CA Colmar, 3e ch. civ. A, 18 mars 2024, n° 22/02612
COLMAR
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Mel Location (SARL)
Défendeur :
Grenke Location (SAS), Agir (Sasu)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Fabreguettes
Conseillers :
Mme Deshayes, M. Laethier
Avocats :
Me Apprill-Thompson, Me Litou-Wolff, Me Leparoux - Outters
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par courrier recommandé avec avis de réception du 15 novembre 2017, la Sas Grenke Location a mis en demeure la Sarl Mel Location de régler la somme de 761,37 euros au titre de plusieurs loyers impayés (septembre, octobre et novembre 2017) afférents à un contrat de location de longue durée portant sur du matériel professionnel, en l'occurrence une enseigne CARGO et un kit PLV.
Par courrier recommandé avec avis de réception du 15 décembre 2017, la Sas Grenke Location a informé la Sarl Mel Location qu'elle procédait à la résiliation anticipée du contrat de location et l'a mise en demeure de restituer le matériel et de régler la somme de 6 576,12 euros au titre des loyers impayés, de l'indemnité de résiliation et des frais.
Par requête introductive d'instance réceptionnée au greffe le 2 mai 2018, la Sas Grenke Location a fait citer la Sarl Mel Location devant le tribunal d'instance de Strasbourg, aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme en principal de 6 527,20 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2017, de la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement, de la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, aux dépens de l'instance, outre la restitution du matériel objet d'un contrat de location de longue durée sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 3ème jour suivant la signification du jugement.
La Sas Grenke Location exposait dans sa requête avoir consenti à la Sarl Mel Location, par contrat du 5 mai 2017, la location longue durée d'un matériel d'enseigne, moyennant paiement de trente-six loyers mensuels de 238,80 euros TTC, et avoir procédé à la résiliation anticipée de ce contrat par lettre recommandée du 15 décembre 2017 en raison du défaut de paiement des loyers.
Par assignation du 21 décembre 2018, la Sarl Mel Location a appelé en intervention forcée la Sas Agir, fournisseur du matériel objet du contrat de location.
La Sarl Mel Location a conclu au rejet des prétentions de la société Grenke Location et a demandé au tribunal, à titre principal, de prononcer l'annulation du contrat de location pour absence de pouvoir du signataire. Subsidiairement, elle a sollicité l'annulation du contrat pour absence de cause et encore plus subsidiairement, de déclarer le contrat de location caduc à la date du 14 juin 2017 en raison de la résiliation du contrat de partenariat commercial conclu avec la Sas Agir. A titre reconventionnel, la Sarl Mel Location a sollicité la restitution de la somme de 955,20 euros correspondant aux mensualités prélevées de mai à août 2017, outre la condamnation de la société Grenke Location au paiement d'une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Sarl Mel Location a fait valoir que le contrat dont se prévaut la Sas Grenke Location et le bon de livraison n'ont pas été signés par le gérant ni aucun mandataire de la société, de sorte que le contrat est nul. Elle a également soutenu, à titre subsidiaire, que le contrat est nul pour absence de cause au motif que l'enseigne objet du contrat de location ne lui a jamais été remise, en accord avec la Sas Agir, compte tenu de l'impossibilité de transférer celle-ci dans ses nouveaux locaux. Enfin, la Sarl Mel Location a indiqué avoir procédé le 14 juin 2017 à la résiliation du contrat de partenariat commercial conclu avec la Sas Agir du fait de la fermeture de ses agences de location Cargo de [Localité 6] et [Localité 7] et qu'en conséquence, le contrat de location portant sur une enseigne Cargo est caduc du fait de l'interdépendance des contrats qui s'inscrivent dans une opération économique globale unique.
La Sas Agir a conclu au rejet des demandes formées par la Sarl Mel Location à son encontre et à la condamnation de cette dernière au paiement de la somme de 1.289,52 euros TTC au titre de la clause pénale figurant à l'article 18 du contrat conclu le 5 octobre 2016, outre la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Sas Agir a fait valoir que la résiliation anticipée du contrat de partenariat est intervenue unilatéralement à la demande de la société Mel Location, de manière anticipée, sans que l'on puisse reprocher un quelconque manquement contractuel à la société Agir, de sorte que la société Mel Location ne peut invoquer l'interdépendance des contrats.
Par jugement contradictoire du 20 mai 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Strasbourg a :
- condamné la Sarl Mel Location à payer à la Sas Grenke Location la somme de 6.527,20 euros TTC à titre principal, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 septembre 2017, outre 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
- débouté la Sas Grenke Location de sa demande au titre de la clause pénale,
- ordonné la restitution du matériel objet du contrat de location nº 061-50809 (matériel d'enseigne PLV Cargo),
- dit n'y avoir lieu à astreinte,
- condamné la Sarl Mel Location à payer à la Sas Grenke Location la somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la Sasu Agir de sa demande reconventionnelle,
- condamné la Sarl Mel Location à payer à la Sasu Agir la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sarl Mel Location aux frais et dépens de l'instance,
- rappelé que le jugement est exécutoire par provision de plein droit.
Pour statuer ainsi, le juge a retenu que le signataire du contrat de location et du bon de livraison du matériel a également apposé le cachet de la société et a remis le relevé d'identité bancaire permettant le paiement des premiers loyers, de sorte que le signataire avait apparence de signer ledit contrat. Sur l'absence de cause alléguée, le juge a considéré que la prestation fournie par la Sas Agir a été effectivement assurée et que le financement consenti par la société Grenke Location n'était pas dépourvu de cause. Sur la caducité du contrat de location, le premier juge a indiqué que le motif de résiliation invoqué à l'égard de la Sas Agir (fermeture d'agence en raison de l'absence de personnel) n'est pas constitutif de force majeure et a laissé subsister les obligations du locataire à l'égard de la société Grenke Location, de sorte qu'aucune caducité ne peut être retenue.
En ce qui concerne la demande reconventionnelle de la Sas Agir au titre de la clause pénale, le juge a relevé qu'elle n'avait pas été réclamée lorsqu'elle a pris acte de la résiliation anticipée du contrat de partenariat par courrier du 22 septembre 2017.
La Sarl Mel Location a interjeté appel à l'encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 6 juillet 2022.
Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 27 novembre 2023, la Sarl Mel Location demande à la cour de :
- rejeter l'appel incident de la société Grenke Location,
- recevoir l'appel et le déclarer bien fondé,
y faisant droit,
- infirmer le jugement rendu par la 11ème chambre civile des contentieux de proximité et de la protection du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 20 mai 2022, en ce qu'il a :
' condamné la Sarl Mel Location à payer à la Sas Grenke Location la somme de 6.527, 20 euros ttc à titre principal, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 septembre 2017, outre 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
' ordonné la restitution du matériel objet du contrat de location nº 061-50809 (matériel d'enseigne PLV Cargo),
' condamné la Sarl Mel Location à payer à la Sas Grenke Location 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
'condamné la Sarl Mel Location à payer à la Sasu Agir la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamné la Sarl Mel Location aux frais et dépens, et a ceux de l'appel en garantie de la Sasu Agir,
statuant à nouveau,
au visa de l'article 122 du code de procédure civile,
- juger la société Grenke Location irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir,
à titre principal,
- juger que la Sas Grenke Location ne rapporte pas la preuve de sa qualité de propriétaire du matériel objet du contrat de location financière,
en conséquence,
- déclarer la Sas Grenke Location irrecevable en ses demandes,
- l'en débouter,
- subsidiairement,
au visa des articles 1108, 1998 du code civil,
- prononcer l'annulation du contrat de location financière en date du 5/5/2017 conclu entre la Sarl Mel Location et la Sas Grenke Location pour absence de pouvoir du signataire,
Au visa des articles 1169 et 1170 du code civil,
- prononcer l'annulation, pour absence de cause, du contrat de location financière conclu en date du 5/5/2017 entre la Sarl Mel Location et la Sas Grenke Location,
subsidiairement encore,
au visa des articles 1103, 1104 du code civil,
- constater, au besoin prononcer la résiliation du contrat de partenariat commercial conclu avec la société Agir en date du 5/10/2016 à la date du 14/06/2017,
en conséquence,
au visa de l'article 1186 du code civil,
- déclarer le contrat de location financière en date du 5/5/2017 caduc à la date du 14/06/2017,
en conséquence,
- débouter la Sas Grenke Location de l'intégralité de ses demandes, fins moyens et prétentions,
- débouter la Sas Agir de l'intégralité de ses demandes, fins moyens et prétentions,
reconventionnellement,
- condamner la Sas Grenke Location à restituer la somme de 955,20 euros au titre des mensualités indument prélevées pour les mois de mai à août 2017, augmentés des intérêts légaux à compter du jugement à intervenir,
en tout état de cause,
- condamner la Sas Grenke Location et la Sas Agir, in solidum, au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
La Sarl Mel Location fait valoir que la société Grenke Location ne justifie pas de sa qualité à agir en l'absence de preuve de l'acquisition du matériel, objet du contrat de location. Elle conclut également au rejet des demandes de la société Grenke Location sur le même fondement.
Subsidiairement, l'appelante soutient que le contrat de location et l'attestation de livraison ont été signés par Mme [T] [L], associée de la Sarl Mel Location, qui n'a pas le pouvoir ni la qualité pour engager la société, de sorte que le contrat est nul. Elle ajoute qu'il appartenait à la société Grenke Location de vérifier l'étendue des pouvoirs du signataire et qu'elle n'est pas fondée à se prévaloir de la théorie du mandat apparent.
Plus subsidiairement, la Sarl Mel Location affirme que le contrat de location doit être déclaré nul pour absence de cause au motif qu'il ne portait que sur l'enseigne extérieure et qu'avant la signature du contrat, elle a renoncé à la mise à disposition de l'enseigne, qu'elle n'a jamais réceptionné, compte tenu de l'impossibilité d'apposer cette enseigne dans ces nouveaux locaux. Elle ajoute que la signataire de l'attestation de livraison n'a pas prêté attention à la désignation du matériel prétendument livré.
Plus subsidiairement encore, l'appelante affirme que le contrat de location est caduc en raison de la résiliation du contrat de partenariat commercial conclu avec la Sas Agir motivée par un cas de force majeure, à savoir la fermeture de ses agences de location Cargo de [Localité 6] et [Localité 7] suite à des départs de personnel. Elle ajoute que le contrat de location, qui porte sur un matériel d'enseigne Cargo, et le contrat de partenariat commercial, sont interdépendants car ils s'inscrivent dans une opération économique globale.
Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 23 août 2023, la Sas Grenke Location demande à la cour de :
Sur l'appel de la société Mel Location,
- le dire mal fondé,
- le rejeter ainsi que l'intégralité des fins, moyens, demandes et prétentions de la société Mel Location,
en conséquence,
- confirmer le jugement entrepris sous réserve des fins de l'appel incident,
Sur l'appel incident de la société Grenke Location,
- le dire bien fondé,
y faisant droit,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Grenke Location au titre de l'application de la clause pénale, de la restitution sous astreinte du matériel loué et du montant de l'indemnité sollicitée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
et statuant à nouveau,
- condamner la Société Mel Location à payer à la société Grenke Location la somme de 557,20 euros au titre de la clause pénale,
- condamner la société Mel Location à payer à la société Grenke Location la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,
- assortir la restitution par la société Mel Location du matériel loué appartenant à la société Grenke Location (matériel d'enseigne PLV Cargo) d'une astreinte de 100,00 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- débouter la société Mel Location de toutes conclusions contraires,
en tout état de cause,
- condamner la société Mel Location aux entiers dépens d'appel et à payer à la société Grenke Location la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
La société Grenke Location fait valoir qu'elle démontre, par la production d'un extrait comptable du grand livre de compte de la société Agir et du justificatif de paiement par virement bancaire de la somme de 7.509,43 euros, être propriétaire du matériel loué et donc de sa qualité à agir.
L'intimée soutient que Mme [L] épouse [S], signataire du contrat de location, du procès-verbal de réception du matériel et de l'autorisation de prélèvement des loyers, est associée de la société Mel Location et l'épouse du gérant et s'est comportée comme le mandataire apparent de la société Mel Location.
Sur l'absence de cause alléguée, la société Grenke Location indique que le matériel loué a été livré le 1er mai 2017 et que le courriel du 14 juin 2017 adressé à la société Agir n'évoque nullement un défaut de livraison mais la fermeture des agences.
Elle ajoute que le bailleur ne saurait être tenu responsable d'un retard de livraison ou d'une livraison non conforme dans la mesure où le locataire choisit seul le fournisseur des produits et convient avec lui des modalités de livraison (article 3 du contrat de location).
La société Grenke Location affirme qu'il ne peut y avoir caducité du contrat de location dès lors que la résiliation du contrat de partenariat entre les sociétés Agir et Mel Location n'est pas opposable à la société Grenke Location et qu'elle ne met pas fin aux obligations du locataire qui reste tenu de son obligation de paiement contractuelle en application des articles 10 et 11 des conditions générales du contrat de location. Elle ajoute que la société Mel Location a sollicité la résiliation du contrat de partenariat pour des motifs personnels et non en raison d'un défaut d'exécution ou d'une inexécution fautive du contrat principal.
L'intimée explique que le défaut d'exécution du contrat de location lui a causé une perte financière de près de 1.000 euros et que la clause pénale d'un montant de 557,20 euros n'est ni excessive ni disproportionnée.
Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 2 janvier 2023, la Sas Agir demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 10 mai 2022 en ce qu'il a :
' condamné la Sarl Mel Location à payer à la Sas Grenke Location la somme de 6.527,20 euros T.T.C. à titre principal avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 4 septembre 2017, outre 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
' ordonné la restitution du matériel objet du contrat de location nº061-50809 (matériel d'enseigne PLV CARGO),
' condamné la Sarl Mel Location aux frais et dépens de l'instance et à ceux de l'appel en garantie de la Sasu agir,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 10 mai 2022 en ce qu'il a débouté la société Agir de sa demande reconventionnelle et limité la somme qui lui a été allouée en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile à 300 euros,
en conséquence et statuant à nouveau sur le tout,
- débouter la société Mel Location de toutes ses demandes, fins et prétentions à l'encontre de la société Agir,
- condamner la société Mel Location à payer à la société Agir la somme de 1.289,52 euros TTC au titre de la clause pénale figurant à l'article 18 du contrat conclu le 5 octobre 2016,
- condamner la société Mel Location à payer à la société Agir la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance outre 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La société Agir fait valoir que la résiliation anticipée du contrat de partenariat a été effectuée à l'initiative de la société Mel Location qui a été contrainte de fermer ses agences et qu'aucune inexécution fautive ne peut être reprochée à la société Agir, de sorte que la société Mel Location n'est pas fondée à invoquer l'interdépendance des contrats. Elle ajoute que la société Mel Location est seule responsable de la non utilisation du matériel pour lequel elle reste redevable des mensualités.
La société Agir soutient que la force majeure n'est pas caractérisée et qu'elle est fondée à réclamer le paiement de la clause pénale prévue par les conditions générales du contrat.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens de l'appelante, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée le 18 décembre 2023.
L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 8 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir :
L'article 122 du code de procédure civile indique que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.
En l'espèce, la Sarl Mel Location conteste la qualité à agir de la Sas Grenke Location, faute de justifier de la propriété du matériel objet du contrat de location.
Cependant, la Sas Grenke Location justifie de l'acquisition et de la propriété du matériel par la production de la facture d'achat émise par la Sas Agir le 28 octobre 2016 d'un montant de
7.509,43 euros et du règlement de cette facture par virement bancaire du même jour.
Il est démontré que le libellé (F1603853) du virement effectué correspond au numéro de la facture, contrairement à ce que soutient l'appelante.
Par conséquent, la fin de non-recevoir soulevée par la Sarl Mel Location sera rejetée.
Sur la nullité du contrat :
L'annulation du contrat est poursuivie tant sur le défaut de pouvoir du mandataire que sur l'absence de cause.
- Sur le défaut de pouvoir :
Aux termes de l'article 1998 du code civil, le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné. Il n'est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement.
En application de cet article, le mandat apparent ne peut naître que de la croyance légitime du tiers au pouvoir de représentation de son interlocuteur.
En l'espèce, il résulte des pièces produites et des observations des parties que le contrat de location de longue durée, la confirmation de livraison du matériel et l'autorisation de prélèvement ont été signés par Mme [T] [L] épouse [S], associée égalitaire de la Sarl Mel Location, et épouse du gérant, M. [M] [S].
Par ailleurs, le cachet commercial de la société a été apposé tant sur le contrat de location que sur la confirmation de livraison et le relevé d'identité bancaire de la société a été transmis à la société Grenke Location.
Enfin, il n'est pas démontré, ni même soutenu par l'appelante, que Mme [S] aurait agi de sa propre initiative sans l'accord de M. [S], en usurpant les pouvoirs du gérant, et ce dernier n'a formulé aucune observation, ni objection concernant la validité de l'engagement de la Sarl Mel Location dans son courriel du 14 juin 2017 adressé à la société Agir, dans lequel il justifie la résiliation du contrat de partenariat par la fermeture des agences de location.
Au vu de ces éléments, la croyance de la société Grenke Location à l'étendue des pouvoirs de Mme [S] était légitime sur le fondement du mandat apparent, en sorte que le contrat du 5 mai 2017 est valable et engage bien la société appelante.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
- Sur l'absence de cause :
Dans les contrats synallagmatiques, la cause de l'obligation d'une partie réside dans l'objet de l'obligation de l'autre.
En matière de bail, l'engagement du preneur a pour cause la mise à sa disposition du bien loué, en contrepartie du paiement du loyer. L'existence de la cause s'apprécie au jour de la conclusion du contrat.
En l'espèce, il est établi que la Sarl Mel Location a signé le 1er mai 2017 la confirmation de livraison du matériel.
La désignation du matériel sur le bon de livraison « enseigne / PLV cargo » est conforme à celle qui figure sur le contrat de location du 5 mai 2017.
La Sarl Mel Location ne démontre pas que le matériel livré n'était pas conforme aux stipulations contractuelles.
Elle échoue également à démontrer que le matériel ne lui a pas été livré, le courriel de la société Agir du 3 mars 2017, faisant état d'un refus de livraison de Mme [S], étant antérieur à la confirmation de livraison du 1er mai 2017.
Par conséquent, la demande de nullité du contrat pour absence de cause sera rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.
Sur la caducité du contrat de location :
Selon l'article 1186, alinéas 2 et 3, du code civil, lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie, la caducité n'intervenant toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble.
Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière étant interdépendants, il en résulte que l'exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l'un d'eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.
En l'espèce, la Sarl Mel Location et la Sas Agir ont conclu le 5 octobre 2016 un contrat de partenariat ayant pour objet la mise à disposition, moyennant contrepartie financière, de services et outils nécessaires à l'exploitation d'une activité de location de véhicules sous l'enseigne CarGo.
La Sas Agir indique dans ses conclusions qu'elle a soumis à l'approbation de la Sarl Mel Location un contrat avec la société Grenke Location pour le financement de l'opération, portant sur la location de matériel professionnel, à savoir une enseigne CarGo et un kit PLV.
C'est dans ces conditions que le contrat de location de longue durée a été conclu le 5 mai 2017 entre la Sarl Mel Location et la société Grenke Location.
Il est établi donc que le contrat de partenariat et le contrat de location financière poursuivent le même but et ne peuvent se concevoir l'un sans l'autre, la mise à disposition des services et outils du pack CarGo par la société Agir est indivisible du contrat de location financière au profit de la société Grenke Location, propriétaire du dit matériel acquis auprès de la société Agir, les contrats portant sur le même matériel.
Selon le même raisonnement, l'exécution d'un contrat ne peut s'entendre sans l'autre.
Par conséquent, les contrats conclus doivent être considérés comme interdépendants, en ce qu'ils participent à la réalisation d'une même opération.
Il est également démontré et non contesté par les sociétés intimées, que la société Grenke Location connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'elle a donné son consentement.
Enfin, la résiliation du contrat de partenariat à l'initiative de la Sarl Mel Location est établie par un courrier de la société Agir du 22 septembre 2017 et n'est pas contestée par les parties.
Les sociétés intimées soutiennent néanmoins que la Sarl Mel Location ne peut se prévaloir de l'interdépendance des contrats pour échapper à ses obligations dans la mesure où la résiliation est intervenue à la seule initiative de l'appelante, pour des motifs personnels et abusifs, sans que l'on puisse reprocher un quelconque manquement contractuel à la société Agir.
Il résulte effectivement d'un courriel adressé le 14 juin 2017 par M. [S] à la Sas Agir que la résiliation du contrat de partenariat était uniquement motivée par la fermeture des agences
Cargo de [Localité 6] et [Localité 7] du fait d'un manque de personnel, aucun manquement contractuel n'étant reproché à la société Agir.
Cependant, les contrats étant interdépendants, la résiliation de l'un entraîne la caducité de l'autre, quel que soit le motif de cette résiliation, sauf pour la partie à l'origine de l'anéantissement de cet ensemble contractuel à indemniser le préjudice causé par sa faute.
Ainsi, la résiliation prétendument fautive du contrat de partenariat est sans incidence sur la caducité du contrat de location.
Par infirmation du jugement déféré, il convient donc de constater la caducité du contrat de location conclu entre la société Grenke Location et la société Mel Location en suite de la résiliation du contrat de partenariat conclu avec la société Agir.
Sur les conséquences de la caducité du contrat de location :
L'article 1187 prévoit que « la caducité met fin au contrat. Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 ».
En l'espèce, la caducité du contrat de location produit son effet à la date de l'anéantissement de l'autre contrat, soit le 15 septembre 2017.
La société Grenke Location ne peut se prévaloir des articles 10 et 11 des conditions générales du contrat de location, relatifs aux conséquences de la résiliation anticipée du contrat, pour s'opposer aux conséquences de la caducité.
Si la partie à laquelle la caducité est imposée peut rechercher la responsabilité de celui dont la faute est à l'origine de l'anéantissement de l'ensemble contractuel afin d'être indemnisée du préjudice causé par la caducité, la cour relève que la société Grenke Location ne formule aucune demande indemnitaire à l'encontre de la Sarl Mel Location.
Par conséquent, la société Grenke Location sera déboutée de sa demande en paiement fondée sur les dispositions contractuelles, la caducité du contrat de location excluant l'application de la clause stipulant l'indemnité de résiliation, la majoration de 10%, l'indemnité forfaitaire de recouvrement ainsi que le paiement des loyers échus impayés de septembre à décembre 2017.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la Sarl Mel Location au paiement de la somme de 6.527,20 euros correspondant aux loyers échus et à l'indemnité contractuelle de résiliation, outre la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement.
En revanche, il sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Grenke Location de sa demande au titre de la majoration de 10%.
Sur la demande de la Sas Agir au titre de la clause pénale figurant dans le contrat de partenariat :
La Sas Agir invoque le caractère abusif de la rupture du contrat pour justifier l'application de la clause pénale prévue à l'article 18 du contrat de partenariat.
Cependant, il résulte des pièces produites que la résiliation du contrat, intervenue à l'initiative de la Sarl Mel Location, était motivée par la fermeture des agences de location de [Localité 6] et [Localité 7] en raison d'un manque de personnel.
Par courrier du 22 septembre 2017 ayant pour objet « les conditions de résiliation des contrats partenaire », la Sas Agir a pris acte de la résiliation anticipée du contrat sans aucunement évoquer le caractère abusif de la rupture, ni réclamer le versement d'une indemnité à titre de clause pénale.
Il est seulement mentionné que la résiliation du Pack CarGo entraîne de plein droit la résiliation de la licence informatique Locproweb, le fait que la Sarl Mel Location ne sera plus visible sur le site CarGo.rent et qu'elle ne pourra plus solliciter les partenaires grands comptes.
Dès lors, le caractère abusif de la rupture n'est pas démontré et il n'est justifié d'aucun manquement imputable à la Sarl Mel Location dans l'exécution du contrat de partenariat, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté la Sas Agir de sa demande au titre de la clause pénale.
Sur la demande de restitution des loyers formée par le locataire :
La Sarl Mel Location sollicite la restitution des loyers qu'elle a payés au titre des mois de mai à août 2017 du fait de la caducité du contrat de location.
Le premier juge a omis de statuer sur cette demande.
L'article 1187 du code civil prévoit que la caducité peut donner lieu à restitution, laissant au juge la possibilité d'en apprécier l'opportunité en fonction des circonstances de chaque espèce.
En l'espèce, il n'y a pas lieu d'ordonner la restitution des loyers réglés par le locataire de mai à août 2017 dans la mesure où les paiements opérés avaient toujours la contrepartie résultant de l'ensemble contractuel, de fait de la fourniture par la Sas Agir des outils et services CarGo jusqu'en septembre 2017.
La Sarl Mel Location sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur la restitution du matériel objet du contrat de location :
Il est démontré par la production de la confirmation de livraison du 1er mai 2017, sur laquelle est apposée le cachet et la signature de la société Mel Location, que le matériel objet du contrat de location a été livrée.
La société Mel Location échoue à démontrer que le matériel ne lui a pas été livré, le courriel de la société Agir du 3 mars 2017, faisant état d'un refus de livraison de Mme [S], étant antérieur à la confirmation de livraison du 1er mai 2017.
Par conséquent, il convient d'ordonner la restitution du matériel, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront infirmées.
Les sociétés intimées, succombant en appel, seront condamnées in solidum aux dépens de l'appel, ainsi qu'à payer à la Sarl Mel Location la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles seront également déboutées de leur demande sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement rendu le 20 mai 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Strasbourg, sauf en ce qu'il a :
- débouté la Sas Grenke Location de sa demande au titre de la majoration de 10 % de l'indemnité de résiliation,
- débouté la Sas Agir de sa demande reconventionnelle au titre de la cause pénale,
- ordonné la restitution du matériel objet du contrat de location nº 061-50809 (matériel d'enseigne PLV Cargo),
- dit n'y avoir lieu à astreinte,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONSTATE la caducité du contrat de location conclu le 5 mai 2017 entre la Sarl Mel Location et la Sas Grenke Location en suite de la résiliation du contrat de partenariat conclu le 5 octobre 2016 entre la Sarl Mel Location et la Sas Agir,
DEBOUTE la Sas Grenke Location de ses demandes de condamnation au titre des loyers échus impayés, de l'indemnité contractuelle de résiliation et de l'indemnité forfaitaire de recouvrement,
DEBOUTE la Sarl Mel Location de sa demande de restitution des loyers de mai à août 2017,
DEBOUTE la Sas Grenke Location de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE la Sarl Mel Location de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum la Sas Grenke Location et la Sas Agir à payer à la Sarl Mel Location la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum la Sas Grenke Location et la Sas Agir aux dépens de première instance et d'appel.