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Décisions

Cass. com., 9 octobre 2024, n° 23-12.401

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Lefeuvre

Avocat :

SCP Boucard-Maman

T. com. Reims, du 13 déc. 2022

13 décembre 2022

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal de commerce de Reims,13 décembre 2022) et les productions, par une lettre de mission du 10 mars 2020, Mme [R] et M. [M] ont demandé à la société Vanellope service de réaliser une étude en vue d'une création d'entreprise.

2. Le 27 avril 2021, la société par actions simplifiée Libérer le potentiel, ayant pour associés Mme [R], également présidente, et M. [M], a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés.

3. Une facture émise en règlement de la prestation accomplie étant demeurée impayée, la société Vanellope service a déposé une requête en injonction de payer à l'encontre de la société Libérer le potentiel. Cette dernière a alors fait opposition contre l'ordonnance lui ayant fait injonction de payer certaines sommes.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Libérer le potentiel fait grief au jugement de déclarer irrecevables et mal fondées ses demandes et de la condamner à payer une certaine somme à la société Vanellope service, alors « que les délibérations des juges sont secrètes ; que le jugement attaqué indique, après le nom des magistrats : "greffier : M. [D] [Y] lors du délibéré" ; qu'il ressort de cette énonciation qu'un greffier assistait au délibéré des juges, de sorte que le tribunal a violé les articles 447, 448 et 458 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Il ne résulte pas de la mention critiquée que le greffier ait assisté au délibéré.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Libérer le potentiel fait le même grief au jugement, alors « qu'après avoir relevé que la lettre de mission avait été signée entre Mme [R] et la société Vanellope service le 10 mars 2020 et que la société Libérer le potentiel avait été immatriculée le 27 avril 2021, le jugement, pour décider que la société Libérer le potentiel était redevable de la facture émise par la société Vanellope service, a retenu que Mme [R], actionnaire majoritaire de la société Libérer le potentiel, avait la capacité de contracter au nom et pour le compte celle-ci, que son intention était de régler la facture par le déblocage des prêts bancaires et qu'elle avait sollicité que son propre nom soit remplacé par celui de la nouvelle institution, la société Phoenix Montessori ou la société Libérer le potentiel ; qu'en statuant ainsi, sans constater que les conditions de la reprise du contrat du 10 mars 2020 par la société Libérer le potentiel étaient réunies, à savoir que ce contrat aurait été conclu au nom et pour le compte de la société Libérer le potentiel, et qu'un mandat aurait été conféré par les associés à Mme [R] d'agir au nom et pour le compte de la société Libérer le potentiel, ou qu'un document listant les actes repris aurait été annexé aux statuts de la société Libérer le potentiel, ou que les associés de celle-ci auraient pris en assemblée la décision, consignée dans un procès-verbal, de reprendre le contrat, tous éléments que contestait la société Libérer le potentiel, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles 1843 du code civil, L. 210-6 du code de commerce et 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 210-6 du code de commerce :

8. Selon ce texte, les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits.

9. Il appartient au juge d'apprécier souverainement, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l'acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas que l'acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation.

10. Pour condamner la société Libérer le potentiel à payer à la société Vanellope service une certaine somme en règlement de la réalisation d'une étude en vue de la création d'une entreprise, le jugement, après avoir relevé que la lettre de mission du 10 mars 2020 avait été signée par Mme [R] et M. [M] et non par la société Libérer le potentiel, qui n'avait alors pas d'existence juridique, retient que Mme [R] avait la capacité de contracter au nom et pour le compte de cette société et qu'elle s'est engagée dans le seul intérêt de celle-ci. Il ajoute que c'est Mme [R] qui a incité la société Vanellope service à remplacer son nom par celui de la société sur la facture litigieuse et que son intention était de régler cette facture par le déblocage des prêts bancaires.

11. En se déterminant ainsi, sans constater que Mme [R] et M. [M] avaient, en signant la lettre de mission du 10 mars 2020, agi au nom ou pour le compte de la société Libérer le potentiel en formation, ce que cette dernière contestait, le tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 13 décembre 2022, entre les parties, par le tribunal de commerce de Reims ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne.