CA Rennes, 1re ch., 12 novembre 2024, n° 22/06420
RENNES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Époux
Défendeur :
Époux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Veillard
Vice-président :
M. Bricogne
Conseiller :
Mme Brissiaud
Avocats :
Me Lucas, Me Bommelaer, Me Chabot
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
1. Par acte sous seing privé du vendredi 22 décembre 2017 signé dans les locaux de l'agence du constructeur situés sur la commune [Localité 8], M. [Y] et Mme [K] ont souscrit avec Habitat Plus un contrat de construction d'une maison individuelle de 84,85 m² pour le prix de 137.163 €, à édifier sur un terrain situé [Adresse 15] à [Localité 16]).
2. Par un acte sous seing privé établi à partir d'un formulaire-type renseigné manuscritement, ne portant pas mention de sa date ' que M. et Mme [M] situent le même jour tandis que les consorts [Y]-[K] la situent le lendemain samedi 23 décembre 2017 ' M. et Mme [M] ont consenti à M. [Y] et Mme [K] une promesse synallagmatique de vente portant sur un terrain d'une superficie de 476 m² supportant une bâtisse à démolir, situé [Adresse 15] à [Localité 3] (44), au prix de 113.000 €.
3. Le compromis de vente comportait les conditions suspensives suivantes à la charge des acquéreurs :
- obtention au plus tard le 5 février 2018 à 18 h d'un prêt d'un montant de 259.825 € destiné à financer l'achat du terrain (113.000 €), la construction de la maison (137.125 €) et les frais d'acte (9.700 €),
- dépôt au plus tard à la "datte" (sic) du 15 février 2018 et obtention au plus tard à la "datte" (sic) du 15 avril 2018 d'un permis de démolir et construire purgé de tout recours.
4. Il était mentionné en page 10 dudit compromis que la durée de la condition suspensive relative au financement était de 45 jours et expirait le "5/02/2018 à 18 h" et il était mentionné en page 11 que "l'act authentique sera signé après la datte du 6 juillet 2018."
5. Courant juin 2018, maître [F] [C], notaire à [Localité 6] (44), officiant en qualité de notaire des vendeurs, a interrogé téléphoniquement M. [Y] et Mme [K] quant à l'état d'avancement de leurs démarches lesquels informaient M. et Mme [M] par courrier du 9 juin 2018 du refus notifié par leur banque le 12 (sic) juin 2018 de financer leur projet et concluaient à l'annulation du compromis de vente.
6. Le 21 novembre 2018, Me [C] a signifié à M. [Y] et Mme [K] une sommation d'assister le 29 novembre 2018 à la réitération de la vente. Les acquéreurs ne se sont pas présentés et maître [C] a dressé un procès-verbal de carence.
7. Par courrier du 6 décembre 2018, le conseil de M. et Mme [M] a sollicité de M. [Y] et Mme [K] le paiement de la somme de 11.903,13 € correspondant au montant de la clause pénale pour 11.300 € et celui des frais de notaire pour 497,86 € et des frais d'huissier de justice 105,27 €. Sans succès.
8. Par exploits des 25 avril et 2 mai 2019, M. et Mme [M] ont assigné M. [Y] et Mme [K] devant le tribunal de grande instance de Nantes (devenu tribunal judiciaire à compter du 1er janvier 2020) aux fins de condamnation au paiement de ladite somme, outre celle de 2.000 € en réparation de leur préjudice moral et celle de 2.000 € au titre des frais irrépétibles et la charge des dépens.
9. Par jugement du 9 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Nantes a :
- condamné solidairement M. [Y] et Mme [K] à payer à M. et Mme [M] la somme de 6.000 € au titre de la clause pénale, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2018,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné in solidum M. [Y] et Mme [K] à payer à M. et Mme [M] la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles,
- condamné in solidum M. [Y] et Mme [K] aux dépens et accordé à maître Chabot, avocat, le droit de recouvrement direct en application de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire.
10. Le tribunal a retenu que M. [Y] et Mme [K] n'étaient "pas totalement étrangers à l'échec de la réalisation de la condition suspensive" de financement, quand bien même ils avaient pu rencontrer des difficultés dans leurs démarches, dès lors qu'ils n'avaient en effet pas présenté une demande de prêt dans le délai imparti et que le montant de la demande tardive était au surplus supérieur aux exigences contractuelles. Le tribunal a cantonné le montant de la clause pénale à la somme de 6.000 € fixée "à la mesure de l'importance de la défaillance". Il a rejeté les demandes indemnitaires de M. et Mme [M] au titre du préjudice moral et des frais exposés par eux en vue de la réitération de la vente, estimant que ces demandes étaient couvertes par la clause pénale.
11. M. [Y] et Mme [K] ont interjeté appel de tous les chefs de jugement par déclaration du 2 novembre 2021. L'affaire a été enregistrée sous le numéro 21/06870.
12. Par ordonnance du 20 juin 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire faute pour les appelants d'avoir réglé le montant des intérêts dus d'un montant de 637,57 € et les a condamnés à payer la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles. En réponse au décompte établi le 4 juillet 2022 par les intimés portant réclamation d'une somme de 2.159,73 € au titre des frais irrépétibles de l'ordonnance de radiation et des frais d'huissier, à l'exclusion du montant des intérêts, les appelants ont transmis le 18 juillet 2022 un chèque à due concurrence et ont sollicité par conclusions du 13 septembre 2022 le réenrôlement de l'affaire, auquel le conseil des intimés, consulté à cet égard le 6 octobre 2022, ne s'est pas opposé, concluant au fond le 10 octobre 2022.
13. L'affaire a été réenrôlée sous le n° RG 22/6420.
14. Par conclusions n° 1 du 10 octobre 2022, M. et Mme [M] ont interjeté appel incident sur la réduction de la clause pénale, le rejet de l'indemnisation du préjudice moral et le rejet du remboursement des frais de notaire et d'huissier de justice.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
15. M. [Y] et Mme [K] exposent leurs prétentions et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 16 mars 2023 aux termes desquelles ils demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. et Mme [M] de leurs demandes de dommages et intérêts,
- infirmer le jugement pour le surplus,
- en conséquence,
- débouter M. et Mme [M] de l'ensemble de leurs demandes,
- y ajoutant,
- condamner ces derniers à leur payer la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner les mêmes aux entiers dépens, en allouant à la selarl d'avocats interbarreaux ([Localité 12]-[Localité 13]-[Localité 14]-[Localité 9]-[Localité 5]-[Localité 11]) Cornet-Vincent-Ségurel (CVS - maître Benoît Bommelaer), avocat aux offres de droit, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.
16. M. et Mme [M] exposent leurs prétentions et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 18 janvier 2023 aux termes desquelles ils demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a appliqué la sanction de la clause pénale,
- infirmer le jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 6.000 € le montant de celle-ci,
- par conséquent,
- condamner M. [Y] et Mme [K] à leur verser la somme de 5.300 € en vertu de la clause pénale stipulée entre les parties avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2018,
- infirmer le jugement du 9 septembre 2021 ayant rejeté leur demande d'indemnisation au titre de leur préjudice moral,
- par conséquent,
- condamner M. [Y] et Mme [K] à leur payer la somme de 2.000 € à ce titre,
- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande relative aux frais de notaire et d'huissier acquittés pour la rédaction du procès-verbal de carence et pour faire sommation aux défendeurs de réitérer la vente,
- par conséquent,
- condamner M. [Y] et Mme [K] à leur verser la somme de 603,13 € à ce titre,
- en tout état de cause,
- débouter M. [Y] et Mme [K] de leurs demandes,
- condamner ces derniers à leur verser la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [Y] et Mme [K] aux dépens.
17. Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.
MOTIVATION
1) Sur l'imputabilité de la défaillance des conditions suspensives
18. M. [Y] et Mme [M] soutiennent que la non-réalisation des conditions suspensives d'obtention du prêt et du permis de démolir et construire résulte de circonstances indépendantes de leur volonté, à savoir d'une part les négligences du courtier MeilleurTaux.com qui n'a pas déposé la demande de prêt en temps utile faute de disposer lui-même des pièces relatives au projet de construction et, d'autre part, les négligences du constructeur de maisons individuelles Habitat Plus qui a attendu le 5 avril 2018 pour établir un dossier de permis de construire alors que ce permis devait être obtenu pour le 15 avril suivant au plus tard, échéance qui était de ce fait devenue impossible à tenir.
19. Ils estiment que le tribunal, qui a retenu que les acquéreurs ne pouvaient valablement soutenir qu'ils étaient totalement étrangers à l'échec de la réalisation des conditions suspensives, n'avait pas pris en compte ces circonstances alors même que la défaillance non fautive d'une seule des conditions suspensives suffisait à entrainer la caducité du compromis sans indemnité.
20. M. et Mme [M] soutiennent que les acquéreurs sont à l'origine de l'échec des conditions suspensives dès lors que l'unique demande de prêt faite par eux a été déposée tardivement, soit le 1er juin 2018, outre que cette demande de prêt portait sur un montant plus élevé que celui stipulé au compromis de vente, Ils ajoutent qu'aucune demande de permis de construire n'a été déposée par les acquéreurs dans le délai imparti à savoir la date du 15 février 2018.
Réponse de la cour :
21. L'article 1304-3 alinéa 1 du code civil dispose que "La condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement."
22. Il est jugé par la Cour de cassation qu'il appartient à l'emprunteur de démontrer qu'il a sollicité un prêt conforme aux caractéristiques définies dans la promesse de vente (Civ. 1ère, 13 novembre 1997, n° 95-18.276, Civ.3ème, 30 janvier 2008, n° 06-21.117) et que lorsque le bénéficiaire d'une promesse de vente fait une demande de financement pour un montant supérieur à celui envisagé dans la promesse, il manque à son obligation de diligence et fait obstacle à la réalisation de la condition suspensive (Com, 23 nov. 1993, n° 91-21.846).
23. Dès lors, lorsque la condition suspensive n'est pas réalisée, il appartient au bénéficiaire de la promesse qui prétend s'exonérer de sa responsabilité de démontrer qu'il a accompli les démarches qui lui incombaient afin d'obtenir un prêt conforme aux stipulations contractuelles, notamment quant au montant emprunté, au taux et à la durée de l'emprunt, et qu'il a été empêché d'accomplir son obligation par des circonstances indépendantes de sa volonté.
24. Il convient en conséquence d'examiner à la lumière des pièces produites par les parties d'une part les circonstances de non réalisation des conditions suspensives de prêt et de permis de construire et, d'autre part, l'empêchement à leur accomplissement.
S'agissant de la condition suspensive de prêt
25. En l'espèce, le compromis de vente a prévu une obtention au plus tard le 5 février 2018 par les acquéreurs auprès de tout organisme financier d'un prêt d'un montant de 259.825 € au taux maximum de 1,80 % par an (hors assurances) remboursables sur 25 ans.
26. Il n'est pas contesté que M. [Y] et Mme [K] n'ont ni déposé ni obtenu à cette date précise le financement envisagé de sorte que la non réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un prêt à la date du 5 février 2018 est caractérisée.
27. M. [Y] et Mme [K] invoquent la négligence de leur courtier pour s'exonérer de leur responsabilité, lequel n'aurait lui-même pas été en possession des pièces relatives à la construction pour déposer la demande (contrat de construction signé par le siège, notice descriptive du projet).
28. En effet, leur première demande de prêt a été déposée le 8 février 2018 par leur courtier Mme [I] de l'agence Meilleurtaux.com ainsi qu'elle l'indique dans un courriel du même jour adressé au Crédit mutuel annonçant la transmission de la "demande de prêt".
29. Toutefois, il ne peut qu'être relevé que M. [Y] et Mme [K] s'abstiennent de produire cette demande de prêt telle qu'elle a été déposée à cette date de sorte qu'il n'est pas possible d'en vérifier la conformité de la teneur aux exigences contractuelles, ce qui constitue pourtant la première des obligations imposées aux acquéreurs.
30. Un courrier adressé le 22 juillet 2019 par le Crédit mutuel aux acquéreurs permet d'apprendre que la banque confirme que cette "demande initiale de financement" a bien été déposée à cette date du 8 février 2018 mais surtout qu'il a été adressé aux acquéreurs en son temps ' à une date qui n'est pas précisée ' une attestation de refus de prêt.
31. Là encore, cette attestation de refus de prêt n'est pas produite par les acquéreurs de sorte que les motifs du refus ne sont pas connus et ne permettent pas d'en conclure qu'ils constitueraient une cause étrangère bénéficiant aux acquéreurs.
32. Il est encore relevé que M. [Y] et Mme [K] ne font état d'aucune relance adressée par leurs soins au courtier Mme [I] ou au Crédit mutuel quant au devenir de leur demande de prêt. Ils ne produisent pas non plus le mandat supposé les lier au courtier, ce qui ne permet pas de connaître la teneur et l'étendue du mandat de recherche de financement qu'ils prétendent lui avoir confié. Ils se sont abstenus de le mettre en cause dans la présente affaire, ne serait-ce que pour être garanti du paiement des condamnations éventuellement prononcées à leur encontre.
33. En tout état de cause, quand bien même le courtier Meilleurtaux.com aurait été dument mandaté pour le dépôt d'une demande de prêt, il convient de rappeler que la faute ou la carence du mandataire est inopposable aux vendeurs, tiers au contrat de mandat, et qu'un tel mandat (si tant est qu'il puisse être caractérisé) ne décharge pas le mandant de ses propres obligations contractées envers les vendeurs. C'est donc vainement que M. [Y] et Mme [K] invoquent une carence du courtier ' qui n'est du reste pas établie ' pour soutenir que l'échec de la condition suspensive d'obtention d'un financement ne leur serait pas imputable.
34. En tout dernier lieu, M. [Y] et Mme [K] invoquent deux nouvelles demandes de prêt qui ont été déposées au Crédit mutuel les 1er et 18 juin 2018. Néanmoins, ces deux demandes ont été transmises pour les besoins de la cause, à savoir postérieurement à la relance du notaire s'inquiétant de l'avancée de leurs démarches, et elles sont largement hors délai, sans que le courtier puisse être incriminé pour ce retard, tandis qu'au surplus, le montant de la demande du 1er juin 2018 porte sur la somme de 276.499,54 €, soit un montant supérieur de 16.674,54 € au montant indiqué dans la promesse de vente.
35. Le 12 juin 2018, puis le 9 avril 2019, le Crédit mutuel a fait connaître à M. [Y] et Mme [K] qu'il était "au regret" de ne pouvoir "donner une suite favorable" à ces demandes. Aucun de ces deux refus n'est motivé ' par exemple par l'insuffisance des capacités financières des emprunteurs (ce que ceux-ci n'allèguent du reste pas) ' de sorte que là encore, il ne saurait en être tiré l'existence d'une circonstance indépendante de la volonté des acquéreurs qui serait de nature à les exonérer de leur responsabilité.
36. Au total, la non réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un prêt conforme aux stipulations contractuelles est acquise aux débats tandis que M. [Y] et Mme [K] n'établissent pas l'existence d'un empêchement à l'accomplir qui aurait été indépendant de leur volonté.
S'agissant de la condition suspensive d'obtention d'un permis de démolir et construire purgé de tout recours
37. Il n'est pas contesté qu'aucune demande de permis de construire n'a été déposée par les acquéreurs dans le délai imparti, à savoir au plus tard le 15 février 2018, et qu'aucun permis de démolir et de construire purgé de tout recours n'a été obtenu le 15 avril 2018 au plus tard de sorte que la non réalisation de la condition suspensive d'obtention d'un permis valable à la date du 15 avril 2018 est caractérisée.
38. Pour s'exonérer de leur responsabilité, M. [Y] et Mme [K] invoquent cette fois la négligence de leur constructeur qui n'aurait pas établi dans les délais impartis le dossier de demande de permis de construire ni les plans de la construction et n'aurait pas pris en compte le désamiantage de la bâtisse à démolir porté à leur connaissance après les signatures du CCMI et du compromis de vente.
39. Là encore, bien que M. [Y] et Mme [K] aient confié leur projet de construction à Habitat Plus concomitamment à la signature du compromis de vente, rien dans les pièces transmises, et en particulier dans le contrat de construction de maison individuelle, n'indique que le constructeur a été chargé des démarches administratives, encore que pareil mandat ne déchargerait pas les acquéreurs d'accomplir les démarches qui leur incombent pour la levée des conditions suspensives.
40. Incriminant le constructeur Habitat Plus, M. [Y] et Mme [K] ne l'ont, à l'instar du courtier, pas assigné dans la présente procédure. Ils ne produisent aucun échange avec celui-ci ni aucun courrier de relance en dépit du retard qu'ils lui imputent dans le montage du dossier de permis de construire.
41. Ils ne font pas non plus état d'une impossibilité juridique au projet liée à des contraintes urbanistiques.
42. Enfin, concernant l'opération de désamiantage de la bâtisse à démolir, dont la nécessité n'est discutée par personne, M. [Y] et Mme [K] ne produisent là encore aucune pièce attestant de leurs échanges sur ce point avec le constructeur ou avec les vendeurs. De ce fait, la simple allégation de la nécessité de désamianter ne saurait suffire à motiver une exonération de responsabilité, étant en tout dernier lieu précisé que cette opération n'était pas censée concerner le constructeur.
43. En tout état de cause, à la supposer établie ' ce qu'aucune pièce produite ne démontre ', la faute ou la carence du constructeur est inopposable aux vendeurs, lesquels sont tiers au contrat de construction.
44. C'est donc vainement que M. [Y] et Mme [K] invoquent une carence de celui-ci pour soutenir que l'échec de la condition suspensive d'obtention du permis de construire ne leur serait pas imputable.
45. En tout dernier lieu, ainsi que l'a justement relevé le tribunal pour illustrer le comportement des acquéreurs, M. [Y] et Mme [K] n'ont jamais tenus informés M. et Mme [M], voire le notaire, de l'avancement de leurs démarches de prêt après février 2018 et ensuite de permis, ni des difficultés supposément rencontrées, avant que le notaire instrumentaire ne les interpelle par téléphone en mai 2018 puis par courriel du 6 juin 2018.
46. Ils n'ont pas fait jouer la clause de prorogation qui aurait permis de décaler les échéances des conditions suspensives.
47. Encore, courant 2018, à une date non précisée mais qui peut être située au début du mois de novembre 2018, ils ont changé d'adresse sans informer quiconque, ce qu'ils ne contestent pas, conduisant à transformer la sommation d'avoir à comparaître à la réitération de la vente en procès-verbal de vaines recherches du 21 novembre 2018, lequel précise : "Sur place, sur le tableau des occupants figure le nom de "[K]" avec indication 4ème étage et renvoi sur l'interphone. A l'interphone, j'ai eu une dame qui m'a indiqué que les destinataires de l'acte étaient partis depuis trois semaines mais ne connaissait pas leur nouvelle adresse. J'ai exploité un numéro de portable [XXXXXXXX01] communiqué par ma requérante Maître [C], notaire, qui ne répond pas, j'ai laissé un message."
48. Ils n'expliquent pas non plus les raisons qui les ont conduits à refuser de signer une résiliation amiable proposée par les vendeurs aux termes de laquelle ils se désengageaient du compromis sans verser d'indemnité tandis que les vendeurs recouvraient leur totale et entière liberté de disposer de leur bien sans recours à leur encontre.
49. Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté l'empêchement à l'accomplissement des conditions suspensives et retenu la responsabilité de M. [Y] et Mme [K], acquéreurs, dans l'échec desdites conditions litigieuses.
2) Sur les demandes indemnitaires des vendeurs
a) Sur la clause pénale
50. M. [Y] et Mme [K] soutiennent qu'ils ne peuvent pas être condamnés à régler une quelconque somme au titre de la clause pénale dès lors que le compromis ne prévoit que des dommages et intérêts pour sanctionner la non-réalisation des conditions suspensives, ce qui implique la démonstration d'un préjudice qui, selon eux, n'existe pas puisque M. et Mme [M] ont vendu leur bien courant 2019. Ils ajoutent subsidiairement que le montant de la clause pénale doit être largement réduit aux vu des circonstances ayant entouré l'exécution de la promesse de vente.
51. M. et Mme [M] considèrent que la clause pénale est due par les acquéreurs au regard des manquements qui leur sont imputables. Ils estiment que son montant tel qu'il a été fixé par le tribunal doit être complété par la somme de 5.300 €, ce en sus du paiement déjà effectués par les appelants, de sorte à totaliser une somme de 11.300 € telle qu'elle est prévue au compromis.
Réponse de la cour :
52. En droit, l'article 1231-5 alinéas 1 et 2 du code civil dispose que "Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre.
53. Si aucune méthode d'analyse particulière n'est fixée pour apprécier la disproportion de la clause, le montant de la clause pénale, fixé forfaitairement et d'avance, peut être modulée par le juge si celui-ci est manifestement excessif ou dérisoire, notamment au regard du préjudice réellement subi par son créancier.
54. En l'espèce, le compromis prévoit, en son article intitulé "Clause pénale" l'application d'une telle clause dans le cas où l'une des parties viendrait à refuser de régulariser la vente par acte authentique, précisant que "la partie qui n'est pas en défaut pourra, à son choix, prendre acte du refus de son co-contractant et invoquer la résolution du contrat. Dans l'un et l'autre cas, il est expressément convenu que la partie qui n'est pas en défaut percevra de l'autre partie, à titre d'indemnisation forfaitaire de son préjudice, la somme de 11.300 €".
55. En proposant une résiliation amiable début novembre 2018 et en constatant le 29 novembre 2018 que les acquéreurs ne s'étaient pas présentés au rendez-vous de signature de l'acte authentique fixé à cette date, le notaire ayant dressé un procès-verbal de carence, M. et Mme [M] ont pris acte de ce que M. [Y] et Mme [K] ont refusé de signer la vente authentique et ont poursuivi le recouvrement de la clause pénale en assignant ces derniers par actes d'huissier de justice des 25 avril et 2 mai 2019.
56. Telle qu'elle est prévue au compromis, celle-ci s'adosse au préjudice de la partie qui n'est pas en défaut, en l'espèce M. et Mme [M], vendeurs. Or, ainsi que cela résulte de l'attestation notariée du 23 juillet 2019, ceux-ci ont pu revendre leur terrain à cette date. Ils n'en précisent pas le prix de vente mais n'allèguent pas de perte financière ni non plus aucun autre préjudice que le retard subi dans la régularisation de cette cession. Rien n'est précisé non plus quant au sort réservé à la bâtisse amiantée et à la prise en charge des frais de dépollution de celle-ci.
57. Ces circonstances permettent de retenir que tel que fixé au compromis, le montant de la clause pénale est manifestement excessif au regard du préjudice des vendeurs et il convient de confirmer sa réduction dans la proportion retenue par le jugement, à savoir à hauteur de 6.000 €.
b) Sur le préjudice moral
58. M. [Y] et Mme [M] estiment ne pas avoir à indemniser M. et Mme [M] d'un quelconque préjudice moral dès lors qu'ils ne s'estiment pas responsables de la défaillance des conditions suspensives litigieuses, qu'ils rattachent à des motifs indépendants de leur volonté, et qu'à le supposer établi, ce préjudice moral est couvert par la clause pénale.
59. M. et Mme [M] allèguent que l'état d'incertitude dans lequel ils ont été plongés par la faute des acquéreurs, puis le refus abusif de ceux-ci de réitérer la vente, ont ajouté de l'anxiété à Mme [M] dont l'état de santé était déjà très affecté du fait d'un cancer du sein.
60. Le tribunal a retenu que le compromis limitait l'indemnisation au préjudice résultant de l'immobilisation du bien.
Réponse de la cour :
61. En droit, l'article 1240 du code civil énonce que "Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer."
62. Par ailleurs, il est constant que le juge peut allouer des dommages et intérêts à la victime s'ils sont indépendants du préjudice que la clause pénale est destinée à réparer.
63. En l'espèce, la demande d'indemnisation formulée au titre du préjudice moral par M. et Mme [M] est indépendante de l'application de la clause pénale puisque cette demande de réparation est fondée sur un état d'anxiété généré par l'incertitude entourant l'aboutissement de la vente.
64. Il demeure toutefois que M. et Mme [M] ne produisent en ce sens aucun élément ' ne serait-ce qu'un certificat médical circonstancié établi par le médecin traitant ou par l'oncologue ' pour établir un état d'anxiété à l'époque de la vente et qui se serait par ailleurs aggravé du fait de l'absence de réalisation de celle-ci.
65. Cette demande ne peut donc qu'être rejetée.
66. Le jugement, sera confirmé, mais par substitution de motifs, en ce qu'il a écarté la demande d'indemnisation formulée au titre du préjudice moral.
3) Sur les dépens et les frais irrépétibles
67. Succombant, M. [Y] et Mme [K] supporteront les dépens d'appel.
68. Le jugement sera confirmé s'agissant des dépens de première instance.
69. Enfin, eu égard aux circonstances de l'affaire, il n'est pas inéquitable de condamner M. [Y] et Mme [K] à payer à M. et Mme [M] la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par eux en appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.
70. Le jugement sera confirmé s'agissant des frais irrépétibles de première instance tandis que les demandes de M. [Y] et Mme [K] de ce chef seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme par substitution de motifs le jugement du tribunal judiciaire de Nantes du 9 septembre 2021 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [X] [Y] et Mme [Z] [K] aux dépens d'appel,
Condamne M. [X] [Y] et Mme [Z] [K] à payer à M. et Mme [E] [M] la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel,
Rejette le surplus des demandes.