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Décisions

TUE, 7e ch. élargie, 13 novembre 2024, n° T-69/20

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Tele Columbus AG

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. van der Woude

Juges :

M. da Silva Passos (rapporteur), Mme Reine, M. Truchot, M. Sampol Pucurull

Avocats :

Me Wagner, Me Hackl, Me Jeffs, Me Chadd, Me Seeliger

TUE n° T-69/20

12 novembre 2024

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Tele Columbus AG, demande l’annulation de la décision C(2019) 5187 final de la Commission, du 18 juillet 2019, déclarant compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE l’opération de concentration visant à l’acquisition par Vodafone Group plc de certains actifs de Liberty Global plc (affaire COMP/M.8864 – Vodafone/Certain Liberty Global Assets) (ci-après la « décision attaquée »).

I. Antécédents du litige

A. Entreprises en cause

2 Vodafone Group plc (ci-après l’« intervenante » ou « Vodafone »), établie au Royaume-Uni, est principalement active dans l’exploitation de réseaux de télécommunications mobiles et dans la fourniture de services de télécommunications mobiles, comme les services vocaux, de messagerie et de données mobiles. Certaines de ses sociétés d’exploitation fournissent aussi des services de télévision par câble, de téléphonie fixe, d’Internet à haut débit ou de télévision utilisant le protocole Internet (Internet Protocole Television, IPTV). Au sein de l’Union européenne, Vodafone est présente dans douze États membres, dont la République tchèque, l’Allemagne, la Hongrie et la Roumanie. En Allemagne, Vodafone possède un réseau câblé coaxial présent dans treize Länder sur seize (Bavière, Berlin, Brandebourg, Brême, Hambourg, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, Basse-Saxe, Rhénanie-Palatinat, Sarre, Saxe, Saxe-Anhalt, Schleswig-Holstein et Thuringe), lui permettant d’offrir des services de télévision et d’Internet à haut débit. Dans cet État membre, Vodafone est également active dans la fourniture au détail de services de télécommunications mobiles au niveau national et propose des services de télécommunications fixes à l’échelle nationale par l’intermédiaire d’un accès de gros au réseau fixe de la requérante.

3 Liberty Global plc, également établie au Royaume-Uni, propose des services de télévision, d’Internet à haut débit, de téléphonie fixe ainsi que des services mobiles dans différents pays de l’Union. Liberty Global possède et exploite des réseaux câblés proposant des services de télévision, d’Internet à haut débit et de téléphonie vocale en République tchèque, en Allemagne, en Hongrie et en Roumanie. Liberty Global est présente en Allemagne sous le nom de Unitymedia GmbH et en République tchèque, en Hongrie et en Roumanie sous le nom d’UPC. En Allemagne, Unitymedia possède un réseau câblé coaxial présent dans les trois Länder que ne couvre pas le réseau câblé de Vodafone, à savoir la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, la Hesse et le Bade-Wurtemberg, lui permettant d’offrir des services de télévision et d’Internet à haut débit. En outre, Liberty Global est active en tant qu’opérateur de réseau mobile virtuel en Allemagne et en Hongrie.

4 La requérante, établie en Allemagne, est le troisième opérateur possédant un réseau câblé coaxial dans cet État membre, où elle propose des services de télévision par câble, d’Internet à haut débit et de téléphonie.

B. Procédure administrative

5 Le 19 octobre 2018, la Commission européenne a reçu notification, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (« le règlement CE sur les concentrations ») (JO 2004, L 24, p. 1), d’un projet de concentration par lequel Vodafone annonçait son intention d’acquérir le contrôle exclusif des activités de télécommunications de Liberty Global en République tchèque, en Allemagne, en Hongrie et en Roumanie. L’opération consistait en un contrat d’achat et de vente par lequel Vodafone prévoyait d’acquérir 100 % des actions des sociétés qui exerçaient les activités de télécommunications de Liberty Global concernées (ci-après l’« opération » ou la « concentration »). En Allemagne, l’opération consistait en l’acquisition de 100 % des actions de Unitymedia.

6 Le 11 décembre 2018, après examen préliminaire de la notification et sur le fondement de la première phase de l’enquête sur le marché, la Commission a émis des doutes sérieux quant à la compatibilité de l’opération avec le marché intérieur et a décidé d’ouvrir la procédure en vertu de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement no 139/2004.

7 Le 25 mars 2019, la Commission a adressé une communication des griefs à Vodafone (ci-après la « communication des griefs »).

8 Le 8 avril 2019, Vodafone a présenté sa réponse écrite à la communication des griefs.

9 Le 6 mai 2019, Vodafone a proposé des engagements en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 afin de remédier aux problèmes de concurrence identifiés par la Commission. Le 7 mai suivant, la Commission a lancé une consultation des acteurs du marché portant sur ces engagements.

10 Le 11 juin 2019, à la suite de certaines modifications, Vodafone a présenté une série définitive d’engagements.

11 Le 18 juillet 2019, la Commission a, en application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, adopté la décision attaquée.

C. Décision attaquée

12 Dans la décision attaquée, la Commission a, dans un premier temps, apprécié les effets de la concentration, notamment en Allemagne. Dans un second temps, la Commission a vérifié si les engagements proposés par la partie ayant notifié l’opération étaient de nature à rendre l’opération compatible avec le marché intérieur et l’accord sur l’Espace économique européen (EEE).

1. Appréciation des effets de la concentration sur la concurrence en Allemagne

13 En ce qui concerne l’Allemagne, la Commission a d’abord analysé les effets horizontaux de la concentration, à savoir les effets qui résultaient de la circonstance que les parties à ladite concentration étaient des concurrents existants ou potentiels sur le marché en cause. Ensuite, la Commission a examiné les effets verticaux de la concentration, à savoir les effets qui résultaient de la circonstance que les parties à ladite concentration opéraient à différents niveaux de la chaîne d’approvisionnement. Enfin, la Commission a apprécié les effets congloméraux de la concentration, à savoir les effets qui résultaient de la circonstance que les parties à ladite concentration entretenaient une relation qui n’était ni horizontale ni verticale, mais étaient actives sur des marchés étroitement liés entre eux et, notamment, fournissaient des produits ou services complémentaires.

a) Effets horizontaux

14 La Commission a notamment examiné les effets horizontaux non coordonnés sur les marchés suivants : le marché de la fourniture au détail de services d’accès fixe à Internet en Allemagne (ci-après le « marché de l’accès fixe à Internet »), le marché de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision, le marché de la fourniture au détail d’offres multiservices (multiple play), le marché de la fourniture au détail de services de télévision, le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision et le marché de gros de la transmission de signaux de télévision en Allemagne (ci-après le « marché de rachat de signaux de télévision »).

1) Effets horizontaux non coordonnés sur le marché de l’accès fixe à Internet

15 Il ressort de la décision attaquée que, sur le marché de l’accès fixe à Internet, des opérateurs de télécommunications (offreurs) fournissent des abonnements permettant aux clients finals (demandeurs) d’accéder à Internet au moyen d’une connexion de télécommunication fixe. En l’espèce, la Commission a considéré que, pour les besoins de sa décision, le marché pertinent était le marché global de la fourniture au détail de l’accès fixe à Internet (incluant tous les types de services, les modes de distribution ainsi que les vitesses et les bandes passantes) aux clients résidentiels et aux petites entreprises, à l’exclusion de la fourniture de services d’accès fixe à Internet au moyen d’infrastructures de réseau mobile. S’agissant de la dimension géographique du marché, la Commission a considéré que le marché était de dimension nationale.

16 Au terme de son analyse, la Commission a considéré que la concentration entraverait de manière significative l’exercice d’une concurrence effective sur le marché de l’accès fixe à Internet, en raison notamment de l’élimination de l’importante pression concurrentielle que les parties à la concentration exerçaient l’une sur l’autre avant l’opération, en particulier dans l’empreinte câblée de Unitymedia, et de la création d’un acteur avec une part de marché en termes d’abonnés de plus de 30 % (qui serait supérieure à 40 % sur l’empreinte câblée de Unitymedia, voire supérieure encore dans certains Länder et quartiers).

2) Effets horizontaux non coordonnés sur le marché de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision

17 Il ressort de la décision attaquée que, sur le marché de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision, les détenteurs d’infrastructures (offreurs) fournissaient des signaux de télévision à des clients (demandeurs), principalement au moyen du câble, du satellite, de la voie terrestre, selon la norme de radiodiffusion vidéo numérique – terrestre (Digital Video Broadcasting – Terrestrial, DVB-T), et de l’IPTV.

18 En ce qui concerne la délimitation du marché de produits, la Commission a observé que le marché allemand de la fourniture de services de transmission de signaux de télévision était caractérisé par l’importance de la location de logements et des sociétés de logements. Ces dernières négociaient et concluaient des contrats de fourniture de services de télévision de base pour le compte de leurs locataires, puis répercutaient les frais dans le cadre du loyer mensuel en application d’une spécificité du droit allemand dénommée « Nebenkostenprivileg » (privilège en matière de charges). La Commission a expliqué que la majorité des foyers qui recevaient la télévision au détail en Allemagne étaient situés dans des immeubles à logements multiples (multi dwelling units, MDU). Ces MDU appartenaient à des sociétés de logements ou à des propriétaires privés (ci-après les « clients MDU »). En ce qui concernait les logements individuels ou unifamiliaux (single-dwelling units, SDU), les consommateurs finals (ci-après les « clients SDU ») choisissaient généralement leur propre distributeur de télévision et payaient directement pour leur abonnement.

19 Pour les besoins de la décision attaquée, la Commission a, compte tenu des résultats de l’enquête de marché et des spécificités du marché de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision vers des clients habitant des immeubles à logements multiples en Allemagne (ci-après le « marché MDU »), estimé qu’il convenait de distinguer le marché MDU et le marché de la fourniture au détail de services de transmission de signaux de télévision aux clients SDU (ci-après le « marché SDU »). Par ailleurs, elle a considéré que la délimitation géographique des marchés MDU et SDU pouvait être laissée en suspens.

20 Au terme de son analyse, la Commission a considéré que l’opération n’était susceptible d’entraver de manière significative une concurrence effective ni sur le marché MDU ni sur le marché SDU, en raison d’effets horizontaux non coordonnés.

3) Effets horizontaux non coordonnés sur les éventuels marchés de la fourniture au détail d’offres multiservices

21 La Commission a précisé que le terme « multiservice » se rapportait à des offres comprenant deux ou plusieurs des services fournis au détail par le même prestataire aux consommateurs sur le fondement de contrats uniques ou multiples, à savoir les services de télécommunications mobiles, les services de téléphonie fixe, les services d’accès fixe à Internet et les services de télévision. Des offres multiservices comprenant deux, trois ou quatre de ces services étaient dénommées respectivement double, triple ou quadruple services (double play ou « 2P » ; triple play ou « 3P » et quadruple play ou « 4P »). Des offres multiservices comprenant un ou plusieurs de ces services fixes en combinaison avec un composant mobile étaient désignées comme des offres « multiservices fixe-mobile » (fixed-mobile multiple play) ou « convergence fixe mobile » (CFM). La Commission a considéré que, aux fins de sa décision, la question de savoir s’il existait un ou plusieurs marchés multiservices distincts de chacun des marchés des services de télécommunications sous-jacents pris individuellement pouvait être laissée en suspens.

22 Au terme de son analyse, la Commission a considéré que l’opération entraverait de manière significative une concurrence effective sur le marché de la fourniture au détail d’offres groupées « double play » comprenant des services de téléphonie fixe et des services d’accès fixe à Internet en Allemagne (ci-après le « marché des offres groupées 2P ») en raison d’effets horizontaux non coordonnés. En revanche, la Commission a conclu que l’opération n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective, premièrement, sur un éventuel marché de la fourniture au détail d’offres groupées « triple service » (triple play) incluant des services de téléphonie fixe, des services d’accès fixe à Internet et des services de télécommunications mobiles en Allemagne, deuxièmement, sur un éventuel marché de la fourniture au détail d’offres groupées « triple service » (triple play) incluant des services de téléphonie fixe, des services d’accès fixe à Internet et des services de télévision en Allemagne et, troisièmement, sur un éventuel marché de la fourniture au détail d’offres groupées « quadruple service » (quadruple play) en Allemagne, en raison d’effets horizontaux non coordonnés. La Commission a souligné que cela ne préjugeait pas de l’appréciation des effets de conglomérat de la concentration en ce qui concernait la fourniture des différentes composantes des offres groupées.

4) Effets horizontaux non coordonnés sur le marché de la fourniture au détail de services de télévision

23 Il ressort de la décision attaquée que, sur le marché de la fourniture au détail de services de télévision, les offreurs étaient les fournisseurs de services de télévision linéaires, à savoir des flux linéaires de programmes dont l’horaire de diffusion était fixé par la chaîne de télévision, et non linéaires, à savoir des flux de programmes fournis à la demande de l’utilisateur final. Ces offreurs servaient les clients finals désireux d’avoir recours à de tels services (demandeurs). Les services de télévision fournis par les distributeurs de télévision aux utilisateurs finals consistaient en des bouquets de chaînes linéaires de télévision en clair ou de chaînes linéaires de télévision payantes ainsi qu’en des contenus agrégés dans des services non linéaires, tels que la vidéo à la demande (Video on demand, VOD). Le contenu télévisuel pouvait être fourni aux utilisateurs finals par un certain nombre de moyens techniques, dont le câble, le satellite, la télévision terrestre (DVB-T) et l’IPTV. Les offreurs de services de télévision par contournement ou « hors offre du fournisseur d’accès à Internet » (over the top, OTT) fournissaient des chaînes et des contenus de manière tant linéaire que non linéaire par l’intermédiaire d’Internet. En l’espèce, la Commission a considéré, pour les besoins de la décision attaquée, que le marché était de dimension nationale et que, d’un point de vue matériel, la délimitation exacte du marché pouvait rester en suspens.

24 Au terme de son analyse, la Commission a considéré que l’opération n’était pas susceptible d’entraver de manière significative une concurrence effective sur le marché de la fourniture au détail de services de télévision en Allemagne, en raison d’effets horizontaux non coordonnés.

5) Effets horizontaux non coordonnés sur le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision et sur le marché de rachat de signaux de télévision

25 Il ressort de la décision attaquée que, sur le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision, les télédiffuseurs (offreurs) fournissaient des chaînes linéaires (en clair ou payantes) que les fournisseurs au détail de services de télévision (demandeurs) acquéraient afin de fournir des services audiovisuels aux utilisateurs finals. Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que ce marché était limité à l’Allemagne et qu’il devait être segmenté entre les chaînes de télévision en clair et les chaînes de télévision payantes.

26 Sur le marché de rachat de signaux de télévision, les fournisseurs au détail de services de télévision (offreurs) utilisaient leur infrastructure pour offrir aux télédiffuseurs (demandeurs) un service de transmission de signaux de télévision pour leurs chaînes. Dans la décision attaquée, la Commission a considéré qu’il convenait de délimiter le marché pertinent comme étant le marché de gros de la transmission de signaux de télévision par câble dont l’étendue géographique était l’empreinte de chaque réseau câblé et a précisé qu’elle tiendrait compte d’un marché de produits qui englobait l’IPTV. Elle a ajouté qu’elle apprécierait les effets de l’opération au niveau national.

27 Dans la décision attaquée, la Commission a reconnu que le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision ainsi que le marché de rachat de signaux de télévision étaient étroitement liés dans la mesure où les négociations entre les télédiffuseurs et les plateformes de télévision (fournisseurs au détail de services de télévision) couvraient habituellement les deux aspects (transmission de signaux et acquisition de chaînes). Dès lors, la Commission a indiqué qu’elle analyserait les effets de la concentration sur ces deux marchés dans la même section de la décision attaquée.

28 Au terme de son analyse, la Commission a considéré que l’opération n’entraverait pas de manière significative la concurrence effective sur le marché de gros de la fourniture de chaînes de télévision en Allemagne.

29 Sur le marché de rachat de signaux de télévision, la Commission a examiné si, en raison de l’augmentation de son pouvoir de marché en tant que fournisseur au détail de services de télévision, l’entité issue de la concentration pourrait, premièrement, obtenir de la part des télédiffuseurs des conditions qui auraient finalement un impact négatif sur l’accès aux contenus de télévision par les fournisseurs au détail de services de télévision concurrents, deuxièmement, influencer négativement l’ampleur et la qualité du contenu de la programmation proposée en Allemagne, troisièmement, entraver l’apparition de services de télévision innovants et, quatrièmement, entraver l’émergence d’applications de publicité ciblée ou segmentée (adressable TV, ATV).

30 D’abord, la Commission a expliqué que, même si la transaction pouvait donner lieu à une augmentation du pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration sur le marché de rachat de signaux de télévision, il n’était pas possible de conclure que, en conséquence de cette augmentation de pouvoir de marché, ladite entité serait susceptible d’obtenir des conditions des télédiffuseurs et des titulaires de droits de télévision sous la forme de contrats d’exclusivité, qui auraient une incidence négative sur l’accès des fournisseurs au détail de services de télévision concurrents aux chaînes ou aux contenus.

31 Ensuite, la Commission a considéré que, en raison du pouvoir de marché accru de l’entité issue de la concentration, celle-ci aurait la capacité et l’incitation à mettre en place une stratégie sur le marché de rachat de signaux de télévision qui pourrait nuire aux consommateurs en aval en raison d’une moindre qualité de l’expérience du téléspectateur, d’un choix réduit et des investissements moindres dans les contenus par les télédiffuseurs. En particulier, en raison de l’accroissement du pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration, l’opération pourrait aboutir à une forme de verrouillage partiel des chaînes en clair ou payantes, notamment par l’aggravation des conditions contractuelles et financières imposées par cette entité aux télédiffuseurs et, par conséquent, à une dégradation qualitative de l’offre de télévision aux téléspectateurs finals en Allemagne.

32 Par ailleurs, la Commission a considéré que, en raison du pouvoir de marché accru de l’entité issue de la concentration, cette dernière aurait la capacité et l’incitation à mettre en place une stratégie sur le marché de rachat de signaux de télévision visant à entraver l’émergence et le développement de services de télévision innovants tels que la transmission de signaux de télévision hybrides à haut débit (Hybrid Broadcast Broadband TV, HBBTV) et l’offre de services de télévision OTT. Or, une telle entrave pourrait nuire aux consommateurs situés en aval en raison d’une moindre qualité de l’expérience du téléspectateur et d’un choix réduit.

33 Enfin, la Commission a estimé que l’opération n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective en ce qui concernait la possibilité pour l’entité issue de la concentration d’empêcher ou d’entraver l’émergence et le développement des applications ATV.

b) Effets verticaux

34 S’agissant des effets verticaux de la concentration, la Commission a notamment examiné la probabilité d’une éviction des fournisseurs au détail de services de transmission de signaux de télévision aux clients MDU.

35 Sur le marché intermédiaire de la transmission de signaux de télévision (ci-après le « marché intermédiaire »), les opérateurs du réseau de niveau 3 (offreurs), à savoir le réseau qui court depuis la tête de réseau câblée jusqu’à la limite de propriété, fournissent des signaux de télévision aux opérateurs du réseau de niveau 4 (demandeurs), à savoir le réseau qui parcourt la propriété immobilière. En l’espèce, la Commission a considéré, pour les besoins de sa décision, que le câble et la fibre jusqu’au foyer (fibre to the home, FTTH) ou jusqu’à l’immeuble (fibre to the building, FTTB) faisaient partie du même marché pertinent et que, d’un point de vue géographique, le marché était régional, à savoir limité à l’empreinte câblée de l’opérateur de niveau 3.

36 Au terme de son analyse, la Commission a conclu que l’opération n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective sur le marché MDU délimité au niveau national, ainsi que sur le marché potentiel régional correspondant à l’empreinte câblée de Unitymedia, en raison d’effets verticaux non coordonnés.

c) Effets congloméraux

37 Dans la mesure où, comme elle l’avait précédemment expliqué, il n’était pas possible de conclure à l’existence d’un seul marché des offres multiservices en Allemagne, la Commission a également examiné si la concentration engendrerait des effets de conglomérat en verrouillant des concurrents sur le marché de détail des services de télécommunications mobiles, sur le marché de détail des services de téléphonie fixe, sur le marché de l’accès fixe à Internet et sur le marché de détail des services de télévision.

38 Au terme de son analyse, la Commission a conclu que la concentration n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective en raison d’effets congloméraux en Allemagne.

d) Conclusion sur les effets de la concentration en Allemagne

39 Dans la décision attaquée, la Commission a dès lors constaté une entrave significative à une concurrence effective (ci-après « ESCE ») sur le marché de l’accès fixe à Internet et sur le marché de rachat de signaux de télévision.

2. Engagements rendus obligatoires dans la décision attaquée

40 Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les engagements souscrits par Vodafone étaient de nature à rendre l’opération compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE. Elle en a déduit que l’opération, telle que modifiée à la suite des engagements offerts par Vodafone, n’entraverait pas de manière significative la concurrence effective sur les marchés sur lesquels des problèmes de concurrence avaient été identifiés.

41 Les engagements souscrits par Vodafone étaient les suivants :

– l’engagement préalable de permettre à un nouveau câblo-opérateur, à savoir Telefónica, d’accéder au réseau câblé de l’entité issue de la concentration afin de lui permettre de proposer des services d’accès fixe à Internet au détail (et, s’il le souhaitait, des services de téléphonie vocale fixe) et ses propres services de télévision OTT ou ceux de tierces parties (l’engagement « Wholesale Cable Broadband Access », ci-après l’« engagement WCBA ») ;

– un engagement relatif à la télévision OTT (ci-après l’« engagement OTT »), qui comportait deux aspects, à savoir, premièrement, l’engagement de ne pas limiter sur le plan contractuel, directement ou indirectement, la possibilité pour les télédiffuseurs, dont les contenus étaient diffusés sur la plateforme de télévision de l’entité issue de la concentration, de distribuer ces contenus par l’intermédiaire d’un service OTT et, deuxièmement, l’engagement de maintenir une capacité d’interconnexion directe suffisante entre son réseau Internet couvrant l’Allemagne et des fournisseurs tiers de services (de transit) d’interconnectivité Internet ;

– l’engagement de ne pas augmenter les redevances de rachat versées par les télédiffuseurs en clair (ci-après l’« engagement relatif aux redevances de rachat ») ;

– l’engagement de continuer de diffuser le signal HBBTV des télédiffuseurs en clair (ci-après l’« engagement HBBTV »).

42 C’est ainsi que l’article 1er de la décision attaquée a énoncé que l’opération était compatible avec le marché intérieur et l’accord EEE en application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 et de l’article 57 de l’accord EEE. Par ailleurs, les articles 2 et 3 de cette même décision ont prévu respectivement des conditions et des obligations afin de garantir que Vodafone se conformât aux engagements que cette dernière avait souscrits à l’égard de la Commission.

II. Procédure et conclusions des parties

43 Par ordonnance du 30 juin 2022, le Tribunal a ordonné à la Commission de produire certains documents.

44 Par ordonnance du 30 mars 2023, prise sur le fondement de l’article 103, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal a ordonné à la Commission de produire, d’une part, une nouvelle version non confidentielle de la décision attaquée et de certaines de ses annexes, à communiquer à la requérante, contenant plusieurs passages jusqu’alors occultés et, d’autre part, une nouvelle version confidentielle de la décision attaquée et de l’une de ses annexes, à communiquer aux seuls représentants de la requérante ayant préalablement signé un engagement de confidentialité, contenant d’autres passages jusqu’alors occultés.

45 Par acte du 12 mai 2023, le Tribunal a posé à la requérante, à la Commission et à l’intervenante plusieurs questions écrites pour réponses lors de l’audience.

46 Par acte déposé au greffe le 2 juin 2023, la requérante a fait part de ses observations sur les documents produits par la Commission conformément à l’ordonnance du 30 mars 2023.

47 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 22 septembre 2023.

48 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

49 La Commission et Vodafone concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

50 À l’appui de son recours, la requérante soulève cinq moyens, tirés, le premier, d’erreurs manifestes d’appréciation et d’irrégularités de procédure dans le cadre de l’examen des effets horizontaux non coordonnés sur le marché MDU, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de l’examen des effets horizontaux non coordonnés sur le marché SDU, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’irrégularités procédurales dans le cadre de l’examen des effets verticaux non coordonnés sur le marché intermédiaire et sur le marché MDU, le quatrième, d’une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de l’examen des effets horizontaux non coordonnés sur le marché de la fourniture de gros de services de transmission du signal de télévision et, le cinquième, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une irrégularité de procédure dans le cadre de l’examen des engagements.

A. Principes jurisprudentiels applicables

1. Sur l’intensité du contrôle juridictionnel

51 Il est de jurisprudence constante que les règles de fond du règlement no 139/2004 et, en particulier, l’article 2 de celui-ci confèrent à la Commission un certain pouvoir discrétionnaire, notamment pour ce qui est des appréciations d’ordre économique et que, en conséquence, le contrôle par le juge de l’exercice d’un tel pouvoir, qui est essentiel dans la définition des règles en matière de concentrations, doit être effectué compte tenu de la marge d’appréciation que sous-tendent les normes de caractère économique faisant partie du régime des concentrations (arrêts du 18 décembre 2007, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, C 202/06 P, EU:C:2007:814, point 53, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T 162/10, EU:T:2015:283, point 85).

52 Le contrôle exercé par le juge de l’Union sur les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission dans l’exercice du pouvoir d’appréciation que lui confère le règlement no 139/2004 doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêts du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments, C 376/20 P, EU:C:2023:561, point 84, et du 9 juillet 2007, Sun Chemical Group e.a./Commission, T 282/06, EU:T:2007:203, point 60).

53 En particulier, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (arrêts du 7 juin 2013, Spar Österreichische Warenhandels/Commission, T 405/08, non publié, EU:T:2013:306, point 51, et du 23 mai 2019, KPN/Commission, T 370/17, EU:T:2019:354, point 107).

54 Cela étant, s’il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de la Commission aux fins de l’application des règles de fond du règlement no 139/2004, cela n’implique pas que le juge de l’Union doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C 413/06 P, EU:C:2008:392, point 145, et du 23 mai 2019, KPN/Commission, T 370/17, EU:T:2019:354, point 60).

2. Sur les règles de preuve

55 Une analyse prospective, telle que celles qui sont nécessaires en matière de contrôle des concentrations, nécessite d’être effectuée avec une grande attention, dès lors qu’il ne s’agit pas d’examiner des événements du passé, au sujet desquels l’on dispose souvent de nombreux éléments permettant d’en comprendre les causes, ni même des événements présents, mais bien de prévoir les événements qui se produiront dans l’avenir, selon une probabilité plus ou moins forte, si aucune décision interdisant ou précisant les conditions de la concentration envisagée n’est adoptée (arrêt du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C 12/03 P, EU:C:2005:87, point 42).

56 Par ailleurs, la nature prospective de l’analyse économique que doit effectuer la Commission s’oppose à ce que celle-ci, afin de démontrer qu’une concentration entraverait ou, au contraire, n’entraverait pas, de manière significative une concurrence effective, soit tenue de respecter un niveau de preuve particulièrement élevé. Dans ces conditions, compte tenu, notamment, de la structure symétrique de l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004 et du caractère prospectif des analyses économiques de la Commission en matière de contrôle des concentrations, il y a lieu de considérer que, afin de déclarer qu’une opération de concentration est incompatible ou compatible avec le marché intérieur, il suffit que la Commission démontre, au moyen d’éléments suffisamment significatifs et concordants, qu’il est plus probable qu’improbable que la concentration concernée entraverait ou non de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci (arrêt du 13 juillet 2023, Commission/CK Telecoms UK Investments, C 376/20 P, EU:C:2023:561, points 86 et 87).

57 En ce qui concerne les exigences de preuve, il ressort des points 50 à 53 de l’arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala (C 413/06 P, EU:C:2008:392), que la Commission est, en principe, tenue de prendre position soit dans le sens de l’autorisation de l’opération de concentration dont elle est saisie soit dans celui de l’interdiction de celle-ci, selon son appréciation de l’évolution économique attribuable à l’opération en cause dont la probabilité est la plus forte. Il s’agit donc d’une appréciation de probabilités et non d’une obligation pesant sur la Commission de démontrer sans doutes raisonnables qu’une concentration ne soulève pas de problèmes de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2013, Cisco Systems et Messagenet/Commission, T 79/12, EU:T:2013:635, point 47).

58 Dans ce contexte, il appartient à la Commission d’évaluer globalement le résultat du faisceau d’indices utilisé pour évaluer la situation de concurrence. Il se peut, à cet égard, que certains éléments soient privilégiés et que d’autres soient écartés. Cet examen et la motivation qu’il comporte font l’objet du contrôle de légalité exercé par le Tribunal sur les décisions de la Commission en matière de concentrations (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T 342/07, EU:T:2010:280, point 136).

59 Finalement, il y a lieu de relever qu’aucun principe de droit de l’Union ne s’oppose à ce que la Commission se fonde sur un seul élément de preuve documentaire, pourvu que la valeur probante de celui-ci ne fasse pas de doute [voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T 380/17, EU:T:2020:471, point 460 (non publié)].

60 C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens soulevés au soutien du recours mentionnés au point 50 ci-dessus.

B. Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et d’irrégularités de procédure dans le cadre de l’examen des effets horizontaux non coordonnés sur le marché MDU

61 À l’appui de son premier moyen, la requérante soutient que l’analyse des effets horizontaux non coordonnés de la concentration sur le marché MDU effectuée par la Commission dans la décision attaquée est entachée d’erreurs manifestes d’appréciation et que la Commission a, dans ce cadre, commis des irrégularités procédurales.

1. Considérations liminaires

62 À la section VIII.C.2.4 de la décision attaquée, la Commission a examiné les effets horizontaux non coordonnés de l’opération sur le marché MDU. Comme il a été indiqué au point 19 ci-dessus, la Commission a considéré que la délimitation géographique de ce marché pouvait être laissée en suspens.

63 Après avoir, aux considérants 683 à 701 de la décision attaquée, exposé certaines spécificités du marché MDU, la Commission a examiné, aux considérants 702 à 712 de la même décision, les parts de marché des parties à la concentration tant au niveau national qu’au niveau de leurs empreintes câblées respectives, ainsi que les niveaux de concentration du marché MDU, avant de conclure, aux considérants 718 à 720 de ladite décision, que bien que ce marché fût très concentré et que chacune des parties détienne une très forte position dans son empreinte câblée respective, l’opération ne donnerait lieu à aucun changement spécifique (merger-specific change), puisque les parties n’étaient pas concurrentes sur ce marché, eu égard à l’absence de recoupement significatif entre leurs activités.

64 La Commission a ensuite examiné, aux considérants 721 à 764 de la décision attaquée, les contraintes concurrentielles exercées par les parties. Dans le cadre de cette analyse, la Commission a considéré que ni Vodafone (voir considérants 723 à 746) ni Unitymedia (voir considérants 747 à 764) n’exerçaient une contrainte concurrentielle dans l’empreinte câblée de l’autre partie, que rien n’indiquait que tel aurait été le cas en l’absence de l’opération et qu’elles n’étaient, dès lors, pas des concurrents potentiels.

65 Aux considérants 765 à 785 de la décision attaquée, la Commission a analysé les contraintes concurrentielles exercées par les parties l’une sur l’autre et a conclu que ces dernières n’étaient ni des concurrents réels directs (voir considérants 766 à 772) ni des concurrents réels indirects (voir considérants 773 à 785).

66 Finalement, aux considérants 786 à 831 de la décision attaquée, la Commission a examiné et comparé les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents, et plus particulièrement par la requérante, par Deutsche Telekom AG ainsi que par d’autres acteurs de plus petite taille préalablement à l’opération (voir considérants 787 à 820) et à l’issue de celle-ci (voir considérants 821 à 831), avant de conclure qu’il était probable que ces contraintes demeurent inchangées.

67 Eu égard à l’absence de changement propre à la concentration et au fait que celle-ci n’éliminerait aucune concurrence directe, indirecte ou potentielle entre les parties et n’affaiblirait pas les contraintes concurrentielles exercées par leurs concurrents, la Commission a conclu que cette opération ne donnerait lieu à aucun effet horizontal anticoncurrentiel non coordonné et, partant, à aucune ESCE sur ce marché (voir considérants 832 à 835 de la décision attaquée).

68 En l’espèce, l’argumentation de la requérante au soutien du présent moyen, visant cet examen des effets horizontaux non coordonnés de la concentration sur le marché MDU effectué par la Commission dans la décision attaquée, peut être divisée en cinq branches, tirées, la première, d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission dans son appréciation de l’existence d’une concurrence directe entre les parties à la concentration, la deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation, en ce que la Commission aurait omis de tenir compte de l’augmentation massive des ressources de l’entité issue de la concentration, la troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du droit d’être entendu et du principe de bonne administration commises par la Commission dans son appréciation de l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties à la concentration, la quatrième, d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission dans son appréciation de l’existence d’une concurrence indirecte entre les parties à la concentration et, la cinquième, de l’absence d’appréciation globale.

69 À cet égard, le Tribunal estime opportun de modifier l’ordre d’examen de ces différentes branches et d’examiner, d’abord, la première branche, relative à une concurrence directe, ensuite, la quatrième branche, relative à une concurrence indirecte, la troisième branche, relative à une concurrence potentielle ainsi que la deuxième branche, relative à une augmentation des ressources et, enfin, la cinquième branche, portant sur une évaluation globale de l’ensemble de ce qui précède.

70 En outre, il convient de relever que, dans le mémoire en défense, la Commission soutient que, du point de vue matériel, il convient de limiter le marché MDU à celui de la transmission du signal de télévision par câble et par fibre optique, ainsi que cela ressort du considérant 131 de la décision attaquée. Elle explique que ces constatations ne sont pas contestées dans la requête. Dans la réplique, la requérante soutient qu’elle a contesté les constatations de la Commission relatives à la délimitation du marché MDU aux points 15 à 18 de la requête. Dans la duplique, la Commission fait valoir qu’aucun moyen, au sens de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, n’a été soulevé.

71 À cet égard, il y a lieu de relever que les points 15 à 18 de la requête figurent dans la partie de celle-ci consacrée à l’« exposé des faits ». Par ailleurs, dans ces points de la requête, la requérante ne dirige aucune critique contre la décision attaquée. Enfin, le reste de la requête ne contient aucun renvoi aux points 15 à 18 de celle-ci, à l’exception du point 215, qui renvoie à la description effectuée au point 18. Dans la réplique, la requérante ne précise pas davantage les critiques qu’elle formule à cet égard à l’encontre de la décision attaquée. En effet, elle se limite à expliquer que les faits sont tels qu’elle les a décrits aux points 15 à 18 de la requête.

72 Par conséquent, il y a lieu de considérer que la requête ne comporte aucun moyen visant à contester la délimitation matérielle du marché MDU.

2. Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation affectant l’appréciation de l’existence d’une concurrence directe entre les parties à la concentration

73 La requérante estime que la Commission a méconnu le fait que la concentration aurait pour conséquence de supprimer la concurrence directe entre les parties à la concentration et, de ce fait, qu’elle donnerait lieu à des effets horizontaux non coordonnés sur le marché MDU. Selon la requérante, il existait en effet un chevauchement entre les activités des parties à la concentration, qui disparaîtrait du fait de celle-ci.

74 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents directs, après avoir constaté que celles-ci étaient quasiment exclusivement actives dans leurs empreintes câblées respectives, ne se chevauchant pas, avec pour conséquence que les clients sur le marché MDU ne pouvaient passer (switch) d’une partie à la concentration à l’autre (voir considérant 766).

75 Quant aux quelques contrats conclus par les parties à la concentration en dehors de leurs empreintes câblées, la Commission a indiqué que les parties avaient expliqué qu’ils n’étaient pas le résultat d’une concurrence active de leur part, mais qu’ils avaient été exceptionnellement conclus, soit qu’il s’agissait de contrats spécifiques hérités du passé, soit qu’il s’agissait de contrats avec des sociétés de logements actives au niveau national, déjà clientes de l’une des parties et désireuses de collaborer avec celle-ci pour l’ensemble de leurs propriétés (voir considérant 768 de la décision attaquée).

76 La Commission a ajouté que cette absence de concurrence directe entre les parties avait été confirmée par les réponses apportées par les concurrents et les sociétés de logements dans le cadre de l’enquête de marché, de même que par les données des parties relatives à leur participation aux appels d’offres sur le marché MDU (voir considérants 769 à 771 de la décision attaquée).

77 En l’espèce, la requérante fait valoir que l’opération de concentration ferait disparaître un concurrent existant sur le marché MDU, et ce indépendamment de la définition géographique de ce marché. La concentration donnerait lieu à une addition de parts de marché et à une détérioration de la structure du marché en raison de la disparition de Unitymedia, ce qui constituerait une ESCE. En outre, elle engendrerait la disparition d’un fournisseur alternatif pour les clients du secteur du logement.

78 La requérante ajoute que, dans l’hypothèse où le marché MDU devrait être considéré comme d’ampleur géographique nationale, la concentration donnerait lieu à une modification de la valeur de l’index Herfindahl-Hirschman de 2 000 points, du fait de l’émergence sur ce marché d’un acteur extrêmement puissant qui disposerait d’une part de marché entre 70 et 80 %.

79 La requérante soutient également que, même dans l’hypothèse où le marché MDU devrait être considéré comme limité aux empreintes câblées des parties à la concentration, la concentration donnerait tout de même lieu à l’élimination d’une concurrence existante. En effet, il ressortirait de la décision attaquée qu’il aurait existé un chevauchement, non négligeable, entre les activités des parties à la concentration. Le fait que ces chevauchements auraient résulté de demandes « ponctuelles » et « exceptionnelles » de la part de sociétés de logements actives à l’échelle nationale ne serait pas pertinent, puisque la stratégie commerciale des parties à la concentration liée à l’exercice d’activités en dehors de leurs empreintes câblées respectives aurait pu évoluer à tout moment. Enfin, la Commission aurait reconnu que le marché MDU constituait déjà un marché très concentré avant la concentration. Or, sur des marchés hautement concentrés, des variations minimes du pouvoir de marché auraient pu être pertinentes du fait de la nécessité de protéger la concurrence résiduelle.

80 Il en découle que la conclusion de la Commission selon laquelle les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents directs avant l’opération est, selon la requérante, manifestement erronée.

81 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

82 À cet égard, il convient de préciser qu’une concurrence directe entre des entreprises existe lorsqu’elles se disputent les mêmes clients.

83 En l’espèce, il n’est pas contesté que les réseaux câblés des parties à la concentration ne se chevauchent pas et que, dans les faits, lorsqu’un client MDU souhaite conclure un contrat avec un fournisseur de signaux de télévision, il n’a, en principe, que la possibilité de choisir entre la partie à la concentration dans l’empreinte câblée de laquelle se situe l’immeuble à raccorder et l’un de ses concurrents, tels que la requérante. Que le marché MDU ait été, préalablement à l’opération, d’ampleur nationale ou qu’il ait été limité aux empreintes câblées des parties à la concentration n’y change rien, puisque, dans les deux cas, ce constat s’applique.

84 Il en résulte que Unitymedia ne pourrait être valablement qualifiée de « fournisseur alternatif » pour les sociétés de logements sur le marché MDU, que la concentration éliminerait, comme le soutient la requérante. Il découle également de ce qui précède que les produits commercialisés par les parties à la concentration n’étaient, en pratique, pas en concurrence, et ce quelle que soit la délimitation géographique du marché MDU, de sorte que la première branche du présent moyen ne saurait prospérer.

85 Les autres arguments avancés par la requérante ne permettent pas de démontrer le contraire.

86 S’agissant, tout d’abord, de l’allégation de la requérante selon laquelle les activités des parties à la concentration se chevauchaient, il convient de souligner que s’il n’existait aucun chevauchement entre les réseaux câblés de Vodafone et de Unitymedia, ce que la requérante ne remet pas en doute, il est vrai que, dans la décision attaquée, la Commission a constaté qu’il existait néanmoins certains chevauchements entre leurs activités, ces opérateurs achetant, dans ce cas, des services intermédiaires de transmission de signaux de télévision auprès de l’autre partie ou d’un autre opérateur de réseau de niveau 3 pour pouvoir atteindre les clients MDU concernés.

87 Or, il convient de relever que si elle conteste leur caractère négligeable, la requérante ne remet pas en question les chiffres, en tant que tels, divulgués par la Commission au cours de la procédure devant le Tribunal relatifs aux contrats conclus par les parties à la concentration en dehors de leurs empreintes câblées et au nombre de clients concernés. À cet égard, il y a lieu de relever que ces chiffres montrent que ces contrats représentaient un nombre très limité de clients MDU en termes de foyers raccordés et une part de marché, puisqu’inférieure à 1 %, si négligeable qu’elle ne pourrait représenter une concurrence résiduelle devant être protégée.

88 S’agissant, ensuite, de l’allégation de la requérante selon laquelle la stratégie commerciale des parties à la concentration pourrait évoluer, de sorte qu’elles pourraient décider d’étendre leurs activités en dehors de leurs empreintes câblées respectives, force est de constater que pareille assertion a trait à l’existence d’une concurrence potentielle, plutôt qu’à une prétendue concurrence directe existante, ce qui la rend inopérante dans le cadre de la première branche du présent moyen.

89 Il en va de même en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle le cumul des parts de marché et la valeur de l’index Herfindahl-Hirschman sur le marché MDU, défini comme d’ampleur nationale, seraient très élevés, étant donné que ces données n’ont pas pour vocation de démontrer l’existence d’une concurrence directe entre deux parties à une concentration préalablement à celle-ci. En ce qui concerne plus particulièrement l’index Herfindahl-Hirschman, lequel est égal à la somme des carrés des parts de marché de chacune des entreprises présentes sur le marché, force est de constater que celui-ci est utilisé pour mesurer les degrés de concentration sur un marché et qu’il pouvait donner une première indication des pressions concurrentielles qui s’exerceraient à l’issue de l’opération de concentration (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2013, Spar Österreichische Warenhandels/Commission, T 405/08, non publié, EU:T:2013:306, point 65).

90 Il découle de l’ensemble de ce qui précède que la requérante ne démontre pas que la Commission a, de manière manifestement erronée, considéré dans la décision attaquée que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents directs préalablement à celle-ci. La première branche du présent moyen doit, partant, être écartée.

3. Sur la quatrième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation affectant l’appréciation de l’existence d’une concurrence indirecte entre les parties à la concentration

91 La requérante estime que la Commission a méconnu le fait que la concentration aurait pour conséquence de supprimer la concurrence indirecte entre les parties à la concentration et, de ce fait, qu’elle donnerait lieu à des effets horizontaux non coordonnés sur le marché MDU.

92 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a vérifié si une contrainte concurrentielle indirecte existait entre les parties à la concentration préalablement à celle-ci. Dans ce cadre, la Commission a précisé que, pour faire naître une ESCE, toute pression concurrentielle indirecte existante qui serait éliminée à la suite de l’opération devrait être particulièrement forte (voir considérant 776 de la décision attaquée). À l’issue de cette analyse, la Commission a conclu que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents indirects en se fondant sur une série d’éléments.

93 Premièrement, la Commission a tenu compte du fait que les quelques personnes ayant répondu à l’enquête de marché qui avaient fait valoir qu’il existait une concurrence indirecte entre les parties à la concentration reconnaissaient elles-mêmes que le prix sur le marché MDU dépendait de facteurs locaux et n’était pas comparable entre les différentes régions concernées (voir considérant 774 de la décision attaquée).

94 Deuxièmement, la Commission a indiqué que trois mécanismes de transmission possibles avaient été identifiés lors de l’enquête de marché, qui auraient pu donner lieu à une concurrence indirecte entre les parties, le premier, provenant des concurrents actifs au niveau national, tels que la requérante, le deuxième, découlant des clients actifs au niveau national et, le troisième, provenant d’intermédiaires spécialisés, tels que des cabinets d’avocats ou des entreprises de conseil (voir considérant 775 de la décision attaquée). La Commission a ensuite expliqué qu’elle n’avait découvert aucun élément de preuve démontrant que ces mécanismes de transmission avaient pu engendrer une concurrence indirecte entre les parties ou prouvant qu’une telle concurrence indirecte avait existé (voir considérant 777 de la décision attaquée).

95 Ainsi, la majorité des sociétés de logements ayant participé à l’enquête de marché ont répondu qu’elles n’utilisaient jamais (pour ce qui est des sociétés locales, qui auraient pu influer sur le troisième mécanisme de transmission) ou rarement (pour ce qui est des sociétés d’ampleur nationale, qui auraient pu influer sur le deuxième mécanisme de transmission) des analyses comparatives (benchmarking) indirectes. Quant aux opérateurs concurrents, seules la requérante et Deutsche Telekom ont indiqué avoir souvent recours à de telles analyses comparatives (voir considérants 778 à 780 de la décision attaquée). Toutefois, aucun de ces deux concurrents n’a pu fournir à la Commission d’exemples concrets démontrant l’existence d’une relation de concurrence indirecte entre les parties, tels que la preuve d’un alignement des conditions sur le marché MDU dans l’ensemble de l’Allemagne (voir considérant 781 de la décision attaquée).

96 Troisièmement, la Commission a examiné les documents internes des parties à la concentration et n’a trouvé aucune preuve que Vodafone ou Unitymedia aurait tenu compte des conditions de l’autre partie dans le cadre de ses négociations sur le marché MDU (voir considérant 782 de la décision attaquée). La Commission a également tenu compte d’éléments de preuve fournis par les parties à la concentration, démontrant l’absence d’alignement, au niveau national, des conditions applicables aux contrats conclus sur le marché MDU (voir considérant 783 de la décision attaquée).

97 Finalement, la Commission a tenu compte du fait que ce type d’analyses comparatives interrégionales ne pouvait en tout cas constituer un moyen de levier effectif, vu l’absence de concurrence réelle entre les parties et, partant, l’impossibilité pour les sociétés de logements de passer d’une partie à la concentration à l’autre (voir considérant 784 de la décision attaquée).

98 En l’espèce, la requérante soutient que la Commission aurait dû conclure que la concentration examinée entraînerait la suppression de la concurrence indirecte existant entre les parties à la concentration.

99 À cet égard, la requérante soutient que la concurrence indirecte ne devrait pas être « particulièrement forte » et qu’une « transmission systématique » des conditions ne serait pas requise.

100 La requérante fait également valoir que les offres de Vodafone et de Unitymedia s’influençaient mutuellement, ce qui se manifestait par le caractère quasiment identique des tarifs et des caractéristiques de leurs offres groupées Internet-téléphonie.

101 Par ailleurs, la requérante fait valoir que certains câblo-opérateurs, tels qu’elle-même ou Deutsche Telekom, et certaines sociétés de logements, telles que Vonovia, étaient actifs sur l’ensemble du territoire allemand, avec pour conséquence que les conditions négociées dans le cadre des contrats MDU s’appliquaient à l’échelle nationale et, de ce fait, que les conditions de Vodafone influaient sur Unitymedia, et inversement. La requérante fait aussi valoir qu’il n’était pas « plausible » qu’il pût résulter des documents internes des parties à la concentration que les conditions commerciales des parties à la concentration n’aient pas été réciproquement influencées.

102 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

103 À titre liminaire, il y a lieu de préciser que des entreprises qui ne se livrent pas une concurrence directe peuvent néanmoins se trouver dans un rapport de concurrence indirecte, notamment lorsqu’elles subissent des pressions concurrentielles similaires de la part d’autres entreprises que chacune d’entre elles concurrence directement ou lorsque d’autres facteurs, tels que les exigences imposées par les clients, limitent de façon comparable leurs possibilités de fixer leurs prix et conditions commerciales.

104 À cet égard, il convient d’observer que l’argumentation de la requérante, décrite, en substance, aux points 98 à 101 ci-dessus, présente un niveau élevé de généralité, n’est étayée d’aucun élément de preuve et se fonde sur des allégations vagues, ce qui ne peut suffire pour remettre en cause les appréciations effectuées par la Commission. Le seul argument concret est celui tiré des prix et des caractéristiques des offres groupées pour Internet et pour le téléphone. Or, puisqu’ils concernent d’autres marchés, les prix et les caractéristiques des offres mentionnés par la requérante ne sont pas pertinents pour l’appréciation de l’existence d’une concurrence indirecte sur le marché MDU, qui concerne la transmission du signal de télévision.

105 En outre, il ressort de la décision attaquée (voir notamment considérant 697 de la décision attaquée), et la requérante ne le conteste pas, que de nombreux contrats avec des clients MDU sont le résultat de négociations, de mises en concurrence ou de procédures formelles d’appel d’offres, en principe secrètes. Les contrats conclus par les parties à la concentration avec leurs clients MDU ne sont donc pas des contrats types, dont les conditions pourraient être influencées par ce qu’offre l’autre partie dans son empreinte câblée ou par certains opérateurs actifs à l’échelon national, contrairement à l’allégation formulée par la requérante.

106 Il convient également de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a expliqué, d’une part, que l’examen des documents internes des parties à la concentration n’avait fourni aucun élément suggérant que lesdites parties prenaient en compte leurs termes et conditions respectives lors de leurs négociations portant sur les contrats MDU et, d’autre part, que les parties à la concentration avaient présenté des éléments convaincants pour contester l’alignement des contrats MDU sur l’ensemble du territoire allemand. Le fait que la requérante n’estime pas « plausibles » pareils constats ne suffit pas à les remettre en question.

107 Par conséquent, la requérante ne démontre pas que la Commission a, de manière manifestement erronée, conclu dans la décision attaquée que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents indirects.

108 Dans la mesure où la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a considéré que l’opération n’aboutirait pas à la perte d’une quelconque concurrence indirecte, le présent grief doit être rejeté sans qu’il soit nécessaire d’apprécier si elle a commis une erreur en considérant que la concurrence indirecte devait être particulièrement forte ou qu’une transmission systématique des conditions était nécessaire.

109 La quatrième branche du présent moyen doit, partant, être écartée.

4. Sur la troisième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du droit d’être entendu et du principe de bonne administration affectant l’appréciation de l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties à la concentration

110 La requérante estime que la Commission aurait dû constater une concurrence potentielle entre les parties à la concentration et, de ce fait, qu’elle donnerait lieu à des effets horizontaux non coordonnés sur le marché MDU. Selon la requérante, Vodafone et Unitymedia auraient, en effet, pu chacune s’étendre sur l’empreinte câblée de l’autre partie et y devenir actives.

111 À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a, tout d’abord, examiné si Vodafone était un concurrent potentiel de Unitymedia. Dans ce cadre, la Commission a rappelé que Vodafone était principalement active dans sa propre empreinte câblée et a relevé que cet opérateur avait indiqué n’avoir aucun projet d’expansion de son réseau câblé, notamment dans l’empreinte de Unitymedia, en raison du manque de rentabilité de l’investissement sous-jacent (voir considérant 726 de la décision attaquée).

112 Étant donné que quasiment tous les opérateurs concurrents ont répondu, dans le cadre de l’enquête de marché, qu’ils s’attendaient à ce que Vodafone étendît son réseau câblé dans l’empreinte de Unitymedia, la Commission a ensuite mené des investigations concernant l’évolution probable de la pression concurrentielle exercée par Vodafone si l’opération n’avait pas lieu. À cet égard, la Commission a indiqué que la capacité théorique que Vodafone s’étendît dans l’empreinte câblée de Unitymedia n’était pas suffisante, considérant que pour démontrer qu’il existait une concurrence potentielle entre les parties à la concentration dont l’élimination donnerait lieu à une ESCE, il fallait que celle-ci se produisît avec une probabilité suffisante (voir considérant 730 de la décision attaquée).

113 Aux considérants 731 à 746 de la décision attaquée, la Commission a expliqué qu’elle n’avait pas découvert un ensemble cohérent de preuves suggérant qu’une extension de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia aurait été probable ou raisonnablement prévisible en l’absence de l’opération, mais qu’elle avait plutôt identifié une série d’éléments démontrant le contraire.

114 En effet, premièrement, la Commission a relevé que Vodafone n’avait jamais dupliqué le réseau câblé de Unitymedia par le passé et a constaté que cet opérateur n’avait que très peu développé son réseau câblé, même dans sa propre empreinte et aux environs de celle-ci, alors qu’un tel développement était plus rentable qu’une duplication de réseau câblé. Deuxièmement, l’analyse des documents internes de Vodafone effectuée par la Commission a confirmé que cet opérateur ne prévoyait pas de projets de duplication du réseau câblé de Unitymedia, étant donné que semblables projets n’auraient pas satisfait à ses critères d’investissement. La Commission a tenu compte de projections effectuées par Vodafone, prenant en considération les infrastructures dont disposait déjà cet opérateur, lesquelles avaient confirmé cette absence de rentabilité. Troisièmement, la Commission a indiqué qu’elle n’avait trouvé aucun élément qui aurait montré que la duplication du réseau câblé d’un autre opérateur serait devenue plus rentable à l’avenir.

115 Par ailleurs, la Commission a estimé que les travaux de duplication entrepris par d’autres opérateurs tels que la requérante ou des opérateurs locaux répondaient à des considérations commerciales spécifiques et différentes de celles visant à développer un réseau parallèle à celui d’un opérateur concurrent. S’agissant de la requérante, la Commission a observé que cet opérateur n’avait consenti aucun investissement significatif pour l’expansion de son réseau de niveau 3 (voir considérant 744 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a précisé qu’elle ne disposait d’aucun indice selon lequel il aurait été probable que Vodafone eût l’intention de pénétrer dans l’empreinte de Unitymedia par des moyens techniques ou commerciaux qui auraient différé de l’extension de son propre réseau câblé (voir considérant 742 de la décision attaquée).

116 Ensuite, la Commission a examiné si Unitymedia était un concurrent potentiel de Vodafone. Dans ce cadre, la Commission a rappelé que Unitymedia était principalement active dans sa propre empreinte câblée et a relevé que cet opérateur avait indiqué n’avoir aucun projet d’expansion de son réseau câblé, notamment dans l’empreinte de Vodafone, en raison du manque de rentabilité de l’investissement sous-jacent (voir considérant 726 de la décision attaquée).

117 Étant donné que quasiment tous les opérateurs concurrents ont indiqué, en réponse à l’enquête de marché, qu’ils s’attendaient à ce que Unitymedia étendît son réseau dans l’empreinte câblée de Vodafone, tout en reconnaissant néanmoins que Unitymedia avait une incitation moindre à agir de la sorte que ne l’avait Vodafone, la Commission a mené des investigations concernant l’évolution probable de la pression concurrentielle exercée par Unitymedia en l’absence de l’opération.

118 Aux considérants 755 à 764 de la décision attaquée, la Commission a expliqué qu’elle n’avait pas découvert un ensemble cohérent de preuves suggérant qu’une extension de Unitymedia dans l’empreinte câblée de Vodafone aurait été probable ou raisonnablement prévisible en l’absence de l’opération, mais qu’elle avait plutôt identifié une série d’éléments, relativement similaires à ceux découverts en ce qui concernait Vodafone, démontrant le contraire.

119 En effet, premièrement, la Commission a relevé que Unitymedia n’avait jamais dupliqué le réseau câblé de Vodafone par le passé et a constaté que cet opérateur n’avait que très peu développé son réseau câblé, même dans sa propre empreinte et aux environs de celle-ci, alors qu’un tel développement était plus rentable qu’une duplication de réseau câblé. Deuxièmement, l’analyse des documents internes de Unitymedia effectuée par la Commission a confirmé que cet opérateur ne prévoyait pas de projets de duplication du réseau câblé de Vodafone, étant donné que semblables projets n’auraient pas satisfait pas à ses critères d’investissement. La Commission a tenu compte d’une projection effectuée par Unitymedia confirmant cette absence de rentabilité. Finalement, la Commission a indiqué que les autres facteurs pris en compte lors de l’examen de l’existence d’une concurrence potentielle exercée par Vodafone étaient également applicables dans le cas de Unitymedia.

120 En l’espèce, à l’appui de la troisième branche du présent moyen, la requérante fait valoir quatre griefs, tirés, le premier, d’une violation du droit d’être entendu et du principe de bonne administration, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que la Commission se serait exclusivement fondée sur les critères d’investissement subjectifs et des documents internes des parties à la concentration, le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que la Commission n’aurait pas suffisamment tenu compte d’autres éléments qui auraient démontré que les parties à la concentration étaient des concurrents potentiels et, le quatrième, d’une erreur manifeste d’appréciation, en ce que la Commission n’aurait pas tenu compte de la clientèle existante de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia et du potentiel de menace réciproque. La requérante en déduit que les parties à la concentration étaient des concurrents potentiels. La requérante ajoute que si la Commission avait procédé de manière correcte, elle aurait dû constater que, dans le cas où ni Vodafone ni Unitymedia n’auraient étendu leurs activités sur le marché MDU dans l’empreinte câblée de l’autre partie, ça aurait été en raison d’une collusion implicite ou tacite entre elles. La requérante en conclut que la suppression de la concurrence potentielle découlant de la concentration entraînerait des effets horizontaux non coordonnés.

a) Sur la violation du droit d’être entendu et du principe de bonne administration

121 La requérante soutient que la Commission a enfreint son droit d’être entendue, de même que le principe de bonne administration, en ce qu’elle ne lui a pas permis de s’exprimer au sujet des critères d’investissement des parties à la concentration.

122 La Commission conteste cet argument de la requérante.

123 Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle des concentrations, le droit d’être entendu est explicitement accordé aux tiers qui justifient d’un intérêt suffisant par l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 139/2004 et par l’article 16, paragraphe 1, du règlement (CE) no 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement no 139/2004 (JO 2004, L 133, p. 1 et rectificatif JO 2004, L 172, p. 9).

124 Conformément à l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 139/2004, dans la mesure où la Commission l’estime nécessaire, elle peut entendre d’autres personnes physiques ou morales. Si des personnes physiques ou morales justifiant d’un intérêt suffisant demandent à être entendues, il est fait droit à leur demande.

125 Conformément à l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 802/2004, si des tiers demandent, par écrit, à être entendus conformément à l’article 18, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement no 139/2004, la Commission les informe, par écrit, de la nature et de l’objet de la procédure et leur fixe un délai pour lui faire connaître leur point de vue.

126 L’article 16, paragraphe 2, du règlement no 802/2004 prévoit, en outre, que la Commission peut, le cas échéant, donner aux tiers, qui en auront fait la demande dans leurs observations écrites, l’occasion de participer à une audition formelle. Elle peut en tout état de cause leur donner l’occasion de lui faire connaître leur point de vue verbalement.

127 Selon la jurisprudence, il résulte de ces dispositions que les tiers disposent du droit d’être entendus par la Commission, à leur demande, afin de faire connaître leur point de vue sur les effets préjudiciables du projet de concentration notifié à leur égard, un tel droit devant néanmoins être concilié, d’une part, avec le respect des droits de la défense des parties à la concentration et, d’autre part, avec le but principal du règlement, qui est d’assurer l’efficacité du contrôle et la sécurité juridique des entreprises soumises à son application (arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T 151/05, EU:T:2009:144, point 202).

128 Il convient encore de relever que, selon le point 36 des bonnes pratiques dans les procédures de contrôle des concentrations, dans des cas appropriés, la Commission peut, dans l’intérêt de l’enquête, fournir aux tiers qui ont justifié un intérêt suffisant une version non confidentielle de la communication des griefs, afin de leur permettre de faire connaître leur avis sur son évaluation préliminaire. Dans de tels cas, la communication des griefs est fournie dans le cadre de strictes obligations de confidentialité et de restrictions d’utilisation, que les tiers doivent accepter avant de la recevoir.

129 C’est donc en fonction des droits limités accordés aux tiers qu’il convient de déterminer si, en l’espèce, les droits de la requérante ont été méconnus.

130 Par décision du 19 décembre 2018, le conseiller-auditeur a admis la requérante en tant que tiers dans la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée. Dans cette décision, le conseiller-auditeur a également indiqué que, conformément à l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 802/2004, la direction générale « Concurrence » de la Commission informerait la requérante de la nature et de l’objet de la procédure et lui accorderait un délai pour faire connaître son point de vue à ce sujet.

131 Or, la requérante ne conteste pas que la Commission s’est acquittée de son obligation légale de l’informer de la nature et de l’objet de la procédure en cause, ni d’avoir été mise en mesure de présenter des observations sur une version non confidentielle de la communication des griefs. Il ressort d’ailleurs du dossier produit devant le Tribunal que la requérante a présenté de telles observations, et ce à plusieurs reprises. La Commission a d’ailleurs tenu compte de celles-ci, notamment en ce qui concerne la question de la concurrence potentielle entre les parties à la concentration sur le marché MDU, ainsi que cela ressort notamment des considérants 728 et 750 et des notes en bas de page nos 535 et 561 de la décision attaquée.

132 En outre, il a déjà été jugé que les tiers à la procédure, tels que la requérante, ne sauraient se prévaloir de garanties identiques à celles qui sont accordées aux personnes intéressées et, en particulier, des droits qui leur sont conférés par l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement no 139/2004, qui prévoit, notamment, que ces dernières doivent être mises en mesure, avant l’adoption d’une décision prise au titre de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, dudit règlement, « de faire connaître, à tous les stades de la procédure jusqu’à la consultation du comité consultatif, leur point de vue au sujet des objections retenues à leur encontre » et que « la Commission ne fonde ses décisions que sur les objections au sujet desquelles les intéressés ont pu faire valoir leurs observations » (arrêt du 27 novembre 1997, Kaysersberg/Commission, T 290/94, EU:T:1997:186, point 101).

133 Il résulte de ce qui précède que l’absence de communication des critères d’investissement de Vodafone et de Unitymedia ne constitue pas une violation du droit d’être entendue de la requérante.

134 L’argumentation de la requérante tirée d’une violation de son droit d’être entendue et du principe de bonne administration doit, partant, être rejetée.

b) Sur l’erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission, en ce que cette dernière se serait exclusivement fondée sur les critères d’investissement subjectifs et des documents internes des parties à la concentration

135 En premier lieu, la requérante soutient que, en se fondant quasiment exclusivement sur les critères d’investissement subjectifs et sur des documents internes des parties à la concentration, la Commission aurait méconnu les critères pertinents pour examiner la concurrence potentielle. Selon elle, il découle de la jurisprudence du Tribunal que, pour conclure à l’existence d’une concurrence potentielle, il conviendrait de démontrer que l’entrée sur le marché peut s’effectuer moyennant des coûts économiquement supportables, ce qui requerrait de déterminer si pareille entrée est possible moyennant des coûts qui seraient, objectivement, économiquement supportables.

136 En deuxième lieu, la requérante reproche à la Commission de s’être fondée sur les critères d’investissement et les intentions des parties alors que ceux-ci seraient susceptibles d’être modifiés à tout moment, et ce sans même avoir vérifié leur fiabilité. Or, étant donné que cette concentration était planifiée de longue date par les parties, ces critères d’investissement auraient délibérément pu être fixés en interne à un niveau tel qu’aucune duplication de réseau câblée ne puisse satisfaire à ceux-ci. Dans ses observations du 2 juin 2023, la requérante fait en outre valoir que les critères d’investissement des parties à la concentration, tels que mentionnés dans la décision, ne seraient pas conformes au marché et seraient d’ailleurs bien supérieurs aux siens.

137 En troisième lieu, la requérante fait valoir que, dans sa décision de renvoi du 16 juin 2011 dans le cadre de l’acquisition de KabelBW par LGI (affaire M.5900), la Commission elle-même aurait indiqué qu’une duplication du réseau câblé était probable et aussi économiquement rentable. La Commission n’aurait, par ailleurs, pas tenu compte du fait que le Bundeskartellamt (Office fédéral des ententes, Allemagne) aurait considéré que les parties étaient à tout le moins des concurrents potentiels.

138 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

139 À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, en matière de contrôle des concentrations, selon une jurisprudence constante, l’examen des conditions de concurrence repose non seulement sur la concurrence actuelle que se font les entreprises déjà présentes sur le marché en cause, mais aussi sur la concurrence potentielle, afin de savoir si, compte tenu de la structure du marché et du contexte économique et juridique régissant son fonctionnement, il existe des possibilités réelles et concrètes que les entreprises concernées se fassent concurrence entre elles, ou qu’un nouveau concurrent puisse entrer sur le marché en cause et concurrencer les entreprises établies (voir arrêt du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T 177/04, EU:T:2006:187, point 116 et jurisprudence citée).

140 Afin de vérifier si une entreprise constitue un concurrent potentiel sur un marché, la Commission se doit de contrôler si, en l’absence de la concentration en cause, auraient existé des possibilités réelles et concrètes que celle-ci intégrât ledit marché et concurrençât les entreprises qui y étaient établies. Une telle démonstration ne doit pas reposer sur une simple hypothèse, mais doit être étayée par des éléments de fait ou une analyse des structures du marché pertinent. Ainsi, une entreprise ne saurait être qualifiée de concurrent potentiel si son entrée sur le marché ne correspond pas à une stratégie économique viable (voir, par analogie, arrêt du 29 juin 2012, E.ON Ruhrgas et E.ON/Commission, T 360/09, EU:T:2012:332, point 86 et jurisprudence citée).

141 Par ailleurs, la viabilité économique d’une stratégie d’entrée sur le marché ne saurait être assimilée à la simple rentabilité d’une telle stratégie. Si tel était le cas, une simple capacité théorique d’entrer sur un marché pourrait être considérée comme suffisante pour constater l’existence d’une concurrence potentielle. Dès lors, la Commission peut tenir compte de l’intérêt commercial ou économique à entrer sur un marché de l’entreprise dont la qualité de concurrent potentiel est analysée (voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T 87/05, EU:T:2005:333, points 177, 185, 187, 188, 191 et 195, et du 4 juillet 2006, easyJet/Commission, T 177/04, EU:T:2006:187, point 123) et, partant, s’appuyer sur ses critères d’investissement. Ainsi, la Commission ne saurait qualifier une entreprise de concurrent potentiel sur le fondement de considérations générales et abstraites sans qu’elle tienne compte des intérêts commerciaux de cette entreprise, de sa stratégie de développement à court et moyen terme ainsi que des critères de rentabilité qu’elle s’est fixés à cet effet.

142 Il s’ensuit que lorsque la Commission constate, premièrement, que l’entreprise concernée n’a accompli aucune démarche pour entrer sur le marché dans un laps de temps suffisamment court calculé à la lumière des caractéristiques du marché, deuxièmement, que ladite entreprise ne considère pas qu’il est économiquement rationnel et intéressant pour elle d’entrer sur le marché et donc, troisièmement, que ladite entreprise n’envisage pas d’entrer sur le marché à l’avenir d’une manière significative, elle peut, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, conclure que l’entreprise en cause n’est pas un concurrent potentiel de l’autre partie à la concentration. Pareil constat suffit pour écarter le premier grief de la requérante, selon lequel la Commission aurait en l’espèce méconnu les critères pertinents pour examiner la concurrence potentielle en se fondant quasiment exclusivement sur les critères d’investissement subjectifs et sur des documents internes des parties à la concentration.

143 En deuxième lieu, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’aurait pas pu se fonder sur les critères d’investissement des parties à la concentration, étant donné que ceux-ci auraient pu être modifiés à tout moment, voire manipulés, et qu’ils ne correspondraient pas à la pratique du secteur, il y a lieu de rappeler que la viabilité économique d’une stratégie d’entrée sur le marché ne saurait être assimilée à la simple rentabilité d’une telle stratégie et que la Commission peut se fonder sur l’intérêt commercial ou économique à entrer sur un marché de l’entreprise dont la qualité de concurrent potentiel est analysée (voir points 140 et 141 ci-dessus) et, partant, sur ses critères d’investissement.

144 Par ailleurs, compte tenu de l’impératif de célérité et des délais stricts qui s’imposent à la Commission dans le cadre de la procédure de contrôle des concentrations, celle-ci ne peut pas, à défaut d’indices indiquant l’inexactitude des informations fournies, être tenue d’effectuer des vérifications s’agissant de toutes les informations qu’elle reçoit. En effet, bien que l’obligation d’examen diligent et impartial qui incombe à la Commission, dans le cadre d’une telle procédure, ne lui permette pas de se fonder sur des éléments ou des informations qui ne peuvent pas être considérés comme véridiques, ledit impératif de célérité suppose, toutefois, que celle-ci ne peut pas vérifier par elle-même, dans le moindre détail, l’authenticité et la fiabilité de toutes les communications qui lui sont envoyées, la procédure de contrôle des concentrations reposant nécessairement et dans une certaine mesure sur la confiance (arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T 151/05, EU:T:2009:144, point 184).

145 Il convient, qui plus est, de souligner que différentes mesures visant à décourager et à punir la transmission d’informations inexactes ou trompeuses sont prévues par la réglementation applicable au contrôle des concentrations. En effet, les parties qui notifient une opération de concentration sont soumises, au titre de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 802/2004, à l’obligation expresse de fournir à la Commission de manière véridique et complète les faits et circonstances pertinents pour la décision de compatibilité, cette obligation étant sanctionnée à l’article 14 du règlement no 139/2004. Par ailleurs, la Commission peut aussi révoquer, sur le fondement de l’article 6, paragraphe 3, sous a), et de l’article 8, paragraphe 6, sous a), du règlement no 139/2004, la décision de compatibilité si celle-ci repose sur des indications inexactes dont une des entreprises concernées est responsable ou si elle a été obtenue par tromperie (arrêt du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T 151/05, EU:T:2009:144, point 185).

146 Enfin, il convient de constater, d’une part, qu’il ressort notamment du considérant 742 et de la note en bas de page no 553 de la décision attaquée que la Commission a vérifié les projections effectuées par les parties à la concentration, dans le cadre desquelles ces dernières ont examiné la rentabilité, eu égard à leurs critères d’investissement, de plusieurs projets de déploiement d’infrastructure, et a considéré que les résultats de celles-ci étaient suffisamment robustes et, d’autre part, que la Commission ne s’est pas fondée sur les seuls critères d’investissement des parties à la concentration pour conclure à l’absence de concurrence potentielle entre elles, mais qu’elle a notamment tenu compte du fait que, en pratique, ni Vodafone ni Unitymedia n’avaient jamais dupliqué le réseau câblé de l’autre partie et que ces parties n’avaient que de manière négligeable étendu leur réseau à l’intérieur de leur propre empreinte câblée, alors qu’une telle extension interne était plus rentable.

147 Ce deuxième grief de la requérante portant sur la fiabilité des critères d’investissement des parties à la concentration ne peut, partant, être accueilli.

148 En troisième lieu, s’agissant de la décision de la Commission du 16 juin 2011 dans l’affaire M.5900 – LGI/KBW, mentionnée par la requérante, il importe de préciser que, dans cette décision, la Commission a renvoyé la concentration qui lui avait été notifiée et qui portait sur l’acquisition de KBW par LGI aux autorités compétentes de la République fédérale d’Allemagne, conformément à l’article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement no 139/2004, après avoir constaté que les conditions d’un renvoi au titre de l’article 9, paragraphe 2, sous a), du règlement no 139/2004 étaient réunies. Or, dans une telle décision de renvoi, la Commission ne statue pas sur la compatibilité d’une concentration avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêts du 3 avril 2003, Royal Philips Electronics/Commission, T 119/02, EU:T:2003:101, point 275, et du 30 septembre 2003, Cableuropa e.a./Commission, T 346/02 et T 347/02, EU:T:2003:256, point 52). En effet, ce type de décision n’a pas pour objet de statuer sur les effets de la concentration sur les marchés concernés faisant l’objet du renvoi, mais de transférer la responsabilité de cet examen aux autorités nationales compétentes qui en font la demande afin qu’elles statuent en application de leur droit national de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 3 avril 2003, Royal Philips Electronics/Commission, T 119/02, EU:T:2003:101, point 276, et du 30 septembre 2003, Cableuropa e.a./Commission, T 346/02 et T 347/02, EU:T:2003:256, point 53).

149 Par ailleurs, dans une décision de renvoi, la Commission ne saurait, sous peine de priver semblable mécanisme de sa substance, se livrer à un examen de la compatibilité de la concentration de nature à lier les autorités nationales concernées quant au fond, mais elle doit se borner à vérifier, au terme d’un examen prima facie, si, sur le fondement des éléments dont elle dispose au moment de l’appréciation du bien-fondé de la demande de renvoi, la concentration concernée menace de créer ou de renforcer une position dominante sur les marchés concernés (voir arrêt du 30 septembre 2003, Cableuropa e.a./Commission, T 346/02 et T 347/02, EU:T:2003:256, point 217 et jurisprudence citée).

150 Dès lors, il y a lieu de considérer que, dans la décision du 16 juin 2011 dans l’affaire M.5900 – LGI/KBW, la Commission n’a porté aucune appréciation définitive sur l’existence éventuelle d’une relation de concurrence potentielle entre les parties à la concentration. Cette appréciation est d’ailleurs confirmée par les formules hypothétiques utilisées dans cette décision.

151 Par ailleurs, à supposer même qu’une telle assertion de la requérante concernant l’affaire M.5900 – LGI/KBW soit exacte, il suffit de rappeler que la Commission n’est pas liée, en tout état de cause, par sa pratique antérieure. En effet, il convient de relever que lorsque la Commission statue sur la compatibilité d’une concentration avec le marché intérieur sur le fondement d’une notification et d’un dossier propres à cette opération, une partie requérante n’est pas en droit de remettre en cause ses constatations au motif qu’elles diffèrent de celles faites antérieurement dans une autre affaire, sur le fondement d’une notification et d’un dossier différents, à supposer même que les marchés en cause dans les deux affaires soient similaires, voire identiques (arrêts du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T 210/01, EU:T:2005:456, point 118, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T 162/10, EU:T:2015:283, point 142).

152 Quant aux décisions de l’Office fédéral des ententes invoquées par la requérante, il convient de relever que, eu égard à la répartition précise des compétences sur laquelle repose le règlement no 139/2004, les décisions des autorités nationales ne sauraient lier la Commission dans le cadre des procédures de contrôle des concentrations (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 2007, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, C 202/06 P, EU:C:2007:814, point 56, et du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T 151/05, EU:T:2009:144, point 139), a fortiori lorsqu’elles concernent les parties à une autre concentration et une autre période.

153 Il découle de ce qui précède que la Commission n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en tenant compte des critères d’investissement et des documents internes des parties à la concentration, en vue de déterminer si celles-ci devaient ou non être considérées comme des concurrents potentiels.

c) Sur l’erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission, en ce que cette dernière n’aurait pas suffisamment tenu compte d’autres éléments

154 Selon la requérante, la Commission aurait insuffisamment tenu compte d’autres éléments dans le cadre de son examen de l’existence d’une relation de concurrence potentielle entre les parties à la concentration sur le marché MDU.

155 Ainsi, en premier lieu, la requérante fait valoir qu’il ressort de l’enquête de marché que l’ensemble des opérateurs percevaient Vodafone et Unitymedia comme étant des concurrents potentiels sur le marché MDU, ce que la Commission n’aurait nullement pris en considération. Cela serait confirmé, selon la requérante, par le fait que les parties à la concentration étaient déjà toutes deux actives dans l’empreinte câblée de l’autre partie, qu’elles comparaient régulièrement leurs offres et effectuaient des analyses comparatives et que Vodafone réalisait déjà des investissements considérables dans l’empreinte câblée de Unitymedia, notamment en vue de déployer, en partenariat avec Deutsche Glasfaser, un réseau en fibre optique dans des zones industrielles à Düsseldorf.

156 En deuxième lieu, bien qu’elle ait constaté dans la décision attaquée que d’autres opérateurs, tels que la requérante ou Deutsche Telekom, réalisaient des investissements en dehors de leurs zones de couverture, la Commission n’en aurait pas tenu compte. Or, selon la requérante, si des câblo-opérateurs de plus petite taille sont à même d’opérer, de manière rentable, une duplication de réseau câblé, Vodafone et Unitymedia auraient dû également être capables de le faire.

157 En troisième lieu, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que Vodafone détenait déjà une infrastructure de réseau dans l’empreinte câblée de Unitymedia, qu’elle aurait pu utiliser pour opérer des offensives concurrentielles, et du fait que Vodafone devait en tout cas y construire une infrastructure dans le cadre du déploiement de la 5G. La Commission n’aurait pas non plus pris en considération le fait que les coûts afférents au développement du réseau de niveau 3 auraient été également encourus par les entreprises pour le développement de leur propre empreinte, avec pour conséquence que ces coûts auraient été en tout cas encourus, qu’ils aient lieu dans l’empreinte câblée de l’opérateur en question, dans les régions frontalières de cette empreinte ou dans l’empreinte câblée d’un autre opérateur.

158 En quatrième lieu, la requérante fait valoir que l’expansion des activités aurait été possible sur le marché MDU non seulement par le biais d’une duplication du réseau câblé, mais également sur le fondement de services intermédiaires fournis par un autre opérateur, c’est-à-dire sans infrastructure propre, voire au moyen d’opérations de fusion et d’acquisition, ce que la Commission aurait omis de prendre en compte.

159 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

160 À cet égard, s’agissant, en premier lieu, de l’opinion des entreprises déjà actives sur le marché en cause, exprimée au cours de l’enquête de marché, il y a lieu de souligner que la Commission est en droit d’en tenir compte. Cependant, ce critère ne saurait être décisif pour porter une appréciation sur l’existence d’une concurrence potentielle.

161 En effet, bien que l’opinion des concurrents puisse constituer une importante source d’information sur l’impact prévisible d’une opération de concentration sur le marché, elle ne saurait lier la Commission dans son appréciation autonome de l’impact de la concentration sur ce marché [voir, en ce sens, arrêts du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T 102/96, EU:T:1999:65, points 290 et 291, et du 5 octobre 2020, HeidelbergCement et Schwenk Zement/Commission, T 380/17, EU:T:2020:471, point 673 (non publié)].

162 En tout état de cause, il y a lieu de constater qu’il ressort des considérants 727, 728, 752 et 753 de la décision attaquée que la Commission a bien tenu compte de l’opinion des opérateurs concurrents, puisqu’il découle de ces considérants qu’elle a engagé un examen approfondi de l’existence d’une concurrence potentielle entre les parties à la concentration, en raison notamment des observations formulées par ceux-ci.

163 Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle les parties à la concentration étaient déjà actives dans l’empreinte câblée de l’autre, que Vodafone réalisait déjà des investissements dans l’empreinte câblée de Unitymedia ou que ces parties surveillaient leurs activités respectives, il y a lieu de relever que ces éléments ont trait à l’existence prétendue d’une concurrence directe ou indirecte réelle, ce qui rend pareille allégation inopérante dans le cadre de la présente branche portant sur la concurrence potentielle. En tout état de cause, il ressort de l’examen des première et deuxième branches ci-dessus que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu conclure, dans la décision attaquée, que les parties à la concentration n’étaient, sur le marché MDU, ni des concurrents directs ni des concurrents indirects.

164 Il découle de ce qui précède que le premier grief de la requérante doit être écarté.

165 S’agissant, en deuxième lieu, de l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait, après avoir constaté que de plus petits opérateurs réalisaient des investissements en dehors de leurs zones de couverture, dû considérer que Vodafone et Unitymedia étaient elles aussi à même de le faire, force est de constater que la Commission a expliqué, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles ces stratégies n’étaient pas applicables aux parties à la concentration.

166 En ce qui concerne plus particulièrement le cas de la requérante, les éléments de preuve présentés au considérant 744, sous a), et aux considérants 797 à 799 de la décision attaquée, non contestés en tant que tels par la requérante, indiquent que cette dernière n’avait pas véritablement entrepris de duplication du réseau câblé au cours des années ayant précédé l’adoption de la décision attaquée. En particulier, la figure 20 incluse au considérant 798 de la décision attaquée montre que le nombre de foyers connectés au réseau de la requérante n’avait pas sensiblement augmenté entre 2012 et 2018, si ce n’est en raison de l’acquisition d’actifs préexistants d’autres sociétés.

167 En ce qui concerne Deutsche Telekom, il ressort du considérant 744, sous c), de la décision attaquée et de la réponse de cet opérateur qui y est citée que sa situation était très différente de celle des parties à la concentration, notamment au motif que Deutsche Telekom possédait déjà un réseau de fibre optique très étendu et qu’elle utilisait ce réseau pour fournir des services d’accès à haut débit via la technologie de ligne d’abonné numérique (Digital Subscriber Line, DSL), ce que la requérante ne conteste nullement. Partant, afin d’étendre à de nouvelles zones son offre à des clients MDU, Deutsche Telekom pouvait s’appuyer sur ses propres lignes de fibre optique ou ses conduites existantes et n’avait généralement besoin de construire que de courtes parties du réseau de niveau 3 nécessaire.

168 Il s’ensuit que les cas de duplication du réseau effectués par ces opérateurs ne permettent pas de remettre en cause les appréciations de la Commission au sujet de la concurrence potentielle entre les parties à la concentration.

169 Par conséquent, le deuxième grief de la requérante doit être écarté.

170 S’agissant, en troisième lieu, du fait que la Commission n’aurait pas tenu compte de l’infrastructure existante de Vodafone, notamment dans l’empreinte câblée de Unitymedia, et du fait que des coûts similaires auraient été nécessaires pour étendre un réseau câblé, que ce fût à l’intérieur ou à l’extérieur de l’empreinte câblée des parties à la concentration, il y a lieu de relever qu’il ressort du considérant 740 de la décision attaquée que les projections effectuées par Vodafone et vérifiées par la Commission tenaient bel et bien compte des infrastructures existantes de cet opérateur ainsi que du déploiement de la 5G, lesquels ne permettaient toutefois pas de rendre une duplication du réseau câblé suffisamment rentable.

171 En outre, il convient de relever que, au considérant 737 de la décision attaquée, la Commission a constaté que la duplication du réseau câblé n’était globalement pas attrayante pour Vodafone, « en particulier par rapport à l’ajout de nouveaux foyers dans sa propre empreinte câblée qui impliquait des investissements moindres dans les infrastructures et qui offrait des opportunités de revenus plus élevés en raison de l’absence d’un opérateur déjà en place ». Il s’ensuit que la Commission a constaté qu’une duplication du réseau câblé en dehors de son empreinte s’avérait moins rentable qu’une extension du réseau câblé sur son propre territoire, ce que la requérante ne conteste pas. En l’espèce, la requérante se contente de faire valoir que les coûts liés au développement, par un câblo-opérateur, de son réseau à l’intérieur de son empreinte câblée auraient été similaires à ceux encourus pour une extension de son réseau câblé en dehors de sa zone de couverture, sans nullement étayer pareille prétention, et notamment sans contester ces éléments avancés par la Commission.

172 Par ailleurs, il y a lieu de constater que, dans deux passages divulgués par la Commission, en application de l’ordonnance du 30 mars 2023, des considérants 736 et 759 de la décision attaquée, la Commission a indiqué qu’elle avait constaté que, au cours des cinq dernières années, les parties à la concentration n’avaient étendu que de manière négligeable leur réseau à l’intérieur de leurs empreintes câblées respectives ou à proximité de celles-ci. Ce constat, non remis en cause par la requérante dans ses observations du 2 juin 2023, corrobore la conclusion de la Commission selon laquelle une extension des parties à la concentration dans l’empreinte câblée de l’autre partie aurait été improbable en l’absence de l’opération. En effet, si Vodafone et Unitymedia n’avaient que de manière négligeable étendu leur réseau câblé à l’intérieur de leurs propres empreintes câblées respectives préalablement à l’opération, il était effectivement improbable qu’elles étendent leur réseau câblé en dehors de leurs empreintes, et notamment dans celle de l’autre partie, puisqu’une telle extension était moins rentable qu’une extension à l’intérieur de leurs propres empreintes câblées respectives.

173 Par conséquent, ce troisième grief avancé par la requérante ne saurait prospérer.

174 S’agissant, en quatrième lieu, de la prétention de la requérante selon laquelle la Commission aurait omis de tenir compte du fait que Vodafone et Unitymedia auraient pu se faire concurrence sur le fondement de moyens non liés à l’infrastructure, force est de constater que, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission ne s’est pas limitée à examiner la probabilité d’une concurrence potentielle par le biais d’une duplication de réseau câblé, ainsi que cela ressort du considérant 745 de la décision attaquée pour ce qui est de Vodafone, et du considérant 763 pour ce qui est de Unitymedia. La Commission a, dans ce cadre, considéré qu’il était également peu probable qu’une partie pénétrât sur l’empreinte câblée de l’autre partie à partir de moyens non fondés sur l’infrastructure, tels que, notamment, les lignes louées, l’infrastructure satellite ou les réseaux de niveau 4, de sorte que ce quatrième grief ne saurait être accueilli.

175 En tout état de cause, la Commission a expliqué devant le Tribunal, sans être contredite par la requérante, que, bien qu’il fût théoriquement possible de fournir des services de transmission de signaux de télévision à des clients MDU sans utiliser sa propre infrastructure de niveau 3, il ne s’agissait pas, en pratique, d’une possibilité intéressante d’un point de vue concurrentiel. À cet égard, il convient également de relever que, au considérant 820 de la décision attaquée, auquel s’est référée la requérante à plusieurs reprises dans le cadre de la présente procédure, la Commission a constaté que les opérateurs de niveau 4, dont la requérante, dépendaient complètement de la volonté des parties d’offrir des services de transmission intermédiaire du signal de télévision à des conditions compétitives, ce que la requérante ne conteste pas. Ensuite, au considérant 1479 de la décision attaquée, la Commission a relevé que les opérateurs de niveau 4 avaient expliqué eux-mêmes qu’ils étaient actifs dans un segment de niche du marché, tandis que les associations de logements avaient affirmé que les opérateurs de niveau 4 ne satisfaisaient fréquemment pas aux exigences requises en matière de niveau de service et n’étaient pas en mesure de prendre en charge les mises à niveau du réseau de niveau 3, ce que la requérante ne conteste pas non plus. Or, ces éléments corroborent le constat de la Commission selon lequel il était peu probable que les parties à la concentration étendent leurs activités dans l’empreinte câblée de l’autre partie en s’appuyant sur des moyens non fondés sur l’infrastructure.

176 Par conséquent, il convient d’écarter le quatrième grief invoqué par la requérante.

d) Sur l’erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission, en ce que cette dernière n’aurait pas tenu compte de la clientèle existante de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia et du potentiel de menace réciproque

177 En premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission a erronément omis de prendre en compte la base de clients existante de Vodafone sur l’empreinte câblée de Unitymedia dans le domaine d’Internet, de la téléphonie et de l’IPTV, alors que cette clientèle représentait environ 5 à 10 % du marché et que Vodafone aurait pu s’appuyer sur celle-ci pour mener des offensives de concurrence. D’ailleurs, dans le cadre de l’affaire B7-70/12, Kabel Deutschland/Tele Columbus, c’est-à-dire l’affaire portant sur la tentative échouée de racheter la requérante, Vodafone aurait indiqué sa disposition à exercer des activités sur le territoire de Unitymedia en s’appuyant sur sa base de clientèle existante. Dans son rapport annuel de 2018, annexé à la requête, Unitymedia aurait d’ailleurs relevé l’existence d’une telle menace concurrentielle.

178 En second lieu, la requérante soutient que la Commission a également omis de constater que les parties à la concentration exerçaient une menace concurrentielle importante l’une sur l’autre en raison de leur simple existence et du risque de leur entrée sur le marché. Selon la requérante, le potentiel de menace et la pression concurrentielle réciproque qui en résultait avaient incité les parties à la concentration à investir dans leur infrastructure et à maintenir des offres attrayantes en termes de prix et de caractéristiques qualitatives.

179 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

180 À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de relever que, au considérant 741 de la décision attaquée, la Commission a exposé les différentes raisons pour lesquelles la base de clientèle DSL existante de Vodafone sur l’empreinte câblée de Unitymedia ne permettait pas d’améliorer la profitabilité d’une duplication, par Vodafone, du réseau câblé de Unitymedia dans l’empreinte de cette dernière.

181 Au considérant 741 de la décision attaquée, la Commission a, notamment, expliqué que les contrats MDU étaient le principal moteur du développement commercial sur le marché MDU et, partant, que la clientèle DSL existante de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia ne pouvait être utilisée comme tremplin pour accroître le nombre de clients sur ce marché. Dans la duplique, la Commission a ajouté que pareil constat s’appliquait à la clientèle IPTV existante de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia.

182 À cet égard, étant donné que les clients MDU, à savoir des sociétés de logements, formaient un groupe totalement indépendant des clients IPTV et des clients DSL, il semblait effectivement peu probable que la base de clientèle DSL et IPTV de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia pût aider ce premier opérateur à étendre ses activités sur le marché MDU dans la zone de couverture de cette dernière et, de la sorte, représenter une pression concurrentielle potentielle.

183 Or, la requérante n’a avancé aucun élément susceptible de remettre en cause cette appréciation, de sorte que ce premier grief ne saurait être accueilli.

184 Il y a également lieu d’ajouter que la Commission n’est pas liée par les déclarations effectuées par Kabel Deutschland (devenue Vodafone) dans le contexte de la procédure ayant donné lieu à la décision B7-70/12. Quant au fait qu’il ressortirait du rapport annuel 2018 de Unitymedia que cette dernière reconnaissait la menace concurrentielle de Vodafone dans son empreinte câblée, force est de constater que, dans ledit rapport, annexé à la requête, Unitymedia y a fait uniquement référence à l’infrastructure DSL de Deutsche Telekom et aux services IPTV de Vodafone. Toutefois, pour les raisons exposées aux points 181 et 182 ci-dessus, il convient de rappeler que le fait de disposer d’une clientèle DSL ou IPTV n’est pas pertinent pour apprécier l’existence d’une concurrence potentielle sur le marché MDU.

185 Par conséquent, la requérante ne démontre pas que l’absence de prise en compte de la base de clientèle existante de Vodafone sur l’empreinte câblée de Unitymedia dans le domaine d’Internet, de la téléphonie et de l’IPTV serait constitutive d’une erreur manifeste d’appréciation.

186 En second lieu, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle la simple existence, et le risque d’entrée lié, de chaque partie à la concentration aurait donné lieu à une menace concurrentielle sur l’autre partie, force est de constater que celle-ci est formulée de manière générale et n’est pas suffisamment étayée, de sorte qu’elle ne saurait être accueillie.

187 En tout état de cause, il ressort de l’examen de la présente branche que la requérante ne parvient pas à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant, dans la décision attaquée, qu’il était peu probable que les parties à la concentration, en l’absence de celle-ci, aient étendu leurs activités sur le marché MDU dans l’empreinte câblée de l’autre partie, avec pour conséquence qu’il n’existait aucune menace concurrentielle d’une partie sur l’autre partie.

e) Sur la prétendue collusion entre les parties à la concentration

188 La requérante fait également valoir que si les parties à la concentration ne s’étaient pas fait concurrence et n’avaient jamais dupliqué leurs réseaux câblés, c’était parce qu’il existait entre elles une collusion implicite ou tacite. Selon la requérante, si la Commission avait procédé de manière correcte, elle aurait dû constater que, dans l’hypothèse où ni Vodafone ni Unitymedia n’avaient étendu leurs activités sur le marché MDU dans l’empreinte câblée de l’autre, ça aurait été uniquement en raison d’une pareille collusion.

189 Ainsi, la requérante fait valoir que tous les câblo-opérateurs étaient techniquement capables d’étendre leur réseau câblé, qu’il était économiquement viable de dupliquer un réseau câblé, que les critères d’investissement des parties à la concentration n’étaient pas déterminants pour apprécier l’existence d’une concurrence potentielle et qu’une expansion pouvait se réaliser par d’autres moyens qu’une duplication de réseau. La requérante se réfère également à deux décisions de l’Office fédéral des ententes qui avaient constaté l’existence d’une telle collusion.

190 La Commission conteste les arguments de la requérante.

191 À cet égard, il convient d’observer que la critique de la requérante ne porte pas sur la concentration examinée dans la décision attaquée, ni sur les effets de celle-ci sur le marché MDU, mais vise plutôt à tenter d’expliquer la raison pour laquelle les parties à cette opération ne se faisaient pas concurrence avant celle-ci.

192 Or, il résulte de l’article 21, paragraphe 1, du règlement no 139/2004 que ce dernier est seul applicable aux concentrations telles que définies à l’article 3 de ce règlement, pour lesquelles le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1), ne trouve pas, en principe, à s’appliquer. En revanche, ce dernier règlement est le seul applicable aux comportements des entreprises qui, sans constituer une opération de concentration au sens du règlement no 139/2004, sont néanmoins susceptibles d’aboutir à une coordination entre elles contraire à l’article 101 TFUE et qui, pour ce motif, sont soumis au contrôle de la Commission ou des autorités de concurrence nationales (arrêt du 7 septembre 2017, Austria Asphalt, C 248/16, EU:C:2017:643, points 32 et 33).

193 Il en découle que le grief de la requérante tiré d’une prétendue collusion implicite ou tacite entre les parties à la concentration préalablement à celle-ci est inopérant, puisqu’il n’a pas trait à l’objet de la décision attaquée, à savoir une concentration soumise au règlement no 139/2004, mais qu’il vise plutôt des pratiques tombant potentiellement dans le champ d’application des articles 101 ou 102 TFUE et du règlement no 1/2003. Ainsi, même si les allégations de la requérante étaient fondées, c’est-à-dire même dans l’hypothèse où il aurait existé, préalablement à l’opération, une collusion implicite ou tacite entre les parties à la concentration expliquant l’absence de concurrence réelle ou potentielle entre elles sur le marché MDU, comme le fait valoir la requérante, cela n’aurait pas permis de remettre en cause la conclusion à laquelle est parvenue la Commission en ce qui concerne ce marché, à savoir l’absence de concurrence entre les parties à la concentration dont l’élimination aurait pu donner lieu à une ESCE.

194 En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les allégations de tiers tirées d’une collusion tacite entre les parties à la concentration n’étaient pas confirmées par un examen des documents internes desdites parties et étaient contredites par les preuves qui figuraient au dossier au sujet de la rentabilité insuffisante de la duplication de réseaux câblés (voir notes en bas de page nos 534 et 566). Les arguments avancés par la requérante, lesquels ont déjà tous été écartés ci-dessus, dans le cadre de l’examen de la présente branche, ne permettent pas de remettre en cause ce constat de la Commission. Par ailleurs, interrogée sur la question d’une collusion tacite entre les parties à la concentration lors de l’audience, la requérante n’a pas été en mesure de présenter le moindre commencement de preuve à cet égard. Enfin, en ce qui concerne les deux décisions de l’Office fédéral des ententes invoquées, il y a lieu de rappeler qu’elles ne sauraient lier la Commission, comme cela a été rappelé au point 152 ci-dessus.

f) Sur les effets horizontaux non coordonnés résultant de la suppression de la concurrence potentielle entre les parties à la concentration

195 La requérante fait finalement valoir que la suppression de la concurrence potentielle entre les parties à la concentration donnerait lieu à des effets horizontaux non coordonnés sur le marché MDU et, partant, à une ESCE. À l’appui de pareille allégation, la requérante se réfère à deux décisions antérieures de la Commission, dans laquelle cette dernière aurait, dans des circonstances que la requérante qualifie de similaires, conclu à l’existence d’une telle entrave significative. Selon la requérante, en l’espèce, la concentration empêcherait durablement une réelle concurrence de s’instaurer entre les parties à la concentration, ce qui constituerait une ESCE.

196 La Commission conteste les arguments de la requérante.

197 À cet égard, force est de constater que, dans la mesure où il ressort de l’examen de la présente branche que la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a considéré que les parties à l’opération n’étaient pas des concurrents potentiels, l’argument de la requérante tiré des effets de la disparition d’une telle concurrence doit être rejeté.

198 Dès lors, il découle de l’ensemble de ce qui précède que la troisième branche du présent moyen doit être écartée.

5. Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation, en ce que la Commission aurait omis de tenir compte de l’augmentation massive des ressources de l’entité issue de la concentration

199 La requérante considère que la Commission aurait dû tenir compte de l’augmentation massive des ressources de l’entité issue de la concentration et des conséquences de celle-ci sur le marché MDU.

200 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux considérants 821 à 831 de la décision attaquée, la Commission a, en réponse à des craintes formulées à cet égard par plusieurs répondants à l’enquête de marché, vérifié si l’opération aurait des effets négatifs, propres à la concentration, sur les concurrents actifs sur le marché MDU. Cependant, la Commission a indiqué qu’elle n’avait relevé aucun changement significatif propre à la concentration pour trois raisons principales.

201 Premièrement, la Commission a observé que Vodafone et Unitymedia étaient toutes deux diversifiées au niveau international. Préalablement à la concentration, les deux parties détenaient déjà une position forte, non seulement sur le marché MDU, mais également sur le marché SDU, le marché de l’accès fixe à Internet et le marché des services de téléphonie fixe. La Commission en a déduit que, avant l’opération déjà, les deux parties pouvaient bénéficier de certaines économies d’échelle et procéder à des subventionnements croisés, avec pour conséquence que celle-ci n’entraînerait aucun changement significatif à cet égard (voir considérants 823 à 825 de la décision attaquée).

202 Deuxièmement, la Commission a examiné les arguments des concurrents tirés de ce que l’entité issue de la concentration pourrait, à l’issue de celle-ci, les évincer en proposant des offres groupées et, en particulier, des offres de convergence fixe-mobile aux clients MDU dans l’empreinte câblée de Unitymedia. À cet égard, la Commission a exposé aux considérants 826 à 829 de la décision attaquée les raisons principales pour lesquelles l’opération n’aurait entraîné, selon elle, aucun changement significatif, tant en ce qui concernait les offres groupées en général que les offres de convergence fixe-mobile, tout en indiquant que ces effets étaient évalués dans la section VIII.C.5 traitant des effets de conglomérat potentiels de l’opération.

203 Troisièmement, au considérant 830 de la décision attaquée, la Commission s’est prononcée sur les inquiétudes exprimées par des concurrents quant aux effets potentiels de l’opération sur le marché MDU, en raison de l’augmentation du pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration à l’égard des télédiffuseurs. Ces concurrents craignaient en effet que ce pouvoir de marché accru conduisît l’entité issue de la concentration à obtenir de meilleures conditions telles que des contenus exclusifs ou des redevances de rachat plus élevées. À cet égard, la Commission a expliqué que ces effets étaient évalués dans la section VIII.C.2.11, portant sur les effets potentiels de l’opération sur le marché de gros de la transmission du signal de télévision. Elle a indiqué que, en conclusion, elle avait constaté que l’opération n’était pas susceptible de se traduire par une éviction (foreclosure) des concurrents sur le marché de détail.

204 En l’espèce, à l’appui de la deuxième branche du présent moyen, la requérante invoque un défaut de motivation et une erreur manifeste d’appréciation, estimant que la Commission n’avait pas pris en compte, en ce qui concerne le marché MDU, l’augmentation massive des ressources découlant de la concentration.

a) Sur le défaut de motivation

205 La requérante soutient que, en n’examinant pas la question de savoir si l’opération aurait donné lieu à des effets anticoncurrentiels sur le marché MDU, en raison de l’accroissement des redevances de rachat qui seraient versées par les télédiffuseurs à l’entité issue de la concentration et de l’augmentation considérable du pouvoir de négociation de cette entité vis-à-vis des détenteurs de droit et des télédiffuseurs, alors même qu’il se serait agi d’éléments déterminants, la Commission aurait manqué à son obligation de motivation.

206 La requérante ajoute que, dans la décision attaquée, la Commission s’est limitée à analyser les répercussions de la concentration sur le marché de gros de la transmission du signal de télévision, sans examiner les interactions entre ce dernier et le marché MDU. Selon la requérante, compte tenu de l’absence d’analyse des répercussions, sur le marché MDU, de l’augmentation des ressources des parties à la concentration, la Commission n’était pas en mesure d’évaluer si l’engagement relatif aux redevances de rachat était à même de résoudre les problèmes de concurrence sur le marché MDU.

207 La Commission conteste les arguments de la requérante.

208 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C 413/06 P, EU:C:2008:392, point 166 et jurisprudence citée).

209 Toutefois, l’auteur d’un tel acte n’est pas tenu de prendre position sur des éléments clairement secondaires ou d’anticiper des objections potentielles. De plus, le degré de précision de la motivation d’une décision doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles elle doit intervenir. Ainsi, la Commission ne viole pas son obligation de motivation si lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration, elle n’inclut pas dans sa décision une motivation précise quant à l’appréciation d’un certain nombre d’aspects de la concentration qui lui semblent manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires pour l’appréciation de cette dernière. Une telle exigence serait en effet difficilement compatible avec l’impératif de célérité et les brefs délais de procédure qui s’imposent à la Commission lorsqu’elle exerce son pouvoir de contrôle des opérations de concentration et qui font partie des circonstances particulières d’une procédure de contrôle de ces opérations (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C 413/06 P, EU:C:2008:392, point 167 et jurisprudence citée).

210 Il en résulte que lorsque la Commission déclare une opération de concentration compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004, l’exigence de motivation est satisfaite si cette décision expose clairement les raisons pour lesquelles la Commission considère que la concentration en question, le cas échéant après modifications apportées par les entreprises concernées, n’entrave pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C 413/06 P, EU:C:2008:392, point 168).

211 En l’espèce, il y a lieu de constater que le défaut de motivation allégué par la requérante vise uniquement la troisième des raisons principales pour lesquelles la Commission a estimé, dans la décision attaquée, que l’opération n’aurait aucun effet négatif, propre à la concentration, sur les concurrents actifs sur le marché MDU, c’est-à-dire celle exposée au considérant 830 de la décision attaquée, découlant de l’augmentation du pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration à l’égard des télédiffuseurs (voir point 203 ci-dessus). La requérante ne soutient en effet pas que la Commission aurait insuffisamment motivé les deux autres raisons, exposées respectivement aux considérants 823 à 825 et 826 à 829 de la décision attaquée, mais vise expressément et uniquement le considérant 830 de ladite décision.

212 Il convient également de relever que, à la section C.VIII.2.11 de la décision attaquée, la Commission s’est livrée à un examen particulièrement détaillé, de plus de 70 pages, du marché de la fourniture de gros de services de transmission de signaux de télévision, un marché en amont du marché MDU, au terme duquel elle a identifié des problèmes de concurrence résultant de l’augmentation du pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration vis-à-vis des télédiffuseurs et qu’elle a rendu obligatoires plusieurs engagements de Vodafone, dont un engagement de ne pas augmenter les redevances de rachat versées par les télédiffuseurs, en vue d’éliminer ces problèmes de concurrence (voir considérants 1956 à 1965).

213 Par conséquent, eu égard à l’élimination des problèmes de concurrence découlant de l’accroissement du pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration vis-à-vis des télédiffuseurs, la question des effets que ces problèmes de concurrence auraient pu avoir sur le marché MDU en aval était devenue clairement secondaire, au sens de la jurisprudence citée au point 209 ci-dessus.

214 Il en découle que, en n’incluant pas de motivation précise quant aux effets qu’auraient pu avoir, sur le marché MDU, les problèmes de concurrence découlant de l’accroissement du pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration vis-à-vis des télédiffuseurs constatés sur le marché en amont de la fourniture de gros de services de transmission de signaux de télévision, la Commission n’a pas violé son obligation de motivation.

b) Sur l’erreur manifeste d’appréciation

215 La requérante soutient que la Commission a erronément nié l’augmentation des ressources découlant de la concentration et les effets horizontaux qui en découlaient.

216 À l’appui de cette allégation, en premier lieu, la requérante fait valoir que l’augmentation des ressources, résultant plus particulièrement d’économies d’échelles, d’avantages financiers et d’une puissance commerciale accrue, était bien « propre » à la concentration. Un tel lien de causalité entre la concentration, d’une part, et l’augmentation des ressources, d’autre part, aurait été, de toute évidence, établi. La Commission aurait eu tort, au considérant 822 de la décision attaquée, de prétendre que la concentration n’aurait pas donné lieu à des changements « significatifs », puisqu’elle aurait renforcé considérablement les ressources de l’entité issue de la concentration. La Commission ayant reconnu une augmentation des ressources propre à la concentration dans le cadre de son examen du marché de rachat de signaux de télévision, la requérante soutient qu’elle aurait dû, sous peine de se contredire, faire de même en ce qui concernait le marché MDU.

217 En second lieu, la requérante considère que cette augmentation des ressources entraînerait des effets horizontaux non coordonnés sur le marché MDU et, partant, une ESCE. La requérante ajoute que les parties à la concentration auraient elles-mêmes reconnu que l’opération créerait d’importantes synergies et réductions de coûts ainsi qu’un opérateur détenant, en plus d’autres avantages, une part du marché MDU national de l’ordre de 70 à 80 %. L’entité issue de la concentration aurait pu alors utiliser ces avantages dans la fixation de ses tarifs vis-à-vis des clients MDU, voire proposer des prix prédateurs, évinçant alors les concurrents restants, ce que la Commission aurait dû constater. Une décision de l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne) du 14 août 2013 portant sur un projet de concentration comparable aurait conclu à l’affaiblissement de la concurrence résiduelle du fait d’une augmentation des ressources de l’entité issue de la concentration. La Commission aurait elle-même admis, dans deux précédentes décisions, qu’une augmentation des ressources pouvait constituer une ESCE.

218 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

219 À cet égard, il importe de souligner que l’article 2, paragraphe 1, sous b), du règlement no 139/2004 mentionne bien la puissance économique et financière parmi les éléments dont il convient de tenir compte pour apprécier si une opération de concentration est compatible ou non avec le marché intérieur.

220 Toutefois, pour apprécier la compatibilité d’une opération de concentration avec le marché intérieur, la Commission tient compte d’un ensemble d’éléments tels que la structure des marchés en cause, la concurrence réelle ou potentielle d’entreprises, la position ainsi que la puissance économique et financière des entreprises concernées, les possibilités de choix des fournisseurs et des utilisateurs, l’existence de barrières à l’entrée et l’évolution de l’offre et de la demande (arrêt du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C 12/03 P, EU:C:2005:87, point 125). Le constat d’une augmentation des ressources de l’entité issue de la concentration ne permet, partant, pas à lui seul de conclure à une ESCE.

221 Il s’ensuit que la circonstance qu’une opération de concentration entre deux entreprises cause une augmentation des ressources de l’entité issue de la concentration, même si elle est avérée, n’est pas suffisante, en soi, pour déclarer ladite opération incompatible avec le marché intérieur. En effet, il convient encore de démontrer que cette augmentation des ressources donne lieu à une ESCE.

222 Or, en l’espèce, sans qu’il soit nécessaire de trancher la question de savoir si l’augmentation des ressources était « propre » ou non à la concentration, la requérante ne démontre pas en quoi pareille augmentation aurait pu donner lieu à une ESCE.

223 Ce n’est pas parce qu’une concentration donne lieu à des synergies ou à des réductions de coûts en faveur de l’entité qui en est issue que cette opération entrave nécessairement la concurrence. En outre, ce n’est pas non plus parce qu’une concentration crée ou renforce une position dominante, ou qu’une seule entreprise dominante décide de la stratégie concurrentielle et de la politique de prix de l’entité issue de la concentration sur l’ensemble du territoire national, qu’elle donne automatiquement lieu à une ESCE. En effet, la circonstance qu’une concentration créerait ou renforcerait une position dominante n’est pas, en soi, suffisante pour considérer que cette concentration serait incompatible avec le marché intérieur, dès lors qu’elle n’entrave pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 octobre 2021, Polskie Linie Lotnicze “LOT”/Commission, T 296/18, EU:T:2021:724, point 107).

224 Par ailleurs, il convient de souligner que la Commission ne peut déclarer une concentration incompatible avec le marché intérieur que si elle constate une ESCE qui est la conséquence directe et immédiate de la concentration. Une telle entrave, qui découlerait des décisions futures de l’entité issue de la concentration, peut uniquement être considérée comme une conséquence directe et immédiate de la concentration si ce comportement futur est rendu possible et économiquement rationnel par la modification des caractéristiques et de la structure du marché causée par la concentration (arrêt du 11 décembre 2013, Cisco Systems et Messagenet/Commission, T 79/12, EU:T:2013:635, point 118).

225 Or, en l’espèce, il est constant que tant Vodafone que Unitymedia se trouvaient déjà en position dominante sur le marché MDU sur leurs empreintes câblées respectives préalablement à la concentration, avec pour conséquence qu’elles avaient déjà toutes deux le pouvoir de se comporter, dans une mesure appréciable, de manière indépendante vis-à-vis de leurs concurrents et de leurs clients MDU. Par conséquent, même si, comme le fait valoir la requérante, l’entité issue de la concentration pouvait, grâce à une augmentation de ses ressources, évincer ses concurrents restants de par l’application, notamment, de prix prédateurs, force est de constater que tel était déjà le cas avant l’opération et que ce comportement futur n’est, dès lors, pas rendu possible et économiquement rationnel par la modification des caractéristiques et de la structure du marché causée par la concentration.

226 En tout état de cause, si l’entité issue de la concentration mettait en place des pratiques anticoncurrentielles aux fins d’évincer la concurrence résiduelle sur le marché MDU, il resterait loisible aux tiers de dénoncer pareil abus potentiel auprès des autorités nationales de la concurrence ou de la Commission, sans préjudice de la possibilité pour celles-ci d’agir d’office, conformément à l’article 5 et à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 1/2003 (voir, en ce sens, arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T 162/10, EU:T:2015:283, point 250).

227 Finalement, la Commission n’est liée ni par la décision de l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf) du 14 août 2013, ni par sa propre pratique décisionnelle.

228 En ce qui concerne la décision de l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf), force est par ailleurs de constater que celle-ci a été rendue en 2013, alors que l’opération avait été notifiée en 2018. Or, les marchés des télécommunications évoluent très rapidement. Dans ce contexte, l’écoulement de cinq ans pourrait également justifier l’absence de prise en considération de cette décision. Il convient également de relever que, eu égard à la répartition précise des compétences sur laquelle repose le règlement no 139/2004, les décisions des autorités nationales ne sauraient lier la Commission dans le cadre des procédures de contrôle des concentrations (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 2007, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, C 202/06 P, EU:C:2007:814, point 56, et du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T 151/05, EU:T:2009:144, point 139).

229 En ce qui concerne la pratique décisionnelle antérieure de la Commission, il convient de relever que lorsque la Commission statue sur la compatibilité d’une concentration avec le marché intérieur sur le fondement d’une notification et d’un dossier propres à cette opération, une partie requérante n’est pas en droit de remettre en cause ses constatations au motif qu’elles diffèrent de celles faites antérieurement dans une autre affaire, sur le fondement d’une notification et d’un dossier différents, à supposer même que les marchés en cause dans les deux affaires soient similaires, voire identiques (arrêts du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T 210/01, EU:T:2005:456, point 118, et du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T 162/10, EU:T:2015:283, point 142).

230 Il découle de ce qui précède que la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce que cette dernière n’a pas conclu à l’existence d’effets horizontaux non coordonnés sur le marché MDU du fait de l’augmentation des ressources résultant de l’opération de concentration.

6. Sur la cinquième branche, tirée de l’absence d’appréciation globale

231 La requérante soutient que, dans l’hypothèse où les éléments qu’elle expose à l’appui de son premier moyen ne seraient, pris isolément, pas suffisants pour donner lieu à une ESCE, il n’en demeure pas moins que, appréciés de manière globale, ils démontrent que la concentration entraînait des effets horizontaux non coordonnés sur le marché MDU et, de ce fait, une telle entrave. En omettant d’apprécier ces éléments de manière globale, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.

232 À cet égard, il convient de relever que, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission a procédé à une appréciation globale des effets de la concentration sur le marché MDU aux considérants 832 à 835 de la décision attaquée, de sorte que la cinquième branche du présent moyen ne saurait être accueillie.

233 En tout état de cause, il ressort de l’examen des différentes branches du présent moyen, d’une part, que la Commission a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer dans la décision attaquée que la concentration n’entraînerait aucune perte de concurrence directe, indirecte ou potentielle entre les parties à celle-ci et, d’autre part, que la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en ne concluant pas à l’existence d’effets horizontaux non coordonnés sur le marché MDU du fait de l’augmentation des ressources résultant de l’opération de concentration. Il en découle qu’une analyse globale de ces différents éléments n’aurait pas pu aboutir à une solution différente.

C. Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de l’examen des effets horizontaux non coordonnés sur le marché SDU

234 À l’appui de son deuxième moyen, la requérante soutient que, en méconnaissant le fait que la concentration entraînerait des effets horizontaux non coordonnés sur le marché SDU et, de ce fait, une ESCE, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation.

1. Considérations liminaires

235 À la section VIII.C.2.5 de la décision attaquée, la Commission a examiné les effets horizontaux non coordonnés de l’opération sur le marché SDU. Comme il a été indiqué au point 19 ci-dessus, la Commission a considéré que la délimitation géographique de ce marché pouvait être laissée en suspens.

236 Après avoir, aux considérants 843 à 848 de la décision attaquée, exposé certaines spécificités du marché SDU, la Commission a examiné, aux considérants 849 à 859 de ladite décision, les parts de marché des parties à la concentration tant au niveau national qu’au niveau de leurs empreintes câblées respectives, ainsi que les niveaux de concentration du marché SDU, avant de conclure, aux considérants 860 à 862 de la même décision, que, bien que ce marché fût très concentré, l’opération ne donnerait lieu à aucun changement propre à la concentration (merger-specific change), puisque les parties ne se faisaient concurrence sur ce marché que de façon très limitée et que leurs activités ne se chevauchaient pas de manière significative.

237 La Commission a ensuite examiné, aux considérants 863 à 885 de la décision attaquée, les contraintes concurrentielles exercées par les parties qui seraient éliminées par l’opération ainsi que leur évolution probable en l’absence de celle-ci.

238 Aux considérants 886 à 896 de la décision attaquée, la Commission a analysé les contraintes concurrentielles exercées par les parties l’une sur l’autre et a conclu que ces dernières n’étaient ni des concurrents réels directs (voir considérants 887 à 891) ni des concurrents réels indirects (voir considérants 892 à 896).

239 S’agissant de la concurrence directe, la Commission a relevé que les parties à la concentration fournissaient au détail des services de transmission de signaux de télévision à des clients SDU presque exclusivement à l’intérieur de leurs empreintes câblées respectives, qui ne se chevauchaient pas. Si la Commission a constaté, dans l’empreinte câblée de Unitymedia, un chevauchement limité provenant des produits IPTV et OTT de Vodafone, elle a néanmoins considéré que l’opération ne ferait pas disparaître une concurrence directe significative entre les parties à la concentration. La Commission est parvenue à ce constat en tenant compte, premièrement, de la part de marché limitée de Vodafone dans cette zone, deuxièmement, du fait que lesdites parties n’étaient pas des concurrents proches, car elles utilisaient des technologies de transmission différentes et, troisièmement, du fait que les produits IPTV et OTT de Vodafone n’avaient rien d’unique, avec pour conséquence qu’ils pouvaient aisément être remplacés par d’autres produits.

240 S’agissant de la concurrence indirecte, la Commission a expliqué que les documents internes qu’elle avait identifiés au sujet du marché de l’accès fixe à Internet et qui suggéraient que les parties se comparaient l’une à l’autre concernaient également, dans une certaine mesure, le marché SDU. Cependant, à la suite des explications fournies par les parties, la Commission a considéré que ces documents n’établissaient pas qu’une analyse comparative (benchmarking) allant au-delà de simples comparaisons commerciales visant à surveiller et, éventuellement, à imiter les meilleures pratiques dans l’industrie avait eu lieu. Enfin, la Commission a souligné qu’une analyse des prix de détail n’indiquait pas que Vodafone et Unitymedia se contraignaient indirectement par l’intermédiaire d’un mécanisme de tarification séquentiel transmettant les modifications de prix d’une entreprise sur l’empreinte câblée de l’autre à la suite d’une adaptation de leurs prix par les concurrents actifs au niveau national.

241 Enfin, aux considérants 897 à 903 de la décision attaquée, la Commission a examiné les contraintes concurrentielles exercées par les concurrents restants sur le marché SDU, et plus particulièrement par Deutsche Telekom, par la requérante, par les opérateurs urbains (city carriers) tels que NetCologne et par les opérateurs de services de satellites et a considéré que, à l’issue de la concentration, ces nombreux concurrents demeureraient actifs sur ce marché. La Commission a également constaté que les éléments de preuve du dossier démontraient que les concurrents établis sur ce marché faisaient face à des pressions concurrentielles croissantes de la part de nouveaux opérateurs ainsi que de nombreux fournisseurs de services de télévision OTT et a conclu que l’opération n’affaiblirait pas la concurrence exercée par les concurrents.

242 Par conséquent, la Commission a conclu que cette opération ne donnerait lieu à aucune ESCE sur le marché SDU résultant d’effets horizontaux non coordonnés (voir considérant 907 de la décision attaquée).

2. Sur l’erreur manifeste d’appréciation alléguée par la requérante

243 En l’espèce, en premier lieu, la requérante fait valoir, en se référant à son premier moyen afférent au marché MDU, que, contrairement au constat effectué par la Commission dans la décision attaquée, il existait bien sur le marché SDU une concurrence entre Vodafone et Unitymedia préalablement à la concentration, laquelle disparaîtrait du fait de celle-ci.

244 En deuxième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir considéré que les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents proches dans l’empreinte câblée de Unitymedia, étant donné que leurs offres à l’égard de clients SDU étaient fondées sur des technologies différentes. Dans son rapport annuel relatif à l’année 2018, Unitymedia aurait d’ailleurs indiqué que Vodafone, grâce à son produit IPTV fondé sur la technologie DSL, était capable de capter chaque ménage dans cette zone. En outre, dans le cadre de l’examen du marché de l’accès fixe à Internet, la Commission aurait considéré Vodafone comme un concurrent important de Unitymedia dans l’empreinte câblée de cette dernière, alors même qu’elle y utilisait également la technologie DSL.

245 En troisième lieu, la requérante ajoute que la concentration ferait disparaître un fournisseur alternatif pour les clients SDU, soutient que la Commission n’a pas suffisamment motivé, au considérant 904 de la décision attaquée, son constat d’absence de concurrence potentielle entre les parties à la concentration, affirme que la disparition de Unitymedia aurait pour effet d’éliminer la pression concurrentielle par comparaison mutuelle et fait valoir que l’opération donnerait lieu à une addition de parts de marché et à une détérioration de la structure du marché SDU, ce qui constituerait une ESCE. La requérante ajoute que Vodafone et Unitymedia étaient de loin les principaux fournisseurs sur le marché SDU, ce qui constituait un indice de leur position dominante, et que la concentration affecterait la concurrence résiduelle existante.

246 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

247 À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de rappeler que le premier moyen de la requérante, afférent au marché MDU, auquel elle se réfère aux fins de démontrer l’existence d’une concurrence réelle entre les parties à la concentration, a été rejeté (voir plus particulièrement l’examen de la première branche du premier moyen ci-dessus, portant sur la prétendue concurrence réelle entre les parties à la concentration sur le marché MDU), de sorte que ce premier grief de la requérante ne saurait être accueilli.

248 En tout état de cause, il convient de rappeler que les réseaux câblés des parties à la concentration ne se chevauchaient pas, avec pour conséquence que lorsqu’un client sur le marché SDU souhaitait conclure un contrat avec un fournisseur de signaux de télévision, il n’avait que la possibilité de choisir entre la partie à la concentration dans l’empreinte câblée de laquelle il se situait et l’un de ses plus petits concurrents, tels que la requérante. Il en résulte que Unitymedia ne pourrait être valablement qualifiée de « fournisseur alternatif » pour les clients SDU que la concentration éliminerait, comme le soutient la requérante. Comme l’a par ailleurs précisé la Commission au cours de la présente procédure, Unitymedia n’offrait aucun service sur le marché SDU dans l’empreinte câblée de Vodafone ; quant à Vodafone, elle détenait une part de marché quasiment nulle sur le marché SDU dans l’empreinte câblée de Unitymedia (que ce marché fût limité au câble et à l’IPTV ou qu’il englobât également le satellite et la télévision terrestre), ce que la requérante n’a pas contesté et ce qui infirme son argument selon lequel il existait une concurrence entre les parties à la concentration sur le marché SDU.

249 Il découle de ce qui précède que le premier grief de la requérante, formulé à l’appui de son deuxième moyen, doit être écarté.

250 En deuxième lieu, en ce qui concerne l’allégation de la Commission, contestée par la requérante, selon laquelle les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents proches dans l’empreinte câblée de Unitymedia étant donné qu’elles utilisaient des technologies différentes, force est de constater que l’absence de proximité de la concurrence entre le câble et l’IPTV (transmise au moyen de la technologie DSL) n’est pas le seul élément avancé dans le cadre du raisonnement suivi par la Commission pour conclure à l’absence de concurrence directe entre les parties sur le marché SDU.

251 En effet, pour parvenir à cette conclusion, la Commission a également tenu compte du fait, premièrement, que le produit IPTV de Vodafone ne représentait qu’une part de marché insignifiante, puisqu’inférieure à 1 % selon les précisions apportées par elle dans le cadre de la présente procédure, dans l’empreinte câblée de Unitymedia (voir considérant 872 de la décision attaquée), ce que la requérante n’a pas contesté et deuxièmement, que le nombre d’abonnés à l’IPTV de Vodafone avait diminué au cours des deux années qui avaient précédé l’opération (voir première phrase du considérant 873 de la décision attaquée, divulguée par la Commission conformément à l’ordonnance du 30 mars 2023), ce que la requérante n’a pas non plus contesté.

252 Par ailleurs, il convient de rejeter l’existence d’une prétendue contradiction entre l’affirmation de la Commission selon laquelle les parties à la concentration n’étaient pas des concurrents proches dans l’empreinte câblée de Unitymedia, étant donné qu’elles utilisaient des technologies différentes, et son appréciation de la position de Vodafone sur le marché de l’accès fixe à Internet.

253 En effet, une analyse comparée des motifs de la décision attaquée afférents au marché de l’accès fixe à Internet et des motifs de ladite décision afférents au marché SDU montre que, sur ces marchés, la situation de Vodafone était différente.

254 Sur le marché de l’accès fixe à Internet, il ressort du considérant 413 de la décision attaquée que Vodafone détenait une part non négligeable de [5-10] % sur l’empreinte câblée de Unitymedia. Par ailleurs, il ressort du considérant 417 de ladite décision que la Commission a constaté que la clientèle de Vodafone dans cette zone était en pleine croissance. Enfin, s’agissant de l’offre d’accès fixe à Internet au moyen de la technologie DSL sur l’empreinte câblée de Unitymedia, la Commission a relevé, au considérant 454 de la décision attaquée, que Vodafone avait été en mesure d’opérer d’une manière plus compétitive que les autres fournisseurs d’accès opérant sur le fondement d’un accès de gros en raison de sa situation particulière et, plus précisément, de la détention d’actifs spécifiques. Il en découle que la Commission détenait plusieurs éléments de preuve qui démontraient l’importance de la position de Vodafone sur le marché de l’accès fixe à Internet dans l’empreinte câblée de Unitymedia.

255 Par comparaison, sur le marché SDU, il ressort du tableau no 21, repris au considérant 853 de la décision attaquée, que le chevauchement entre les activités de Vodafone et celles de Unitymedia dans l’empreinte câblée de cette dernière était négligeable, puisque la part de marché de Vodafone y était quasiment nulle (que ce marché soit limité au câble et à l’IPTV ou qu’il englobe également le satellite et la télévision terrestre), comme l’a précisé la Commission au cours de la procédure devant le Tribunal. Par ailleurs, il ressort de la première phrase du considérant 873 de la décision attaquée, divulguée par la Commission conformément à l’ordonnance du 30 mars 2023, que la Commission a observé que le nombre d’abonnés à l’IPTV de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia avait diminué au cours des deux années qui avaient précédé l’opération.

256 Il en découle que la position de Vodafone sur ces deux marchés était différente, avec pour conséquence que la Commission pouvait, sans se contredire, adopter une appréciation différente en ce qui concerne le marché SDU de celle concernant le marché de l’accès fixe à Internet et conclure à l’existence d’une ESCE sur ce dernier marché, en raison notamment de l’élimination de fortes contraintes concurrentielles entre les parties, malgré l’utilisation de ces mêmes technologies différentes.

257 S’agissant finalement du rapport annuel de Unitymedia afférent à l’année 2018, dans lequel cette dernière aurait indiqué que Vodafone, grâce à son produit IPTV fondé sur la technologie DSL, était capable de capter chaque ménage dans cette zone, ce qui démontre, selon la requérante, que les parties à la concentration étaient bien des concurrents proches, il y a lieu de constater qu’il ressort de la première phrase du considérant 874 de la décision attaquée, divulguée par la Commission conformément à l’ordonnance du 30 mars 2023, que Vodafone a cessé de vendre ce produit IPTV à de nouveaux clients en mars 2019, ce que la requérante n’a pas remis en question dans ses observations du 2 juin 2023. Par conséquent, ce produit n’était pas pertinent pour évaluer l’existence d’un rapport de concurrence réelle ou potentielle entre les parties à la concentration, d’autant plus qu’il ne représentait qu’un nombre très limité de clients et que ce nombre ne faisait que diminuer, ainsi que cela ressort des considérants 872 et 873.

258 Il découle de ce qui précède que le deuxième grief de la requérante, formulé à l’appui de son deuxième moyen, doit également être écarté.

259 En troisième lieu, en ce qui concerne les arguments spécifiques que la requérante invoque à l’appui de son deuxième moyen, il convient de procéder aux appréciations qui suivent.

260 S’agissant, premièrement, de l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’aurait pas suffisamment motivé, au considérant 904 de la décision attaquée, son constat d’absence de concurrence potentielle entre les parties à la concentration, il y a lieu de rappeler que la Commission a bien examiné, aux considérants 863 à 885 de ladite décision, les contraintes concurrentielles exercées par les parties qui seraient éliminées par l’opération ainsi que leur évolution probable en l’absence de celle-ci.

261 Concernant plus particulièrement Vodafone, la Commission a rappelé que, au sujet de la fourniture au détail de services de transmission du signal de télévision à des clients MDU, elle avait conclu que les éléments de preuve du dossier ne permettaient pas d’étayer les allégations de tiers relatives à une perte de concurrence potentielle de sa part. Elle a souligné que les éléments du dossier suggéraient que les produits IPTV et OTT de Vodafone avaient une position très limitée sur le marché SDU. Elle en a déduit que Vodafone n’était pas un acteur significatif sur l’empreinte câblée de Unitymedia et que ni son offre IPTV ni sa nouvelle plateforme OTT ne constituaient une contrainte concurrentielle à l’égard de Unitymedia (voir considérants 865 à 880 de la décision attaquée).

262 Concernant ensuite Unitymedia, la Commission a souligné que, quelle que soit la délimitation du marché, sa part de marché résultait de sa seule présence sur son empreinte câblée. Par ailleurs, la Commission a rappelé que, au sujet de la fourniture au détail de services de transmission du signal de télévision à des clients MDU, elle avait conclu que les éléments de preuve du dossier ne permettaient pas d’étayer les allégations de tiers relatives à une perte de concurrence potentielle de sa part (voir considérants 881 à 885 de la décision attaquée).

263 Il convient également d’observer que le considérant 904 de la décision attaquée, prétendument insuffisamment motivé selon la requérante, ne fait que résumer, dans le cadre d’une évaluation des effets globaux probables de l’opération, qui est l’objet de la section VIII.C.2.5.2.5 de la décision attaquée, la position de la Commission relative à la contrainte concurrentielle exercée par les parties, telle que développée plus en détail précédemment à la section VIII.C.2.5.2.3 de ladite décision, alors que le considérant 905 résume la position de la Commission relative à la contrainte concurrentielle exercée par les concurrents, telle que développée à la section VIII.C.2.5.2.4 de la même décision, à laquelle il fait expressément référence.

264 Par conséquent, il ne pourrait être reproché à la Commission de ne pas avoir motivé son examen de la concurrence potentielle entre les parties à la concentration sur le marché SDU.

265 S’agissant, deuxièmement, de l’allégation de la requérante selon laquelle la disparition de Unitymedia aurait pour effet d’éliminer la pression concurrentielle (indirecte) par comparaison mutuelle, il convient de relever que la Commission a expliqué que les cas d’analyses comparatives qu’elle avait identifiés n’avaient pas été au-delà de « simples analyses comparatives commerciales visant à surveiller et éventuellement à imiter les meilleures pratiques dans le secteur » et que cette forme de comparaison, qui consistait en une analyse des performances du marché ou des meilleures pratiques dans le secteur, y compris dans d’autres États membres ou dans des États tiers, ne pouvait, en soi, donner lieu à la moindre pression concurrentielle entre deux entreprises dont la disparition, en raison d’une opération de concentration, aurait pu donner lieu à une ESCE, de sorte que cet argument de la requérante ne saurait être accueilli.

266 S’agissant, troisièmement, de l’allégation de la requérante selon laquelle l’opération donnerait lieu à une addition de parts de marché et à une détérioration de la structure du marché, ce qui aurait constitué une ESCE, et selon laquelle Vodafone et Unitymedia auraient été de loin les principaux fournisseurs sur le marché SDU, ce qui aurait constitué un indice de leur position dominante, force est de constater que cet argument n’est nullement étayé. Ainsi, la requérante n’explique aucunement en quoi un éventuel cumul de parts de marché ou le fait que Vodafone et Unitymedia auraient été en position dominante préalablement à la concentration aurait pu donner lieu à une ESCE, ou en quoi la structure du marché SDU aurait été détériorée en raison de la concentration, de sorte que cet argument ne saurait être accueilli.

267 En tout état de cause, il convient de rappeler que, conformément à l’article 2, paragraphes 2 et 3, du règlement no 139/2004, seules les concentrations qui entraveraient de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante, doivent être déclarées incompatibles avec le marché intérieur. Il découle du libellé de ces dispositions que le critère essentiel pour examiner la compatibilité d’une concentration avec le marché intérieur réside dans la création d’une ESCE dans celui-ci. L’utilisation de l’adverbe « notamment » indique que la création ou le renforcement d’une position dominante constitue l’un des scénarios dans lesquels une telle entrave peut être constatée. Par conséquent, une concentration donnant lieu à une addition de parts de marché, même dans l’hypothèse où celle-ci avait pour effet de créer ou de renforcer une position dominante (ce que la requérante ne tente pas de démontrer), ou une concentration impliquant des entreprises potentiellement dominantes, ne donne pas automatiquement lieu à une ESCE.

268 Par conséquent, la circonstance qu’une concentration donne lieu à une addition de parts de marché ou qu’elle implique des entreprises potentiellement dominantes n’est pas suffisante pour considérer que cette concentration serait incompatible avec le marché intérieur, dès lors qu’elle n’entrave pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Or, en l’espèce, la requérante ne démontre pas qu’une telle entrave résulterait de la concentration sur le marché SDU, en raison du cumul des parts de marché des parties ou de leur puissance sur ce marché.

269 S’agissant, quatrièmement, de l’allégation de la requérante selon laquelle la concentration affecterait la concurrence résiduelle existante, il suffit, pour écarter cet argument, de constater que la requérante ne remet pas en question le constat de la Commission, formulé aux considérants 897 à 901 de la décision attaquée, selon lequel de nombreux concurrents, tels que la requérante, Deutsche Telekom et plusieurs opérateurs urbains (city carriers), voire des opérateurs de services de satellite, demeureraient actifs sur le marché SDU à l’issue de la concentration et ne conteste pas non plus l’existence, sur ce marché, de pressions concurrentielles croissantes de la part de nouveaux opérateurs ainsi que de nombreux fournisseurs de services de télévision OTT (voir considérant 903), ce qui a permis à la Commission de conclure que la concentration n’affaiblirait pas les pressions concurrentielles exercées par les concurrents restants sur le marché SDU.

270 Dès lors, la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de l’examen des effets horizontaux non coordonnés sur le marché SDU, avec pour conséquence que le deuxième moyen doit être rejeté.

D. Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’irrégularités procédurales dans le cadre de l’examen des effets verticaux non coordonnés sur le marché intermédiaire et sur le marché MDU

271 La requérante invoque des irrégularités procédurales et une erreur manifeste d’appréciation commises par la Commission dans l’évaluation des effets verticaux non coordonnés de la concentration, eu égard à la transposition probable par Vodafone, à l’issue de la concentration, de ses conditions moins favorables pour la fourniture de gros de signaux de télévision dans l’empreinte câblée de Unitymedia et des conséquences négatives qui en découleraient pour les opérateurs du réseau de niveau 4, dont la requérante, qui dépendaient de ces signaux pour pouvoir opérer sur le marché MDU en aval.

272 La Commission rétorque que la requérante n’a pas d’intérêt à invoquer le troisième moyen. En tout état de cause, elle soutient que les allégations de la requérante, tirées d’irrégularités procédurales et d’une erreur manifeste d’appréciation, doivent être rejetées comme non fondées.

1. Considérations liminaires

273 Comme exposé au point 35 ci-dessus, sur le marché intermédiaire, les opérateurs du réseau de niveau 3, tels que Vodafone et Unitymedia, fournissent, via un accès de gros, des signaux de télévision aux opérateurs de réseau de niveau 4, tels que la requérante, afin de permettre à ces derniers de fournir au détail des services de transmission de signaux de télévision, notamment aux clients MDU.

274 Dans la décision attaquée, la Commission a analysé les effets verticaux de la concentration et a, notamment, examiné la probabilité d’une éviction de ces opérateurs par l’entité issue de la concentration qui aurait pris la forme d’une détérioration de leurs conditions sur le marché intermédiaire en amont dans l’empreinte câblée de Unitymedia, en réponse à des plaintes reçues à cet égard (voir considérants 1476 à 1506 de la décision attaquée).

275 À titre préliminaire, la Commission a tout d’abord observé, au considérant 1476 de la décision attaquée, que la concentration ne créerait aucun nouveau lien vertical entre le marché intermédiaire en amont et le marché MDU en aval, étant donné que tant Vodafone que Unitymedia étaient déjà actives sur ces deux marchés dans leurs empreintes câblées respectives. La Commission a dès lors considéré que la concentration ne donnerait lieu à aucun changement propre dans la structure des marchés concernés, que ce soit en amont ou en aval. La Commission a également expliqué que, étant donné que la requérante était le seul concurrent important s’approvisionnant sur le marché intermédiaire auprès des parties à la concentration, elle avait concentré son analyse sur les effets probables, sur la contrainte concurrentielle exercée par cet opérateur, d’une détérioration de ses conditions commerciales (voir considérants 1478 à 1480).

276 Ensuite, en ce qui concernait, premièrement, la capacité de l’entité issue de la concentration d’évincer la requérante, la Commission a vérifié si cette entité aurait la capacité technique de cesser de fournir un accès de gros à la requérante ou de détériorer, à l’égard de cette dernière, les conditions relatives à cet accès sur le marché intermédiaire (voir considérants 1483 à 1491 de la décision attaquée).

277 Dans ce cadre, la Commission a indiqué qu’il existait un accord-cadre entre Unitymedia et la requérante stipulant que cette dernière était contractuellement protégée à moyen terme en ce qui concernait une partie de ses clients desservis grâce aux signaux intermédiaires fournis par Unitymedia. La Commission en a déduit que l’entité issue de la concentration aurait la capacité de détériorer les conditions commerciales applicables aux services intermédiaires de transmission de signaux de télévision de la requérante en ce qui concernait une partie seulement de ses clients MDU dans l’empreinte câblée de Unitymedia.

278 La Commission a ensuite ajouté que, pour que l’entité issue de la concentration pût avoir la capacité technique d’évincer la requérante du marché MDU, elle devait bénéficier d’une puissance de marché significative sur le marché intermédiaire en amont. Eu égard au peu d’alternatives crédibles disponibles sur ce marché, la Commission a considéré que tel serait le cas à l’issue de la concentration, mais a ajouté que tel était également déjà le cas préalablement à cette opération, puisque Unitymedia disposait déjà, dans son empreinte câblée, d’une telle puissance vis-à-vis de la requérante. La Commission en a déduit que la concentration ne modifierait en rien cela, avec pour conséquence que cette opération n’aurait aucun impact sur la capacité de l’entité issue de la concentration d’évincer les opérateurs du réseau de niveau 4 dans l’empreinte câblée de chacune des parties à la concentration.

279 En ce qui concernait, deuxièmement, l’intérêt de l’entité issue de la concentration à évincer la requérante, la Commission a vérifié si cette entité pourrait être incitée, à l’issue de cette opération, à appliquer ses conditions d’accès à son réseau de niveau 3, considérées par la requérante comme moins favorables que celles qu’appliquait Unitymedia, également dans l’empreinte câblée de cette dernière (voir considérants 1492 à 1496 de la décision attaquée).

280 Dans ce cadre, la Commission a estimé que, même si les conditions d’accès de Vodafone devaient être considérées comme moins favorables et même si l’entité issue de la concentration était incitée à les appliquer dans l’empreinte câblée de Unitymedia à l’issue de cette opération, un tel changement dans la stratégie commerciale de cette entité ne découlerait nullement d’une modification de la structure du marché provoquée par la concentration. En d’autres termes, une éventuelle détérioration des conditions d’accès à son réseau de niveau 3 offertes par l’entité issue de la concentration aux opérateurs de réseau de niveau 4 ne découlerait, selon la Commission dans la décision attaquée, que d’un simple changement dans l’approche commerciale de cette entité, qui aurait très bien pu avoir lieu indépendamment de la concentration et qui, partant, n’aurait pas été propre à celle-ci.

281 La Commission en a conclu que l’entité issue de la concentration n’aurait aucun intérêt à évincer la requérante du marché MDU propre à la concentration.

282 Troisièmement, la Commission a examiné les effets qu’aurait eus sur la concurrence le scénario où Vodafone aurait eu la capacité et l’intérêt à étendre, à l’issue de la concentration, ses conditions prétendument moins favorables sur le marché intermédiaire dans l’empreinte câblée de Unitymedia et a conclu, pour les raisons suivantes, que de tels effets auraient été limités (voir considérants 1497 à 1505 de la décision attaquée).

283 Tout d’abord, elle est parvenue à cette conclusion parce qu’elle a constaté que l’affaiblissement de la requérante dans l’empreinte câblée de Unitymedia n’affecterait pas l’activité principale de cet opérateur, à savoir l’offre au détail de services de transmission de signaux de télévision sur le marché MDU par le biais de son propre réseau de niveau 3, situé en grande partie dans l’empreinte câblée de Vodafone (voir considérant 1501 de la décision attaquée).

284 Ensuite, la Commission a également considéré que la requérante ne constituait pas une contrainte concurrentielle importante sur le marché MDU dans l’empreinte câblée de Unitymedia. En effet, la Commission a constaté qu’elle ne pouvait pas participer aux appels d’offres lancés par des clients MDU requérant des mises à jour du réseau de niveau 3, que la part de marché de la requérante concernée ne représentait que [0-5] % et que la requérante n’avait pas participé à un nombre significatif d’appels d’offres dans l’empreinte câblée de Unitymedia. La Commission en a déduit que très peu d’opportunités existantes ou nouvelles pouvaient être affectées par un verrouillage de la requérante. En tout état de cause, même si l’accès de la requérante aux intrants était verrouillé dans l’empreinte câblée de Unitymedia, la Commission a relevé qu’un tel verrouillage ne concernerait que ses activités de revendeur du produit de cette dernière, lesquelles ne donnaient pas lieu à une contrainte concurrentielle importante (voir considérants 1502 et 1503 de la décision attaquée).

285 Enfin, la Commission a expliqué que la requérante n’avait déployé que de manière très limitée son réseau de niveau 3 au cours des années précédant la décision attaquée et que rien ne prouvait qu’elle aurait, si la concentration n’avait pas eu lieu, utilisé le signal de Unitymedia pour construire sa propre infrastructure (voir considérant 1504 de la décision attaquée).

286 En tout cas, la Commission a pris note du fait que Vodafone avait fait deux offres irrévocables à la requérante, lui garantissant que ses conditions commerciales applicables aux services intermédiaires de transmission de signaux de télévision demeureraient, à l’issue de la concentration, inchangées dans l’empreinte câblée de Unitymedia (voir considérant 1505 de la décision attaquée).

287 La Commission en a conclu que la concentration n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective sur le marché MDU en raison d’effets verticaux non coordonnés (voir considérant 1506 de la décision attaquée).

288 En l’espèce, l’argumentation de la requérante peut être divisée en deux branches, tirées, la première, d’irrégularités procédurales, en ce que la Commission aurait violé son droit d’être entendue ainsi que le principe de bonne administration et n’aurait pas soumis l’offre irrévocable de Vodafone à une consultation des acteurs du marché et, la seconde, d’erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission dans son examen des effets verticaux non coordonnés sur le marché intermédiaire de la fourniture du signal de télévision et sur le marché MDU en aval.

2. Sur la première branche, tirée d’irrégularités procédurales

289 En premier lieu, la requérante soutient qu’elle n’a pas suffisamment bénéficié du droit d’être entendue au cours de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, ce qui constitue également une violation, de la part de la Commission, du principe de bonne administration.

290 À l’appui de ce premier grief, la requérante fait valoir que, dans la décision attaquée, la Commission a opéré un revirement par rapport à la communication des griefs en ce qui concerne l’existence d’effets verticaux résultant de la dégradation à son égard des conditions pour la fourniture de services intermédiaires de transmission du signal de télévision, qu’elle a admis dans la communication des griefs et nié dans la décision attaquée. Or, en tant qu’opérateur explicitement concerné par une telle dégradation, la requérante estime que la Commission aurait dû l’informer de ce changement de point de vue et lui permettre de présenter des observations. En outre, tant la Commission que le conseiller-auditeur auraient rejeté les demandes d’accès au dossier et d’audition formulées par la requérante. Dans la réplique, la requérante fait encore valoir que, dans l’arrêt du 27 avril 1995, CCE de la Société générale des grandes sources e.a./Commission (T 96/92, EU:T:1995:77, point 64), le Tribunal a considéré qu’un droit d’accès au dossier devait être accordé lorsqu’il existait un intérêt suffisant.

291 En second lieu, la requérante fait valoir que la Commission aurait dû soumettre l’offre irrévocable de Vodafone à son égard à une consultation des acteurs du marché, étant donné qu’elle s’est appuyée sur une telle offre et qu’elle a, de ce fait, accepté indirectement un engagement de Vodafone. Or, la requérante rappelle que les engagements des parties à une concentration doivent être soumis à la consultation des tiers intéressés, conformément aux règlements nos 139/2004 et 802/2004. La requérante reproche également à la Commission de ne pas avoir officialisé cette offre irrévocable en tant qu’engagement définitif, ce qui aurait permis de mettre en place un mécanisme de surveillance efficace afin de vérifier son respect par Vodafone.

292 La Commission conteste les arguments de la requérante.

293 S’agissant, en premier lieu, du droit d’être entendu, ainsi que cela ressort des points 123 à 129 ci-dessus et de la jurisprudence qui y est citée, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle des concentrations, les tiers qui justifient d’un intérêt suffisant bénéficient du droit d’être entendu, mais que pareil droit est limité.

294 Il convient également de rappeler que, en l’espèce, par décision du 19 décembre 2018, le conseiller-auditeur a admis la requérante en tant que tiers dans la procédure administrative, que la Commission a bien informé cette dernière de la nature et de l’objet de la procédure, que la requérante a bien été mise en mesure de présenter des observations sur une version non confidentielle de la communication des griefs et qu’elle a soumis à plusieurs reprises des observations à la Commission, dont cette dernière a tenu compte, notamment en ce qui concerne le risque de détérioration de ses conditions d’accès aux services intermédiaires de fourniture du signal de télévision à l’issue de la concentration, ainsi que cela ressort notamment du considérant 1477 de la décision attaquée.

295 En outre, comme cela ressort de la jurisprudence mentionnée au point 132 ci-dessus, les tiers à la procédure, tels que la requérante, ne sauraient se prévaloir de garanties identiques à celles qui sont accordées aux personnes intéressées et, en particulier, du droit d’être mis en mesure, avant l’adoption d’une décision prise au titre de l’article 8, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 139/2004, de faire valoir leurs observations.

296 Il résulte de ce qui précède que l’absence de communication à la requérante, préalablement à l’adoption de la décision attaquée, de l’analyse effectuée par la Commission des effets verticaux non coordonnés de la concentration, eu égard à une dégradation éventuelle des conditions commerciales applicables sur le marché intermédiaire afin de permettre à celle-ci de soumettre des observations à ce sujet, ne constitue pas une violation du droit d’être entendue de la requérante.

297 L’argumentation de la requérante tirée d’une violation de son droit d’être entendue et d’une violation du principe de bonne administration doit, partant, être rejetée.

298 Ensuite, s’agissant du droit d’accès au dossier, il convient de relever que l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 139/2004, qui concerne l’audition des intéressés et des tiers, prévoit que l’accès au dossier est ouvert au moins aux parties directement intéressées tout en respectant l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués.

299 En outre, l’article 17, paragraphe 1, du règlement no 802/2004 prévoit que, sur demande, la Commission accorde l’accès au dossier aux parties auxquelles elle a fait part de ses objections, afin qu’elles puissent exercer leurs droits de la défense et qu’un tel accès est accordé après notification de la communication des griefs, et l’article 17, paragraphe 2, de ce règlement dispose que la Commission peut aussi, sur demande, donner accès au dossier aux autres parties intéressées qui ont été informées des objections retenues, dans la mesure où cela leur est nécessaire pour présenter leurs observations.

300 Par ailleurs, il convient également de relever que la communication de la Commission relative aux règles d’accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles [101] et [102 TFUE], des articles 53, 54 et 57 de l’accord EEE et du règlement no 139/2004 (JO 2005, C 325, p. 7) indique, aux points 3 et 7, que l’accès au dossier est donné, à leur demande, aux personnes, entreprises ou associations d’entreprises, selon le cas, auxquelles la Commission adresse une communication des griefs.

301 En l’espèce, la requérante invoque une violation de son droit d’accès au dossier, sans préciser, dans ses écritures produites devant le Tribunal, quelle disposition du règlement no 139/2004 ou du règlement no 802/2004 lui accorderait un tel droit. Toutefois, dans sa demande d’accès au dossier du 16 avril 2019 adressée au conseiller-auditeur, annexée à la requête, la requérante a fait valoir qu’elle disposait d’un droit d’accès au dossier en vertu de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 802/2004.

302 À cet égard, il y a lieu de constater que la notion d’« autres parties intéressées » dont il est question à l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 802/2004 est définie à l’article 11, sous b), de ce règlement comme étant les parties au projet de concentration autres que les parties ayant notifié l’opération en cause, par exemple le vendeur ou l’entreprise qui est la cible de l’opération, alors que l’article 11, sous c), dudit règlement définit les « tiers » comme étant les personnes physiques ou morales justifiant d’un intérêt suffisant, notamment les clients, fournisseurs et concurrents au sens de l’article 18, paragraphe 4, seconde phrase, du règlement no 139/2004.

303 Il en découle que, en l’espèce, la requérante a la qualité de tiers au sens de l’article 11, sous c), du règlement no 802/2004, mais pas d’« autre partie intéressée » pouvant obtenir l’accès au dossier sur le fondement de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 802/2004, avec pour conséquence qu’elle ne pourrait se prévaloir d’une violation de cette disposition.

304 Finalement, en ce qui concerne l’arrêt du 27 avril 1995, CCE de la Société générale des grandes sources e.a./Commission (T 96/92, EU:T:1995:77), auquel se réfère la requérante, il y a lieu de relever que, au point 64 de cet arrêt, d’une part, le Tribunal a clarifié le fait que l’article 18, paragraphe 3, du règlement no 4064/89, devenu article 18, paragraphe 3, du règlement no 139/2004, selon lequel l’accès au dossier est ouvert au moins aux parties directement intéressées tout en respectant l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués, ne saurait en aucun cas être interprété comme imposant à la Commission d’ouvrir automatiquement l’accès au dossier à tout tiers qui serait entendu, à sa propre demande ou à l’initiative de la Commission, au cours de la procédure administrative. D’autre part, le Tribunal a précisé qu’il ne devait pas se prononcer, dans le cadre de cette affaire, sur la question de savoir si, et dans quelles conditions, les tiers justifiant d’un intérêt suffisant pour être entendus pouvaient se voir reconnaître le droit d’accéder au dossier s’ils en avaient formulé la demande. La requérante ne peut donc pas utilement se prévaloir dudit arrêt.

305 L’argumentation de la requérante tirée d’une violation de son droit d’accès au dossier et du principe de bonne administration doit, partant, également être écartée.

306 S’agissant, en second lieu, de l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait commis une irrégularité procédurale en ne soumettant pas l’offre irrévocable de Vodafone à son égard à une consultation des acteurs du marché, force est de constater qu’une telle offre irrévocable ne constitue pas un engagement au sens des règlements nos 139/2004 et 802/2004 et qu’il n’existait dès lors aucune obligation, pour la Commission, de consulter les acteurs du marché, ce qui permet d’écarter ce second grief.

307 En tout état de cause, il convient de relever, premièrement, qu’il ressort du dossier que la requérante a bien été en mesure de faire connaître son point de vue sur cette offre irrévocable [annexe A.31, p. 1779 et annexe A.32, p. 1788] et, deuxièmement, qu’il ressort du considérant 1505 de la décision attaquée que la conclusion de la Commission sur les effets verticaux non coordonnés de la concentration, eu égard à une dégradation éventuelle des conditions commerciales applicables sur le marché intermédiaire, ne repose pas de manière décisive sur le fait que Vodafone ait proposé une telle offre irrévocable à la requérante.

308 Le grief tiré de l’absence de consultation des acteurs du marché quant à l’offre irrévocable de Vodafone à la requérante doit, partant, également être rejeté.

309 Il découle de l’ensemble de ce qui précède que la première branche du troisième moyen, tirée d’irrégularités procédurales qu’aurait commises la Commission dans le cadre de son analyse des effets verticaux non coordonnés de la concentration, eu égard à une dégradation éventuelle des conditions commerciales applicables sur le marché intermédiaire, doit être écartée.

3. Sur la seconde branche, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation

310 En premier lieu, la requérante soutient que la Commission a considéré à tort que la concentration n’était pas, selon elle, la cause de la dégradation prévisible des conditions commerciales applicables sur le marché intermédiaire dans l’empreinte câblée de Unitymedia, résultant de la transposition des conditions moins favorables de Vodafone. Selon la requérante, une telle dégradation était au contraire propre à la concentration, étant donné que si cette opération n’avait pas eu lieu, pareil changement dans les conditions commerciales sur le marché intermédiaire dans l’empreinte câblée de Unitymedia n’aurait pas été possible, ce qui aurait été confirmé par l’Office fédéral des ententes. La requérante conteste également le constat établi à titre préliminaire par la Commission au considérant 1476 de la décision attaquée selon lequel il ne pourrait y avoir de modification propre à la concentration, étant donné que celle-ci n’avait pas pour conséquence de modifier la structure des marchés en aval.

311 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que l’entité issue de la concentration aurait non seulement la capacité d’accorder des conditions moins favorables pour la fourniture de services intermédiaires de transmission du signal de télévision dans l’empreinte câblée de Unitymedia, mais également intérêt à le faire, ce que la Commission aurait reconnu dans la communication des griefs, mais aurait à tort nié dans la décision attaquée. Dans la mesure où elle disposerait d’une position dominante sur le territoire allemand, l’entité issue de la concentration devrait, conformément à l’article 102, sous c), TFUE, appliquer les mêmes conditions de fourniture du signal à tous les acheteurs.

312 En troisième lieu, la requérante fait valoir que la Commission aurait eu tort de nier les effets néfastes significatifs sur la concurrence résultant de la transposition par Vodafone de ses conditions commerciales moins favorables dans l’empreinte câblée de Unitymedia à l’issue de la concentration. À l’appui de pareille prétention, la requérante affirme que le constat de la Commission selon lequel de tels effets étaient improbables parce qu’elle n’était que peu active dans l’empreinte câblée de Unitymedia et parce qu’elle ne faisait qu’y revendre le produit de cette dernière ne saurait convaincre. En effet, selon la requérante, de tels revendeurs avaient, par le passé, réussi à remporter certains appels d’offres sur le marché MDU, avec pour conséquence que leur disparition aurait, toujours selon elle, un effet néfaste sur la concurrence. Un renforcement de la position de la requérante, en tant que principal concurrent des parties à la concentration, aurait été nécessaire en vue de préserver la concurrence résiduelle. Finalement, la requérante observe que, en vue d’éliminer l’ESCE constatée sur le marché de l’accès fixe à Internet, la Commission a d’ailleurs accepté un engagement permettant l’entrée d’un revendeur, à savoir Telefónica, ce qui démontre que, dans un autre contexte, la Commission aurait bien admis que de tels opérateurs pouvaient également créer une concurrence. La requérante ajoute que, contrairement à ce qu’a indiqué la Commission dans la décision attaquée, elle se fournissait bien en services intermédiaires de transmission du signal de télévision dans l’empreinte de Unitymedia en attendant d’y développer son propre réseau de niveau 3.

313 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

314 À cet égard, il y a lieu de constater qu’il ressort du paragraphe 31 des lignes directrices sur l’appréciation des concentrations non horizontales au regard du règlement du Conseil relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2008, C 265, p. 6, ci-après les « lignes directrices sur les concentrations non horizontales ») que se produit un verrouillage du marché des intrants lorsque, à l’issue de la concentration en cause, la nouvelle entité est susceptible de restreindre l’accès aux produits ou aux services qu’elle aurait fournis si ladite concentration n’avait pas eu lieu, notamment lorsque cette entité est susceptible d’accroître les coûts de ses concurrents situés en aval, en rendant plus difficile pour ces derniers l’approvisionnement en intrants à des prix et à des conditions identiques à ceux qui auraient prévalu en l’absence de cette concentration.

315 Aux termes du paragraphe 32 des lignes directrices sur les concentrations non horizontales, lors de l’évaluation de la probabilité d’un scénario de verrouillage anticoncurrentiel du marché des intrants, la Commission examine, premièrement, si l’entité issue de la concentration aurait, à l’issue de l’opération de concentration, la capacité de verrouiller l’accès aux intrants de manière significative, deuxièmement, si elle aurait intérêt à le faire et, troisièmement, si une stratégie de verrouillage du marché aurait une incidence négative significative sur la concurrence en aval.

316 Il convient d’observer que ces trois conditions sont cumulatives, de sorte que l’absence de l’une d’elles est suffisante pour exclure le risque de verrouillage des intrants anticoncurrentiel (arrêts du 23 mai 2019, KPN/Commission, T 370/17, EU:T:2019:354, points 118 et 119, et du 27 janvier 2021, KPN/Commission, T 691/18, non publié, EU:T:2021:43, points 111 et 112). Par ailleurs, en ce qui concerne plus particulièrement la troisième de ces conditions, il convient de relever que, pour que pareille condition soit remplie, il faut démontrer une incidence négative qui soit significative sur la concurrence en aval, ce qui ressort du paragraphe 32 des lignes directrices sur les concentrations non horizontales.

317 Il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée, malgré l’absence de nouveau lien vertical entre le marché intermédiaire en amont et le marché MDU en aval résultant de la concentration, la Commission a, aux considérants 1476 à 1506 de la décision attaquée, examiné ces trois conditions sans que cette approche soit, en tant que telle, critiquée par la requérante.

318 En l’espèce, le Tribunal estime opportun de commencer par examiner les arguments avancés par la requérante aux fins de démontrer que la Commission aurait, dans la décision attaquée, conclu de manière manifestement erronée que la troisième de ces conditions n’était pas remplie, soit son troisième grief, résumé au point 312 ci-dessus.

319 À cet égard, force est de constater que, dans ce cadre, la requérante ne remet pas en cause plusieurs des éléments qui ont conduit la Commission à conclure qu’une éventuelle stratégie de verrouillage du marché n’aurait en tout cas pas d’incidence négative significative sur la concurrence en aval.

320 Ainsi, la requérante ne conteste pas qu’une telle stratégie n’aurait pas affecté son activité principale, puisque celle-ci s’exerçait en dehors de l’empreinte câblée de Unitymedia. Par ailleurs, si la requérante conteste la conclusion de la Commission selon laquelle elle n’était que peu active dans l’empreinte câblée de Unitymedia, elle n’étaye toutefois nullement pareille allégation et ne remet notamment pas en question le fait qu’elle ne pouvait pas participer aux appels d’offres requérant des mises à jour du réseau de niveau 3, le caractère limité, puisque de [0-5] %, de sa part de marché concernée et sa participation limitée à des appels d’offres dans l’empreinte câblée de Unitymedia.

321 En outre, aucun des arguments avancés par la requérante n’est fondé.

322 S’agissant, premièrement, de l’allégation de la requérante selon laquelle elle exerçait une contrainte concurrentielle suffisante dans l’empreinte câblée de Unitymedia, malgré le fait qu’elle ne faisait qu’y revendre le produit de cette dernière, force est de constater que pareille allégation n’est pas accompagnée d’éléments permettant de remettre en cause les explications qui figurent aux considérants 1501 et 1503 de la décision attaquée, tels que rappelés aux points 283 et 284 ci-dessus.

323 Ainsi, la requérante n’étaye nullement son allégation selon laquelle la disparition des revendeurs, lesquels auraient réussi à remporter des appels d’offres par le passé, aurait une incidence négative significative sur la concurrence.

324 En outre, il convient de constater que, contrairement à l’allégation de la requérante, il n’est pas du ressort d’une procédure de contrôle des concentrations d’assurer un renforcement de la requérante en tant que principal concurrent des parties à la concentration et principale source de concurrence résiduelle, d’autant plus que la requérante ne précise pas en quoi consisterait un tel renforcement, ni de quelle base juridique il devrait découler.

325 Enfin, la requérante n’est pas fondée à invoquer le fait que, s’agissant des effets horizontaux non coordonnés sur le marché de l’accès fixe à Internet, la Commission a accepté une mesure corrective purement axée sur les revendeurs. En effet, ainsi que l’explique la Commission, il existe des différences importantes entre le marché MDU et le marché de l’accès fixe à Internet, qui rendaient nécessaire l’adoption d’une mesure corrective dans le cas de ce dernier. En effet, les conditions de concurrence sur les deux marchés étaient différentes (voir considérants 391 et suivants ainsi que considérants 700 et suivants de la décision attaquée). À cet égard, sur le marché MDU, l’accent était surtout mis sur l’infrastructure à mettre à disposition (voir considérants 107 et 699 de la décision attaquée) et les fournisseurs de niveau 4 n’y exerçaient pas de pression concurrentielle significative (voir considérants 818 à 820 et 1478 à 1480 de la décision attaquée). En revanche, avant la concentration, Vodafone exerçait une pression concurrentielle considérable sur le marché de l’accès fixe à Internet (voir considérants 445 à 499, et notamment considérant 454, de la décision attaquée), de sorte qu’une mesure corrective était nécessaire (voir, en particulier, considérant 1898 de la décision attaquée).

326 S’agissant, deuxièmement, de l’allégation de la requérante selon laquelle elle ne se serait appuyée que temporairement sur les services intermédiaires de transmission du signal de télévision fournis par Unitymedia en attendant de déployer son propre réseau de niveau 3, il ressort du considérant 798 et de la figure 20 de la décision attaquée, auxquels se réfère la Commission au considérant 1504 de ladite décision, que les appréciations effectuées par la Commission sont fondées à la fois sur la réponse à la communication des griefs et sur les propres chiffres communiqués par la requérante elle-même. Les éléments de preuve présentés au considérant 744, sous a), et aux considérants 797 à 799 de la décision attaquée montrent que la requérante n’avait pas véritablement entrepris de duplication du réseau câblé d’un autre opérateur au cours des années ayant précédé l’adoption de la décision attaquée. En particulier, la figure 20 de la décision attaquée, incluse au considérant 798 de ladite décision, montre que le nombre de foyers connectés au réseau de la requérante n’avait pas sensiblement augmenté entre 2012 et 2018, si ce n’est en raison de l’acquisition d’actifs préexistants d’autres sociétés. Or, la requérante ne fait que se référer à ses propres déclarations, mais ne produit aucun élément de preuve contredisant la conclusion selon laquelle elle « n’a[vait] que très peu développé son infrastructure de niveau 3 ces dernières années ».

327 Il s’ensuit que les arguments avancés par la requérante ne démontrent pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, lorsqu’elle a considéré que les éléments dont elle disposait montraient que l’affaiblissement de la requérante sur l’empreinte câblée de Unitymedia n’aurait pas d’incidence négative significative sur la concurrence sur le marché de la fourniture au détail des clients MDU.

328 Partant, il convient d’écarter le troisième grief formulé par la requérante à l’appui de la seconde branche du troisième moyen.

329 Compte tenu du caractère cumulatif des trois conditions relatives à l’existence d’un risque de verrouillage des intrants, qui n’est d’ailleurs pas contesté par la requérante, le fait que la requérante n’ait pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la troisième de ces conditions n’était pas remplie suffit pour écarter pareil risque de verrouillage, sans qu’il faille encore examiner si la Commission aurait, de manière manifestement erronée, considéré que les deux autres conditions n’étaient pas non plus remplies. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’examiner le bien-fondé des premier et deuxième griefs formulés par la requérante à l’appui de la seconde branche du troisième moyen, qui portent, en substance, sur ces deux premières conditions.

330 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le troisième moyen, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la requérante avait un intérêt à l’invoquer.

E. Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de l’examen des effets horizontaux non coordonnés sur le marché de rachat de signaux de télévision

331 À l’appui de son quatrième moyen, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en méconnaissant certains effets horizontaux non coordonnés donnant lieu, selon elle, à une ESCE sur le marché de rachat de signaux de télévision, qui auraient résulté de la conclusion, par l’entité issue de la concentration, d’accords d’exclusivité avec les télédiffuseurs.

1. Considérations liminaires

332 Comme exposé aux points 25 et 26 ci-dessus, sur le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision, les télédiffuseurs (offreurs) fournissaient des chaînes de télévision que les fournisseurs au détail de services de télévision (demandeurs), tels que Vodafone, Unitymedia ou la requérante, acquéraient afin de fournir des services audiovisuels aux utilisateurs finals. Sur le marché de rachat de signaux de télévision, ces mêmes fournisseurs de services de télévision au détail (offreurs) utilisaient leur infrastructure pour offrir à ces mêmes télédiffuseurs (demandeurs), en échange du paiement de redevances de rachat, un service de transmission de signaux de télévision pour leurs chaînes. En d’autres termes, les acteurs sur le marché de rachat de signaux de télévision étaient les mêmes que sur le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision, mais les fournisseurs de services de télévision, tels que les parties à la concentration, se situaient du côté de l’offre sur le premier marché et du côté de la demande sur le second marché. Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que ces deux marchés de gros étaient étroitement liés, dans la mesure où les négociations entre les télédiffuseurs et les fournisseurs au détail de services de télévision couvraient habituellement les deux aspects (transmission de signaux, d’une part, et acquisition de chaînes, d’autre part).

333 Au terme de son analyse de ces marchés, la Commission a considéré que l’opération n’entraverait pas de manière significative la concurrence effective sur le marché de gros de la fourniture et de l’acquisition de chaînes de télévision.

334 Sur le marché de rachat de signaux de télévision, la Commission a conclu à l’existence d’une ESCE résultant de la capacité et de l’incitation de l’entité issue de la concentration, d’une part, à aggraver les conditions contractuelles et financières imposées par cette entité aux télédiffuseurs et, d’autre part, à entraver l’émergence et le développement de services de télévision innovants, tels que l’OTT et la HBBTV, et a considéré que cela aurait des effets négatifs sur les téléspectateurs en Allemagne (voir, d’une part, considérants 1205 à 1265 et, d’autre part, considérants 1266 à 1292 de la décision attaquée).

335 La Commission a, en revanche, considéré qu’il n’était pas possible de conclure que, à la suite de l’augmentation du pouvoir de marché de l’entité issue de la concentration sur ce marché, ladite entité obtiendrait probablement des conditions de la part des télédiffuseurs et des titulaires de droits de télévision prenant la forme d’accords d’exclusivité, qui auraient une incidence négative sur l’accès des fournisseurs au détail de télévision concurrents aux chaînes ou aux contenus de télévision.

336 À cet égard, la Commission a tout d’abord observé, au considérant 1164 de la décision attaquée, que ce marché n’était pas caractérisé, en Allemagne, par de tels accords d’exclusivité entre télédiffuseurs et titulaires de droits de télévision, d’une part, et fournisseurs de services de télévision au détail, d’autre part.

337 La Commission a ensuite examiné si, en raison de l’augmentation de son pouvoir de marché en tant que fournisseur au détail de signaux de télévision, l’entité issue de la concentration aurait la possibilité de contraindre les télédiffuseurs et titulaires de droit de télévision à lui concéder des accords d’exclusivité portant sur des chaînes ou contenus télévisés. Dans ce cadre, la Commission a indiqué avoir, en particulier, concentré son analyse sur la ligue allemande de football (Bundesliga), à savoir l’événement sportif le plus important en Allemagne, tout en précisant que les mêmes considérations s’appliquaient à d’autres événements sportifs ou contenus télévisés populaires, pour lesquels elle n’avait pas trouvé de preuves directes dans le dossier (voir considérant 1165 de la décision attaquée).

338 Premièrement, aux considérants 1173 à 1176 de la décision attaquée, la Commission a examiné si Sky, détenteur de la majorité des droits exclusifs de diffusion de la Bundesliga, serait susceptible d’accepter de conclure des accords d’exclusivité avec l’entité issue de la concentration. La Commission a conclu qu’il était peu probable que tel soit le cas, étant donné que s’il est vrai que Sky dépendait de l’entité issue de la concentration pour distribuer ses contenus, ce télédiffuseur dépendait de la même manière, voire davantage, d’autres moyens de diffusion, notamment de l’opérateur de télévision par satellite Astra, avec pour conséquence que Sky perdrait une part substantielle de ses revenus dans l’hypothèse où elle conclurait un accord d’exclusivité avec l’entité issue de la concentration. La Commission a également tenu compte du fait que Sky, acteur international et principal fournisseur de services de télévision payants en Allemagne, bénéficiait d’une puissance d’achat compensatrice certaine.

339 Deuxièmement, aux considérants 1177 à 1183 de la décision attaquée, la Commission a vérifié si l’entité issue de la concentration pourrait raisonnablement suivre une stratégie visant à obtenir un accès exclusif à d’autres chaînes ou contenus télévisés, vis-à-vis notamment de télédiffuseurs ou titulaires de droits de télévision bénéficiant d’une puissance d’achat compensatrice moindre que Sky. Se fondant sur des documents internes des parties à la concentration et sur leur réponse à la communication des griefs, la Commission a considéré que, même si l’entité issue de la concentration avait la capacité de mettre en œuvre une telle stratégie, il était douteux qu’elle fût incitée à le faire, étant donné qu’une telle stratégie aurait eu des coûts d’implémentation élevés, mais des résultats incertains en termes de bénéfices.

340 Troisièmement, aux considérants 1184 à 1197 de la décision attaquée, la Commission a approfondi son analyse portant sur l’incitation de l’entité issue de la concentration à évincer ses concurrents grâce à l’acquisition de droits exclusifs sur certains contenus télévisés, en examinant les documents internes des parties afférant à une telle stratégie. Selon la Commission, il ressortait de ces documents que chacune des parties à la concentration avait déjà envisagé la possibilité d’acquérir des chaînes ou des contenus sportifs de manière exclusive, mais avait finalement abandonné de tels projets, ce que ces parties avaient expliqué, éléments de preuve à l’appui, en réponse à la communication des griefs. La Commission en a déduit qu’il ne pouvait être conclu que l’entité issue de la concentration aurait été incitée à utiliser sa clientèle plus large aux fins de négocier avec les télédiffuseurs certains accords exclusifs portant sur des contenus « premium », en vue d’évincer les fournisseurs au détail concurrents de services de télévision.

341 Finalement, dans un souci d’exhaustivité, la Commission a examiné, aux considérants 1198 à 1203 de la décision attaquée, si une hypothétique stratégie d’exclusivité mise en place par l’entité issue de la concentration pourrait produire des effets anticoncurrentiels significatifs provoquant, en particulier, l’éviction de fournisseurs au détail concurrents de services de télévision, avec des conséquences néfastes sur les consommateurs.

342 Se fondant sur des données démontrant que la grande majorité des téléspectateurs allemands ne changeraient pas de fournisseur au détail de services de télévision afin d’avoir accès à des contenus sportifs exclusifs, la Commission a estimé que, même dans l’hypothèse où l’entité issue de la concentration mettrait en œuvre une stratégie d’exclusivité, cela ne priverait pas les fournisseurs concurrents d’une importante base de clientèle. La Commission a également tenu compte du fait que, même dans pareille hypothèse, l’entité issue de la concentration serait confrontée à la concurrence de Sky, laquelle poursuivait une stratégie de distribution non exclusive de ses contenus télévisés sur différentes plateformes, ce qui permettrait aux fournisseurs concurrents d’avoir, en tout cas, accès à ses contenus « premium ». La Commission en a déduit qu’il était improbable que la mise en place d’une stratégie d’exclusivité par l’entité issue de la concentration pût produire des effets anticoncurrentiels significatifs.

343 Pour l’ensemble de ces raisons, la Commission a conclu, au considérant 1204 de la décision attaquée, que, même si l’entité issue de la concentration bénéficiait d’un pouvoir de marché accru à l’issue de cette opération, il n’était pas possible de conclure que cette dernière aurait obtenu probablement des conditions de la part des télédiffuseurs et des titulaires de droits de télévision prenant la forme d’accords d’exclusivité, qui auraient eu une incidence négative sur l’accès des fournisseurs au détail de télévision concurrents aux chaînes ou contenus de télévision.

2. Sur l’erreur manifeste d’appréciation alléguée par la requérante

344 En l’espèce, en premier lieu, la requérante fait valoir que l’examen de la Commission concernait uniquement certains effets anticoncurrentiels touchant aux redevances de rachat ou aux services OTT et HBBTV. Or, étant donné que les négociations entre les câblo-opérateurs et les télédiffuseurs portaient aussi sur d’autres fonctionnalités techniques (telles que le « CI Plus », la « TVHD », le guide électronique de programme ou les services de VOD, de télévision de rattrapage et de rediffusion instantanée) et d’autres aspects commerciaux (tels que la répartition des recettes ou les paiements pour les coûts par abonné), la Commission aurait, selon la requérante, également dû examiner ces aspects.

345 En deuxième lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir nié les dégradations sur le marché de rachat de signaux de télévision résultant d’éventuels accords d’exclusivité. Selon la requérante, l’entité issue de la concentration aurait la capacité et l’incitation d’instaurer des exclusivités partielles et pourrait, notamment, interdire la diffusion de contenus par le biais de certains fournisseurs, tels qu’elle-même.

346 En troisième lieu, la requérante soutient que l’entité issue de la concentration pourrait exploiter sur le marché MDU les avantages dont elle bénéficierait sur le marché de rachat de signaux de télévision, tels que la perception de redevances de rachat, à la différence des plus petits câblo-opérateurs tels qu’elle-même, et l’acquisition de contenus à des conditions plus avantageuses que ces câblo-opérateurs, en réduisant son offre de prix à l’égard des clients MDU, avec pour conséquence d’évincer ses plus petits concurrents sur ce marché. Selon la requérante, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne tenant pas compte de ces éléments.

347 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

348 En ce qui concerne, en premier lieu, le reproche qu’elle fait à la Commission de s’être prétendument limitée à analyser certains effets anticoncurrentiels touchant aux redevances de rachat ou aux services OTT et HBBTV, la requérante se borne à citer certaines fonctionnalités techniques et certains aspects commerciaux que la Commission aurait, selon elle, dû examiner, mais n’explique aucunement en quoi ceux-ci pourraient être affectés par la concentration, et plus particulièrement les raisons pour lesquelles, et la manière avec laquelle, l’entité issue de la concentration aurait la capacité, et surtout l’intérêt, de détériorer ces fonctionnalités et aspects commerciaux lors de ses négociations avec les télédiffuseurs, en quoi, eu égard notamment à l’importance de ceux-ci, cela pourrait avoir pour effet d’entraver de manière significative une concurrence effective sur le marché de rachat de signaux de télévision et en quoi une telle détérioration probable de ces fonctionnalités et aspects commerciaux serait propre à la concentration, ce qui permet d’écarter ce premier grief.

349 En tout état de cause, comme le fait valoir à juste titre la Commission, le simple fait que la Commission n’ait pas procédé à tous les examens souhaités ou jugés utiles par la requérante ne justifie pas, en soi, l’annulation de la décision attaquée.

350 En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’allégation selon laquelle la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que l’entité issue de la concentration aurait la capacité et l’incitation de mettre en place des exclusivités partielles aux fins d’interdire la diffusion de contenus par le biais de certains de ses concurrents, tels qu’elle-même, force est de constater que pareille allégation est très générale et n’est nullement étayée.

351 Par ailleurs, si la requérante fait valoir que l’entité issue de la concentration aurait la capacité et l’incitation d’instaurer une telle stratégie d’exclusivité partielle à l’encontre de certains de ses concurrents, force est de constater qu’elle n’essaie même pas de démontrer qu’une telle stratégie aurait une incidence négative significative sur la concurrence en aval, en s’appuyant par exemple sur des éléments de preuve démontrant qu’une proportion potentiellement importante de sociétés de logements en ce qui concernait le marché MDU, ou de téléspectateurs allemands en ce qui concernait le marché SDU, aurait été disposée à passer à l’offre de l’entité issue de la concentration pour la seule raison que certaines chaînes n’auraient pas été proposées par leur fournisseur actuel. Or, comme cela ressort des points 315 et 316 ci-dessus et de la jurisprudence qui y est citée, les trois conditions mentionnées au paragraphe 32 des lignes directrices sur les concentrations non horizontales sont cumulatives, de sorte que l’absence de l’une d’elles est suffisante pour exclure le risque de verrouillage des intrants anticoncurrentiel, ce qui permet d’écarter ce deuxième grief.

352 En tout état de cause, la conclusion, par une entreprise en position dominante, d’accords d’exclusivité avec un fournisseur visant à évincer du marché en aval un ou plusieurs concurrents désignés individuellement est susceptible de constituer un comportement contraire au droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 22 mars 2011, Altstoff Recycling Austria/Commission, T 419/03, EU:T:2011:102, point 51). Interrogée à cet égard lors de l’audience de plaidoiries, la Commission a d’ailleurs confirmé que si l’entité issue de la concentration concluait un accord d’exclusivité totale ou partielle avec un télédiffuseur, cela constituerait potentiellement une infraction à l’article 101 ou 102 TFUE.

353 Par conséquent, il y a lieu de considérer qu’il était peu probable que l’entité issue de la concentration fût incitée à conclure de tels accords à l’issue de cette opération, ce qui s’appliquait également aux télédiffuseurs. En effet, il ressort de la jurisprudence que s’il est approprié de tenir compte des incitations à adopter des comportements anticoncurrentiels, il convient également de tenir compte du fait que lesdites incitations pourraient être réduites, voire éliminées, en raison de l’illégalité des comportements en question, de la probabilité de leur détection, de leur poursuite par les autorités compétentes tant au niveau de l’Union qu’au niveau national et des sanctions pécuniaires qui pourraient en résulter (voir, en ce sens, arrêts du 25 octobre 2002, Tetra Laval/Commission, T 5/02, EU:T:2002:264, point 159, et du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T 210/01, EU:T:2005:456, points 303 à 311). Il ne pourrait, dès lors, être reproché à la Commission de ne pas avoir tenu compte de la possibilité improbable, eu égard à son caractère potentiellement illégal, que l’entité issue de la concentration conclût avec un télédiffuseur un accord d’exclusivité par lequel un ou plusieurs concurrents sur les marchés en aval, tels que la requérante, auraient été privés d’accès à certains contenus.

354 En ce qui concerne, en troisième lieu, l’allégation selon laquelle l’entité issue de la concentration pourrait exploiter sur le marché MDU les avantages dont elle bénéficierait sur le marché de rachat de signaux de télévision, il y a lieu de constater que ces éléments ont déjà été invoqués par la requérante à l’appui de la deuxième branche de son premier moyen, tirée d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation, en ce que la Commission aurait, dans le cadre de son examen du marché MDU, omis de tenir compte de l’augmentation massive des ressources de l’entité issue de la concentration. Or, cette deuxième branche a été rejetée pour les raisons exposées aux points 199 à 230 ci-dessus, de sorte que ce troisième grief ne saurait prospérer.

355 En tout état de cause, si les avantages allégués dont bénéficierait l’entité issue de la concentration lui permettaient d’offrir des prix plus avantageux aux clients MDU, comme le fait valoir la requérante, il y a lieu de considérer que cela était révélateur d’effets positifs pour les consommateurs, puisqu’il était probable qu’une telle réduction de prix se répercuterait dans le montant du loyer mensuel des locataires des immeubles concernés, plutôt que d’une ESCE. En outre, il convient de constater que la requérante ne démontre nullement que les avantages qu’elle allègue, à savoir la perception de redevances de rachat et l’acquisition de contenus à des conditions plus avantageuses que les plus petits câblo-opérateurs, auraient été propres à la concentration.

356 Dès lors, la requérante ne démontre pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de l’examen des effets horizontaux non coordonnés sur le marché de rachat de signaux de télévision, avec pour conséquence que le quatrième moyen doit être rejeté.

F. Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une irrégularité de procédure dans le cadre de l’examen des engagements

357 À l’appui de son cinquième moyen, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les engagements offerts par les parties à la concentration étaient susceptibles d’éliminer les ESCE constatées sur le marché de l’accès fixe à Internet, sur le marché des offres groupées 2P et sur le marché de rachat de signaux de télévision. En outre, la Commission aurait commis une irrégularité de procédure en acceptant l’engagement relatif aux redevances de rachat.

1. Considérations liminaires

358 Ainsi que cela ressort du point 16 ci-dessus, la Commission a considéré que la concentration aurait entravé de manière significative l’exercice d’une concurrence effective sur le marché de l’accès fixe à Internet, en raison notamment de l’élimination de l’importante pression concurrentielle que les parties à la concentration exerçaient l’une sur l’autre avant l’opération, notamment dans l’empreinte câblée de Unitymedia, et de la création d’un acteur avec une part de marché en termes d’abonnés de plus de 30 % (qui serait supérieure à 40 % dans l’empreinte câblée de Unitymedia, voire supérieure encore dans certains Länder et quartiers).

359 La Commission a, de ce fait, considéré que l’opération aurait entravé de manière significative une concurrence effective également sur le marché des offres groupées 2P, en raison d’effets horizontaux non coordonnés.

360 En vue d’éliminer cette ESCE constatée sur le marché de l’accès fixe à Internet et sur le marché des offres groupées 2P, la Commission a accepté l’engagement WCBA offert par Vodafone, qui prévoyait d’ouvrir l’accès au réseau câblé de l’entité issue de la concentration à un opérateur tiers afin de permettre à celui-ci d’offrir des services d’accès fixe à Internet au détail (et, s’il le souhaitait, des services de téléphonie vocale fixe), de même que ses propres services de télévision OTT ou ceux de tiers. Aux considérants 1974 à 2005 de la décision attaquée, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle considérait que Telefónica, opérateur déjà présent en Allemagne, principalement dans le secteur de la téléphonie mobile, respectait les conditions standards, en termes d’indépendance, de ressources financières et d’absence à première vue de problèmes de concurrence, reprises dans sa communication concernant les mesures correctives recevables conformément aux règlements nos 139/2004 et 802/2004 (JO 2008, C 267, p. 1, ci-après la « communication concernant les mesures correctives »), pour pouvoir être désigné comme bénéficiaire de l’obligation d’accès découlant de l’engagement WCBA.

361 Par ailleurs, comme exposé aux points 31 et 32 ci-dessus, la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que, en raison du pouvoir de marché accru de l’entité issue de la concentration sur le marché de rachat de signaux de télévision, l’opération aurait pu aboutir, d’une part, à une forme de verrouillage partiel des chaînes en clair ou payantes, notamment par l’aggravation des conditions contractuelles et financières imposées par cette entité aux télédiffuseurs et, par conséquent, à une dégradation qualitative de l’offre de télévision aux téléspectateurs finals en Allemagne et, d’autre part, à la mise en place par cette entité d’une stratégie visant à entraver l’émergence et le développement de services de télévision OTT et HBBTV, ce qui aurait pu nuire aux consommateurs en raison d’une moindre qualité de l’expérience du téléspectateur et d’un choix réduit (voir, d’une part, considérants 1205 à 1265 et, d’autre part, considérants 1266 à 1292 de la décision attaquée).

362 En vue d’éliminer cette ESCE constatée sur le marché de rachat de signaux de télévision, la Commission a accepté plusieurs engagements offerts par Vodafone, à savoir l’engagement OTT, qui empêchait l’entité issue de la concentration de limiter la possibilité pour les télédiffuseurs dont les contenus étaient diffusés sur sa plateforme de distribuer ces contenus par l’intermédiaire d’un service OTT et qui leur garantissait, pour ce faire, une capacité d’interconnexion directe suffisante, l’engagement HBBTV, qui contraignait l’entité issue de la concentration à continuer à diffuser le signal HBBTV des télédiffuseurs en clair, et l’engagement relatif aux redevances de rachat, qui empêchait l’entité issue de la concentration d’augmenter les redevances de rachat qui lui étaient versées par les télédiffuseurs en clair, ainsi que cela ressort du point 41 ci-dessus (ci-après, pris ensemble, les « engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision »).

363 En l’espèce, l’argumentation de la requérante au soutien du présent moyen peut être divisée en deux branches, tirées, la première, d’une erreur manifeste dans l’appréciation de l’engagement WCBA et, la seconde, d’une irrégularité procédurale et d’une erreur manifeste dans l’appréciation des engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision.

2. Sur la première branche, tirée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de l’engagement WCBA

364 La requérante estime que les constatations de la Commission quant à l’efficacité de l’engagement WCBA sont incohérentes, contradictoires et, dans leur ensemble, erronées, avec pour conséquence que cet engagement n’était pas de nature à éliminer les problèmes de concurrence constatés.

365 Plus particulièrement, en premier lieu, la requérante fait valoir que la prémisse sur laquelle se fonde la Commission au considérant 1898 de la décision attaquée, selon laquelle Unitymedia n’exerçait pas une pression concurrentielle importante en termes d’investissements dans les infrastructures et selon laquelle il n’existait pas de chevauchement dans le secteur du câble entre Vodafone et Unitymedia, est erronée, pour les raisons exposées à l’appui de son premier moyen, notamment parce que la Commission avait elle-même constaté une addition de parts de marché sur le marché MDU. La requérante ajoute que, en raison de la concentration, cette concurrence par les infrastructures et les innovations exercée par Unitymedia disparaîtrait définitivement, et fait valoir que l’engagement WCBA n’était pas efficace, en ce qu’il ne permettait pas de compenser cette perte de concurrence, étant donné que Telefónica n’était pas active en matière d’infrastructures, mais faisait uniquement de la revente.

366 En deuxième lieu, la requérante soutient que la Commission n’a pas respecté le point 15 de la communication concernant les mesures correctives en acceptant l’engagement WCBA, à savoir un engagement comportemental, en vue de remédier à un problème de concurrence de nature horizontale.

367 En troisième lieu, la requérante fait valoir qu’il était peu probable que Telefónica fût capable d’exercer une forte pression concurrentielle sur le marché de l’accès fixe à Internet, étant donné que cet opérateur avait axé ses activités sur la téléphonie mobile, mais n’était pas un concurrent dans le domaine d’Internet, ce que la Commission a reconnu au considérant 529 de la décision attaquée, et parce que l’engagement WCBA ne lui donnerait pas accès à une largeur de bande suffisante pour pouvoir offrir Internet à des vitesses concurrentielles sur le marché.

368 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

369 À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de rappeler que, comme cela ressort de l’examen du premier moyen, la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle avait considéré que l’opération n’aurait pas engendré une ESCE sur le marché MDU. Par conséquent, l’argumentation de la requérante doit être rejetée en ce qu’elle est fondée sur des arguments avancés dans le cadre de ce moyen.

370 Ensuite, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle l’engagement WCBA serait inefficace parce qu’il ne permettrait pas de compenser la disparition de la pression concurrentielle par les infrastructures et les innovations exercée par Unitymedia avant l’opération, force est de constater que l’objectif principal de l’engagement WCBA était de remédier au problème concurrentiel découlant de la disparition de la pression concurrentielle exercée par l’activité DSL de Vodafone dans l’empreinte câblée de Unitymedia, ainsi que cela ressort notamment du considérant 1898 de la décision attaquée.

371 En effet, à la suite de l’opération, l’activité exercée par Unitymedia au moyen de son réseau câblé perdurerait et serait reprise par Vodafone. En revanche, Vodafone prévoyait de mettre fin, dans l’empreinte câblée de Unitymedia, à son activité DSL, qu’elle exerçait sur le fondement d’un accès de gros fourni par Deutsche Telekom (voir, notamment, considérants 566, 604 et 605 de la décision attaquée). Il s’ensuit que c’est l’activité DSL de Vodafone, c’est-à-dire une activité de revente du produit DSL de Deutsche Telekom, qui disparaîtrait postérieurement à l’opération.

372 L’engagement WCBA n’aurait pu, partant, être considéré comme inefficace en ce qu’il prévoyait l’entrée d’un opérateur, Telefónica, qui n’aurait pas été actif en matière d’infrastructures, mais aurait fait uniquement de la revente, puisqu’il avait précisément pour objectif de compenser la disparition d’un opérateur, Vodafone, dans l’empreinte câblée de Unitymedia, qui n’était pas actif en matière d’infrastructures, mais faisait uniquement de la revente, de sorte que ce premier grief ne saurait être accueilli.

373 En tout état de cause, il ressort notamment du considérant 452 de la décision attaquée que, dans son empreinte câblée, Vodafone investissait et innovait antérieurement à l’opération. Par ailleurs, postérieurement à l’opération, l’activité câblée de l’entité issue de la concentration demeurerait confrontée, dans l’empreinte câblée de Unitymedia, à la concurrence d’autres opérateurs, tels que Deutsche Telekom, United Internet et Telefónica, ce qui ressort également de ce considérant. Il en découle que l’entité issue de la concentration serait probablement amenée, dans l’ancienne empreinte câblée de Unitymedia, à devoir effectuer des investissements en termes d’infrastructure et d’innovation similaires à ceux qu’effectuait cette dernière préalablement à l’opération. En tout cas, la requérante ne produit aucune preuve démontrant de manière suffisante que, malgré ces circonstances et, plus précisément, malgré la concurrence exercée par Deutsche Telekom, United Internet et Telefónica, l’entité issue de la concentration cesserait d’investir et d’innover dans l’ancienne empreinte câblée de Unitymedia, avec pour conséquence que l’opération entraînerait une disparition de la pression concurrentielle découlant de tels investissements et innovations.

374 En deuxième lieu, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’aurait pas pu accepter l’engagement WCBA en raison du caractère comportemental et non structurel de celui-ci, il est vrai que, comme le constate la requérante, la Commission explique au point 15 de la communication concernant les mesures correctives que les engagements à caractère structurel, tels que l’engagement de céder une activité, sont généralement préférables du point de vue de l’objectif défini dans le règlement no 139/2004, dans la mesure où ils empêchent durablement les problèmes de concurrence qui résulteraient de la concentration notifiée et ne nécessitent pas de mesures de surveillance à moyen ou à long terme. Par ailleurs, la Commission souligne au point 17 de ladite communication que les engagements relatifs au comportement futur de l’entité issue de la concentration ne peuvent être recevables qu’exceptionnellement, dans des circonstances très spécifiques.

375 Ensuite, la Commission n’est habilitée à accepter que des engagements de nature à rendre l’opération de concentration compatible avec le marché intérieur. En d’autres termes, les engagements proposés par les entreprises concernées doivent permettre à la Commission de conclure que l’opération de concentration en cause n’entraverait pas de manière significative une concurrence effective dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante au sens de l’article 2, paragraphe 2, de ce règlement (voir arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T 282/02, EU:T:2006:64, point 294 et jurisprudence citée).

376 Les engagements pris au cours de la phase II ont, notamment, pour objet de remédier aux problèmes de concurrence constatés par la Commission lors de la phase I et qui ont conduit la Commission à ouvrir la phase II. En conséquence, lorsque le Tribunal est amené à examiner si les engagements pris au cours de la phase II sont, eu égard à leur portée et à leur contenu, de nature à permettre à la Commission d’adopter une décision d’approbation de la concentration, il lui appartient de vérifier que la Commission a pu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, considérer que lesdits engagements constituaient une réponse directe et suffisante aux problèmes de concurrence constatés lors de la phase I (voir, en ce sens, arrêt du 13 mai 2015, Niki Luftfahrt/Commission, T 162/10, EU:T:2015:283, point 298).

377 Selon le considérant 30 du règlement no 139/2004, lorsque les entreprises concernées modifient une concentration notifiée, notamment en présentant des engagements afin de la rendre compatible avec le marché intérieur, la Commission devrait pouvoir déclarer cette concentration, telle qu’elle est modifiée, compatible avec le marché intérieur. Ces engagements devraient être proportionnels au problème de concurrence et le résoudre entièrement (voir, en ce sens, arrêt du 23 février 2006, Cementbouw Handel & Industrie/Commission, T 282/02, EU:T:2006:64, point 307).

378 Enfin, les engagements comportementaux ne sont pas insuffisants de par leur nature pour empêcher une ESCE dans le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci, notamment du fait de la création ou du renforcement d’une position dominante et doivent être appréciés au cas par cas au même titre que les engagements structurels (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T 87/05, EU:T:2005:333, point 100 et jurisprudence citée).

379 C’est ainsi que, au point 15 de la communication concernant les mesures correctives, la Commission souligne qu’il n’est pas possible d’exclure a priori que d’autres types d’engagements que les engagements à caractère structurel puissent également empêcher la formation d’une ESCE.

380 Il résulte de ce qui précède que, certes, dans la communication concernant les mesures correctives, la Commission affiche une préférence pour les engagements structurels, en particulier en raison de la facilité de leur mise en œuvre. Toutefois, il y a lieu de constater que c’est principalement le caractère approprié et suffisant des engagements pour résoudre le problème de concurrence identifié, ainsi que la certitude que lesdits engagements pourront être mis en œuvre, qui gouverne l’acceptation de ces derniers.

381 La requérante n’est donc pas fondée à soutenir que la Commission aurait dû rejeter l’engagement WCBA au seul motif qu’il portait uniquement sur le comportement de l’entité issue de la concentration, ce qui permet d’écarter le deuxième grief.

382 En troisième lieu, en ce qui concerne l’allégation de la requérante tirée d’une prétendue incapacité de Telefónica à exercer une forte pression concurrentielle sur le marché de l’accès fixe à Internet, force est de constater que le contenu du considérant 529 de la décision attaquée, invoqué par la requérante à l’appui du présent grief, concerne une déclaration de Deutsche Telekom sur la force concurrentielle de Telefónica antérieurement à la prise en compte de l’engagement WCBA, ce qui permet d’écarter l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait elle-même, dans ce considérant, reconnu cette incapacité de Telefónica.

383 Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante tiré des vitesses prétendument limitées qui seraient offertes à Telefónica en application de l’engagement WCBA, il est vrai que, au considérant 531 de la décision attaquée, la Commission a procédé aux constatations suivantes :

« Telefónica ne disposait que depuis peu d’une offre à 250 Mbit/s dans son portefeuille de produits. Jusqu’à présent, elle ne proposait que des vitesses de 10, 50 et 100 Mbit/s, ce que les concurrents considèrent comme une sérieuse limite à sa compétitivité. Cette introduction tardive de vitesses plus élevées dans son portefeuille de produits constitue une preuve importante de la compétitivité limitée de Telefónica sur le marché. »

384 Toutefois, il y a lieu de souligner que pareilles constatations effectuées par la Commission portaient sur la situation de Telefónica en l’absence de l’engagement WCBA.

385 Dès lors, il y a lieu de considérer que ces constatations, qui ne tiennent pas compte de l’ensemble des obligations souscrites par Vodafone dans le cadre de l’engagement WCBA, ne permettent de tirer aucune conclusion sur la capacité et l’incitation de Telefónica à opérer en tant que force concurrentielle viable et active une fois mis en œuvre cet engagement.

386 En outre, il convient de relever que, aux considérants 1896 à 1917 de la décision attaquée, dans une section intitulée « Portée », la Commission a examiné de manière détaillée l’engagement WCBA. Plus particulièrement, aux considérants 1901 à 1906 de ladite décision, la Commission a examiné les vitesses qui seraient offertes par Vodafone à Telefónica. Comme le souligne l’intervenante dans le cadre de la présente procédure, Telefónica disposait d’un débit maximal hypothétique de 250 Mbits/s pour ses activités DSL. Par comparaison, l’engagement WCBA lui permettrait d’accéder à des débits allant jusqu’à 300 Mbits/s au moment de sa mise en œuvre et jusqu’à 500 Mbits/s ensuite. C’est ainsi que, au considérant 1906 de la décision attaquée, la Commission a considéré que les vitesses disponibles dans le cadre de l’engagement WCBA offriraient des avantages significatifs par rapport à celles disponibles sur l’infrastructure DSL de Deutsche Telekom. En particulier, elle a relevé que cet engagement offrirait des vitesses supérieures au produit le plus rapide techniquement disponible avec l’infrastructure DSL et créerait un concurrent qui était plus proche de Unitymedia que de l’activité DSL de Vodafone en termes de vitesse. D’une manière générale, la Commission a estimé que les vitesses disponibles en application de l’engagement WCBA constitueraient une amélioration par rapport à l’offre de gros de Deutsche Telekom et qu’elles seraient suffisantes pour permettre à Telefónica d’exercer une concurrence effective sur le marché de l’accès fixe à Internet dans un avenir prévisible.

387 Ainsi, la seule circonstance que, antérieurement à la prise en compte de l’engagement WCBA, la Commission a considéré que l’introduction tardive de vitesses plus élevées dans son portefeuille de produits constituait une preuve importante de la compétitivité limitée de Telefónica sur le marché ne permet de tirer aucune conclusion sur la capacité et l’incitation de Telefónica à opérer en tant que force concurrentielle viable et active, et donc sur le caractère approprié et suffisant de l’engagement WCBA, une fois mis en œuvre, ce qui permet d’écarter ce troisième grief.

388 Il découle de l’ensemble de ce qui précède que la première branche du cinquième moyen, tirée d’une erreur manifeste qu’aurait commise la Commission dans l’appréciation de l’engagement WCBA, doit être écartée.

3. Sur la seconde branche, tirée d’une irrégularité procédurale et d’une erreur manifeste dans l’appréciation des engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision

389 En premier lieu, la requérante soutient que la Commission a commis une irrégularité de procédure en acceptant l’engagement relatif aux redevances de rachat, étant donné que celui-ci avait été présenté tardivement, après l’expiration du délai prévu à l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 802/2004, et sans consultation des acteurs du marché.

390 En second lieu, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en acceptant les engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision, étant donné que ceux-ci n’étaient pas de nature à éliminer les problèmes de concurrence constatés.

391 En effet, premièrement, ces engagements auraient été comportementaux et, de ce fait, insuffisants pour traiter un problème de concurrence de nature horizontale.

392 Deuxièmement, l’engagement OTT n’aurait pas été de nature à suffisamment limiter la marge de manœuvre et le pouvoir de négociation accru de l’entité issue de la concentration, étant donné que les services OTT n’auraient eu encore qu’une importance limitée en Allemagne. En outre, cet engagement n’aurait pas empêché l’entité issue de la concentration de porter atteinte à d’autres moyens de diffusion, tels que les autres câblo-opérateurs ou les fournisseurs IPTV.

393 Troisièmement, l’engagement OTT n’aurait pas contribué au développement de la diffusion de services OTT, étant donné que ce ne serait pas la capacité existant entre le réseau Internet de l’entité issue de la concentration et les fournisseurs tiers de services d’interconnectivité Internet qui importerait, mais plutôt le nombre de logements raccordés par répartiteur. Or, selon la requérante, Vodafone n’aurait pas été prête à développer ou à moderniser son réseau en vue de raccorder 32 logements par répartiteur, de sorte que ce réseau disposât d’une vitesse suffisante même si tous les utilisateurs y accédaient simultanément.

394 Quatrièmement, l’engagement OTT et l’engagement HBBTV auraient porté sur des aspects isolés et n’auraient pas empêché l’entité issue de la concentration d’abuser de sa position, en portant atteinte à d’autres fonctionnalités techniques, telles que le « CI Plus », la « TVHD », le guide électronique de programme ou les services de VOD, de télévision de rattrapage et de rediffusion instantanée, entrant en ligne de compte lors des négociations avec les télédiffuseurs.

395 Cinquièmement, l’engagement relatif aux redevances de rachat aurait été insuffisant, en ce qu’il n’aurait visé qu’un seul aspect des négociations commerciales entre les câblo-opérateurs et les télédiffuseurs, mais n’aurait pas empêché l’entité issue de la concentration d’abuser de son pouvoir de marché accru en rendant d’autres conditions moins favorables.

396 La Commission, soutenue par Vodafone, conteste les arguments de la requérante.

397 À cet égard, le Tribunal estime opportun de vérifier si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en acceptant les engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision avant d’examiner si la Commission a commis une irrégularité procédurale en acceptant l’engagement relatif aux redevances de rachat.

398 En ce qui concerne, en premier lieu, les différents griefs invoqués par la requérante en vue de démontrer que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en acceptant les remèdes relatifs au marché de rachat de signaux de télévision, il convient de procéder aux appréciations qui suivent.

399 S’agissant, premièrement, de l’allégation de la requérante selon laquelle ces engagements, purement comportementaux, auraient été de ce fait insuffisants pour remédier à un problème de concurrence de nature horizontale, il convient de rappeler que, pour les raisons exposées aux points 374 à 381 ci-dessus, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission aurait dû rejeter l’engagement WCBA comme manifestement insuffisant au seul motif qu’il portait uniquement sur le comportement de l’entité issue de la concentration. Le même raisonnement s’applique en ce qui concerne les engagements relatifs au marché de rachat de signaux de télévision, de sorte que ce premier grief ne saurait prospérer.

400 S’agissant, deuxièmement, de l’allégation de la requérante selon laquelle l’engagement OTT aurait été insuffisant, étant donné que les services OTT n’auraient eu encore qu’une importance limitée en Allemagne et parce qu’il n’aurait pas protégé les autres câblo-opérateurs et les fournisseurs IPTV, force est de constater, d’une part, qu’il ressort du considérant 1266 de la décision attaquée que le problème de concurrence constaté, auquel ce remède visait à apporter une solution, consistait dans la possibilité accrue qu’aurait l’entité issue de la concentration d’entraver l’émergence et le développement de certains services télévisuels innovants, dont l’importance croissante avait été constatée, permettant davantage d’interaction entre le télédiffuseur et les téléspectateurs, dont l’OTT.

401 Par conséquent, indépendamment de la question du cadre temporel dans lequel les services OTT auraient été à même de limiter la marge de manœuvre et le pouvoir de négociation accru de l’entité issue de la concentration, force est de constater que l’engagement OTT, en ce qu’il empêcherait Vodafone, dès la date de l’adoption de la décision attaquée, non seulement de conclure ou de renouveler un accord avec un télédiffuseur qui aurait inclus des termes restreignant directement ou indirectement la capacité de ce télédiffuseur à offrir un service OTT en Allemagne, mais l’obligerait également à ne pas mettre en œuvre de telles clauses qui auraient existé et à retirer semblables restrictions dans les contrats existants (voir points 13 et 14 de la section B.II du texte des engagements), était immédiatement susceptible d’empêcher Vodafone d’entraver l’émergence et le développement des services OTT et, partant, d’éliminer le problème de concurrence constaté pour lequel il avait été adopté.

402 D’autre part, il convient de relever que si la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que l’entité issue de la concentration aurait la capacité et l’incitation d’entraver l’émergence et le développement de services télévisuels innovants tels que la HBBTV et l’OTT et que Vodafone avait, pour remédier à ce problème de concurrence, proposé les engagements OTT et HBBTV, elle n’a pas estimé que tel aurait été le cas d’autres moyens de diffusion, tels que les autres câblo-opérateurs ou les fournisseurs IPTV. En ce qui concerne ce dernier produit, force est de constater que celui-ci était, contrairement à l’OTT, en phase de ralentissement, avec une part de marché limitée de 8 % (voir considérant 291 de la décision attaquée), ce que la requérante ne conteste pas.

403 Or, la requérante n’a pas reproché à la Commission de n’avoir pas estimé que l’entité issue de la concentration aurait eu la capacité et l’intérêt à entraver l’émergence et le développement d’autres moyens de diffusion, tels que les autres câblo-opérateurs ou les fournisseurs IPTV, avec pour conséquence qu’il n’était pas nécessaire d’imposer un engagement à cet égard, ce qui permet d’écarter cette allégation de la requérante.

404 S’agissant, troisièmement, de l’allégation de la requérante selon laquelle la capacité existant entre le réseau Internet de l’entité issue de la concentration et les fournisseurs tiers de services d’interconnectivité Internet prévue dans le cadre de l’engagement OTT n’aurait pas suffi pour garantir une vitesse permettant la diffusion de services OTT, mais selon laquelle il aurait plutôt fallu fixer à 32 le nombre de logements raccordés par répartiteur, force est de constater que la requérante n’étaye d’aucune preuve pareille allégation, de sorte que ce troisième grief ne saurait être accueilli.

405 En tout état de cause, il y a lieu de relever qu’il ressort du point 15 de la section B.II du texte des engagements que l’objectif du deuxième aspect de l’engagement OTT, portant sur l’interconnexion pour les services OTT, était de maintenir au moins trois routes non congestionnées vers le réseau IP de l’entité issue de la concentration en Allemagne. En d’autres termes, l’objectif était de fournir une capacité d’interconnexion suffisante pour permettre aux clients haut débit de l’entité issue de la concentration d’accéder à tout service OTT en Allemagne, soit via les points d’interconnexion décrits au point 16 de la section B.II du texte des engagements, soit autrement.

406 À cette fin, le point 16 de la section B.II du texte des engagements prévoyait, notamment, les obligations qui suivent. Premièrement, Vodafone veillerait à ce que l’utilisation de pointe quotidienne sur l’ensemble des points d’interconnexion de l’entité issue de la concentration avec chacun des groupes d’au moins trois fournisseurs d’interconnectivité réputés qui étaient disposés à vendre des services de transit, via un ou plusieurs points d’interconnexion physiques en Allemagne, sur lesquels le trafic pouvait circuler vers les clients haut débit, ne dépassât pas 80 %, avec pour conséquence qu’il y aurait au moins 20 % de capacité disponible au-delà de la pointe journalière. Deuxièmement, Vodafone veillerait à ce que la capacité disponible au-delà de la pointe journalière fût d’au moins 20 Gbit/s. Ce chiffre serait revu chaque année selon une procédure décrite dans le texte des engagements. Or, la requérante n’explique pas concrètement en quoi cela aurait été insuffisant.

407 À cet égard, il y a également lieu de relever que la Commission et l’intervenante ont expliqué en substance, sans être contredites, que l’entité issue de la concentration serait fortement incitée à minimiser une congestion au niveau de la boucle locale au motif qu’une telle congestion, provoquant des goulets d’étranglement « sur le dernier kilomètre » (on the last mile), aurait compromis également l’attractivité de sa propre offre fixe de services haut débit et l’aurait exposée au risque de perdre des clients au profit d’autres opérateurs.

408 En outre, il convient de constater que, au considérant 1929 de la décision attaquée, la Commission a relevé que la neutralité d’Internet, garantie par le règlement (UE) 2015/2120 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2015, établissant des mesures relatives à l’accès à un Internet ouvert et modifiant la directive 2002/22/CE concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques et le règlement (UE) no 531/2012 concernant l’itinérance sur les réseaux publics de communications mobiles à l’intérieur de l’Union (JO 2015, L 310, p. 1), aurait dû empêcher l’entité issue de la concentration d’adopter des pratiques unilatérales restrictives visant à contourner l’engagement, telles que la redéfinition des priorités en matière de trafic ou la discrimination, ce que la requérante ne conteste pas.

409 À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la requérante ne démontre pas que l’engagement OTT aurait été insuffisant pour garantir une qualité de réception suffisante aux clients de la télévision OTT, ce qui permet d’écarter le troisième grief.

410 S’agissant, quatrièmement, de l’allégation de la requérante selon laquelle l’engagement OTT et l’engagement HBBTV n’aurait pas empêché l’entité issue de la concentration d’abuser de sa position, en portant atteinte à d’autres fonctionnalités techniques, il y a lieu de rappeler qu’il ressort des points 348 et 349 ci-dessus que, dans le cadre de son quatrième moyen, la requérante n’est pas parvenue à démontrer que la Commission aurait omis de constater que l’entité issue de la concentration aurait pu également porter atteinte à d’autres fonctionnalités techniques, telles que le « CI Plus », la « TVHD », le guide électronique de programme ou les services de VOD, de télévision de rattrapage et de rediffusion instantanée, à savoir les mêmes que celles qu’elle cite à l’appui de la présente allégation.

411 Plus particulièrement, la requérante ne démontre pas, premièrement, en quoi lesdites fonctionnalités auraient pu être affectées par la concentration, de même que les raisons pour lesquelles, et la manière avec laquelle, l’entité issue de la concentration aurait eu la capacité, et surtout l’intérêt, de détériorer ces aspects lors de ses négociations avec les télédiffuseurs, deuxièmement, en quoi, eu égard notamment à l’importance de ceux-ci, cela aurait pu avoir pour effet d’entraver de manière significative une concurrence effective sur le marché de rachat de signaux de télévision et, troisièmement, en quoi une telle détérioration probable de ces fonctionnalités aurait été propre à la concentration, avec pour conséquence qu’il n’était pas nécessaire d’imposer un engagement à cet égard, ce qui permet d’écarter cette allégation de la requérante.

412 S’agissant, cinquièmement, de l’allégation de la requérante selon laquelle l’engagement relatif aux redevances de rachat n’aurait pas empêché l’entité issue de la concentration de rendre moins favorables, à l’égard des télédiffuseurs, d’autres conditions que ces redevances, il convient de constater que la requérante et l’intervenante s’accordent sur le fait que les négociations entre les télédiffuseurs et les plateformes de télévision ne se limitaient pas aux flux de revenus des télédiffuseurs vers l’entité issue de la concentration, c’est-à-dire aux redevances de rachat, mais couvraient également les paiements liés aux contenus et les paiements au titre de la qualité technique ou des fonctionnalités et services supplémentaires, qui étaient effectués par l’entité issue de la concentration au bénéfice des télédiffuseurs.

413 Force est toutefois de constater, tout d’abord, que, au considérant 1221 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que les redevances de rachat étaient directement liées à la transmission de signaux de télévision par câble et semblaient donc être le principal élément du flux de paiement qui serait affecté par le pouvoir de marché accru de l’entité issue de la concentration sur le marché de rachat de signaux de télévision. Par ailleurs, au considérant 1959 de ladite décision, la Commission a expliqué que, bien que le développement récent des services de télévision à valeur ajoutée eût contribué à une augmentation du flux de revenus des plateformes de télévision vers les télédiffuseurs, les redevances de rachat représentaient toujours un élément financier extrêmement pertinent dans la relation contractuelle entre les télédiffuseurs en clair et les plateformes de télévision par câble. La Commission a ajouté que certains éléments du dossier suggéraient que l’effet de l’opération sur le flux de recettes de l’entité issue de la concentration vers les télédiffuseurs était susceptible d’être limité [voir section VIII.C.2.11.3.9(ii) de la décision attaquée], alors qu’aucun élément dans le dossier ne suggérait qu’il en était de même pour les redevances de rachat (voir également considérant 1261).

414 Il en découle que la Commission a pu, sans commettre d’erreur manifeste, tenir compte de la circonstance que l’engagement de ne pas augmenter les redevances de rachat pouvait contrebalancer le risque que l’étendue et la qualité de l’offre télévisuelle aux clients de détail soient réduites, en raison d’une aggravation significative des conditions contractuelles imposées par l’entité issue de la concentration aux télédiffuseurs en clair.

415 Ensuite, il y a lieu de considérer que la Commission était fondée à tenir compte du caractère complémentaire de l’engagement relatif aux redevances de rachat et de l’engagement OTT, au motif que le premier intervenait directement sur la relation financière entre l’entité issue de la concentration et les télédiffuseurs en cause en ce qui concernait les offres de télévision traditionnelle et linéaire et que le second aurait un effet pour la fourniture de services supplémentaires.

416 Par ailleurs, au cours de la procédure devant le Tribunal, la Commission a soutenu, sans être contestée par la requérante, que si l’entité issue de la concentration venait à ajouter des paiements considérables autres que les redevances de rachat, cela constituerait un contournement des engagements facilement identifiable.

417 Finalement, à supposer que son allégation sur le contournement des engagements s’applique également à la télévision payante, la requérante n’a pas davantage apporté d’éléments pour contredire l’affirmation de la Commission selon laquelle, en ce qui concernait les chaînes de télévision payantes, tout comportement du type de celui qu’elle décrivait serait contraire à l’engagement OTT.

418 Il découle de ce qui précède que la requérante n’est pas en mesure de démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en acceptant l’engagement OTT, l’engagement relatif aux redevances de rachat et l’engagement HBBTV, avec pour conséquence que ce premier grief doit être écarté.

419 En ce qui concerne, en second lieu, la présentation tardive de l’engagement relatif aux redevances de rachat et l’irrégularité procédurale qui aurait découlé, dès lors, de son acceptation par la Commission, il convient de relever qu’il ressort de l’article 19, paragraphe 2, du règlement n° 802/2004, auquel se réfère la requérante, que les engagements que les entreprises concernées proposent conformément à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 doivent être communiqués à la Commission dans un délai de 65 jours ouvrables à compter de la date d’engagement de la procédure. Lorsque le délai d’adoption d’une décision adoptée en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 139/2004 est prorogé, la période de 65 jours ouvrables est automatiquement prorogée d’un nombre identique de jours ouvrables.

420 Par ailleurs, il ressort du point 94 de la communication concernant les mesures correctives que lorsque les parties modifient les engagements proposés après le délai de 65 jours ouvrables, la Commission n’acceptera ces engagements modifiés que si elle peut établir clairement – sur le fondement de son appréciation des informations déjà obtenues dans le cadre de l’enquête, notamment des résultats de la consultation antérieure des acteurs du marché et sans avoir recours à une autre consultation du même type – que, une fois mis en œuvre, de tels engagements supprimeront complètement, en levant toute ambiguïté, les problèmes de concurrence constatés, et à condition qu’elle dispose d’un temps suffisant pour effectuer une analyse adéquate et pour consulter de façon appropriée les États membres. Par ailleurs, il ressort de la note en bas de page no 107 de cette communication, se rapportant à son point 94, que la consultation des États membres suppose normalement que la Commission soit en mesure d’adresser à ces deniers un projet de décision finale comprenant une appréciation des engagements modifiés au moins dix jours ouvrables avant la réunion du comité consultatif avec les États membres.

421 Enfin, il y a lieu de relever que la jurisprudence a considéré que ces deux conditions étaient cumulatives et les a précisées, en ce sens que la Commission peut tenir compte d’engagements soumis tardivement par les parties à une opération de concentration notifiée, premièrement, si ceux-ci résolvent clairement et sans besoin d’enquête supplémentaire les problèmes concurrentiels préalablement identifiés et, deuxièmement, s’il existe un temps suffisant pour consulter les États membres sur ces engagements (voir arrêt du 6 juillet 2010, Ryanair/Commission, T 342/07, EU:T:2010:280, point 455 et jurisprudence citée).

422 En l’espèce, force est de constater que ces deux conditions sont remplies.

423 S’agissant, premièrement, de la première condition, il ressort des points 398 à 418 ci-dessus que les arguments de la requérante tirés du caractère insuffisant de l’engagement relatif aux redevances de rachat ont été rejetés. Partant, il doit être considéré que la requérante n’a pas démontré que la Commission ne pouvait pas établir clairement – sur le fondement de son appréciation des informations déjà obtenues dans le cadre de l’enquête, notamment des résultats de la consultation antérieure des acteurs du marché – que, une fois mis en œuvre, l’engagement relatif aux redevances de rachat aurait résolu clairement et sans besoin d’enquête supplémentaire les problèmes concurrentiels préalablement identifiés.

424 S’agissant, deuxièmement, de la seconde condition, il convient de relever qu’il ressort des considérants 25 et 26 de la décision attaquée que la partie ayant notifié l’opération a soumis un projet révisé d’engagements le 11 juin 2019 et que le comité consultatif a discuté du projet de décision et a émis une opinion favorable le 28 juin. Il en découle que, en l’espèce, la Commission a bien été en mesure d’adresser aux États membres un projet de décision finale comprenant une appréciation des engagements modifiés au moins dix jours ouvrables avant la réunion du comité consultatif, ce que la requérante ne conteste pas et, partant, qu’elle a bénéficié d’un temps suffisant pour consulter les États membres sur l’engagement relatif aux redevances de rachat.

425 Il découle de ce qui précède que la Commission pouvait tenir compte de l’engagement relatif aux redevances de rachat malgré sa présentation tardive, avec pour conséquence que le grief de la requérante tiré d’une prétendue irrégularité procédurale doit être écarté, de même que la seconde branche du présent moyen.

426 Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen.

427 Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté.

IV. Sur les dépens

428 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et de Vodafone.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Tele Columbus AG est condamnée aux dépens.