CA Paris, Pôle 5 ch. 6, 6 novembre 2024, n° 24/01587
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Société Générale de Restauration de Matignon (SAS)
Défendeur :
Société Générale (SA), BTSG (SCP)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Braud
Vice-président :
M. Bailly
Conseiller :
Mme Chaintron
Avocats :
Me Boccon Gibod, Me Erian, Me Vincent, Me Lounana
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par acte sous seing privé en date du 3 mars 2010, la Société Générale a consenti un prêt d'investissement à la Société générale de restauration Matignon (SGRM) d'un montant de 1 520 000 euros sous la garantie du nantissement du fonds de commerce et des engagements de caution solidaire de MM. [K] [M], [T] [O], [V] [O], [X] [O].
A la suite du défaut de paiement d'échéances successives en 2012 pour lesquelles des mises en demeure de payer adressées par la Société Générale à la SGRM et aux cautions n'ont pas été suivies d'effet, le 17 avril 2014, la Société Générale s'est prévalue de l'exigibilité anticipée du prêt et a vainement mis en demeure la SGRM, puis les cautions de s'acquitter de la somme de 1 385 996,86 euros.
Par exploits d'huissier en date du 25 septembre 2014, la Société Générale a fait assigner d'une part, la SGRM, débitrice principale, et, d'autre part, M. [T] [O], en sa qualité de caution devant le tribunal de commerce de Paris aux fins, notamment, de les voir condamner solidairement au titre de leur dette respective résultant du prêt de 1 520 000 euros, et de voir condamner la SGRM au paiement de la somme de 26 678 euros au titre du solde débiteur de son compte courant et d'un crédit d'investissements non cautionné par M. [T] [O].
Par exploits d'huissier délivrés également le 25 septembre 2014, la Société Générale a fait assigner MM. [K] [M], [V] [O] et [X] [O], devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de les voir condamner au paiement de leur dette au titre de leurs engagements de caution.
Lors de l'audience du 4 mars 2015 devant le tribunal de commerce de Paris, la SGRM ainsi que M. [T] [O] ont régularisé des conclusions d'incident de connexité au visa des dispositions de l'article 101 du code de procédure civile et sollicité du tribunal de commerce de renvoyer le litige concernant M. [T] [O] pris en sa qualité de caution devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement avant dire droit en date du 9 juillet 2015, le tribunal de commerce de Paris a débouté M. [T] [O] de sa demande de renvoi devant le tribunal de grande instance de Paris et retenu que le litige relevait de sa compétence.
Le 15 juillet 2015, M. [T] [O] et la société SGRM ont formé un contredit devant la cour d'appel de Paris.
Par arrêt en date du 17 décembre 2015, cette cour, après avoir déclaré la société SGRM irrecevable en son contredit, a jugé le contredit de M. [T] [O] non fondé et renvoyé les parties devant le tribunal de commerce de Paris déjà saisi.
M. [T] [O] est décédé le [Date décès 10] 2018.
Par exploit d'huissier du 2 avril 2019, la Société Générale a fait assigner en intervention forcée Mme [L] [N], M. [V] [O] et M. [X] [O] en leurs qualités d'ayants droits de M. [T] [O].
Par ordonnance sur requête en date du 7 juin 2019, le président du tribunal de commerce de Paris a désigné Me [C] [F] en qualité de mandataire ad hoc de la SGRM avec pour mission de 'représenter la SGRM (...) et récupérer tout document relatif à la désignation du nouveau président de la SGRM.'
Par jugement du 29 janvier 2020, le tribunal de commerce de Paris a dit Mme [L] [N], M. [V] [O] et M. [X] [O] mal fondés en leurs exceptions d'incompétence au profit du tribunal judiciaire de Paris.
Par déclaration du 7 février 2020, Mme [L] [N], M. [V] [O] et M. [X] [O] ont interjeté appel de ce jugement qui a été confirmé par la cour d'appel de Paris par arrêt du 2 décembre 2020.
Le 2 décembre 2020, les consorts [O]-[N] ont formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt et le 7 décembre 2020, l'affaire a été retirée du rôle du tribunal de commerce dans l'attente de l'issue du pourvoi en cassation.
Par jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 22 décembre 2020, la SGRM a été placée en liquidation judiciaire et la SCP BTSG en la personne de Me [E] [U] désignée en qualité de liquidateur judiciaire.
Le 26 janvier 2021, la Société Générale a déclaré ses créances au passif de la procédure.
Par arrêt du 30 mars 2022, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi des consorts [O].
L'affaire a été réinscrite au rôle du tribunal pour mise en cause du liquidateur judiciaire.
Par exploit d'huissier du 9 janvier 2023, la Société Générale a fait assigner en intervention forcée la SCP BTSG en la personne de Me [U], liquidateur judiciaire de la SGRM.
Par l'intermédiaire de leur conseil, la SGRM, Mme [L] [N] et MM. [V] et [X] [O] ont fait sommation à la Société Générale de communiquer pour
l'audience du 30 janvier 2023 'la lettre de mise en jeu de la garantie OSEO et le justificatif des fonds reçus en exécution de la garantie OSEO.'
Par jugement avant dire droit rendu le 21 novembre 2023, le tribunal de commerce de Paris a :
- joint l'affaire 2023003420 sous le numéro J2019000247 ;
- dit la SGRM irrecevable en sa demande pour défaut de qualité à agir au visa de l'article L.641-9 alinéas 1 et 2 du code de commerce,
- dit M. [V] [O], M. [X] [O] et Mme [L] [N], recevables en leur action,
- débouté les demandeurs à l'incident de leur demande de communication de pièces celle- ci étant manifestement infondée et dilatoire,
- condamné solidairement M. [V] [O], M. [X] [O] et Mme [L] [N] à verser à la Société Générale la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance,
- condamné solidairement M. [V] [O], M. [X] [O] et Mme [L] [N] à une amende civile de 3 000 euros pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- dit que le greffe de ce tribunal transmettra une expédition exécutoire du présent jugement au Service Amendes de la Direction Régionale des Finances Publiques de Paris situé [Adresse 5] [Localité 15] pour en permettre la mise en recouvrement,
Sur la suite de la procédure,
- renvoyé l'affaire au fond à l'audience de mise en état du 4 décembre 2023 à 14 heures.
Par déclaration du 9 janvier 2024, la SGRM a relevé appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 août 2024, la SGRM demande, au visa des articles 31, 11 alinéa 2, 142, 138 et 139, 865 du code de procédure civile, de la sommation de communiquer à avocat, de la sommation de faire d'huissier à BPIfrance (anciennement Oseo) en date du 17 juillet 2024, de la réponse de BPIfrance en date du 31 juillet 2024, à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a dite irrecevable en sa demande pour défaut de qualité à agir et en ce qu'il a débouté les demandeurs à l'incident de leur demande de communication de pièces celle-ci étant manifestement infondée et dilatoire,
Statuant à nouveau,
- la déclarer recevable en sa demande,
- juger bien fondée sa demande de production de pièces,
En conséquence,
- ordonner à la Société Générale de produire aux débats :
- sa lettre de demande de mise en jeu de la garantie Oseo (désormais BPIfrance),
- le justificatif des fonds reçus en exécution de la garantie Oseo,
et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt,
Dans tous les cas,
- déclarer irrecevables les demandes de la Société Générale de confirmation du jugement déféré du chef de ses dispositions concernant les intimés M. [V] [O], M. [X] [O] et Mme [L] [N],
- débouter la Société Générale de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner la Société Générale à lui verser une somme de 4 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel dont distraction auprès de la SELARL LX Paris-Versailles-Reims.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 27 août 2024, la Société Générale demande au visa des articles 122 et suivants, 133, 134 et 865 du code de procédure civile, 1104 du code civil, L.641-9 alinéas 1 et 2 du code de commerce et 32-1 du code de procédure civile, à la cour de :
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 novembre 2023, dont appel, en l'ensemble des dispositions,
Ce faisant, s'agissant des demandes de l'appelant :
A titre principal :
- juger la société Société générale de restauration Matignon (SGRM) irrecevable en sa demande, pour défaut de qualité à agir, sur le fondement de L.641-9 alinéas 1 et 2 du code de commerce;
A titre subsidiaire :
- juger la société SGRM, tiers à la garantie Oseo, irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, à solliciter la communication de la lettre de mise en jeu de la garantie Oseo et du justificatif des prétendus fonds reçus par elle en exécution de cette dernière,
A titre plus subsidiaire :
- juger que la demande de communication de pièces, objet de la présente instance, est dilatoire et mal fondée ;
S'agissant des conclusions de M. [V] [O], M. [X] [O] et Mme [L] [N] :
- juger que les consorts [O] et [N] ne sollicitent pas l'infirmation du jugement entrepris ;
- juger que le rapport à justice des consorts [O] et [N] doit par conséquent être analysé en une contestation de la recevabilité et du bien-fondé de l'appel interjeté par la société SGRM,
En toutes hypothèses :
- débouter en toutes hypothèses la société SGRM de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement M. [V] [O], M. [X] [O] et Mme [L] [N] à payer une amende civile de 3 000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné solidairement M. [V] [O], M. [X] [O] et Mme [L] [N] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance,
- en cause d'appel, condamner tout succombant à lui verser la somme de 3 000 euros, ainsi qu'aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Isabelle Vincent.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 juillet 2024, les consorts [O]- [N] demandent à la cour de :
- leur donner acte de ce qu'ils se réservent tout droit de contester la régularité et le bien fondé du jugement dont appel, auxquels ils n'acquiescent nullement, dans le cadre d'un éventuel appel à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Paris à intervenir et statuant sur le fond,
- leur donner acte de ce qu'ils s'en remettent à la sagesse de la cour pour juger des mérites de l'appel formé par la société SGRM,
- débouter le Société Générale et tout concluant de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions dirigées à leur encontre,
Statuer ce que de droit s'agissant des frais irrépétibles et des dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 septembre 2024 et l'audience fixée au 23 septembre 2024.
MOTIFS
Sur la qualité à agir de la SGRM
La SGRM expose que le débiteur dispose d'un droit propre à se défendre dans le cadre d'une action en justice introduite contre lui par le créancier, avant l'ouverture de la procédure collective, et qui se poursuit après le jugement d'ouverture pour obtenir la fixation de la créance au passif. Elle critique le jugement déféré en ce que, bien qu'il ait justement rappelé qu'elle possède un droit propre à se défendre dès lors qu'elle conteste son passif, il l'a déclaré irrecevable en sa demande pour défaut de qualité à agir au motif qu'aucun représentant légal n'était présent à l'audience et que, par ailleurs, la société était laissée en déshérence depuis le décès de son gérant, M. [T] [O] le [Date décès 10] 2018.
Elle fait valoir que :
- elle était représentée par M. [X] [O], nommé en qualité de directeur général par l'assemblée en date du 30 août 2019, qui était habilité à la représenter à l'égard des tiers et était investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance en son nom,
- son représentant n'avait pas l'obligation de comparaître en personne à l'audience dès lors qu'il comparaissait par son avocat ainsi qu'il résulte de la page une du jugement déféré.
La Société Générale réplique que :
- la société SGRM étant dessaisie de ses droits consécutivement à l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, cette dernière n'a pas qualité pour ester en justice en l'absence de son liquidateur judiciaire,
- dans l'hypothèse où la cour considérerait que la société SGRM n'a pas été dessaisie et exercerait un droit propre, ce droit doit être exercé conformément aux dispositions légales en vigueur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce,
- en effet, la SGRM ne peut exercer ce droit seule et doit le faire en la présence de l'organe de la procédure représentant la personne morale ; or, le président de la SGRM est décédé et son poste vacant à ce jour.
L'article L. 641-9 alinéas 1 et 2 du code de commerce, dans sa version en vigueur applicable au litige, dispose que:
'I.-Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime.
Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.
II. - Lorsque le débiteur est une personne morale, un mandataire peut être désigné, en cas de nécessité, au lieu et place des dirigeants sociaux par ordonnance du président du tribunal sur requête de tout intéressé, du liquidateur ou du ministère public.'
Il est de jurisprudence, en application de ces dispositions, que :
- 'Le débiteur dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, dont les droits et actions sur son patrimoine sont exercés par le liquidateur, conserve le droit propre de se défendre sur le recours formé contre la décision fixant, après reprise d'une instance en cours lors du jugement d'ouverture, une créance à son passif ou le condamnant à payer un créancier.' Com. 24 mai 2023, n° 21-22.398),
- 'le débiteur conserve le droit propre, lorsqu'était en cours à la date du jugement d'ouverture de sa liquidation judiciaire, une instance tendant à sa condamnation au paiement d'une somme d'argent pour une cause antérieure à ce jugement, de poursuivre l'instance d'appel' (Com. 27 mars 2007, n° 05-18.159).
En l'espèce, l'action en paiement introduite par la Société Générale à l'encontre de la SGRM, débitrice principale et de M. [T] [O] en sa qualité de caution, est antérieure au jugement prononçant la liquidation judiciaire de la SGRM en date du 22 décembre 2020, de sorte qu'en application de la jurisprudence précitée, cette dernière dispose d'un droit propre à se défendre dans le cadre de l'instance engagée à son encontre par la Société Générale laquelle ne peut tendre désormais qu'à la fixation de sa créance au passif de la SGRM, peu important que le liquidateur judiciaire se soit ou non constitué dans le cadre de cette procédure (Com. 8 septembre 2015, n° 14-14.192).
L'appelante démontre, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, que lors de la reprise d'instance faisant suite au prononcé de la liquidation judiciaire de la SGRM, M. [X] [O] avait été nommé en qualité de directeur général de cette société à compter du 30 août 2019 ainsi qu'en atteste le procès verbal de l'assemblée générale ordinaire de cette société réunie à cette date (pièce n° 9).
Or, il ressort de l'article 12.2 des statuts de la SGRM modifiés suite à l'assemblée générale extraordinaire du 30 novembre 2018 que 'Tout Directeur Général est habilité à représenter la société à l'égard des tiers pour tous les actes de gestion et de disposition, en ce compris, la représentation de la Société au cours des assemblées d'associés de la société et/ou de ses filiales et est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstances, au nom de la société dans la limite de l'objet social et sous réserve des attributions exercées par l'associé unique ou la collectivité des associés.' (Pièce n° 13).
Il en résulte que la SGRM était représentée par son directeur général, dûment habilité à cet effet, lors de la reprise d'instance devant le tribunal.
Par ailleurs, le représentant légal de la SGRM n'était pas tenu de comparaître en personne à l'audience du 18 septembre 2023, dès lors que tout comme la SGRM, il était représenté par un avocat ainsi que cela ressort de la première page du jugement dont appel.
Il y a donc lieu de rejeter la fin de non recevoir soulevée par la Société Gérérale tirée d'un défaut de qualité à 'ester en justice' (en réalité à défendre) de la SGRM et d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit la SGRM irrecevable en sa demande pour défaut de qualité à agir au visa de l'article L.641-9 alinéas 1 et 2 du code de commerce.
Sur la fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SGRM en sa demande de communication de pièces et la demande de communication
La SGRM demande, sur le fondement des articles 11 alinéa 2, 142, 138 et 139 du code de procédure civile, à la cour d'ordonner à la Société Générale de produire aux débats sous astreinte:
- sa lettre de demande de mise en jeu de la garantie Oseo (désormais BPIfrance),
- le justificatif des fonds reçus en exécution de la garantie Oseo.
Elle fait valoir que :
- elle justifie d'un motif légitime à solliciter la production de ces pièces dès lors qu'elle a intérêt à contester le montant de la créance déclarée par la Société Générale au passif de sa liquidation judiciaire,
- la Société Générale ne justifie d'aucun empêchement légitime pour s'opposer à sa demande de production de pièces,
- son placement en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce en date du 22 décembre 2020, a nécessairement déclenché la mise en jeu de la garantie et la perception des fonds correspondants par la Société Générale,
- l'examen de l'accusé de réception de BPIfrance (ex Oseo) produit par la Société Générale, en cours de délibéré, confirme que la garantie du prêt de 1 520 000 euros a été mise en jeu, acceptée et validée le 27 janvier 2021 par BPIfrance,
- la réponse du 31 juillet 2024 de la société BPIfrance à la sommation de faire qui lui a été délivrée par huissier confirme que la mise en jeu de la garantie a bien été effectuée par la Société Générale, mais que les fonds n'ont pas encore été versés,
- BPIfrance ne précise pas dans sa réponse dans quel délai les fonds seront versés, ce qui implique qu'ils pourront être versés à la Société Générale avant l'arrêt à intervenir.
La Société Générale lui oppose une fin de non recevoir tirée de son défaut d'intérêt à agir.
Elle fait valoir que :
- la garantie Oseo a été souscrite à son bénéfice exclusif et elle n'a dès lors qu'un caractère subsidiaire, à son seul profit,
- la garantie ne peut donc être invoquée par des tiers (débiteur et cautions) au contrat,
- il en résulte que l'appelante est dépourvue d'intérêt à agir dans les termes de sa demande.
Subsidiairement, elle fait valoir que la SGRM est mal fondée en ses demandes aux motifs que:
- au regard de son caractère subsidiaire, elle ne peut poursuivre la garantie de la société BPIfrance Financement (ex Oseo), qu'après épuisement de tous les recours contre les cautions et le débiteur principal,
- en l'espèce, toutes les poursuites n'ont pas été purgées, l'instance au fond étant pendante devant le tribunal de commerce,
- l'appelante n'est pas fondée à se prévaloir directement de la garantie Oseo qui n'est ni la cause du prêt, ni celle du cautionnement, mais une sûreté personnelle conférée à la banque exclusivement, par un organisme institutionnel, venant se cumuler avec le cautionnement des associés,
- par ailleurs, Oseo (désormais BPIfrance Financement ) ne garantit l'établissement bancaire que pour une fraction de sa perte finale (en l'espèce à hauteur de 50 % selon les dispositions de la garantie),
- elle justifie avoir informé BPIfrance le 26 janvier 2021, de l'existence d'une procédure collective ouverte à l'égard de la société SGRM en date du 22 décembre 2020,
- les demandes de la SGRM sont abusives dans la mesure où elle est dans l'incapacité d'établir des faits inexistants, aucun paiement ne pouvant intervenir au titre de la garantie, tant que les poursuites au fond, pendantes, n'auront pas été épuisées.
Il est constant que l'intérêt à agir n'est pas subordonné au bien fondé de l'action et les conditions de mise en jeu, comme la mise en oeuvre effective de la garantie Oseo, ne sont pas une condition de recevabilité de l'action, mais de son succès.
La fin de non recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la SGRM en sa demande de production de pièces afférentes à la mise en jeu de la garantie Oseo et à son exécution sera par conséquent rejetée dès lors qu'elle a intérêt à contester le montant de la créance déclarée par la Société Générale au passif de sa liquidation judiciaire.
Il est précisé au contrat de prêt du 3 mars 2010 (pièce n° 5 de la banque) qu'il est garanti, notamment par 'OSEO SOFARIS au seul profit de la banque à hauteur de 50 % de l'encours du prêt'.
L'appelante verse aux débats les conditions générales de la garantie Oseo (pièce n° 2), dont elle ne conteste pas qu'elles lui soient opposables, qui précisent notamment à l'article 2 'CONDITIONS DE LA GARANTIE' que :
'La Garantie ne bénéficie qu'à l'Etablissement intervenant. Elle ne peut en aucun cas être invoquée par les tiers, notamment par le Bénéficiaire et ses garants pour contester tout ou partie de leur dette',
L'article 7 intitulé 'MISE EN JEU DE LA GARANTIE' précise, notamment, que :
'La Garantie de OSEO est mise en jeu dans les conditions suivantes :
...
- si le Bénéficiaire fait l'objet d'une procédure collective, dès le prononcé du jugement de redressement ou de liquidation judiciaire...'
L'article 10 intitulé 'RECOUVREMENT DE LA CRÉANCE' précise que :
'Sous peine d'encourir de plein droit, la déchéance de la Garantie, l'Etablissement intervenant doit prendre toutes les mesures utiles pour conserver sa créance.
Il exerce les diligences nécessaires en vue du recouvrement de la totalité de la créance et tient OSEO garantie informée du déroulement de la procédure et de l'état des recouvrements.
...
Lorsqu'il est constaté, en accord avec OSEO garantie, que toutes les poursuites utiles ont été épuisées, OSEO règle la perte finale et lesdits intérêts au prorata de sa part de risque...'
Il résulte clairement de ces stipulations contractuelles que la garantie Oseo ne bénéficie qu'à l'établissement prêteur, cet organisme n'a pas la qualité de caution solidaire ou de sous-caution, la garantie ne peut être invoquée par des tiers au contrat et Oseo ne peut être poursuivie par la Société Générale qu'après épuisement de tous les recours contre les cautions et le débiteur principal.
Or, en l'espèce, toutes les poursuites n'ont pas été épuisées par la Société Générale compte tenu de l'instance en cours.
Par ailleurs, la Société Générale justifie avoir informé la société BPIfrance le 26 janvier 2021, de l'existence d'une procédure collective ouverte à l'encontre de la SGRM le 22 décembre 2020 (pièces n° 65 et 66).
Comme l'a relevé le tribunal, ce document 'ne constitue qu'un récépissé de la déclaration de sinistre faite par la Société Générale à Oseo' et il ne saurait en être déduit, comme le soutient vainement l'appelante, que la Société Générale aurait reçu une quelconque somme de la société Oseo à la suite de cette déclaration, la garantie Oseo étant, ainsi qu'indiqué, une garantie à perte finale.
Dans ces conditions, c'est à juste titre que le tribunal a considéré que la demande de communication de pièces était manifestement infondée et dilatoire, de sorte que le jugement déféré sera confirmé sur le rejet de cette demande.
Sur la fin de non recevoir des demandes de la Société Générale de confirmation du jugement concernant les consorts [O]-[N]
La SGRM soutient que la Société Générale n'est pas recevable à solliciter la confirmation du jugement concernant les consorts [O]-[N] dans la mesure où le jugement déféré est insusceptible d'un appel immédiat, indépendamment de la décision sur le fond qui sera rendue par le tribunal de commerce de Paris, s'agissant de ses dispositions les concernant. Elle estime que les chefs du jugement concernant les consorts [O]-[N], intimés à la procédure, ne sont pas dévolus à la cour.
La Société Générale sollicite la confirmation du jugement sur la condamnation des consorts [O]-[N] au paiement d'une amende civile, des frais irrépétibles et des dépens.
En application des dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En l'espèce, la Société Générale est irrecevable à solliciter la confirmation du jugement déféré du chef des condamnations prononcées à l'encontre des consorts [O]-[N], ces chefs du jugement n'étant pas dévolus à la cour par la déclaration d'appel.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Il y a lieu de réserver les dépens.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu'elles ont été contraintes d'engager dans la présente instance pour assurer la défense de leurs intérêts. Elles seront par conséquent déboutées de leurs demandes respectives à ce titre.
LA COUR, PAR CES MOTIFS,
Statuant dans les limites de la saisine,
CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 novembre 2023, sauf en ce qu'il a dit la Société générale de restauration Matignon (SGRM) irrecevable en sa demande pour défaut de qualité à agir au visa de l'article L. 641-9 du code de commerce ;
Statuant à nouveau du chef de la décision infirmée et y ajoutant,
REJETTE la fin de non recevoir soulevée par la Société Générale tirée d'un défaut de qualité à défendre de la Société générale de restauration Matignon (SGRM) ;
DÉCLARE recevable la Société générale de restauration Matignon (SGRM) à défendre dans le cadre de l'action initiée à son encontre par la Société Générale ;
REJETTE la fin de non recevoir soulevée par la Société Générale tirée d'un défaut d'intérêt à agir de la Société générale de restauration Matignon (SGRM) en sa demande de communication de pièces ;
DÉBOUTE la Société générale de restauration Matignon (SGRM) de sa demande de communication de pièces ;
DÉCLARE la Société Générale irrecevable en sa demande de confirmation du jugement du tribunal de commerce de Paris du 21 novembre 2023 des chefs de condamnations prononcées à l'encontre de Mme [L] [N], M. [V] [O] et M. [X] [O] ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
RESERVE les dépens ;
REJETTE toute autre demande.
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