Cass. com., 6 novembre 2024, n° 23-20.089
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Défendeur :
Axelis + (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Lefeuvre
Avocats :
SCP Piwnica et Molinié, SCP Gadiou et Chevallier
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris,19 avril 2023), le 10 juin 2013, la société Axelis + a conclu une convention de sous-location avec la SARL Digi-Corp Telecom « en cours d'immatriculation au RCS », « représentée par M. [W] [E], gérant, dûment habilité aux fins des présentes ».
2. M. [E] a assigné la société Axelis + aux fins principalement de voir prononcer la nullité de cette convention et subsidiairement de voir constater que la signature qui y est apposée n'est pas la sienne.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. M. [E] fait grief à l'arrêt de dire que la convention de sous-location du 10 juin 2013 lui est opposable, alors « que la convention conclue par une société qui n'est pas encore immatriculée au registre du commerce et des sociétés, et n'est donc pas pourvue de la personnalité juridique, est entachée de nullité absolue ; que la cour d'appel a constaté en l'espèce que la convention de sous-location avait été signée entre la société Axelis + et la société Digi Corp télécom " en cours d'immatriculation" et mentionnait que cette dernière était représentée par son "gérant dûment habilité aux fins de la présente" ; qu'il en résultait que la convention avait été conclue par une société dépourvue de personnalité juridique, qui n'avait donc pas encore de gérant ni n'avait pu habiliter qui que ce soit à conclure en son nom, et non par M. [E] au nom de la société en formation ; qu'en énonçant, pour dire la convention de sous location valable et opposable à M. [E], que dès lors que le siège social devait s'établir à l'adresse des locaux pris à bail, la signature de la convention par le gérant désigné au terme de l'acte constitutif s'analysait comme un acte préparatoire d'une société en cours de formation, dont M. [E] qui avait personnellement concouru à l'acte devait être tenu en qualité de fondateur de la société, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à établir que le contrat litigieux avait été conclu par une personne ayant agi au nom de la société Digi-Corp Telecom, en formation, et non par cette société elle-même, préalablement à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, et a privé sa décision de base légale au regard des articles 1842 du code civil et L. 210-6 du code de commerce ».
Réponse de la Cour
4. Après avoir rappelé les termes de l'article L. 210-6 du code de commerce, l'arrêt relève que le contrat de sous-location du 16 juin 2013 a été conclu entre la société Axelis + et la société Digi-Corp Telecom « en cours d'immatriculation », cette dernière étant mentionnée comme représentée par M. [E], « gérant dûment habilité aux fins des présentes », qu'est joint au contrat de sous-location un acte constitutif de la société, au terme duquel, d'une part, M. [E] apparaît comme premier gérant désigné, d'autre part, est visé en annexe « un état des actes accomplis pour le compte de la société en formation, à savoir l'ouverture d'un compte bancaire et la signature d'un contrat pour le siège social », lequel figure sur l'en-tête du contrat de sous-location comme étant l'adresse des locaux pris à bail. L'arrêt retient que, dès lors que le siège de la société devait s'établir à l'adresse des locaux pris à bail, la signature du contrat litigieux par le gérant désigné au terme de l'acte constitutif s'analyse comme un acte préparatoire d'une société en cours de formation et en déduit que ce contrat est valable.
5. En l'état de ces constatations et appréciations, dont il résulte que la commune intention des parties au contrat litigieux était que celui-ci fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation Digi-Corp Telecom, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. M. [E] fait le même grief à l'arrêt, alors « que dans le cas où la partie à qui l'on oppose un acte sous seing privé en dénie l'écriture ou la signature, il appartient au juge de vérifier lui même ou de faire vérifier l'acte contesté, à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte ; que la charge de la preuve incombe à celui qui se prévaut de l'acte, et que le fait que l'intéressé n'ait pas contesté, à l'occasion de la réception d'un acte d'huissier de justice, la qualité de gérant de société que lui attribuait cet acte, ne suffit pas à établir qu'il est bien le signataire d'un contrat prétendument signé par le "gérant" de cette société, au demeurant inexistante pour n'avoir jamais été immatriculée ; qu'en énonçant seulement, pour dire qu'il n'était pas nécessaire d'apprécier la paternité de la signature litigieuse, que M. [E] n'avait pas contesté sa qualité de gérant de la société Digi-Corp Telecom lors de la remise d'un commandement de payer, et que les exemplaires sur papier libre de sa signature qu'il avait versés aux débats étaient dépourvus de force probante, quand ces faits étaient insusceptible d'établir qu'il avait lui-même signé le contrat de sous-location litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1324 devenu 1373 du code civil ».
Réponse de la Cour
Vu les articles 287 et 288 du code de procédure civile :
7. Il résulte de ces textes que si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée, il appartient au juge, à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte, de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous éléments à lui comparer.
8. Pour déclarer le contrat de sous-location opposable à M. [E], l'arrêt retient que la signature qui y est apposée ne correspond pas à celle figurant sur sa carte nationale d'identité et que les exemplaires sur papier libre qu'il verse aux débats ne peuvent recueillir force probante dans la mesure où aucun d'eux ne se ressemble et qu'ils divergent de la signature figurant sur la carte d'identité. Il retient encore que M. [E] n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations attribuant la signature litigieuse à l'un des co-associés, qu'il a choisi de ne pas attraire à la cause. Il relève enfin que M. [E] n'a pas contesté sa qualité de gérant de la société Digi-Corp Telecom lors de la remise du commandement de payer ni à l'occasion des échanges électroniques qui ont suivi.
9. En statuant ainsi, sans procéder à une vérification d'écriture, alors que M. [E] déniait la signature apposée sur le contrat de sous-location, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée