TUE, 7e ch. élargie, 13 novembre 2024, n° T-58/20
TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
NetCologne Gesellschaft für Telekommunikation mbH
Défendeur :
Commission européenne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. van der Woude
Juges :
M. da Silva Passos (rapporteur), Mme Reine, M. Truchot, M. Sampol Pucurull
Avocats :
Me Geppert, Me Schmitz, Me Schulze zur Wiesche, Me Jeffs, Me Chadd, Me Seeliger
LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, NetCologne Gesellschaft für Telekommunikation mbH, demande l’annulation de la décision C(2019) 5187 final de la Commission, du 18 juillet 2019, déclarant compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE l’opération de concentration visant à l’acquisition par Vodafone Group plc de certains actifs de Liberty Global plc (affaire COMP/M.8864 – Vodafone/Certain Liberty Global Assets) (ci-après la « décision attaquée »).
I. Antécédents du litige
A. Entreprises en cause
2 Vodafone Group plc (ci-après « Vodafone »), établie au Royaume-Uni, est principalement active dans l’exploitation de réseaux de télécommunications mobiles et dans la fourniture de services de télécommunications mobiles, comme les services vocaux, de messagerie et de données mobiles. Certaines de ses sociétés d’exploitation fournissent aussi des services de télévision par câble, de téléphonie fixe, d’Internet à haut débit ou de télévision utilisant le protocole Internet (Internet Protocole Television, IPTV). Au sein de l’Union européenne, Vodafone est présente dans douze États membres, dont la République tchèque, l’Allemagne, la Hongrie et la Roumanie. En Allemagne, Vodafone possède un réseau câblé coaxial présent dans treize Länder sur seize (Bavière, Berlin, Brandebourg, Brême, Hambourg, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, Basse-Saxe, Rhénanie-Palatinat, Sarre, Saxe, Saxe-Anhalt, Schleswig-Holstein et Thuringe), lui permettant d’offrir des services de télévision et d’Internet à haut débit. Dans cet État membre, Vodafone est également active dans la fourniture au détail de services de télécommunications mobiles au niveau national et propose des services de télécommunications fixes à l’échelle nationale par l’intermédiaire d’un accès de gros au réseau fixe de la requérante.
3 Liberty Global plc, également établie au Royaume-Uni, propose des services de télévision, d’Internet à haut débit, de téléphonie fixe ainsi que des services mobiles dans différents pays de l’Union. Liberty Global possède et exploite des réseaux câblés proposant des services de télévision, d’Internet à haut débit et de téléphonie vocale en République tchèque, en Allemagne, en Hongrie et en Roumanie. Liberty Global est présente en Allemagne sous le nom de Unitymedia GmbH et en République tchèque, en Hongrie et en Roumanie sous le nom d’UPC. En Allemagne, Unitymedia possède un réseau câblé coaxial présent dans les trois Länder que ne couvre pas le réseau câblé de Vodafone, à savoir la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, la Hesse et le Bade-Wurtemberg, lui permettant d’offrir des services de télévision et d’Internet à haut débit. En outre, Liberty Global est active en tant qu’opérateur de réseau mobile virtuel en Allemagne et en Hongrie.
4 La requérante est un exploitant de réseaux de télécommunications régional en Allemagne actif dans le Land de Rhénanie du Nord/Westphalie, en particulier dans l’agglomération colonaise ainsi que dans d’autres villes telles que Bonn et Düsseldorf et dans l’agglomération d’Aix-la-Chapelle (par l’intermédiaire de sa filiale, NetAachen GmbH). La requérante dispose de son propre réseau en fibre optique (réseau dorsal et réseau d’accès), d’une longueur d’environ 26 500 km. En l’absence de ses propres réseaux d’accès aux bâtiments des clients finaux, la requérante recourt aux prestations intermédiaires de Deutsche Telekom. La requérante offre à ses clients finaux, non professionnels, principalement des contrats multiservices combinant des services de téléphonie fixe et des services d’accès fixe à Internet par le réseau fixe, en y ajoutant éventuellement des services de télécommunications mobiles ou des services de télévision.
B. Procédure administrative
5 Le 19 octobre 2018, la Commission européenne a reçu notification, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations ») (JO 2004, L 24, p. 1), d’un projet de concentration par lequel Vodafone annonçait son intention d’acquérir le contrôle exclusif des activités de télécommunications de Liberty Global en République tchèque, en Allemagne, en Hongrie et en Roumanie. L’opération consistait en un contrat d’achat et de vente par lequel Vodafone prévoyait d’acquérir 100 % des actions des sociétés qui exerçaient les activités de télécommunications de Liberty Global concernées (ci-après l’« opération » ou la « concentration »). En Allemagne, l’opération consistait en l’acquisition de 100 % des actions de Unitymedia.
6 Le 11 décembre 2018, après examen préliminaire de la notification et sur le fondement de la première phase d’enquête sur le marché, la Commission a émis des doutes sérieux quant à la compatibilité de l’opération avec le marché intérieur et a décidé d’ouvrir la procédure en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement no 139/2004.
7 Le 25 mars 2019, la Commission a adressé une communication des griefs à Vodafone.
8 Le 8 avril 2019, Vodafone a présenté sa réponse écrite à ladite communication des griefs.
9 Le 6 mai 2019, Vodafone a proposé des engagements en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 afin de remédier aux problèmes de concurrence identifiés par la Commission. Le 7 mai suivant, la Commission a lancé une consultation des acteurs du marché portant sur ces engagements.
10 Le 11 juin 2019, à la suite de certaines modifications, Vodafone a présenté une série définitive d’engagements.
11 Le 18 juillet 2019, la Commission a, en application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, adopté la décision attaquée.
C. Décision attaquée
12 Dans la décision attaquée, la Commission a, dans un premier temps, apprécié les effets de la concentration, notamment en Allemagne. Dans un second temps, la Commission a vérifié si les engagements proposés par la partie ayant notifié l’opération étaient de nature à rendre l’opération compatible avec le marché intérieur et l’accord sur l’Espace économique européen (EEE).
1. Appréciation des effets de la concentration sur la concurrence en Allemagne
13 En ce qui concerne l’Allemagne, la Commission a d’abord analysé les effets horizontaux de la concentration, à savoir les effets qui résultaient de la circonstance que les parties à ladite concentration étaient des concurrents existants ou potentiels sur le marché en cause. Ensuite, la Commission a examiné les effets verticaux de la concentration, à savoir les effets qui résultaient de la circonstance que les parties à ladite concentration opéraient à différents niveaux de la chaîne d’approvisionnement. Enfin, la Commission a apprécié les effets congloméraux de la concentration, à savoir les effets qui résultaient de la circonstance que les parties à ladite concentration entretenaient une relation qui n’était ni horizontale ni verticale, mais étaient actives sur des marchés étroitement liés entre eux et, notamment, fournissaient des produits ou services complémentaires.
a) Effets horizontaux
14 La Commission a notamment examiné les effets horizontaux non coordonnés sur les marchés suivants : le marché de la fourniture au détail de services d’accès fixe à Internet en Allemagne (ci-après le « marché de l’accès fixe à Internet »), le marché de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision, le marché de la fourniture au détail d’offres multiservices (multiple play), le marché de la fourniture au détail de services de télévision, le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision et le marché de gros de la transmission de signaux de télévision en Allemagne (ci-après le « marché de rachat de signaux de télévision »).
1) Effets horizontaux non coordonnés sur le marché de l’accès fixe à Internet
15 Il ressort de la décision attaquée que, sur le marché de l’accès fixe à Internet, des opérateurs de télécommunications (offreurs) fournissent des abonnements permettant aux clients finals (demandeurs) d’accéder à Internet au moyen d’une connexion de télécommunication fixe. En l’espèce, la Commission a considéré que, pour les besoins de sa décision, le marché pertinent était le marché global de la fourniture au détail de l’accès fixe à Internet (incluant tous les types de services, les modes de distribution ainsi que les vitesses et les bandes passantes) aux clients résidentiels et aux petites entreprises, à l’exclusion de la fourniture de services d’accès fixe à Internet au moyen d’infrastructures de réseau mobile. S’agissant de la dimension géographique du marché, la Commission a considéré que le marché était de dimension nationale.
16 Au terme de son analyse, la Commission a considéré que la concentration entraverait de manière significative l’exercice d’une concurrence effective sur le marché de l’accès fixe à Internet, en raison notamment de l’élimination de l’importante pression concurrentielle que les parties à la concentration exerçaient l’une sur l’autre avant l’opération, en particulier dans l’empreinte câblée de Unitymedia, et de la création d’un acteur avec une part de marché en termes d’abonnés de plus de 30 % (qui serait supérieure à 40 % sur l’empreinte câblée de Unitymedia, voire supérieure encore dans certains Länder et quartiers).
2) Effets horizontaux non coordonnés sur le marché de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision
17 Il ressort de la décision attaquée que, sur le marché de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision, les détenteurs d’infrastructures (offreurs) fournissaient des signaux de télévision à des clients (demandeurs), principalement au moyen du câble, du satellite, de la voie terrestre, selon la norme de radiodiffusion vidéo numérique – terrestre (Digital Video Broadcasting – Terrestrial, DVB-T) et de l’IPTV.
18 En ce qui concerne la délimitation du marché de produits, la Commission a observé que le marché allemand de la fourniture de services de transmission de signaux de télévision était caractérisé par l’importance de la location de logements et des sociétés de logements. Ces dernières négociaient et concluaient des contrats de fourniture de services de télévision de base pour le compte de leurs locataires, puis répercutaient les frais dans le cadre du loyer mensuel en application d’une spécificité du droit allemand dénommée « Nebenkostenprivileg » (privilège en matière de charges). La Commission a expliqué que la majorité des foyers qui recevaient la télévision au détail en Allemagne étaient situés dans des immeubles à logements multiples (multi dwelling units, MDU). Ces MDU appartenaient à des sociétés de logements ou à des propriétaires privés (ci-après les « clients MDU »). En ce qui concernait les logements individuels ou unifamiliaux (single-dwelling units, SDU), les consommateurs finals (ci-après les « clients SDU ») choisissaient généralement leur propre distributeur de télévision et payaient directement pour leur abonnement.
19 Pour les besoins de la décision attaquée, la Commission a, compte tenu des résultats de l’enquête de marché et des spécificités du marché MDU, estimé qu’il convenait de distinguer le marché de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision vers des clients habitant des immeubles à logements multiples en Allemagne (ci-après le « marché MDU ») et le marché de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision aux clients SDU (ci-après le « marché SDU »). Par ailleurs, elle a considéré que la délimitation géographique des marchés MDU et SDU pouvait être laissée en suspens.
20 Au terme de son analyse, la Commission a considéré que l’opération n’était susceptible d’entraver de manière significative une concurrence effective ni sur le marché MDU ni sur le marché SDU, en raison d’effets horizontaux non coordonnés.
3) Effets horizontaux non coordonnés sur les éventuels marchés de la fourniture au détail d’offres multiservices
21 La Commission a précisé que le terme « multiservice » se rapportait à des offres comprenant deux ou plusieurs des services fournis au détail par le même prestataire aux consommateurs sur le fondement de contrats uniques ou multiples, à savoir les services de télécommunications mobiles, les services de téléphonie fixe, les services d’accès fixe à Internet et les services de télévision. Des offres multiservices comprenant deux, trois ou quatre de ces services étaient dénommées respectivement double, triple ou quadruple services (double play ou « 2P » ; triple play ou « 3P » et quadruple play ou « 4P »). Des offres multiservices comprenant un ou plusieurs de ces services fixes en combinaison avec un composant mobile étaient désignées comme des offres « multiservices fixe-mobile » (fixed-mobile multiple play) ou « convergence fixe mobile » (CFM). La Commission a considéré que, aux fins de sa décision, la question de savoir s’il existait un ou plusieurs marchés multiservices distincts de chacun des marchés des services de télécommunications sous-jacents pris individuellement pouvait être laissée en suspens.
22 Au terme de son analyse, la Commission a considéré que l’opération entraverait de manière significative une concurrence effective sur le marché de la fourniture au détail d’offres groupées « double play » comprenant des services de téléphonie fixe et des services d’accès fixe à Internet en Allemagne (ci-après le « marché des offres groupées 2P ») en raison d’effets horizontaux non coordonnés. En revanche, la Commission a conclu que l’opération n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective, premièrement, sur un éventuel marché de la fourniture au détail d’offres groupées « triple service » (triple play) incluant des services de téléphonie fixe, des services d’accès fixe à Internet et des services de télécommunications mobiles en Allemagne, deuxièmement, sur un éventuel marché de la fourniture au détail d’offres groupées « triple service » (triple play) incluant des services de téléphonie fixe, des services d’accès fixe à Internet et des services de télévision en Allemagne et, troisièmement, sur un éventuel marché de la fourniture au détail d’offres groupées « quadruple service » (quadruple play) en Allemagne, en raison d’effets horizontaux non coordonnés. La Commission a souligné que cela ne préjugeait pas de l’appréciation des effets de conglomérat de la concentration en ce qui concernait la fourniture des différentes composantes des offres groupées.
4) Effets horizontaux non coordonnés sur le marché de la fourniture au détail de services de télévision
23 Il ressort de la décision attaquée que, sur le marché de la fourniture au détail de services de télévision, les offreurs étaient les fournisseurs de services de télévision linéaires, à savoir des flux linéaires de programmes dont l’horaire de diffusion était fixé par la chaîne de télévision, et non linéaires, à savoir des flux de programmes fournis à la demande de l’utilisateur final. Ces offreurs servaient les clients finals désireux d’avoir recours à de tels services (demandeurs). Les services de télévision fournis par les distributeurs de télévision aux utilisateurs finals consistaient en des bouquets de chaînes linéaires de télévision en clair ou de chaînes linéaires de télévision payantes ainsi qu’en des contenus agrégés dans des services non linéaires, tels que la vidéo à la demande (Video on demand, VOD). Le contenu télévisuel pouvait être fourni aux utilisateurs finals par un certain nombre de moyens techniques, dont le câble, le satellite, la télévision terrestre (DVB-T) et l’IPTV. Les offreurs de services de télévision par contournement ou « hors offre du fournisseur d’accès à Internet » (over the top, OTT) fournissaient des chaînes et des contenus de manière tant linéaire que non linéaire par l’intermédiaire d’Internet. En l’espèce, la Commission a considéré, pour les besoins de la décision attaquée, que le marché était de dimension nationale et que, d’un point de vue matériel, la délimitation exacte du marché pouvait rester en suspens.
24 Au terme de son analyse, la Commission a considéré que l’opération n’était pas susceptible d’entraver de manière significative une concurrence effective sur le marché de la fourniture au détail de services de télévision en Allemagne, en raison d’effets horizontaux non coordonnés.
5) Effets horizontaux non coordonnés sur le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision et sur le marché de rachat de signaux de télévision
25 Il ressort de la décision attaquée que, sur le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision, les télédiffuseurs (offreurs) fournissaient des chaînes linéaires (en clair ou payantes) que les fournisseurs au détail de services de télévision (demandeurs) acquéraient afin de fournir des services audiovisuels aux utilisateurs finals. Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que ce marché était limité à l’Allemagne et qu’il devait être segmenté entre les chaînes de télévision en clair et les chaînes de télévision payantes.
26 Sur le marché de rachat de signaux de télévision, les fournisseurs au détail de services de télévision (offreurs) utilisaient leur infrastructure pour offrir aux télédiffuseurs (demandeurs) un service de transmission de signaux de télévision pour leurs chaînes. Dans la décision attaquée, la Commission a considéré qu’il convenait de délimiter le marché pertinent comme étant le marché de gros de la transmission de signaux de télévision par câble dont l’étendue géographique était l’empreinte de chaque réseau câblé et a précisé qu’elle tiendrait compte d’un marché de produits qui englobait l’IPTV. Elle a ajouté qu’elle apprécierait les effets de l’opération au niveau national.
27 Dans la décision attaquée, la Commission a reconnu que le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision ainsi que le marché de rachat de signaux de télévision étaient étroitement liés dans la mesure où les négociations entre les télédiffuseurs et les plateformes de télévision (fournisseurs au détail de services de télévision) couvraient habituellement les deux aspects (transmission de signaux et acquisition de chaînes). Dès lors, la Commission a indiqué qu’elle analyserait les effets de la concentration sur ces deux marchés dans la même section de la décision attaquée.
28 Au terme de son analyse, la Commission a considéré que l’opération n’entraverait pas de manière significative la concurrence effective sur le marché de gros de la fourniture de chaînes de télévision en Allemagne.
29 Sur le marché de rachat de signaux de télévision, la Commission a examiné si, en raison de l’augmentation de son pouvoir de marché en tant que fournisseur au détail de services de télévision, l’entité issue de la concentration pourrait, premièrement, obtenir de la part des télédiffuseurs des conditions qui auraient finalement un impact négatif sur l’accès aux contenus de télévision par les fournisseurs au détail de services de télévision concurrents, deuxièmement, influencer négativement l’ampleur et la qualité du contenu de la programmation proposée en Allemagne, troisièmement, entraver l’apparition de services de télévision innovants et, quatrièmement, entraver l’émergence d’applications de publicité ciblée ou segmentée (adressable TV, ATV).
30 D’abord, la Commission a expliqué que, même si la transaction pouvait donner lieu à une augmentation du pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration sur le marché de rachat de signaux de télévision, il n’était pas possible de conclure que, en conséquence de cette augmentation de pouvoir de marché, ladite entité serait susceptible d’obtenir des conditions des télédiffuseurs et des titulaires de droits de télévision sous la forme de contrats d’exclusivité, qui auraient une incidence négative sur l’accès des fournisseurs au détail de services de télévision concurrents aux chaînes ou aux contenus.
31 Ensuite, la Commission a considéré que, en raison du pouvoir de marché accru de l’entité issue de la concentration, celle-ci aurait la capacité et l’incitation à mettre en place une stratégie sur le marché de rachat de signaux de télévision qui pourrait nuire aux consommateurs en aval en raison d’une moindre qualité de l’expérience du téléspectateur, d’un choix réduit et des investissements moindres dans les contenus par les télédiffuseurs. En particulier, en raison de l’accroissement du pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration, l’opération pourrait aboutir à une forme de verrouillage partiel des chaînes en clair ou payantes, notamment par l’aggravation des conditions contractuelles et financières imposées par cette entité aux télédiffuseurs et, par conséquent, à une dégradation qualitative de l’offre de télévision aux téléspectateurs finals en Allemagne.
32 Par ailleurs, la Commission a considéré que, en raison du pouvoir de marché accru de l’entité issue de la concentration, cette dernière aurait la capacité et l’incitation à mettre en place une stratégie sur le marché de rachat de signaux de télévision visant à entraver l’émergence et le développement de services de télévision innovants tels que la transmission de signaux de télévision hybrides à haut débit (Hybrid Broadcast Broadband TV, HBBTV) et l’offre de services de télévision OTT. Or, une telle entrave pourrait nuire aux consommateurs situés en aval en raison d’une moindre qualité de l’expérience du téléspectateur et d’un choix réduit.
33 Enfin, la Commission a estimé que l’opération n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective en ce qui concernait la possibilité pour l’entité issue de la concentration d’empêcher ou d’entraver l’émergence et le développement des applications ATV.
b) Effets verticaux
34 S’agissant des effets verticaux de la concentration, la Commission a notamment examiné la probabilité d’une éviction des fournisseurs au détail de services de transmission de signaux de télévision aux clients MDU.
35 Sur le marché intermédiaire de la transmission de signaux de télévision, les opérateurs du réseau de niveau 3 (offreurs), à savoir le réseau qui court depuis la tête de réseau câblée jusqu’à la limite de propriété, fournissent des signaux de télévision aux opérateurs du réseau de niveau 4 (demandeurs), à savoir le réseau qui parcourt la propriété immobilière. En l’espèce, la Commission a considéré, pour les besoins de sa décision, que le câble et la fibre jusqu’au foyer (fibre to the home, FTTH) ou jusqu’à l’immeuble (fibre to the building, FTTB) faisaient partie du même marché pertinent et que, d’un point de vue géographique, le marché était régional, à savoir limité à l’empreinte câblée de l’opérateur de niveau 3.
36 Au terme de son analyse, la Commission a conclu que l’opération n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective sur le marché MDU délimité au niveau national, ainsi que sur le marché potentiel régional correspondant à l’empreinte câblée de Unitymedia, en raison d’effets verticaux non coordonnés.
c) Effets congloméraux
37 Dans la mesure où, comme elle l’avait précédemment expliqué, il n’était pas possible de conclure à l’existence d’un seul marché des offres multiservices en Allemagne, la Commission a également examiné si la concentration engendrerait des effets de conglomérat en verrouillant des concurrents sur le marché de détail des services de télécommunications mobiles, sur le marché de détail des services de téléphonie fixe, sur le marché de l’accès fixe à Internet et sur le marché de détail des services de télévision.
38 Au terme de son analyse, la Commission a conclu que la concentration n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective en raison d’effets congloméraux en Allemagne.
d) Conclusion sur les effets de la concentration en Allemagne
39 Dans la décision attaquée, la Commission a dès lors constaté une entrave significative à une concurrence effective (ci-après « ESCE ») sur le marché de l’accès fixe à Internet et sur le marché de rachat de signaux de télévision.
2. Engagements rendus obligatoires dans la décision attaquée
40 Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les engagements souscrits par Vodafone étaient de nature à rendre l’opération compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE. Elle en a déduit que l’opération, telle que modifiée à la suite des engagements offerts par Vodafone, n’entraverait pas de manière significative la concurrence effective sur les marchés sur lesquels des problèmes de concurrence avaient été identifiés.
41 Les engagements souscrits par Vodafone étaient les suivants :
– l’engagement préalable de permettre à un nouveau câblo-opérateur, à savoir Telefónica, d’accéder au réseau câblé de l’entité issue de la concentration afin de lui permettre de proposer des services d’accès fixe à Internet au détail (et, s’il le souhaitait, des services de téléphonie vocale fixe) et ses propres services de télévision OTT ou ceux de tierces parties (l’engagement « Wholesale Cable Broadband Access », ci-après l’« engagement WCBA ») ;
– un engagement relatif à la télévision OTT, qui comportait deux aspects, à savoir, premièrement, l’engagement de ne pas limiter sur le plan contractuel, directement ou indirectement, la possibilité pour les télédiffuseurs, dont les contenus étaient diffusés sur la plateforme de télévision de l’entité issue de la concentration, de distribuer ces contenus par l’intermédiaire d’un service OTT et, deuxièmement, l’engagement de maintenir une capacité d’interconnexion directe suffisante entre son réseau Internet couvrant l’Allemagne et des fournisseurs tiers de services (de transit) d’interconnectivité Internet ;
– l’engagement de ne pas augmenter les redevances de rachat versées par les télédiffuseurs en clair ;
– l’engagement de continuer de diffuser le signal HBBTV des télédiffuseurs en clair.
42 C’est ainsi que l’article 1er de la décision attaquée a énoncé que l’opération était compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE en application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 et de l’article 57 de l’accord EEE. Par ailleurs, les articles 2 et 3 de cette même décision ont prévu respectivement des conditions et des obligations afin de garantir que Vodafone se conformât aux engagements que cette dernière avait souscrits à l’égard de la Commission.
II. Procédure et conclusions des parties
43 Par acte du 16 juin 2022, le Tribunal a ordonné à la Commission de produire certains documents.
44 Par ordonnance du 30 mars 2023, prise sur le fondement de l’article 103, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal a ordonné à la Commission de produire certains documents ainsi qu’une nouvelle version non confidentielle de la décision attaquée à communiquer à la requérante, contenant plusieurs passages jusqu’alors occultés.
45 Par acte déposé au greffe le 2 juin 2023, la requérante a fait part de ses observations sur les documents et la nouvelle version non confidentielle de la décision attaquée produits par la Commission conformément à l’ordonnance du 30 mars 2023.
46 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 22 septembre 2023.
47 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– condamner la Commission aux dépens.
48 La Commission et Vodafone concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours ;
– condamner la requérante aux dépens.
III. En droit
49 À l’appui de son recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, le premier, d’erreurs manifestes d’appréciation, de la violation de l’obligation de motivation et de l’obligation de diligence découlant du refus de constater une ESCE sur le marché MDU, le deuxième, d’erreurs manifestes d’appréciation, d’une violation de l’obligation de motivation ainsi que d’une violation de l’obligation de diligence découlant du refus de constater une ESCE sur le marché SDU, le troisième, d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation des articles 2 et 8 du règlement no 139/2004 dans la délimitation du marché et dans l’appréciation des effets en ce qui concerne la concurrence de la concentration sur le marché des offres multiservices, en particulier des offres CFM et, le quatrième, d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation des articles 2 et 8 du règlement no 139/2004, de l’obligation de motivation et de l’obligation de diligence dans l’appréciation de l’engagement WCBA.
A. Principes jurisprudentiels applicables
1. Sur l’intensité du contrôle juridictionnel
50 Il est de jurisprudence constante que les règles de fond du règlement no 139/2004 et, en particulier, l’article 2 de celui-ci confèrent à la Commission un certain pouvoir discrétionnaire, notamment pour ce qui est des appréciations d’ordre économique et que, en conséquence, le contrôle par le juge de l’exercice d’un tel pouvoir, qui est essentiel dans la définition des règles en matière de concentrations, doit être effectué compte tenu de la marge d’appréciation que sous-tendent les normes de caractère économique faisant partie du régime des concentrations (arrêts du 18 décembre 2007, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, C 202/06 P, EU:C:2007:814, point 53, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T 162/10, EU:T:2015:283, point 85).
51 Le contrôle exercé par le juge de l’Union sur les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission dans l’exercice du pouvoir d’appréciation que lui confère le règlement no 139/2004 doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêts du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments, C 376/20 P, EU:C:2023:561, point 84, et du 9 juillet 2007, Sun Chemical Group e.a./Commission, T 282/06, EU:T:2007:203, point 60).
52 En particulier, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (arrêts du 7 juin 2013, Spar Österreichische Warenhandels/Commission, T 405/08, non publié, EU:T:2013:306, point 51, et du 23 mai 2019, KPN/Commission, T 370/17, EU:T:2019:354, point 107).
53 Cela étant, s’il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de la Commission aux fins de l’application des règles de fond du règlement no 139/2004, cela n’implique pas que le juge de l’Union doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C 413/06 P, EU:C:2008:392, point 145, et du 23 mai 2019, KPN/Commission, T 370/17, EU:T:2019:354, point 60).
2. Sur les règles de preuve
54 Une analyse prospective, telle que celles qui sont nécessaires en matière de contrôle des concentrations, nécessite d’être effectuée avec une grande attention, dès lors qu’il ne s’agit pas d’examiner des événements du passé, au sujet desquels l’on dispose souvent de nombreux éléments permettant d’en comprendre les causes, ni même des événements présents, mais bien de prévoir les événements qui se produiront dans l’avenir, selon une probabilité plus ou moins forte, si aucune décision interdisant ou précisant les conditions de la concentration envisagée n’est adoptée (arrêt du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C 12/03 P, EU:C:2005:87, point 42).
55 Par ailleurs, la nature prospective de l’analyse économique que doit effectuer la Commission s’oppose à ce que celle-ci, afin de démontrer qu’une concentration entraverait ou, au contraire, n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective, soit tenue de respecter un niveau de preuve particulièrement élevé. Dans ces conditions, compte tenu, notamment, de la structure symétrique de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004 et du caractère prospectif des analyses économiques de la Commission en matière de contrôle des concentrations, il y a lieu de considérer que, afin de déclarer qu’une opération de concentration est incompatible ou compatible avec le marché intérieur, il suffit que la Commission démontre, au moyen d’éléments suffisamment significatifs et concordants, qu’il est plus probable qu’improbable que la concentration concernée entraverait ou non de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci (arrêt du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments, C 376/20 P, EU:C:2023:561, points 86 et 87).
56 En ce qui concerne les exigences de preuve, il ressort des points 50 à 53 de l’arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C 413/06 P, EU:C:2008:392), que la Commission est, en principe, tenue de prendre position soit dans le sens de l’autorisation de l’opération de concentration dont elle est saisie soit dans celui de l’interdiction de celle-ci, selon son appréciation de l’évolution économique attribuable à l’opération en cause dont la probabilité est la plus forte. Il s’agit donc d’une appréciation de probabilités et non d’une obligation pesant sur la Commission de démontrer sans doutes raisonnables qu’une concentration ne soulève pas de problèmes de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2013, Cisco Systems et Messagenet/Commission, T 79/12, EU:T:2013:635, point 47).
57 Dans ce contexte, il appartient à la Commission d’évaluer globalement le résultat du faisceau d’indices utilisé pour évaluer la situation de concurrence. Il se peut, à cet égard, que certains éléments soient privilégiés et que d’autres soient écartés. Cet examen et la motivation qu’il comporte font l’objet du contrôle de légalité exercé par le Tribunal sur les décisions de la Commission en matière de concentrations (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T 342/07, EU:T:2010:280, point 136).
58 Finalement, il y a lieu de relever qu’aucun principe de droit de l’Union ne s’oppose à ce que la Commission se fonde sur un seul élément de preuve documentaire, pourvu que la valeur probante de celui-ci ne fasse pas de doute [voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T 380/17, EU:T:2020:471, point 460 (non publié)].
59 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens soulevés au soutien du recours mentionnés au point 49 ci-dessus.
B. Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, de la violation de l’obligation de motivation et de l’obligation de diligence découlant du refus de constater une ESCE sur le marché MDU
60 À l’appui de son premier moyen, la requérante soutient que l’analyse effectuée par la Commission dans la décision attaquée concernant les effets horizontaux non coordonnés de la concentration sur le marché MDU est entachée d’erreurs manifestes d’appréciation et que la Commission a, dans ce cadre, enfreint son obligation de motivation et de diligence.
1. Considérations liminaires
61 À la section VIII.C.2.4 de la décision attaquée, la Commission a examiné les effets horizontaux non coordonnés de l’opération sur le marché MDU. Comme il a été indiqué au point 19 ci-dessus, la Commission a considéré que la délimitation géographique de ce marché pouvait être laissée en suspens.
62 Après avoir, aux considérants 683 à 701 de la décision attaquée, exposé certaines spécificités du marché MDU, la Commission a examiné, aux considérants 702 à 712 de la même décision, les parts de marché des parties à la concentration tant au niveau national qu’au niveau de leurs empreintes câblées respectives, ainsi que les niveaux de concentration du marché MDU, avant de conclure, aux considérants 718 à 720 de ladite décision, que, bien que ce marché fût très concentré et que chacune des parties détienne une très forte position dans son empreinte câblée respective, l’opération ne donnerait lieu à aucun changement spécifique (merger-specific change), puisque les parties n’étaient pas concurrentes sur ce marché, eu égard à l’absence de recoupement significatif entre leurs activités.
63 La Commission a ensuite examiné, aux considérants 721 à 764 de la décision attaquée, les contraintes concurrentielles exercées par les parties. Dans le cadre de cette analyse, la Commission a considéré que ni Vodafone (voir considérants 723 à 746) ni Unitymedia (voir considérants 747 à 764) n’exerçaient une contrainte concurrentielle dans l’empreinte câblée de l’autre partie, que rien n’indiquait que tel aurait été le cas en l’absence de l’opération et qu’elles n’étaient, dès lors, pas des concurrents potentiels.
64 Aux considérants 765 à 785 de la décision attaquée, la Commission a analysé les contraintes concurrentielles exercées par les parties l’une sur l’autre et a conclu que ces dernières n’étaient ni des concurrents réels directs (voir considérants 766 à 772) ni des concurrents réels indirects (voir considérants 773 à 785).
65 Finalement, aux considérants 786 à 831 de la décision attaquée, la Commission a examiné et comparé les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents, et plus particulièrement par la requérante ainsi que par d’autres acteurs de plus petite taille préalablement à l’opération (voir considérants 787 à 820) et à l’issue de celle-ci (voir considérants 821 à 831), avant de conclure qu’il était probable que ces contraintes demeurent inchangées.
66 Eu égard à l’absence de changement propre à la concentration et au fait que celle-ci n’éliminerait aucune concurrence directe, indirecte ou potentielle entre les parties et n’affaiblirait pas les contraintes concurrentielles exercées par leurs concurrents, la Commission a conclu que cette opération ne donnerait lieu à aucun effet horizontal anticoncurrentiel non coordonné et, partant, à aucune ESCE sur ce marché (voir considérants 832 à 835 de la décision attaquée).
67 En l’espèce, la requérante soutient que la Commission est à tort parvenue à la conclusion selon laquelle la concentration n’était pas de nature à entraver de manière significative l’exercice d’une concurrence effective sur le marché MDU.
68 L’argumentation de la requérante au soutien du présent moyen est divisée en trois branches, tirées, la première, d’erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission, en ce que cette dernière a considéré que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents directs, la deuxième, d’erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission, en ce que cette dernière a considéré que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents potentiels et, la troisième, d’erreurs manifestes dans l’appréciation des répercussions de la concentration sur les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents.
69 Dans la réplique, la requérante ajoute que la Commission a opté pour un programme d’examen incorrect à la lumière de l’arrêt du 28 mai 2020, CK Telecoms UK Investments/Commission (T 399/16, EU:T:2020:217).
70 À cet égard, le Tribunal estime opportun de commencer par l’examen de ce dernier aspect, avant d’examiner les trois branches invoquées dans la requête.
2. Sur le programme d’examen incorrect de la Commission à la lumière de l’arrêt du 28 mai 2020, CK Telecoms UK Investments/Commission (T 399/16)
71 Dans la réplique, la requérante fait valoir que la Commission a opté pour le mauvais programme d’examen, ainsi que cela ressort de l’arrêt du 28 mai 2020, CK Telecoms UK Investments/Commission (T 399/16, EU:T:2020:217).
72 À titre préliminaire, la requérante soutient que pareille allégation constitue une ampliation de son argument, invoqué dans la requête, selon lequel la Commission aurait omis d’examiner la question de l’apparition ou du renforcement d’une position dominante sur le marché MDU national. À supposer que cette allégation soit qualifiée de moyen nouveau au sens de l’article 84 du règlement de procédure, la requérante soutient que celui-ci est en tout état de cause recevable, étant donné qu’il est fondé sur des considérations juridiques apparues pour la première fois dans l’arrêt du 28 mai 2020, CK Telecoms UK Investments/Commission (T 399/16, EU:T:2020:217), prononcé après l’introduction de son recours.
73 Quant au fond, la requérante fait valoir que, dans l’arrêt du 28 mai 2020, CK Telecoms UK Investments/Commission (T 399/16, EU:T:2020:217), le Tribunal a, pour la première fois, eu l’occasion de s’exprimer sur le rapport existant entre le critère de l’ESCE et celui d’une « création ou [d’un] renforcement d’une position dominante » (ci-après le « critère de la position dominante »), tous deux mentionnés à l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004. La requérante estime que, dans cet arrêt, le Tribunal s’est prononcé en faveur d’une application illimitée du critère de la position dominante en dehors de situations oligopolistiques. Le critère de l’ESCE servirait, quant à lui, à appréhender des situations spécifiques sur des marchés oligopolistiques pour lesquels le critère de la position dominante ne s’appliquerait pas alors qu’il existerait, malgré tout, un besoin d’interdiction.
74 En l’espèce, puisque la Commission a considéré qu’il était possible de définir le marché MDU comme étant national, elle aurait dû appliquer le critère de la position dominante, d’autant plus qu’elle n’a pas constaté que ce marché, délimité au niveau national, était de nature oligopolistique. Or, le critère de l’ESCE, appliqué par la Commission dans la décision attaquée, pourrait uniquement être utilisé dans le cadre de marchés oligopolistiques. La requérante en conclut que, en appliquant le critère de l’ESCE, et non le critère de la position dominante, dans le cadre de son examen du marché MDU, la Commission a procédé à des vérifications erronées et a omis de se livrer à des investigations et des réflexions déterminantes, ce qui suffit pour annuler la décision attaquée.
75 En réponse à une question écrite posée dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, la requérante a confirmé ce raisonnement, formulé dans la réplique.
76 À cet égard, il y a lieu de souligner que, en application de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. De plus, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable. Par ailleurs, les arguments dont la substance présente un lien étroit avec un moyen énoncé dans la requête introductive d’instance ne peuvent être considérés comme des moyens nouveaux et leur présentation est admise au stade de la réplique ou de l’audience (arrêt du 28 février 2018, Vakakis kai Synergates/Commission, T 292/15, EU:T:2018:103, point 50).
77 En l’espèce, la requérante soutient que le moyen soulevé dans la réplique, tiré du caractère prétendument incorrect du programme d’examen appliqué par la Commission dans la décision attaquée à la lumière de l’arrêt du 28 mai 2020, CK Telecoms UK Investments/Commission (T 399/16, EU:T:2020:217), constitue une ampliation de son argument, invoqué dans la requête, selon lequel la Commission aurait omis d’examiner la question de l’apparition ou du renforcement d’une position dominante sur le marché MDU national.
78 À cet égard, il convient de constater que la partie de la requête à laquelle se réfère la requérante en vue de démontrer que le moyen qu’elle soulève dans la réplique constituerait une ampliation d’un argument déjà invoqué contient un grief tiré d’une appréciation manifestement erronée découlant d’une marginalisation de la concurrence directe existante, lui-même formulé au soutien de la première branche du premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation de l’obligation de motivation et de l’obligation de diligence découlant du refus de constater une ESCE sur le marché MDU.
79 Dans ce cadre, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en qualifiant la concurrence directe constatée de « négligeable », rappelle les parts de marché et niveaux d’IHH (indice de Herfindahl-Hirschman) élevés relevés dans la décision attaquée, se réfère ensuite à la jurisprudence selon laquelle des parts de marchés extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante et conclut que, « dans ce contexte, la Commission aurait dû constater qu’il suffi[sai]t de considérer les parts de marché pour avoir la preuve que l’opération projetée entraverait de manière significative l’exercice d’une concurrence effective en renforçant la position dominante des parties à la concentration ».
80 Dans la requête, la requérante fait dès lors valoir qu’il existe une automaticité entre le constat d’un renforcement de position dominante et celui d’une ESCE, puisqu’elle reproche à la Commission de ne pas avoir conclu à l’existence d’une ESCE malgré les parts de marché élevées des parties à la concentration, renforcées par celle-ci, et ce dans le cadre d’un moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission, en ce que cette dernière n’aurait pas constaté une ESCE sur le marché MDU.
81 Or, dans le moyen soulevé dans la réplique, tiré du caractère prétendument incorrect du programme d’examen appliqué par la Commission dans la décision attaquée à la lumière de l’arrêt du 28 mai 2020, CK Telecoms UK Investments/Commission (T 399/16, EU:T:2020:217), la requérante présente une argumentation complètement différente.
82 En effet, dans la réplique, la requérante n’invoque plus une automaticité entre le constat d’un renforcement de position dominante et celui d’une ESCE et ne reproche plus à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en refusant de constater une ESCE. Au contraire, elle prétend désormais que le critère de la position dominante et celui de l’ESCE ont trait à des situations différentes, puisque le premier s’applique aux cas où le marché examiné n’est pas oligopolistique, alors que le second ne peut être appliqué que dans les cas où le marché examiné est oligopolistique. C’est pourquoi, dans la réplique, la requérante reproche désormais à la Commission d’avoir appliqué le critère de l’ESCE et non celui de la position dominante, alors qu’elle n’avait pas constaté que le marché MDU, délimité au niveau national, était oligopolistique.
83 Il y a également lieu d’ajouter que, dans la réplique, la requérante semble non plus invoquer une erreur manifeste d’appréciation, mais plutôt une erreur de droit, tirée d’une interprétation erronée de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004, puisqu’elle y soutient que cette disposition doit, à la lumière des considérants 25 et 26 de ce règlement, être interprétée comme obligeant la Commission à appliquer le critère de la position dominante dans les cas où le marché examiné n’est pas oligopolistique.
84 Il découle de ce qui précède que le moyen de la requérante tiré de l’application par la Commission d’un programme d’examen incorrect à la lumière de l’arrêt du 28 mai 2020, CK Telecoms UK Investments/Commission (T 399/16, EU:T:2020:217), formulé pour la première fois au stade de la réplique, ne constitue pas l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et ne présente pas un lien étroit avec celle-ci et qu’il doit, dès lors, être qualifié de moyen nouveau.
85 Il convient, par conséquent, d’examiner si la requérante était, en l’espèce, en droit de soulever un moyen nouveau au stade de la réplique et, partant, de vérifier si celui-ci était fondé sur des considérations juridiques apparues pour la première fois après le dépôt de la requête introductive de la présente instance, comme le fait valoir la requérante.
86 À cet égard, il a été jugé qu’une jurisprudence du juge de l’Union qui n’a fait que confirmer une situation de droit que la partie requérante connaissait, en principe, au moment où elle a introduit son recours ne saurait être considérée comme un élément nouveau permettant la production d’un moyen nouveau. Toutefois, il en va différemment lorsqu’il s’agit d’une jurisprudence qui fournit de nouvelles précisions (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2019, Klymenko/Conseil, T 274/18, EU:T:2019:509, point 66 et jurisprudence citée).
87 En l’espèce, bien qu’elle se réfère expressément à l’arrêt du 28 mai 2020, CK Telecoms UK Investments/Commission (T 399/16, EU:T:2020:217), la requérante s’appuie, au soutien de son moyen nouveau, sur l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004, qu’elle interprète à la lumière des considérants 25 et 26 de ce règlement.
88 Or, ces dispositions ne se sont pas révélées au cours de la procédure, puisqu’elles étaient déjà en vigueur au moment de l’introduction du présent recours, avec pour conséquence que la requérante les connaissait et qu’elle aurait très bien pu déjà formuler, dans la requête, un moyen similaire au moyen nouveau avancé au stade de la réplique, tiré d’une erreur de droit commise par la Commission, en ce que cette dernière aurait interprété d’une manière erronée l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004, lu à la lumière des considérants 25 et 26 de ce règlement, ou à tout le moins un moyen présentant un lien étroit avec celui-ci.
89 Il s’ensuit que le moyen nouveau invoqué par la requérante au stade de la réplique n’est pas fondé sur des éléments de droit qui se sont révélés pendant la procédure, avec pour conséquence qu’il doit être déclaré irrecevable.
3. Sur la première branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission, en ce que cette dernière a considéré que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents directs
90 La requérante fait valoir que les parties à la concentration étaient des concurrents directs avant l’opération et qu’elles exerçaient une pression concurrentielle l’une sur l’autre.
91 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents directs, après avoir constaté que celles-ci étaient quasiment exclusivement actives dans leurs empreintes câblées respectives, ne se chevauchant pas, avec pour conséquence que les clients sur le marché MDU ne pouvaient passer (switch) d’une partie à la concentration à l’autre (voir considérant 766).
92 Quant aux quelques contrats conclus par les parties à la concentration en dehors de leurs empreintes câblées, la Commission a indiqué que les parties avaient expliqué qu’ils n’étaient pas le résultat d’une concurrence active de leur part, mais qu’ils avaient été exceptionnellement conclus, soit qu’il s’agissait de contrats spécifiques hérités du passé, soit qu’il s’agissait de contrats avec des sociétés de logements actives au niveau national, déjà clientes de l’une des parties et désireuses de collaborer avec celle-ci pour l’ensemble de leurs propriétés (voir considérant 768 de la décision attaquée).
93 La Commission a ajouté que cette absence de concurrence directe entre les parties avait été confirmée par les réponses apportées par les concurrents et les sociétés de logements dans le cadre de l’enquête de marché, de même que par les données des parties relatives à leur participation aux appels d’offres sur le marché MDU (voir considérants 769 à 771 de la décision attaquée).
94 En l’espèce, en premier lieu, la requérante fait valoir que si le marché MDU devait être considéré comme étant de dimension nationale avant l’opération, les deux parties, puisque toutes deux actives sur celui-ci, étaient nécessairement des concurrents réels, et ce sans que fût pertinent le fait que leurs réseaux ne se chevauchaient pas. La Commission aurait par ailleurs manqué à son obligation de motivation, en n’examinant pas les effets de la concentration sur le marché MDU, délimité au niveau national.
95 En second lieu, indépendamment de la délimitation géographique du marché MDU, premièrement, la requérante prétend que la Commission ne pouvait nier l’existence d’une relation de concurrence directe entre les parties à la concentration, alors qu’elle avait elle-même constaté une telle concurrence, ce qui ressort de plusieurs passages de la décision attaquée. La requérante aurait elle-même informé la Commission au cours de la procédure administrative d’un cas où Vodafone aurait raccordé, dans l’empreinte câblée de Unitymedia, grâce à un contrat conclu sur le marché en amont des services intermédiaires avec elle, plusieurs immeubles d’un de ses clients MDU actifs à l’échelle nationale.
96 Deuxièmement, la requérante ajoute que la Commission n’a pas suffisamment exploité toutes les possibilités d’information qui s’offraient à elle. Ainsi, la Commission n’aurait pas tenu compte de plusieurs documents émanant de deux sociétés de logements, desquels il ressortirait que Unitymedia avait l’intention de desservir d’importants pôles immobiliers à Dresde, à Berlin et à Hambourg (Allemagne), soit dans l’empreinte de Vodafone.
97 Troisièmement, la Commission aurait erronément qualifié la concurrence directe entre les parties à la concentration de « négligeable ». Après avoir rappelé les parts de marché des parties à la concentration et les niveaux d’IHH élevés relevés dans la décision attaquée, la requérante se réfère ensuite à la jurisprudence selon laquelle des parts de marchés extrêmement importantes constituent par elles-mêmes, et sauf circonstances exceptionnelles, la preuve de l’existence d’une position dominante et conclut que la Commission aurait dû constater l’existence d’une ESCE, eu égard à ces parts de marché élevées que renforcerait la concentration. En outre, la Commission aurait marginalisé à tort la concurrence directe existant entre les parties à la concentration, en raison du fait qu’il ne s’agissait pas d’une concurrence « active ». Or, aux fins du contrôle des concentrations, une différenciation entre la concurrence « active » et la concurrence « passive » ne serait pas pertinente.
98 À cet égard, il convient de préciser qu’une concurrence directe entre des entreprises existe lorsqu’elles se disputent les mêmes clients.
99 En l’espèce, il n’est pas contesté que les réseaux câblés des parties à la concentration ne se chevauchent pas et que, dans les faits, lorsqu’un client MDU souhaite conclure un contrat avec un fournisseur de signaux de télévision, il n’a, en principe, que la possibilité de choisir entre la partie à la concentration dans l’empreinte câblée de laquelle se situe l’immeuble à raccorder et l’un de ses concurrents, tels que la requérante. Que le marché MDU ait été, préalablement à l’opération, d’ampleur nationale ou qu’il ait été limité aux empreintes câblées des parties à la concentration n’y change rien, puisque, dans les deux cas, ce constat s’applique.
100 Il en découle que les produits commercialisés par les parties à la concentration n’étaient, en pratique, pas en concurrence et, partant, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a conclu que ces parties n’étaient pas des concurrents directs préalablement à la concentration.
101 Les arguments avancés par la requérante ne permettent pas de démontrer le contraire.
102 En premier lieu, il convient de relever que, comme la Commission l’a confirmé devant le Tribunal, il existait des indices sérieux indiquant que le marché MDU était, préalablement à l’opération, limité d’un point de vue géographique à l’empreinte câblée de chacune des parties, mais que, en raison de l’existence de fournisseurs et de clients actifs à l’échelle nationale et du fait que les éventuelles différences de prix au sein du pays n’étaient pas liées à ces empreintes, elle n’avait pu exclure complètement la possibilité d’un marché MDU d’ampleur nationale.
103 Ainsi, la circonstance que la Commission ait envisagé que le marché puisse être de dimension nationale ne signifie pas qu’elle ait considéré que, sur un tel marché hypothétique, les parties à la concentration se livraient une concurrence directe. C’est seulement dans un second temps, dans le cadre de son examen des effets de l’opération sur le marché MDU, que la Commission a apprécié si, sur un éventuel marché national, l’opération aboutirait, compte tenu de l’activité des parties, à une perte de concurrence directe entre elles. La circonstance que, dans la décision attaquée, la Commission ait envisagé que le marché MDU pouvait déjà être de dimension nationale avant l’opération ne permet donc pas d’en déduire que les parties à la concentration étaient nécessairement des concurrents réels sur un tel marché, comme le fait valoir la requérante. Enfin, il n’est pas exclu que deux entreprises opèrent avec d’autres entreprises sur un même marché géographique, sans que ces deux entreprises sollicitent pour autant les mêmes clients, notamment en raison des limites géographiques de leurs réseaux câblés.
104 S’agissant du prétendu défaut de motivation allégué par la requérante, en ce que la Commission aurait omis d’examiner les effets de la concentration sur le marché MDU, délimité au niveau national, il convient de relever que, à la section VIII.2.4.2.3 de la décision attaquée, soit aux considérants 721 à 785 de celle-ci, la Commission a examiné, de manière détaillée, si l’opération aurait pour effet d’éliminer une contrainte concurrentielle réelle ou potentielle entre les parties à la concentration. Or, les constatations qui y sont faites s’appliquaient, que le marché MDU fût d’ampleur nationale ou qu’il fût limité aux empreintes câblées respectives de Vodafone et de Unitymedia.
105 En second lieu, s’agissant des griefs invoqués par la requérante indépendamment de la délimitation géographique du marché MDU, il y a lieu de préciser que, s’il n’existait aucun chevauchement entre les réseaux câblés des parties à la concentration, ce que la requérante ne remet pas en doute, il est vrai que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté qu’il existait néanmoins certains chevauchements entre leurs activités, ces opérateurs achetant, dans ce cas, des services intermédiaires de transmission de signaux de télévision auprès de l’autre partie ou d’un autre opérateur de réseau de niveau 3 pour pouvoir atteindre les clients MDU concernés.
106 Or, il convient de relever que si elle conteste leur caractère négligeable, la requérante ne remet pas en question les chiffres en tant que tels divulgués par la Commission au cours de la procédure devant le Tribunal relatifs aux contrats conclus par les parties à la concentration en dehors de leurs empreintes câblées et au nombre de clients concernés. À cet égard, force est de constater que ces chiffres montrent que ces contrats représentaient un nombre très limité de clients MDU en termes de foyers raccordés et une part de marché, puisqu’inférieure à 1 %, si négligeable qu’elle ne pourrait représenter une concurrence résiduelle devant être protégée. De tels contrats en dehors de leurs empreintes câblées n’étaient, en outre, conclus qu’exceptionnellement par les parties à la concentration, ce que la requérante ne conteste pas.
107 Par ailleurs, eu égard au caractère négligeable de la part de marché résultant des contrats conclus en dehors de leur empreinte câblée par les parties à la concentration, il était peu probable que cette opération donnât lieu à un renforcement de position dominante, de sorte que l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû constater l’existence d’une ESCE, eu égard aux parts de marché élevées des parties à la concentration qu’aurait encore renforcées celle-ci, ne saurait être accueilli.
108 En tout état de cause, il convient de rappeler que, conformément à l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004, seules les concentrations qui entraveraient de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées incompatibles avec le marché intérieur. Il découle du libellé de ces dispositions que le critère essentiel pour examiner la compatibilité d’une concentration avec le marché intérieur réside dans la création d’une ESCE dans celui-ci. L’utilisation de l’adverbe « notamment » indique que la création ou le renforcement d’une position dominante constitue l’un des scénarios dans lesquels une telle entrave peut être constatée. Par conséquent, une concentration créant ou renforçant une position dominante ne donne pas automatiquement lieu à une ESCE et il n’existe aucune automaticité entre le critère de la position dominante et celui de l’ESCE, contrairement aux allégations de la requérante.
109 S’agissant, ensuite, de l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait omis de tenir compte de plusieurs documents démontrant que Unitymedia avait l’intention de raccorder des clients MDU situés dans l’empreinte câblée de Vodafone, force est de constater que pareille assertion a trait à l’existence d’une concurrence potentielle, plutôt qu’à une prétendue concurrence directe existante, ce qui la rend inopérante dans le cadre de la première branche du présent moyen.
110 En ce qui concerne, finalement, l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait marginalisé à tort la concurrence directe existant entre les parties à la concentration, en raison du fait qu’il ne se serait pas agi d’une concurrence « active », il y a lieu de considérer que le constat effectué par la Commission au considérant 768 de la décision attaquée, selon lequel les parties ne se faisaient pas une « concurrence active », avait pour seul objectif d’expliquer que c’était uniquement en réponse à des demandes non sollicitées émanant de clients MDU que les parties avaient conclu, à de très rares occasions, des contrats portant sur la fourniture du signal de télévision sur l’empreinte de l’autre partie. Pour répondre à de telles demandes, les parties devaient alors acquérir des services intermédiaires de transmission de signaux de télévision auprès d’un autre opérateur. La Commission n’a, ce faisant, nullement considéré que, en matière de contrôle des concentrations, l’élimination d’une concurrence « active » était nécessaire pour établir l’existence d’une ESCE.
111 Il découle de l’ensemble de ce qui précède que la requérante ne démontre pas que la Commission a, de manière manifestement erronée ou en violation de son obligation de motivation ou de son obligation de diligence, considéré dans la décision attaquée que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents directs préalablement à celle-ci. La première branche du présent moyen doit, partant, être écartée.
4. Sur la deuxième branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission, en ce que cette dernière a considéré que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents potentiels
112 La requérante estime que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation en considérant que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents potentiels sur le marché MDU et qu’elles n’exerçaient donc pas de pressions concurrentielles l’une sur l’autre.
113 À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a, tout d’abord, examiné si Vodafone était un concurrent potentiel de Unitymedia. Dans ce cadre, la Commission a rappelé que Vodafone était principalement active dans sa propre empreinte câblée et a relevé que cet opérateur avait indiqué n’avoir aucun projet d’expansion de son réseau câblé, notamment dans l’empreinte de Unitymedia, en raison du manque de rentabilité de l’investissement sous-jacent (voir considérant 726).
114 Étant donné que quasiment tous les opérateurs concurrents ont répondu, dans le cadre de l’enquête de marché, qu’ils s’attendaient à ce que Vodafone étendît son réseau câblé dans l’empreinte de Unitymedia, la Commission a ensuite mené des investigations concernant l’évolution probable de la pression concurrentielle exercée par Vodafone si l’opération n’avait pas lieu. À cet égard, la Commission a indiqué que la capacité théorique que Vodafone s’étendît dans l’empreinte câblée de Unitymedia n’était pas suffisante, considérant que pour démontrer qu’il existait une concurrence potentielle entre les parties à la concentration dont l’élimination aurait donné lieu à une ESCE, il fallait que celle-ci se produisît avec une probabilité suffisante (voir considérant 730 de la décision attaquée).
115 Aux considérants 731 à 746 de la décision attaquée, la Commission a expliqué qu’elle n’avait pas découvert un ensemble cohérent de preuves suggérant qu’une extension de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia aurait été probable ou raisonnablement prévisible en l’absence de l’opération, mais qu’elle avait plutôt identifié une série d’éléments démontrant le contraire.
116 En effet, premièrement, la Commission a relevé que Vodafone n’avait jamais dupliqué le réseau câblé de Unitymedia par le passé et a constaté que cet opérateur n’avait que très peu développé son réseau câblé, même dans sa propre empreinte et aux environs de celle-ci, alors qu’un tel développement était plus rentable qu’une duplication de réseau câblé. Deuxièmement, l’analyse des documents internes de Vodafone effectuée par la Commission a confirmé que cet opérateur ne prévoyait pas de projets de duplication du réseau câblé de Unitymedia, étant donné que semblables projets n’auraient pas satisfait à ses critères d’investissement. La Commission a tenu compte de projections effectuées par Vodafone, prenant en considération les infrastructures dont disposait déjà cet opérateur, lesquelles avaient confirmé cette absence de rentabilité. Troisièmement, la Commission a indiqué qu’elle n’avait trouvé aucun élément qui aurait montré que la duplication du réseau câblé d’un autre opérateur serait devenue plus rentable à l’avenir.
117 Par ailleurs, la Commission a estimé que les travaux de duplication entrepris par d’autres opérateurs tels que Tele Columbus, des opérateurs locaux ou encore la requérante répondaient à des considérations commerciales spécifiques et différentes de celles visant à développer un réseau parallèle à celui d’un opérateur concurrent. S’agissant de Tele Columbus, la Commission a observé que cet opérateur n’avait consenti aucun investissement significatif pour l’expansion de son réseau de niveau 3 (voir considérant 744 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a précisé qu’elle ne disposait d’aucun indice selon lequel il aurait été probable que Vodafone eût l’intention de pénétrer dans l’empreinte de Unitymedia par des moyens techniques ou commerciaux qui auraient différé de l’extension de son propre réseau câblé (voir considérant 742 de la décision attaquée).
118 Ensuite, la Commission a examiné si Unitymedia était un concurrent potentiel de Vodafone. Dans ce cadre, la Commission a rappelé que Unitymedia était principalement active dans sa propre empreinte câblée et a relevé que cet opérateur avait indiqué n’avoir aucun projet d’expansion de son réseau câblé, notamment dans l’empreinte de Vodafone, en raison du manque de rentabilité de l’investissement sous-jacent (voir considérant 726 de la décision attaquée).
119 Étant donné que quasiment tous les opérateurs concurrents ont indiqué, en réponse à l’enquête de marché, qu’ils s’attendaient à ce que Unitymedia étendît son réseau dans l’empreinte câblée de Vodafone, tout en reconnaissant néanmoins que Unitymedia avait une incitation moindre à agir de la sorte que ne l’avait Vodafone, la Commission a mené des investigations concernant l’évolution probable de la pression concurrentielle exercée par Unitymedia en l’absence de l’opération.
120 Aux considérants 755 à 764 de la décision attaquée, la Commission a expliqué qu’elle n’avait pas découvert un ensemble cohérent de preuves suggérant qu’une extension de Unitymedia dans l’empreinte câblée de Vodafone aurait été probable ou raisonnablement prévisible en l’absence de l’opération, mais qu’elle avait plutôt identifié une série d’éléments démontrant le contraire.
121 En effet, premièrement, la Commission a relevé que Unitymedia n’avait jamais dupliqué le réseau câblé de Vodafone par le passé et a constaté que cet opérateur n’avait que très peu développé son réseau câblé, même dans sa propre empreinte et aux environs de celle-ci, alors qu’un tel développement était plus rentable qu’une duplication de réseau câblé. Deuxièmement, l’analyse des documents internes de Unitymedia effectuée par la Commission a confirmé que cet opérateur ne prévoyait pas de projets de duplication du réseau câblé de Vodafone, étant donné que semblables projets n’auraient pas satisfait à ses critères d’investissement. La Commission a tenu compte d’une projection effectuée par Unitymedia confirmant cette absence de rentabilité. Finalement, la Commission a indiqué que les autres facteurs pris en compte lors de l’examen de l’existence d’une concurrence potentielle exercée par Vodafone étaient également applicables dans le cas de Unitymedia.
122 Au soutien de la deuxième branche, la requérante s’appuie sur plusieurs éléments qui démontrent, selon elle, qu’il existait une concurrence potentielle entre les parties à la concentration préalablement à celle-ci et fait valoir que, en concluant que tel n’était pas le cas, la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation.
123 En premier lieu, la requérante soutient qu’il ressort de la décision attaquée que six sociétés de logements étaient actives sur l’ensemble du territoire allemand et qu’une multitude de sociétés de logements détenaient des immeubles dans l’empreinte des deux parties à la concentration. Selon la requérante, s’agissant de telles entreprises, il est possible de supposer qu’il existe une demande pour une offre uniforme. Il ressortirait également de la décision attaquée que le secteur du logement en Allemagne était l’objet, depuis plusieurs années, d’une forte consolidation, avec pour conséquence qu’il aurait été prévisible que la tendance de ces sociétés de logements à vouloir n’être desservies que par un seul fournisseur s’accentuât dans les années à venir.
124 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que presque tous les concurrents ayant participé à l’enquête de marché avaient répondu que Vodafone aurait pu desservir des clients MDU dans l’empreinte câblée de Unitymedia. La requérante ajoute que la Commission, en indiquant que les opinions des autres acteurs du marché constituaient un élément de preuve, mais pas le seul, avait dénié toute force probante à de telles consultations. La Commission aurait, par ailleurs, dû vérifier de façon critique les allégations des parties à la concentration, à la lumière des résultats de l’enquête de marché.
125 En troisième lieu, la requérante relève qu’il ressort de la décision attaquée que Vodafone détenait déjà une infrastructure dorsale dans l’empreinte câblée de Unitymedia et qu’elle aurait dû en outre mettre en place une infrastructure de fibre optique sur ce territoire, notamment en vue de se conformer aux obligations de couverture de la licence 5G.
126 En quatrième lieu, selon la requérante, le fait que Vodafone n’ait, par le passé, pas dupliqué le réseau câblé de Unitymedia n’est pas la preuve de l’absence de concurrence potentielle, mais révèle plutôt qu’une telle concurrence était prévisible.
127 En cinquième lieu, la requérante prétend que la Commission s’est fondée sur certains éléments pour établir l’absence de rentabilité d’une duplication du réseau câblé, qui s’appliquaient en réalité pour une extension tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’empreinte de l’opérateur concerné.
128 En sixième lieu, la requérante conteste que les critères d’investissement de Vodafone puissent avoir montré que cet opérateur n’aurait pas eu intérêt à s’étendre dans l’empreinte câblée de Unitymedia, à la lumière notamment du fait que la Commission a elle-même considéré que Deutsche Telekom pouvait, quant à elle, le faire. De plus, de tels critères d’investissement auraient été susceptibles d’être modifiés. Il en découle que la Commission ne pouvait s’appuyer de manière prépondérante, et sans vérification suffisante, sur ces critères d’investissement.
129 En septième lieu, la requérante fait valoir que Vodafone était présente dans l’empreinte câblée de Unitymedia, par le biais d’un réseau en fibre optique déployé par Deutsche Glasfaser, lui permettant de fournir la fibre optique à 5 000 entreprises dans la zone de Düsseldorf. Pareil réseau aurait pu, selon la requérante, être élargi pour desservir des zones résidentielles. Le 6 décembre 2019, Vodafone et Deutsche Glasfaser auraient d’ailleurs annoncé que leur coopération s’étendait en vue de déployer la fibre à destination des particuliers, notamment dans l’empreinte câblée de Unitymedia.
130 Dans ses observations du 2 juin 2023, la requérante a produit le plan d’investissement « Gigabit » de Vodafone, présenté aux actionnaires de cette dernière le 11 septembre 2017, duquel il ressortirait que, en coopération avec Deutsche Glasfaser ou des partenaires municipaux, Vodafone entendait étendre son réseau en fibre optique sur l’ensemble du territoire allemand et, à cette fin, investir environ deux milliards d’euros sur quatre ans.
131 En huitième lieu, la requérante prétend qu’il n’était pas nécessaire de déployer son propre réseau câblé de niveau 3 pour desservir des clients MDU, mais qu’il suffisait d’acquérir des services intermédiaires auprès d’un opérateur de réseau de niveau 3, ce qui aurait déjà eu lieu par le passé. En indiquant qu’il était théoriquement possible de fournir des services à des clients MDU sans posséder de réseau de niveau 3 et en se référant à cet égard à la part de marché négligeable des parties à la concentration qui en résultait, la Commission n’aurait fait que confirmer l’existence d’une concurrence potentielle, qu’il n’était pas encore possible de qualifier de concurrence directe.
132 En neuvième lieu, la requérante considère que la décision attaquée est contraire à la pratique décisionnelle de la Commission qu’elle qualifie de bien établie, à une décision du Bundeskartellamt (Office fédéral des ententes, Allemagne) et à un jugement de l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne).
133 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.
134 S’agissant, en premier lieu, de l’allégation de la requérante selon laquelle il serait prévisible que la tendance des sociétés de logements à vouloir n’être desservies que par un seul fournisseur s’accentuât, eu égard à la forte consolidation que connaîtrait le secteur du logement en Allemagne depuis plusieurs années, force est de constater que l’existence d’une volonté n’est pas suffisante pour apprécier s’il existe un rapport de concurrence potentiel entre deux entreprises.
135 En effet, l’appréciation de l’existence d’une concurrence potentielle vise à savoir si, compte tenu de la structure du marché et du contexte économique et juridique régissant son fonctionnement, il existe des possibilités réelles et concrètes que les entreprises concernées se fassent concurrence entre elles, ou qu’un nouveau concurrent puisse entrer sur le marché en cause et concurrencer les entreprises établies (voir arrêt du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T 177/04, EU:T:2006:187, point 116 et jurisprudence citée). Il en découle qu’une telle appréciation, fondée sur les conditions d’entrée sur le marché d’un nouvel offreur potentiel, dépend principalement d’un examen du côté de l’offre, et non du côté de la demande, de sorte que ce premier grief ne saurait prospérer.
136 En tout état de cause, la requérante indique elle-même que le secteur du logement en Allemagne est l’objet d’une forte consolidation depuis plusieurs années. Or, cette consolidation en cours depuis plusieurs années déjà n’a toutefois pas engendré une augmentation notable de la part de marché des parties à la concentration en dehors de leurs empreintes respectives résultant de la conclusion de contrats avec de grands clients MDU désireux de n’être desservis que par un seul opérateur, puisqu’il ressort du tableau no 16 de la décision attaquée que tant Vodafone que Unitymedia détenaient une part de marché de [0-5 %] dans l’empreinte de l’autre partie.
137 S’agissant, en deuxième lieu, des résultats de l’enquête de marché dont la Commission n’aurait pas tenu compte, il y a lieu de souligner que la Commission est en droit d’en tenir compte, mais que ceux-ci ne sauraient être décisifs pour porter une appréciation sur l’existence d’une concurrence potentielle.
138 En effet, bien que l’opinion des concurrents puisse constituer une importante source d’information sur l’impact prévisible d’une opération de concentration sur le marché, elle ne saurait lier la Commission dans son appréciation autonome de l’impact de la concentration sur ce marché [voir, en ce sens, arrêts du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T 102/96, EU:T:1999:65, points 290 et 291, et du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T 380/17, EU:T:2020:471, point 673 (non publié)], de sorte que ce deuxième grief ne saurait être accueilli.
139 En tout état de cause, il ressort des considérants 727, 728, 752 et 753 de la décision attaquée que la Commission a bien tenu compte de l’opinion des opérateurs concurrents, puisqu’il découle de ces considérants qu’elle a engagé un examen approfondi de l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties à la concentration en raison notamment des observations formulées par ceux-ci. La Commission n’a dès lors nullement dénié toute force probante aux résultats de l’enquête de marché et a bien vérifié de façon critique les allégations des parties à la concentration à la lumière de ceux-ci, contrairement aux allégations de la requérante.
140 S’agissant, en troisième lieu, du fait que Vodafone aurait déjà détenu certaines infrastructures dans l’empreinte câblée de Unitymedia, force est de constater que la Commission en a tenu compte dans le cadre de son analyse de l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties à la concentration. Il ressort en effet du considérant 740 de la décision attaquée que les projections effectuées par Vodafone et vérifiées par la Commission tenaient bel et bien compte des infrastructures existantes de cet opérateur ainsi que du déploiement de la 5G, lesquels ne permettaient toutefois pas de rendre une duplication du réseau câblé suffisamment rentable, de sorte que ce troisième grief ne saurait prospérer.
141 S’agissant, en quatrième lieu, du fait que l’absence de duplication antérieure, par Vodafone, du réseau câblé de Unitymedia ne serait pas la preuve de l’absence de concurrence potentielle entre elles, contrairement aux allégations de la requérante, cet élément est bien pertinent en vue d’apprécier la probabilité d’entrée de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia. En effet, le fait que cet opérateur n’ait jamais effectué une telle duplication par le passé, combiné au fait qu’il n’avait pas l’intention de le faire, corrobore la conclusion de la Commission selon laquelle une extension de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia aurait été improbable en l’absence de l’opération, de sorte que ce quatrième grief ne saurait être accueilli. En tout état de cause, ainsi que cela ressort des points 115 et 116 ci-dessus, force est également de constater que, dans la décision attaquée, la Commission ne s’est pas appuyée sur ce seul élément (voir considérants 731 à 746 de la décision attaquée).
142 S’agissant, en cinquième lieu, de l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission se serait fondée, pour établir l’absence de rentabilité d’une duplication du réseau câblé, sur des éléments s’appliquant à tout type d’extension de réseau, dont une extension dans la propre empreinte de l’opérateur concerné, il convient de relever que, au considérant 737 de la décision attaquée, la Commission a constaté que la duplication du réseau câblé n’était globalement pas attrayante pour Vodafone, « en particulier par rapport à l’ajout de nouveaux foyers dans sa propre empreinte qui impliquait des investissements moindres dans les infrastructures et qui offrait des opportunités de revenus plus élevés en raison de l’absence d’un opérateur déjà en place ». Il s’ensuit que la Commission a constaté qu’une duplication du réseau câblé en dehors de son empreinte s’avérait moins rentable qu’une extension du réseau câblé sur son propre territoire, ce que la requérante ne conteste pas en tant que tel.
143 En outre, il y a lieu de constater que, dans un passage du considérant 736 de la décision attaquée divulgué par la Commission en application de l’ordonnance du 30 mars 2023, la Commission a indiqué qu’elle avait constaté que, au cours des cinq dernières années, Vodafone n’avait étendu que de manière négligeable son réseau à l’intérieur de son empreinte câblée ou à proximité de celle-ci. Ce constat, non remis en cause par la requérante dans ses observations du 2 juin 2023, corrobore la conclusion de la Commission selon laquelle une extension de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia aurait été improbable en l’absence de l’opération. En effet, si Vodafone n’a que de manière négligeable étendu son réseau câblé à l’intérieur de sa propre empreinte préalablement à l’opération, il était effectivement improbable qu’elle opérât une duplication dans l’empreinte câblée de Unitymedia puisqu’une telle opération était moins rentable. Le cinquième grief de la requérante doit, partant, être écarté.
144 S’agissant, en sixième lieu, des critères d’investissement de Vodafone et de l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission se serait erronément appuyée sur ceux-ci de manière prépondérante, sans les avoir suffisamment vérifiés, il convient de relever que, afin de vérifier si une entreprise constitue un concurrent potentiel sur un marché, la Commission se doit de vérifier si, en l’absence de la concentration en cause, auraient existé des possibilités réelles et concrètes que celle-ci intégrât ledit marché et concurrençât les entreprises qui y étaient établies. Une telle démonstration ne doit pas reposer sur une simple hypothèse, mais doit être étayée par des éléments de fait ou une analyse des structures du marché pertinent. Ainsi, une entreprise ne saurait être qualifiée de concurrent potentiel si son entrée sur le marché ne correspond pas à une stratégie économique viable (voir, par analogie, arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T 360/09, EU:T:2012:332, point 86 et jurisprudence citée).
145 Par ailleurs, la viabilité économique d’une stratégie d’entrée sur le marché ne saurait être assimilée à la simple rentabilité d’une telle stratégie. Si tel était le cas, une simple capacité théorique d’entrer sur un marché pourrait être considérée comme suffisante pour constater l’existence d’une concurrence potentielle. Dès lors, la Commission peut tenir compte de l’intérêt commercial ou économique à entrer sur un marché de l’entreprise dont la qualité de concurrent potentiel est analysée (voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T 87/05, EU:T:2005:333, points 177, 185, 187, 188, 191 et 195, et du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T 177/04, EU:T:2006:187, point 123) et, partant, s’appuyer sur ses critères d’investissement. Ainsi, la Commission ne saurait qualifier une entreprise de concurrent potentiel sur le fondement de considérations générales et abstraites sans qu’elle tienne compte des intérêts commerciaux de cette entreprise, de sa stratégie de développement à court et moyen terme ainsi que des critères de rentabilité qu’elle s’est fixés à cet effet.
146 À cet égard, il convient d’observer que la Commission doit se fonder sur un ensemble d’éléments afin d’apprécier si une concurrence potentielle existe. Dans cet exercice, elle ne saurait faire abstraction des stratégies d’investissement des entreprises concernées. Il en va ainsi notamment pour de grands groupes internationaux tels que Vodafone, qui doivent pouvoir arbitrer entre des projets d’investissements relatifs à plusieurs marchés nationaux en se fondant à cet effet sur les meilleurs taux de rendement. Par ailleurs, force est de constater que les éléments fournis par la requérante ne suffisent pas pour conclure que la Commission était en possession d’indices de l’inexactitude des chiffres présentés par la partie ayant notifié l’opération.
147 En outre, il y a lieu de souligner que différentes mesures visant à décourager et à punir la transmission d’informations inexactes ou trompeuses sont prévues par la réglementation applicable au contrôle des concentrations. En effet, les parties qui notifient une opération de concentration sont soumises, au titre de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 139/2004 (JO 2004, L 133, p. 1 et rectificatif JO 2004, L 172, p. 9), à l’obligation expresse de fournir à la Commission de manière véridique et complète les faits et circonstances pertinents pour la décision de compatibilité, cette obligation étant sanctionnée à l’article 14 du règlement no 139/2004. Par ailleurs, la Commission peut aussi révoquer, sur le fondement de l’article 6, paragraphe 3, sous a), et de l’article 8, paragraphe 6, sous a), du règlement no 139/2004, la décision de compatibilité si celle-ci repose sur des indications inexactes dont l’une des entreprises concernées est responsable ou si elle a été obtenue par tromperie (arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T 151/05, EU:T:2009:144, point 185).
148 Enfin, il convient de constater, d’une part, qu’il ressort notamment du considérant 742 et de la note en bas de page no 553 de la décision attaquée que la Commission a vérifié les projections effectuées par les parties à la concentration, dans le cadre desquelles ces dernières ont examiné la rentabilité, eu égard à leurs critères d’investissement, de plusieurs projets de déploiement d’infrastructure, et a considéré que les résultats de celles-ci étaient suffisamment robustes et, d’autre part, que la Commission ne s’est pas fondée sur les seuls critères d’investissement des parties à la concentration pour conclure à l’absence de concurrence potentielle entre elles, mais qu’elle a notamment tenu compte du fait que, en pratique, ni Vodafone ni Unitymedia n’avaient jamais dupliqué le réseau câblé de l’autre partie et que ces parties n’avaient que de manière négligeable étendu leur réseau à l’intérieur de leur propre empreinte câblée, alors qu’une telle extension interne était plus rentable.
149 Quant à l’allégation selon laquelle la Commission aurait elle-même constaté que Deutsche Telekom était disposée à étendre son réseau, avec pour conséquence, selon la requérante, que Vodafone aurait dû tout autant être capable de le faire, il convient de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles ces stratégies n’étaient pas applicables aux parties à la concentration.
150 En ce qui concerne plus particulièrement le cas de Deutsche Telekom, ainsi que cela ressort du considérant 744, sous c), de la décision attaquée et de la réponse de cet opérateur qui y est lui-même cité, sa situation est très différente de celle des parties à la concentration, notamment au motif que Deutsche Telekom possède déjà un réseau de fibre optique très étendu et qu’elle utilise ce réseau pour fournir des services d’accès à haut débit via la technologie de ligne d’abonné numérique (Digital Subscriber Line, DSL). Partant, afin d’étendre à de nouvelles zones son offre à des clients MDU, Deutsche Telekom peut s’appuyer sur ses propres lignes de fibre optique ou ses conduites existantes et n’a généralement besoin de construire que de courtes parties du réseau de niveau 3.
151 Le sixième grief de la requérante doit, partant, être écarté.
152 S’agissant, en septième lieu, de la coopération entre Vodafone et Deutsche Glasfaser, la requérante indique elle-même, dans la requête, que le réseau qui serait déployé dans ce cadre permettrait de fournir la fibre optique à des entreprises et ne vise dès lors pas le marché MDU.
153 Le plan d’investissement « Gigabit » produit par la requérante ne fait que confirmer cela, puisqu’il ressort de celui-ci que ce projet vise, d’une part, à déployer un réseau de fibre optique en vue de fournir un Internet très rapide aux entreprises (100 000 entreprises dans environ 2 000 zones d’activités économiques, pour un montant compris entre 1,4 et 1,6 milliard d’euros) et à des foyers ruraux en coopération avec des municipalités et grâce à des subsides de celles-ci (1 million de foyers ruraux sous-desservis en Internet, pour un montant compris entre 0,2 et 0,4 milliard d’euros) et, d’autre part, à mettre à niveau l’infrastructure câblée de Vodafone conformément à la norme DOCSIS 3.1 en vue de fournir un Internet plus rapide à « l’ensemble [des] 12,6 millions de foyers concernés » (pour un montant de 0,2 milliard d’euros).
154 Force est, partant, de constater que ce projet concerne le marché de la fourniture de services d’accès fixe à Internet et qu’il n’est dès lors pas pertinent dans le cadre de l’examen de l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties à la concentration sur le marché MDU.
155 En tout état de cause, il convient également de constater que ce projet vise principalement à connecter (à Internet très haut débit) des entreprises et des foyers ruraux dans des zones sous-desservies, et donc pas des clients MDU, et, accessoirement, à mettre à jour le réseau câblé existant de Vodafone en vue d’améliorer la connexion à Internet de clients actuels de cet opérateur.
156 Il y a lieu d’ajouter qu’il ressort du plan d’investissement « Gigabit » produit par la requérante que ce projet satisfait aux critères d’investissement de Vodafone tels que mentionnés dans la décision attaquée, ce qui confirme que, d’une part, cet opérateur veille à ce que ces critères soient respectés lorsqu’il envisage de se lancer dans un projet d’infrastructure et que, d’autre part, la Commission pouvait valablement s’appuyer sur ces critères lorsqu’elle a examiné la probabilité que Vodafone opérât une duplication de réseau câblé dans l’empreinte de Unitymedia en vue de connecter des clients MDU.
157 Finalement, le fait que Vodafone ait, le 6 décembre 2019, annoncé qu’elle étendrait sa collaboration avec Deutsche Glasfaser en vue de déployer la fibre à destination des particuliers, notamment dans l’empreinte câblée de Unitymedia, n’est pas pertinent dans le cadre d’un examen de la légalité de la décision attaquée, puisque ce fait est intervenu postérieurement à l’adoption de celle-ci. En effet, dans le cadre d’un recours en annulation, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté (voir arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C 123/18 P, EU:C:2019:694, point 37 et jurisprudence citée ; arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T 201/04, EU:T:2007:289, point 260) et des éléments d’information dont l’institution auteure de l’acte pouvait disposer au moment où elle l’a arrêté [arrêts du 9 septembre 2009, Brink’s Security Luxembourg/Commission, T 437/05, EU:T:2009:318, point 96, et du 12 avril 2013, Du Pont de Nemours (France) e.a./Commission, T 31/07, non publié, EU:T:2013:167, point 157]. Une partie requérante ne peut ainsi se prévaloir, devant le juge de l’Union, d’éléments de fait postérieurs à l’acte dont la légalité est contestée ou dont l’auteur de l’acte ne pouvait avoir connaissance lors de l’adoption de celui-ci. En tout état de cause, la requérante ne démontre pas que cette collaboration viserait à connecter des clients MDU.
158 Le septième grief de la requérante doit, partant, être écarté.
159 S’agissant, en huitième lieu, de l’allégation selon laquelle il serait possible de desservir des clients MDU sans nécessité de déployer un réseau câblé de niveau 3, il y a lieu de relever que la Commission ne s’est pas limitée à examiner la probabilité d’une concurrence potentielle par le biais d’une duplication du réseau câblé de l’autre partie à la concentration, ainsi que cela ressort du considérant 745 de la décision attaquée pour ce qui est de Vodafone et du considérant 763 de ladite décision pour ce qui est de Unitymedia. La Commission a, dans ce cadre, considéré qu’il était également peu probable qu’une partie pénétrât sur l’empreinte câblée de l’autre partie à partir de moyens non fondés sur l’infrastructure, tels que, notamment, les lignes louées, l’infrastructure satellite ou les réseaux de niveau 4.
160 À cet égard, il convient également de relever que, au considérant 820 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les opérateurs de niveau 4 dépendaient complètement de la volonté des parties d’offrir des services de transmission intermédiaire de signaux de télévision à des conditions compétitives, ce que la requérante ne conteste pas. Ensuite, au considérant 1479 de la décision attaquée, la Commission a relevé que les opérateurs de niveau 4 avaient expliqué eux-mêmes qu’ils étaient actifs dans un segment de niche du marché, tandis que les associations de logements avaient affirmé que ces opérateurs ne satisfaisaient fréquemment pas aux exigences requises en matière de niveau de service et n’étaient pas en mesure de prendre en charge les mises à niveau du réseau de niveau 3, ce que la requérante ne conteste pas non plus.
161 Par ailleurs, contrairement aux allégations de la requérante, le fait que les parties à la concentration n’ont, que de manière négligeable, eu recours à cette possibilité technique ne fait que confirmer qu’elle n’est pas intéressante d’un point de vue concurrentiel et corrobore le constat de la Commission selon lequel il était peu probable que les parties à la concentration étendent leurs activités dans l’empreinte câblée de l’autre partie en s’appuyant sur des moyens non fondés sur l’infrastructure.
162 Le huitième grief de la requérante doit, partant, être écarté.
163 S’agissant, en neuvième lieu, des références faites par la requérante, d’une part, à la pratique décisionnelle antérieure de la Commission et, d’autre part, à une décision de l’Office fédéral des ententes et à un jugement de l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf), il y a lieu de relever que la Commission n’est pas liée par ceux-ci.
164 En effet, d’une part, il convient de relever que lorsque la Commission statue sur la compatibilité d’une concentration avec le marché intérieur sur le fondement d’une notification et d’un dossier propres à cette opération, une partie requérante n’est pas en droit de remettre en cause ses constatations au motif qu’elles diffèrent de celles faites antérieurement dans une autre affaire, sur le fondement d’une notification et d’un dossier différents, à supposer même que les marchés en cause dans les deux affaires soient similaires, voire identiques (arrêts du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T 210/01, EU:T:2005:456, point 118, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T 162/10, EU:T:2015:283, point 142).
165 D’autre part, il convient également de relever que, eu égard à la répartition précise des compétences sur laquelle repose le règlement no 139/2004, les décisions des autorités nationales ne sauraient lier la Commission dans le cadre des procédures de contrôle des concentrations (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 2007, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, C 202/06 P, EU:C:2007:814, point 56, et du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T 151/05, EU:T:2009:144, point 139).
166 Le neuvième grief de la requérante doit, partant, être rejeté.
167 Il découle de ce qui précède que la requérante ne parvient pas à démontrer que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation en considérant, dans la décision attaquée, que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents potentiels sur le marché MDU et qu’elles n’exerçaient donc pas de pressions concurrentielles l’une sur l’autre.
5. Sur la troisième branche, tirée d’erreurs manifestes dans l’appréciation des répercussions de la concentration sur les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents
168 À l’appui de la troisième branche du présent moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation dans le cadre de son examen des effets de la concentration sur les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents de l’entité issue de la concentration, en concluant que l’opération n’aurait pas d’effet sur lesdites contraintes.
169 Plus particulièrement, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas analysé les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents avant la concentration et a apprécié de manière insuffisante et inexacte les contraintes concurrentielles prévisibles exercées par les tiers après la concentration. Les conclusions de la Commission quant à la capacité et à l’incitation de l’entité issue de la concentration à évincer les concurrents restants du marché MDU seraient, partant, erronées. La requérante ajoute que la Commission a méconnu le lien entre le marché MDU et les effets de conglomérat.
a) Sur l’absence d’analyse des contraintes concurrentielles exercées par les concurrents avant la concentration
170 La requérante soutient que la Commission n’a pas analysé les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents des parties à la concentration avant la mise en œuvre de cette dernière. Les développements qui figurent dans la section VIII.C. 2.4.2.4(i) de la décision attaquée (à savoir les considérants 787 à 820) ne contiennent, selon elle, qu’un résumé des déclarations de parties à la procédure administrative et d’entreprises ayant participé à l’enquête de marché. En revanche, la Commission n’en tirerait pas de conclusions propres.
171 Il en découle que la Commission n’aurait pas procédé à sa propre appréciation, sur le plan tant qualitatif que quantitatif, de la question des contraintes concurrentielles exercées, avant ou sans la concentration, par les concurrents des parties à la concentration, ce qui représenterait une lacune manifeste, empêchant toute possibilité d’analyse des effets de la concentration sur les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents.
172 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.
173 À cet égard, s’il est vrai que la partie de la décision attaquée consacrée aux contraintes concurrentielles exercées par les concurrents avant la concentration repose essentiellement sur les observations des tiers et des parties à la concentration, force est de constater que, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission a bien effectué une telle appréciation, ce qui ressort de la décision attaquée.
174 En effet, il convient de constater que, s’agissant de la concurrence exercée par Tele Columbus, la Commission a, aux considérants 787 à 790 de la décision attaquée, présenté l’évolution de l’activité de cette entreprise ainsi que l’activité actuelle de cette dernière. Au considérant 795 de ladite décision, la Commission a considéré que les déclarations de Tele Columbus au sujet de sa stratégie de croissance étaient confirmées par des documents internes très récents des parties. Par ailleurs, au considérant 798 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que, sur le fondement des informations qu’elle avait recueillies, Tele Columbus « n’a[vait] que très peu développé son infrastructure de niveau 3 ces dernières années ». Enfin, au considérant 799 de la même décision, la Commission a indiqué notamment que, au cours des trois dernières années, le nombre de foyers connectés au réseau de Tele Columbus n’avait pas augmenté de manière significative, ce qui suggérait que cette dernière n’avait pas réalisé d’investissements importants pour étendre son réseau de niveau 3.
175 S’agissant de la concurrence exercée par Deutsche Telekom, il y a lieu de constater que l’appréciation portée sur ladite concurrence l’est essentiellement sur le fondement des déclarations de cette dernière, de tiers et des parties à la concentration. Cependant, il ressort des considérants 803 à 811 de la décision attaquée que la Commission a mentionné des éléments convergents, émanant de Deutsche Telekom, de tiers et des parties à la concentration. Il ressort de ces éléments convergents, sur lesquels la Commission a choisi de mettre l’accent dans le cadre de son appréciation des faits, que Deutsche Telekom se trouvait dans une position faible sur le marché MDU et qu’elle menait une politique agressive en termes de prix, mais que les parties à l’opération baissaient leurs prix lorsqu’elles se trouvaient en concurrence avec elle pour le même appel d’offres.
176 S’agissant finalement de la concurrence exercée par les autres acteurs, la Commission a rappelé, au considérant 812 de la décision attaquée, leur part de marché conjointe. Ensuite, en ce qui concerne plus particulièrement les opérateurs locaux tels que la requérante, la Commission a expliqué, au considérant 813 de la même décision, que leurs activités étaient contraintes par la portée géographique limitée de leurs réseaux de niveau 3. En outre, la Commission a mentionné, au considérant 814 de la décision attaquée, des déclarations des sociétés de logements desquelles il ressortait que, à la différence des câblo-opérateurs, les opérateurs locaux étaient forts en ce qui concernait la modernisation de l’infrastructure et le passage à la fibre jusqu’au foyer ou jusqu’à l’immeuble (FTTH ou FTTB). Ces déclarations sont d’ailleurs confirmées par la requérante dans la réplique, dans laquelle elle explique que les opérateurs locaux ont fait progresser de manière déterminante le développement de la fibre optique en Allemagne. Par ailleurs, aux considérants 815 et 816 de la décision attaquée, la Commission a mentionné les déclarations convergentes des parties à la concentration et de la requérante au sujet de la compétitivité des opérateurs locaux sur le marché MDU, avant de finalement aborder la situation des opérateurs de niveau 4, notamment au considérant 820 de ladite décision.
177 Compte tenu de ce qui précède, il ne peut être reproché à la Commission de ne pas avoir analysé les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents avant la concentration, de sorte que le présent grief ne saurait prospérer.
b) Sur l’analyse prétendument insuffisante et inexacte des contraintes concurrentielles prévisibles exercées par les tiers après la concentration
178 La requérante soutient que la Commission a, dans la décision attaquée, conclu de façon manifestement erronée qu’il était prévisible que l’opération ne donnât lieu à aucun changement significatif, propre à la concentration, affectant les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents sur le marché MDU après la concentration.
179 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux considérants 821 à 831 de la décision attaquée, la Commission a, en réponse à des craintes formulées à cet égard par plusieurs personnes ayant répondu à l’enquête de marché, vérifié si l’opération aurait des effets négatifs, propres à la concentration, sur les concurrents actifs sur le marché MDU. À l’issue de cette analyse, la Commission a conclu qu’elle n’avait relevé aucun changement significatif propre à la concentration pour trois raisons principales.
180 Premièrement, la Commission a observé que Vodafone et Unitymedia étaient toutes deux diversifiées au niveau international. Préalablement à la concentration, les deux parties détenaient déjà une position forte, non seulement sur le marché MDU, mais également sur le marché SDU, le marché des services d’accès fixe à Internet et le marché des services de téléphonie fixe. La Commission en a déduit que, déjà avant l’opération, les deux parties pouvaient bénéficier de certaines économies d’échelle et procéder à des subventionnements croisés, avec pour conséquence que celle-ci n’entraînerait aucun changement significatif à cet égard (voir considérants 823 à 825 de la décision attaquée).
181 Deuxièmement, la Commission a examiné les arguments des concurrents tirés de ce que l’entité issue de la concentration pourrait, à l’issue de celle-ci, les évincer en proposant des offres groupées, et en particulier des offres de CFM, aux clients MDU dans l’empreinte câblée de Unitymedia. À cet égard, la Commission a exposé, aux considérants 826 à 829 de la décision attaquée, les raisons principales pour lesquelles l’opération n’entraînerait selon elle aucun changement significatif, en ce qui concerne tant les offres groupées en général que les offres de CFM, tout en indiquant que ces effets étaient évalués dans la section VIII.C.5, traitant des effets de conglomérat potentiels de l’opération.
182 Troisièmement, au considérant 830 de la décision attaquée, la Commission s’est prononcée sur les inquiétudes exprimées par des concurrents quant aux effets potentiels de l’opération sur le marché MDU en raison de l’augmentation du pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration à l’égard des télédiffuseurs. Ces concurrents craignaient, en effet, que ce pouvoir de marché accru conduisît l’entité issue de la concentration à obtenir de meilleures conditions, telles que des contenus exclusifs ou des redevances de rachat plus élevées. À cet égard, la Commission a expliqué que ces effets étaient évalués dans la section VIII.C.2.11, portant sur les effets potentiels de l’opération sur le marché de gros de la transmission du signal de télévision. Elle a indiqué que, en conclusion, elle avait constaté que l’opération n’était pas susceptible de se traduire par une éviction (foreclosure) des concurrents sur le marché de détail.
183 En l’espèce, en premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission a insuffisamment vérifié si la puissance financière de l’entité issue de la concentration par rapport à ses concurrents permettait à celle-ci d’empêcher lesdits concurrents de se développer. La Commission s’est, selon la requérante, contentée de procéder à des vérifications superficielles, en se fondant sur de simples présomptions et n’a fourni aucune motivation logique.
184 En deuxième lieu, la requérante soutient que les conclusions de la Commission relatives au renforcement de la capacité et de l’incitation de l’entité issue de la concentration à évincer ses concurrents du marché MDU sont manifestement erronées. Selon la requérante, l’entité issue de la concentration aurait eu, en effet, la capacité et l’incitation d’évincer ses concurrents du marché MDU grâce aux éléments suivants. Premièrement, Vodafone aurait pu profiter d’économies d’échelle significatives grâce à l’opération, ce dont elle ne se serait pas cachée. Deuxièmement, Vodafone aurait perçu des redevances de rachat de la part des télédiffuseurs, ce qui n’aurait pas été le cas de ses concurrents de plus petite taille, tels que la requérante. À la suite de la concentration, une seule entreprise aurait bénéficié de l’intégralité de ces redevances, que se partageaient jusqu’alors Vodafone et Unitymedia. Troisièmement, Vodafone aurait été, dans ce contexte, incitée à pratiquer des subventionnements croisés, notamment en subventionnant la ville par la campagne.
185 En troisième lieu, la requérante fait valoir que la Commission a méconnu le lien entre le marché MDU et les effets de conglomérat et a, de manière manifestement erronée, considéré que ne constituait pas un changement significatif propre à l’opération la possibilité qu’aurait eu l’entité issue de la concentration de proposer des offres multiservices, en particulier des offres CFM aux clients MDU. La Commission aurait dès lors, de façon manifestement erronée, conclu qu’aucun risque d’éviction du marché MDU des concurrents restants n’aurait été à craindre de ce fait.
186 Plus particulièrement, premièrement, la requérante fait valoir que le contrat de raccordement collectif était une « porte d’entrée » pour la commercialisation d’offres groupées. À cet égard, la requérante conteste le constat de la Commission, formulé au considérant 828, sous b), de la décision attaquée, selon lequel les offres groupées dans les immeubles à logements multiples n’auraient été ni plus populaires ni plus facilement commercialisables que dans les logements individuels.
187 En effet, la requérante fait valoir qu’il existait une relation entre le câblo-opérateur fournissant le signal de télévision dans un immeuble et les locataires, à savoir des preneurs potentiels d’offres groupées ; que si un locataire achetait une offre groupée incluant la télévision à un opérateur tiers, il devrait payer deux fois pour la télévision ; que la société immobilière pourrait jouer le rôle d’intermédiaire et faire la promotion du câblo-opérateur fournissant le signal de télévision à l’égard des locataires ; que ce câblo-opérateur était généralement le propriétaire du réseau intérieur à l’immeuble et serait donc le partenaire naturel ; que ce câblo-opérateur pourrait faire de la publicité ciblée vis-à-vis des locataires ; que les contrats MDU incluaient généralement un accès à Internet à bas débit, à condition de s’inscrire auprès du câblo-opérateur concerné, qui avait alors un accès direct aux locataires inscrits, et que l’entité issue de la concentration pourrait désormais faire de la publicité à l’échelle nationale, ce qu’elle ne pouvait légalement pas faire auparavant, à défaut de présence nationale.
188 Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission a, au considérant 829 de la décision attaquée, méconnu l’importance des offres groupées CFM. À l’appui de pareille prétention, la requérante fait valoir que, après la concentration, Vodafone aurait l’occasion et l’incitation d’effectuer des ventes croisées à l’égard des locataires de logements collectifs en tant qu’opérateur de réseau mobile et nouveau câblo-opérateur d’envergure nationale. La requérante conteste la pertinence des références faites par la Commission à l’entrée peu fructueuse de Deutsche Telekom sur le marché MDU, malgré sa puissance sur le marché des télécommunications mobiles et à la force de Unitymedia sur le marché MDU malgré le caractère incomplet de son offre de services de télécommunications mobiles, estimant que, contrairement à ces deux opérateurs, l’entité issue de la concentration serait à la fois puissante sur le marché MDU et sur le marché des télécommunications mobiles. Finalement, la requérante fait valoir que Vodafone avait proposé une remise dite « BewohnerPlus » aux locataires des logements collectifs, ce qui était la preuve que cet opérateur poursuivait une stratégie de convergence sur le marché MDU, qu’il pourrait renforcer à la suite de la concentration.
189 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.
190 À cet égard, il est vrai que la situation dans laquelle la pression concurrentielle exercée par les concurrents se verrait fortement réduite en conséquence d’une opération de concentration peut donner lieu à une ESCE.
191 En outre, il y a lieu de relever que, pour apprécier la compatibilité d’une opération de concentration avec le marché intérieur, la Commission tient compte d’un ensemble d’éléments tels que la structure des marchés en cause, la concurrence réelle ou potentielle d’entreprises, la position ainsi que la puissance économique et financière des entreprises concernées, les possibilités de choix des fournisseurs et des utilisateurs, l’existence de barrières à l’entrée ainsi que l’évolution de l’offre et de la demande (arrêt du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C 12/03 P, EU:C:2005:87, point 125). Le constat d’une augmentation de la puissance financière de l’entité issue de la concentration ne permet, partant, pas à lui seul de conclure à une ESCE.
192 Par ailleurs, il ressort certes de l’article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement no 139/2004 que, pour apprécier la compatibilité ou non d’une opération avec le marché intérieur, la Commission tient compte de la nécessité de préserver et de développer une concurrence effective dans le marché intérieur au vu, notamment, de la structure de tous les marchés en cause et de la concurrence réelle ou potentielle d’entreprises situées à l’intérieur ou à l’extérieur de l’Union. Il s’agit d’une exigence qui constitue un élément important dans l’appréciation à laquelle doit se livrer la Commission (arrêt du 6 novembre 2012, Éditions Odile Jacob/Commission, C 551/10 P, EU:C:2012:681, point 68).
193 Toutefois, cette exigence ne saurait modifier la règle définie au paragraphe 2 de cet article, selon laquelle les concentrations qui n’entraveraient pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées compatibles avec le marché intérieur (arrêt du 6 novembre 2012, Éditions Odile Jacob/Commission, C 551/10 P, EU:C:2012:681, point 68).
194 Il convient également de souligner que la Commission ne peut déclarer une concentration incompatible avec le marché intérieur que si elle constate une ESCE qui est la conséquence directe et immédiate de la concentration. Une telle entrave, qui découlerait des décisions futures de l’entité issue de la concentration, peut uniquement être considérée comme une conséquence directe et immédiate de la concentration si ce comportement futur est rendu possible et économiquement rationnel par la modification des caractéristiques et de la structure du marché causée par la concentration (arrêt du 11 décembre 2013, Cisco Systems et Messagenet/Commission, T 79/12, EU:T:2013:635, point 118).
195 Finalement, il convient de relever que l’appréciation du rapport de force entre les différentes entreprises en concurrence sur un marché relève en principe d’une appréciation économique complexe pour laquelle la Commission dispose d’une marge d’appréciation (voir arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T 210/01, EU:T:2005:456, point 253 et jurisprudence citée).
196 S’agissant, en premier lieu, du grief de la requérante tiré du caractère prétendument insuffisant du contrôle par la Commission des conséquences potentiellement négatives sur le développement des concurrents sur le marché MDU de la prétendue augmentation de la puissance financière de l’entité issue de la concentration, les appréciations effectuées par la Commission relatives aux effets probables de la concentration sur les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents ne reposent pas sur des vérifications superficielles et de simples présomptions, comme le soutient la requérante.
197 En effet, comme cela ressort des points 179 à 182 ci-dessus, les explications fournies par la Commission aux considérants 821 à 831 de la décision attaquée, analysant de manière détaillée les effets probables de la concentration sur les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents sur le marché MDU postérieurement à l’opération, reflètent le caractère prospectif de ses appréciations, le niveau de preuve requis par elle ainsi que les éléments de preuve dont elle disposait, et ce dans le cadre d’une analyse pour laquelle la Commission disposait d’une marge d’appréciation, de sorte que ce premier grief, tiré d’une insuffisance d’examen, ne saurait être accueilli.
198 En tout état de cause, il convient de rappeler que, même si la Commission avait, à l’issue de cette analyse, constaté une augmentation de la puissance financière de l’entité issue de la concentration, propre à celle-ci, une telle constatation n’aurait pas suffi, à elle seule, à conclure à une ESCE, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 191 ci-dessus.
199 Par conséquent, ce premier grief de la requérante doit être rejeté.
200 S’agissant, en deuxième lieu, du grief de la requérante tiré du caractère manifestement erroné des conclusions de la Commission relatives au renforcement de la capacité et de l’incitation de l’entité issue de la concentration à évincer ses concurrents du marché MDU grâce à des économies d’échelle, aux redevances de rachat et à des subventionnements croisés, il y a lieu de relever que, comme l’a relevé la Commission au considérant 823 de la décision attaquée, Vodafone bénéficiait déjà de tels avantages préalablement à l’opération, ce que la requérante ne conteste pas, avec pour conséquence qu’il ne s’agissait pas d’un changement propre à la concentration.
201 S’agissant plus particulièrement des redevances de rachat, il importe de constater que les parties à la concentration bénéficiaient déjà d’un tel avantage avant celle-ci, ce que la requérante ne conteste pas, et que Vodafone s’était engagée à ne pas augmenter lesdites redevances. Par ailleurs, la requérante ne démontre pas, au moyen d’éléments concrets, que la circonstance qu’une seule entreprise bénéficierait de cet avantage postérieurement à l’opération serait susceptible de changer les incitations de ladite entreprise et de produire un effet anticoncurrentiel sur le marché MDU.
202 En ce qui concerne la possibilité pour Vodafone d’effectuer des subventionnements croisés, force est également de constater que ce comportement futur n’était pas rendu possible et économiquement rationnel par la modification des caractéristiques et de la structure du marché causée par la concentration, au sens de la jurisprudence citée au point 194 ci-dessus, et qu’il n’aurait pu, dès lors, donner lieu à une entrave qui aurait été une conséquence directe et immédiate de la concentration.
203 De manière générale, il y a lieu de relever que les économies d’échelle, les redevances de rachat et la possibilité de pratiquer des subventionnements croisés dont aurait bénéficié l’entité issue de la concentration, indépendamment de la question de savoir si de telles synergies étaient propres ou non à la concentration, ne pouvaient, en tant que telles, être considérées comme anticoncurrentielles sur le marché MDU. Par ailleurs, ces avantages n’étaient pas propres à un marché en particulier, avec pour conséquence qu’il n’était pas possible de présumer que le fruit de ceux-ci aurait été utilisé à des fins anticoncurrentielles et, notamment, pour évincer les concurrents restants sur le marché MDU.
204 Il ressort de ce qui précède que le deuxième grief de la requérante doit être écarté.
205 S’agissant, en troisième lieu, du grief de la requérante tiré du caractère manifestement erroné du constat de la Commission selon lequel la possibilité qu’aurait eu l’entité issue de la concentration de proposer des offres multiservices n’aurait pas constitué un changement propre à la concentration, il y a lieu de relever que, ainsi que cela ressort du point 181 ci-dessus, aux considérants 826 à 828 de la décision attaquée, la Commission a exposé les principaux éléments en réponse aux arguments des concurrents tirés de ce que Vodafone les aurait évincés en commençant à proposer des produits groupés, et en particulier des offres de CFM, aux locataires des MDU dans l’empreinte câblée de Unitymedia, et a ensuite renvoyé à son analyse plus complète, effectuée à la section VIII.C.5 de la décision attaquée, consacrée aux effets de conglomérat potentiels de l’opération.
206 À cet égard, premièrement, les avantages du câblo-opérateur fournissant le signal de télévision dans un immeuble sur lesquels s’appuie la requérante, en vue de démontrer qu’un contrat avec un client MDU aurait constitué une « porte d’entrée » pour la commercialisation d’offres groupées à l’égard des locataires (voir point 187 ci-dessus), existaient déjà avant l’opération, et la requérante ne démontre pas que de tels avantages auraient été engendrés par la concentration et, partant, auraient été propres à celles-ci. Il en découle que ces avantages ne sont pas pertinents pour évaluer la probabilité que les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents soient fortement réduites en conséquence de cette opération.
207 Par ailleurs, il convient de relever, d’une part, que la requérante ne conteste pas le constat de la Commission selon lequel, antérieurement à l’opération, les parties à la concentration ainsi que leurs concurrents proposaient déjà des offres groupées aux clients MDU et, d’autre part, que la requérante n’apporte aucune donnée, notamment chiffrée, de nature à remettre en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle les offres groupées n’étaient pas plus populaires ou plus facilement négociables avec les locataires vivant dans des MDU qu’avec les clients vivant dans des SDU.
208 De surcroît, s’agissant de la possibilité nouvelle offerte à l’entité issue de la concentration d’avoir recours à des supports de publicité nationale, laquelle pourrait être propre à la concentration, la requérante ne démontre pas dans quelle mesure un tel changement aurait un impact sur les offres groupées. Une telle modification potentielle concernant l’éventuel recours à des supports de publicité nationale n’est donc pas suffisante pour démontrer que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a considéré que l’opération n’apporterait aucune modification significative en ce qui concernait les offres groupées.
209 Deuxièmement, en ce qui concerne l’importance des offres groupées CFM, prétendument déniée par la Commission, aucun des trois éléments avancés par la requérante à l’appui d’une telle allégation ne permet de démontrer que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation, lorsqu’elle a conclu qu’il était peu probable que l’entité issue de la concentration évinçât ses concurrents du marché MDU en commençant à proposer de telles offres aux clients MDU.
210 En effet, la requérante ne conteste pas que, avant la concentration, Vodafone proposait déjà des offres groupées fixes à ses clients MDU et avait déjà la capacité, eu égard à sa qualité d’opérateur de réseau mobile, d’y inclure une composante mobile. La concentration n’a rien changé à cela. Par ailleurs, il convient de constater que la requérante n’apporte aucun élément démontrant que le fait que Vodafone aurait disposé, à la suite de la concentration, d’une empreinte câblée d’ampleur nationale aurait incité cet opérateur à commencer à inclure une composante mobile dans ses offres groupées à l’égard de clients MDU. La requérante ne conteste d’ailleurs pas que, préalablement à la concentration, Vodafone était déjà puissante à la fois sur le marché MDU et sur le marché des télécommunications mobiles, grâce à son statut d’opérateur de réseau mobile, ce qui ne l’avait pourtant pas incité à proposer des services de télécommunications mobiles à ses clients MDU.
211 Il y a également lieu de relever que la requérante ne conteste pas le constat effectué par la Commission au considérant 829, sous h), de la décision attaquée, duquel il ressort qu’il était peu probable que la capacité de proposer des offres groupées CFM devînt un paramètre concurrentiel important dans le cadre des appels d’offres et des négociations vis-à-vis des sociétés de logements sur le marché MDU, étant donné que si ces sociétés de logements étaient chargées de fournir le signal de télévision aux locataires de leurs immeubles, tel n’était pas le cas des services de télécommunications mobiles. Par conséquent, selon la Commission, il était improbable que les clients MDU tiennent compte, lorsqu’ils devaient choisir parmi plusieurs opérateurs potentiels pour la fourniture du signal de télévision, des conditions relatives aux abonnements de services de télécommunications mobiles offertes par ceux-ci.
212 Il convient également de souligner que, certes, la situation ou le comportement passé ou actuel de Vodafone, de Unitymedia et de Deutsche Telekom ne sont pas nécessairement décisifs aux fins d’apprécier l’impact de l’opération de concentration. Toutefois, la Commission était en droit d’en tenir compte dans le cadre de son analyse.
213 S’agissant, finalement, de la remise dite « BewohnerPlus », il convient de constater que celle-ci était déjà offerte préalablement à la concentration, avec pour conséquence que celle-ci n’y a rien changé. En tout cas, la requérante ne démontre pas que cette remise était accordée aux locataires des clients MDU contractant avec Vodafone un abonnement de services de télécommunications mobiles ou en quoi une telle remise pourrait constituer un paramètre concurrentiel dont auraient tenu compte les clients MDU lors de leur choix de l’opérateur chargé de fournir le signal de télévision à leurs immeubles, à même d’évincer les concurrents restants de Vodafone.
214 Il découle de ce qui précède que la requérante ne démontre pas que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation dans le cadre de son examen des effets de la concentration sur les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents de l’entité issue de la concentration sur le marché MDU et, dans ce cadre, de la capacité et de l’incitation de l’entité issue de la concentration à évincer les concurrents restants de ce marché.
215 La troisième branche du premier moyen ainsi que le premier moyen dans son ensemble doivent donc être rejetés.
C. Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, d’une violation de l’obligation de motivation ainsi que d’une violation de l’obligation de diligence découlant du refus de constater une ESCE sur le marché SDU
216 À l’appui de son deuxième moyen, la requérante soutient que la Commission a erronément conclu que l’opération de concentration n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective sur le marché SDU.
217 À cet égard, il y a lieu de relever, à l’instar de la Commission, que l’intitulé du deuxième moyen fait référence à une violation de l’obligation de motivation et de l’obligation de diligence. Toutefois, la requérante n’avance aucun argument au soutien de ces griefs. Or, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire de ces moyens. La requête ne répondant pas, en ce qui concerne ces griefs, aux exigences établies par cette disposition, ils doivent être déclarés irrecevables. En ce qui concerne l’obligation de motivation, force est en tout cas de constater que, à la section VIII.C.2.5 de la décision attaquée, la Commission a dûment expliqué les raisons pour lesquelles elle n’avait pas constaté d’ESCE sur le marché SDU.
1. Considérations liminaires
218 À la section VIII.C.2.5 de la décision attaquée, la Commission a examiné les effets horizontaux non coordonnés de l’opération sur le marché SDU. Comme il a été indiqué au point 19 ci-dessus, la Commission a considéré que la délimitation géographique de ce marché pouvait être laissée en suspens.
219 Après avoir, aux considérants 843 à 848 de la décision attaquée, exposé certaines spécificités du marché SDU, la Commission a examiné, aux considérants 849 à 859 de ladite décision, les parts de marché des parties à la concentration tant au niveau national qu’au niveau de leurs empreintes câblées respectives, ainsi que les niveaux de concentration du marché SDU, avant de conclure, aux considérants 860 à 862 de la même décision, que, bien que ce marché fût très concentré, l’opération ne donnerait lieu à aucun changement propre à la concentration (merger-specific change), puisque les parties ne se faisaient concurrence sur ce marché que de façon très limitée et que leurs activités ne se chevauchaient pas de manière significative.
220 La Commission a ensuite examiné, aux considérants 863 à 885 de la décision attaquée, les contraintes concurrentielles exercées par les parties qui seraient éliminées par l’opération ainsi que leur évolution probable en l’absence de celle-ci.
221 Aux considérants 886 à 896 de la décision attaquée, la Commission a analysé les contraintes concurrentielles exercées par les parties l’une sur l’autre et a conclu que ces dernières n’étaient ni des concurrents réels directs (voir considérants 887 à 891) ni des concurrents réels indirects (voir considérants 892 à 896).
222 S’agissant de la concurrence directe, la Commission a relevé que les parties à la concentration fournissaient au détail des services de transmission de signaux de télévision à des clients SDU presque exclusivement à l’intérieur de leurs empreintes câblées respectives, qui ne se chevauchaient pas. Si la Commission a constaté, dans l’empreinte câblée de Unitymedia, un chevauchement limité provenant des produits IPTV et OTT de Vodafone, elle a néanmoins considéré que l’opération ne ferait pas disparaître une concurrence directe significative entre les parties à la concentration. La Commission est parvenue à ce constat en tenant compte, premièrement, de la part de marché limitée de Vodafone dans cette zone, deuxièmement, du fait que lesdites parties n’étaient pas des concurrents proches, car elles utilisaient des technologies de transmission différentes et, troisièmement, du fait que les produits IPTV et OTT de Vodafone n’avaient rien d’unique, avec pour conséquence qu’ils pouvaient aisément être remplacés par d’autres produits.
223 S’agissant de la concurrence indirecte, la Commission a expliqué que les documents internes qu’elle avait identifiés au sujet du marché de l’accès fixe à Internet et qui suggéraient que les parties se comparaient l’une à l’autre concernaient également, dans une certaine mesure, le marché SDU. Cependant, à la suite des explications fournies par les parties, la Commission a considéré que ces documents n’établissaient pas qu’une analyse comparative (benchmarking) allant au-delà de simples comparaisons commerciales visant à surveiller et, éventuellement, à imiter les meilleures pratiques dans l’industrie avait eu lieu. Enfin, la Commission a souligné qu’une analyse des prix de détail n’indiquait pas que Vodafone et Unitymedia se contraignaient indirectement par l’intermédiaire d’un mécanisme de tarification séquentiel transmettant les modifications de prix d’une entreprise sur l’empreinte câblée de l’autre grâce aux réponses de prix nationales des autres acteurs, tels que la requérante.
224 Enfin, aux considérants 897 à 903 de la décision attaquée, la Commission a examiné les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents restants sur le marché SDU, et plus particulièrement par Deutsche Telekom, par la requérante, par les opérateurs urbains (city carriers) tels que NetCologne et par les opérateurs de services de satellites, et a considéré que, à l’issue de la concentration, ces nombreux concurrents demeureraient actifs sur ce marché. La Commission a également constaté que les éléments de preuve du dossier démontraient que les concurrents établis sur ce marché faisaient face à des pressions concurrentielles croissantes de la part de nouveaux opérateurs ainsi que de nombreux fournisseurs de services de télévision OTT et a considéré que l’opération n’affaiblirait pas la concurrence exercée par les concurrents.
225 Par conséquent, la Commission a conclu que cette opération ne donnerait lieu à aucune ESCE sur le marché SDU résultant d’effets horizontaux non coordonnés (voir considérant 907 de la décision attaquée).
2. Sur les erreurs manifestes d’appréciation
226 En l’espèce, en premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission a erronément présumé que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents potentiels et se réfère, à cet égard, aux arguments exposés dans le cadre de la deuxième branche de son premier moyen concernant la concurrence potentielle sur le marché MDU.
227 En second lieu, la requérante fait valoir que les contraintes concurrentielles découlant du produit IPTV de Vodafone offert dans l’empreinte câblée de Unitymedia disparaîtraient avec la mise en œuvre de la concentration, ce dont la Commission n’aurait pas tenu compte. Or, lorsque le pouvoir de marché des parties à une concentration serait déjà important, ce qui aurait été le cas pour Unitymedia, qui aurait détenu une part de marché de l’ordre de [60-70] % sur le marché SDU limité à son empreinte câblée et comprenant uniquement la télévision par câble et l’IPTV, même une faible augmentation de la part de marché induite par cette opération pourrait avoir des effets préjudiciables significatifs.
228 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.
229 S’agissant, en premier lieu, du grief de la requérante portant sur l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties à la concentration sur le marché SDU, force est de constater que celle-ci se limite à se référer aux arguments développés à l’appui de la deuxième branche de son premier moyen. Or, ces arguments ont été rejetés pour les raisons exposées aux points 112 à 167 ci-dessus, avec pour conséquence que ce premier grief ne saurait être accueilli.
230 S’agissant, en second lieu, du grief de la requérante selon lequel la Commission aurait dû tenir compte des contraintes concurrentielles découlant du produit IPTV de Vodafone offert dans l’empreinte câblée de Unitymedia, force est de constater que la part de marché de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia résultant de la vente de ce produit était négligeable, puisque de [0 à 5] % (que ce marché fût limité au câble et à l’IPTV ou qu’il englobât également le satellite et la télévision terrestre), ce qui ressort des considérants 855 et 872 de la décision attaquée et qui n’est pas contesté par la requérante. Par conséquent, l’existence de ce produit IPTV de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia n’aurait pu aboutir à une augmentation de part de marché à même de causer des effets préjudiciables significatifs sur le marché SDU.
231 Par ailleurs, il convient également de constater qu’il ressort de la première phrase du considérant 873 de la décision attaquée, divulguée par la Commission conformément à l’ordonnance du 30 mars 2023, que la Commission a observé que le nombre d’abonnés à l’IPTV de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia avait diminué au cours des deux années qui avaient précédé l’opération et de la première phrase du considérant 874 de la décision attaquée, divulguée par la Commission conformément à l’ordonnance du 30 mars 2023, que Vodafone a cessé de vendre ce produit IPTV à des nouveaux clients en mars 2019, ce que la requérante ne remet pas en cause.
232 Par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en considérant que le produit IPTV de Vodafone n’exerçait pas une contrainte concurrentielle sur Unitymedia, ce qui permet d’écarter le second grief de la requérante.
233 Il résulte de ce qui précède que la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que la concentration n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective sur le marché SDU, avec pour conséquence que le deuxième moyen doit être rejeté.
D. Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation des articles 2 et 8 du règlement no 139/2004 dans la délimitation du marché et dans l’appréciation des effets en ce qui concerne la concurrence de la concentration sur le marché des offres multiservices, en particulier des offres CFM
234 À l’appui de son troisième moyen, la requérante fait valoir que le constat de la Commission selon lequel les offres CFM étaient encore peu répandues en Allemagne préalablement à la concentration procède d’erreurs manifestes dans l’appréciation des faits sous-jacents, lesquelles ont à leur tour donné lieu à des erreurs manifestes, tant dans la délimitation du marché que dans l’appréciation des effets de l’opération en ce qui concerne la concurrence.
1. Considérations liminaires
235 À la section VII.6 de la décision attaquée, la Commission a examiné la fourniture au détail d’offres multiservices. Dans ce cadre, elle a commencé par définir le terme « multiple play » comme tout produit comprenant deux ou plusieurs des services suivants qui sont offerts aux consommateurs sur le fondement d’un ou de plusieurs contrats par le même fournisseur : des services de télécommunications mobiles, des services de téléphonie fixe, des services d’accès à Internet et des services de télévision. Elle a également précisé que les offres multiservices comprenant deux, trois ou quatre de ces services étaient dénommées respectivement double, triple ou quadruple services (2P, 3P et 4P) (voir considérant 146 de la décision attaquée).
236 La Commission a ensuite examiné la situation de ces offres multiservices dans les différents États membres dans lesquels étaient actives les parties à la concentration. En ce qui concerne l’Allemagne, la Commission a expliqué, au considérant 149, sous b), de la décision attaquée, que les offres groupées, en particulier les offres CFM, en étaient à leurs débuts et qu’il ressortait des données de la Bundesnetzagentur (Agence fédérale des réseaux, Allemagne, ci-après la « BNetzA ») que la seule offre groupée pertinente était celle incluant des services de téléphonie fixe et d’accès à Internet, avec environ 23,2 millions de clients en 2017, ce qui correspondait respectivement à 60 % des clients de téléphonie fixe et à 70 % des clients Internet, alors que les offres CFM, lancées tardivement en Allemagne (en 2014), ne concernaient en 2017 que 3,5 millions (ou 8,4 %) de ménages, selon des rapports établis par des tiers, soit 10,8 % des clients Internet ou 5,4 % des clients de téléphonie mobile. La Commission a ajouté que plusieurs concurrents des parties à la concentration avaient confirmé, lors de l’enquête de marché, le taux de pénétration très faible des offres CFM en Allemagne. Finalement, la Commission a indiqué que, selon plusieurs études, en l’absence de la concentration, ce taux de pénétration des offres CFM resterait relativement faible, à savoir 21 % des ménages en 2022, soit 24,3 % des clients Internet et 16 % des clients de téléphonie mobile, étant donné que les consommateurs allemands continueraient d’acheter ces produits séparément.
237 En ce qui concerne la délimitation du marché de produits en cause, la Commission a expliqué que les résultats de l’enquête de marché ne lui avaient pas permis de conclure, avec le degré de certitude requis, qu’il existait un marché distinct des offres multiservices, que ce soit en Allemagne ou dans les autres États membres concernés par l’opération (voir considérant 152 de la décision attaquée). En ce qui concerne plus particulièrement l’Allemagne, la Commission a indiqué qu’il était ressorti de l’enquête de marché que la majorité des consommateurs s’attendaient toujours à ce que ces services soient offerts de manière autonome et qu’ils comparaient les prix des offres multiservices avec les offres portant sur les différents services individuels. En outre, la Commission a relevé que, parmi les personnes ayant répondu à l’enquête de marché qui plaidaient en faveur de l’existence d’un marché distinct des offres multiservices, les opinions divergeaient quant aux services à y inclure (2P, 3P ou 4P) (voir considérant 155 de la décision attaquée).
238 Par conséquent, la Commission a décidé, comme elle l’avait déjà fait dans plusieurs décisions antérieures portant sur des concentrations dans le secteur des télécommunications, de laisser ouverte la question de savoir s’il existait un ou plusieurs marchés des offres multiservices, distincts des services individuels de télécommunications sous-jacents, ajoutant que, en tout état de cause, la concentration ne donnerait lieu à aucune ESCE, sauf sur le marché des offres groupées 2P (voir considérant 161 de la décision attaquée).
239 Toutefois, eu égard aux plaintes reçues dans le cadre de l’enquête de marché, la Commission a indiqué, aux considérants 159 et 160 de la décision attaquée, qu’elle examinerait si la concentration pouvait donner lieu à des effets horizontaux non coordonnés similaires à ceux constatés sur le marché de l’accès fixe à Internet, sur les différents marchés des offres multiservices possibles, à savoir le marché de la fourniture au détail d’offres groupées 2P comprenant des services de téléphonie fixe et des services d’accès fixe à Internet (ce qu’elle a fait à la section VIII.2.7 de la décision attaquée), le marché de la fourniture au détail d’offres groupées 3P comprenant des services de téléphonie fixe, des services d’accès fixe à Internet et des services de télécommunications mobiles (ce qu’elle a fait à la section VIII.2.8 de la décision attaquée), le marché de la fourniture au détail d’offres groupées 3P comprenant des services de téléphonie fixe, des services d’accès fixe à Internet et des services de télévision (ce qu’elle a fait à la section VIII.2.9 de la décision attaquée), et le marché de la fourniture au détail d’offres groupées 4P (ce qu’elle a fait à la section VIII.2.10 de la décision attaquée). Au terme de son analyse, la Commission a conclu que la concentration ne donnerait pas lieu à des effets horizontaux non coordonnés sur ces différents marchés hypothétiques, à l’exception du marché des offres groupées 2P, à l’égard duquel elle a constaté l’existence d’effets anticoncurrentiels similaires à ceux constatés sur le marché de l’accès fixe à Internet.
240 La Commission a également vérifié, à la section VIII.3.3 de la décision attaquée, que la concentration ne donnerait pas lieu à des effets horizontaux coordonnés sur ces marchés et, à la section VIII.5 de ladite décision, à des effets de conglomérat.
241 Au soutien du troisième moyen, la requérante soulève trois branches, tirées, la première, d’erreurs manifestes d’appréciation dans la détermination des faits relatifs aux offres multiservices, la deuxième, d’erreurs manifestes d’appréciation dans la délimitation du marché et, la troisième, d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation des effets concurrentiels.
2. Sur la première branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation dans la détermination des faits relatifs aux offres multiservices
242 En premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas pris en considération plusieurs éléments lors de son appréciation du taux de pénétration des offres CFM en Allemagne, ce qui l’a conduit à parvenir à une conclusion manifestement erronée à cet égard.
243 Premièrement, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que les bouquets de services CFM auraient résulté souvent de la combinaison de plusieurs contrats. Selon la requérante, il ressort de la note en bas de page no 1060 de la décision attaquée que, malgré des indications fournies en sens contraire par des participants à l’enquête de marché, la Commission a uniquement calculé le taux de pénétration des offres CFM vendues dans le cadre d’un contrat unique, mais pas au travers de contrats distincts. Or, il ressortirait du rapport annuel relatif à l’année 2017 de la BNetzA que ces « programmes de remises » auraient dû également être considérés comme des offres groupées.
244 Deuxièmement, la Commission aurait également omis de tenir compte du fait que les offres CFM auraient été souvent définies sur le marché comme des offres 2P, à savoir la combinaison de services de télécommunications fixes (considérés comme un seul service) et de services de télécommunications mobiles (considérés comme un seul autre service), ce qui serait ressorti également du rapport annuel relatif à l’année 2017 de la BNetzA. Par ailleurs, il n’y aurait plus eu, sur le marché, de différenciation entre les services de télécommunications fixes et les services d’accès fixe à Internet, avec pour conséquence que l’accès fixe à Internet aurait souvent été considéré comme une offre monoservice alors même qu’il aurait inclus le téléphone fixe. Les offres 2P auraient correspondu alors en fait à des offres 3P et les offres 3P à des offres 4P, ce qui aurait faussé les chiffres relatifs à la pénétration des offres groupées en Allemagne. La Commission aurait, au considérant 1557 de la décision attaquée, constaté que Deutsche Telekom et Vodafone auraient fait passer 20 % de leurs abonnés à une offre CFM en 2017, sans vérifier quelle définition de l’offre CFM avait été utilisée à cet égard.
245 En second lieu, la requérante fait valoir que la Commission a également omis de tenir compte de plusieurs autres éléments factuels, ce qui l’a conduite à conclure, de manière erronée, d’une part, que la concentration favoriserait la pénétration des offres CFM sans la modifier radicalement au détriment de l’ensemble des fournisseurs (aux considérants 1557 et 2001 à 2005 de la décision attaquée) et, d’autre part, que l’entité issue de la concentration ne serait pas capable d’évincer ses concurrents en ce qui concernait les offres CFM et les marchés voisins (aux considérants 1558 et suivants de la décision attaquée).
246 Premièrement, la Commission n’aurait pas tenu compte de la stratégie claire de Vodafone de créer, aux côtés de Deutsche Telekom, un duopole en Allemagne sur le marché des offres CFM, ce qui serait ressorti du communiqué de presse publié par cet opérateur le 9 mai 2018, soit le jour de la notification de la concentration, et d’un article rédigé par des experts du marché.
247 Deuxièmement, la Commission a, selon la requérante, apprécié de manière manifestement erronée l’évolution des offres CFM en Allemagne et n’a pas effectué de prévisions relatives à l’évolution de ces offres postérieurement à la concentration. Les prévisions reprises au considérant 149, sous b), de la décision attaquée, selon lesquelles, en l’absence de la concentration, 24,3 % des abonnés au réseau fixe à haut débit (21 % de tous les foyers et 16 % de tous les contrats de téléphonie mobile) en Allemagne achèteraient un produit CFM auraient révélé une très forte dynamique de développement, ce qui contredirait la conclusion inverse à laquelle serait parvenue la Commission au considérant 1557 de la décision attaquée. L’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) aurait d’ailleurs reconnu que le marché des services de télécommunications se serait caractérisé par une convergence croissante et aurait constaté que le taux de pénétration des offres CFM aurait été, en moyenne, de 34,9 % des foyers européens en 2017 et qu’il aurait augmenté chaque année.
248 Or, si la Commission avait tenu compte de ces éléments, elle serait, selon la requérante, parvenue à la conclusion que Vodafone, Telefónica et Deutsche Telekom représentaient 80 % du chiffre d’affaires pour les services de télécommunications mobiles en Allemagne, suivis par Freenet, avec une part de marché de 12,4 %, et 1 & 1 Drillisch, avec une part de marché de 7,9 %, les autres opérateurs, dont la requérante et Unitymedia, se partageant les 2,9 % restants ; que la concentration aurait pour effet d’évincer Unitymedia, avec pour conséquence de diminuer encore la part de marché minime détenue par les petits opérateurs ; que cette opération permettrait à Vodafone de réaliser des économies d’échelle, d’opérer des ventes croisées et de proposer des offres CFM à une clientèle considérablement accrue, ce qu’elle aurait commencé à faire quelques semaines à peine après la réalisation de la concentration ; que les anciens clients de Unitymedia pourraient bénéficier d’offres CFM comprenant un volume de données supplémentaires, proposées par Vodafone à des prix très avantageux, que la requérante ne pourrait pas quant à elle offrir de manière rentable.
249 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.
250 À cet égard, en ce qui concerne, en premier lieu, le grief de la requérante selon lequel la Commission n’aurait pas pris en considération plusieurs éléments lors de son appréciation du taux de pénétration des offres CFM en Allemagne, il convient de procéder aux appréciations qui suivent.
251 S’agissant, premièrement, de l’allégation selon laquelle la Commission aurait uniquement calculé le taux de pénétration des offres CFM vendues dans le cadre d’un contrat unique, mais pas au travers de contrats distincts, il y a lieu de relever qu’il ressort du considérant 146 de la décision attaquée que le terme « multiple play » est défini comme tout produit comprenant deux ou plusieurs des services suivants qui sont offerts aux consommateurs sur le fondement d’un ou de plusieurs contrats par le même fournisseur. Il en découle que, dans le cadre de son évaluation du taux de pénétration des offres CFM en Allemagne, la Commission a bien tenu compte des services de télécommunications proposés sur le fondement d’un ou de plusieurs contrats par le même fournisseur, ce qui permet d’écarter cet argument de la requérante. Par ailleurs, il y a lieu d’ajouter que, dans la note en bas de page no 1060 de la décision attaquée, la Commission a simplement relevé qu’un participant à l’enquête de marché, EWE Tel, tout en reconnaissant que le taux de pénétration des offres CFM était hétérogène, avait indiqué que ce taux était, selon lui, sous-évalué, étant donné que dans de nombreux cas les contrats portant sur les services fixes et sur les services mobiles étaient distincts, ce qui ne permet pas de démontrer que la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que les offres CFM pouvaient être offertes sur le fondement de plusieurs contrats distincts.
252 En tout état de cause, il ressort du considérant 149, sous b), de la décision attaquée que, pour conclure que le taux de pénétration des offres CFM était faible en Allemagne, la Commission s’est fondée sur une série d’éléments, non contestés par la requérante, dont le fait que, selon la BNetzA, la seule offre groupée pertinente était celle incluant des services de téléphonie fixe et d’accès fixe à Internet ; le fait que les offres CFM n’en étaient qu’à leurs débuts en 2017 et ne concernaient que 3,5 millions (ou 8,4 %) de ménages, soit 10,8 % des clients Internet ou 5,4 % des clients de téléphonie mobile, et le fait que plusieurs concurrents des parties à la concentration avaient confirmé, lors de l’enquête de marché, le taux de pénétration très faible des offres CFM en Allemagne.
253 S’agissant, deuxièmement, de l’allégation selon laquelle les offres CFM seraient souvent définies sur le marché comme des offres 2P, selon laquelle l’accès fixe à Internet serait souvent considéré comme une offre monoservice alors même qu’il inclurait le téléphone fixe et selon laquelle les offres 2P correspondraient alors en fait à des offres 3P et les offres 3P à des offres 4P, il y a lieu de relever qu’il ressort du considérant 146 de la décision attaquée que la Commission a clairement défini les termes « double service », « triple service » et « quadruple service », ainsi que cela ressort du point 235 ci-dessus. Par ailleurs, il y a lieu de relever que, au considérant 147 de la décision attaquée, la Commission a expliqué que les services de téléphonie fixe, les services de télévision et les services d’accès fixe à Internet étaient des services fixes, puisqu’ils étaient fournis sur le fondement d’un réseau fixe et que les offres multiservices comprenant une combinaison de deux ou de plusieurs de ces services fixes sans composant mobile étaient désignées comme des offres-produits multiservices fixes, alors que les offres multiservices comprenant un ou plusieurs de ces services fixes en combinaison avec un composant mobile étaient désignées comme des offres CFM, tout en précisant que ces offres pouvaient impliquer un ou plusieurs abonnements de téléphonie mobile, combinés aux services fixes.
254 En outre, comme le fait valoir la Commission, elle a indiqué, dans les parties correspondantes de la décision attaquée, quels étaient les services concernés par son analyse et, en ce qui concerne le considérant 1557 de la décision attaquée, elle n’y a fait que répondre à un argument avancé par un tiers, en rappelant que ce tiers avait lui-même fait valoir que seuls 20 % des clients de Deutsche Telekom et de Vodafone étaient déjà passés à une offre CFM en 2017, avec pour conséquence qu’il ne pourrait lui être reproché de ne pas s’être intéressée davantage, dans le cadre de cette réfutation, à la définition précise que ce tiers donnait au concept d’« offre CFM ».
255 En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que, pour conclure que le taux de pénétration des offres CFM était faible en Allemagne, la Commission s’est fondée sur une série d’éléments, non contestés par la requérante, ainsi que cela ressort du point 252 ci-dessus.
256 Le premier grief de la requérante doit, par conséquent, être écarté.
257 En ce qui concerne, en second lieu, l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait omis de tenir compte de plusieurs autres éléments factuels, ce qui l’aurait conduite à erronément conclure que la concentration favoriserait la pénétration des offres CFM sans modifier radicalement la situation concurrentielle au détriment de l’ensemble des fournisseurs et que l’entité issue de la concentration ne serait pas capable d’évincer ses concurrents en ce qui concerne les offres CFM sur les marchés voisins, il convient de procéder aux appréciations qui suivent.
258 À titre liminaire, il y a lieu d’observer, tout d’abord, que les constatations de la Commission contestées par la requérante dans le cadre de ce grief se rapportent à la partie de la décision attaquée contenant une analyse des effets de conglomérat éventuels de la concentration, à savoir la section VIII.5 de ladite décision.
259 À cet égard, il convient de relever qu’il ressort du paragraphe 91 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2008, C 265, p. 6, ci-après les « lignes directrices sur les concentrations non horizontales ») que les concentrations conglomérales sont des concentrations entre entreprises entretenant des relations qui ne sont ni purement horizontales (les relations entre concurrents opérant sur le même marché en cause) ni verticales (les relations entre fournisseurs et clients). Par ailleurs, le paragraphe 93 de ces lignes directrices précise que le principal motif de préoccupation lié aux concentrations conglomérales concerne le verrouillage du marché, étant donné que la combinaison de produits sur des marchés liés peut conférer à l’entité issue de la concentration la capacité et la motivation d’exploiter, par un effet de levier, la forte position qu’elle occupe sur un marché en recourant à des ventes liées ou groupées ou encore à d’autres pratiques d’exclusion.
260 Au paragraphe 94 des lignes directrices sur les concentrations non horizontales, la Commission explique par ailleurs que, lors de l’évaluation de la probabilité d’un scénario de verrouillage du marché résultant d’une concentration conglomérale, elle examine, premièrement, si l’entité issue de la concentration aurait la capacité d’évincer ses concurrents, deuxièmement, si elle aurait un intérêt économique à le faire et, troisièmement, si une stratégie de verrouillage du marché aurait une incidence négative significative sur la concurrence, portant ainsi préjudice aux consommateurs.
261 Enfin, comme l’indique la Commission au considérant 1521 de la décision attaquée, sans être contredite à cet égard par la requérante, ces trois conditions sont cumulatives, de sorte que l’absence de l’une d’elles est suffisante pour exclure le risque de verrouillage du marché résultant d’une concentration conglomérale (voir, par analogie, en ce qui concerne les mêmes conditions prévues au paragraphe 32 des lignes directrices sur les concentrations non horizontales portant sur le risque de verrouillage des intrants, arrêts du 23 mai 2019, KPN/Commission, T 370/17, EU:T:2019:354, points 118 et 119, et du 27 janvier 2021, KPN/Commission, T 691/18, non publié, EU:T:2021:43, points 111 et 112).
262 En l’espèce, à la section VIII.5 de la décision attaquée, étant donné que la concentration pouvait accroître la possibilité pour les parties de combiner des services proches sur différents marchés dans le secteur des télécommunications et, plus particulièrement, pouvait permettre à l’entité issue de la concentration de proposer des services CFM sur sa propre infrastructure à l’échelon national, la Commission a vérifié si l’opération déboucherait sur des effets de conglomérat, en donnant à cette entité la possibilité d’évincer ses concurrents sur les marchés de détail des services de télécommunications mobiles, des services de télécommunications fixes, de l’accès fixe à Internet et des services de télévision (voir considérants 1519, 1520 et 1531 de la décision attaquée).
263 Dans le cadre de cette analyse, il ressort du considérant 1521 de la décision attaquée que la Commission a appliqué le test prévu au paragraphe 94 des lignes directrices sur les concentrations non horizontales et a, premièrement, aux considérants 1539 à 1559 de ladite décision, examiné si l’entité issue de la concentration aurait la capacité d’évincer ses concurrents, deuxièmement, aux considérants 1560 à 1566 de la décision attaquée, vérifié si cette entité aurait un intérêt économique à le faire et, troisièmement, aux considérants 1567 à 1572 de la même décision, examiné si une stratégie de verrouillage du marché aurait une incidence négative significative sur la concurrence, portant ainsi préjudice aux consommateurs.
264 En ce qui concerne la première condition, la Commission a considéré, aux considérants 1558 et 1559 de la décision attaquée, que, étant donné que les services de télécommunications, en particulier les services de télécommunications mobiles, étaient encore principalement commercialisés de manière autonome en Allemagne, l’entité issue de la concentration n’aurait pas la capacité d’évincer ses concurrents offrant des services autonomes en proposant des offres multiservices, dont des offres CFM, à des prix réduits par rapport au prix des produits individuels. La Commission en a déduit que l’entité issue de la concentration n’aurait pas la capacité d’évincer ses concurrents sur les marchés adjacents.
265 En ce qui concerne la deuxième condition, la Commission a expliqué, aux considérants 1560 à 1566 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle était d’avis que l’entité issue de la concentration n’aurait pas d’intérêt à évincer ses concurrents sur les marchés adjacents, notamment en augmentant le prix des produits vendus de manière autonome ou en réduisant le prix de ses offres multiservices. La Commission a également ajouté, dans ce cadre, qu’une réduction du prix des offres multiservices serait en tout cas bénéfique pour les consommateurs.
266 En ce qui concerne la troisième condition, la Commission a examiné si la mise en place d’une stratégie de verrouillage du marché aurait une incidence négative significative sur les opérateurs de téléphonie mobile uniquement (voir considérant 1568 de la décision attaquée), sur les opérateurs de services de télécommunications fixes uniquement (voir considérant 1569 de la décision attaquée) et estimé que tel ne serait pas le cas. En effet, bien que la concentration pourrait avoir pour effet d’accélérer l’émergence d’un marché des offres multiservices, la Commission a estimé que cela n’affecterait pas la capacité des concurrents offrant ces services de manière autonome d’être concurrentiels vis-à-vis des consommateurs et que cela pourrait stimuler la concurrence, en ce qui concerne les offres CFM, entre l’entité issue de la concentration et l’opérateur historique, Deutsche Telekom (voir considérant 1570 de la décision attaquée).
267 La Commission en a déduit que la concentration ne donnerait pas lieu à une ESCE en raison d’effets de conglomérat en Allemagne (voir considérant 1573 de la décision attaquée).
268 S’agissant du second grief de la requérante, mentionné au point 257 ci-dessus, tiré de la non-prise en compte par la Commission de certains éléments factuels, celui-ci vise, d’une part, le constat de la Commission, formulé au considérant 1557 de la décision attaquée, selon lequel la concentration favoriserait la pénétration des offres CFM sans modifier radicalement la situation concurrentielle au détriment de l’ensemble des fournisseurs et, d’autre part, la conclusion de la Commission, formulée aux considérants 1558 et suivants de la décision attaquée, selon laquelle l’entité issue de la concentration ne serait pas capable d’évincer ses concurrents en ce qui concernait les offres CFM et sur les marchés adjacents.
269 À cet égard, force est de constater que ce grief vise uniquement l’examen mené par la Commission de la première des conditions prévues au paragraphe 94 des lignes directrices sur les concentrations non horizontales, à savoir celle portant sur la question de savoir si l’entité issue de la concentration aurait la capacité d’évincer ses concurrents. Il s’ensuit que la requérante n’a pas contesté les constations effectuées par la Commission dans le cadre de l’examen des deux autres conditions, à savoir celles portant sur l’intérêt de l’entité issue de la concentration à évincer ses concurrents et sur l’incidence négative significative sur la concurrence, portant ainsi préjudice aux consommateurs, de la mise en place d’une telle stratégie de verrouillage.
270 Or, il convient de rappeler que ces trois conditions sont cumulatives, ainsi que cela ressort du point 261 ci-dessus et de la jurisprudence qui y est citée.
271 Il s’ensuit que le grief invoqué en second lieu par la requérante doit être écarté comme inopérant. En effet, même si ce grief devait prospérer, c’est-à-dire même dans l’hypothèse où la requérante serait parvenue à démontrer que l’entité issue de la concentration aurait la capacité d’évincer ses concurrents sur les marchés adjacents, encore aurait-il fallu, aux fins de remettre en question la conclusion à laquelle est parvenue la Commission sur l’absence d’ESCE en raison d’effets de conglomérat résultant de la concentration en Allemagne, que la requérante démontrât en outre que cette entité aurait également intérêt à le faire et qu’une telle stratégie aurait une incidence négative significative sur la concurrence, portant ainsi préjudice aux consommateurs, ce qu’elle ne tente pas de faire en l’espèce.
272 En tout état de cause, aucun des éléments avancés par la requérante à l’appui de ce grief ne permet de remettre en question l’analyse effectuée par la Commission à la section VIII.5 de la décision attaquée.
273 S’agissant plus particulièrement du communiqué de presse du 9 mai 2018, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, celui-ci ne reflète pas une stratégie claire de Vodafone de créer un duopole sur le marché des offres CFM aux côtés de Deutsche Telekom. En effet, il ressort simplement de ce document que Vodafone a l’intention de renforcer « sa position d’acteur européen de premier plan sur le marché des réseaux fixes en fournissant aux consommateurs et aux entreprises des services convergents », ce qui implique seulement, ainsi que le fait valoir la Commission, que Vodafone avait l’intention de concurrencer Deutsche Telekom, ce qui est dans l’intérêt des consommateurs et représente dès lors un effet positif de la concentration.
274 S’agissant de l’évolution des offres CFM appréciée, selon la requérante, de manière erronée par la Commission, il convient de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, les prévisions reprises au considérant 149, sous b), de la décision attaquée, selon lesquelles, en l’absence de la concentration, le taux de pénétration prévisible des offres CFM serait de 24,3 % des clients Internet, soit 21 % de l’ensemble des ménages ou 16 % des clients de téléphonie mobile, ne révèlent pas une forte dynamique de développement. En tout cas, la requérante n’étaye nullement son allégation selon laquelle ces chiffres montreraient la forte dynamique de développement du secteur des offres CFM en Allemagne.
275 S’agissant du taux de pénétration des offres CFM constaté par l’ORECE, il y a lieu de relever que ces données se réfèrent à l’ensemble des États membres en général et, partant, pas spécifiquement à l’Allemagne, avec pour conséquence que ces données ne sont pas pertinentes en l’espèce.
276 S’agissant des conclusions auxquelles aurait dû parvenir la Commission, selon la requérante, force est de constater que les parts de marché présentées par la requérante et relatives aux services de télécommunications mobiles correspondent à celles constatées par la Commission dans la section VIII.C.2.3.2 de la décision attaquée. Par ailleurs, la requérante ne démontre nullement en quoi le fait que Vodafone pourrait, à l’issue de la concentration, réaliser des économies d’échelle, opérer des ventes croisées et proposer des offres CFM à une clientèle considérablement accrue pourrait donner lieu à une ESCE résultant d’effets de conglomérat, et en quoi ces éléments seraient propres à la concentration. Enfin, la requérante ne démontre pas non plus en quoi le fait que les anciens clients de Unitymedia pourraient bénéficier d’offres CFM, comprenant un volume de données supplémentaire, proposées par Vodafone à des prix très avantageux pourrait donner lieu à une ESCE résultant d’effets de conglomérat.
277 Il découle de ce qui précède que la première branche du troisième moyen doit être écartée.
3. Sur la deuxième branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation dans la délimitation du marché
278 À l’appui de la deuxième branche du présent moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir laissé ouverte la question de savoir s’il existait un ou plusieurs marchés pour les offres multiservices.
279 En premier lieu, la requérante fait valoir que, en appréciant les effets de la concentration, tout en laissant ouverte cette question de la définition exacte du marché de produits en cause, la Commission a contourné l’obligation qui lui incombe d’examiner les effets horizontaux et verticaux de cette opération et a concentré de manière erronée son examen sur les effets de conglomérat. Or, lorsqu’elle procèderait au contrôle de concentrations conglomérales, la Commission se limiterait à vérifier la capacité de l’entité issue de la concentration d’évincer ses concurrents et l’incitation à le faire.
280 En second lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir défini un marché indépendant pour l’offre au détail d’un accès aux réseaux téléphoniques publics en position déterminée, soit un marché en forte baisse, qui n’existait quasiment plus, tout en niant que l’offre multiservices, notamment les offres CFM, en très forte croissance, constituait un marché à part entière, ce qui est contradictoire.
281 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.
282 À cet égard, il convient de relever que la Commission est en droit de laisser la délimitation d’un ou de plusieurs marchés en suspens lorsqu’elle est en mesure de démontrer que, quelle que soit la délimitation possible du marché, son appréciation afférente à l’existence ou non d’une ESCE demeurerait inchangée (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2003, Verband der freien Rohrwerke e.a./Commission, T 374/00, EU:T:2003:188, points 107 à 110). Une telle possibilité est également subordonnée à la condition que la Commission explique, même de manière succincte, les raisons pour lesquelles son appréciation demeurerait inchangée sur chacun des marchés possibles, afin de permettre aux intéressés de connaître les justifications de cette position et au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur l’appréciation de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2017, KPN/Commission, T 394/15, non publié, EU:T:2017:756, point 59).
283 En l’espèce, il y a lieu de constater que, aux considérants 155 à 161 de la décision attaquée, la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles elle avait décidé de laisser ouverte la question de savoir s’il existait un ou plusieurs marchés des offres multiservices, distincts des services individuels de télécommunications sous-jacents, ajoutant que, en tout état de cause, la concentration ne donnerait lieu à aucune ESCE, sauf sur le marché des offres groupées 2P (voir points 237 et 238 ci-dessus).
284 En premier lieu, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait contourné son obligation d’apprécier les effets horizontaux et verticaux de cette opération et aurait concentré de manière erronée son examen sur les effets de conglomérat, force est de constater qu’il ressort de la décision attaquée que tel n’a pas été le cas et que la Commission a examiné si l’opération entraînerait une ESCE en tenant compte de l’ensemble des définitions possibles des marchés des offres multiservices.
285 En effet, aux considérants 957 à 962 de la décision attaquée, la Commission a apprécié les effets horizontaux non coordonnés de l’opération pour la fourniture au détail d’offres groupées « double service » (dual play) incluant des services de téléphonie fixe et des services d’accès fixe à Internet en Allemagne. Aux considérants 963 à 974 de cette décision, elle a examiné l’existence de tels effets pour la fourniture au détail d’offres groupées « triple service » (triple play) incluant des services de téléphonie fixe, des services d’accès fixe à Internet et des services de télécommunication mobile en Allemagne. Aux considérants 975 à 989 de ladite décision, elle a analysé lesdits effets pour la fourniture au détail d’offres groupées « triple service » incluant des services de téléphonie fixe, des services d’accès fixe à Internet et des services de télévision en Allemagne. Enfin, aux considérants 963 à 974 de cette même décision, elle a traité les effets horizontaux non coordonnés pour la fourniture au détail d’offres groupées « quadruple service » (quadruple play).
286 Aux considérants 1418 à 1426 de la décision attaquée, la Commission a apprécié les effets horizontaux coordonnés de l’opération sur les marchés de détail possibles pour les offres groupées « triple service » (comprenant les services de téléphonie fixe, les services d’accès fixe à Internet et les services de télécommunications mobiles) et « quadruple service », en raison d’effets coordonnés horizontaux en Allemagne.
287 Aux considérants 1427 à 1466 de la décision attaquée, la Commission a apprécié les effets anticoncurrentiels verticaux probables non coordonnés de l’opération, notamment en ce qui concerne la relation verticale entre, d’une part, le marché en amont de la fourniture en gros de services d’accès et de départ d’appels sur les réseaux mobiles et, d’autre part, le marché en aval de la fourniture au détail de services de télécommunications mobiles et d’offres multiservices comprenant à la fois un élément fixe et un élément mobile.
288 Il en découle que la requérante n’est pas fondée à soutenir, d’une part, que la Commission aurait contourné l’obligation qui lui incombait d’apprécier les effets horizontaux et verticaux de la concentration sur les marchés en cause et, d’autre part, que l’ensemble de l’examen de ces marchés prétendument inexistants aurait été déplacé à tort vers l’appréciation des effets de conglomérat, ce qui permet d’écarter ce premier grief de la requérante.
289 En second lieu, la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission d’avoir défini un marché distinct du service unique de l’accès aux réseaux téléphoniques publics en position déterminée, tout en refusant de définir un marché distinct des offres multiservices, pourtant en très forte croissance selon elle.
290 En effet, il convient de rappeler, d’une part, que, aux considérants 155 à 161 de la décision attaquée, la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles elle avait décidé de laisser ouverte la question de savoir s’il existait un ou plusieurs marchés des offres multiservices, distincts des services individuels de télécommunications sous-jacents (voir points 237 et 238 ci-dessus) et, d’autre part, qu’il ressort notamment du considérant 149, sous b), de la décision attaquée que le taux de pénétration des offres multiservices était limité en Allemagne au moment de la concentration.
291 Par ailleurs, il y a lieu de souligner que la circonstance que la Commission ait laissé la délimitation du ou des marchés des offres multiservices en suspens ne signifie pas que la Commission a nié l’existence d’un marché d’offres CFM. En effet, une telle circonstance signifie simplement que la Commission n’a pas estimé nécessaire de délimiter précisément le marché compte tenu de l’impératif de célérité et des brefs délais de procédure en matière de contrôle des concentrations, de l’absence de réponse claire apportée par l’enquête de marché et de la possibilité qui lui était offerte de démontrer l’absence d’ESCE sur chaque marché envisageable des offres groupées.
292 Finalement, la requérante ne démontre pas qu’une éventuelle erreur, commise par la Commission, lorsqu’elle a décidé dans la décision attaquée de délimiter un marché qui n’existait plus selon elle, serait susceptible d’affecter la légalité de ladite décision, avec pour conséquence que cet argument doit, en tout état de cause, être écarté comme non fondé.
293 Il découle de ce qui précède que la deuxième branche du troisième moyen doit être rejetée.
4. Sur la troisième branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation des effets concurrentiels
294 À l’appui de la troisième branche du présent moyen, la requérante fait valoir que pour les sept raisons suivantes, la Commission aurait dû conclure que la concentration donnait lieu à des effets non coordonnés et, partant, à une ESCE en ce qui concernait les offres CFM.
295 En premier lieu, la requérante affirme qu’il est particulièrement important de protéger, sur le marché des offres CFM, la concurrence provenant des opérateurs non intégrés verticalement et ne disposant pas simultanément de réseaux de télécommunications mobiles et de réseaux fixes.
296 En deuxième et en troisième lieu, la requérante soutient que la disparition de Unitymedia sur le marché des offres groupées CFM entraînerait une concentration indépendamment du nombre de ses clients ainsi qu’une perte d’un important acteur potentiel sur le marché.
297 En quatrième lieu, la requérante fait valoir qu’une réduction de la concurrence sur le marché des offres CFM aux seuls opérateurs de réseaux mobiles verticalement intégrés provoquerait un affaiblissement des opérateurs de télécommunications fixes, tels qu’elle-même.
298 En cinquième lieu, la requérante soutient que les opérateurs de réseaux mobiles pourraient proposer des offres ayant un puissant effet d’attraction, de manière à fidéliser leur clientèle et à verrouiller leurs concurrents.
299 En sixième lieu, la requérante fait valoir que l’accès de gros aux réseaux mobiles des opérateurs de télécommunications fixes serait incertain, puisque les opérateurs de réseaux mobiles n’auraient plus, en ce qui concerne la 5G, qu’une obligation de négocier avec les opérateurs ne disposant pas d’un tel réseau mobile.
300 En septième lieu, la requérante explique que l’engagement WCBA favoriserait Telefónica et durcirait encore davantage les conditions de concurrence pour les opérateurs de télécommunications fixes en ce qui concerne les offres CFM.
301 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.
302 À cet égard, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, en réponse à certaines plaintes reçues dans le cadre de l’enquête de marché, la Commission a examiné si la concentration pouvait donner lieu à des effets horizontaux non coordonnés similaires à ceux constatés sur le marché de l’accès fixe à Internet, sur les différents marchés des offres multiservices possibles, y compris en ce qui concernait les offres CFM.
303 À l’issue de cet examen, la Commission a notamment conclu que l’opération ne donnerait pas lieu à des effets horizontaux non coordonnés en ce qui concernait les offres CFM, à savoir sur l’hypothétique marché de la fourniture au détail d’offres groupées 3P comprenant des services de téléphonie fixe, des services d’accès fixe à Internet et des services de télécommunications mobiles (voir considérants 964 à 974 de la décision attaquée) et sur l’hypothétique marché de la fourniture au détail d’offres groupées 4P (voir considérants 976 à 989 de la décision attaquée), à savoir les deux marchés possibles d’offres multiservices comprenant un ou plusieurs services fixes, en combinaison avec un composant mobile.
304 Pour parvenir à une telle conclusion, la Commission a notamment tenu compte du fait que Unitymedia, eu égard à son nombre limité de clients en matière d’offres CFM, n’était pas un concurrent important, ce que la Commission a expliqué par la position limitée de cet opérateur sur le marché de la fourniture au détail de services de télécommunications mobiles (voir considérants 972 et 999 de la décision attaquée). La Commission a également tenu compte de la nature pro-concurrentielle des offres CFM, lesquelles accordaient généralement des remises ou d’autres bénéfices aux consommateurs par rapport aux conditions qu’ils auraient obtenues en acquérant ces services de manière autonome, avec pour conséquence qu’elle a estimé qu’il était probable que l’opération eût des effets positifs sur la concurrence (voir considérants 973 et 1004 de la décision attaquée).
305 À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Selon une jurisprudence constante, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui (voir arrêt du 25 janvier 2018, BSCA/Commission, T 818/14, EU:T:2018:33, points 94 et 95 et jurisprudence citée).
306 Or, comme le fait valoir la Commission, les allégations de la requérante invoquées à l’appui de la troisième branche du présent moyen sont générales, vagues et nullement étayées et, partant, elles ne permettent pas de remettre en question la conclusion à laquelle est parvenue la Commission dans la décision attaquée, ce qui permet d’écarter cette troisième branche comme étant irrecevable, sur le fondement de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.
307 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.
E. Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation des articles 2 et 8 du règlement no 139/2004, de l’obligation de motivation et de l’obligation de diligence dans l’appréciation de l’engagement WCBA
308 À l’appui de son quatrième moyen, la requérante soutient que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation et a manqué à son obligation de motivation dans le cadre de son appréciation de l’engagement WCBA, accepté en vue de remédier aux problèmes de concurrence constatés sur les marchés de l’accès fixe à Internet et des offres groupées 2P.
1. Considérations liminaires
309 À la section VIII.C.2.2 de la décision attaquée, la Commission a examiné les effets horizontaux non coordonnés de l’opération sur le marché de l’accès fixe à Internet.
310 Après avoir exposé, aux considérants 379 à 394 de la décision attaquée, certaines spécificités du marché de l’accès fixe à Internet, la Commission a examiné, aux considérants 395 à 426 de ladite décision, les parts de marché des parties à la concentration tant au niveau national qu’au niveau de leurs empreintes câblées respectives, ainsi que les niveaux de concentration du marché MDU, avant de conclure, au considérant 427 de la même décision, que la taille et l’évolution des parts de marché des parties fournissaient une première indication de l’importante pression concurrentielle exercée par Vodafone et par Unitymedia l’une sur l’autre, laquelle disparaîtrait en partie à l’issue de la concentration. Elle a précisé que le chevauchement entre les activités de ces deux opérateurs était, sur le marché de l’accès fixe à Internet, strictement limité à l’empreinte câblée de Unitymedia.
311 La Commission a ensuite examiné, aux considérants 428 à 459 de la décision attaquée, les contraintes concurrentielles exercées par les parties. Dans le cadre de cette analyse, se fondant sur les parts de marché de Unitymedia, sa performance sur le marché pour ce qui concernait les principaux paramètres de la concurrence et son infrastructure de réseau et ses investissements pour le développer encore davantage, la Commission a considéré que cet opérateur exerçait une contrainte concurrentielle importante sur le marché de l’accès fixe à Internet (voir considérants 430 à 444). À cet égard, la Commission a relevé que Unitymedia était l’un des trois principaux opérateurs exerçant une concurrence par les infrastructures, aux côtés de Vodafone et de Deutsche Telekom (voir considérant 433). La Commission a également expliqué qu’elle n’avait trouvé aucune preuve suggérant que, en l’absence de la concentration, Unitymedia aurait étendu son réseau dans l’empreinte câblée de Vodafone, avec pour conséquence que cet opérateur n’était pas un concurrent potentiel de Vodafone (voir considérant 442), ou que l’importante contrainte concurrentielle exercée par Unitymedia sur le marché de l’accès fixe à Internet se serait probablement détériorée (voir considérant 444).
312 En ce qui concernait Vodafone, la Commission a également considéré, en se fondant sur ses parts de marché, sa performance sur le marché pour ce qui concerne les principaux paramètres de la concurrence, son infrastructure de réseau et ses investissements pour le développer encore davantage, de même que ses caractéristiques uniques, faisant d’elle un concurrent puissant, notamment par les prix, même lorsqu’elle n’était active sur ce marché qu’au travers de la vente de produits DSL, que cet opérateur exerçait une contrainte concurrentielle importante sur le marché de l’accès fixe à Internet (voir considérants 445 à 459 de la décision attaquée). La Commission a également indiqué qu’elle n’avait découvert aucun élément de preuve suggérant que, en l’absence de la concentration, l’importante contrainte concurrentielle exercée par Vodafone se serait probablement détériorée (voir considérant 459 de la décision attaquée).
313 Aux considérants 460 à 499 de la décision attaquée, la Commission a analysé les contraintes concurrentielles exercées par les parties l’une sur l’autre et a considéré que Vodafone et Unitymedia exerçaient une importante contrainte concurrentielle l’une sur l’autre sur le marché de l’accès fixe à Internet, dans l’empreinte câblée de Unitymedia, même si elles y opéraient sur le fondement de technologies différentes et même si elles n’étaient pas des concurrents proches. La Commission en a déduit que l’élimination de cette importante contrainte concurrentielle en raison de la concentration donnerait probablement lieu à des effets horizontaux non coordonnés sur le marché de l’accès fixe à Internet, à moins d’être contrecarrée par la contrainte concurrentielle exercée par les concurrents restants (voir également considérants 539 à 545).
314 C’est pourquoi, aux considérants 500 à 538 de la décision attaquée, la Commission a examiné les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents, et plus particulièrement par Deutsche Telekom, par United Internet, par Telefónica ainsi que par d’autres acteurs de plus petite taille, y compris la requérante, avant de conclure qu’il était improbable que ces opérateurs ne soient incités à concurrencer l’entité issue de la concentration de manière telle que cela puisse contrecarrer l’élimination de la pression concurrentielle résultant de la concentration dans l’empreinte câblée de Unitymedia.
315 Se fondant sur plusieurs analyses quantitatives, la Commission a estimé que l’élimination de la concurrence horizontale entre les parties, résultant de la concentration, donnerait probablement lieu à des augmentations de prix significatives sur le marché de l’accès fixe à Internet (voir considérants 546 à 595 de la décision attaquée), qu’il ne fallait pas s’attendre à ce que les effets horizontaux non coordonnés provoqués par l’opération sur ce marché soient compensés par l’entrée d’un nouvel acteur ou par la puissance des acheteurs (voir considérants 596 à 600 de la décision attaquée) ou par des gains d’efficience (voir considérants 601 à 657 de la décision attaquée).
316 Par conséquent, la Commission a conclu que la concentration donnerait lieu à des effets horizontaux anticoncurrentiels non coordonnés et, partant, à une ESCE sur le marché de l’accès fixe à Internet (voir considérant 658 de la décision attaquée). La Commission a, pour cette même raison (voir considérants 960 et 961 de la décision attaquée), considéré que l’opération entraverait également de manière significative une concurrence effective sur le marché des offres groupées 2P, comprenant des services de téléphonie fixe et des services d’accès fixe à Internet (voir considérant 962 de la décision attaquée).
317 En vue d’éliminer cette ESCE constatée sur les marchés de l’accès fixe à Internet et des offres groupées 2P, la Commission a accepté l’engagement WCBA, proposé dans une forme initiale par Vodafone le 6 mai 2019 et dans une version révisée le 11 juin de la même année, aux fins de tenir compte des observations reçues lors de l’enquête de marché, qui prévoyait d’ouvrir l’accès au réseau câblé de l’entité issue de la concentration à un opérateur tiers afin de permettre à celui-ci d’offrir des services d’accès fixe à Internet au détail (et, s’il le souhaitait, des services de téléphonie vocale fixe), de même que ses propres services de télévision OTT ou ceux de tiers, et, partant, de reproduire la contrainte concurrentielle éliminée sur ces marchés en raison de la concentration (voir considérants 1849 à 1859 et 1938 à 1940 de la décision attaquée, où figure une description détaillée de l’engagement WCBA).
318 Dans le cadre de son examen de la version initiale de l’engagement WCBA, la Commission a rappelé, à titre préliminaire, au considérant 1898 de la décision attaquée, que les problèmes de concurrence identifiés sur les marchés de l’accès fixe à Internet et des offres groupées 2P découlaient de l’élimination de la pression concurrentielle exercée par l’activité DSL de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia. Elle a ensuite considéré que l’engagement WCBA, dans sa version initiale, permettrait de reproduire ladite contrainte concurrentielle exercée par Vodafone, mais a estimé que cet engagement pouvait être amélioré à deux égards (voir considérant 1917), ce dont Vodafone a tenu compte et qui a permis à la Commission de conclure, au considérant 1953 de la décision attaquée, que l’engagement WCBA, dans sa version finale, était suffisant pour permettre de remédier aux problèmes de concurrence constatés sur les marchés de l’accès fixe à Internet et des offres groupées 2P.
319 Aux considérants 1974 à 2005 de la décision attaquée, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle considérait que Telefónica, opérateur déjà présent en Allemagne, principalement dans le secteur de la téléphonie mobile, respectait les conditions standards, en termes d’indépendance, de ressources financières et d’absence à première vue de problèmes de concurrence, reprises dans sa communication concernant les mesures correctives recevables conformément aux règlements nos 139/2004 et 802/2004 (JO 2008, C 267, p. 1, ci-après la « communication concernant les mesures correctives »), pour pouvoir être désigné comme bénéficiaire de l’obligation d’accès découlant de l’engagement WCBA.
320 En l’espèce, l’argumentation de la requérante au soutien du présent moyen est divisée en deux branches, tirées, la première, d’erreurs manifestes d’appréciation, en ce que l’engagement WCBA ne suffirait pas à compenser la disparition de contraintes concurrentielles et, la seconde, d’erreurs manifestes d’appréciation ainsi que d’une motivation et d’une instruction déficientes, en ce que l’engagement WCBA engendrerait de nouveaux problèmes de concurrence.
2. Sur la première branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation, en ce que l’engagement WCBA ne suffirait pas à compenser la disparition de contraintes concurrentielles
321 À l’appui de la première branche du présent moyen, la requérante fait valoir, d’une part, que les conclusions de la Commission relatives à la contribution qu’apportait Unitymedia à la concurrence et aux contraintes qu’exerçait cet opérateur antérieurement à la concentration sur les marchés de l’accès fixe à Internet et des offres groupées 2P sont manifestement contradictoires ou, à tout le moins, considérablement déficientes et, d’autre part, que les constatations effectuées par la Commission dans le cadre de son examen du caractère adéquat de l’engagement WCBA sont manifestement erronées.
a) Sur le caractère manifestement contradictoire ou déficient des conclusions de la Commission relatives à la contribution qu’apportait Unitymedia à la concurrence et aux contraintes concurrentielles qu’elle exerçait sur les marchés de l’accès fixe à Internet et des offres groupées 2P
322 Après avoir rappelé que la Commission avait, à juste titre, au considérant 430 de la décision attaquée, constaté que Unitymedia exerçait une importante pression concurrentielle sur le marché de l’accès fixe à Internet, en se fondant sur ses parts de marché, sa performance sur le marché pour ce qui concernait les principaux paramètres de la concurrence et son infrastructure de réseau et ses investissements pour le développer encore davantage, en premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission a, dans le cadre de son examen de l’engagement WCBA, méconnu le fait que la concentration aurait pour effet d’éliminer la concurrence par les infrastructures et l’innovation exercée par Unitymedia.
323 En second lieu, la requérante soutient que, en focalisant son examen de l’engagement WCBA sur la concurrence par les prix qui existait entre Unitymedia et Vodafone et qui serait éliminée en raison de la concentration, la Commission n’a pas tenu compte du fait que, en l’absence de cette opération, cette dernière aurait été contrainte de poursuivre ses efforts d’investissement dans des infrastructures alternatives afin d’éviter de devoir recourir aux prestations de gros de Deutsche Telekom.
324 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.
325 À cet égard, en ce qui concerne, en premier lieu, l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait omis de tenir compte, lors de son appréciation de l’engagement WCBA, du fait que la concentration aurait pour effet d’éliminer la concurrence par les infrastructures et l’innovation exercée par Unitymedia avant l’opération, force est de constater que l’objectif principal dudit engagement est de remédier à la disparition de la pression concurrentielle exercée par l’activité DSL de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia, à savoir le principal problème de concurrence constaté sur les marchés de l’accès fixe à Internet et des offres groupées 2P, comme rappelé par la Commission au considérant 1898 de la décision attaquée.
326 En effet, à la suite de l’opération, l’activité exercée par Unitymedia au moyen de son réseau câblé perdurerait et serait reprise par Vodafone. En revanche, Vodafone prévoyait de mettre fin, dans l’empreinte câblée de Unitymedia, à son activité DSL, qu’elle exerçait sur le fondement d’un accès de gros fourni par Deutsche Telekom (voir, notamment, considérants 566, 604 et 605 de la décision attaquée). Il s’ensuit que c’est l’activité DSL de Vodafone, c’est-à-dire une activité de revente du produit DSL de Deutsche Telekom, qui disparaîtrait postérieurement à l’opération.
327 Il ne pourrait, dès lors, être reproché à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en approuvant l’engagement WCBA, en ce qu’il prévoyait l’entrée d’un opérateur, Telefónica, qui ne serait pas actif en matière d’infrastructures, mais ferait uniquement de la revente, puisqu’il avait principalement pour objectif de compenser la disparition d’un opérateur, Vodafone, dans l’empreinte câblée de Unitymedia.
328 En ce qui concerne, en second lieu, l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission se serait à tort focalisée sur la concurrence par les prix qui existait entre Unitymedia et Vodafone et n’aurait dès lors pas tenu compte du fait que, en l’absence de cette opération, cette dernière aurait été contrainte de poursuivre ses efforts d’investissement dans des infrastructures alternatives, il y a lieu de rappeler que l’engagement WCBA avait pour objectif principal de faire entrer, sur le marché de l’accès fixe à Internet, un opérateur répliquant la pression concurrentielle exercée par l’activité DSL de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia, vouée à disparaître à l’issue de la concentration. Or, étant donné que cette activité consistait en la revente du produit DSL de Deutsche Telekom, force est de constater que Vodafone ne pouvait, au travers de cette activité, qu’exercer une pression concurrentielle par les prix et non une pression concurrentielle fondée sur les infrastructures. Dès lors, il ne pourrait être reproché à la Commission d’avoir centré son examen de l’engagement WCBA sur la concurrence par les prix qui existait entre Unitymedia et Vodafone, ce qui suffit pour écarter cette allégation de la requérante.
329 Il découle de ce qui précède que le premier grief de la requérante invoqué à l’appui de la première branche du présent moyen doit être écarté.
b) Sur le caractère manifestement erroné des constatations effectuées par la Commission dans le cadre de son examen du caractère adéquat de l’engagement WCBA
330 La requérante fait valoir que l’engagement WCBA n’était pas de nature à compenser la perte de la pression concurrentielle exercée par Unitymedia, étant donné que Telefónica ne serait pas capable d’exercer des contraintes concurrentielles comparables à celles qu’exerçait Unitymedia préalablement à la concentration. Par conséquent, selon la requérante, l’engagement WCBA ne pourrait compenser les atteintes à la concurrence constatées. La requérante ajoute que l’engagement WCBA était censé installer Telefónica comme concurrent par les prix de Vodafone à l’échelon national, ce que Telefónica était déjà capable de faire avant même la concentration.
331 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.
332 À cet égard, force est de constater que ce grief de la requérante est fondé sur la prémisse erronée que l’engagement WCBA aurait pour objectif de compenser la perte de la pression concurrentielle exercée par Unitymedia, ou qu’il serait censé installer Telefónica comme concurrent par les prix de Vodafone à l’échelon national.
333 Or, il y a lieu de rappeler que l’engagement WCBA avait plutôt pour objectif principal de remédier à l’élimination, à l’issue de la concentration, de la pression concurrentielle exercée par l’activité DSL de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia, ainsi que cela ressort du considérant 1898 de la décision attaquée, ce qui suffit pour écarter ce grief.
334 En tout état de cause, même s’il était correct que l’engagement WCBA ne permettrait pas à Telefónica de reproduire la pression concurrentielle exercée par Unitymedia préalablement à la concentration, comme le soutient la requérante, cela ne remettrait pas en question la conclusion de la Commission présentée au considérant 1953 de la décision attaquée, selon laquelle l’engagement WCBA, dans sa version finale, était suffisant pour permettre de remédier aux problèmes de concurrence constatés sur les marchés de l’accès fixe à Internet et des offres groupées 2P, découlant principalement de l’élimination de la pression concurrentielle exercée par l’activité DSL de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia (voir considérant 1898), avec pour conséquence que ce grief doit être écarté comme inopérant.
335 Il découle de ce qui précède que le second grief de la requérante doit être écarté, de même que la première branche du présent moyen.
3. Sur la seconde branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation ainsi que d’une motivation et d’une instruction déficientes en ce que l’engagement WCBA engendrerait de nouveaux problèmes de concurrence
336 À l’appui de la seconde branche du présent moyen, la requérante fait valoir que l’examen, par la Commission, de la question de savoir si l’engagement WCBA pourrait lui-même causer des problèmes de concurrence nouveaux et significatifs est, d’une part, insuffisant et entaché d’un défaut de motivation et, d’autre part, manifestement erroné.
a) Sur l’insuffisance de l’examen et de la motivation des effets sur les concurrents actifs sur le marché de l’accès fixe à Internet de la concentration combinée à l’engagement WCBA
337 En premier lieu, la requérante soutient que la Commission n’a pas respecté le point 9 de la communication concernant les mesures correctives, en n’examinant pas si l’engagement WCBA éliminerait entièrement les problèmes de concurrence constatés. La requérante ajoute que la Commission a omis de vérifier que l’engagement WCBA ne provoquerait pas lui-même une ESCE, malgré les doutes exprimés à ce sujet par les acteurs du marché, ce qui constitue un défaut de motivation.
338 En second lieu, la requérante fait valoir que cette insuffisance de l’examen mené par la Commission et de la motivation de la décision attaquée ressort de l’emploi de l’expression « prima facie » par la Commission dans l’intitulé du titre précédant le considérant 1992 de la décision attaquée, qui révèle que la Commission s’est limitée à une analyse sommaire. Selon la requérante, une « évaluation à première vue » n’est ni prévue ni appropriée pour procéder au contrôle de l’adéquation d’un engagement, avec pour conséquence que la Commission a, de ce fait, enfreint le règlement no 139/2004.
339 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.
340 À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de constater, s’agissant de la prétendue absence de vérification que l’engagement WCBA éliminerait entièrement les problèmes de concurrence constatés, que, au considérant 1895 de la décision attaquée, dans la partie de celle-ci dédiée à l’examen des engagements initiaux soumis par Vodafone, il est vrai que la Commission a expliqué que, conformément aux principes du règlement no 139/2004 relatifs à l’acceptabilité des engagements, elle avait évalué si les engagements initiaux étaient appropriés et suffisants pour éliminer les problèmes de concurrence et s’ils étaient susceptibles d’être mis en œuvre efficacement dans un délai court. Ainsi, la Commission n’a pas expressément indiqué que les engagements devaient résoudre entièrement les problèmes de concurrence identifiés.
341 Toutefois, la Commission avait préalablement rappelé, au considérant 1894 de la décision attaquée, que, pour être acceptables, les engagements proposés devaient être capables de rendre une concentration compatible avec le marché intérieur, en ce qu’ils empêchaient la survenance d’une ESCE sur tous les marchés en cause sur lesquels des problèmes de concurrence avaient été identifiés, ajoutant que, en l’espèce, les engagements devaient éliminer les problèmes de concurrence identifiés, notamment sur les marchés de l’accès fixe à Internet et des offres groupées 2P. Il en découle que, dans le cadre de son examen de l’engagement WCBA, la Commission a bien vérifié que celui-ci éliminerait entièrement les problèmes de concurrence constatés, même si elle n’a pas procédé à cette vérification dans une section spécifique, de manière formellement distincte de l’examen de la question de savoir si cet engagement était approprié et suffisant pour éliminer lesdits problèmes et s’il était susceptible d’être mis en œuvre efficacement dans un délai court.
342 Par ailleurs, il y a lieu de constater que, au considérant 1953 de la décision attaquée, dans lequel la Commission expose sa conclusion finale quant à l’engagement WCBA, elle indique que l’étendue et l’efficacité de ce remède sont suffisantes « en vue d’éliminer les problèmes de concurrence » sur les marchés de l’accès fixe à Internet et des offres groupées 2P, ce qui confirme que la Commission a bien procédé à cette vérification.
343 Ensuite, s’agissant du prétendu défaut de motivation commis par la Commission, en ce que cette dernière aurait omis de s’assurer que l’engagement WCBA ne provoquerait pas lui-même une ESCE, il y a lieu de relever qu’il ressort des considérants 1995 à 2005 de la décision attaquée que, en réponse aux craintes exprimées par les acteurs du marché dans le cadre de la consultation portant notamment sur la version initiale de l’engagement WCBA, la Commission a vérifié que cet engagement n’aurait pas des effets négatifs, y compris sur les investissements dans la fibre optique ou sur le marché de détail des offres multiservices, et a exposé de manière détaillée les raisons pour lesquelles elle estimait que tel ne serait pas le cas. Par conséquent, il ne pourrait être reproché à la Commission d’avoir insuffisamment examiné et motivé sa conclusion selon laquelle la concentration, combinée à l’engagement WCBA, ne provoquerait pas d’effets négatifs sur les concurrents actifs sur le marché de l’accès fixe à Internet.
344 En tout état de cause, la requérante n’explique nullement en quoi les explications exposées par la Commission aux considérants 1995 à 2005 de la décision attaquée ne seraient pas suffisamment motivées pour permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au Tribunal d’exercer son contrôle.
345 En second lieu, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle l’utilisation de l’expression « prima facie », dans le titre précédant l’analyse portant sur l’absence de problèmes de concurrence découlant de la mise en œuvre de l’engagement WCBA, serait révélatrice du caractère sommaire de ladite analyse, effectuée par la Commission dans la décision attaquée, force est de constater que cette partie de la décision attaquée, bien que son intitulé se réfère à une analyse « à première vue », contient un examen complet de toutes les objections formulées par les acteurs du marché lors de la consultation portant sur les engagements initialement présentés par Vodafone (voir, plus particulièrement, considérants 1995 à 2005). Par conséquent, l’examen mené par la Commission sur les effets potentiellement négatifs de l’engagement WCBA sur les concurrents ne peut être qualifié de sommaire, ce qui suffit pour écarter cet argument de la requérante.
346 En tout état de cause, ainsi que le fait valoir la Commission dans le cadre de la présente procédure, l’utilisation de l’expression « prima facie » dans l’intitulé de cet examen découle d’une application du point 104 de la communication concernant les mesures correctives, selon lequel « lorsqu’elle cherchera à déterminer si l’acquéreur proposé risque de créer des problèmes de concurrence, la Commission procèdera à une évaluation à première vue à la lumière des informations dont elle dispose dans le cadre du processus d’approbation de l’acquéreur ». S’il est vrai que ce point concerne l’approbation de l’acquéreur et du contrat de vente et d’achat dans le cadre d’un engagement de cession, il convient de constater, d’une part, qu’il ressort du point 129 de cette communication que plusieurs des principes qui concernent l’exécution des engagements de cession peuvent également s’appliquer à d’autres types d’engagement et, d’autre part, que l’examen des risques à la concurrence qui pourraient découler de l’approbation de l’entreprise bénéficiaire d’un engagement qui prévoit un accès à un réseau obéit à une logique similaire à celui qui permet de déterminer si l’acquéreur proposé dans le cadre d’un engagement de cession risque de créer des problèmes de concurrence, avec pour conséquence que la Commission peut effectuer une analyse similaire de ces risques ou de ce risque dans ces deux situations.
347 Il découle de ce qui précède que la requérante ne démontre pas que l’examen effectué par la Commission, dans la décision attaquée, des effets de la concentration combinée à l’engagement WCBA sur les concurrents actifs sur le marché de l’accès fixe à Internet aurait été insuffisant, ou insuffisamment motivé, avec pour conséquence que ce grief doit être écarté.
b) Sur le caractère manifestement erroné de l’appréciation « à première vue » des effets de l’engagement WCBA sur la concurrence
348 En premier lieu, la requérante soutient que l’engagement WCBA, en accordant à Telefónica, un grand câblo-opérateur paneuropéen verticalement intégré, un accès privilégié de gros au réseau câblé de l’entité issue de la concentration, porterait une atteinte grave au marché et renforcerait la structure oligopolistique de celui-ci. En effet, cet engagement aurait, selon la requérante, pour conséquence d’augmenter la pression concurrentielle provenant de Vodafone et de Telefónica sur les câblo-opérateurs de petite et moyenne taille, puisqu’il permettrait à ces deux opérateurs de pratiquer une politique de prix plus agressive, au détriment de ces plus petits concurrents qui, eux, n’avaient accès qu’au réseau de Deutsche Telekom à des conditions moins favorables.
349 Dans la réplique, la requérante ajoute que si le seul problème de concurrence devant être résolu par l’engagement WCBA était la disparition de l’activité de DSL de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia, la Commission, pour ne pas créer une charge « excédentaire » pour les concurrents de petite et moyenne taille, tels qu’elle-même, n’aurait dû accepter qu’un engagement limité à ce territoire.
350 En deuxième lieu, la requérante affirme que l’engagement WCBA aurait des effets dommageables sur les investissements dans les réseaux en fibre optique (FTTH et FTTB). Dans la décision attaquée, la Commission se limiterait à examiner, à cet égard, la situation de Deutsche Telekom, alors que celle-ci ne serait pas transposable à celle des opérateurs régionaux, dont la requérante, puisque son réseau serait déjà amorti, alors que, en ce qui concerne cette dernière, un investissement dans le déploiement de la fibre optique ne pourrait être refinancé que dans l’hypothèse où un accès de gros à ce réseau pourrait être commercialisé à des opérateurs tels que Vodafone et Telefónica. Or, à l’issue de la concentration, ces deux opérateurs n’auraient plus d’intérêt à recourir aux prestations intermédiaires offertes par la requérante. La décision attaquée serait, par ailleurs, entachée d’une contradiction. En effet, s’il était vrai que la requérante et les autres opérateurs locaux auraient intérêt à développer une infrastructure en fibre optique, afin de pouvoir proposer des débits plus élevés que ceux auxquels aurait accès Telefónica en application de l’engagement WCBA et, partant, de convaincre cette dernière de leur acheter des prestations de gros, comme le soutient la Commission, cela démontre, selon la requérante, que cet engagement n’était pas nécessaire pour compenser la perte de pression concurrentielle provoquée par la concentration.
351 En troisième lieu, la requérante fait valoir que l’engagement WCBA renforcerait les structures monopolistiques ou oligopolistiques en ce qui concerne les offres CFM. En effet, pour démontrer le contraire, la Commission se contenterait de répéter que le taux de pénétration des offres multiservices en Allemagne serait limité, ce que la requérante rappelle avoir contesté dans le cadre de ses premier et troisième moyens. Selon la requérante, l’engagement WCBA accorderait un accès privilégié à Telefónica, avec pour conséquence que, à l’issue de la concentration, tant cet opérateur que Deutsche Telekom et Vodafone bénéficieraient d’un accès privilégié à des réseaux fixes dans toute l’Allemagne, ce qui ne serait pas le cas de leurs plus petits concurrents. La requérante ajoute que seul un engagement d’accès au réseau mobile de Vodafone aurait permis d’assurer que des offres CFM puissent également être proposées de manière efficace du point de vue de la concurrence par des entreprises telles qu’elle-même.
352 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.
353 À titre préliminaire, en ce qui concerne l’argument de la requérante, soulevé dans la réplique, tiré de la portée géographique de l’engagement WCBA, la Commission fait valoir qu’il serait irrecevable, au sens de l’article 84 du règlement de procédure, et soutient que la requérante ne démontre pas son intérêt à agir quant à cet argument, lequel concerne un territoire différent de celui sur lequel se situe l’essentiel de son réseau.
354 À cet égard, il y a lieu de relever que lorsque, dans la réplique, la requérante invoque l’étendue géographique trop large et la charge excédentaire pour les concurrents de l’engagement WCBA, elle invoque en réalité le caractère excessif et disproportionné de celui-ci pour remédier au problème de concurrence constaté sur les marchés de l’accès fixe à Internet et des offres groupées 2P.
355 Or, dans la requête, à l’appui de la seconde branche de son quatrième moyen, la requérante invoque, dans un premier temps, une insuffisance d’examen et de motivation, au motif que la Commission n’aurait pas vérifié si les engagements élimineraient entièrement les problèmes de concurrence constatés. Dans un second temps, la requérante fait valoir que Telefónica serait privilégiée par rapport à ses plus petits concurrents qui, eux, doivent avoir recours aux prestations de gros de Deutsche Telekom, à des conditions moins favorables que celles prévues dans le cadre de l’engagement WCBA. Par ailleurs, la requérante invoque des effets dommageables sur les investissements des opérateurs régionaux dans les réseaux en fibre optique. Elle invoque également la possibilité pour Deutsche Telekom, Vodafone et Telefónica de proposer des offres CFM au détriment des concurrents.
356 Il y a lieu, par conséquent, de constater que, dans la requête, la requérante n’a avancé aucun argument tiré du caractère excessif ou disproportionné de l’engagement WCBA en ce qui concernait la portée géographique de celui-ci.
357 Il en découle que l’argument avancé par la requérante dans la réplique, tiré de l’étendue géographique trop large et de la charge excédentaire pour les concurrents de l’engagement WCBA, ne constitue pas une ampliation d’un argument précédemment invoqué, mais un argument nouveau au sens de l’article 84 du règlement de procédure. Dans la mesure où celui-ci ne se fonde pas sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés après le dépôt de la requête introductive d’instance, il doit être écarté comme étant irrecevable.
358 En ce qui concerne le bien-fondé des autres arguments invoqués par la requérante, il y a lieu de relever que la Commission doit, lors de son examen de la concentration au cours de la phase II, démontrer, avec une probabilité suffisante, que cette opération, telle qu’elle a été modifiée par les engagements proposés par les parties à l’opération, ne va pas entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci (voir arrêt du 23 mai 2019, KPN/Commission, T 370/17, EU:T:2019:354, point 110 et jurisprudence citée).
359 Au même titre que l’appréciation des effets d’une opération de concentration, la question de savoir si un engagement pose des problèmes de concurrence relève d’une appréciation de probabilités et non d’une obligation pour la Commission de démontrer sans doutes raisonnables que l’engagement en cause ne soulève pas de problèmes de concurrence (voir, par analogie, arrêt du 11 décembre 2013, Cisco Systems et Messagenet/Commission, T 79/12, EU:T:2013:635, point 47).
360 Par ailleurs, les parties procédant à une notification ne sont pas contraintes de se limiter à proposer des engagements visant strictement à rétablir la situation de concurrence antérieure à l’opération de concentration, afin de permettre à la Commission de déclarer cette opération compatible avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T 282/02, EU:T:2006:64, point 308).
361 En l’espèce, en ce qui concerne, en premier lieu, l’allégation de la requérante selon laquelle l’engagement WCBA porterait atteinte au marché et renforcerait la structure oligopolistique de celui-ci en accordant un accès de gros à des conditions privilégiées à Telefónica, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a expliqué que ce remède renforcerait cet opérateur, mais que cela ne donnerait pas lieu à des problèmes de concurrence, étant donné que Telefónica n’était pas un concurrent puissant sur les marchés de l’accès fixe à Internet et des offres groupées 2P, y détenant une part de marché limitée de 5-6 %, et que son taux de croissance y était négatif. La Commission a ajouté que, bien que l’engagement WCBA offrît des conditions commerciales plus attractives que celles offertes par Deutsche Telekom, cela n’aurait pas pour effet d’accroître la compétitivité de Telefónica de manière telle à créer, en soi, un problème de concurrence (voir considérants 1993 et 1994 de la décision attaquée).
362 Or, en vue de démontrer le contraire, la requérante se contente de faire valoir des arguments vagues et généraux, ne permettant pas de remettre en cause ces éléments avancés par la Commission.
363 Ainsi, si la requérante soutient que Telefónica était un grand câblo-opérateur paneuropéen verticalement intégré, elle ne conteste pas la part de marché limitée et le taux de croissance négatif de cet opérateur sur les marchés pertinents, à savoir les marchés de l’accès fixe à Internet et des offres groupées 2P, tels que constatés par la Commission dans la décision attaquée, à savoir les éléments qui lui ont permis de conclure que Telefónica n’était pas un concurrent puissant sur ces marchés et que le renforcement de cet opérateur, engendré par l’engagement WCBA, ne provoquerait pas en soi de problèmes de concurrence.
364 Par ailleurs, il convient de constater que la requérante ne démontre pas que, sous l’effet de l’engagement WCBA, la position de Telefónica sur les marchés pertinents serait modifiée d’une manière telle que ce remède, dans un avenir relativement proche, serait susceptible d’entraîner, en soi, des problèmes de concurrence au détriment des concurrents de petite et moyenne taille.
365 Par conséquent, la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’engagement WCBA n’aurait pas pour effet, en soi, de créer des problèmes de concurrence.
366 En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’allégation de la requérante selon laquelle l’engagement WCBA aurait des effets dommageables sur les investissements dans les réseaux en fibre optique, il y a lieu de relever que la Commission a, à la suite des plaintes formulées par certains acteurs du marché à ce sujet dans le cadre de la consultation portant sur la version initiale des engagements, examiné cet aspect aux considérants 1996 à 2000 de la décision attaquée.
367 Dans ce cadre, premièrement, la Commission a expliqué que les hypothèses sur lesquelles reposaient ces plaintes ne semblaient pas tenir compte de l’interaction entre les investissements et la concurrence sur le marché de détail. En particulier, la Commission a noté que l’acquisition de clients par Telefónica sur le réseau câblé de l’entité issue de la concentration et sa migration vers celui-ci pourraient être récupérées grâce à la concurrence sur le marché de détail. Selon la Commission, pour ce faire, Deutsche Telekom et les autres opérateurs concurrents sur le marché de détail de l’accès fixe à Internet auraient pu être incités à investir dans la fibre optique afin de conserver leurs clients et d’en attirer de nouveaux (voir considérant 1997 de la décision attaquée).
368 Deuxièmement, la Commission a considéré qu’il était très difficile de prévoir si, et dans quelle mesure, Telefónica, en l’absence de l’engagement WCBA, aurait compté sur l’accès de gros à la fibre (dont les conditions étaient incertaines et ne seraient probablement pas réglementées) plutôt que de continuer à recourir à l’accès de gros réglementé au réseau DSL de Deutsche Telekom, et aurait donc constitué un client de gros potentiel pour les opérateurs locaux (voir considérant 1998 de la décision attaquée).
369 Troisièmement, en ce qui concernait la perte potentielle, par Deutsche Telekom, d’un client sur le marché de gros, la Commission a notamment constaté que l’engagement WCBA était limité à un seul bénéficiaire, Telefónica (voir considérant 1999 de la décision attaquée).
370 Quatrièmement, la Commission a relevé que, en tout état de cause, la concurrence sur le marché de gros pouvait également avoir un effet positif sur les investissements en fibre optique de Deutsche Telekom et des tiers. Selon la Commission, étant donné que l’engagement WCBA était limité à des vitesses de 300 Mbit/s et 500 Mbit/s sous certaines conditions, les autres fournisseurs en gros seraient incités à offrir des vitesses plus élevées fondées sur la fibre optique, afin de limiter la migration de Telefónica vers le réseau câblé de l’entité issue de la concentration ou de l’attirer comme nouveau client sur le marché de gros (voir considérant 2000 de la décision attaquée).
371 Il en découle que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission ne s’est pas, dans le cadre de cette appréciation, limitée à examiner la situation de Deutsche Telekom.
372 Il convient également de constater que la requérante se contente de faire valoir, de manière générale et non étayée, que Telefónica n’aurait, du fait de l’engagement WCBA, plus intérêt à recourir aux prestations de gros offertes notamment par elle. Ce faisant, elle n’avance aucun élément concret permettant de remettre en cause le constat de la Commission selon lequel les opérateurs comme elle pourraient être incités à investir en vue de déployer ou d’étendre un réseau de fibre optique et ainsi de pouvoir offrir sur le marché de gros à Telefónica notamment et sur le marché de détail aux consommateurs des vitesses plus élevées que celles offertes en application de l’engagement WCBA, limitées à 300 Mbit/s et à 500 Mbit/s. À cet égard, il convient d’observer qu’il ressort du considérant 382 de la décision attaquée qu’un réseau en fibre optique permettait d’offrir des vitesses supérieures à 1 Gbit/s, ce que la requérante ne conteste pas.
373 En outre, il ne ressort aucunement des explications de la requérante que, en raison de l’engagement WCBA, elle serait conduite à perdre des clients de gros existants. S’agissant de Vodafone, force est de constater que la disparition alléguée de la demande de services de gros de la part de cet opérateur n’est pas une conséquence de l’engagement WCBA et, s’agissant de Telefónica, il ressort du considérant 531 de la décision attaquée que cet opérateur était actif sur le marché de l’accès fixe à Internet au travers d’un accès de gros au réseau de Deutsche Telekom, ce que la requérante ne conteste pas. À cet égard, il y a lieu d’observer que si la requérante a pu dans le passé refinancer ses investissements dans le déploiement d’un réseau en fibre optique sans que Telefónica recoure à ses prestations de gros, elle n’avance aucun élément de nature à démontrer que tel ne pourrait plus être le cas en ce qui concerne ses investissements futurs.
374 Par ailleurs, aucun élément avancé par la requérante ne permet de démontrer avec un degré de probabilité suffisant que, en l’absence de l’engagement WCBA, il était suffisamment probable qu’elle-même ou un autre opérateur local auraient été conduits à fournir des prestations de gros à Telefónica et, partant, de remettre en cause le constat de la Commission, formulé au considérant 1998 de la décision attaquée, selon lequel il était très peu probable que Telefónica, en l’absence de ce remède, aurait cessé de recourir à l’accès de gros réglementé au réseau DSL de Deutsche Telekom et se serait plutôt tournée vers un accès de gros à la fibre, offert par la requérante ou un autre opérateur local.
375 Enfin, à défaut de certitude que Telefónica se serait tournée vers des prestations de gros fournies à partir de réseaux en fibre optique en l’absence de la concentration, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la décision recèle une contradiction en rendant obligatoire l’engagement WCBA en raison d’une perte de pression concurrentielle et, dans le même temps, en considérant qu’elle-même et d’autres concurrents développant des réseaux en fibre optique auraient intérêt à proposer des débits plus élevés que ceux prévus dans le cadre de l’engagement WCBA afin de limiter la migration de Telefónica vers le réseau câblé de l’entité issue de la concentration, ou d’en faire un nouveau client de gros.
376 Par conséquent, la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’engagement WCBA n’aurait pas d’effets dommageables sur les investissements dans les réseaux en fibre optique.
377 En ce qui concerne, en troisième lieu, l’allégation de la requérante selon laquelle l’engagement WCBA renforcerait les structures monopolistiques ou oligopolistiques concernant les offres CFM, il y a lieu de relever que la Commission a, à la suite des plaintes formulées par certains acteurs du marché à ce sujet dans le cadre de la consultation portant sur la version initiale des engagements, examiné cet aspect aux considérants 2001 à 2004 de la décision attaquée. Dans ce cadre, la Commission a expliqué que, eu égard au taux de pénétration limité des offres CFM en Allemagne et au fait que Telefónica proposait déjà des offres CFM avant la concentration, l’engagement WCBA n’aurait qu’un faible impact sur la capacité et l’incitation de Telefónica à proposer des offres CFM et que, même dans l’hypothèse où cet opérateur serait significativement renforcé grâce à ce remède, cela aurait pour effet d’augmenter la concurrence sur le segment des offres CFM, mais pas d’évincer les opérateurs proposant des services autonomes (standalone) uniquement capables d’offrir des services fixes ou des services mobiles, étant donné la taille limitée de ce segment.
378 À cet égard, il importe de relever que la requérante renvoie essentiellement aux arguments qu’elle a avancés dans le cadre de son premier moyen et surtout dans le cadre de son troisième moyen, lesquels ont, pour les raisons exposées aux points 71 à 215 et 242 à 307 ci-dessus, respectivement été rejetés.
379 S’agissant, en outre, de l’argument de la requérante selon lequel l’engagement WCBA aurait pour effet que, à l’issue de la concentration, Deutsche Telekom, Vodafone et Telefónica bénéficieraient toutes d’un accès privilégié à des réseaux fixes dans toute l’Allemagne, ce qui ne serait pas le cas de leurs plus petits concurrents, force est de constater que tel était déjà le cas préalablement à la concentration et que l’accès réglementé au réseau DSL de Deutsche Telekom était ouvert à tous, y compris à ces petits opérateurs, ainsi que cela ressort des considérants 384 à 389 de la décision attaquée, non contestés par la requérante. À cet égard, il importe de relever que, dans la réplique, la requérante reconnaît que toutes les conditions de la structure du marché ne sont pas le résultat de la décision attaquée et, partant, de l’engagement WCBA critiqué. Un tel argument doit donc être écarté.
380 S’agissant, finalement, de l’argument de la requérante selon lequel seul un engagement d’accès au réseau mobile de Vodafone aurait permis d’assurer que des offres CFM puissent également être proposées de manière concurrentielle par des entreprises telles qu’elle-même, il y a lieu de rappeler que la Commission n’a identifié aucun problème sur le marché de la fourniture au détail de services de télécommunications mobiles, sur le marché en amont de la fourniture en gros de services d’accès et de départ d’appels sur les réseaux mobiles ou sur un éventuel marché des offres groupées CFM. Or, les engagements doivent être décidés à la lumière des problèmes concurrentiels soulevés sur les marchés affectés, étant entendu que si la concurrence peut être préservée sur lesdits marchés, il n’est pas nécessaire que la Commission étende le champ des engagements aux marchés non affectés, conformément au principe de proportionnalité (arrêt du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T 177/04, EU:T:2006:187, point 134), ce qui suffit pour écarter cet argument.
381 Par conséquent, la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’engagement WCBA n’aurait pas pour effet de renforcer les structures monopolistiques ou oligopolistiques en ce qui concerne les offres CFM.
382 Par conséquent, il y a lieu d’écarter le quatrième moyen.
383 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.
IV. Sur les dépens
384 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et de Vodafone.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (septième chambre élargie)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) NetCologne Gesellschaft für Telekommunikation mbH est condamnée aux dépens.