CJUE, 1re ch., 14 novembre 2024, n° C-230/23
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
Question préjudicielle
PARTIES
Demandeur :
Reprobel CV
Défendeur :
Copaco Belgium NV
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. von Danwitz
Juges :
M. Arabadjiev, Mme Ziemele (rapporteure)
Avocat général :
M. Szpunar
Avocats :
Me Lambert, Me Puyraimond, Me van Innis, Me Depré, Me Ryelandt, Me Van Vyve
LA COUR (première chambre),
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO 2001, L 167, p. 10).
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Reprobel CV, une société de gestion collective des droits d’auteur et d’éditeur, chargée par l’État belge de la perception et de la répartition des droits à rémunération pour compensation équitable revenant aux auteurs et aux éditeurs au titre des activités de reprographie, à Copaco Belgium NV (ci-après « Copaco »), une société anonyme, au sujet du refus opposé par cette dernière de payer à Reprobel des sommes prétendument dues au titre de ces rémunérations.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Les considérants 31, 35 et 38 de la directive 2001/29 énoncent :
« (31) Il convient de maintenir un juste équilibre en matière de droits et d’intérêts entre les différentes catégories de titulaires de droits ainsi qu’entre celles-ci et les utilisateurs d’objets protégés. [...]
[...]
(35) Dans le cas de certaines exceptions ou limitations, les titulaires de droits doivent recevoir une compensation équitable afin de les indemniser de manière adéquate pour l’utilisation faite de leurs œuvres ou autres objets protégés. Lors de la détermination de la forme, des modalités et du niveau éventuel d’une telle compensation équitable, il convient de tenir compte des circonstances propres à chaque cas. Pour évaluer ces circonstances, un critère utile serait le préjudice potentiel subi par les titulaires de droits en raison de l’acte en question. Dans le cas où des titulaires de droits auraient déjà reçu un paiement sous une autre forme, par exemple en tant que partie d’une redevance de licence, un paiement spécifique ou séparé pourrait ne pas être dû. Le niveau de la compensation équitable doit prendre en compte le degré d’utilisation des mesures techniques de protection prévues à la présente directive. Certains cas où le préjudice au titulaire du droit serait minime pourraient ne pas donner naissance à une obligation de paiement.
[...]
(38) Les États membres doivent être autorisés à prévoir une exception ou une limitation au droit de reproduction pour certains types de reproduction de produits sonores, visuels et audiovisuels à usage privé, avec une compensation équitable. Une telle exception pourrait comporter l’introduction ou le maintien de systèmes de rémunération destinés à dédommager les titulaires de droits du préjudice subi. [...] »
4 L’article 2 de cette directive, intitulé « Droit de reproduction », dispose :
« Les États membres prévoient le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire la reproduction directe ou indirecte, provisoire ou permanente, par quelque moyen et sous quelque forme que ce soit, en tout ou en partie :
a) pour les auteurs, de leurs œuvres ;
b) pour les artistes interprètes ou exécutants, des fixations de leurs exécutions ;
c) pour les producteurs de phonogrammes, de leurs phonogrammes ;
d) pour les producteurs des premières fixations de films, de l’original et de copies de leurs films ;
e) pour les organismes de radiodiffusion, des fixations de leurs émissions, qu’elles soient diffusées par fil ou sans fil, y compris par câble ou par satellite. »
5 L’article 5 de ladite directive, intitulé « Exceptions et limitations », prévoit, à son paragraphe 2 :
« Les États membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations au droit de reproduction prévu à l’article 2 dans les cas suivants :
a) lorsqu’il s’agit de reproductions effectuées sur papier ou sur support similaire au moyen de toute technique photographique ou de tout autre procédé ayant des effets similaires, à l’exception des partitions, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable ;
b) lorsqu’il s’agit de reproductions effectuées sur tout support par une personne physique pour un usage privé et à des fins non directement ou indirectement commerciales, à condition que les titulaires de droits reçoivent une compensation équitable qui prend en compte l’application ou la non application des mesures techniques visées à l’article 6 aux œuvres ou objets concernés ;
[...] »
Le droit belge
6 L’article 59 de la wet betreffende het auteursrecht en de naburige rechten (loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins), du 30 juin 1994 (Belgisch Staatsblad du 27 juillet 1994, p. 19297), dans sa version applicable au litige au principal (ci après la « LDA »), disposait :
« Les auteurs et les éditeurs d’œuvres fixées sur un support graphique ou analogue ont droit à une rémunération en raison de la reproduction de celles-ci, y compris dans les conditions fixées aux articles 22, § 1er, 4° et 4°bis [...]
La rémunération est versée par le fabricant, l’importateur ou l’acquéreur intracommunautaire d’appareils permettant la copie des œuvres protégées, lors de la mise en circulation de ces appareils sur le territoire national. »
7 L’article 60 de la LDA prévoyait :
« En outre, une rémunération proportionnelle, déterminée en fonction du nombre de copies réalisées, est due par les personnes physiques ou morales qui réalisent des copies d’œuvres, ou le cas échéant, à la décharge des premières, par celles qui tiennent à titre onéreux ou gratuit un appareil de reproduction à la disposition d’autrui. »
8 L’article 60bis de la LDA était libellé comme suit :
« La société de gestion des droits désignée par le Roi dans le cadre du présent chapitre pourra obtenir les renseignements nécessaires à l’accomplissement de sa mission dans le respect de l’article 78 auprès :
– de l’Administration des douanes et accises par application de l’article 320 de la loi générale sur les douanes et accises du 18 juillet 1977, remplacé par la loi du 27 décembre 1993 ;
– de l’administration de la [taxe sur la valeur ajoutée (TVA)] par application de l’article 93bis du Code de la TVA du 3 juillet 1969 ;
– et de l’Office national de la sécurité sociale conformément à la loi du 15 janvier 1990 relative à l’institution et à l’organisation d’une Banque-carrefour de la sécurité sociale.
Sans préjudice de l’article 78 de la présente loi, la société de gestion des droits désignée pourra sur leur requête communiquer des renseignements aux administrations des douanes et de la TVA. Sans préjudice de l’article 78 de la présente loi, la société de gestion des droits désignée pourra communiquer et recevoir des renseignements :
– du service Contrôle et Médiation du [service public fédéral (SPF)] Économie ;
– des sociétés de gestion des droits exerçant une activité similaire à l’étranger, sous condition de réciprocité. »
9 Aux termes de l’article 61 de la LDA :
« Le Roi fixe le montant des rémunérations visées aux articles 59 et 60, par arrêté délibéré en Conseil des ministres. La rémunération visée à l’article 60 peut être modulée en fonction des secteurs concernés.
Il fixe les modalités de perception, de répartition et de contrôle de ces rémunérations ainsi que le [moment] où elles sont dues.
Sous réserve des conventions internationales, les rémunérations prévues aux articles 59 et 60 sont attribuées à part égale aux auteurs et aux éditeurs.
Selon les conditions [et] les modalités qu’Il fixe, le Roi charge une société représentative de l’ensemble des sociétés de gestion des droits d’assurer la perception et la répartition de la rémunération. »
10 Les montants de la rémunération forfaitaire et de la rémunération proportionnelle, respectivement visées aux articles 59 et 60 de la LDA, ont été fixés par le Koninklijk besluit betreffende de vergoeding verschuldigd aan auteurs en uitgevers voor het kopiëren voor privé gebruik of didatisch gebruik van werken die op grafische of op soortgelijke wizje zijn vastgelegd (arrêté royal relatif à la rémunération des auteurs et des éditeurs pour la copie dans un but privé ou didactique des œuvres fixées sur un support graphique ou analogue), du 30 octobre 1997 (Belgisch Staatsblad du 7 novembre 1997, p. 29874).
11 L’article 7 de cet arrêté royal prévoit :
« § 1er. Les redevables remettent chaque mois une déclaration à la société de gestion des droits avant le vingtième jour qui suit le mois auquel elle se rapporte.
§ 2. La déclaration visée au § 1er mentionne, d’une part, les renseignements permettant d’identifier le redevable et, d’autre part, le nombre et les caractéristiques nécessaires à la détermination du montant de la rémunération forfaitaire des appareils mis en circulation sur le territoire national au cours de la période couverte par la déclaration.
[...] »
12 L’article 1er du Koninklijk besluit tot het belasten van een vennootschap met de inning en de verdeling van de vergoeding voor het kopiëren van werken die op grafische of soortgelijke wijze zijn vastgelegd (arrêté royal chargeant une société d’assurer la perception et la répartition des droits à rémunération pour la copie d’œuvres fixées sur un support graphique ou analogue), du 15 octobre 1997 (Belgisch Staatsblad du 7 novembre 1997, p. 29873), dispose :
« La société civile à forme de société coopérative à responsabilité limitée dénommée “Reprobel”, [...] est chargée d’assurer la perception et la répartition des droits à rémunération prévus aux articles 59 a 61 de la [LDA]. »
Le litige au principal et les questions préjudicielles
13 En tant que distributeur de produits informatiques destinés aux entreprises et aux consommateurs, Copaco distribue également des appareils de reproduction, tels que des photocopieurs et des scanners. Jusqu’à la fin de l’année 2016, elle était, pour cette raison, redevable à Reprobel de rémunérations forfaitaires pour la reproduction d’œuvres protégées par des droits d’auteur ou des droits voisins (ci-après les « rémunérations pour compensation équitable »).
14 Considérant que, par son arrêt du 12 novembre 2015, Hewlett-Packard Belgium (C 572/13, EU:C:2015:750), la Cour avait jugé que l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29 s’opposait à la partie « forfaitaire » du système de rémunération prévu par la réglementation belge en matière de rémunération pour compensation équitable, Copaco a suspendu le paiement des factures émises par Reprobel, relatives à cette rémunération pour la période allant du mois de novembre 2015 au mois de janvier 2017, en invoquant l’effet direct de cette disposition et en indiquant que la suspension de ce paiement durerait jusqu’à ce que les dispositions de cette réglementation soient alignées sur celles de la directive 2001/29.
15 Au mois de mars 2017, un nouveau régime de rémunérations pour compensation équitable est entré en vigueur.
16 Le 16 décembre 2020, Reprobel a assigné Copaco devant l’ondernemingsrechtbank Gent, afdeling Dendermonde (tribunal de l’entreprise de Gand, division de Termonde, Belgique), lequel a, dans un jugement interlocutoire du 4 mars 2022, renvoyé l’affaire devant l’ondernemingsrechtbank Gent, afdeling Gent (tribunal de l’entreprise de Gand, division de Gand, Belgique), qui est la juridiction de renvoi, pour des raisons de compétence territoriale.
17 Cette dernière relève qu’il ressort de l’arrêt du 12 novembre 2015, Hewlett-Packard Belgium (C 572/13, EU:C:2015:750), que les modalités prévues par le régime belge de rémunérations pour compensation équitable, en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, étaient, à tout le moins en partie, contraires à la directive 2001/29, dans la mesure où la compensation équitable prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de cette directive n’avait pas trouvé d’écho dans ce régime qui prévoyait, jusqu’au 29 décembre 2016, l’application de rémunérations forfaitaires sans corrélation quantitative objective avec l’utilisation effective des appareils de reproduction, de sorte que ces rémunérations risquaient d’excéder leur caractère purement indemnitaire.
18 La juridiction de renvoi indique que, dans l’arrêt du 12 novembre 2015, Hewlett-Packard Belgium (C 572/13, EU:C:2015:750), la Cour a interprété les exceptions ou limitations qu’un État membre peut prévoir dans sa législation nationale en vertu de l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29, lesquelles n’avaient pas été intégrées dans le régime belge de rémunérations pour compensation équitable en vigueur jusqu’au 29 décembre 2016. La Cour aurait notamment considéré que ce régime n’était pas conforme à cette disposition. À cet égard, elle aurait relevé que ledit régime faisait dépendre le montant de la rémunération forfaitaire du seul nombre de copies par minute qui pouvait être réalisé avec les photocopieurs en cause, qu’il prévoyait la liquidation, à tout le moins en partie, de ces rémunérations en fonction du préjudice que les reproductions illicites pouvaient causer aux auteurs concernés, qu’il attribuait les rémunérations, en partie ou non, à des personnes autres que les auteurs, que le paiement de rémunérations était exigé de personnes mettant des photocopieurs à la disposition d’utilisateurs identifiables et qu’il prévoyait un système susceptible d’aboutir à une surcompensation des bénéficiaires des rémunérations en imposant à la fois une rémunération forfaitaire et une rémunération proportionnelle, sans mécanismes de remboursement.
19 La juridiction de renvoi indique également que, lorsque aucune interprétation conforme à une directive n’est possible, les dispositions nationales doivent s’effacer devant celles de la directive en cause. Toutefois, elle observe que les parties au litige dont elle est saisie sont en désaccord sur les conditions à remplir à cette fin.
20 Selon Copaco, l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29 a un effet direct et peut être invoqué à l’encontre de Reprobel, qui doit être considérée comme étant une entité étatique en raison de la mission qui lui a été confiée par l’État de percevoir et de distribuer des rémunérations pour compensation équitable.
21 En revanche, Reprobel conteste le caractère inconditionnel, clair et précis de l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29, dès lors qu’il est loisible aux États membres de prévoir les exceptions et limitations visées à cette disposition comme ils l’entendent et qu’il revient à ces États de définir le caractère équitable de la compensation prévue à l’article 5, paragraphe 2, de cette directive.
22 Reprobel considère, en outre, que la directive 2001/29 ne peut pas lui être opposée, au motif qu’elle est une association de droit privé.
23 C’est dans ces conditions que l’ondernemingsrechtbank Gent, afdeling Gent (tribunal de l’entreprise de Gand, division de Gand) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Une entité comme Reprobel, dans la mesure où elle est chargée par l’État, par voie d’arrêté royal, de la perception et de la répartition de la ou des rémunérations équitables établies par l’État, au sens de l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29, sous la surveillance de l’État, est-elle, de ce fait, une entité à laquelle un particulier peut opposer qu’une règle nationale que cette entité cherche à lui imposer est contraire au droit de l’Union ?
2) Les composantes suivantes de la surveillance exercée par l’État sur cette entité ont-elles une incidence sur cette question :
– l’obligation qui incombe à cette entité d’envoyer systématiquement une copie de la demande de renseignements destinée aux débiteurs, nécessaires tant à la perception qu’à la répartition de la rémunération pour reprographie, au ministre compétent pour lui permettre d’être informé de la manière dont la société de gestion exerce le pouvoir de contrôle qui lui a été conféré et d’apprécier l’opportunité de déterminer par arrêté ministériel, le contenu, le nombre et la fréquence des demandes de manière à ce qu’elles ne perturbent pas plus que nécessaire les activités des personnes interrogées ;
– l’obligation qui incombe à l’entité de recourir au délégué du ministre pour envoyer aux débiteurs, aux distributeurs, grossistes ou détaillants, aux entreprises de location financement et aux entreprises de maintenance d’appareils, une demande de renseignements nécessaires à la perception de la rémunération proportionnelle pour reprographie, lorsque le redevable n’a pas coopéré à la perception, étant entendu que l’entité est également tenue d’envoyer une copie de cette demande au ministre compétent pour lui permettre de préciser le contenu, le nombre et la fréquence des demandes de manière à ce qu’elles ne perturbent pas plus que nécessaire les activités des personnes interrogées ;
– l’obligation qui incombe à l’entité de soumettre à l’agrément du ministre compétent les règles de répartition de la rémunération pour reprographie, ainsi que toute modification qu’elle y apporte ;
– l’obligation qui incombe à l’entité de soumettre le formulaire de déclaration qu’elle a établi à l’agrément du ministre compétent, sans laquelle il ne peut être diffusé ?
3) Les pouvoirs suivants, que l’entité a ou n’a pas, ont-ils également une incidence sur cette question :
– le pouvoir de demander tous les renseignements nécessaires à la perception de la rémunération pour reprographie à toutes personnes à savoir les débiteurs, les redevables, les distributeurs, grossistes ou détaillants, les entreprises de location-financement et les entreprises de maintenance d’appareils. Toute demande doit obligatoirement indiquer les sanctions pénales encourues en cas de non-respect du délai imposé ou de déclaration incomplète ou inexacte ;
– le pouvoir de demander à tous les débiteurs de fournir tous les renseignements relatifs aux œuvres copiées, nécessaires à la répartition de la rémunération pour reprographie ;
– le pouvoir d’obtenir de l’Administration des douanes et accises, de l’Administration de la TVA et de l’Office national de la sécurité sociale tous les renseignements nécessaires à l’accomplissement de sa mission ?
4) L’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29 a t il un effet direct ?
5) Le juge national doit-il écarter l’application d’une règle nationale, à la demande d’un particulier, lorsque cette règle imposée par l’État est contraire à l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29, plus précisément parce que cette règle oblige ce particulier à payer des prélèvements au mépris dudit article ? »
Sur les questions préjudicielles
Sur les première, deuxième et troisième questions
24 Par ses première, deuxième et troisième questions, qu’il convient d’examiner conjointement, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’une entité chargée par un État membre de la perception et de la distribution des compensations équitables établies en application de cette disposition peut se voir opposer par un particulier, devant le juge national, le fait que la réglementation nationale prévoyant ces compensations est contraire au droit de l’Union, dès lors qu’une telle entité accomplit une mission d’intérêt public, qu’elle est soumise à la surveillance de cet État et qu’elle dispose, pour accomplir cette mission, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables aux relations entre les particuliers.
25 À titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort du cadre juridique national applicable au litige au principal, présenté dans la décision de renvoi, que Reprobel a la forme juridique d’une société coopérative, de droit privé, dans les instances de laquelle l’État belge n’est pas représenté.
26 Toutefois, selon une jurisprudence constante, les particuliers peuvent invoquer directement des dispositions inconditionnelles et suffisamment précises d’une directive non seulement à l’encontre des États membres et de leurs organes stricto sensu, mais également, notamment, à l’encontre d’organismes qui sont soumis à l’autorité ou au contrôle d’une autorité publique, accomplissent une mission d’intérêt public et détiennent des pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers. De tels organismes ou entités se distinguent des particuliers et doivent être assimilés à l’État, soit parce qu’ils sont des personnes morales de droit public faisant partie de l’État au sens large, soit parce qu’ils sont soumis à l’autorité ou au contrôle d’une autorité publique, soit parce qu’ils ont été chargés, par une telle autorité, d’exercer une mission d’intérêt public et ont été dotés, à cet effet, desdits pouvoirs exorbitants (voir, en ce sens, arrêts du 12 juillet 1990, Foster e.a., C 188/89, EU:C:1990:313, point 20, ainsi que du 10 octobre 2017, Farrell, C 413/15, EU:C:2017:745, points 33 et 34).
27 La Cour a précisé, à cet égard, que les conditions selon lesquelles l’organisme concerné doit, respectivement, être soumis à l’autorité ou au contrôle de l’État, et détenir des pouvoirs exorbitants par rapport à ceux qui résultent des règles applicables dans les relations entre particuliers n’ont pas un caractère cumulatif (arrêt du 10 octobre 2017, Farrell, C 413/15, EU:C:2017:745, point 28).
28 En l’occurrence, il ressort du dossier dont la Cour dispose que Reprobel n’est pas un organisme de droit public et n’est pas non plus contrôlée par l’État belge. Il convient donc d’examiner si Reprobel accomplit une mission d’intérêt public et dispose, à cet effet, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers.
29 En premier lieu, conformément à la jurisprudence citée au point 26 du présent arrêt, en ce qui concerne la condition tenant à l’exercice d’une mission d’intérêt public, l’arrêté royal chargeant une société d’assurer la perception et la répartition des droits à rémunération pour la copie d’œuvres fixées sur un support graphique ou analogue, du 15 octobre 1997, a chargé Reprobel de la perception et de la répartition des droits à rémunérations pour compensation équitable, prévus aux articles 59 à 61 de la LDA.
30 À cet égard, il convient de rappeler que les États membres sont en droit de prévoir dans leurs ordres juridiques respectifs, en vertu de l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29, des exceptions au droit de reproduction que prévoit cette disposition et qu’ils sont également tenus de prévoir, à ce titre, une compensation équitable ainsi qu’un système de financement de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2023, Seven.One Entertainment Group, C 260/22, EU:C:2023:900, point 23).
31 Par ailleurs, en ce qui concerne la forme, les modalités et le niveau de la compensation équitable, la Cour a jugé que cette compensation ainsi que, partant, le système sur lequel elle repose et le niveau de celle-ci doivent être liés au préjudice causé aux titulaires de droits en raison de la réalisation de copies privées (arrêts du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C 110/15, EU:C:2016:717, point 28, ainsi que du 24 mars 2022, Austro-Mechana, C 433/20, EU:C:2022:217, point 49).
32 En outre, la Cour s’est prononcée sur les modalités de perception et de répartition des rémunérations pour compensation équitable prévues par la réglementation belge. D’une part, elle a jugé que la compensation équitable prévue à l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2001/29 portait sur les reproductions effectuées sur tout support et au moyen de toute technique, à savoir qu’elle est supportée par tous les utilisateurs d’appareils, de supports ou de services permettant d’effectuer ou comportant de telles reproductions, ces utilisateurs étant autorisés à bénéficier des exceptions prévues à cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2015, HewlettPackard Belgium, C 572/13, EU:C:2015:750, points 30 à 34).
33 D’autre part, la Cour a jugé que la compensation équitable est, en principe, destinée à compenser le préjudice subi en raison des reproductions effectivement réalisées et qu’il incombe, en principe, aux personnes qui ont effectué les reproductions de réparer le préjudice lié à celles ci, en finançant la compensation qui sera versée au titulaire de droits. Compte tenu des difficultés pratiques d’identification des utilisateurs, les États membres peuvent prévoir un système dans le cadre duquel cette compensation incombe aux personnes qui disposent d’équipements, d’appareils et de supports de reproduction numérique et qui mettent ces équipements, appareils ou supports à la disposition des utilisateurs ou rendent à ces derniers des services de reproduction et qui en répercutent la charge financière sur les utilisateurs finals (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2015, Hewlett-Packard Belgium, C 572/13, EU:C:2015:750, points 69 et 70).
34 Dans ce contexte, ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 40 de ses conclusions dans la présente affaire, il serait, en effet, très difficile pour le titulaire du droit de reproduction de faire valoir ce droit pour des actes que les utilisateurs accomplissent dans le domaine privé. L’introduction des exceptions à ce droit prévues à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2001/29 assure donc aux ayants droit le bénéfice de revenus qu’il serait très difficile d’obtenir directement des utilisateurs.
35 La réglementation belge prévoit que les titulaires des droits d’auteur et des droits voisins reçoivent, au titre de ces exceptions, une compensation pour le préjudice subi, composée d’une partie, calculée de manière forfaitaire et fixée en amont, et d’une rémunération proportionnelle, fixée en aval, qui sont financées par les rémunérations payées par l’ensemble des acquéreurs d’appareils et de supports de copie ou des destinataires de services de reproduction autorisés à bénéficier de ces exceptions. La perception d’une telle rémunération et le versement d’une compensation équitable aux titulaires desdits droits relèvent donc de missions d’intérêt public.
36 Il convient, à cet égard, d’écarter la thèse du gouvernement français selon laquelle Reprobel n’accomplit pas une mission d’intérêt public, mais agit uniquement dans l’intérêt privé des titulaires des droits d’auteur et des droits voisins. En effet, par la mission confiée à une entité chargée de la perception et de la répartition des droits à rémunération pour compensation équitable, un État membre met en œuvre l’obligation de résultat que lui impose l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29, à savoir celle d’assurer, au bénéfice des titulaires de ces droits, une perception effective d’une compensation équitable visant à préserver un juste équilibre entre les intérêts en présence, ce qui relève tout à fait de l’intérêt public (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2022, Ametic, C 263/21, EU:C:2022:644, point 69).
37 En deuxième lieu, s’agissant de l’appréciation des pouvoirs d’un organisme tel que Reprobel, il y a lieu, tout d’abord, de rappeler que celle-ci est la seule entité chargée de la perception et de la répartition des droits à rémunération pour compensation équitable, prévus aux articles 59 à 61 de la LDA.
38 Dans ce contexte, ainsi que l’a souligné, en substance, M. l’avocat général au point 45 de ses conclusions, il ressort du dossier dont la Cour dispose que Reprobel s’est vu confier des pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers, notamment celui de pouvoir réclamer aux fabricants et aux distributeurs d’appareils et de supports de copie les rémunérations pour compensation équitable.
39 En effet, un organisme qui, tel que Reprobel, est habilité à percevoir la rémunération pour compensation équitable peut, de plein droit, réclamer le paiement de cette rémunération à toute personne qui fait partie du cercle des redevables, défini de manière abstraite par la réglementation nationale.
40 À cet égard, il importe peu que, comme le font valoir Reprobel et le gouvernement belge, ce sont les autorités publiques, et non ledit organisme, qui déterminent le montant de ladite rémunération. En effet, l’accomplissement de missions d’intérêt public n’implique pas que l’organisme qui exécute ces missions détermine lui-même tous les aspects de celles-ci ou que les pouvoirs qu’il détient pour ce faire doivent être discrétionnaires. Au demeurant, l’encadrement par une autorité publique de l’action d’un organisme chargé d’une mission d’intérêt public confirme d’autant plus que cet organisme agit au nom de l’État et constitue une émanation de celui-ci.
41 De surcroît, ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, Reprobel dispose d’une série de pouvoirs spécifiques, notamment, en matière de demande de renseignements, afin de lui permettre d’exécuter la mission d’intérêt public qui lui est confiée.
42 Premièrement, elle est en droit de demander tant aux débiteurs de la rémunération pour compensation équitable qu’aux autres opérateurs actifs sur le marché des équipements de copie, comme les entreprises chargées de la maintenance de tels équipements, de fournir, sous peine de sanctions pénales, tous les renseignements nécessaires à l’identification des redevables et à la détermination des montants dus par ceux-ci. Un tel pouvoir doit être considéré comme étant exorbitant par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers.
43 Dans ce contexte, il importe peu que, comme le font valoir Reprobel et le gouvernement belge, Reprobel ne dispose pas du pouvoir de sanctionner les personnes ne respectant pas l’obligation de lui fournir des renseignements. En effet, le non-respect de cette obligation est, selon les indications figurant dans la décision de renvoi, passible de sanctions pénales que, par nature, seules les juridictions ont le pouvoir d’infliger. Partant, l’existence même de ces sanctions témoigne de la nature particulière des pouvoirs conférés à Reprobel.
44 Deuxièmement, il ressort du dossier dont dispose la Cour que Reprobel est habilitée à demander aux autorités douanières, fiscales et de sécurité sociale les renseignements nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Une telle habilitation constitue, sous réserve des vérifications qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer, un pouvoir exorbitant par rapport aux règles applicables dans les relations entre particuliers. En effet, les renseignements tels que le volume des importations d’équipements ou de supports de copie ou le chiffre d’affaires des producteurs ou des distributeurs de tels appareils et supports ne sont, en principe, pas de nature à être communiquées à des personnes qui ne disposent pas d’un tel pouvoir.
45 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre aux première, deuxième et troisième questions que l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’une entité chargée par un État membre de la perception et de la répartition des compensations équitables établies en application de cette disposition peut se voir opposer par un particulier, devant le juge national, le fait que la réglementation nationale prévoyant ces compensations est contraire à des dispositions du droit de l’Union ayant un effet direct, dès lors qu’une telle entité dispose, pour accomplir cette mission d’intérêt public, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre les particuliers.
Sur les quatrième et cinquième questions
46 Par ses quatrième et cinquième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’il est doté d’un effet direct, de sorte que, en l’absence de transposition correcte de cette disposition, un particulier peut l’invoquer, en vue d’écarter l’application de règles nationales l’obligeant à payer une rémunération pour compensation équitable imposée en violation de ladite disposition.
47 À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes d’une jurisprudence constante de la Cour, dans tous les cas où les dispositions d’une directive apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, les particuliers sont fondés à les invoquer devant les juridictions nationales à l’encontre de l’État soit lorsque celui-ci s’est abstenu de transposer dans les délais la directive en droit national, soit lorsqu’il en a fait une transposition incorrecte (arrêt du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften, C 684/16, EU:C:2018:874, point 63 et jurisprudence citée).
48 À cet égard, la Cour a précisé qu’une disposition du droit de l’Union est, d’une part, inconditionnelle lorsqu’elle énonce une obligation qui n’est assortie d’aucune condition ni subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’aucun acte soit des institutions de l’Union, soit des États membres et, d’autre part, suffisamment précise pour être invoquée par un justiciable et appliquée par le juge lorsqu’elle énonce une obligation dans des termes non équivoques [arrêt du 8 mars 2022, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld (Effet direct), C 205/20, EU:C:2022:168, point 18].
49 En l’occurrence, Reprobel ainsi que les gouvernements belge et français font valoir que, eu égard à la large marge d’appréciation dont disposent les États membres dans l’organisation du système de compensation équitable prévu à l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29 et de son financement, cette disposition n’est pas suffisamment inconditionnelle et précise pour qu’il lui soit conféré un effet direct sur le fondement de la jurisprudence de la Cour citée ci dessus.
50 Néanmoins, la Cour a déjà précisé que, même si une directive laisse aux États membres une certaine marge d’appréciation lorsqu’ils adoptent les modalités de sa mise en œuvre, une disposition de cette directive peut être considérée comme ayant un caractère inconditionnel et précis dès lors qu’elle met à la charge des États membres, dans des termes non équivoques, une obligation de résultat précise et qui n’est assortie d’aucune condition quant à l’application de la règle qu’elle énonce [arrêt du 8 mars 2022, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld (Effet direct), C 205/20, EU:C:2022:168, point 19].
51 À cet égard, il convient de rappeler que le principe de primauté impose au juge national chargé d’appliquer, dans le cadre de sa compétence, les dispositions du droit de l’Union l’obligation, à défaut de pouvoir procéder à une interprétation de la réglementation nationale conforme aux exigences de droit de l’Union, d’assurer le plein effet des exigences de ce droit dans le litige dont il est saisi en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute réglementation ou pratique nationale, même postérieure, qui est contraire à une disposition du droit de l’Union qui est d’effet direct, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de cette réglementation ou pratique nationale par voie législative ou par tout autre procédé constitutionnel [arrêt du 8 mars 2022, Bezirkshauptmannschaft Hartberg-Fürstenfeld (Effet direct), C 205/20, EU:C:2022:168, point 37].
52 S’agissant du point de savoir si l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29 est inconditionnel et suffisamment précis, l’examen à conduire à cet effet porte, notamment, sur trois aspects, à savoir la détermination des bénéficiaires de la protection prévue à cette disposition, le contenu de cette protection et l’identité du débiteur de ladite protection (voir, par analogie, arrêt du 6 septembre 2018, Hampshire, C 17/17, EU:C:2018:674, point 56).
53 À cet égard, la Cour a déjà jugé que l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29 impose aux États membres qui choisissent d’appliquer des exceptions ou limitations au droit de reproduction des obligations concrètes pour veiller à ce qu’une compensation équitable soit assurée aux titulaires de droits (voir, en ce sens, arrêts du 21 octobre 2010, Padawan, C 467/08, EU:C:2010:620, point 36, ainsi que du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C 110/15, EU:C:2016:717, point 25).
54 Il est vrai que les États membres ne sont pas tenus d’inscrire dans leur droit national les exceptions prévues à l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29 (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2016, Austro-Mechana, C 572/14, EU:C:2016:286, point 18, ainsi que du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C 110/15, EU:C:2016:717, point 27 ainsi que jurisprudence citée). Toutefois, s’ils le font, ils doivent prévoir également le versement d’une compensation équitable aux auteurs lésés en raison de l’application de ces exceptions (voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 2010, Padawan, C 467/08, EU:C:2010:620, point 36) et prendre en compte les conditions relatives à la structure et au niveau de cette compensation, telles qu’elles résultent de l’interprétation de cette disposition.
55 Parmi ces conditions figurent celles que la Cour a établies dans l’arrêt du 12 novembre 2015, Hewlett-Packard Belgium (C 572/13, EU:C:2015:750), en ce qui concerne les modalités de calcul de la rémunération pour compensation équitable. Dans cet arrêt, auquel renvoie la juridiction de renvoi, la Cour a jugé que si l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29 laisse aux États membres la faculté de déterminer les modalités de financement et de perception de la compensation équitable ainsi que le niveau de cette compensation, un système combinant une rémunération forfaitaire fixée en amont et une rémunération proportionnelle fixée en aval doit permettre, dans son ensemble, la perception d’une redevance au titre de la compensation équitable dont le montant correspond, en substance, au préjudice effectif subi par les titulaires de droit. Afin de pouvoir satisfaire à cette condition, un tel système doit comporter des mécanismes, notamment de remboursement, destinés à corriger toute situation de surcompensation qui serait contraire à l’exigence, énoncée au considérant 31 de la directive 2001/29, selon laquelle il convient de maintenir un juste équilibre entre les titulaires de droit et les utilisateurs d’objets protégés, et donc à l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29 (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2015, Hewlett-Packard Belgium, C 572/13, EU:C:2015:750, points 83 à 86).
56 En ce qui concerne, en particulier, le contenu des droits qui découlent des dispositions de la directive 2001/29 susceptibles d’être dotées d’effet direct, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les particuliers sont en droit de ne pas supporter la charge financière d’une rémunération pour compensation équitable si celle-ci est perçue en violation des principes découlant, selon la jurisprudence de la Cour, de l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de cette directive (voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 2015, Hewlett-Packard Belgium, C 572/13, EU:C:2015:750, points 85 à 87, ainsi que du 22 septembre 2016, Microsoft Mobile Sales International e.a., C 110/15, EU:C:2016:717, points 37, 54 et 55). Ainsi, la Cour a expressément souligné la nécessité de prévoir, dans le système de compensation équitable, un droit au remboursement d’une rémunération indûment perçue aux fins du financement d’une telle compensation.
57 En l’occurrence, dès lors que la réglementation nationale en cause au principal est incompatible avec l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29, ainsi qu’il résulte en substance de l’arrêt du 12 novembre 2015, Hewlett-Packard Belgium (C 572/13, EU:C:2015:750), la juridiction de renvoi, saisie d’un litige portant sur la suspension, par un particulier, du paiement de la rémunération pour compensation équitable exigée par cette réglementation, est tenue de garantir le plein effet de cette disposition en laissant inappliquée ladite réglementation nationale aux fins de la solution du litige pendant devant elle.
58 Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de répondre aux quatrième et cinquième questions que l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’il est doté d’un effet direct, de sorte que, en l’absence de transposition correcte de cette disposition, un particulier peut l’invoquer, en vue d’écarter l’application de règles nationales l’obligeant à payer une rémunération pour compensation équitable imposée en violation de ladite disposition.
Sur les dépens
59 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
1) L’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information,
doit être interprété en ce sens que :
une entité chargée par un État membre de la perception et de la répartition des compensations équitables établies en application de cette disposition, peut se voir opposer par un particulier, devant le juge national, le fait que la réglementation nationale prévoyant ces compensations est contraire à des dispositions du droit de l’Union ayant un effet direct, dès lors qu’une telle entité dispose, pour accomplir cette mission d’intérêt public, de pouvoirs exorbitants par rapport aux règles applicables dans les relations entre les particuliers.
2) L’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2001/29
doit être interprété en ce sens que :
il est doté d’un effet direct, de sorte que, en l’absence de transposition correcte de cette disposition, un particulier peut l’invoquer, en vue d’écarter l’application de règles nationales l’obligeant à payer une rémunération pour compensation équitable imposée en violation de ladite disposition.