n'a pas été suivi de la notification d'un licenciement.
Les faits ainsi retenus (avertissements injustifiés, refus d'augmentation motivés par des griefs non établis, retards de paiement de ses salaires et de remboursements de frais, absence de réponses à ses courriels) pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une situation de harcèlement moral, en ce qu'ils sont susceptibles d'entraîner une dégradation des conditions de travail du salarié, de porter atteinte à ses droits et à sa dignité et de compromettre son avenir professionnel.
De son côté, la société Détaxe International Financial Services fait valoir que la demande d'augmentation de rémunération formée par Monsieur [I] n'était pas justifiée, ces résultats étant très médiocres et les difficultés de la société ne le permettant pas.
Il résulte cependant des explications qui précèdent, que le directeur général avait expliqué ce refus par le fait que Monsieur [I] n'avait pas détecté la fraude commise par l'ancienne directrice générale, alors qu'il ne l'a pourtant pas sanctionné pour ce motif et qu'aucune preuve de ce grief n'est d'ailleurs produite.
Pour répondre au grief relatif aux menaces de sanctions lors de l'enquête des douanes, la société Détaxe International Financial Services expose avoir finalement renoncé à sanctionner le salarié. Cependant, cette renonciation n'a pu avoir pour effet d'effacer rétrospectivement la menace qui l'a précédée, d'autant moins qu'elle était assortie d'un refus d'augmentation de rémunération.
La société Détaxe International Financial Services fait ensuite valoir que les deux avertissements étaient fondés, alors qu'il résulte des explications qui précèdent qu'ils ne l'étaient pas.
La société Détaxe International Financial Services conteste ensuite les griefs de mise à l'écart et de rétrogradation et expose que c'est Monsieur [I] qui faisait preuve de négligence dans l'exercice de ses fonctions, s'abstenant, notamment, en 2018, de recruter un nouveau commercial, alors que cette tâche lui incombait. Elle produit l'attestation de Madame [Z], finalement recrutée par le directeur général, qui déclare que Monsieur [I] ne l'a pas soutenue dans ses fonctions et qu'il se désintéressait des siennes au sein de l'entreprise.
Cependant, la société Détaxe International Financial Services n'a pas répondu au courriel susvisé du 1er juin 2018, aux termes duquel Monsieur [I] prenait acte du retrait du principal client de l'entreprise. De plus, malgré les deux avertissements qu'elle lui a adressés, la société Détaxe International Financial Services ne prouve pas lui avoir alors reproché de telles négligences, puisque la convocation à l'entretien préalable à un licenciement ne lui a finalement été adressée que le 14 mars 2020. Enfin, pour expliquer l'absence de réponse à ses alertes, elle se contente de faire valoir que le directeur général a préféré les ignorer " par sagesse ", ce qui constitue une explication peu convaincante.
La société Détaxe International Financial Services explique ensuite que les retards de paiement ont été ponctuels, dus à des difficultés passagères et qu'ils ont concerné tous les salariés de l'entreprise. Il n'en reste pas moins que ce fait, même s'il ne concernait pas que Monsieur [I], s'ajoute aux autres éléments susvisés.
La société Détaxe International Financial Services répond au grief relatif au refus de rupture conventionnelle en faisant valoir que les prétentions de Monsieur [I] n'étaient pas acceptables mais n'explique pas pour autant l'absence de réponse à sa demande écrite du 16 février 2020 ou, pour être plus exact, sa réponse par un avertissement injustifié.
Enfin, la société Détaxe International Financial Services fait valoir que Monsieur [I] n'a fait l'objet que d'un arrêt de travail de 3 jours en 2019, que le médecin du travail l'a déclaré apte et qu'il ne justifie pas d'un traitement à base d'anti-dépresseurs ou de somnifères.
Cependant, cet élément ne constitue pas un élément objectif permettant d'écarter le grief de harcèlement moral et il résulte des explications qui précèdent qu'il en est de même des autres éléments dont la société Détaxe International Financial Services se prévaut.
Contrairement à ce qu'a estimé le conseil de prud'hommes, les faits de harcèlement moral sont donc établis. Ils ont causé à Monsieur [I] un préjudice qu'il convient d'évaluer à 5 000 euros.
Sur l'imputabilité de la rupture
Il est de règle que le salarié peut prendre acte de la rupture du contrat de travail et que cette prise d'acte produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul, lorsqu'il rapporte la preuve de manquements de l'employeur faisant obstacle à la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
En l'espèce, les faits réitérés constitutifs de harcèlement moral, tels que décrits précédemment, rendaient impossible la poursuite de l'exécution du contrat de travail et justifiaient que Monsieur [I] prît acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.
Contrairement à ce qu'a estimé le conseil de prud'hommes, la prise d'acte de la rupture doit donc produire les effets d'un licenciement.
Il résulte des dispositions des articles L.1152-2 et L.1152-3 du code du travail qu'est nul le licenciement prononcé au motif que le salarié a subi ou a refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral.
En l'espèce, la prise d'acte étant justifiée par des faits de harcèlement moral, doit donc produire les effets d'un licenciement nul.
Sur les effets de la rupture
La rupture étant qualifiée de licenciement nul, la société Détaxe International Financial Services doit être déboutée de sa demandes reconventionnelle en paiement d'une indemnité de préavis et le jugement doit être confirmé sur ce point.
Monsieur [I] est en revanche fondé en ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de congés payés afférente et d'indemnité légale de licenciement, pour des montants qui ne sont pas contestés.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes.
En application des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail, Monsieur [I] est fondé à percevoir une indemnité pour licenciement nul, qui ne peut être inférieure aux six derniers mois de salaire.
Son salaire moyen des 6 derniers mois s'élevait à 5 049 euros.
Au moment de la rupture, Monsieur [I], âgé de 36 ans, comptait plus de 7 ans d'ancienneté. Il a créé sa propre entreprise en juin 2020.
Au vu de cette situation, et de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle il convient d'évaluer son préjudice à 30 300 euros.
Enfin, sur le fondement de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient de condamner l'employeur à rembourser les indemnités de chômage dans la limite de six mois.
Sur les autres demandes
Les demandes de Monsieur [I] étant en grande partie fondées, la procédure qu'il a engagée ne présente pas de caractère abusif et le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté la société de sa demande de dommages et intérêts formée à cet égard.
Il convient d'ordonner la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à France Travail, conformes aux dispositions du présent arrêt, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire.
Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner la société Détaxe International Financial Services à payer à Monsieur [I] une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'il a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 3 000 euros.
Il convient de dire, conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, que les condamnations à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2020, date de convocation directe devant le bureau jugement, conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du même code et de faire application de celles de l'article 1343-2.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [N] [I] de ses demandes de rappels de primes et sauf en ce qu'il a débouté la société Détaxe International Financial Services de ses demandes reconventionnelles ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés ;
Dit que la prise d'acte par Monsieur [N] [I], de la rupture de son contrat de travail le 7 mai 2020 produit les effets d'un licenciement nul ;
Condamne la société Détaxe International Financial Services à payer à Monsieur [N] [I] les sommes suivantes :
- indemnité compensatrice de préavis : 10 098 € ;
- indemnité de congés payés afférente : 1 009,80 € ;
- indemnité légale de licenciement : 9 151,31 € ;
- indemnité pour licenciement nul : 30 300 € ;
- dommages et intérêts pour préjudice moral lié au harcèlement : 5 000 € ;
- dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'avertissement du 15 juin 2018 : 1 000 € ;
- dommages et intérêts pour préjudice moral lié à l'avertissement du 17 février 2020 : 1 000 € ;
- indemnité pour frais de procédure : 3 000 € ;
Dit que les condamnations au paiement, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts et de l'indemnité pour frais de procédure porteront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les autres condamnations porteront intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2020 et dit que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
Ordonne la remise d'un bulletin de salaire rectificatif, ainsi que d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à France Travail, conformes aux dispositions du présent arrêt, dans un délai de 30 jours à compter de sa signification ;
Ordonne le remboursement par la société Détaxe International Financial Services des indemnités de chômage versées à Monsieur [N] [I] dans la limite de six mois d'indemnités ;
Rappelle qu'une copie du présent arrêt est adressée par le greffe à France Travail ;
Déboute Monsieur [N] [I] du surplus de ses demandes ;
Déboute la société Détaxe International Financial Services de ses demandes reconventionnelles ;
Condamne la société Détaxe International Financial Services aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier, Le président,