TUE, 7e ch. élargie, 13 novembre 2024, n° T-141/23
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Papasavvas
Juges :
M. Kornezov (rapporteur), M. De Baere, M. Petrlík, Mme Kingston
Avocats :
Me Laprévote, Me de Bure, Me Otmani
LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),
1 Par leur recours fondé sur l’article 265 TFUE, les requérants, M. Laurent Merlin et les autres personnes physiques et morales dont les noms figurent en annexe, demandent au Tribunal de constater que la Commission européenne s’est illégalement abstenue d’adopter, à l’issue de l’examen de leurs plaintes concernant des aides d’État présumées illégales accordées par le Royaume des Pays-Bas aux armateurs pratiquant la pêche à l’aide de chaluts à perche associée à l’utilisation du courant électrique impulsionnel (ci-après la « pêche électrique »), une décision au titre du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9).
Antécédents du litige
2 Les requérants sont 36 pêcheurs français, néerlandais et du Royaume Uni ainsi que l’association des petits pêcheurs européens Low Impact Fishers of Europe (LIFE) qui exercent leurs activités de pêche dans les eaux de la Manche et de la mer du Nord.
3 Au cours du mois de mars 2021, les requérants, en utilisant le formulaire figurant à l’annexe IV du règlement (CE) no 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement 2015/1589 (JO 2004, L 140, p. 1), ont déposé des plaintes auprès de la Commission (ci-après les « plaintes »).
4 Dans leurs plaintes, les requérants faisaient valoir, tout d’abord, que les autorités néerlandaises avaient accordé des autorisations de pêche en violation de la règle selon laquelle la pêche électrique n’était permise que dans la limite de 5 % au maximum de la flottille de chalutiers à perche de chaque État membre prévue par le règlement (CE) no 850/98 du Conseil, du 30 mars 1998, visant à la conservation des ressources de pêche par le biais de mesures techniques de protection des juvéniles d’organismes marins (JO 1998, L 125, p. 1), remplacé par le règlement (UE) 2019/1241 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019, relatif à la conservation des ressources halieutiques et à la protection des écosystèmes marins par des mesures techniques, modifiant les règlements (CE) no 1967/2006 et (CE) no 1224/2009 du Conseil et les règlements (UE) no 1380/2013, (UE) 2016/1139, (UE) 2018/973, (UE) 2019/472 et (UE) 2019/1022 du Parlement européen et du Conseil, et abrogeant les règlements (CE) no 894/97, (CE) no 850/98, (CE) no 2549/2000, (CE) no 254/2002, (CE) no 812/2004 et (CE) no 2187/2005 du Conseil (JO 2019, L 198, p. 105) (ci-après la « règle des 5 % »).
5 Ensuite, dans une partie des plaintes, intitulée « Des subventions européennes illégales et incompatibles avec le marché intérieur », les requérants ont dénoncé le fait que le Royaume des Pays-Bas avait octroyé, depuis 2007, des financements à des chalutiers à perche néerlandais pratiquant la pêche électrique en méconnaissance notamment de la règle des 5 % et des règles régissant le Fonds européen pour la pêche (FEP) et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP). Selon eux, lesdits chalutiers ne pouvaient donc pas bénéficier de ces financements au titre du FEP et du FEAMP, de sorte que lesdits financements devaient être qualifiés d’aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur.
6 Enfin, dans une partie des plaintes, intitulée « Des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur », les requérants ont dénoncé l’existence de diverses mesures d’aide octroyées par le Royaume des Pays Bas à des chalutiers à perche néerlandais pratiquant la pêche électrique qui dépassaient largement les seuils de minimis applicables et qui devaient, dès lors, être qualifiées d’aides d’État.
7 Par lettre du 16 avril 2021, la direction générale (DG) « Concurrence » de la Commission a répondu aux requérants, en indiquant qu’il ressortait des plaintes que les financements dénoncés entraient dans le cadre soit du FEP, soit du FEAMP et que, si une mesure a été financée par le FEP ou le FEAMP, les règles régissant ces fonds prévalaient sur les règles en matière d’aides d’État. Selon cette direction générale, dès lors que lesdites plaintes soulevaient des questions relatives aux règles régissant la politique commune de la pêche (PCP), leur examen devait se poursuivre selon les procédures spécifiques relevant de la PCP et non selon les règles en matière d’aides d’État. À cette fin, la DG « Concurrence » a suggéré aux requérants d’adresser ces plaintes au service compétent de la Commission, à savoir la DG « Affaires maritimes et pêche ».
8 Par lettre du 4 août 2021, les requérants ont fait valoir, en substance, que les mécanismes spécifiques relatifs au FEP et au FEAMP n’excluaient ni l’applicabilité des règles en matière d’aides d’État ni la possibilité d’introduire une plainte au titre du règlement 2015/1589. À cet égard, ils ont fait référence à l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1198/2006 du Conseil, du 27 juillet 2006, relatif au FEP (JO 2006, L 223, p. 1, ci-après le « règlement FEP »), applicable pour la période de programmation 2007 à 2013, et à l’article 8, paragraphe 2, du règlement (UE) no 508/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, relatif au FEAMP et abrogeant les règlements du Conseil (CE) no 2328/2003, (CE) no 861/2006, FEP et (CE) no 791/2007 et le règlement (UE) no 1255/2011 du Parlement européen et du Conseil (JO 2014, L 149, p. 1, ci-après le « règlement FEAMP »),applicable pour la période de programmation 2014 à 2020, au titre desquels, selon eux, les financements octroyés en violation du règlement FEP ou du règlement FEAMP devaient être examinés au regard des règles en matière d’aides d’État. Partant, il appartenait à la Commission d’identifier les instruments par lesquels les financements avaient été octroyés, qu’il s’agisse du FEP, du FEAMP ou d’autres instruments, et de déterminer, sur cette base, ceux qui devaient être considérés comme des aides d’État, au motif qu’ils n’entraient pas dans le cadre du FEP ou du FEAMP.
9 Par lettre du 22 novembre 2021, la DG « Concurrence » a indiqué, tout en admettant que le Royaume des Pays-Bas avait autorisé l’exercice de la pêche électrique contrairement aux conditions prévues par le règlement no 850/98, qu’aucun lien ne pouvait être établi entre les financements effectués dans le cadre du FEP et du FEAMP et ledit exercice. Elle a conclu qu’elle ne voyait pas d’élément d’aide d’État potentiellement illégale qui nécessiterait un examen plus approfondi.
10 Par lettre du 4 avril 2022, les requérants ont présenté, dans sept annexes jointes, des informations complémentaires contenant notamment des listes de chalutiers à perche néerlandais pratiquant la pêche électrique qui auraient bénéficié de financement au titre du FEP et du FEAMP, selon divers documents et extraits de fichiers relatifs aux financements octroyés dans le cadre de ces fonds. Ils ont également dénoncé l’existence d’un programme d’aides à l’investissement entièrement financé par l’État néerlandais et visant à équiper cinq chalutiers à perche pratiquant ladite pêche.
11 Par lettre du 9 septembre 2022, la DG « Concurrence » a indiqué qu’elle avait de nouveau examiné en détail le financement des chalutiers à perche néerlandais pratiquant la pêche électrique sur la base des informations complémentaires transmises par les requérants le 4 avril 2022, qu’elle avait conclu qu’il n’y avait aucune violation des règles relatives au FEP et au FEAMP et que, sur cette base, elle ne voyait aucun élément constitutif d’une aide d’État potentiellement illégale qui nécessiterait un examen plus approfondi.
12 Par lettre du 8 novembre 2022, les requérants ont invité la Commission, conformément à l’article 265, deuxième alinéa, TFUE ainsi qu’au règlement 2015/1589, et notamment à ses articles 4, 12 et 15, à adopter, en réponse aux plaintes, une décision au titre de l’article 4 dudit règlement (ci-après l’« invitation à agir »).
13 Par lettre du 14 février 2023, intitulée « Lettres de préclôture aux plaignants les informant que les services de la Commission ont l’intention de classer l’affaire », la Commission a informé les requérants qu’elle avait terminé l’examen des plaintes.
14 À cet égard, premièrement, la Commission a indiqué qu’elle n’envisageait pas de proposer l’ouverture d’une « procédure d’infraction pour non-respect du droit de l’Union par [le Royaume des Pays Bas] ». Deuxièmement, elle a indiqué avoir de nouveau examiné en détail le financement des chalutiers à perche néerlandais pratiquant la pêche électrique au regard des informations complémentaires transmises par les requérants le 4 avril 2022 et avoir conclu à l’absence d’infraction aux règles applicables au FEP et au FEAMP. Sur cette base, elle a informé les requérants de son intention de classer le dossier, tout en les invitant, s’ils disposaient de nouvelles informations susceptibles d’être pertinentes pour le réexamen du dossier, à prendre contact avec elle dans un délai de quatre semaines, délai à l’issue duquel l’affaire pourrait être classée.
Conclusions des parties
15 Les requérants concluent, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :
– constater que la Commission s’est illégalement abstenue d’adopter une décision au titre du règlement 2015/1589 ;
– ordonner à la Commission de prendre, dans un délai de deux mois, une décision sur le fondement dudit règlement ;
– condamner la Commission aux dépens.
16 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable ;
– à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;
– condamner les requérants aux dépens.
En droit
17 À l’appui du recours, les requérants font valoir que, conformément à l’article 12, paragraphe 1, second alinéa, et à l’article 15, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, la Commission était tenue, d’une part, d’examiner, dans un délai raisonnable et de manière complète et diligente, les informations qu’ils lui avaient transmises dans les plaintes ainsi que dans leurs échanges subséquents, dans lesquels ils dénonçaient l’existence de diverses mesures d’aide, et, d’autre part, d’adopter une décision définitive sur le fondement de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4, de ce règlement, exprimant clairement sa position à cet égard.
18 En particulier, selon les requérants, la Commission a considéré à tort que le financement octroyé dans le cadre du FEP et du FEAMP aux chalutiers à perche néerlandais pratiquant la pêche électrique était exempté, sur la base de l’article 7 du règlement FEP et de l’article 8 du règlement FEAMP, de l’application des règles en matière d’aides d’État. Ils estiment en effet que, si un doute devait exister sur le fait qu’un tel financement aurait été effectué en dehors ou en méconnaissance des règles régissant lesdits fonds, celui ci devrait être qualifié d’aide d’État, de sorte que la Commission serait obligée de procéder à son examen au titre du règlement 2015/1589.
19 La Commission, à titre principal, excipe de l’irrecevabilité du recours conformément à l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, au motif notamment qu’elle a pris position à l’égard des plaintes avant l’introduction du présent recours. À titre subsidiaire, elle conteste le bien-fondé dudit recours.
Sur la recevabilité du recours
20 La Commission estime qu’elle a pris position de manière claire et définitive, dans sa lettre du 14 février 2023, sur l’invitation à agir, de sorte que le présent recours est irrecevable. Selon elle, il résulte d’une lecture conjointe de l’ensemble de la correspondance qu’elle a échangée avec les requérants que, en substance, elle considérait ne pas avoir la compétence pour adopter une décision au titre du règlement 2015/1589, puisque, conformément à l’article 42 TFUE, à l’article 7 du règlement FEP et à l’article 8 du règlement FEAPM, les articles 107 à 109 TFUE étaient inapplicables aux paiements effectués par les États membres dans le cadre du FEP ou du FEAMP.
21 Les requérants rétorquent, premièrement, que, dans la lettre de la Commission du 14 février 2023, celle-ci n’a pas pris position sur l’invitation à agir. Selon eux, dans ladite lettre, la Commission n’a même pas fait référence à leur demande ayant pour objet l’adoption d’une décision au titre de l’article 4 du règlement 2015/1589, et n’a pas non plus indiqué qu’elle se considérait incompétente pour adopter une telle décision. Deuxièmement, ils font valoir que, à supposer même que cette lettre doive être lue comme contenant une prise de position de la Commission sur ladite invitation, la position n’aurait pas été arrêtée de manière claire et définitive. Ils estiment, d’une part, que, en indiquant, dans la lettre en question, ne pas envisager d’ouvrir une « procédure d’infraction pour non respect du droit de l’Union par [le Royaume des Pays Bas] », la Commission n’a pas pris position sur la demande formulée dans cette invitation, laquelle n’avait pas pour objet de l’inviter à ouvrir une telle procédure. Ils soutiennent, d’autre part, que la Commission a rédigé la lettre en cause dans des termes vagues et prospectifs, dans la mesure où elle s’est bornée à indiquer qu’elle n’« envisageait » pas de donner suite aux plaintes, qu’elle avait l’« intention » de classer le dossier et qu’elle les invitait « à prendre contact » avec elle s’ils disposaient de « nouvelles informations susceptibles d’être pertinentes pour le réexamen du dossier », et que, faute de ces informations, le dossier « pourrait » être classé.
22 Selon la jurisprudence, l’article 265 TFUE vise l’omission de statuer ou de prendre position, et non l’adoption d’un acte différent de celui que l’intéressé aurait souhaité ou estimé nécessaire (arrêts du 13 juillet 1971, Deutscher Komponistenverband/Commission, 8/71, EU:C:1971:82, point 2, et du 24 novembre 1992, Buckl e.a./Commission, C 15/91 et C 108/91, EU:C:1992:454, point 17). Ainsi, il y a lieu de considérer que l’institution n’est pas en situation de carence non seulement lorsqu’elle adopte un acte donnant satisfaction à la partie requérante, mais également lorsqu’elle refuse d’adopter cet acte et répond à la demande qui lui est faite en indiquant les raisons pour lesquelles elle estime qu’il ne convient pas d’adopter ledit acte ou qu’elle n’a pas compétence pour le faire (ordonnances du 21 décembre 2021, Finiconsult/Commission, T 504/21, non publiée, EU:T:2021:948, point 6, et du 1er février 2023, NO/Commission, T 708/21, non publiée, EU:T:2023:49, point 56).
23 Dès lors, les conditions de recevabilité d’un recours en carence, fixées à l’article 265 TFUE, ne sont pas remplies lorsque l’institution invitée à agir a pris position sur cette invitation avant l’introduction du recours et que l’adoption d’un acte différent de celui que les intéressés auraient souhaité ou estimé nécessaire, tel qu’un refus, dûment motivé, d’agir conformément à l’invitation à agir, constitue une prise de position mettant fin à la carence (voir arrêt du 24 mars 2022, Wagenknecht/Commission, C 130/21 P, EU:C:2022:226, point 31 et jurisprudence citée).
24 En outre, une prise de position, au sens de l’article 265, deuxième alinéa, TFUE, doit arrêter de manière claire et définitive la position de l’institution concernée sur la demande de la partie requérante (arrêt du 24 mars 2022, Wagenknecht/Commission, C 130/21 P, EU:C:2022:226, point 33).
25 En l’espèce, il convient de relever que les requérants avaient dénoncé, dans des parties distinctes des plaintes, l’existence, d’une part, de « subventions européennes illégales et incompatibles avec le marché intérieur », accordées aux chalutiers à perche néerlandais pratiquant la pêche électrique dans le cadre du FEP et du FEAMP, en méconnaissance notamment de la règle des 5 % (ci-après les « financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP »), et, d’autre part, de « subventions nationales » en faveur desdits chalutiers, octroyées par le Royaume des Pays Bas, qui devraient être qualifiées d’aides d’État (ci-après les « aides nationales dénoncées »).
26 En outre, dans leur lettre du 4 avril 2022, les requérants ont présenté à la Commission des informations complémentaires relatives tant aux financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP qu’aux aides nationales dénoncées.
27 Dans l’invitation à agir, les requérants, en faisant référence notamment aux plaintes et aux informations qui avaient été jointes à celles-ci, ainsi qu’aux informations complémentaires transmises à la Commission dans leur lettre du 4 avril 2022, y compris ses sept annexes, lesquelles apportaient, selon eux, des preuves tangibles de l’existence d’aides d’État, ont invité cette dernière, conformément à l’article 265, deuxième alinéa, TFUE ainsi qu’au règlement 2015/1589, et notamment ses articles 4, 12 et 15, à adopter une décision au titre de l’article 4 dudit règlement.
28 Dans ces circonstances, il convient d’examiner si la Commission a pris position, de manière claire et définitive, avant l’introduction du recours, sur l’ensemble des mesures dénoncées dans les plaintes et dans la lettre des requérants du 4 avril 2022, à savoir, d’une part, sur les financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP et, d’autre part, sur les aides nationales dénoncées.
Sur l’existence d’une prise de position quant aux financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP
29 Dans les plaintes ainsi que dans la correspondance ultérieure avec la Commission, les requérants faisaient valoir, en substance, que les financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP étaient non conformes aux règles régissant ces fonds, en ce qu’ils auraient été versés en méconnaissance de la règle des 5 %, et que, en raison de cette non-conformité, ces financements devaient être qualifiés d’aides d’États et faire l’objet d’un examen au titre du règlement 2015/1589. Dans l’invitation à agir, en faisant référence notamment auxdites plaintes et à leur lettre du 4 avril 2022, les requérants ont invité la Commission à adopter une décision au titre de l’article 4 dudit règlement.
30 À cet égard, la Commission a indiqué, en substance, au cours de ses échanges avec les requérants qu’elle considérait, d’une part, qu’elle n’était pas compétente, au titre du règlement 2015/1589, pour adopter une décision relative aux financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP et, d’autre part, que lesdits financements ne méconnaissaient pas les règles relatives au FEP et au FEAMP.
31 Ainsi, dans sa lettre du 16 avril 2021, la Commission a indiqué que, selon elle, les règles applicables en matière de PCP, en particulier les règles relatives au FEP et au FEAMP, prévalaient sur celles en matière d’aides d’État, puisque les règlements FEP et FEAMP prévoyaient des mécanismes spécifiques de contrôle en vertu desquels les États membres étaient tenus de récupérer les paiements indus effectués dans le cadre desdits fonds et que, dès lors, l’examen de la conformité des financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP devait se poursuivre selon les procédures spécifiques prévues par ces règlements, et non selon celles applicables en matière d’aides d’État.
32 En outre, dans ses lettres des 22 novembre 2021 et 9 septembre 2022, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles, selon elle, les financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP ne méconnaissaient pas les règlements FEP et FEAMP. La lettre du 14 février 2023 reprenait à cet égard, en substance, les mêmes motifs que ceux exposés dans la lettre du 9 septembre 2022.
33 Il est vrai, comme l’observent les requérants, que, dans sa lettre du 14 février 2023, considérée de manière isolée, la Commission n’a pas explicitement refusé d’adopter une décision au titre du règlement 2015/1589 et n’a pas non plus indiqué qu’elle n’était pas compétente pour adopter une telle décision en ce qui concerne les financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP.
34 Toutefois, la lettre du 14 février 2023 doit être lue à la lumière des échanges l’ayant précédée. En effet, d’une part, dans cette lettre, la Commission s’est référée à ses lettres des 22 novembre 2021 et 9 septembre 2022. D’autre part, il ressort de la jurisprudence que, aux fins de la vérification de l’existence d’une prise de position et de son caractère clair et définitif, il est permis de tenir compte des échanges intervenus entre les requérants et la Commission ayant précédé la prise de position (voir, en ce sens, ordonnances du 16 juin 2020, CJ/Cour de justice de l’Union européenne, C 634/19 P, non publiée, EU:C:2020:474, points 30 et 31, et du 1er février 2023, NO/Commission, T 708/21, non publiée, EU:T:2023:49, points 71 et 72).
35 Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, il convient de considérer que la Commission a, dans sa lettre du 14 février 2023, confirmé en substance sa position exprimée de manière claire antérieurement, selon laquelle, d’une part, elle n’était pas compétente, au titre du règlement 2015/1589, pour adopter une décision relative aux financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP et, d’autre part, lesdits financements ne méconnaissaient pas les règles relatives au FEP et au FEAMP, et que, sur cette base, elle avait décidé de terminer l’examen des plaintes, ainsi qu’elle l’a annoncé dans la même lettre.
36 Or, selon la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, l’institution concernée n’est pas en situation de carence lorsqu’elle refuse d’adopter la décision sollicitée et répond à la demande qui lui est faite en indiquant les raisons pour lesquelles elle estime qu’elle n’a pas compétence pour le faire.
37 Le fait que cette prise de position ne donne pas satisfaction aux requérants est à cet égard indifférente, car l’article 265 TFUE vise la carence par abstention de statuer ou de prendre position, et non l’adoption d’un acte autre que celui que cette partie aurait souhaité ou estimé nécessaire (voir, en ce sens, ordonnances du 13 décembre 2000, Sodima/Commission, C 44/00 P, EU:C:2000:686, point 83, et du 6 avril 2017, Brancheforeningen for Regulerkraft i Danmark/Commission, T 203/16, non publiée, EU:T:2017:279, point 22).
38 De même, le fait souligné par les requérants que, dans sa lettre du 14 février 2023, la Commission a indiqué qu’elle n’envisageait pas de proposer l’ouverture d’une « procédure d’infraction pour non-respect du droit de l’Union par le [Royaume des Pays-Bas] », alors que, dans l’invitation à agir, les requérants ne l’avaient pas invitée à le faire, est sans pertinence en l’espèce, étant donné que la Commission, dans d’autres passages de ladite lettre, lus conjointement avec les échanges l’ayant précédée, a pris position de manière claire sur la demande tendant à l’adoption d’une décision au titre du règlement 2015/1589, en ce qui concerne les financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP.
39 Il s’ensuit que la Commission a pris position au sens de l’article 265 TFUE, avant l’introduction du recours, sur les financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP.
40 Les arguments des requérants tendant à démontrer que la prise de position en cause n’était pas claire et définitive doivent également être rejetés.
41 En effet, s’agissant du caractère clair de la prise de position en cause, il ressort des points 7, 31 et 35 ci-dessus que la Commission a clairement indiqué qu’elle ne considérait pas avoir la compétence pour adopter une décision au titre du règlement 2015/1589, en ce qui concerne les financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP. En outre, il convient de relever que les requérants ont bel et bien compris, ainsi qu’il ressort de leur lettre du 4 août 2021, que la Commission se considérait incompétente pour adopter une telle décision. En atteste le fait que l’objet de cette lettre portait sur le « [r]ejet de compétence portant sur les plaintes déposées en mars 2021 concernant une aide d’État illégale ou l’application abusive d’une aide en faveur de la pêche au chalut électrique » et le fait que, dans la même lettre, les requérants exposaient les motifs pour lesquels ils considéraient que la position ainsi exprimée par la Commission était erronée. Partant, la clarté de la prise de position de la Commission ne saurait être remise en cause.
42 Quant au caractère définitif de la prise de position en cause, il est vrai, comme l’indiquent les requérants, que, dans sa lettre du 14 février 2023, la Commission les informait de son « intention » de classer le dossier et les invitait à lui communiquer « de « nouvelles informations susceptibles d’être pertinentes pour le réexamen de [leur] dossier », à défaut de quoi le dossier « pourrait » être classé.
43 Toutefois, il n’en demeure pas moins que, dans sa lettre du 14 février 2023, la Commission a indiqué qu’elle avait terminé l’examen des plaintes. Il en ressort ainsi qu’elle s’était forgé une opinion définitive sur les financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP.
44 Dès lors, le simple fait que la Commission ait donné aux requérants une dernière occasion de présenter, s’ils en disposaient, de nouvelles informations susceptibles de justifier le « réexamen » du dossier ne remet pas en cause ce qui précède, dans la mesure où la Commission a clairement indiqué, dans sa lettre du 14 février 2023, avoir terminé l’examen des plaintes et exposé son analyse définitive s’agissant des financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP.
45 En effet, selon la jurisprudence, l’indication figurant dans une lettre de la Commission, selon laquelle la requérante était priée de considérer que l’échange de correspondance avec la Commission était clos « sous réserve d’éléments nouveaux », n’ôte pas en tant que tel le caractère clair et définitif de la position exprimée par cette dernière (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2003, Fiocchi munizioni/Commission, T 26/01, EU:T:2003:248, points 76 et 78).
46 En outre, et en tout état de cause, il est constant que, à la suite de la lettre du 14 février 2023, les requérants n’ont fourni aucune nouvelle information à la Commission et qu’ils ne pouvaient dès lors pas s’attendre à un quelconque réexamen par la Commission de sa position.
47 Dans ces circonstances, il convient de rejeter les arguments des requérants tendant à contester le caractère définitif de la prise de position de la Commission quant aux financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP.
48 Partant, il convient de considérer que la lettre du 14 février 2023, indépendamment de son bien-fondé, doit être considérée comme arrêtant de manière claire et définitive la position de la Commission en ce qui concerne les financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP en réponse à l’invitation à agir.
49 Dès lors, le recours en carence doit être déclaré irrecevable pour autant qu’il vise à faire constater une carence de la Commission en ce qui concerne son abstention d’adopter une décision au titre du règlement 2015/1589 au sujet des financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP.
Sur l’existence d’une prise de position quant aux aides nationales dénoncées
50 Ainsi qu’il a été relevé aux points 6 et 25 ci-dessus, outre les financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP, les requérants ont, dans une partie distincte des plaintes, également saisi la Commission de l’existence de plusieurs aides nationales dénoncées. À cet égard, ils ont énuméré cinq mesures d’aide accordées par les autorités néerlandaises, dont le montant variait, selon eux, de 880 000 euros à 74 millions d’euros, et ont renvoyé à diverses sources attestant, toujours selon eux, de l’existence desdites mesures.
51 Dans sa lettre du 16 avril 2021, la Commission a indiqué qu’il ressortait des plaintes que les mesures dénoncées dans celles-ci entraient « dans le cadre soit du [FEP], soit du [FEAMP] ». Ainsi, et comme elle l’a d’ailleurs confirmé lors de l’audience, elle a interprété lesdites plaintes comme ne concernant que des financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP.
52 Or, ce faisant, la Commission a effectué une lecture partielle des plaintes et a ainsi omis, dans sa lettre du 16 avril 2021, de s’exprimer sur le volet de celles-ci qui portait sur les aides nationales dénoncées.
53 Ensuite, dans leur lettre du 4 août 2021, les requérants ont fait valoir, notamment, qu’il appartenait à la Commission d’identifier les instruments par lesquels les financements en cause avaient été octroyés « qu’il s’agisse du FEP et du FEAMP ou bien d’autres instruments », de déterminer sur cette base ceux qui devaient être considérés comme des aides d’État, parce qu’ils n’entraient pas dans le cadre du FEP ou du FEAMP, et de procéder à l’examen de leur compatibilité avec le marché intérieur.
54 De même, dans leur lettre du 4 avril 2022, les requérants ont présenté des informations complémentaires dénonçant, au point VI de cette lettre, l’existence d’un programme d’aides à l’investissement entièrement financé par l’État néerlandais ayant pour objet l’équipement de cinq navires avec un chalut à perche électrique. À cet égard, ils faisaient référence à une lettre du ministre des Affaires économiques, de l’Agriculture et de l’Innovation, du 25 mai 2011, adressée au président de la Chambre basse des États généraux du Royaume des Pays-Bas, dont il ressortait que les autorités néerlandaises considéraient que le règlement FEP n’autorisait pas l’octroi de financement pour l’investissement dans le chalut électrique et que, pour cette raison, ledit programme avait été entièrement financé par des aides d’État. Cette lettre était jointe en tant qu’annexe VI à la lettre des requérants du 4 avril 2022.
55 Enfin, dans l’invitation à agir, les requérants ont renvoyé spécifiquement aux informations figurant dans les plaintes ainsi qu’aux divers autres éléments transmis à la Commission par leur lettre du 4 avril 2022 et ses sept annexes, qui apportaient, selon eux, des preuves tangibles de l’existence d’aides d’État. Or, ainsi qu’il ressort des points 50 et 54 ci-dessus, parmi ces informations et ces éléments figuraient les aides nationales dénoncées. Ainsi, ladite invitation visait clairement l’ensemble des mesures dénoncées dans lesdites plaintes et dans cette lettre, y compris les aides nationales dénoncées.
56 Or, dans sa lettre du 9 septembre 2022, qui venait en réponse aux informations complémentaires transmises par les requérants le 4 avril 2022, et dans sa lettre du 14 février 2023, qui venait en réponse à l’invitation à agir, la Commission n’a ni mentionné les aides nationales dénoncées, ni exprimé d’opinion à cet égard.
57 En effet, bien que la Commission ait indiqué, dans ses lettres des 9 septembre 2022 et 14 février 2023, qu’elle avait « de nouveau examiné en détail le financement des navires néerlandais, sur la base des informations transmises [par les requérants] le 4 avril 2022 », elle s’est limitée à analyser les règles applicables au FEP et au FEAMP, alors même que les aides nationales dénoncées étaient accordées, selon les requérants, en dehors desdits fonds et étaient financées entièrement pas l’État néerlandais. Ainsi, le raisonnement exposé par la Commission dans lesdites lettres ne concernait pas les aides nationales dénoncées.
58 Partant, force est de constater que, ni dans sa lettre de 14 février 2023, ni dans ses échanges antérieurs avec les requérants, la Commission n’a pris position sur les aides nationales dénoncées. Or, si une institution invitée à agir prend position sur une partie d’une invitation à agir et omet de prendre position sur une autre partie, le recours est recevable en ce qui concerne cette dernière partie (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 1995, Ladbroke Racing/Commission, T 74/92, EU:T:1995:10, points 54 à 63).
59 Dans sa réponse à une mesure d’organisation de la procédure et lors de l’audience, la Commission a fait valoir que l’aide octroyée par le Royaume des Pays Bas à cinq chalutiers à perche afin de financer leur équipement en chalut électrique, laquelle avait été dénoncée dans les plaintes ainsi que dans la lettre des requérants du 4 avril 2022, relevait en réalité d’un régime d’aides existant SA.24076 N/2007 – Pays-Bas – Aides aux investissements dans les engins de pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel, autorisé par décision du 17 mars 2008 (JO 2008, C 246, p. 1).
60 Toutefois, force est de constater que, comme l’a d’ailleurs admis la Commission lors de l’audience, cette dernière n’a à aucun moment indiqué, au cours de ses échanges avec les requérants, qu’elle considérait que l’aide mentionnée au point 59 ci-dessus était en réalité une aide existante déjà autorisée et que, pour ce motif, elle n’envisageait pas d’adopter une décision au titre du règlement 2015/1589. Au contraire, comme l’a confirmé la Commission dans la réponse à une mesure d’organisation de la procédure, elle a considéré que l’objet des plaintes concernait uniquement les financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP, et non les aides nationales dénoncées qui auraient pourtant été octroyées, selon les requérants, en dehors dudit cadre. Or, ainsi qu’il découle des points 6, 26 et 51 à 53 ci-dessus, cette position procédait d’une lecture partielle desdites plaintes, de sorte que la Commission a omis d’examiner une partie des mesures dénoncées dans celles-ci.
61 En outre, et en tout état de cause, l’aide mentionnée au point 59 ci-dessus n’est qu’une des aides nationales dénoncées dans les plaintes, de sorte que l’argument de la Commission, développé pour la première fois en cours d’instance, ne concerne qu’une seule d’entre elles.
62 Ne saurait non plus prospérer l’argument de la Commission, soulevé à titre subsidiaire, selon lequel sa lettre du 14 février 2023 doit être considérée comme une lettre de « pré-clôture » adressée aux requérants sur le fondement de l’article 24, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement 2015/1589 et constitue une prise de position claire et définitive au sens de l’article 265 TFUE.
63 En effet, force est de constater, d’une part, que, dans sa lettre du 14 février 2023, la Commission ne s’est pas fondée sur l’article 24, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement 2015/1589.
64 D’autre part, la Commission ne saurait arguer à la fois qu’elle n’était pas compétente pour adopter une décision au titre du règlement 2015/1589 en réponse aux plaintes dont elle était saisie, mais que, à titre subsidiaire, sa lettre du 14 février 2023 devait tout de même être considérée comme une lettre fondée sur l’article 24, paragraphe 2, deuxième alinéa, dudit règlement.
65 Enfin, la circonstance selon laquelle, dans sa lettre du 14 février 2023, la Commission a indiqué qu’elle avait terminé l’examen des plaintes et qu’elle avait l’intention de classer le dossier, ne signifie pas qu’elle a pris position sur l’ensemble des mesures dénoncées dans celles-ci et dans la lettre des requérants du 4 avril 2022, en ce qui concerne les aides nationales dénoncées. En effet, la Commission n’a à aucun moment mentionné, au cours de ses multiples échanges avec les requérants, et encore moins analysé, les aides nationales dénoncées. Au contraire, l’ensemble des considérations qu’elle a exposées dans sa correspondance avec les requérants portait sur les financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP. Or, de telles considérations n’ont pas de rapport avec les aides nationales dénoncées, lesquelles étaient accordées, selon les requérants, en dehors desdits fonds et étaient financées entièrement par l’État néerlandais. Partant, lesdites considérations ne permettent pas de dégager une quelconque prise de position de la Commission à cet égard.
66 Il en résulte que, en ce qui concerne les aides nationales dénoncées, la Commission n’a pas pris de position claire et définitive, au sens de l’article 265 TFUE, sur l’invitation à agir.
67 Dès lors, le recours doit être déclaré recevable pour autant qu’il vise à faire constater une carence de la Commission relative à son abstention d’agir au titre du règlement 2015/1589 en ce qui concerne les aides nationales dénoncées.
Sur le fond
68 Afin de statuer sur le bien-fondé des conclusions en carence, il y a lieu de vérifier si, au moment de l’invitation à agir, au sens de l’article 265 TFUE, il pesait sur la Commission une obligation d’agir (voir arrêt du 21 décembre 2022, Ekobulkos/Commission, T 702/21, EU:T:2022:842, point 27 et jurisprudence citée).
69 En matière d’aides d’État, les situations dans lesquelles la Commission est tenue d’agir quant aux aides illégales ou incompatibles avec le marché intérieur sont régies par le règlement 2015/1589 (arrêt du 21 décembre 2022, Ekobulkos/Commission, T 702/21, EU:T:2022:842, point 28).
70 L’article 12, paragraphe 1, second alinéa, du règlement 2015/1589 dispose, en particulier, que la Commission examine sans retard indu toute plainte déposée par une partie intéressée, conformément à l’article 24, paragraphe 2, dudit règlement. Cette disposition, relative aux droits des parties intéressées, prévoit notamment que si les éléments de fait et de droit invoqués par la partie intéressée ne suffisent pas à démontrer, sur la base d’un examen à première vue, l’existence d’une aide d’État illégale ou l’application abusive d’une aide, la Commission en informe la partie intéressée et l’invite à présenter ses observations dans un délai déterminé qui ne dépasse normalement pas un mois. Si la partie intéressée ne fait pas connaître son point de vue dans le délai fixé, la plainte est réputée avoir été retirée (arrêt du 21 décembre 2022, Ekobulkos/Commission, T 702/21, EU:T:2022:842, point 29).
71 L’article 15, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2015/1589 prévoit que l’examen d’une éventuelle aide illégale débouche sur l’adoption d’une décision au titre de l’article 4, paragraphe 2, 3 ou 4, dudit règlement, selon lequel la Commission procède à l’examen de la notification dès sa réception et prend soit une décision constatant que la mesure ne constitue pas une aide, soit une décision de ne pas soulever d’objections si la mesure ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, soit une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen si ladite mesure suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur (arrêt du 21 décembre 2022, Ekobulkos/Commission, T 702/21, EU:T:2022:842, point 30).
72 Il convient donc de vérifier si, en l’espèce, la Commission a été saisie d’une plainte ou mise en possession d’informations concernant une aide prétendument illégale ou incompatible avec le marché intérieur, faits qui auraient dû être suivis d’une des démarches ou décisions fondées sur l’article 12, paragraphe 1, second alinéa, du règlement 2015/1589 ou l’article 15, paragraphe 1, première phrase, du même règlement (voir, en ce sens, arrêts du 29 septembre 2011, Ryanair/Commission, T 442/07, non publié, EU:T:2011:547, point 37, et du 21 décembre 2022, Ekobulkos/Commission, T 702/21, EU:T:2022:842, point 31).
73 En l’occurrence, comme il a été constaté aux points 3 à 6 ci-dessus, la Commission a été saisie des plaintes, déposées en utilisant le formulaire figurant à l’annexe IV du règlement no 794/2004, lesquelles portaient notamment sur plusieurs aides nationales dénoncées. En outre, comme il a été relevé au point 10 ci-dessus, les requérants ont présenté des informations complémentaires dans leur lettre du 4 avril 2022.
74 Il convient de préciser à cet égard que la Commission ne conteste pas qu’elle était compétente pour examiner, au titre du règlement 2015/1589, si les aides nationales dénoncées constituaient des aides d’État ainsi que, le cas échéant, leur légalité et leur compatibilité avec le marché intérieur. De même, si, lors de cet examen, la Commission devait, le cas échéant, considérer que ces aides ou certaines d’entre elles constituaient des aides existantes, au sens de l’article 1er, sous b), dudit règlement, elle était tenue d’en informer les requérants en leur indiquant, conformément à l’article 24, paragraphe 2, du même règlement, que, pour ce motif, les éléments de fait et de droit invoqués par eux ne suffisaient pas à démontrer, sur la base d’un examen à première vue, l’existence d’une aide d’État illégale ou l’application abusive d’une aide.
75 Dès lors, ayant été dûment saisie de plaintes l’informant de l’existence d’aides présumées illégales ou de l’application présumée abusive de telles aides, la Commission était tenue d’agir conformément à l’article 12, paragraphe 1, second alinéa, à l’article 15, paragraphe 1, et à l’article 24, paragraphe 2, du règlement 2015/1589. Or, cet examen aurait dû conduire la Commission à entreprendre l’une des démarches prévues par les dispositions susmentionnées ou à adopter une décision au titre de celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Ryanair/Commission, T 442/07, non publié, EU:T:2011:547, point 67).
76 Or, n’ayant entrepris, en ce qui concerne les aides nationales dénoncées, aucune démarche ni a fortiori adopté de décision au titre du règlement 2015/1589, alors qu’elle était tenue de le faire, la Commission s’est trouvée en situation de carence à l’expiration du délai de deux mois suivant l’invitation à agir.
77 Il en résulte que les griefs des requérants visant à démontrer que la Commission a manqué à son obligation d’agir au titre du règlement 2015/1589 sont fondés en ce qui concerne les aides nationales dénoncées.
78 Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté comme irrecevable pour autant qu’il vise à faire constater une carence de la Commission s’agissant des financements dénoncés dans le cadre du FEP et du FEAMP, et accueilli pour autant qu’il vise à faire constater une carence de la Commission en ce qui concerne les aides nationales dénoncées.
79 Enfin, s’agissant du deuxième chef de conclusions des requérants, par lequel ils demandent au Tribunal d’ordonner à la Commission d’adopter, dans un délai de deux mois, une décision sur le fondement du règlement 2015/1589, il convient de rappeler que, dans les recours fondés sur les articles 263 et 265 TFUE, le juge de l’Union européenne n’est pas compétent pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union. Il incombe en effet à l’institution concernée de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt rendu, aussi bien dans le cadre d’un recours en annulation que dans celui d’un recours en carence (voir ordonnances du 9 juillet 2012, Pigui/Commission, T 382/11, non publiée, EU:T:2012:350, point 29 et jurisprudence citée, et du 13 avril 2022, Alauzun e.a./Commission, T 695/21, non publiée, EU:T:2022:233, point 51 et jurisprudence citée). Partant, le deuxième chef de conclusions des requérants doit être rejeté en raison de l’incompétence du Tribunal pour en connaître.
Sur les dépens
80 Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.
81 En l’espèce, chacune des parties ayant succombé partiellement, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chacune d’elles supportera ses propres dépens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) La Commission européenne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE, en s’abstenant d’agir au titre de ce règlement, en ce qui concerne les aides d’État présumées, mentionnées au point 6, sous a), sous le titre « Des aides d’État incompatibles avec le marché intérieur » des plaintes des requérants ainsi qu’au point VI de leur lettre du 4 avril 2022.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) Chacune des parties supportera ses propres dépens.