CA Paris, Pôle 1 ch. 10, 17 octobre 2024, n° 23/07262
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Caisse Régionale Normande de Financement (NORFI) (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pruvost
Conseillers :
Mme Lebée, Mme Distinguin
Avocats :
Me Parent, Me Wambergue, Me Rosenfeld
Par acte authentique du 3 juillet 2006, reçu par Me [V], notaire, M. [W] [J] et Mme [U] [K], épouse [J], (ci-après les époux [J]) ont acquis, par le biais de la société Apollonia, un appartement en l'état futur d'achèvement au sein de la résidence [8] de [Localité 5], et contracté à cet effet un prêt auprès de la Caisse Régionale Normandie de Financement (ci-après la société Norfi), pour un montant de 360.000 euros à taux variable, sur une durée de 228 mois.
Le bien acquis par les époux [J] a fait l'objet d'une location à la Sas Appart 'City.
S'estimant victimes d'une escroquerie mettant en cause la société Apollonia, des notaires et des promoteurs immobiliers, les époux [J] ont déposé plainte le 28 janvier 2010 et la société Norfi s'est constituée partie civile.
Parallèlement, M. [J] a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, ouverte par jugement du 9 juin 2009 rendu par le tribunal de grande instance de Créteil, au cours de laquelle la société Norfi a déclaré sa créance pour un montant total de 377.337,25 euros. Le plan de sauvegarde a ensuite été prolongé pour une durée de deux ans à compter du 23 juin 2020, par décision de la cour d'appel de Paris du 6 avril 2021.
Dans l'intervalle, une procédure de sauvegarde a été ouverte à l'égard de la société Appart 'City par jugement du 15 avril 2021.
Les époux [J] ont alors régularisé une déclaration de créance pour la somme de 23.175,62 euros, admise par le juge-commissaire en janvier 2023.
Par jugement du 18 octobre 2022, le tribunal judicaire de Créteil a constaté que l'exécution du plan de sauvegarde fixé dans la procédure de sauvegarde de M. [J] était achevée, et a mis fin à la mission du mandataire désigné. Cette décision a été confirmée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 6 juillet 2023.
Par actes de commissaire de justice du 24 novembre 2022, la société Norfi a fait procéder à une saisie-attribution de créances à exécution successive entre les mains de la Sas Appart'City, dont le siège social est situé à [Localité 7], et de la société Garden City Lissieu, dont le siège social est situé à [Localité 6]. Ces saisies ont été dénoncées aux époux [J] le 29 novembre 2022.
Par acte de commissaire de justice du 23 décembre 2022, les époux [J] ont fait assigner la société Norfi devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Créteil aux fins d'obtention de la nullité et/ou la mainlevée des saisies-attributions pratiquées.
Par un jugement contradictoire du 4 avril 2023, le juge de l'exécution a :
- déclaré irrecevables la contestation des époux [J] des saisies-attributions pratiquées le 24 novembre 2022 et la demande subséquente de dommages-intérêts ;
- débouté la société Norfi de sa demande de dommages-intérêts ;
- condamné les époux [J] à payer la somme de 1.500 euros à la société Norfi au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les époux [J] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné les époux [J] au paiement des dépens.
Pour statuer ainsi, le juge de l'exécution a considéré que les époux [J] ne rapportaient pas la preuve de la dénonciation de l'assignation en contestation à la SCP Synergie 13, commissaire de justice à [Localité 6] ayant procédé à la saisie-attribution entre les mains de la société Garden City, le jour même ou le premier jour ouvrable suivant la signification, les époux [J] ne produisant ni le récépissé du dépôt de la lettre recommandée ni aucun élément permettant de justifier de la date d'envoi de la lettre de dénonciation de la contestation, ni de celle effectuée auprès de la SCP [F] [B] [N], commissaire de justice à [Localité 7], ayant réalisé la saisie-attribution entre les mains de la société Appart'City.
S'agissant de la demande de dommages-intérêts formée par la société Norfi, le juge de l'exécution a considéré que la résistance abusive invoquée n'était pas établie.
Par déclaration du 17 avril 2023, les époux [J] ont formé appel de cette décision.
Par des conclusions n°4 du 2 septembre 2024, les époux [J] demandent à la cour de :
-infirmer le jugement du 4 avril 2023 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
- dire et juger les saisies-attributions nulles et non avenues ;
- ordonner leur mainlevée, faute pour la société Norfi de prouver la validité du titre exécutoire sur lequel elle fonde les saisies, alors qu'une instance pénale est en cours sur les manoeuvres frauduleuses autour de cet acte ;
Subsidiairement,
- ordonner leur mainlevée faute pour la société Norfi de justifier du caractère certain, liquide et exigible de la créance dont elle se prévaut ;
- condamner la société Norfi à leur rembourser les fonds issus des saisies invalidées et en provenance de loyers antérieurs à la saisie du 24 novembre 2022 ;
- en fixer le montant « si la société Norfi et/ou son commissaire de justice poursuivant daigne répondre aux sommations faites » ;
A titre infiniment subsidiaire,
- cantonner le montant de la saisie pratiquée auprès de la société Appart'City à la somme de 85.562,57 euros ;
- condamner la société Norfi à les rembourser des fonds réglés par la société Appart'City en provenance des loyers antérieurs à la saisie du 24 novembre 2022, en respectant la règle d'imputation des règlements sur le principal ;
- cantonner le montant de la saisie pratiquée auprès de la société Garden City à la somme de 33.241,09 euros ;
- condamner la société Norfi à leur rembourser les fonds réglés par la société Garden City en provenance des loyers antérieurs à la saisie du 24 novembre 2022, en respectant la règle d'imputation des règlements sur le principal ;
- condamner la société Norfi à leur payer la somme de 5.000 euros pour procédure abusive ;
- condamner la société Norfi à leur verser une indemnité de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Norfi aux dépens de première instance et d'appel.
Par des conclusions n°4 du 6 septembre 2024, la société Norfi demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
*déclaré irrecevable la contestation des époux [J] des saisies-attribution pratiquées le 24 novembre 2022 et la demande subséquente de dommages-intérêts ;
*condamné les époux [J] à payer la somme de 1.500 euros à la société Norfi au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
*débouté les époux [J] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
*condamné les époux [J] au paiement des dépens ;
*Rappelé que les décisions du juge de l'exécution sont exécutoires par provision ;
- infirmer le jugement rendu le 4 avril 2023 par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Créteil en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- déclarer irrecevable la contestation des époux [J] à l'encontre des saisies-attributions réalisées le 24 novembre 2022 entre les mains de la société Garden City et de la société Appart'City ;
- débouter les époux [J] de toutes leurs demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Norfi ;
A titre subsidiaire,
- déclarer prescrite la demande des époux [J] relative à la mainlevée de la saisie faute pour la banque de justifier de la validité du titre exécutoire sur laquelle elle fonde ses saisies ;
- déclarer irrecevable la demande des époux [J] relative à la mainlevée de la saisie faute pour la banque de justifier de la validité du titre exécutoire sur laquelle elle fonde ses saisies en raison du principe de concentration des moyens et de l'autorité de la chose jugée ;
- débouter les époux [J] de leurs demandes, fins et prétentions à l'encontre de la Banque Norfi ;
A titre infiniment subsidiaire,
- cantonner les saisies-attributions à la somme de 250.057,27 euros au titre du capital restant dû au jour des saisies-attributions ;
En tout état de cause,
- débouter les époux [J] de leurs demandes, fins et prétentions à son encontre ;
- condamner les époux [J] à lui payer 5.000 euros au titre de leur résistance abusive ;
- condamner les époux [J] à lui payer 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner les époux [J] aux entiers dépens.
SUR CE,
Préalablement, sur le moyen tiré du non-respect du principe du contradictoire :
Les appelants exposent qu'en soulevant d'office et sans débat contradictoire le moyen tiré de l'irrecevabilité de la contestation des saisies-attributions au visa de l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a violé le principe du contradictoire, en ne leur permettant pas de justifier de l'accomplissement de la formalité de dénonciation de l'assignation à l'huissier ayant pratiqué la saisie.
Cependant à la lecture du dispositif de leurs écritures, la cour constate qu'ils ne tirent aucune conséquence juridique de cette violation puisqu'elle n'est pas saisie d'une demande d'annulation du jugement mais seulement de son infirmation et qu'elle n'a donc pas à répondre au moyen tiré du non-respect du principe du contradictoire.
Sur la recevabilité de l'action en contestation des saisies-attributions :
L'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution dispose :
« A peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie.
L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience. »
Le juge de l'exécution a estimé que M. et Mme [J] ne rapportaient pas la preuve de la contestation de la saisie-attribution pratiquée par la SCP Synergie Huissiers 13 entre les mains de la société Garden City.
Cependant, ils produisent la preuve du dépôt de la lettre recommandée dénonçant l'assignation en contestation de la saisie à la société Synergie Huissiers 13. L'avis de dépôt communiqué en pièce 22 est daté du 23 décembre 2022, soit le jour même de la délivrance de l'assignation, étant précisé que seule la date d'expédition doit être prise en compte pour vérifier le respect des prescriptions de l'article R.211-11 susvisé et non la date de réception de la dénonciation de sorte que l'absence de mention de la date sur l'accusé de réception par l'huissier destinataire de cet envoi est sans aucune incidence.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a jugé que la contestation de la saisie-attribution pratiquée la SCP Synergie Huissiers 13 entre les mains de la société Garden City était irrecevable.
S'agissant de la saisie-attribution pratiquée entre les mains de la société Appart'City, les appelants, ne produisent pas la lettre de dénonciation de l'assignation devant le juge de l'exécution à la SCP d'huissiers de justice « [F], [B], [N] », compétente sur le ressort de [Localité 7], ayant effectué la saisie.
Ils soutiennent que si en effet la Scp Synergie Huissiers 13 n'a pas pratiqué la saisie mais a mandaté l'étude de Me [B] pour l'effectuer, la Scp délégante demeurait néanmoins « pilote » de l'ensemble des saisies-attributions mises en oeuvre, lesquelles ont été contestées par une même assignation, de sorte qu'il suffisait de lui dénoncer la contestation sans qu'il soit nécessaire de la dénoncer à la Scp [F].
Mais ainsi que le relève à juste titre la société Norfi, l'article R. 211-11 susvisé exige, à peine d'irrecevabilité, que la lettre de dénonciation soit adressée à l'huissier qui a procédé à la saisie et ce, peu important que les saisies aient été contestées dans un seul et même acte. Par ailleurs, la sanction n'est pas subordonnée à l'existence d'un grief.
En l'espèce, il résulte du procès-verbal de saisie-attribution qu'elle a été pratiquée par Me [R] [B], huissier de justice associé de la SCP « [F], [B], [N] » à [Localité 7], qui n'a pas été destinataire de la lettre de dénonciation.
La formalité édictée par l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution n'a donc pas été accomplie.
Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la contestation de la saisie pratiquée entre les mains de la société Appart'City.
Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription, du principe de concentration des moyens et de l'autorité de la chose jugée:
Les appelants demandent à la cour d'écarter la fin de non-recevoir tirée du principe de concentration des moyens et de l'autorité de la chose jugée par le jugement du juge de l'exécution du 18 juin 2021, soutenant qu'il ne s'agissait pas du même litige et que le juge ne s'était pas prononcé sur la validité de l'acte authentique. Ils ne répliquent pas au moyen tiré de la prescription de l'action en contestation du caractère authentique de l'acte de vente notarié, ni ne contestent l'application à leur égard de la prescription quinquennale.
L'intimée affirme que l'action en contestation du titre est prescrite puisqu'elle ne pouvait être formée que dans un délai de 5 ans à compter de l'offre de prêt, de telle sorte que les appelants avaient jusqu'au 7 février 2011 pour agir. L'intimée relève que les époux [J] n'ont contesté la validité du titre exécutoire que les 8 mars et 12 avril 2021 dans l'instance qu'ils ont introduite devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Créteil en contestation des saisies-attributions réalisées les 8 février et 15 mars 2021 ayant donné lieu au jugement du 18 juin 2021. Elle soulève également l'autorité de la chose jugée, soulignant qu'au terme de cette décision, le juge a considéré que le titre exécutoire était régulier. Elle en conclut que la demande de nullité du titre se heurte au principe de concentration des moyens et qu'elle porte atteinte à l'autorité de la chose jugée par le jugement du 18 juin 2021.
Réponse de la cour :
Contrairement à ce que laisse entendre la société Norfi, les époux [J] ne demandent pas au terme de leurs conclusions la nullité ou la disqualification de l'acte de vente notarié, le dispositif de leurs écritures ne contenant pas une telle demande. Ils n'agissent donc pas dans la présente instance en contestation ou nullité du titre exécutoire que constitue l'acte de vente notarié. Ils sollicitent seulement la mainlevée des saisies-attributions pour défaut de validité du titre exécutoire. Il s'agit donc pour eux d'opposer un moyen de défense au fond qui échappe par nature à la prescription.
La fin de non-recevoir tiré de la prescription doit par conséquent être écartée.
La société Norfi, oppose ensuite le principe de la concentration des moyens et de l'autorité de la chose jugée du jugement du 18 juin 2021. Cette décision a été rendue dans une instance en contestation de deux précédentes saisies-attributions pratiquées en vertu du même acte de vente notarié que celui objet de la présente instance et opposant les mêmes parties. S'il est exact que le juge de l'exécution a considéré dans les motifs de sa décision que l'acte de vente notarié du 7 février 2006 était régulier, écartant ainsi le moyen de défense soulevé par les époux [J], force est de constater là encore que le dispositif, qui ordonne la mainlevée des saisies-attributions en raison de la procédure de sauvegarde ouverte à l'égard de M. [J], ne contient aucune disposition relative à la validité de l'acte de vente notarié et qu'il n'a, par conséquent, aucune autorité de chose jugée sur ce point. Par ailleurs, le juge de l'exécution n'a pas eu à connaître du même litige puisqu'il était saisi de demandes de mainlevée des saisies-attributions pratiquées les 8 février et 15 mars 2021.
Enfin, la cour rappelle que le principe de concentration des moyens vise à interdire à une partie de soulever un nouveau moyen qu'elle aurait omis de faire valoir dans une autre instance, dans le but de remettre en cause, en dehors de l'exercice des voies de recours, une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée. Or au cas présent, les époux [J] oppose le moyen tiré du défaut de caractère exécutoire de l'acte notarié pour s'opposer à d'autres saisies-attributions que celles contestées dans la décision du 18 juin 2021, sans porter atteinte par conséquent à l'autorité de la chose précédemment jugée dans un litige distinct.
Les fins de non-recevoir tirées du principe de concentration des moyens et de l'autorité de la chose jugée le 18 juin 2021 seront par conséquent écartées.
Sur le caractère exécutoire de l'acte de prêt notarié :
Les appelants font valoir que l'acte de vente reçu par Me [V] est intervenu sans qu'ils soient valablement représentés à la signature, l'entachant d'un vice de forme, le rendant nul et lui retirant son caractère authentique et exécutoire. Ils soutiennent que les prescriptions de l'article 20 du décret du 26 novembre 1971 ne sont pas respectées et remettent en cause la validité de la procuration qu'ils ont donné au notaire, celle-ci ne portant pas mention de la signature de ce dernier, ni du tampon de son étude. Ils affirment en outre qu'il n'était pas présent le jour de la signature. Ils soulignent que le notaire rédacteur est poursuivi pour complicité d'escroquerie en bande organisée et considèrent que les agissements frauduleux des intermédiaires et du notaire lors de l'opération immobilière, au centre d'une procédure pénale actuellement en cours, affectent directement l'acte de prêt notarié et le privent de son caractère exécutoire. Ils en concluent que tant que la juridiction pénale ne s'est pas prononcée sur la culpabilité du notaire rédacteur, il est impossible de conférer à l'acte un quelconque caractère exécutoire irréfutable, peu important selon eux que le notaire n'ait pas été finalement poursuivi pour faux et usage de faux.
La société Norfi rappelle qu'elle se fonde sur une copie exécutoire contenant le contrat de prêt, et que cet acte ne peut pas être disqualifié en acte sous seing privé, puisqu'il ne contient aucun défaut de forme, relevant qu'aucune procédure en inscription de faux n'avait été engagée, ajoutant que les époux [J] avaient reçu les fonds, cette circonstance entrainant ratification du mandat donné ; que les appelants ne démontrent aucune action visant à engager la responsabilité du mandataire ni une action en nullité ou en résolution du contrat.
Réponse de la cour :
Pour contester la régularité de la procuration, les époux [J] s'appuient sur l'article 20 du décret du 26 novembre 1971 qui dispose que, lorsqu'une partie ou tout autre personne concourant à un acte n'est ni présente ni représentée devant le notaire instrumentaire, son consentement ou sa déclaration est recueilli par un autre notaire devant lequel elle comparait en personne ou en étant représentée et qui participe à l'établissement de l'acte.
Cependant ainsi que le soutient à bon droit la société Norfi, outre que cet article n'est pas applicable au cas d'espèce dès lors que les époux [J] étaient représentés devant le notaire instrumentaire en vertu d'une procuration, aucun texte n'impose la contresignature de la procuration par le notaire ni l'apposition de son tampon, étant relevé par ailleurs que la preuve de l'absence du notaire à la signature de l'acte n'est pas rapportée par les appelants. Mais surtout, l'irrégularité alléguée, tirée, au cas présent, d'une absence de pouvoir, est sanctionnée par la nullité relative de l'acte accompli pour le compte de la partie représentée, qui seule peut la demander, à moins qu'elle ratifie ce qui a été fait pour elle hors ou sans mandat, dans les conditions de l'article 1998, alinéa 2, du code civil. Cette ratification peut être tacite et résulter de l'exécution volontaire d'un contrat par la partie qui y était irrégulièrement représentée. En l'espèce, les époux [J] ne discutent pas avoir reçu les fonds objet du prêt, les avoir employés conformément à leur destination et se sont comportés en propriétaires des immeubles ainsi financés, percevant les loyers tout en remboursant, de mars 2008 à avril 2009, les échéances aux termes convenus. Cette exécution volontaire du contrat de prêt témoigne sans équivoque de sa ratification par les mandataires.
Par conséquent, l'irrégularité alléguée n'a aucun effet sur la validité de l'acte de vente notarié.
Enfin, si des poursuites pénales ont été engagées à l'encontre de plusieurs intervenants à l'opération immobilière dont le notaire instrumentaire, la qualification de faux et usage de faux qui aurait éventuellement pu avoir une incidence sur la validité de l'acte, a été abandonnée et aucune condamnation pénale n'est encore intervenue à l'encontre de Me [V], lequel doit bénéficier de la présomption d'innocence. Au surplus, les faits de complicité d'escroquerie poursuivis à l'encontre de ce dernier ne sont pas de nature à remettre en cause l'efficacité des actes qu'il a passés, ainsi que le rappelle à juste titre la banque Norfi, remarquant qu'aucune procédure civile d'inscription de faux n'avait été mise en oeuvre à l'encontre de l'acte authentique contesté.
La société Norfi qui dispose d'une copie exécutoire contenant l'offre de prêt a donc agi en vertu d'un titre exécutoire valable et régulier.
Sur la demande de mainlevée pour défaut de créance certaine, liquide et exigible :
Les appelants font valoir qu'une saisie ne peut être pratiquée sur un montant global d'intérêts et de clauses manifestement abusives, non prévues dans l'acte authentique, non validées par une juridiction civile et en présence d'une déchéance du terme irrégulière, relevant que la société Norfi ne leur avait adressé aucune mise en demeure. Ils considèrent que la société Norfi ne justifie pas d'une créance certaine, liquide et exigible compte tenu de son rejet par le juge commissaire dans son ordonnance du 21 juillet 2022, confirmée en appel.
Mais ainsi que l'intimée le souligne pertinemment, le prêt n'est pas soumis au code de la consommation au regard de l'ampleur des investissements (16 appartements acquis entre 2004 et 2007 et près de 3,8 millions d'euros investis) et du but recherché par les époux [J], ces derniers étant des investisseurs ayant la qualité de loueur meublé professionnel et ayant bénéficié de la défiscalisation propre à ce statut. Ils sont donc soumis aux dispositions contractuelles du contrat sans pouvoir par conséquent se prévaloir des dispositions protectrices du code de la consommation. Or, aux termes de l'acte de prêt, la société Norfi n'était pas dans l'obligation d'adresser une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme. Les échéances du prêt ayant cessé d'être réglées à compter du mois d'avril 2009, la banque a prononcé la déchéance du terme par lettre du 17 juillet 2009 adressée à Mme [J], coobligée avec son époux, rendant ainsi la créance immédiatement exigible, étant précisé que M. [J] a seul bénéficié d'une procédure de sauvegarde ouverte dans le cadre de l'exercice de sa profession libérale.
Ensuite, contrairement à ce que soutiennent les époux [J], le juge-commissaire, pas plus que la cour d'appel de Paris n'ont eu à statuer sur l'admission de la créance bancaire de la société Norfi dans le cadre de la procédure de sauvegarde, la cour ayant simplement observé dans son arrêt que cette créance n'avait pas été soumise au juge-commissaire puisqu'elle n'avait pas été inscrite au plan, lequel avait été exécuté et avait pris fin le 2 juin 2022.
C'est encore à tort que les époux [J] soutiennent que les poursuites pénales en cours pourraient avoir une incidence sur le montant de la créance bancaire, faisant valoir que la responsabilité pénale de la banque pourrait donner lieu à une indemnisation de leurs préjudices venant se compenser avec la créance qu'elle poursuit, puisqu'une ordonnance de non-lieu a été rendue au bénéfice de la société Norfi par le juge d'instruction, la décision ayant été confirmée par la chambre de l'instruction.
Enfin, au moment où la saisie-attribution a été pratiquée entre les mains de la société Garden City, soit le 24 novembre 2022, le plan de sauvegarde de M. [J] était arrivé à son terme de sorte qu'il ne pouvait plus constituer un obstacle à la mise en oeuvre de mesures d'exécution forcée, le débiteur étant redevenu in bonis.
C'est encore en vain que les époux [J] affirment que leurs contestations portant sur le caractère, liquide et exigible de la créance échapperaient à la compétence du juge de l'exécution et devraient être tranchées par les juridictions civiles (sic). En effet, la créance dont s'agit résulte d'un acte notarié valant titre exécutoire. En application de l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution qui stipule que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, il appartient au juge de l'exécution, et à la cour qui statue avec les mêmes pouvoir, de vérifier le caractère liquide et exigible de la créance.
Au cas présent, le procès-verbal de saisie-attribution de créance à exécution successive pratiquée entre les mains de la société Garden City mentionne au 27 janvier 2023 une créance en principal, indemnité conventionnelle, intérêts et assurance, se décomposant ainsi :
- capital restant dû au 24 juin 2009 348.338,44 euros
- primes d'assurance-vie échues au 27 janvier 2023 à 0.50 % l'an 29.457,49 euros
- indemnité conventionnelle de 7% 24.383, 69 euros
- article 700 dû par Norfi en vertu du jugement du 18 juin 2021 2.000,00 euros
- intérêts échus à compter du 25 juin 2009 à 4.854 % l'an 233.962,44 euros
Reste dû au 27 janvier 2023 633.142,06 euros
Par ailleurs, le montant de 854,07 euros figurant au décompte au titre des actes de procédures est justifié par les pièces que la banque verse aux débats. En outre, le contrat de prêt prévoit bien une indemnité conventionnelle de 7 % et en son article 15.2, à compter de la déchéance du terme, une cotisation d'assurance de 0,5 %. Enfin, la contestation de la saisie-attribution entre les mains de la société Appart'City ayant été jugée irrecevable par le juge de l'exécution, la saisie-attribution a produit ses effets et les paiements qui ont été effectués entre les mains de l'huissier de justice, ont été déduits de la créance à hauteur de 65.031,98 euros.
Les appelants demandent que la somme saisie soit cantonnée à 33.241,09 euros, suivant pour cela un raisonnement pour le moins surprenant, consistant à imputer la valeur du bien immobilier financé par le prêt sur le montant de leur créance, outre les paiements réalisés. Cependant, la valeur du bien immobilier ne vaut pas paiement et ne peut pas venir en déduction de la créance. Quant aux paiements effectués, ils ont été pris en compte comme indiqué plus haut.
Au soutien de leur demande de mainlevée de la saisie-attribution, ils font valoir encore que l'intimée ne justifie d'aucun péril dans le recouvrement de sa créance. Cependant, comme la société Norfi le souligne, elle n'a pas à justifier d'un quelconque péril pour mettre en oeuvre des mesures d'exécution forcée en vertu d'un titre exécutoire.
Les époux [J] soutiennent à tort que si les saisies des loyers étaient validées par la cour, cela créerait une inégalité avec les établissements bancaires qui leur ont octroyé d'autres prêts. En effet, le créancier est libre de choisir les mesures propres à assurer le recouvrement de sa créance, les autres créanciers pouvant aussi procéder au recouvrement forcé de leur créance.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les demandes de mainlevée de la saisie-attribution, puis de cantonnement seront rejetées.
Sur les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive :
L'issue du litige conduit à rejeter la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par les appelants.
S'agissant de la demande de dommages-intérêts formée à titre reconventionnel par la société Norfi sur le fondement de l'article 1240 du code civil, les époux [J] opposant une résistance au paiement de la créance, force est de constater que leur contestation a partiellement prospéré et surtout que la société Norfi ne justifie pas d'un préjudice distinct des frais irrépétibles engagés pour sa défense.
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts.
Sur les demandes accessoires
L'issue du litige justifie la confirmation du jugement entrepris en ce qui concerne les condamnations accessoires et la condamnation des appelants, qui succombent partiellement en leurs prétentions, aux dépens d'appel.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'intimée.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la contestation de la saisie-attribution pratiquée le 24 novembre 2022 entre les mains de la société Appart'City, en ce qu'il a débouté la société Caisse régionale Normandie de Financement de sa demande de dommages-intérêts et en ce qu'il a condamné M. [W] [J] et Mme [U] [K] épouse [J] à payer à la société Caisse régionale Normandie de Financement une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance,
Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la contestation de la saisie-attribution pratiquée le 24 novembre 2022 entre les mains de la société Garden City,
Et statuant à nouveau,
Déclare recevable la contestation de la saisie-attribution pratiquée le 24 novembre 2022 entre les mains de la société Garden City,
Y ajoutant,
Rejette les fins de non-recevoir de la société Caisse régionale Normandie de Financement tirées de la prescription de l'action, du principe de concentration des moyens et de l'autorité de la chose jugée,
Déboute M. [W] [J] et Mme [U] [K] épouse [J] de leurs demandes de mainlevée et de cantonnement de la saisie-attribution du 24 novembre 2022 entre les mains de la société Appart'City,
Déboute M. [W] [J] et Mme [U] [K] épouse [J] et la société Caisse régionale Normandie de Financement de leurs demandes de dommages-intérêts,
Déboute la société Caisse régionale Normandie de Financement de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [W] [J] et Mme [U] [K] épouse [J] aux dépens d'appel.