CA Paris, Pôle 6 ch. 3, 6 novembre 2024, n° 21/07676
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Publicis Conseil (SA), Prodigious France (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Baconnier
Conseillers :
Mme Marmorat, Mme Sautron
Avocats :
Me Francisot, Me Cepoi-Demouzon
RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE
La société Market Forward Prodigious devenue la société Prodigious France (SASU) a engagé le 2 juillet 2019 Mme [L] [J] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 décembre 2018 en qualité de social content manager. Le contrat de travail de Mme [J] prévoyait une clause d'exclusivité.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de la publicité et assimilées.
D'une part, le 1er octobre 2019, Mme [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris à l'encontre de la société Prodigious France afin de solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail et former des demandes d'indemnités (RG n°19/08731).
D'autre part, elle a saisi le 22 janvier 2020 le conseil de prud'hommes de Paris à l'encontre de la société Publicis Conseil (SA) en invoquant le coemploi afin de solliciter également la résiliation judiciaire de son contrat de travail et former des demandes d'indemnités (RG n°20/00573).
Par lettre notifiée le 3 juillet 2020, Mme [J] a été convoquée par la société Prodigious France à un entretien préalable fixé au 17 juillet 2020.
Mme [J] a ensuite été licenciée pour faute grave par la société Prodigious France par lettre notifiée le 21 juillet 2020.
A la date de présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement, Mme [J] avait une ancienneté de 1 an et 7 mois et sa rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait en dernier lieu à la somme de 3 084 €'; la société Prodigious France occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.
Mme [J] a saisi à nouveau le conseil de prud'hommes de Paris le 27 octobre 2020 à l'encontre de la société Prodigious France, de la société Publicis Groupe (SA) et de la société Publicis Conseil (RG n°20/08011).
Les affaires susvisées ont fait l'objet d'une jonction.
En dernier lieu, elle a formé les demandes suivantes':
« - Jonction des 3 dossiers
- Fixer la moyenne des salaires à la somme de 3'084 €
- Résiliation judiciaire du contrat de travail ou licenciement sans cause réelle et sérieuse
- Manquement de l'employeur à son obligation de loyauté 3 084 €
- Sanctions disciplinaires prises sans exécution de la procédure disciplinaire 6 168 €
- Discrimination 18 504 €
- Dommages et intérêts pour souffrance au travail 18 504 €
- Indemnité de licenciement 617 €
- Indemnité compensatrice de préavis 3 084 €
- Congés payés afférents 308 €
- Dommages et intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse 18 504 €
- Remise des documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir
- paiement du solde de tout compte et indemnité complémentaire Henner
- Article 700 du Code de Procédure Civile 2 000 €
- Dépens
- Exécution provisoire
- Jugement avant dire droit
- Délivrance de copies des mails échangés entre M. [B] et tout RH de Publicis conseil et les dirigeants de Prodigious et Everyday content entre le 01/07/19 et le 30/09/19 afin de connaître la décision de rupture de son contrat
- Ordonner la communication du registre d'entrée et sortie de Prodigious et d'Everyday content l'établissement et les badgeages de Mme [J], pour connaître son temps de travail
- Enjoindre au Conseil de Mme [J] de fournir le mail comme quoi il a envoyé le mail de son arrêt de travail à l'entreprise'»
Par jugement du 27 juillet 2021, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes a rendu la décision suivante :
«' Prononce la jonction entre les dossiers RG 19/8731, RG 20/573 et RG 20/8011
Met hors de cause la SA PUBLICIS CONSEIL et la SA PUBLICIS
Déboute Mme [U] [L] de l'ensemble de ses demandes
Déboute la SAS PRODIGIOUS FRANCE de sa demande reconventionnelle
Condamne Mme [L] [J] aux dépens.'»
Mme [J] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 27 août 2021.
La constitution d'intimée de la société Prodigious France a été transmise par voie électronique le 24 septembre 2021.
La constitution d'intimée de la société Publicis Conseil a été transmise par voie électronique le 24 septembre 2021.
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 29 août 2024, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, Mme [J] demande à la cour de :
« INFIRMER le jugement du Conseil des prud'hommes de PARIS du 1er juin 2021 (joints RG : 19/08731, 20/00573, 20/08011), dans l'intégralité de son dispositif ;
Statuant à nouveau,
FIXER le salaire de référence à 3.084'€.
DECLARER que Madame [J] a été victime de discrimination dans la préparation de la conférence « Sexe et Désirs : ce que disent les français sur les réseaux sociaux » ;
DECLARER que Madame [J] a fait l'objet d'une annonce brutale de la rupture de son contrat de travail ;
DECLARER que la rupture du contrat de travail par l'employeur est consommée dès lors que Madame [J] a été mise à l'écart des tâches qui lui étaient assigné, et retiré des administrateurs de la page LinkedIn de l'entreprise ;
DECLARER, à tout le moins, que ces mises à l'écart et retrait constituent des sanctions disciplinaires mises en 'uvre en dehors de la procédure prévue par le Code du travail ;
DECLARER que les fautes de l'employeur rendent impossible la poursuite du contrat de travail, subsidiairement, que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence :
PRONONCER la résiliation judiciaire du le contrat de travail de Madame [J] aux torts de l'employeur, subsidiairement, DECLARER le licenciement de Madame [J] nul, sinon, sans cause réelle et sérieuse,
En tout cas,
CONDAMNER la SAS PRODIGIOUS et la SA PUBLICIS CONSEIL à verser à la salariée les sommes de :
- 3.084 € au titre du manquement de l'employeur à son obligation de loyauté
- 6.168 €, au titre des sanctions disciplinaires prises sans exécution de la procédure disciplinaire
- 18.504 €, au titre de la discrimination liée à l'état de santé
- 18.504 €, au titre des souffrances au travail et du préjudice d'anxiété
- 617 € au titre de l'indemnité de licenciement
- 3.084 € au titre du préavis, et 308 € au titre des congés payés afférents
- 18.504 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse.
CONDAMNER la SAS PRODIGIOUS et la SA PUBLICIS CONSEIL à remettre des documents de fin de contrat conformes à la décision favorable à intervenir,
ORDONNER le paiement du solde de tout compte et des indemnités de la complémentaire HENNER,
CONDAMNER la SAS PRODIGIOUS et la SA PUBLICIS CONSEIL à payer 2.500 € au titre de l'article 700 CPC, ainsi que les dépens, pour la première instance, et 3.500 € au titre de l'article 700 CPC, ainsi que les dépens d'appel.
PRONONCER ou RAPPELER l'exécution provisoire du jugement favorable à intervenir;»
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 29 août 2024, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, la société Prodigious France demande à la cour de':
« 1 - IN LIMINE LITIS
CONSTATER l'absence d'effet dévolutif de l'appel Madame [J] à l'encontre de la société Prodigious France :
- en l'absence de critique expresse des chefs de jugement déterminés dans la déclaration d'appel ;
- le contenu de la déclaration d'appel ne vise que la société Publicis Conseil, soit un tiers, et non la société Prodigious France.
EN CONSEQUENCE :
2 - SUR LE FOND
CONFIRMER le jugement rendu le 27 juillet 2021 par le Conseil de prud'hommes de Paris.
EN CONSEQUENCE :
A TITRE PRINCIPAL, SUR LA DEMANDE DE RESILIATION JUDICIAIRE :
CONSTATER que Madame [J] ne démontre l'existence d'aucun manquement grave de la part de la société Prodigious France susceptible de justifier la rupture immédiate de son contrat de travail ;
DIRE ET JUGER que la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail formulée par Madame [J] est mal fondée et devra être rejetée.
En conséquence :
DEBOUTER Madame [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
A TITRE SUBSIDIAIRE, SUR LA REMISE EN CAUSE DU LICENCIEMENT :
CONSTATER que le licenciement pour faute grave de Madame [J] est parfaitement justifié ;
DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [J] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
CONSTATER que Madame [J] ne rapporte pas la preuve d'avoir subi une quelconque discrimination ;
CONSTATER que la société n'a pas manqué à son obligation de sécurité ;
CONSTATER que Madame [J] ne rapporte la preuve d'aucune faute, ni d'aucun préjudice justifiant l'octroi de dommages-intérêts pour un prétendu défaut d'exécution loyale du contrat de travail.
EN CONSEQUENCE :
DÉBOUTER Madame [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
CONDAMNER Madame [J] à verser à Prodigious France la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER Monsieur Madame [J] aux entiers dépens. »
Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 18 février 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens, la société Publicis Conseil demande à la cour de':
« 1 - IN LIMINE LITIS
CONSTATER et JUGER l'absence d'effet dévolutif de l'appel Madame [J] à l'encontre de la société Publicis Groupe en l'absence de critique expresse des chefs de jugement déterminés dans la déclaration d'appel ;
CONSTATER et JUGER la caducité de l'appel dans la mesure où Madame [J] ne sollicite nullement l'infirmation du jugement entrepris concernant la mise en hors de cause de la société Publicis Groupe, ni dans sa déclaration d'appel, ni dans ses écritures d'appelant.
EN CONSEQUENCE :
2 - SUR LE FOND
CONFIRMER le jugement rendu le 27 juillet 2021 par le Conseil de prud'hommes de Paris.
EN CONSEQUENCE :
A titre principal
CONSTATER que la société Publicis Groupe et Madame [J] ne sont liées par aucun contrat de travail.
METTRE HORS DE CAUSE la société Publicis Groupe ;
DEBOUTER Madame [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions sans distinction.
A titre subsidiaire
CONSTATER que Madame [J] ne démontre l'existence d'aucun manquement grave de la part de la société Prodigious France susceptible de justifier la rupture immédiate de son contrat de travail ;
DIRE ET JUGER que la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail formulée par Madame [J] est mal fondée et devra être rejetée.
En conséquence :
DEBOUTER Madame [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
A titre infiniment subsidiaire
CONSTATER que le licenciement pour faute grave de Madame [J] est parfaitement justifié ;
DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [J] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
En tout état de cause :
CONSTATER que Madame [J] ne rapporte pas la preuve d'avoir subi une quelconque discrimination ;
CONSTATER que la société n'a pas manqué à son obligation de sécurité ;
CONSTATER que Madame [J] ne rapporte la preuve d'aucune faute, ni d'aucun préjudice justifiant l'octroi de dommages-intérêts pour un prétendu défaut d'exécution loyale du contrat de travail.
EN CONSEQUENCE :
DÉBOUTER Madame [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
CONDAMNER Madame [J] à verser à Publicis Groupe la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER Monsieur Madame [J] aux entiers dépens. »
L'ordonnance de clôture a été rendue à la date du 3 septembre 2024.
L'affaire a été appelée à l'audience du 7 octobre 2024.
MOTIFS
Sur l'effet dévolutif de l'appel
La société Prodigious France et la société Publicis Conseil invoquent l'absence d'effet dévolutif de l'appel de Mme [J].
L'article 901 du code de procédure civile dispose notamment « la déclaration d'appel est faite par acte contenant (') et à peine de nullité : (') 4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ».
L'article 562 du code de procédure civile dispose « L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible».
La cour constate que la déclaration d'appel de Mme [J] est formulée comme suit': «' Appel général et notamment en ce que le CPH de Paris : Met hors de cause la SA PUBLICIS CONSEIL, déboute Madame [J] de l'ensemble de ses demandes, condamne Madame [J] aux dépens ».
A l'examen de la déclaration d'appel et des moyens débattus, la cour retient que la société Prodigious France et la société Publicis Conseil sont mal fondées à soutenir que la déclaration d'appel de Mme [J] ne mentionne pas les chefs de jugement qui sont critiqués et n'a donc pas d'effet dévolutif au motif que la déclaration d'appel contient les chefs de jugement qui sont critiqués, peu important qu'ils soient précédés de la mention inappropriée relative à l'appel général'; la société Prodigious France est aussi mal fondée à soutenir que le contenu de la déclaration d'appel ne vise que la société Publicis Conseil, soit un tiers, et non la société Prodigious France et n'a donc pas d'effet dévolutif au motif que la déclaration d'appel vise nécessairement la société Prodigious France dès lors qu'elle mentionne comme chefs de jugement qui sont critiqués «'déboute Madame [J] de l'ensemble de ses demandes'», lesquelles sont également dirigées aussi contre la société Prodigious France.
La cour rejette donc les moyens tirés de l'absence d'effet dévolutif formulés par la société Prodigious France et la société Publicis Conseil.
Sur la caducité de l'appel
La société Publicis Conseil invoque la caducité de l'appel de Mme [J].
A l'examen des conclusions de Mme [J] et des moyens débattus, la cour retient que la société Publicis Conseil est mal fondée à invoquer la caducité de l'appel du fait que Mme [J] ne sollicite pas l'infirmation du jugement entrepris concernant la mise en hors de cause de la société Publicis Groupe, ni dans sa déclaration d'appel, ni dans ses écritures d'appelant. En effet, ce moyen est mal fondé au motif que Mme [J] demande l'infirmation du jugement dans son intégralité.
La cour rejette donc le moyen tiré de la caducité de l'appel formulé par la société Publicis Conseil.
Sur la mise en cause de la société Publicis Conseil
Mme [J] demande par infirmation du jugement que la cour maintienne dans la cause la société Publicis Conseil et invoque le coemploi à son égard par la société Prodigious France et la société Publicis Conseil du fait qu'un courrier électronique de M. [B] salarié de la société Publicis Conseil indique que les «'dirigeants d'EVERYDAY CONTENT'» avaient pris la décision de se débarrasser d'elle, et proposaient une rupture conventionnelle sous la menace d'un licenciement'; cela démontre, selon elle, que M. [B], salarié de la société Publicis Conseil dispose du pouvoir de direction, par délégation en sa qualité de RH, qu'il peut intervenir dans une société autre que la société Publicis Conseil, à savoir la société Prodigious France, qui est une société du groupe Publicis, et dont l'objet est le même que la société mère et les autres filiales du groupe, à savoir l'activité publicitaire, qu'il peut convoquer une salariée, Mme [J] en l'occurrence, et lui proposer et conclure une rupture conventionnelle, ou la licencier. Il en découle subséquemment une confusion d'intérêts, d'activités, de direction, se manifestant par une immixtion de la société Publicis Conseil dans la gestion de la société Prodigious France.
En défense, la société Publicis Conseil s'oppose à ce moyen tiré du coemploi et soutient que Mme [J] ne rapporte aucune preuve du coemploi qu'elle allègue alors que la charge de la preuve du coemploi incombe au salarié qui s'en prévaut.
Il résulte de l'article L. 1221-1 du code du travail, que hors l'existence d'un lien de subordination, une société faisant partie d'un groupe ne peut être qualifiée de coemployeur du personnel employé par une autre que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient qu'aucun des éléments produits par Mme [J] ne permet de retenir l'existence du coemploi allégué étant précisé que la cour constate que le courrier électronique que Mme [J] invoque sans mentionner de date et de numéro de pièce, compose sa pièce 4': il s'agit d'un courrier électronique du 31 juillet 2019 que lui a adressé M. [B], responsable des relations humaines de la société Publicis Conseil, dans les termes suivants «'Bonjour [L],
Peut-on se voir à 17h cet après-midi'
Je suis en W5
Merci d'avance.'»
Ce courrier électronique que Mme [J] invoque comme seul élément de preuve du coemploi allégué ne démontre aucunement l'immixtion permanente de la société Publicis Conseil dans la gestion économique et sociale de la société Prodigious France, et la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
La cour rejette le moyen tiré du coemploi formulé par Mme [J] et la déboute de toutes ses demandes formées contre la société Publicis Conseil.
Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu'il a mis hors de cause la société Publicis Conseil, et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute Mme [J] de toutes ses demandes formées contre la société Publicis Conseil.
Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Mme [J] demande par infirmation du jugement la somme de 3 084 € au titre du manquement de l'employeur à son obligation de loyauté ; les intimées s'opposent par confirmation du jugement à cette demande.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient qu'aucun des éléments de preuve invoqués et produits par Mme [J] (36 pages composant les pièces salarié n° 5 à 9) ne permet de retenir l'exécution déloyale du contrat de travail alléguée à l'encontre de la société Prodigious France'; en effet il ressort des pièces précitées qu'il a été demandé à Mme [J] de se charger du «'twitter'» de la société lors du direct fixé le 11 juillet 2019 à 17 heures et qu'elle a dû s'organiser pour qu'un proche aille à sa place chercher son enfant à l'école.
Et c'est vain que Mme [J] soutient':
- qu'il lui a été dit «'de manière brutale et sans tact'» (sic) que sa présence était requise sans faute (pièce salarié n° 5)'; en effet la cour retient que la brutalité et l'absence de tact alléguées ne sont pas établies'; en outre, il lui appartenait en sa qualité de social content manager de participer à des événements et plateforme comme cela ressort expressément de sa fiche de poste (pièce employeur n° 2).
- qu'elle a été convoquée le 31 juillet 2019 pour un entretien de 15 minutes, durant lequel il lui a été indiqué «'qu'elle ne ferait plus partie des effectifs de la société, et qu'elle partirait de gré (rupture conventionnelle) ou de force (licenciement)'» ; en effet la cour retient que cette allégation n'est aucunement établie, contrairement à ce qu'elle soutient, par le courrier électronique de M. [Y] du 31 juillet 2019': ce courrier électronique, qui est un planning mis à jour pour la période du 5 au 16 août, ne démontre aucunement contrairement à ce qu'elle soutient aussi, que toutes ses tâches «'ont été confiées à d'autres salariés, qu'elle était sans travail et qu'elle ne recevait plus aucun mail relatif aux projets sur lesquels elle était affectée, comme si elle ne faisait déjà plus partie des effectifs'» (pièce salarié n° 8).
- qu'elle a été retirée des administrateurs de la page LinkedIn de l'agence, dont elle avait la charge (pièce salarié n° 8 bis)'; en effet cette pièce composée d'une page LinkedIn où elle apparaît, ne démontre aucunement qu'elle a été retirée des administrateurs de la page LinkedIn de l'agence.
- que ces mises à l'écart et retrait des administrateurs de la page LinkedIn de l'agence, sont des sanctions disciplinaires qui ont été prises sans que ne soit mise en 'uvre la procédure prévue par le code du travail'; en effet la cour a rejeté plus haut la matérialité des faits qualifiés de mises à l'écart et de retrait des administrateurs de la page LinkedIn de l'agence.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Sur les sanctions disciplinaires prises sans exécution de la procédure disciplinaire
Mme [J] demande par infirmation du jugement la somme de 6'168 € au titre des sanctions disciplinaires prises sans exécution de la procédure disciplinaire ; les intimées s'opposent par confirmation du jugement à cette demande.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient qu'aucun des éléments produits par Mme [J] ne permet de retenir qu'elle a fait l'objet d'une mise à l'écart et a été retirée des administrateurs de la page LinkedIn de l'agence, et que ces mesures sont des sanctions disciplinaires qui ont été prises sans que ne soit mise en 'uvre la procédure prévue par le code du travail'; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif d'une part que les allégations relatives à la mise à l'écart et au retrait des administrateurs sont de simples allégations qui ont été rejetées plus haut et au motif d'autre part qu'à supposer ces faits établis, ce qu'ils ne sont pas, ils ne sauraient s'agir de sanctions disciplinaires, mais de faits relevant d'autres qualifications.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande au titre des sanctions disciplinaires prises sans exécution de la procédure disciplinaire.
Sur les dommages et intérêts pour discrimination en raison de l'état de santé
Mme [J] demande par infirmation du jugement la somme de 18'504 € au titre de la discrimination liée à l'état de santé ; les intimées s'opposent par confirmation du jugement à cette demande.
La cour constate que Mme [J] n'articule aucun moyen au soutien de sa demande formée au titre de la discrimination liée à l'état de santé'; cette demande ne sera donc pas examinée en application de l'article 954 du code de procédure civile qui dispose notamment que la cour n'examine les moyens au soutien des prétentions énoncées au dispositif que s'ils sont invoqués dans la discussion.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande au titre de la discrimination liée à l'état de santé.
Sur les dommages et intérêts pour souffrances au travail et du préjudice d'anxiété
Mme [J] demande par infirmation du jugement la somme de 18'504 € au titre des souffrances au travail et du préjudice d'anxiété ; les intimées s'opposent par confirmation du jugement à cette demande.
Mme [J] fait valoir que l'employeur a volontairement méconnu ses obligations en matière de santé et de sécurité de sa salariée et est, à tout le moins, responsable des souffrances qu'elle a subies, que le comportement de l'employeur a incontestablement été la cause de son syndrome dépressif et que, dès lors, l'employeur se révèle auteur d'un manquement à son obligation de sécurité de résultat, et à tout le moins, responsable d'une souffrance au travail'; elle produit les éléments suivants :
- un courrier à l'inspection du travail du 17 novembre 2019, indiquant, selon elle, un refus de remettre un document de synthèse de la visite médicale tel qu'un avis d'aptitude, d'inaptitude, ou à tout le moins, l'attestation de suivi prévue par l'article L. 4624-1 du code du travail pour chaque visite médicale, sauf avis d'aptitude ou d'inaptitude (pièce salarié n° 17) ;
- un courrier électronique du 22 janvier 2020 du conseil de l'employeur, indiquant, selon elle, un refus de visite médicale de la part de l'employeur (pièce salarié n° 18) ;
- ses arrêts de travail du 1er août 2020 au 17 juillet 2020 prescrits par son médecin traitant et son psychiatre, qui mentionnent, selon elle, une dépression (01/08/2019), un syndrome dépressif (01/10/2019, 03/11/2019, 05/02/2020), et un burn out dépression (18/02/2020) (pièce 23) ;
- une attestation de Mme [S] du 17 octobre 2019 indiquant un sentiment de diminution de compétences suite à un vécu d'humiliation et de déstabilisation au sein de l'entreprise, des angoisses sous-jacentes à une première expérience professionnelle malheureuse, une perte de l'estime de soi, un retrait social manifeste, un désinvestissement des relations amicales, une diminution de l'énergie, une apathie pour les centres d'intérêts habituels, une humeur fluctuante et des insomnies (pièce salarié n° 24) ;
- une attestation de son médecin traitant du 5 février 2020 indiquant, selon elle, un syndrome dépressif majeur suite à la pression au travail (burn out), ainsi qu'une prescription d'antidépresseurs et d'anxiolytiques (pièce salarié n° 25) ;
- une attestation du même médecin du 16 juillet 2020 indiquant que son état psychologique ne permet pas la reprise du travail (pièce salarié n° 26).
L'article L.4121-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige, dispose que :
« L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. »
L'article L.4121-2 du contrat de travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, dispose que :
«'L'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Éviter les risques ;
2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. »
Il résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Toutefois, l'employeur ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un manquement à son obligation de sécurité, a pris les mesures immédiates propres à les faire cesser.
En l'espèce, aucun des éléments produits ne permet de retenir que la société Prodigious France aurait été informée de l'existence de faits susceptibles de constituer un manquement à son obligation de sécurité et qu'elle n'aurait alors pas pris les mesures immédiates propres à les faire cesser'; en effet le courrier à l'inspection du travail du 17 novembre 2019 (pièce salarié n° 17) ne met pas en cause la société Prodigious France mais le médecin du travail'; le courrier électronique du 22 janvier 2020 du conseil de l'employeur (pièce salarié n° 18) rappelle à bon droit que Mme [J] qui est en arrêt de travail peut demander une visite de pré-reprise'; les arrêts de travail produits (pièce salarié n° 23) sont au nombre de 13 dont 11 sont illisibles du fait que la photocopie est quasiment noire et les deux qui sont lisibles, sont des «'avis d'arrêt de travail'» du 15 février 2020 et du 17 avril 2020 qui ne comportent aucune des indications invoquées par Mme [J] sur sa souffrance'; l'attestation de Mme [S], psychologue (pièce salarié n° 24) est dépourvue de valeur probante sur les imputations formulées contre l'entreprise en ce qu'elle ne fait que reprendre ce que relate Mme [J], la seule constatation du praticien étant «'En conclusion, c'est une jeune femme qui montre de bonnes ressources personnelles, mais qui est actuellement en situation de fragilité psychologique ; un suivi psychothérapeutique a été proposé ce jour.'»'; l'attestation de son médecin traitant (pièce salarié n° 25) est une photocopie noire sur la quasi-totalité du contenu et elle est donc dépourvue de valeur probante et l'attestation du même médecin (pièce salarié n° 26) mentionne que l'état psychologique de Mme [J] ne permet pas la reprise du travail.
Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que Mme [J] est mal fondée dans sa demande de dommages et intérêts pour souffrances au travail et du préjudice d'anxiété faute de rapporter la preuve que la société Prodigious France aurait été informée de l'existence de faits susceptibles de constituer un manquement à son obligation de sécurité et qu'elle n'aurait alors pas pris les mesures immédiates propres à les faire cesser.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande au titre des souffrances au travail et du préjudice d'anxiété.
Sur la résiliation judiciaire
Mme [J] demande par infirmation du jugement la résiliation judiciaire de son contrat de travail et elle soutient que l'employeur a commis les fautes suivantes :
- il l'a «'ostracisée'» (sic) lors de la préparation de l'événement relatif à la conférence « Sexe et Désirs : ce que disent les français sur les réseaux sociaux », de manière discriminatoire, notamment compte-tenu de son poste au sein de l'entreprise ;
- il lui a demandé une intervention de dernière minute comme Community Manager en animant le compte twitter de l'entreprise sur cette conférence - activité dévalorisant ses missions contractuelles de Social Content Manager - en exigeant brutalement son exécution, comme si cette dernière était sous astreinte, alors qu'elle avait déjà disposé de son temps de vie privée, dans la mesure où la direction n'a pas cessé de lui affirmer qu'elle n'y était pas conviée ;
- il lui a annoncé la rupture de son contrat de travail de gré ou de force à la suite de cet incident, alors qu'elle a parfaitement exécuté la mission qui lui a été confié.
La société Prodigious France s'oppose à cette demande.
Les deux derniers griefs ont déjà été rejetés plus haut.
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient qu'aucun des éléments produits par Mme [J] ne permet de retenir que la société Prodigious France l'a «'ostracisée'» (sic) lors de la préparation de l'événement relatif à la conférence « Sexe et Désirs : ce que disent les français sur les réseaux sociaux », de manière discriminatoire, notamment compte-tenu de son poste au sein de l'entreprise étant précisé que Mme [J] ne mentionne aucune pièce à l'appui de ce fait.
Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que Mme [J] est mal fondée dans ses demandes relatives à la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de ses demandes relatives à la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Sur le licenciement pour faute grave
La lettre de licenciement est rédigée comme suit':
«'Madame,
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 3 juillet 2020, nous vous avons convoqué, en application des articles Ll232-2 à L1232-4 du code du travail, à un entretien préalable fixé au 17 juillet 2020.
Vous ne vous êtes pas présentée à cet entretien.
Nous nous voyons, par conséquent, contrains de vous notifier votre licenciement pour faute grave, du poste de « social Content Manager », niveau 2-4, que vous occupez au sein de notre société depuis le 3 décembre 2018 , pour les motifs exposés ci-après.
Dans le cadre de votre fonction, il vous appartient de travailler sur les stratégies sociales media des clients de l'agence, notamment avec le planning stratégique mais également avec les créatifs sur les formats de contenus.
Cela implique notamment (sans que cela soit exhaustive) de :
' Recommander sur la manière de répondre aux me sages des utilisateurs
' Être conseil et force de proposition auprès des clients.
' Trouver des idées créatives pour I'animation des comptes
' Proposer ou être force de proposition sur les recommandations des écosystèmes sociaux des marques
' Conseiller les clients sur leurs stratégies social content
Au mois de juin 2020, inquiète de ne pas avoir de vos nouvelles depuis le 17 avril 2020, et votre absence n'ayant pas été justifiée, la Direction des Ressources Humaines de l'agence a cherché sur internet et les réseaux sociaux pour s'assurer que vous alliez bien. Nous avons alors découvert sur les réseaux sociaux et sur des sites publics que vous vous présentez en tant que consultante en social média pour votre propre compte.
Sur Instagram, vous ne cessez de poster quotidiennement des images vous présentant comme consultante en stratégie sociale média et vous présentant en situation de travail, de réunion, de consulting ou même entrain de dispenser une formation.
En outre, le site de l'Agence Attends30secondes vous présente comme sa fondatrice et il apparaît clairement que le développement de ce site incombe au compte Instagram Ah-mais-Iis dont vous êtes clairement et incontestablement la propriétaire.
Vous y êtes présentée comme la fondatrice, une présentation de ce qui semblerait être votre parcours professionnel apparaît dans les premières pages et I annonce termine par :
« En 2020, [L] lance attends30secondes' un laboratoire d'idées créatives qui rassemble les meilleures experts pour répondre aux besoins stratégiques des entreprises. L'idée ' Accompagner le marques à avoir un impact social et responsable dans leurs industries respectives. »
En effet, la prestation que vous proposez est présentée comme suit :
« Notre approche est simple: activer la meilleure stratégie de contenus, optimiser la diffusion et assurer une visibilité tout au long du discours de marque. Chaque projet est pensé et conçu sur mesure pour délivrer le bon message, à la bonne audience au bon moment. »
Il apparaît donc clairement que votre prestation est une activité concurrente à celle de notre Agence Everyday Content (EDC).
Plus grave encore, au-delà d'exercer une activité concurrente à la nôtre, vos publications sont mensongères et nuisent à notre image.
Par exemple vous faites mention de la campagne [7] ALL sur laquelle vous auriez travaillé pour le compte de EDC by Prodigious France. Or, cette campagne n'ayant pas été conçue et finalement réalisée par DC by Prodigious France, cette affirmation est mensongère et nuit fortement à l'image de notre Société et nous crée un risque juridique certain.
En outre, vous étiez en absence injustifiée à partir du 17 avril 2020. Si nous avions été patients dans un premier-temps, en raison du confinement, en date du 17 juin 2020, nous vous avons fini par vous adresser une mise en demeure pour vous demander de justifier votre absence. Vous n'avez alors régularisé votre absence que le 23 juin 2020 avec un arrêt maladie. Vous devez justifier votre absence dans les meilleurs délais et au plus tard dans le 48h.
Au regard de ces faits, nous nous voyons contraints de vous licencier en raison de la violation de votre contrat de travail qui nous lie par l'exercice d'activités déloyales et concurrentes à la société et qui plus est, nuisent à notre image.
A la première présentation du présent courrier votre contrat prendra fin immédiatement sans préavis ni versement d'indemnité.'»
Mme [J] conteste son licenciement pour faute grave et soutient que':
- les accusations d'exercice d'activités déloyales et concurrentes à la société, et qui nuiraient à son image sont parfaitement infondées'; l'employeur ne s'en justifie d'ailleurs pas'; elle n'a débuté l'exploitation d'aucune activité durant sa période d'arrêt de travail, et n'a accompli que des actes préparatoires à une sortie de sa situation de précarité, ce qui permet de confirmer que l'employeur cherchait avant tout à se dédouaner de son comportement brutal, à l'origine de la requête en résiliation judiciaire. Par ailleurs, aucune de ses absences n'est injustifiée, puisque la CPAM a nécessairement dû demander à l'employeur le montant du salaire sur la base duquel elle a versé les indemnités journalières (pièces salarié n° 19 et 30).
- le moyen de preuve par stalking (sic) n'était pas indispensable à la défense de l'employeur, la disproportion de l'atteinte à sa vie privée est caractérisée'; la preuve ainsi rapportée par l'employeur sera écartée pour illicéité.
- en ce qui concerne le site « Attends30secondes.com », il est indigne que l'employeur lui reproche alors qu'elle est la mère isolée d'un enfant mineur, de procéder à des démarches utiles visant à s'en sortir, alors qu'il est directement responsable de la situation de précarité sociale et économique qu'il lui a imposée': elle a ainsi créé le site internet « attends30secondes.com » pour reprendre la main sur sa situation de souffrance.
- en ce qui concerne le compte instagram « Ah-mais-lis », elle y elle exprime sa passion pour l'image, son usage dans les réseaux sociaux, et pour le marketing digital'; elle partage ses connaissances aux internautes intéressés par la matière, en menant des visioconférences ou en participant à des jurys de concours': ce ne sont pas des missions de consulting, ou des réunions qui viendraient en concurrence de l'activité d'Everyday Content.
- l'employeur ne justifie, ni ne soutient l'existence, d'aucun détournement, ni d'aucune tentative, de ses clients et aucune concurrence déloyale'; le seul fait d'avoir créé un site internet, qu'il est nécessaire de créer et d'alimenter avant le début de l'activité afin qu'un référencement suffisant soit généré au moment du lancement, ne suffit pas à caractériser une concurrence déloyale.
- la déloyauté du moyen de collecte des données mis en 'uvre par la société Prodigious France est susceptible de caractériser les infractions des articles 226-18 et 226-21 du code pénal.
En réplique, la société Prodigious France soutient que':
- la matérialité des activités déloyales et concurrentes est établie et Mme [J] le reconnaît puisqu'elle indique dans ses conclusions «'grâce à ce contrat, Madame [J] a pu créer le site internet Attends30secondes », « a pu lui permettre de mettre en place les conditions de mise en route d'une nouvelle activité professionnelle », (conclusions adverses page 10) et qu'elle « a accompli des actes préparatoires à une sortie de sa situation de précarité » (conclusions adverses page 8)'; en outre elle expliquait en outre, dans un interview du 3 août 2020 qu'elle avait choisi, suite à une expérience au sein d'une agence de publicité (donc au sein de la société Prodigious France), d'explorer le social média au profit de plusieurs marques dans des secteurs comme la beauté, la mode, la food, la grande consommation ou encore l'hôtellerie (pièce employeur n° 16).
- or l'obligation de loyauté du salarié à l'égard de son employeur s'impose y compris lorsque le contrat est suspendu pour arrêt maladie et cette obligation de loyauté lui interdit notamment de se livrer à des activités concurrentes ou qui cause un préjudice à son employeur.
- d'ailleurs son contrat de travail prévoyait expressément une clause d'exclusivité (pièce employeur n° 1) « Vous vous engagez à n'exercer aucune autre activité professionnelle, salariée ou non, sans un accord exprès et préalable de notre part. Vous vous engagez également à n'avoir ni activité, ni intérêt direct ou indirect avec des Sociétés concurrentes de notre groupe ou de nos clients ('). Nous souhaitons attirer votre attention sur l'importance des clauses annexes dont la violation serait susceptible de justifier un licenciement pour faute grave ».
- mi-juin 2020, inquiète de ne pas avoir de nouvelle de Mme [J] qui n'avait pas justifiée son absence depuis le 17 avril 2020, la société a découvert que sa salariée se présentait et intervenait sur les réseaux sociaux et sur des sites publics en tant que consultante en social média à son propre compte, qu'elle était ainsi la fondatrice de l'agence Attend30secondes, lancée en mars 2020, dont le développement était relié directement au compte Instagram Ah-mais-lis dont elle était propriétaire (pièces employeur n° 8 à 10).
- le 15 avril 2020, Mme [J] est en outre intervenue dans le cadre d'une émission sur
les entrepreneurs créatifs (« Entrepreneurs créatifs : [L] [J], faut-il vraiment aller sur Tik-Tok ») (pièce employeur n° 11).
- le 28 avril 2020, Mme [J] a également animé une présentation de 9h30 à 10h30 (soit durant son arrêt de travail) pour le groupe Moyo Moyo en qualité de consultante experte stratégie digitale, enseignante, fondatrice de Ah-mais-lis et fondatrice de Attends 30 secondes (pièce employeur n° 12).
- le 30 avril 2020, Mme [J] intervenait également en tant que consultante experte stratégie digitale à son propre compte sur le thème : « Danseurs, artistes, humoristes : comment capitaliser sur vos réseaux sociaux ' » (pièce employeur n° 13).
- le 3 juillet 2020, Mme [J] intervenait toujours en tant que consultante experte stratégie digitale à son propre compte sur le thème : « Phénomène Tik Tok» (pièce employeur n° 14).
- le 28 juillet 2020, Mme [J] a participé sur Europ 1 en tant que consultante experte stratégie digitale à son propre compte sur le thème : «Tik tok in the music industry » (pièce employeur n°15).
- cette activité de consultante experte stratégie digitale exploitée dès mars 2020 pour son propre compte au sein de Attends 30 secondes (pièce employeur n° 16) est une activité directement concurrente à celle que Mme [J] exerçait au sein de la société Prodigious France.
- Mme [J] a ainsi dès 2020 exercé une activité concurrente qu'elle a poursuivie après son licenciement (pièces employeur n° 10, 17) et qu'elle continue d'ailleurs toujours d'exercer en 2024 (pièces employeur n° 23 à 30).
- d'ailleurs Mme [J] a signé dès le 18 février 2020 (soit durant son arrêt de travail) un contrat d'appui au projet d'entreprise pour la création ou la reprise d'une activité (Cape) pour une durée initiale de 6 mois, jusqu'au 18 août 2020 (pièce salarié n° 16).
- les éléments de preuve produits sont étrangers à « un stalking », à savoir une « traque, une filature »': il s'agit exclusivement de contenus publiés.
- le 2e grief est relatif à l'absence d'information et de justification de ses absences dans un
délai de 48h': il est reproché à Mme [J] l'absence d'information et de justification de son absence à partir du 17 avril 2020'; la société lui a alors adressé une mise en demeure le 17 juin 2020 afin de lui demander de transmettre les arrêts de travail (pièce employeur n° 4)'; elle n'a transmis son arrêt de travail que par l'intermédiaire de son conseil le 23 juillet 2020 .
A l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que le licenciement pour faute grave de Mme [J] est justifié au motif que son contrat de travail stipule une clause dite d'exclusivité par laquelle elle s'est engagée à n'exercer aucune autre activité professionnelle, salariée ou non, sans un accord exprès et préalable de l'employeur, qu'elle a violé cette clause en créant en mars 2020 l'agence Attend30secondes dont l'activité est directement concurrente à celle qu'elle exerçait au sein de Prodigious France, et en participant à différentes émissions et manifestations en qualité de consultante experte en stratégie digitale à son propre compte alors qu'elle était encore salariée de la société Prodigious France. En agissant ainsi à l'insu de son employeur, Mme [J] a violé ses obligations contractuelles et son obligation de loyauté à l'égard de la société Prodigious France et la cour retient que ces manquements sont d'une gravité telle qu'elle imposait le départ immédiat de Mme [J], son contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis.
Et c'est en vain que Mme [J] soutient que le moyen de preuve par stalking n'était pas indispensable à la défense de l'employeur, la disproportion de l'atteinte à sa vie privée est caractérisée, que la preuve ainsi rapportée par l'employeur sera écartée pour illicéité et que la déloyauté du moyen de collecte des données mis en 'uvre par la société Prodigious France est susceptible de caractériser les infractions des articles 226-18 et 226-21 du code pénal'; en effet, la cour retient que ces moyens sont mal fondés au motif qu'aucun des éléments produits ne permet de retenir l'existence d'un mode d'administration de preuve qui soit illicite dès lors que les éléments de preuve produits par la société Prodigious France sont des contenus publiés.
C'est aussi en vain que Mme [J] soutient que les accusations d'exercice d'activités déloyales et concurrentes à la société Prodigious France, qu'elle n'a débuté l'exploitation d'aucune activité durant sa période d'arrêt de travail, et n'a accompli que des actes préparatoires à une sortie de sa situation de précarité, qu'il est indigne que l'employeur lui reproche de procéder à des démarches utiles visant à s'en sortir, qu'elle a créé attends30secondes.com pour reprendre la main sur sa situation de souffrance'; en effet ces moyens sont mal fondés et sont contredits pas les éléments de preuve que la cour a retenus pour juger le licenciement pour faute grave justifié.
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de toutes ses demandes relatives à la rupture du contrat de travail.
Sur les autres demandes
La cour constate que Mme [J] n'articule aucun moyen au soutien de sa demande relative au paiement du solde de tout compte et des indemnités de la complémentaire Henner ; cette demande ne sera donc pas examinée en application de l'article 954 du code de procédure civile qui dispose notamment que la cour n'examine les moyens au soutien des prétentions énoncées au dispositif que s'ils sont invoqués dans la discussion
Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [J] de sa demande relative au paiement du solde de tout compte et des indemnités de la complémentaire Henner.
La cour condamne Mme [J] aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner Mme [J] à payer à la société Prodigious France la somme de 1'500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner Mme [J] à payer à la société Publicis Conseil la somme de 1'500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
L'ensemble des autres demandes plus amples ou contraires formées en demande ou en défense est rejeté, leur rejet découlant des motifs amplement développés dans tout l'arrêt.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Rejette les moyens tirés de l'absence d'effet dévolutif formulés par la société Prodigious France et la société Publicis Conseil.
Rejette le moyen tiré de la caducité de l'appel formulé par la société Publicis Conseil.
Confirme le jugement sauf en ce qu'il a mis hors de cause la société Publicis Conseil.
Statuant à nouveau de ce seul chef,
Déboute Mme [J] de toutes ses demandes formées contre la société Publicis Conseil.
Ajoutant,
Condamne Mme [J] à verser à la société Prodigious France une somme de 1'500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel,
Condamne Mme [J] à verser à la société Publicis Conseil une somme de 1'500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Condamne Mme [J] aux dépens.