Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 3, 6 novembre 2024, n° 19/11553
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 06 NOVEMBRE 2024
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11553 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA73T
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n°
APPELANT
Monsieur [H] [A]
Né le 30 mai 1986 à [Localité 11] (Angola)
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représenté par Me Caroline BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D2149
INTIMEES
Me [Z] [T] [B] [W] - Mandataire ad'hoc de Société MSA - MODERNISATION SERRURERIE ET ASCENSEURS
[Adresse 5]
[Localité 6]
Non représentée la déclaration d'appel ayant été signifiée par exploit d'huissier le 13 février 2020 converti en PV de recherche article 659 du code de procédure civile
SARL MODERNISATION CREATION D'ASCENSEURS, prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 493 954 556
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Sandrine FARGE-VOUTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0115, avocat postulant et par Me Stefan RIBEIRO, avocat au barreau de VAL D'OISE, toque : 80, avocat plaidant
PARTIES INTERVENANTES
Organisme AGS CGEA D'ILE DE FRANCE OUEST, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentée par Me Anne-france DE HARTINGH, avocat au barreau de PARIS, toque : R1861
S.C.P. BTSG prise en la personne de Maitre [F] [I] es qualité de liquidateur judiciaire dc la SARL MSA - MODERNISATION SERRURERIE ET ASCENSEURS,
[Adresse 1]
[Localité 8]
Non représentée l'assignation en intervention forcée ayant été signifiée par exploit d'huissier le 2 août 2023 à personne morale
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MARMORAT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Véronique MARMORAT, présidente
Christophe BACONNIER, président
Marie Lisette SAUTRON, présidente
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
- Défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Véronique MARMORAT, Présidente et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [H] [A], né le 30 mai 1986, a été embauché par la société Modernisation serrurerie et ascenseurs le 1er septembre 2015 en qualité de serrurier. Il a été licencié par lettre datée du 14 août 2017, reçue le 12 septembre 2017, pour faute grave qui serait constituée par le fait de mal fabriquer et poser le matériel.
Contestant ce licenciement et estimant avoir été coemployé par la société Modernisation création d'ascenseurs, monsieur [A] a saisi le 17 novembre 2017 en reconnaissance de ce coemploi, en contestation de ce licenciement et en diverses demandes indemnitaires et salariales le Conseil des prud'hommes de Paris.
La société Modernisation serrurerie et ascenseurs a fait l'objet d'une dissolution amiable le 13 décembre 2017 et fera l'objet d'une liquidation judiciaire d'office le 18 novembre 2020, la Scp Btsg prise en la personne de maître [F] [I] a été désignée comme liquidateur judiciaire.
Par jugement du 11 juin 2018, le Conseil des prud'hommes de Paris a jugé que monsieur [A] n'a pas été employé par la société Modernisation création d'ascenseurs et la met hors de cause, a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et a condamné la société Modernisation serrurerie et ascenseurs, prise en la personne de son liquidateur amiable, monsieur [B] [W] [Z] [T], aux dépens et à lui verser les sommes suivantes :
6 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 600 euros au titre des congés payés afférents
1 300,00 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
2 000,00 euros au titre de l'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement
1 435,98 euros au titre du rappel de salaire sur heures supplémentaires outre celle de 143,60 euros au titres des congés payés afférents
1 200,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Monsieur [A] a interjeté appel de cette décision le 20 novembre 2019.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 8 juillet 2024, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [A] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant de nouveau de
A titre principal
Condamner solidairement ou in solidum la société Modernisation création d'ascenseurs avec la société Modernisation serrurerie et ascenseurs, prise en la personne de maître [F] [I], es qualité de liquidateur judiciaire, à lui verser les sommes suivantes, et fixer lesdites sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société Modernisation serrurerie et ascenseurs':
TITRE
SOMME EN EUROS
indemnité compensatrice de préavis
congés payés
6 000,00
600,00
indemnité légale de licenciement
1 300,00
indemnité pour licenciement abusif
18 000,00
indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement
3 000,00
rappel de salaire sur heures supplémentaires
congés payés
1 435,98
143,60
défaut de visite médicale d'embauche
1 000,00
article 700 du code de procédure civile
3 000,00
Condamner la société Modernisation création d'ascenseurs à lui verser la somme de 18'000 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
A titre subsidiaire
Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Modernisation serrurerie et ascenseurs prise en la personne de maître [F] [I] ès qualité de liquidateur judiciaire, les mêmes sommes
En tout état de cause,
Ordonner à l'association Unédic délégation Ags Cgea Ile de France Ouest de garantir le paiement de ses créances dans la liquidation judiciaire de la société Modernisation serrurerie et ascenseurs, dans les limites de ses obligations.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 11 juillet 2024, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Modernisation création d'ascenseurs demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, débouter monsieur [A] de toutes ses demandes, le condamner aux dépens et à lui verser la somme de 2'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 17 octobre 2023, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, l'association Unédic délégation Ags Cgea Ile de France Ouest demande à la cour de
A titre principal
Juger irrecevables les demandes de condamnations solidaires des sociétés Modernisation création d'ascenseurs et Modernisation serrurerie et ascenseurs
La mettre hors de cause
A titre subsidiaire
Infirmer le jugement dans ses condamnations et le confirmer dans les rejets des autres demandes de monsieur [A]
En cas de condamnation solidaire imputer la totalité de la dette solidaire à Modernisation création d'ascenseurs in bonis
En tout état de cause
Débouter monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes
Sur sa garantie
Juger, ordonner et inscrire au dispositif de la décision à intervenir, qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens et dans les limites et conditions des articles L 3253-6 et suivants dont l'article L 3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts, indemnités, mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du code de procédure civile et dépens étant ainsi exclus de la garantie.
Juger, ordonner et inscrire au dispositif de la décision à intervenir, qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, l'un des trois plafonds fixés, en vertu des dispositions des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à sa charge.
La Scp Btsg prise en la personne de maître [F] [I] ès qualité de mandataire liquidateur de la société Modernisation serrurerie et ascenseurs a été assignée en intervention forcée le 2 août 2023 et ne s'est pas constituée.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
SUR L'EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ
Principe de droit applicable
Selon l'article L 622-21 du code de commerce, dans sa version applicable, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article'L. 622-17'et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
Son article L 622-22 prévoit que sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
Application en l'espèce
En se fondant sur les articles précités, l'association Unédic délégation Ags Cgea Ile de France Ouest soutient que les demandes de monsieur [A] seraient irrecevables dans la mesure où la société Modernisation serrurerie et ascenseurs a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 18 novembre 2020.
La garantie de droit de l'association Unédic délégation Ags Cgea Ile de France Ouest définie par 2l'article L 3253-6 du code du travail relatives à exécution ou ayant pour cause de rupture du contrat de travail au sens de son article L 3253-8 ne peut être écartée en raison de l'ouverture d'office d'une procédure de liquidation judicaire postérieure à la saisine du conseil des prud'hommes.
En conséquence, il convient de rejeter cette exception.
SUR LE COEMPLOI
Principe de droit applicable
Hors l'existence d'un lien de subordination, une société ne peut être qualifiée de coemployeur, à l'égard du personnel employé par une autre société, que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre elles et l'état de domination économique que peuvent engendrer leur relation commerciale, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
Application en l'espèce
Monsieur [A] soutient qu'il aurait été mis à la disposition de la société Modernisation création d'ascenseurs par la société Modernisation serrurerie et ascenseurs immédiatement après son embauche, sans régularisation d'une convention, et qu'il aurait par la suite toujours travaillé dans l'atelier de [Localité 12] pour la société Modernisation création d'ascenseurs recevant des instructions et outils de travail de celle-ci (tenue de travail, plannings, plans de constructions), ce qui caractériserait une opération de prêt de main-d''uvre illicite, de même qu'une opération de marchandage. Il estime qu'un montage de sociétés aurait été mis en place pour pourvoir durablement au besoin de main-d''uvre de la société Modernisation création d'ascenseurs , tout en s'économisant l'embauche et la rupture du contrat de travail des salariés.
Le salarié précise que les deux sociétés auraient été à l'époque représentées par le même gérant, monsieur [P] [E], qu'elles auraient le même objet social, et que la société Modernisation serrurerie et ascenseurs ne serait qu'une société 'fantôme' sans activité propre, dont le chiffre d'affaires serait en réalité réalisé par la société Modernisation création d'ascenseurs qui ne compterait officiellement que 3 à 5 salariés.
La société Modernisation création d'ascenseurs expose qu'il n'y aurait jamais eu de situation de prêt de main d''uvre illicite, mais qu'elle aurait simplement fait appel à la société Modernisation serrurerie et ascenseurs dans le cadre d'opérations de sous-traitance parfaitement définies et qu'il n'y aurait aucune identité d'activité, ni de direction entre les sociétés, en ce que leurs activités seraient complémentaires et que monsieur [E], dirigeant de la société Modernisation création d'ascenseurs aurait été parfaitement en droit d'intervenir pour rappeler à l'ordre son sous-traitant. Elle ajoute que la présente cour aurait rejeté toute théorie de coemploi avancée par d'autres salariés en litige avec la société, en l'absence de lien de subordination.
Il résulte des pièces versées à la procédure que monsieur [A] a signé un contrat à durée indéterminée avec une société Montage Serrurerie Ascenseurs immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bobigny sous le numéro 798'402'475, numéro attribué à la société Modernisation serrurerie et ascenseurs. Ces bulletins de paie sont émis par cette société, ainsi que l'attestation d'emploi qu'il produit, ses deux avertissements, la lettre d'expédition de sa fiche de congés et les documents de fin de contrat. Seuls des documents de travail tels que des plannings des plans d'assemblage d'un châssis de treuil émanent de la société Modernisation création d'ascenseurs. Les contrats de prestations de service, des bons de commande et des factures établis entre la société Modernisation serrurerie et ascenseurs et la société Modernisation création d'ascenseurs et l'absence de lien de subordination entre cette dernière et monsieur [A] permettent d'écarter le coemploi comme l'ont justement apprécié les premiers juges.
SUR L'EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL
Sur les heures supplémentaires
Principe de droit applicable
L'article L 3171-4 du code du travail précise qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Application en l'espèce
Monsieur [A] dans ses écritures ne soutient pas avoir effectué des heures supplémentaires non pris en compte mais conteste leur taux de majoration. La cour confirme le jugement sur ce point qui a fait droit à cette demande justifiée dans son montant par de justes motifs.
Sur le travail dissimulé
Principe de droit applicable
En vertu de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Application en l'espèce
Monsieur [A] soutient que la société Modernisation création d'ascenseurs se serait rendue coupable de travail dissimulé à son égard, en ce qu'elle l'aurait fait travailler durant deux années sous sa subordination directe et exclusive, en se soustrayant de ses obligations déclaratives en qualité d'employeur, au regard du montage mis en place entre les deux sociétés.
Il résulte de ce qui précède que ce moyen ne peut qu'être rejeté.
Sur l'absence de visite médicale
Principe de droit applicable
En application de l'article R.'4624-10 du code du travail, tout salarié bénéficie d'une visite d'information et de prévention réalisée par un professionnel de santé dans un délai qui n'excède pas trois mois à compter de la prise effective de travail.
Application en l'espèce
Monsieur [A] forme une demande d'indemnisation à hauteur de la somme de 1000 euros pour défaut de visite médical d'embauche sans qu'il ne justifie ni de l'existence ni de l'étendue du préjudice qu'il aurait subi en raison de cette défaillance de l'employeur.
SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
Principe de droit applicable
Aux termes des dispositions de l'article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse'; en vertu des dispositions de l'article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Selon l'article L 1332-4 du même code, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Par application des dispositions de l'article L 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre, précisée le cas échéant dans les conditions prévues par l'article L 1235-2 du même code, fixe les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement
Application en l'espèce
En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante :
' Malgré nos remarques et plusieurs avertissements, vous aviez continué à mal fabriquer le matériel et le poser ; nous sommes donc obligés de le démonter, le rectifier et reposer ; ce qui nous revient excessivement cher (coût de production exorbitant).
Notre clientèle n'est pas satisfaite de notre service.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l 'entreprise.
Cette décision fait suite à notre entretien préalable au cour duquel nous avons exposé nos motifs et recueilli vos explications ne nous ont pas convaincus.'
Monsieur [A] soutient que son licenciement serait dénué de cause réelle et sérieuse, en ce que le motif de la faute grave serait mal fondé, vague, imprécis, qu'il relèverait d'une insuffisance professionnelle contestée par le salarié, et que la Cour ne pourrait que constater l'absence de toute faute à la lecture de la lettre de licenciement fixant les termes du litige.
La lettre de licenciement reproduite ci-dessus ne comporte aucun fait précis, daté permettant d'établir la faute du salarié ni d'examiner si le pouvoir disciplinaire de l'employeur a été épuisé par le dernier avertissement du 5 juillet 2017 et n'est corroboré par aucune pièce de l'employeur .
En conséquence, il convient d'infirmer la décision du Conseil des prud'hommes et de juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et d'allouer à monsieur [A] la somme de 8'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.
La cour retient les montants fixés pour l'indemnité légale de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents par les premiers juges et dont le salarié demande la confirmation.
En l'absence de toute procédure de licenciement, la cour confirme également la somme retenue par le Conseil des prud'hommes pour indemniser monsieur [A] à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de la qualification du licenciement ;
Statuant à nouveau sur ce point,
Juge le licenciement de monsieur [A] par la société Modernisation serrurerie et ascenseurs sans cause réelle et sérieuse ;
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Modernisation serrurerie et ascenseurs prise en la personne de maître [F] [I] de la Scp Btsg la somme de 8'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ainsi que la totalité des créances fixées par les premiers juges ;
Ordonne à l'association Unédic délégation Ags Cgea Ile de France Ouest de garantir le paiement de ces créances dans la liquidation judiciaire de la société Modernisation serrurerie et ascenseurs, dans les limites de ses obligations légales et réglementaires ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens.
Le greffier La présidente
délivrées le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 06 NOVEMBRE 2024
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11553 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA73T
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n°
APPELANT
Monsieur [H] [A]
Né le 30 mai 1986 à [Localité 11] (Angola)
[Adresse 3]
[Localité 10]
Représenté par Me Caroline BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D2149
INTIMEES
Me [Z] [T] [B] [W] - Mandataire ad'hoc de Société MSA - MODERNISATION SERRURERIE ET ASCENSEURS
[Adresse 5]
[Localité 6]
Non représentée la déclaration d'appel ayant été signifiée par exploit d'huissier le 13 février 2020 converti en PV de recherche article 659 du code de procédure civile
SARL MODERNISATION CREATION D'ASCENSEURS, prise en la personne de son représentant légal
N° SIRET : 493 954 556
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Sandrine FARGE-VOUTE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0115, avocat postulant et par Me Stefan RIBEIRO, avocat au barreau de VAL D'OISE, toque : 80, avocat plaidant
PARTIES INTERVENANTES
Organisme AGS CGEA D'ILE DE FRANCE OUEST, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 9]
Représentée par Me Anne-france DE HARTINGH, avocat au barreau de PARIS, toque : R1861
S.C.P. BTSG prise en la personne de Maitre [F] [I] es qualité de liquidateur judiciaire dc la SARL MSA - MODERNISATION SERRURERIE ET ASCENSEURS,
[Adresse 1]
[Localité 8]
Non représentée l'assignation en intervention forcée ayant été signifiée par exploit d'huissier le 2 août 2023 à personne morale
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MARMORAT, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Véronique MARMORAT, présidente
Christophe BACONNIER, président
Marie Lisette SAUTRON, présidente
Greffier, lors des débats : Madame Laetitia PRADIGNAC
ARRET :
- Défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Véronique MARMORAT, Présidente et par Laetitia PRADIGNAC, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [H] [A], né le 30 mai 1986, a été embauché par la société Modernisation serrurerie et ascenseurs le 1er septembre 2015 en qualité de serrurier. Il a été licencié par lettre datée du 14 août 2017, reçue le 12 septembre 2017, pour faute grave qui serait constituée par le fait de mal fabriquer et poser le matériel.
Contestant ce licenciement et estimant avoir été coemployé par la société Modernisation création d'ascenseurs, monsieur [A] a saisi le 17 novembre 2017 en reconnaissance de ce coemploi, en contestation de ce licenciement et en diverses demandes indemnitaires et salariales le Conseil des prud'hommes de Paris.
La société Modernisation serrurerie et ascenseurs a fait l'objet d'une dissolution amiable le 13 décembre 2017 et fera l'objet d'une liquidation judiciaire d'office le 18 novembre 2020, la Scp Btsg prise en la personne de maître [F] [I] a été désignée comme liquidateur judiciaire.
Par jugement du 11 juin 2018, le Conseil des prud'hommes de Paris a jugé que monsieur [A] n'a pas été employé par la société Modernisation création d'ascenseurs et la met hors de cause, a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et a condamné la société Modernisation serrurerie et ascenseurs, prise en la personne de son liquidateur amiable, monsieur [B] [W] [Z] [T], aux dépens et à lui verser les sommes suivantes :
6 000 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 600 euros au titre des congés payés afférents
1 300,00 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement
2 000,00 euros au titre de l'indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement
1 435,98 euros au titre du rappel de salaire sur heures supplémentaires outre celle de 143,60 euros au titres des congés payés afférents
1 200,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Monsieur [A] a interjeté appel de cette décision le 20 novembre 2019.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 8 juillet 2024, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [A] demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant de nouveau de
A titre principal
Condamner solidairement ou in solidum la société Modernisation création d'ascenseurs avec la société Modernisation serrurerie et ascenseurs, prise en la personne de maître [F] [I], es qualité de liquidateur judiciaire, à lui verser les sommes suivantes, et fixer lesdites sommes au passif de la liquidation judiciaire de la société Modernisation serrurerie et ascenseurs':
TITRE
SOMME EN EUROS
indemnité compensatrice de préavis
congés payés
6 000,00
600,00
indemnité légale de licenciement
1 300,00
indemnité pour licenciement abusif
18 000,00
indemnité pour inobservation de la procédure de licenciement
3 000,00
rappel de salaire sur heures supplémentaires
congés payés
1 435,98
143,60
défaut de visite médicale d'embauche
1 000,00
article 700 du code de procédure civile
3 000,00
Condamner la société Modernisation création d'ascenseurs à lui verser la somme de 18'000 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé
A titre subsidiaire
Fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Modernisation serrurerie et ascenseurs prise en la personne de maître [F] [I] ès qualité de liquidateur judiciaire, les mêmes sommes
En tout état de cause,
Ordonner à l'association Unédic délégation Ags Cgea Ile de France Ouest de garantir le paiement de ses créances dans la liquidation judiciaire de la société Modernisation serrurerie et ascenseurs, dans les limites de ses obligations.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 11 juillet 2024, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Modernisation création d'ascenseurs demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, débouter monsieur [A] de toutes ses demandes, le condamner aux dépens et à lui verser la somme de 2'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 17 octobre 2023, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, l'association Unédic délégation Ags Cgea Ile de France Ouest demande à la cour de
A titre principal
Juger irrecevables les demandes de condamnations solidaires des sociétés Modernisation création d'ascenseurs et Modernisation serrurerie et ascenseurs
La mettre hors de cause
A titre subsidiaire
Infirmer le jugement dans ses condamnations et le confirmer dans les rejets des autres demandes de monsieur [A]
En cas de condamnation solidaire imputer la totalité de la dette solidaire à Modernisation création d'ascenseurs in bonis
En tout état de cause
Débouter monsieur [A] de l'ensemble de ses demandes
Sur sa garantie
Juger, ordonner et inscrire au dispositif de la décision à intervenir, qu'en tout état de cause, la garantie prévue aux dispositions de l'article L 3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens et dans les limites et conditions des articles L 3253-6 et suivants dont l'article L 3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts, indemnités, mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou article 700 du code de procédure civile et dépens étant ainsi exclus de la garantie.
Juger, ordonner et inscrire au dispositif de la décision à intervenir, qu'en tout état de cause la garantie de l'AGS ne pourra excéder, toutes créances confondues, l'un des trois plafonds fixés, en vertu des dispositions des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance sans qu'ils puissent être mis à sa charge.
La Scp Btsg prise en la personne de maître [F] [I] ès qualité de mandataire liquidateur de la société Modernisation serrurerie et ascenseurs a été assignée en intervention forcée le 2 août 2023 et ne s'est pas constituée.
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
SUR L'EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ
Principe de droit applicable
Selon l'article L 622-21 du code de commerce, dans sa version applicable, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article'L. 622-17'et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
Son article L 622-22 prévoit que sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
Application en l'espèce
En se fondant sur les articles précités, l'association Unédic délégation Ags Cgea Ile de France Ouest soutient que les demandes de monsieur [A] seraient irrecevables dans la mesure où la société Modernisation serrurerie et ascenseurs a fait l'objet d'une liquidation judiciaire le 18 novembre 2020.
La garantie de droit de l'association Unédic délégation Ags Cgea Ile de France Ouest définie par 2l'article L 3253-6 du code du travail relatives à exécution ou ayant pour cause de rupture du contrat de travail au sens de son article L 3253-8 ne peut être écartée en raison de l'ouverture d'office d'une procédure de liquidation judicaire postérieure à la saisine du conseil des prud'hommes.
En conséquence, il convient de rejeter cette exception.
SUR LE COEMPLOI
Principe de droit applicable
Hors l'existence d'un lien de subordination, une société ne peut être qualifiée de coemployeur, à l'égard du personnel employé par une autre société, que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre elles et l'état de domination économique que peuvent engendrer leur relation commerciale, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.
Application en l'espèce
Monsieur [A] soutient qu'il aurait été mis à la disposition de la société Modernisation création d'ascenseurs par la société Modernisation serrurerie et ascenseurs immédiatement après son embauche, sans régularisation d'une convention, et qu'il aurait par la suite toujours travaillé dans l'atelier de [Localité 12] pour la société Modernisation création d'ascenseurs recevant des instructions et outils de travail de celle-ci (tenue de travail, plannings, plans de constructions), ce qui caractériserait une opération de prêt de main-d''uvre illicite, de même qu'une opération de marchandage. Il estime qu'un montage de sociétés aurait été mis en place pour pourvoir durablement au besoin de main-d''uvre de la société Modernisation création d'ascenseurs , tout en s'économisant l'embauche et la rupture du contrat de travail des salariés.
Le salarié précise que les deux sociétés auraient été à l'époque représentées par le même gérant, monsieur [P] [E], qu'elles auraient le même objet social, et que la société Modernisation serrurerie et ascenseurs ne serait qu'une société 'fantôme' sans activité propre, dont le chiffre d'affaires serait en réalité réalisé par la société Modernisation création d'ascenseurs qui ne compterait officiellement que 3 à 5 salariés.
La société Modernisation création d'ascenseurs expose qu'il n'y aurait jamais eu de situation de prêt de main d''uvre illicite, mais qu'elle aurait simplement fait appel à la société Modernisation serrurerie et ascenseurs dans le cadre d'opérations de sous-traitance parfaitement définies et qu'il n'y aurait aucune identité d'activité, ni de direction entre les sociétés, en ce que leurs activités seraient complémentaires et que monsieur [E], dirigeant de la société Modernisation création d'ascenseurs aurait été parfaitement en droit d'intervenir pour rappeler à l'ordre son sous-traitant. Elle ajoute que la présente cour aurait rejeté toute théorie de coemploi avancée par d'autres salariés en litige avec la société, en l'absence de lien de subordination.
Il résulte des pièces versées à la procédure que monsieur [A] a signé un contrat à durée indéterminée avec une société Montage Serrurerie Ascenseurs immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bobigny sous le numéro 798'402'475, numéro attribué à la société Modernisation serrurerie et ascenseurs. Ces bulletins de paie sont émis par cette société, ainsi que l'attestation d'emploi qu'il produit, ses deux avertissements, la lettre d'expédition de sa fiche de congés et les documents de fin de contrat. Seuls des documents de travail tels que des plannings des plans d'assemblage d'un châssis de treuil émanent de la société Modernisation création d'ascenseurs. Les contrats de prestations de service, des bons de commande et des factures établis entre la société Modernisation serrurerie et ascenseurs et la société Modernisation création d'ascenseurs et l'absence de lien de subordination entre cette dernière et monsieur [A] permettent d'écarter le coemploi comme l'ont justement apprécié les premiers juges.
SUR L'EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL
Sur les heures supplémentaires
Principe de droit applicable
L'article L 3171-4 du code du travail précise qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Application en l'espèce
Monsieur [A] dans ses écritures ne soutient pas avoir effectué des heures supplémentaires non pris en compte mais conteste leur taux de majoration. La cour confirme le jugement sur ce point qui a fait droit à cette demande justifiée dans son montant par de justes motifs.
Sur le travail dissimulé
Principe de droit applicable
En vertu de l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Application en l'espèce
Monsieur [A] soutient que la société Modernisation création d'ascenseurs se serait rendue coupable de travail dissimulé à son égard, en ce qu'elle l'aurait fait travailler durant deux années sous sa subordination directe et exclusive, en se soustrayant de ses obligations déclaratives en qualité d'employeur, au regard du montage mis en place entre les deux sociétés.
Il résulte de ce qui précède que ce moyen ne peut qu'être rejeté.
Sur l'absence de visite médicale
Principe de droit applicable
En application de l'article R.'4624-10 du code du travail, tout salarié bénéficie d'une visite d'information et de prévention réalisée par un professionnel de santé dans un délai qui n'excède pas trois mois à compter de la prise effective de travail.
Application en l'espèce
Monsieur [A] forme une demande d'indemnisation à hauteur de la somme de 1000 euros pour défaut de visite médical d'embauche sans qu'il ne justifie ni de l'existence ni de l'étendue du préjudice qu'il aurait subi en raison de cette défaillance de l'employeur.
SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
Principe de droit applicable
Aux termes des dispositions de l'article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse'; en vertu des dispositions de l'article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Selon l'article L 1332-4 du même code, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.
Par application des dispositions de l'article L 1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ; la motivation de cette lettre, précisée le cas échéant dans les conditions prévues par l'article L 1235-2 du même code, fixe les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, même pendant la durée du préavis ; l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.
Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement
Application en l'espèce
En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante :
' Malgré nos remarques et plusieurs avertissements, vous aviez continué à mal fabriquer le matériel et le poser ; nous sommes donc obligés de le démonter, le rectifier et reposer ; ce qui nous revient excessivement cher (coût de production exorbitant).
Notre clientèle n'est pas satisfaite de notre service.
Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible votre maintien même temporaire dans l 'entreprise.
Cette décision fait suite à notre entretien préalable au cour duquel nous avons exposé nos motifs et recueilli vos explications ne nous ont pas convaincus.'
Monsieur [A] soutient que son licenciement serait dénué de cause réelle et sérieuse, en ce que le motif de la faute grave serait mal fondé, vague, imprécis, qu'il relèverait d'une insuffisance professionnelle contestée par le salarié, et que la Cour ne pourrait que constater l'absence de toute faute à la lecture de la lettre de licenciement fixant les termes du litige.
La lettre de licenciement reproduite ci-dessus ne comporte aucun fait précis, daté permettant d'établir la faute du salarié ni d'examiner si le pouvoir disciplinaire de l'employeur a été épuisé par le dernier avertissement du 5 juillet 2017 et n'est corroboré par aucune pièce de l'employeur .
En conséquence, il convient d'infirmer la décision du Conseil des prud'hommes et de juger que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse et d'allouer à monsieur [A] la somme de 8'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.
La cour retient les montants fixés pour l'indemnité légale de licenciement, l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents par les premiers juges et dont le salarié demande la confirmation.
En l'absence de toute procédure de licenciement, la cour confirme également la somme retenue par le Conseil des prud'hommes pour indemniser monsieur [A] à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt rendu par défaut prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions à l'exception de la qualification du licenciement ;
Statuant à nouveau sur ce point,
Juge le licenciement de monsieur [A] par la société Modernisation serrurerie et ascenseurs sans cause réelle et sérieuse ;
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société Modernisation serrurerie et ascenseurs prise en la personne de maître [F] [I] de la Scp Btsg la somme de 8'000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ainsi que la totalité des créances fixées par les premiers juges ;
Ordonne à l'association Unédic délégation Ags Cgea Ile de France Ouest de garantir le paiement de ces créances dans la liquidation judiciaire de la société Modernisation serrurerie et ascenseurs, dans les limites de ses obligations légales et réglementaires ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens.
Le greffier La présidente