Décisions
CA Toulouse, 3e ch., 6 novembre 2024, n° 23/03724
TOULOUSE
Arrêt
Autre
06/11/2024
ARRÊT N° 438/2024
N° RG 23/03724 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PZA6
SG/KM
Décision déférée du 13 Octobre 2023
Président du TJ de TOULOUSE
( 23/01548)
C.LOUIS
[K] [T]
[A] [R]
[L] [I]
S.A. AXA FRANCE IARD
C/
[N] [F]
Caisse CPAM DE LA HAUTE GARONNE
Société AG2R LA MONDIALE
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTS
Monsieur [K] [T]
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représenté par Me Pierre-yves PAULIAN, avocat au barreau de TOULOUSE
Maître [A] [R] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « ASSOCIATION CENTRE DE SANTE DENTAIRE [12] »
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Pierre-yves PAULIAN, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [L] [I]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représenté par Me Pierre-yves PAULIAN, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 4]
[Localité 10]
Représentée par Me Pierre-yves PAULIAN, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEES
Madame [N] [F]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Victoria SEBBAH - DE BARRAU, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-31555-2023-9181 du 09/11/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
Caisse CPAM DE LA HAUTE GARONNE
[Adresse 3]
[Localité 5]
assignée le 23/11/2023 à personne morale sans avocat constitué
Société AG2R LA MONDIALE
[Adresse 6]
[Localité 9]
assignée le 23/11/2023 à personne morale sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. GAUMET,conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
E. VET, conseiller faisant fonction de président
C. ROUGER, conseiller
S. GAUMET, conseiller
Greffière, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par E. VET, président, et par I. ANGER, greffière de chambre
FAITS
Au mois de mai 2020, Mme [N] [F] a consulté le Dr [L] [I], exerçant au sein du cabinet Santé Dentaire [12], en raison de dents cariées. Il a été procédé à la dévitalisation de six dents, puis à la pose de plusieurs bridges.
Des douleurs aiguës sont apparues.
Mme [F] a consulté le Dr [K] [T], remplaçant du Dr [I], qui a procédé à la dépose de six bridges.
En janvier 2023, Mme [F] a consulté le Dr [B] qui, après la réalisation d'un conebeam a constaté un effondrement du plancher sinusien et un dépassement de pâte intrasinusien en regard de la racine palatine de la dent N°26. Ce médecin a redirigé Mme [F] vers le cabinet dentaire [12].
Ce cabinet dentaire a été placé en redressement judiciaire.
Mme [F] a continué de présenter des douleurs quotidiennes malgré divers soins dispensés par d'autres professionnels.
PROCEDURE
Par acte du 04 août 2023, Mme [N] [F] a fait assigner l'association Centre de Santé Dentaire [12] prise en la personne de son liquidateur judiciaire, la SELARL [R] & Associés, la SA Axa France Iard assureur de l'association, M. [K] [T], la Caisse Primaire D'assurance Maladie de la Haute Garonne, M. [L] [I], et la société d'assurance mutuelle AG2R la Mondiale devant le président du tribunal judiciaire de Toulouse statuant en référé pour faire désigner un expert à l'effet de rechercher la cause et l'origine des complications qui auraient été subies après l'intervention de septembre et octobre 2020 et le traitement médical prodigué par la partie défenderesse. Il était également demandé de condamner le centre de santé dentaire pris en la personne de son liquidateur à communiquer le dossier médical de la demanderesse sous astreinte.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 13 octobre 2023, le juge des référés a :
- rejeté pour être prématurées les demandes de mise hors de cause,
- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir, mais dès à présent, tous droits et moyens des parties réservés,
- ordonné une expertise et commis en qualité d'expert Mme [W] [E] et en cas d'indisponibilité M. [D] [J], experts inscrits sur la liste de la cour d'appel de Montpellier, avec pour mission de :
* se faire communiquer par les parties et notamment par le demandeur ou par tout tiers détenteur, toutes pièces médicales et de toute autre nature qu'elles estiment propres à établir le bien fondé de leurs prétentions, ainsi que toutes celles que l'expert leur réclamera dans le cadre de sa mission,
* convoquer les parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et leur conseil par lettre simple,
* interroger contradictoirement les parties et éventuellement tout sachant, afin de :
° connaître et décrire l'état médical et de vie du patient avant les actes critiqués,
° reconstituer l'ensemble des faits ayant conduit à la présente procédure,
° consigner les doléances du demandeur et les observations des défendeurs,
* décrire les soins et interventions dont le demandeur a été l'objet, en les rapportant à leurs auteurs et décrire l'évolution de l'état de santé en recherchant notamment si le problème est survenu en raison de la défectuosité d'un produit, qui sera dans cette hypothèse décrit,
* procéder à l'examen clinique, de manière contradictoire, du demandeur et décrire l'état actuel et le cas échéant les lésions et séquelles directement imputables aux soins et traitements critiqués,
* dire si les actes et traitements médicaux réalisés étaient indiqués,
* donner un avis sur la ou les origine(s) des problèmes survenus,
* déterminer si les soins et actes médicaux ont été attentifs, consciencieux, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale à l'époque des faits,
* dans la négative, analyser de façon détaillée et motivée la nature des erreurs, imprudences, maladresses, manques de précautions, négligences pré, per ou post-opératoires ou autres défaillances relevés,
* en ne s'attachant qu'à la seule part imputable aux éventuels manquements ci-dessus mentionnés (c'est-à-dire en ne retenant pas les éléments de préjudice corporel se rattachant aux suites normales des soins qui étaient nécessaires ou à l'état antérieur), évaluer les préjudices directs et certains en résultant,
* décrire tous les soins médicaux et paramédicaux mis en 'uvre jusqu'à la consolidation, en précisant leur imputabilité, leur nature, leur durée, leur coût et en indiquant les dates avec les durées exactes d'hospitalisations et leurs détails (DSA),
* décrire au besoin un état antérieur, en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions en cause,
* déterminer les périodes pendant lesquelles le patient a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle, en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée (PGPA),
* préciser la durée des arrêts de travail retenus par l'organisme social au vu des justificatifs produits et dire si ces arrêts de travail sont liés de façon directe et certaine au fait dommageables,
* indiquer les périodes pendant lesquelles le patient a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles (DFT), en cas d`incapacité partielle, préciser le taux et la durée,
* décrire les souffrances physiques, psychiques et morales endurées avant la consolidation du fait dommageable et les évaluer sur une échelle de 0 à 7,
* fixer la date de consolidation et, si celle-ci n'est as encore acquise, indiquer le délai à l'issue duquel un nouvel examen devra être réalisé et évaluer les seuls chefs de préjudice qui peuvent l'être en l'état,
* indiquer si après cette consolidation, le patient subit un déficit fonctionnel permanent (DFP) consistant en une altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, psychosensorielles ou intellectuelles, auxquelles s'ajoutent les éventuels phénomènes douloureux, répercussions psychologiques normalement liés à l'atteinte séquellaire décrite, ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours, en évaluer l'importance et au besoin en chiffre le taux, dans l'hypothèse d`un état antérieur, préciser en quoi les faits litigieux ont eu une incidence sur cet état antérieur et en décrire les conséquences,
* indiquer, le cas échéant, si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne est ou a été nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne. Préciser la nature de l'aide à prodiguer (qualification professionnelle) et sa durée quotidienne, ainsi que les conditions dans lesquelles ces besoins sont actuellement satisfaits,
* décrire et chiffrer les soins et frais futurs à prévoir, ainsi que les aides techniques compensatoires au handicap du patient (prothèses, appareillage spécifique, véhicule..,) en précisant la fréquence de leur renouvellement, indiquer leur caractère occasionnel ou viager, la nature, la quantité et la durée prévisible,
* donner son avis sur d'éventueIs aménagements nécessaires pour permettre, le cas échéant, au patient d'adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap,
* indiquer notamment au vu des justificatifs produits si le déficit fonctionnel permanent entraîne l'obligation pour le patient de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou de changer d'activité,
* indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraîne d'autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité, 'dévalorisation sur le marché du travail',...),
* donner un avis sur l'existence, la nature et I'importance du dommage esthétique imputable à l'accident, indépendamment d'une éventuelle atteinte physiologique déjà prise en compte au titre du DFP et en précisant s'il est temporaire (avant consolidation) ou définitif, l'évaluer sur une échelle de 0 à 7,
* dire en émettant un avis motivé si les séquelles sont susceptibles d'être à l`origine d'un retentissement sur la vie sexuelle du patient, en discutant son imputabilité,
* donner son avis médical sur les difficultés éventuelles de se livrer, pour le patient, à des activités spécifiques sportives ou de loisirs effectivement pratiquées antérieurement et dire s'il existe ou existera un préjudice direct et certain en résultant,
* relater toutes les constatations ou observations ne rentrant pas dans le cadre des rubriques mentionnées précédemment mais qui seront jugées utiles pour I'exacte appréciation des préjudices subis par le patient et en tirer toutes les conclusions médico-légales,
* dire si l'état du demandeur est susceptible de modification, en aggravation ou en amélioration, dans l'affirmative, fournir toutes précisions utiles sur cette évolution ainsi que sur la nature des soins, traitements et interventions éventuellement nécessaires dont le coût prévisionnel sera alors chiffré et les délais dans lesquels il devra y être procédé précisés,
* s'adjoindre, en cas de nécessité, le concours de tout spécialiste de son choix, dans un domaine distinct du sien, après en avoir avisé les parties et leur Conseil et recueilli leur accord,
* indépendamment des réponses aux questions précises sus-visées, donner sous forme de conclusion son avis synthétique sur le dossier,
* adresser un pré-rapport aux conseils des parties qui, dans un délai de quatre semaines à compter de sa réception, feront connaître à l'expert leurs observations auxquelles il sera répondu dans le rapport définitif,
modalités techniques impératives,
avis aux parties,
- dit que sauf bénéfice de l'aide juridictionnelle, Mme [N] [F] devra consigner au greffe du tribunal, une somme de mille quatre cents euros (1.400 €), par chèque libellé à l'ordre du régisseur d'avances du Tribunal judiciaire de Toulouse, dans le mois de la notification de l'avis d'appel de consignation faite par le greffe, sous peine de caducité de la présente désignation conformément l'article 271 du code de procédure civile. Il est rappelé que l'avance des frais ne préjuge pas de la charge finale du coût de l'expertise qui peut incomber à l'une ou l'autre des parties en la cause, ce chèque sera adressé, avec les références du dossier (N° RG 23/01548 - N° Portalis DBX4-W-B7H-SC4S) au greffe du tribunal judiciaire de Toulouse, service des référés,
- et enjoint :
* au demandeur ou son conseil de fournir immédiatement à l'expert, toutes pièces médicales ou para-médicales utiles à l'accomplissement de la mission, en particulier les certificats médicaux, prescriptions médicales, certificats de consolidation, documents d'imagerie médicale, compte-rendus opératoires et d'examen, y compris bilans neuro-psychologiques (si existants) expertises...,
* aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation,
- dit qu'à défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires, l'expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état,
- dit que l'expert pourra se faire communiquer directement, avec l'accord de la victime ou de ses ayant-droits, par tous tiers : médecins, personnels para-médicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire,
avis à l'expert,
- rappelé à l'expert qu'il doit, dès sa saisine :
* adresser au greffe de la juridiction l'acceptation de sa mission et un engagement d'impartialité, et que tout refus ou tout motif d'empêchement devra faire l'objet d'un courrier circonstancié, adressé dans les 8 jours de sa saisine ; étant précisé que si le magistrat chargé des expertises accepte sa position, l'expert sera remplacé par simple ordonnance et que dans tous les cas, la demande de décharge est communiquée au magistrat du parquet chargé du suivi de la liste des experts,
* vérifier le contenu de sa mission et la qualité des parties et des intervenants aux opérations ainsi que la nécessité de provoquer éventuellement la mise en cause d'autres acteurs, à la diligence des parties, sous le contrôle, le cas échéant, du magistrat chargé de la surveillance des expertises, ce magistrat devant notamment être informé de toutes difficultés affectant le bon déroulement de la mesure et pouvant accorder, à titre exceptionnel, toute prorogation du délai imparti sur demande motivée de l'expert, le magistrat pouvant être saisi de toute demande particulière conditionnant, au niveau matériel ou financier, la poursuite de l'expertise,
* établir à l'issue de la première réunion, s'il l'estime utile, une fiche récapitulative établie en la forme simplifiée, en vue d'assurer un déroulement efficace de ses opérations, adressée au juge chargé de la surveillance des expertises,
* préciser sans délai aux parties le calendrier de ses opérations, le coût prévisible de sa mission sous réserve de l'évolution de celle-ci et de la décision finale du juge taxateur, il devra au fur et à mesure de sa mission solliciter les provisions nécessaires afin que celles-ci soient le plus proche possible du coût final,
- demandé à l'expert de s'adresser à la boîte structurelle de la juridiction dédiée à l'expertise ([Courriel 11]),
- dit que l'expert s'assurera, à chaque réunion d'expertise, de la communication aux parties des pièces qui lui sont remises, dans un délai permettant leur étude, conformément au principe de la contradiction ; que les documents d'imagerie médicale pertinents seront analysés de façon contradictoire lors des réunions d'expertise, que les pièces seront numérotées en continu et accompagnées d'un bordereau récapitulatif,
- dit que l'expert devra procéder dans le respect absolu du principe du contradictoire, établir un inventaire des pièces produites entre ses mains ainsi que des documents utilisés dans le cadre de sa mission et répondre aux dires que les parties lui communiqueront en cours d'expertise ou avant le dépôt du rapport final, dans le cadre du pré-rapport qu'il établira de façon systématique, éventuellement en la forme dématérialisée pour éviter un surcoût, en rappelant aux parties qu'elles sont irrecevables à faire valoir des observations au delà du délai fixé,
- dit que l'expert devra convoquer toutes les parties par lettre recommandée avec accusé de réception et leur avocat par lettre simple, les avisant de la faculté qu'elles ont de se faire assister par le médecin-conseil de leur choix,
- rappelé que, selon les dispositions de l'article 276 du code de procédure civile : "lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas, il en fait rapport au juge ; lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement, à défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties ; l'expert devant faire mention, dans son avis, de la suite donnée aux observations ou réclamations présentées',
- dit que l'expert procédera à l'examen clinique, en assurant la protection de l'intimité de la vie privée de la personne examinée et le secret médical pour des constatations étrangères à l'expertise et qu'à l'issue de cet examen, en application du principe du contradictoire, il informera les parties et leurs conseils de façon circonstanciée de ses constatations et de leurs conséquences,
- dit qu'à l'issue de ses opérations, l'expert organisera une réunion de clôture au cours de laquelle il informera les parties du résultat de ses investigations et recueillera leurs ultimes observations le tout devant être consigné dans son rapport, l'expert pouvant toutefois substituer à cette réunion, l'envoi d'un pré-rapport en impartissant un délai aux parties qui ne pourra être inférieur à 15 jours, pour présenter leurs observations,
- fixé à l'expert un délai de six mois* maximum à compter de sa saisine pour déposer son rapport accompagné de toutes les pièces complémentaires, sauf prorogation accordée par le juge chargé du contrôle des expertises,
(dans le cas, où la consolidation peut être acquise dans un délai de 9 mois, l'expert ne rend son rapport qu'à l'issue de ce délai, au delà, il rend un rapport intermédiaire fixant la date à partir de laquelle il doit revoir la victime, dans ce cas, la partie la plus diligente saisira le juge chargé de la surveillance des expertises par simple requête, l'ordonnance fixera une provision complémentaire qui sera de moitié de la provision initiale),
- autorisé l'expert, en vertu de l'article 278 du code de procédure civile, à s'adjoindre de tout technicien ou homme de l'art, distinct de sa spécialité,
- dans le but de limiter les frais d'expertise, a invité les parties, pour leurs échanges contradictoires avec l'expert et la communication des documents nécessaires à la réalisation de la mesure, à utiliser la voie dématérialisée via l'outil Opalexe, cette utilisation se fera dans le cadre déterminé par le site http://www.certeurope.fr et sous réserve de l'accord exprès et préalable de l'ensemble des parties,
- invité le demandeur à communiquer sans délai à l'expert une version numérisée de son assignation,
- dit n'y avoir lieu à l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de Mme [N] [F].
Par déclaration en date du 31 octobre 2023, M. [K] [T], Me [A] [R] es qualités de mandatare liquidateur de l'association Centre de Santé Dentaire [12], M. [L] [I] et la SA Axa France Iard ont relevé appel de la décision en ce qu'elle a :
- rejeté pour être prématurées les demandes de mise hors de cause,
- enjoint aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation,
- dit qu'à défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires, l'expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état,
- dit que l'expert pourra se faire communiquer directement, avec l'accord de la victime ou de ses ayant-droits, par tous tiers : médecins, personnels para-médicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Me [A] [R] es qualités de mandataire liquidateur de l'association Centre de Santé Dentaire [12], la SA Axa France Iard, M. [K] [T] et M. [L] [I], dans leurs dernières conclusions en date du 14 décembre 2023 et signifiées par acte d'huissier du 15 décembre 2023 à la SA AG2R la Mondiale et du 18 décembre 2023 à la CPAM de la Haute-Garonne, demandent à la cour, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de :
- infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a :
* rejeté pour être prématurées les demandes de mise hors de cause,
au titre des modalités techniques impératives, avis aux parties,
* enjoint aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation,
* dit qu'à défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires, l'expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état,
* dit que l'expert pourra se faire communiquer directement, avec l'accord de la victime ou de ses ayant-droits, par tous tiers : médecins, personnels para-médicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire,
statuant à nouveau,
- procéder à la mise hors de cause des Dr [K] [T] et [L] [I],
- autoriser l'association Centre de Santé Dentaire [12] à librement produire à l'expert désigné toutes les pièces utiles à sa défense, sans que ne puisse lui être opposé par le patient le secret professionnel ou médical,
- autoriser l'expert judiciaire à se faire librement communiquer directement toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtrait nécessaire à l'instruction du dossier,
- statuer ce que de droit quant aux dépens de l'instance.
Mme [N] [F] dans ses dernières conclusions en date du 08 janvier 2024 et signifiées par acte de commissaire de justice du 11 janvier 2024 à la CPAM de la Haute-Garonne et du 12 janvier 2024 à la SA AG2R la Mondiale demande à la cour, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de :
- confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire en ce qu'elle a : * rejeté pour être prématurées les demandes de mise hors de cause,
* dit que l'expert pourra se faire communiquer directement, avec l'accord de la victime ou de ses ayant-droits, par tous tiers : médecins, personnels paramédicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraitra nécessaire,
en tout état de cause,
- réserver les dépens.
La CPAM de la Haute Garonne et la société d'assurance mutuelle AG2R la Mondiale n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 septembre 2024.
MOTIFS
Sur les demandes de mise hors de cause
Le premier juge a estimé que la mise hors de cause des docteurs [I] et [T] qui auraient dévitalisé certaines dents et posé des bridges ou déposé des bridges incriminés, était prématurée, au motif qu'ils pourraient engager leur responsabilité civile au-delà de celle relevant légalement de leur employeur.
Pour conclure à l'infirmation de cette décision, les Drs [I] et [T] reprochent au juge des référés d'avoir qualifié leur demande de 'prématurée' en dehors de tout concept connu de la procédure civile et sans s'être interrogé sur le caractère légitime de leur mise en cause, qui est inexistant en l'espèce dès lors qu'une action au fond à leur encontre serait manifestement vouée à l'échec selon la jurisprudence constante. Ils font valoir qu'ayant le statut de salariés, leur responsabilité est couverte par leur employeur et assurée par la compagnie AXA, de sorte qu'ils ne sauraient encourir une quelconque responsabilité personnelle à l'égard de la patiente.
Pour conclure à la confirmation de la décision, Mme [F] souligne que la jurisprudence sur laquelle s'appuient les appelants garantit une immunité de responsabilité civile au préposé seulement lorsqu'il agit dans la limite de sa mission, mais que les opérations d'expertise ont précisément pour objet de faire la lumière sur les interventions réalisées par les appelants et de préciser s'ils sont intervenus ou non dans le cadre de leur mission, raisons pour lesquelles ils doivent être maintenus dans la cause.
Sur ce,
Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
L'organisation d'une mesure d'instruction, ordonnée même avant tout procès, requiert le respect du principe du contradictoire dans le cadre duquel il est légitime que le demandeur à l'expertise appelle dans la cause toute partie contre laquelle un potentiel litige serait en germe. Le motif légitime existe tant qu'une action au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec.
Il est de jurisprudence constante que le médecin salarié n'engage pas sa responsabilité à l'égard du patient lorsqu'il agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l'établissement de santé pour lequel il exerce et dont les contours et les limites sont déterminés par son contrat de travail. A contrario, il est susceptible d'engager sa responsabilité personnelle lorsqu'il effectue des actes excédant sa mission.
En l'espèce, le fait que les dentistes appelants aient été salariés du centre dentaire aujourd'hui liquidé ne prive pas l'intimée d'action à leur encontre de façon absolue dès lors que l'expert a précisément reçu mission notamment de ' Décrire les soins et interventions dont le demandeur a été l'objet, en les rapportant à leurs auteurs', ou encore de ' Déterminer si les soins et actes médicaux ont été attentifs, consciencieux, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale à l'époque des faits.
Dans la négative, analyser de façon détaillée et motivée la nature des erreurs, imprudences, maladresses, manques de précautions, négligences pré, per ou post-opératoires ou autres défaillances relevés.'.
Seules les réponses à ces chefs de mission sont de nature à permettre de retenir ou d'écarter une responsabilité détachable des fonctions du salarié.
Dans ces conditions, Mme [F] conserve un motif légitime au maintien de la présence aux opérations d'expertise des Drs [I] et [T], dont les demandes tendant à être mis hors de cause ont à juste titre été qualifiées de prématurées par le premier juge.
La décision entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes de mise hors de cause de ces appelants.
Sur la communication de pièces par les parties défenderesses à l'expertise
Il ne transparaît pas de l'ordonnance dont appel qu'en première instance les appelants aient spécialement conclu sur les modalités techniques de l'expertise qu'ils critiquent devant la cour.
Admettant que le secret médical constitue pour le patient et ses proches une protection indispensable, les parties appelantes soutiennent que ce principe ne saurait faire obstacle à l'exercice des droits tout aussi fondamentaux du praticien ou de l'établissement incriminé nécessaires à sa défense, impliquant la révélation par le dépositaire du secret des informations.
Me [A] [R] es qualités de mandataire liquidateur de l'association Centre de Santé Dentaire [12], la SA Axa France Iard, M. [K] [T] et M. [L] [I] font valoir que selon les jurisprudences judiciaires, administratives et ordinales attachées à ces principes, le professionnel de santé mis en cause ne saurait se voir interdire de révéler, pour sa défense, des éléments portés à sa connaissance dans l'exercice de sa profession et couverts à ce titre par le secret médical. Ils indiquent qu'il n'est pas légitime de conférer à la demanderesse à l'expertise un pouvoir discrétionnaire de contrôle et de décision sur les éléments qu'ils pourront ou non communiquer à l'expert, une telle situation étant susceptible de porter atteinte aux droits de la défense qui n'ont pas une valeur moindre au droit du patient de s'opposer à la divulgation des éléments relatifs à son état de santé, au regard des textes nationaux et internationaux garantissant les droits de la défense. Ils ajoutent que la décision est de nature à rompre l'égalité des armes entre les parties.
Les appelants font également valoir qu'un dossier médical forme un tout cohérent, les actes médicaux et para-médicaux formant une logique chronologique et qu'il n'est pas possible de comprendre la situation de santé d'un patient en occultant des pans de son parcours médical.
Mme [F] indique ne pas s'opposer à ce que les éléments strictement et exclusivement relatifs à la réalisation des opérations d'expertise soient communiqués à l'expert par les parties attraites à la cause, en rappelant que le secret médical est destiné à protéger les données personnelles et médicales des patients.
Sur ce,
L'article L. 1110-4 du code de la santé publique prévoit que I.-Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou service, un professionnel ou organisme concourant à la prévention ou aux soins dont les conditions d'exercice ou les activités sont régies par le présent code, le service de santé des armées, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.
Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. [...]
Selon l'article R. 4127-4 du même code, le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris.
Il découle de ces dispositions que le secret médical est un droit propre du patient, instauré dans le but de protéger sa vie privée et le secret des informations le concernant. Ce droit présente un caractère absolu et s'impose dans les conditions établies par la loi à tout médecin ou établissement de santé, auxquels il est fait obligation de protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux concernant les personnes qu'il a soignées ou examinées.
Il est par ailleurs protégé par de nombreux textes nationaux (article 2 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, articles 9 du code civil et 226-13 du code pénal), et internationaux (article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme).
Il ne peut y être dérogé qu'en vertu d'une autorisation de la loi.
Parallèlement, le médecin ou établissement soumis à ce secret, bénéficie, lorsque sa responsabilité professionnelle est susceptible d'être recherchée par le patient, de droits attachés à sa défense prévus et protégés tant dans l'ordre juridique interne (article 16 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen) dans lequel ils sont à valeur constitutionnelle, qu'en droit international (articles 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques signé le 16 décembre 1966).
Il est admis que l'exercice des droits attachés à la défense comprend la production de pièces.
Aucune disposition légale interne ne prévoit de dérogation au droit au secret médical bénéficiant au patient au profit de l'exercice des droits attachés à leur défense par le médecin ou établissement dont la responsabilité est mise en cause ou de leur assureur.
Le juge est néanmoins tenu, en toutes circonstances, de faire respecter les droits de la défense et de veiller à l'égalité des armes entre les parties. À cette fin, ne doit être considérée comme justifiée la production en justice de documents couverts par le secret médical que lorsqu'elle est indispensable à l'exercice des droits de la défense et proportionnée au but poursuivi (Soc., 20 décembre 2023, n°21-20.904).
La décision du juge doit dès lors être guidée par la recherche de la proportionnalité entre deux droits antonymes.
La valeur juridique supra-légale attachée de manière identique au secret médical et aux droits de la défense ne saurait conduire à soumettre les médecins ou établissements de soins qui souhaiteraient produire des pièces couvertes par le secret médical dans le cadre d'une expertise au recueil de l'accord systématique et préalable du patient, lequel, en sollicitant une mesure d'expertise relative à divers actes médicaux est présumé renoncer à se prévaloir du secret médical relatif aux faits objets du litige. Par ailleurs, il ne saurait être accordé de fait au patient un droit d'évincer tout ou partie des éléments de son dossier médical liés aux faits qu'il a dénoncés et notamment les pièces relatives à la délivrance d'informations ou de conseil et de contraindre ainsi le cas échéant les défendeurs à l'expertise à devoir saisir le juge du contrôle pour soumettre à son appréciation le caractère illégitime d'un refus de production de pièces.
L'égale valeur juridique attachée à ces principes ne saurait pas plus conduire à autoriser les parties tenues au secret à produire toute pièce de leur choix, sans aucune distinction ni restriction.
La protection du droit au secret médical du patient, qui ne peut s'effacer totalement devant les droits attachés à la défense, ne peut permettre aux médecins et établissements de soins de produire, sans l'accord préalable du patient, que les documents strictement nécessaires à l'exercice de leur défense.
Au cas d'espèce, au regard de la nature et du caractère limité des soins que Mme [X] a reçus au sein du centre dentaire [12] et qui lui ont été dispensés par les Drs [I] et [T], les parties initialement défenderesses à l'expertise, doivent pouvoir produire sans autorisation préalable de la patiente les pièces couvertes par le secret médical strictement nécessaires à leur défense qui présentent un lien avec les faits dénoncés par Mme [F], tels qu'elle les a présentés dans la chronologie des consultations, soins et interventions mentionnés dans son assignation ou qui, présentant un lien avec la santé bucco-dentaire de la patiente, seraient antérieures à ces faits.
En conséquence, la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a enjoint aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation.
La cour statuant à nouveau enjoindra aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion et sans que le secret professionnel puisse leur être opposé, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, en ce compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au demandeur à l'expertise, strictement nécessaires à leur défense et qui sont en lien avec les faits dénoncés par Mme [F], tels qu'elle les a présentés dans la chronologie des consultations, soins et interventions mentionnés dans son assignation ou qui, présentant un lien avec la santé bucco-dentaire de la patiente, seraient antérieurs à ces faits.
Sur la communication de pièces à l'expert par des tiers
Les parties appelantes critiquent par ailleurs le fait que l'expert soit tenu, selon la mission qui lui a été confiée, de solliciter l'accord de la patiente pour se faire communiquer des informations qui seraient détenues par des professionnels de santé tiers à l'instance.
Pour estimer que l'expert devrait pouvoir se faire communiquer tous éléments médicaux détenus par des tiers, ces parties font valoir que le travail d'analyse approfondi qui est demandé à l'expert nécessite de lui permettre d'appréhender le parcours médical du patient dans sa globalité et ainsi d'accéder librement aux informations détenues par les tiers qui ne seraient pas partie à la procédure, notamment son médecin traitant. Elles soutiennent qu'à défaut de disposer de la totalité des éléments d'information au dossier médical du patient, l'expert est soumis à un risque d'erreur.
Pour conclure à la confirmation du libellé de la mission critiqué, Mme [F] fait valoir que l'exception au secret médical ne peut s'appliquer qu'aux parties à l'instance, mais non aux tiers.
Sur ce,
La cour observe que les parties ne développent aucun moyen critiquant la demande d'être autorisé à déposer son rapport en l'état que pourrait adresser l'expert au juge du contrôle dans l'hypothèse dans laquelle il n'aurait pas obtenu la remise des pièces qui lui sont nécessaires. Seule est critiquée l'obligation faite à l'expert d'obtenir l'accord de la victime ou de ses ayants-droit lorsqu'il entend recueillir auprès de tiers des pièces qu'il n'aurait pas obtenues des parties.
L'article 11 al. 2 du code de procédure civile dispose que si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte. Il peut, à la requête de l'une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s'il n'existe pas d'empêchement légitime.
Le secret médical auquel sont nécessairement tenus les tiers détenant des pièces médicales relatives à l'état de santé du patient et aux soins qu'ils a reçus s'impose à eux et constitue un empêchement légitime au sens des dispositions sus-visées.
Il s'impose également au juge qui ne peut impartir à l'expert une mission portant atteinte au secret médical sans subordonner l'exécution de cette mission à l'autorisation préalable du patient concerné, sauf à tirer les conséquences d'un refus illégitime du patient (Civ. 1ère, 11 juin 2009, N°08-12742).
Il résulte de ces éléments qu'il ne peut être dérogé à l'accord de la victime ou de ses ayants-droits lorsque l'expert entend se faire communiquer par un tiers une pièce médicale qui ne lui aurait pas déjà été communiquée par les parties auxquelles il appartient en premier lieu de pourvoir à la défense de leurs intérêts. En l'absence d'un tel accord, toute partie qui y aurait intérêt resterait admise soit à saisir le juge du contrôle pour qu'il ordonne la production de la pièce litigieuse, soit à faire constater le caractère illégitime du refus par le juge du fond auquel il pourrait être demandé d'en tirer toutes conséquences.
Dans ces conditions, c'est de façon justifiée que le premier juge a soumis la production de pièces médicales à l'expert par des tiers à l'accord de la victime ou de ses ayants-droit. La décision sera confirmée de ce chef.
En équité, chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
- Confirme l'ordonnance rendue le 13 octobre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Toulouse statuant en référé en ce qu'elle a rejeté les demandes de mise hors de cause du Dr [L] [I] et du Dr [K] [T] comme étant prématurées,
- Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a enjoint aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation,
Statuant à nouveau,
- Enjoint aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion et sans que le secret professionnel puisse leur être opposé, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, en ce compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au demandeur à l'expertise, strictement nécessaires à leur défense et qui sont en lien avec les faits dénoncés par Mme [N] [F], tels qu'elle les a présentés dans la chronologie des consultations, soins et interventions mentionnés dans son assignation ou qui, présentant un lien avec la santé bucco-dentaire de la patiente, seraient antérieures à ces faits,
- Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a :
* dit qu'à défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires, l'expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état,
* dit que l'expert pourra se faire communiquer directement, avec l'accord de la victime ou de ses ayant-droits, par tous tiers : médecins, personnels paramédicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire,
- Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
I.ANGER E.VET
ARRÊT N° 438/2024
N° RG 23/03724 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PZA6
SG/KM
Décision déférée du 13 Octobre 2023
Président du TJ de TOULOUSE
( 23/01548)
C.LOUIS
[K] [T]
[A] [R]
[L] [I]
S.A. AXA FRANCE IARD
C/
[N] [F]
Caisse CPAM DE LA HAUTE GARONNE
Société AG2R LA MONDIALE
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
3ème chambre
***
ARRÊT DU SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE
***
APPELANTS
Monsieur [K] [T]
[Adresse 8]
[Localité 5]
Représenté par Me Pierre-yves PAULIAN, avocat au barreau de TOULOUSE
Maître [A] [R] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « ASSOCIATION CENTRE DE SANTE DENTAIRE [12] »
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Pierre-yves PAULIAN, avocat au barreau de TOULOUSE
Monsieur [L] [I]
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représenté par Me Pierre-yves PAULIAN, avocat au barreau de TOULOUSE
S.A. AXA FRANCE IARD
[Adresse 4]
[Localité 10]
Représentée par Me Pierre-yves PAULIAN, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEES
Madame [N] [F]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Victoria SEBBAH - DE BARRAU, avocat au barreau de TOULOUSE
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro C-31555-2023-9181 du 09/11/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
Caisse CPAM DE LA HAUTE GARONNE
[Adresse 3]
[Localité 5]
assignée le 23/11/2023 à personne morale sans avocat constitué
Société AG2R LA MONDIALE
[Adresse 6]
[Localité 9]
assignée le 23/11/2023 à personne morale sans avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant S. GAUMET,conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
E. VET, conseiller faisant fonction de président
C. ROUGER, conseiller
S. GAUMET, conseiller
Greffière, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par E. VET, président, et par I. ANGER, greffière de chambre
FAITS
Au mois de mai 2020, Mme [N] [F] a consulté le Dr [L] [I], exerçant au sein du cabinet Santé Dentaire [12], en raison de dents cariées. Il a été procédé à la dévitalisation de six dents, puis à la pose de plusieurs bridges.
Des douleurs aiguës sont apparues.
Mme [F] a consulté le Dr [K] [T], remplaçant du Dr [I], qui a procédé à la dépose de six bridges.
En janvier 2023, Mme [F] a consulté le Dr [B] qui, après la réalisation d'un conebeam a constaté un effondrement du plancher sinusien et un dépassement de pâte intrasinusien en regard de la racine palatine de la dent N°26. Ce médecin a redirigé Mme [F] vers le cabinet dentaire [12].
Ce cabinet dentaire a été placé en redressement judiciaire.
Mme [F] a continué de présenter des douleurs quotidiennes malgré divers soins dispensés par d'autres professionnels.
PROCEDURE
Par acte du 04 août 2023, Mme [N] [F] a fait assigner l'association Centre de Santé Dentaire [12] prise en la personne de son liquidateur judiciaire, la SELARL [R] & Associés, la SA Axa France Iard assureur de l'association, M. [K] [T], la Caisse Primaire D'assurance Maladie de la Haute Garonne, M. [L] [I], et la société d'assurance mutuelle AG2R la Mondiale devant le président du tribunal judiciaire de Toulouse statuant en référé pour faire désigner un expert à l'effet de rechercher la cause et l'origine des complications qui auraient été subies après l'intervention de septembre et octobre 2020 et le traitement médical prodigué par la partie défenderesse. Il était également demandé de condamner le centre de santé dentaire pris en la personne de son liquidateur à communiquer le dossier médical de la demanderesse sous astreinte.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 13 octobre 2023, le juge des référés a :
- rejeté pour être prématurées les demandes de mise hors de cause,
- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir, mais dès à présent, tous droits et moyens des parties réservés,
- ordonné une expertise et commis en qualité d'expert Mme [W] [E] et en cas d'indisponibilité M. [D] [J], experts inscrits sur la liste de la cour d'appel de Montpellier, avec pour mission de :
* se faire communiquer par les parties et notamment par le demandeur ou par tout tiers détenteur, toutes pièces médicales et de toute autre nature qu'elles estiment propres à établir le bien fondé de leurs prétentions, ainsi que toutes celles que l'expert leur réclamera dans le cadre de sa mission,
* convoquer les parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et leur conseil par lettre simple,
* interroger contradictoirement les parties et éventuellement tout sachant, afin de :
° connaître et décrire l'état médical et de vie du patient avant les actes critiqués,
° reconstituer l'ensemble des faits ayant conduit à la présente procédure,
° consigner les doléances du demandeur et les observations des défendeurs,
* décrire les soins et interventions dont le demandeur a été l'objet, en les rapportant à leurs auteurs et décrire l'évolution de l'état de santé en recherchant notamment si le problème est survenu en raison de la défectuosité d'un produit, qui sera dans cette hypothèse décrit,
* procéder à l'examen clinique, de manière contradictoire, du demandeur et décrire l'état actuel et le cas échéant les lésions et séquelles directement imputables aux soins et traitements critiqués,
* dire si les actes et traitements médicaux réalisés étaient indiqués,
* donner un avis sur la ou les origine(s) des problèmes survenus,
* déterminer si les soins et actes médicaux ont été attentifs, consciencieux, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale à l'époque des faits,
* dans la négative, analyser de façon détaillée et motivée la nature des erreurs, imprudences, maladresses, manques de précautions, négligences pré, per ou post-opératoires ou autres défaillances relevés,
* en ne s'attachant qu'à la seule part imputable aux éventuels manquements ci-dessus mentionnés (c'est-à-dire en ne retenant pas les éléments de préjudice corporel se rattachant aux suites normales des soins qui étaient nécessaires ou à l'état antérieur), évaluer les préjudices directs et certains en résultant,
* décrire tous les soins médicaux et paramédicaux mis en 'uvre jusqu'à la consolidation, en précisant leur imputabilité, leur nature, leur durée, leur coût et en indiquant les dates avec les durées exactes d'hospitalisations et leurs détails (DSA),
* décrire au besoin un état antérieur, en ne retenant que les seuls antécédents qui peuvent avoir une incidence sur les lésions en cause,
* déterminer les périodes pendant lesquelles le patient a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité d'exercer totalement ou partiellement son activité professionnelle, en cas d'incapacité partielle, préciser le taux et la durée (PGPA),
* préciser la durée des arrêts de travail retenus par l'organisme social au vu des justificatifs produits et dire si ces arrêts de travail sont liés de façon directe et certaine au fait dommageables,
* indiquer les périodes pendant lesquelles le patient a été, du fait de son déficit fonctionnel temporaire, dans l'incapacité totale ou partielle de poursuivre ses activités personnelles habituelles (DFT), en cas d`incapacité partielle, préciser le taux et la durée,
* décrire les souffrances physiques, psychiques et morales endurées avant la consolidation du fait dommageable et les évaluer sur une échelle de 0 à 7,
* fixer la date de consolidation et, si celle-ci n'est as encore acquise, indiquer le délai à l'issue duquel un nouvel examen devra être réalisé et évaluer les seuls chefs de préjudice qui peuvent l'être en l'état,
* indiquer si après cette consolidation, le patient subit un déficit fonctionnel permanent (DFP) consistant en une altération permanente d'une ou plusieurs fonctions physiques, psychosensorielles ou intellectuelles, auxquelles s'ajoutent les éventuels phénomènes douloureux, répercussions psychologiques normalement liés à l'atteinte séquellaire décrite, ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte dans la vie de tous les jours, en évaluer l'importance et au besoin en chiffre le taux, dans l'hypothèse d`un état antérieur, préciser en quoi les faits litigieux ont eu une incidence sur cet état antérieur et en décrire les conséquences,
* indiquer, le cas échéant, si l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne est ou a été nécessaire pour effectuer les démarches et plus généralement pour accomplir les actes de la vie quotidienne. Préciser la nature de l'aide à prodiguer (qualification professionnelle) et sa durée quotidienne, ainsi que les conditions dans lesquelles ces besoins sont actuellement satisfaits,
* décrire et chiffrer les soins et frais futurs à prévoir, ainsi que les aides techniques compensatoires au handicap du patient (prothèses, appareillage spécifique, véhicule..,) en précisant la fréquence de leur renouvellement, indiquer leur caractère occasionnel ou viager, la nature, la quantité et la durée prévisible,
* donner son avis sur d'éventueIs aménagements nécessaires pour permettre, le cas échéant, au patient d'adapter son logement et/ou son véhicule à son handicap,
* indiquer notamment au vu des justificatifs produits si le déficit fonctionnel permanent entraîne l'obligation pour le patient de cesser totalement ou partiellement son activité professionnelle ou de changer d'activité,
* indiquer, notamment au vu des justificatifs produits, si le déficit fonctionnel permanent entraîne d'autres répercussions sur son activité professionnelle actuelle ou future (obligation de formation pour un reclassement professionnel, pénibilité accrue dans son activité, 'dévalorisation sur le marché du travail',...),
* donner un avis sur l'existence, la nature et I'importance du dommage esthétique imputable à l'accident, indépendamment d'une éventuelle atteinte physiologique déjà prise en compte au titre du DFP et en précisant s'il est temporaire (avant consolidation) ou définitif, l'évaluer sur une échelle de 0 à 7,
* dire en émettant un avis motivé si les séquelles sont susceptibles d'être à l`origine d'un retentissement sur la vie sexuelle du patient, en discutant son imputabilité,
* donner son avis médical sur les difficultés éventuelles de se livrer, pour le patient, à des activités spécifiques sportives ou de loisirs effectivement pratiquées antérieurement et dire s'il existe ou existera un préjudice direct et certain en résultant,
* relater toutes les constatations ou observations ne rentrant pas dans le cadre des rubriques mentionnées précédemment mais qui seront jugées utiles pour I'exacte appréciation des préjudices subis par le patient et en tirer toutes les conclusions médico-légales,
* dire si l'état du demandeur est susceptible de modification, en aggravation ou en amélioration, dans l'affirmative, fournir toutes précisions utiles sur cette évolution ainsi que sur la nature des soins, traitements et interventions éventuellement nécessaires dont le coût prévisionnel sera alors chiffré et les délais dans lesquels il devra y être procédé précisés,
* s'adjoindre, en cas de nécessité, le concours de tout spécialiste de son choix, dans un domaine distinct du sien, après en avoir avisé les parties et leur Conseil et recueilli leur accord,
* indépendamment des réponses aux questions précises sus-visées, donner sous forme de conclusion son avis synthétique sur le dossier,
* adresser un pré-rapport aux conseils des parties qui, dans un délai de quatre semaines à compter de sa réception, feront connaître à l'expert leurs observations auxquelles il sera répondu dans le rapport définitif,
modalités techniques impératives,
avis aux parties,
- dit que sauf bénéfice de l'aide juridictionnelle, Mme [N] [F] devra consigner au greffe du tribunal, une somme de mille quatre cents euros (1.400 €), par chèque libellé à l'ordre du régisseur d'avances du Tribunal judiciaire de Toulouse, dans le mois de la notification de l'avis d'appel de consignation faite par le greffe, sous peine de caducité de la présente désignation conformément l'article 271 du code de procédure civile. Il est rappelé que l'avance des frais ne préjuge pas de la charge finale du coût de l'expertise qui peut incomber à l'une ou l'autre des parties en la cause, ce chèque sera adressé, avec les références du dossier (N° RG 23/01548 - N° Portalis DBX4-W-B7H-SC4S) au greffe du tribunal judiciaire de Toulouse, service des référés,
- et enjoint :
* au demandeur ou son conseil de fournir immédiatement à l'expert, toutes pièces médicales ou para-médicales utiles à l'accomplissement de la mission, en particulier les certificats médicaux, prescriptions médicales, certificats de consolidation, documents d'imagerie médicale, compte-rendus opératoires et d'examen, y compris bilans neuro-psychologiques (si existants) expertises...,
* aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation,
- dit qu'à défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires, l'expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état,
- dit que l'expert pourra se faire communiquer directement, avec l'accord de la victime ou de ses ayant-droits, par tous tiers : médecins, personnels para-médicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire,
avis à l'expert,
- rappelé à l'expert qu'il doit, dès sa saisine :
* adresser au greffe de la juridiction l'acceptation de sa mission et un engagement d'impartialité, et que tout refus ou tout motif d'empêchement devra faire l'objet d'un courrier circonstancié, adressé dans les 8 jours de sa saisine ; étant précisé que si le magistrat chargé des expertises accepte sa position, l'expert sera remplacé par simple ordonnance et que dans tous les cas, la demande de décharge est communiquée au magistrat du parquet chargé du suivi de la liste des experts,
* vérifier le contenu de sa mission et la qualité des parties et des intervenants aux opérations ainsi que la nécessité de provoquer éventuellement la mise en cause d'autres acteurs, à la diligence des parties, sous le contrôle, le cas échéant, du magistrat chargé de la surveillance des expertises, ce magistrat devant notamment être informé de toutes difficultés affectant le bon déroulement de la mesure et pouvant accorder, à titre exceptionnel, toute prorogation du délai imparti sur demande motivée de l'expert, le magistrat pouvant être saisi de toute demande particulière conditionnant, au niveau matériel ou financier, la poursuite de l'expertise,
* établir à l'issue de la première réunion, s'il l'estime utile, une fiche récapitulative établie en la forme simplifiée, en vue d'assurer un déroulement efficace de ses opérations, adressée au juge chargé de la surveillance des expertises,
* préciser sans délai aux parties le calendrier de ses opérations, le coût prévisible de sa mission sous réserve de l'évolution de celle-ci et de la décision finale du juge taxateur, il devra au fur et à mesure de sa mission solliciter les provisions nécessaires afin que celles-ci soient le plus proche possible du coût final,
- demandé à l'expert de s'adresser à la boîte structurelle de la juridiction dédiée à l'expertise ([Courriel 11]),
- dit que l'expert s'assurera, à chaque réunion d'expertise, de la communication aux parties des pièces qui lui sont remises, dans un délai permettant leur étude, conformément au principe de la contradiction ; que les documents d'imagerie médicale pertinents seront analysés de façon contradictoire lors des réunions d'expertise, que les pièces seront numérotées en continu et accompagnées d'un bordereau récapitulatif,
- dit que l'expert devra procéder dans le respect absolu du principe du contradictoire, établir un inventaire des pièces produites entre ses mains ainsi que des documents utilisés dans le cadre de sa mission et répondre aux dires que les parties lui communiqueront en cours d'expertise ou avant le dépôt du rapport final, dans le cadre du pré-rapport qu'il établira de façon systématique, éventuellement en la forme dématérialisée pour éviter un surcoût, en rappelant aux parties qu'elles sont irrecevables à faire valoir des observations au delà du délai fixé,
- dit que l'expert devra convoquer toutes les parties par lettre recommandée avec accusé de réception et leur avocat par lettre simple, les avisant de la faculté qu'elles ont de se faire assister par le médecin-conseil de leur choix,
- rappelé que, selon les dispositions de l'article 276 du code de procédure civile : "lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas, il en fait rapport au juge ; lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement, à défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties ; l'expert devant faire mention, dans son avis, de la suite donnée aux observations ou réclamations présentées',
- dit que l'expert procédera à l'examen clinique, en assurant la protection de l'intimité de la vie privée de la personne examinée et le secret médical pour des constatations étrangères à l'expertise et qu'à l'issue de cet examen, en application du principe du contradictoire, il informera les parties et leurs conseils de façon circonstanciée de ses constatations et de leurs conséquences,
- dit qu'à l'issue de ses opérations, l'expert organisera une réunion de clôture au cours de laquelle il informera les parties du résultat de ses investigations et recueillera leurs ultimes observations le tout devant être consigné dans son rapport, l'expert pouvant toutefois substituer à cette réunion, l'envoi d'un pré-rapport en impartissant un délai aux parties qui ne pourra être inférieur à 15 jours, pour présenter leurs observations,
- fixé à l'expert un délai de six mois* maximum à compter de sa saisine pour déposer son rapport accompagné de toutes les pièces complémentaires, sauf prorogation accordée par le juge chargé du contrôle des expertises,
(dans le cas, où la consolidation peut être acquise dans un délai de 9 mois, l'expert ne rend son rapport qu'à l'issue de ce délai, au delà, il rend un rapport intermédiaire fixant la date à partir de laquelle il doit revoir la victime, dans ce cas, la partie la plus diligente saisira le juge chargé de la surveillance des expertises par simple requête, l'ordonnance fixera une provision complémentaire qui sera de moitié de la provision initiale),
- autorisé l'expert, en vertu de l'article 278 du code de procédure civile, à s'adjoindre de tout technicien ou homme de l'art, distinct de sa spécialité,
- dans le but de limiter les frais d'expertise, a invité les parties, pour leurs échanges contradictoires avec l'expert et la communication des documents nécessaires à la réalisation de la mesure, à utiliser la voie dématérialisée via l'outil Opalexe, cette utilisation se fera dans le cadre déterminé par le site http://www.certeurope.fr et sous réserve de l'accord exprès et préalable de l'ensemble des parties,
- invité le demandeur à communiquer sans délai à l'expert une version numérisée de son assignation,
- dit n'y avoir lieu à l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de Mme [N] [F].
Par déclaration en date du 31 octobre 2023, M. [K] [T], Me [A] [R] es qualités de mandatare liquidateur de l'association Centre de Santé Dentaire [12], M. [L] [I] et la SA Axa France Iard ont relevé appel de la décision en ce qu'elle a :
- rejeté pour être prématurées les demandes de mise hors de cause,
- enjoint aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation,
- dit qu'à défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires, l'expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état,
- dit que l'expert pourra se faire communiquer directement, avec l'accord de la victime ou de ses ayant-droits, par tous tiers : médecins, personnels para-médicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Me [A] [R] es qualités de mandataire liquidateur de l'association Centre de Santé Dentaire [12], la SA Axa France Iard, M. [K] [T] et M. [L] [I], dans leurs dernières conclusions en date du 14 décembre 2023 et signifiées par acte d'huissier du 15 décembre 2023 à la SA AG2R la Mondiale et du 18 décembre 2023 à la CPAM de la Haute-Garonne, demandent à la cour, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de :
- infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a :
* rejeté pour être prématurées les demandes de mise hors de cause,
au titre des modalités techniques impératives, avis aux parties,
* enjoint aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation,
* dit qu'à défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires, l'expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état,
* dit que l'expert pourra se faire communiquer directement, avec l'accord de la victime ou de ses ayant-droits, par tous tiers : médecins, personnels para-médicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire,
statuant à nouveau,
- procéder à la mise hors de cause des Dr [K] [T] et [L] [I],
- autoriser l'association Centre de Santé Dentaire [12] à librement produire à l'expert désigné toutes les pièces utiles à sa défense, sans que ne puisse lui être opposé par le patient le secret professionnel ou médical,
- autoriser l'expert judiciaire à se faire librement communiquer directement toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtrait nécessaire à l'instruction du dossier,
- statuer ce que de droit quant aux dépens de l'instance.
Mme [N] [F] dans ses dernières conclusions en date du 08 janvier 2024 et signifiées par acte de commissaire de justice du 11 janvier 2024 à la CPAM de la Haute-Garonne et du 12 janvier 2024 à la SA AG2R la Mondiale demande à la cour, au visa de l'article 145 du code de procédure civile, de :
- confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal judiciaire en ce qu'elle a : * rejeté pour être prématurées les demandes de mise hors de cause,
* dit que l'expert pourra se faire communiquer directement, avec l'accord de la victime ou de ses ayant-droits, par tous tiers : médecins, personnels paramédicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraitra nécessaire,
en tout état de cause,
- réserver les dépens.
La CPAM de la Haute Garonne et la société d'assurance mutuelle AG2R la Mondiale n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 septembre 2024.
MOTIFS
Sur les demandes de mise hors de cause
Le premier juge a estimé que la mise hors de cause des docteurs [I] et [T] qui auraient dévitalisé certaines dents et posé des bridges ou déposé des bridges incriminés, était prématurée, au motif qu'ils pourraient engager leur responsabilité civile au-delà de celle relevant légalement de leur employeur.
Pour conclure à l'infirmation de cette décision, les Drs [I] et [T] reprochent au juge des référés d'avoir qualifié leur demande de 'prématurée' en dehors de tout concept connu de la procédure civile et sans s'être interrogé sur le caractère légitime de leur mise en cause, qui est inexistant en l'espèce dès lors qu'une action au fond à leur encontre serait manifestement vouée à l'échec selon la jurisprudence constante. Ils font valoir qu'ayant le statut de salariés, leur responsabilité est couverte par leur employeur et assurée par la compagnie AXA, de sorte qu'ils ne sauraient encourir une quelconque responsabilité personnelle à l'égard de la patiente.
Pour conclure à la confirmation de la décision, Mme [F] souligne que la jurisprudence sur laquelle s'appuient les appelants garantit une immunité de responsabilité civile au préposé seulement lorsqu'il agit dans la limite de sa mission, mais que les opérations d'expertise ont précisément pour objet de faire la lumière sur les interventions réalisées par les appelants et de préciser s'ils sont intervenus ou non dans le cadre de leur mission, raisons pour lesquelles ils doivent être maintenus dans la cause.
Sur ce,
Selon l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
L'organisation d'une mesure d'instruction, ordonnée même avant tout procès, requiert le respect du principe du contradictoire dans le cadre duquel il est légitime que le demandeur à l'expertise appelle dans la cause toute partie contre laquelle un potentiel litige serait en germe. Le motif légitime existe tant qu'une action au fond n'est pas manifestement vouée à l'échec.
Il est de jurisprudence constante que le médecin salarié n'engage pas sa responsabilité à l'égard du patient lorsqu'il agit sans excéder les limites de la mission qui lui est impartie par l'établissement de santé pour lequel il exerce et dont les contours et les limites sont déterminés par son contrat de travail. A contrario, il est susceptible d'engager sa responsabilité personnelle lorsqu'il effectue des actes excédant sa mission.
En l'espèce, le fait que les dentistes appelants aient été salariés du centre dentaire aujourd'hui liquidé ne prive pas l'intimée d'action à leur encontre de façon absolue dès lors que l'expert a précisément reçu mission notamment de ' Décrire les soins et interventions dont le demandeur a été l'objet, en les rapportant à leurs auteurs', ou encore de ' Déterminer si les soins et actes médicaux ont été attentifs, consciencieux, diligents et conformes aux données acquises de la science médicale à l'époque des faits.
Dans la négative, analyser de façon détaillée et motivée la nature des erreurs, imprudences, maladresses, manques de précautions, négligences pré, per ou post-opératoires ou autres défaillances relevés.'.
Seules les réponses à ces chefs de mission sont de nature à permettre de retenir ou d'écarter une responsabilité détachable des fonctions du salarié.
Dans ces conditions, Mme [F] conserve un motif légitime au maintien de la présence aux opérations d'expertise des Drs [I] et [T], dont les demandes tendant à être mis hors de cause ont à juste titre été qualifiées de prématurées par le premier juge.
La décision entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes de mise hors de cause de ces appelants.
Sur la communication de pièces par les parties défenderesses à l'expertise
Il ne transparaît pas de l'ordonnance dont appel qu'en première instance les appelants aient spécialement conclu sur les modalités techniques de l'expertise qu'ils critiquent devant la cour.
Admettant que le secret médical constitue pour le patient et ses proches une protection indispensable, les parties appelantes soutiennent que ce principe ne saurait faire obstacle à l'exercice des droits tout aussi fondamentaux du praticien ou de l'établissement incriminé nécessaires à sa défense, impliquant la révélation par le dépositaire du secret des informations.
Me [A] [R] es qualités de mandataire liquidateur de l'association Centre de Santé Dentaire [12], la SA Axa France Iard, M. [K] [T] et M. [L] [I] font valoir que selon les jurisprudences judiciaires, administratives et ordinales attachées à ces principes, le professionnel de santé mis en cause ne saurait se voir interdire de révéler, pour sa défense, des éléments portés à sa connaissance dans l'exercice de sa profession et couverts à ce titre par le secret médical. Ils indiquent qu'il n'est pas légitime de conférer à la demanderesse à l'expertise un pouvoir discrétionnaire de contrôle et de décision sur les éléments qu'ils pourront ou non communiquer à l'expert, une telle situation étant susceptible de porter atteinte aux droits de la défense qui n'ont pas une valeur moindre au droit du patient de s'opposer à la divulgation des éléments relatifs à son état de santé, au regard des textes nationaux et internationaux garantissant les droits de la défense. Ils ajoutent que la décision est de nature à rompre l'égalité des armes entre les parties.
Les appelants font également valoir qu'un dossier médical forme un tout cohérent, les actes médicaux et para-médicaux formant une logique chronologique et qu'il n'est pas possible de comprendre la situation de santé d'un patient en occultant des pans de son parcours médical.
Mme [F] indique ne pas s'opposer à ce que les éléments strictement et exclusivement relatifs à la réalisation des opérations d'expertise soient communiqués à l'expert par les parties attraites à la cause, en rappelant que le secret médical est destiné à protéger les données personnelles et médicales des patients.
Sur ce,
L'article L. 1110-4 du code de la santé publique prévoit que I.-Toute personne prise en charge par un professionnel de santé, un établissement ou service, un professionnel ou organisme concourant à la prévention ou aux soins dont les conditions d'exercice ou les activités sont régies par le présent code, le service de santé des armées, un professionnel du secteur médico-social ou social ou un établissement ou service social et médico-social mentionné au I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.
Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. [...]
Selon l'article R. 4127-4 du même code, le secret professionnel institué dans l'intérêt des patients s'impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi.
Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l'exercice de sa profession, c'est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu'il a vu, entendu ou compris.
Il découle de ces dispositions que le secret médical est un droit propre du patient, instauré dans le but de protéger sa vie privée et le secret des informations le concernant. Ce droit présente un caractère absolu et s'impose dans les conditions établies par la loi à tout médecin ou établissement de santé, auxquels il est fait obligation de protéger contre toute indiscrétion les documents médicaux concernant les personnes qu'il a soignées ou examinées.
Il est par ailleurs protégé par de nombreux textes nationaux (article 2 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, articles 9 du code civil et 226-13 du code pénal), et internationaux (article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme).
Il ne peut y être dérogé qu'en vertu d'une autorisation de la loi.
Parallèlement, le médecin ou établissement soumis à ce secret, bénéficie, lorsque sa responsabilité professionnelle est susceptible d'être recherchée par le patient, de droits attachés à sa défense prévus et protégés tant dans l'ordre juridique interne (article 16 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen) dans lequel ils sont à valeur constitutionnelle, qu'en droit international (articles 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques signé le 16 décembre 1966).
Il est admis que l'exercice des droits attachés à la défense comprend la production de pièces.
Aucune disposition légale interne ne prévoit de dérogation au droit au secret médical bénéficiant au patient au profit de l'exercice des droits attachés à leur défense par le médecin ou établissement dont la responsabilité est mise en cause ou de leur assureur.
Le juge est néanmoins tenu, en toutes circonstances, de faire respecter les droits de la défense et de veiller à l'égalité des armes entre les parties. À cette fin, ne doit être considérée comme justifiée la production en justice de documents couverts par le secret médical que lorsqu'elle est indispensable à l'exercice des droits de la défense et proportionnée au but poursuivi (Soc., 20 décembre 2023, n°21-20.904).
La décision du juge doit dès lors être guidée par la recherche de la proportionnalité entre deux droits antonymes.
La valeur juridique supra-légale attachée de manière identique au secret médical et aux droits de la défense ne saurait conduire à soumettre les médecins ou établissements de soins qui souhaiteraient produire des pièces couvertes par le secret médical dans le cadre d'une expertise au recueil de l'accord systématique et préalable du patient, lequel, en sollicitant une mesure d'expertise relative à divers actes médicaux est présumé renoncer à se prévaloir du secret médical relatif aux faits objets du litige. Par ailleurs, il ne saurait être accordé de fait au patient un droit d'évincer tout ou partie des éléments de son dossier médical liés aux faits qu'il a dénoncés et notamment les pièces relatives à la délivrance d'informations ou de conseil et de contraindre ainsi le cas échéant les défendeurs à l'expertise à devoir saisir le juge du contrôle pour soumettre à son appréciation le caractère illégitime d'un refus de production de pièces.
L'égale valeur juridique attachée à ces principes ne saurait pas plus conduire à autoriser les parties tenues au secret à produire toute pièce de leur choix, sans aucune distinction ni restriction.
La protection du droit au secret médical du patient, qui ne peut s'effacer totalement devant les droits attachés à la défense, ne peut permettre aux médecins et établissements de soins de produire, sans l'accord préalable du patient, que les documents strictement nécessaires à l'exercice de leur défense.
Au cas d'espèce, au regard de la nature et du caractère limité des soins que Mme [X] a reçus au sein du centre dentaire [12] et qui lui ont été dispensés par les Drs [I] et [T], les parties initialement défenderesses à l'expertise, doivent pouvoir produire sans autorisation préalable de la patiente les pièces couvertes par le secret médical strictement nécessaires à leur défense qui présentent un lien avec les faits dénoncés par Mme [F], tels qu'elle les a présentés dans la chronologie des consultations, soins et interventions mentionnés dans son assignation ou qui, présentant un lien avec la santé bucco-dentaire de la patiente, seraient antérieures à ces faits.
En conséquence, la décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a enjoint aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation.
La cour statuant à nouveau enjoindra aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion et sans que le secret professionnel puisse leur être opposé, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, en ce compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au demandeur à l'expertise, strictement nécessaires à leur défense et qui sont en lien avec les faits dénoncés par Mme [F], tels qu'elle les a présentés dans la chronologie des consultations, soins et interventions mentionnés dans son assignation ou qui, présentant un lien avec la santé bucco-dentaire de la patiente, seraient antérieurs à ces faits.
Sur la communication de pièces à l'expert par des tiers
Les parties appelantes critiquent par ailleurs le fait que l'expert soit tenu, selon la mission qui lui a été confiée, de solliciter l'accord de la patiente pour se faire communiquer des informations qui seraient détenues par des professionnels de santé tiers à l'instance.
Pour estimer que l'expert devrait pouvoir se faire communiquer tous éléments médicaux détenus par des tiers, ces parties font valoir que le travail d'analyse approfondi qui est demandé à l'expert nécessite de lui permettre d'appréhender le parcours médical du patient dans sa globalité et ainsi d'accéder librement aux informations détenues par les tiers qui ne seraient pas partie à la procédure, notamment son médecin traitant. Elles soutiennent qu'à défaut de disposer de la totalité des éléments d'information au dossier médical du patient, l'expert est soumis à un risque d'erreur.
Pour conclure à la confirmation du libellé de la mission critiqué, Mme [F] fait valoir que l'exception au secret médical ne peut s'appliquer qu'aux parties à l'instance, mais non aux tiers.
Sur ce,
La cour observe que les parties ne développent aucun moyen critiquant la demande d'être autorisé à déposer son rapport en l'état que pourrait adresser l'expert au juge du contrôle dans l'hypothèse dans laquelle il n'aurait pas obtenu la remise des pièces qui lui sont nécessaires. Seule est critiquée l'obligation faite à l'expert d'obtenir l'accord de la victime ou de ses ayants-droit lorsqu'il entend recueillir auprès de tiers des pièces qu'il n'aurait pas obtenues des parties.
L'article 11 al. 2 du code de procédure civile dispose que si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte. Il peut, à la requête de l'une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s'il n'existe pas d'empêchement légitime.
Le secret médical auquel sont nécessairement tenus les tiers détenant des pièces médicales relatives à l'état de santé du patient et aux soins qu'ils a reçus s'impose à eux et constitue un empêchement légitime au sens des dispositions sus-visées.
Il s'impose également au juge qui ne peut impartir à l'expert une mission portant atteinte au secret médical sans subordonner l'exécution de cette mission à l'autorisation préalable du patient concerné, sauf à tirer les conséquences d'un refus illégitime du patient (Civ. 1ère, 11 juin 2009, N°08-12742).
Il résulte de ces éléments qu'il ne peut être dérogé à l'accord de la victime ou de ses ayants-droits lorsque l'expert entend se faire communiquer par un tiers une pièce médicale qui ne lui aurait pas déjà été communiquée par les parties auxquelles il appartient en premier lieu de pourvoir à la défense de leurs intérêts. En l'absence d'un tel accord, toute partie qui y aurait intérêt resterait admise soit à saisir le juge du contrôle pour qu'il ordonne la production de la pièce litigieuse, soit à faire constater le caractère illégitime du refus par le juge du fond auquel il pourrait être demandé d'en tirer toutes conséquences.
Dans ces conditions, c'est de façon justifiée que le premier juge a soumis la production de pièces médicales à l'expert par des tiers à l'accord de la victime ou de ses ayants-droit. La décision sera confirmée de ce chef.
En équité, chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a exposés.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
- Confirme l'ordonnance rendue le 13 octobre 2023 par le président du tribunal judiciaire de Toulouse statuant en référé en ce qu'elle a rejeté les demandes de mise hors de cause du Dr [L] [I] et du Dr [K] [T] comme étant prématurées,
- Infirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a enjoint aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, à l'exclusion de documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au(x) demandeur(s) sauf à établir leur origine et l'accord du demandeur sur leur divulgation,
Statuant à nouveau,
- Enjoint aux défendeurs ou leurs conseils de fournir aussitôt que possible et au plus tard 8 jours avant la première réunion et sans que le secret professionnel puisse leur être opposé, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations, en ce compris les documents médicaux protégés par le secret professionnel et relatifs au demandeur à l'expertise, strictement nécessaires à leur défense et qui sont en lien avec les faits dénoncés par Mme [N] [F], tels qu'elle les a présentés dans la chronologie des consultations, soins et interventions mentionnés dans son assignation ou qui, présentant un lien avec la santé bucco-dentaire de la patiente, seraient antérieures à ces faits,
- Confirme la décision entreprise en ce qu'elle a :
* dit qu'à défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires, l'expert pourra être autorisé par le juge chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état,
* dit que l'expert pourra se faire communiquer directement, avec l'accord de la victime ou de ses ayant-droits, par tous tiers : médecins, personnels paramédicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtra nécessaire,
- Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens qu'elle a exposés.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
I.ANGER E.VET