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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 12 novembre 2024, n° 23/00045

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Époux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Rouger

Conseillers :

Mme Robert, M. Leclercq

Avocats :

Me Delomel, Me Gaux, Me Avenas

TJ Montauban, du 1 déc. 2022, n° 22/0008…

1 décembre 2022

Exposé des faits et procédure :

Le 6 octobre 2012, M. [O] [L] et Mme [A] [Y] épouse [L] ont signé un bon de commande auprès de la société Enr+ pour la fourniture et la pose d'un pack producteur photovoltaïque et un chauffe-eau thermodynamique, au prix de 26.500 euros TTC.

Parallèlement, ils ont signé un contrat de crédit affecté portant sur un capital de 26.500 euros auprès de la société Banque Solfea, d'une durée de 180 mois au taux débiteur fixe de 5,79% par an.

S'estimant lésés, M. et Mme [L] ont pris attache à partir du début de l'année 2015 avec M. [F] [X], qui exerçait une activité libérale de consultant dans les affaires et la gestion, par l'intermédiaire du cabinet CS'consultant.

Par courrier du 16 janvier 2015, M. [X] a proposé à M. et Mme [L] de les assister dans le cadre d'une procédure judiciaire à engager à l'encontre du vendeur et du prêteur avec l'assistance de son cabinet, aux conditions suivantes :

- un montant net forfaitaire des honoraires de procédure de 2.500 euros (partant de la signature de la lettre de mission jusqu'au jugement) ;

- un montant net forfaitaire de 2.500 euros au titre des honoraires de résultat uniquement facturés en cas de succès total du procès (nullité du bon de commande, du capital et des intérêts du crédit).

La société Enr+ a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 17 juin 2015.

Une instance a été engagée par M. Et Mme [L] devant le tribunal d'instance de La Roche sur Yon.

Par acte du 4 avril 2017, M. et Mme [L] ont fait assigner la Sarl Enr+, prise en la personne de la Selarl Gauthier-Sohm en qualité de mandataire liquidateur et la Sa Banque Solfea devant le tribunal d'instance du 2ème arrondissement de Paris.

La liquidation judiciaire de la société Enr+ a été clôturée pour insuffisance d'actifs par jugement du 6 novembre 2019, publié au BODACC le 15 novembre 2019.

Par courrier du 28 janvier 2021, M. [X] a informé M. et Mme [L] de son intention de mettre fin à son activité, et de la reprise du dossier par Maître Annick Batbare, avocat, sans changement dans le déroulement de leur procès en cours, tant pour leur représentation dans le cadre de l'instance que pour le coût initialement mis à leur charge.

Par jugement du 12 mai 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a :

déclaré irrecevables les demandes de M. et Mme [L] tendant au prononcé de la déchéance du droit aux intérêts du contrat de crédit affecté au contrat de vente du 6 octobre 2012 et à la restitution des sommes perçues en exécution du crédit,

condamné in solidum M. et Mme [L] aux dépens de l'instance,

dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté M. et Mme [L], d'une part, et la société Banque Solfea, d'autre part, de leurs demandes formulées sur ce fondement,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Pour statuer ainsi, le juge a considéré que les demandes de déchéance du droit aux intérêts du contrat de crédit affecté au contrat de vente et de restitution des sommes perçues en exécution du crédit étaient fondées sur les irrégularités affectant le contrat de vente ; que les demandes apparaissaient irrecevables à défaut de mise en cause de la société Enr+, par l'intermédiaire d'un mandataire ad hoc, la liquidation judiciaire de cette société ayant été clôturée pour insuffisance d'actifs.

Par courrier recommandé du 31 août 2021, M. et Mme [L] ont mis M. [X] en demeure de leur payer la somme de 26.500 euros sous dix jours, en réparation de la perte de chance d'avoir obtenu une décision judiciaire plus favorable en raison de manquements dans la gestion de leur dossier, tant sur la forme que sur le fond.

Par acte du 28 janvier 2022, M. [O] [L] et Mme [A] [Y] épouse [L] ont fait assigner M. [F] [X] devant le tribunal judiciaire de Montauban aux fins de voir reconnaître sa responsabilité contractuelle à leur égard en sa qualité de mandataire et, en conséquence, de le condamner à leur verser diverses sommes en réparation des préjudices subis.

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Par un jugement du 1er décembre 2022, le tribunal judiciaire de Montauban a :

dit que M. [F] [X] a commis des fautes dans la gestion de son mandat au préjudice de M. et Mme [L],

condamné M. [F] [X] à verser M. et Mme [L] la somme de 3.000 euros en réparation de leur préjudice moral,

débouté M. et Mme [L] de leur demande de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice matériel,

débouté M. [F] [X] de sa demande de dommages et intérêts,

condamné M. [F] [X] à verser à M. et Mme [L] la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 1° du code de procédure civile,

condamné M. [F] [X] aux dépens de l'instance,

rappelé que la présente décision bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le premier juge a estimé que M. [X] via le cabinet CS'consultant, mandataire des époux [L], avait la maîtrise juridique du litige puisqu'il était le décideur sur la stratégie et les moyens soulevés et qu'il devait valider les écritures, ce qui reléguait l'avocat à un rôle de postulant. Il a retenu que les avocats assuraient le suivi procédural du dossier sans relation directe avec les clients ; qu'ainsi, M. [X], mandataire des époux [L], avait seul la maîtrise de la procédure et du fond ; que le dossier avait fait l'objet de deux radiations ce qui témoignait d'une absence de suivi, et qu'in fine, le tribunal a déclaré les demandes irrecevables en l'absence de mise en cause d'un mandataire ad hoc pour la société Enr+, élément qui avait été mis dans le débat de sorte que cette irrecevabilité était prévisible ; qu'à aucun moment durant ces 6 années, M. [X] ne s'était rapproché de ses mandants afin de faire le point et de les informer des vicissitudes rencontrées, des options qui s'offraient à eux alors qu'il avait la maîtrise totale du processus, ayant attendu la fin de l'année 2018 pour s'en préoccuper et décharger Me [U] au profit de Me [C]. Il a estimé que M. [X], qui était le seul interlocuteur des avocats et avait totalement en charge le litige des époux [L], avait commis une faute dans la gestion de son mandat, indépendamment du choix des mandants d'avoir ou non interjeté appel du jugement du 12 mai 2021 (à supposer qu'ils aient été informés de cette possibilité et des risques et avantages qui pouvaient en être attendus).

S'agissant du préjudice matériel, il a relevé qu'y compris avant le revirement de jurisprudence évoqué, il existait un aléa judiciaire et que les chances de succès étaient intrinsèquement liées aux éléments de la cause, dont le tribunal ne disposait pas et au premier chef les éléments qui étaient entrés dans le champ contractuel (plus précisément la question de la rentabilité de l'installation) outre les éléments relatifs au fonctionnement de l'installation, et qu'ainsi, aucune perte de chance ne pouvait être retenue au profit des époux [L].

Il a estimé en revanche qu'entretenus dans le conviction de l'aboutissement favorable de leur demande par leur mandataire qui, en qualité de professionnel, avait à la fois la maîtrise de la procédure et toute leur confiance, les époux [L] avaient subi, après une attente aussi longue, un préjudice moral qu'il convenait d'indemniser à hauteur de 3.000 euros.

Il a considéré que la procédure engagée par les époux [L] n'apparaissait ni opportuniste, ni abusive, de sorte que M. [X] devait être débouté de sa demande de dommages et intérêts.

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Par déclaration du 4 janvier 2023, M. [O] [L] et Mme [A] [L] ont relevé appel de ce jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice matériel à hauteur de 26.500 euros.

Prétentions et moyens des parties :

Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 septembre 2023, M. [O] [L] et Mme [A] [Y] épouse [L], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1231-1, 1984, 1991 et 1992 du code civil, de :

infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. et Mme [L] de leur demande de condamnation à l'encontre de M. [X] à hauteur de 26.500 euros, en réparation de leur préjudice matériel,

confirmer le jugement dont appel pour le surplus,

Statuant à nouveau,

condamner M. [X] à verser à M. et Mme [L] la somme de 26.500 euros, en réparation de leur préjudice matériel, correspondant au montant de l'opération contractuelle passée avec la société Enr+ et la banque Solfea,

condamner M. [X] à verser à M. et Mme [L] la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner le même aux entiers dépens.

Ils soutiennent que la responsabilité de M. [X] est engagée à leur égard, en qualité de mandataire. Ils font valoir qu'il avait la maîtrise juridique du litige puisqu'il était le décideur sur la stratégie et les moyens soulevés et qu'il devait valider les écritures, ce qui reléguait l'avocat à un rôle de postulant ; qu'il avait seul la maîtrise de la procédure et du fond et qu'il a commis une faute dans la gestion de son mandat car les époux [L] ont attendu 6 années et ont finalement obtenu une décision d'irrecevabilité de leurs demandes ; que peu importe leur choix de n'avoir pas interjeté appel du jugement du 12 mai 2021 (à supposer qu'ils aient été informés de cette possibilité et des risques et avantages qui pouvaient en être attendus).

Ils estiment que si l'affaire avait été jugée dans un délai raisonnable par le tribunal d'instance de la Roche sur Yon, ils auraient obtenu une décision judiciaire favorable à la fin de l'année 2016, la faute de la banque entraînant alors dispense de remboursement du capital, selon la jurisprudence en vigueur à l'époque ; que cependant, M. [X] a fait le choix de saisir le tribunal d'instance de Paris, et que compte tenu d'un défaut de diligence, la décision n'a été rendue qu'en 2021 ; qu'à cette époque, la jurisprudence avait changé, la dispense de remboursement du capital en cas de faute de la banque n'étant prononcée qu'en cas de preuve du préjudice en lien de causalité avec la faute de la banque ; que dès lors, ils ne pouvaient plus espérer une décision favorable. Ils demandent donc le remboursement de la somme de 26.500 euros, montant de l'opération contractuelle initiale.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 juin 2024, M. [F] [X], intimé, ayant formé appel incident demande de :

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et mal fondées,

infirmer le jugement dont appel, sauf en ce qu'il a :

* débouté M. et Mme [L] de leur demande de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice matériel,

Statuant à nouveau,

débouter M. et Mme [L] de l'intégralité de leurs demandes, manifestement infondées,

écarter une quelconque responsabilité de M. [X] quant à la lenteur de la procédure de M. et Mme [L] devant le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire de Paris, affaire conduite par Maître Ariane Vennin, avocate au barreau de Paris, de 2015 à fin 2019, puis par Maître Élise Hocde, avocate au barreau de Tours de début 2020 à mai 2021,

prononcer la responsabilité de M. et Mme [L] de leur situation en ne prenant pas la décision de relever appel sur un jugement critiquable du fait de la violation des articles 5 et 753 du code de procédure civile ainsi que la violation des dispositions d'ordre public de l'article L.311-20 du code de la consommation,

inviter M. et Mme [L] à mieux se pourvoir,

condamner M. et Mme [L] à la somme de 10.000 euros aux motifs d'une procédure manifestement opportuniste et abusive, ainsi qu'aux allégations vexatoires à l'encontre du concluant,

condamner M. et Mme [L] à la somme de 6.000 euros, couvrant la première instance et l'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais attachés aux tentatives irrégulières de saisies.

Il soutient qu'il intervenait en binôme avec l'avocat constitué. Il fait valoir que le grief formulé concernant la durée trop longue de la procédure est une question de nature purement procédurale et qu'il a pris des mesures pour y remédier, face à l'entêtement et l'enfermement de l'avocat dans un silence et une absence de communication qui sont les causes uniques des retards.

Il soutient que la décision du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris du 12 mai 2021 est critiquable, et que les époux [L] auraient dû faire appel, aucune de leurs demandes n'étant dirigées contre le vendeur, et le consommateur n'ayant pas besoin d'établir un grief pour ne pas restituer le capital au prêteur.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 juin 2024.

L'affaire a été examinée à l'audience du 17 juin 2024.

Motifs de la décision :

Sur la responsabilité de M. [X] :

L'article 1984 du code civil dispose : 'Le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.

Le contrat ne se forme que par l'acceptation du mandataire.'

L'article 1991 alinéa 1 du même code dispose : 'Le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution.'

L'article 1992 du même code dispose : 'Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion.

Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire.'

Sur le mandat entre l'association GPPEP et M. [X] :

Suivant mandat du 13 août 2015 signé par son président, l'association groupement des particuliers producteurs d'énergie photovoltaïque (GPPEP) a donné mandat à M. [F] [X], cabinet CS'Consultant :

'- d'agir, transiger et engager toute procédure utile dans l'intérêt de l'association et de ses adhérents ou/et de répondre à toute assignation adverse, le tout dans le cadre exclusif des litiges liés aux contrats de panneaux photovoltaïques ;

- de constituer avocat de son choix devant la juridiction compétente, sauf autre proposition de l'adhérent.'

Le mandat précise : 'Le relationnel, le suivi et l'entière gestion des dossiers sur le fonds sont confiés à M. [F] [X] qui sera le seul à être en relation avec l'association et l'adhérent ; l'avocat constitué étant chargé du suivi de la procédure, de la relation avec ses contradicteurs et d'assurer l'audience des plaidoiries.'

L'assemblée générale de l'association groupement des particuliers producteurs d'énergie photovoltaïque (GPPEP) du 18 juin 2016 a donné mandat à M. [F] [X] de représenter, agir et transiger en justice devant toute juridiction et institution dans l'intérêt de l'association et de ses membres, individuellement et collectivement.

Il est allégué que la qualité de mandataire national de l'association GPPEP aurait été perdue lors de la délibération de l'association GPPEP du 1er juin 2018, par la cessation du partenariat convenu entre l'association GPPEP et le cabinet CS'consultant, mais il n'en est pas justifié.

En tout état de cause, il n'est pas justifié que M. et Mme [L] étaient adhérents de l'association GPPEP.

Sur le mandat entre les époux [L] et M. [X] :

Dans un courriel du 16 janvier 2015, le cabinet CS'consultant [F] [X] a proposé son assistance aux époux [L].

Il dit avoir analysé avec la plus grande attention les pièces de leur dossier. Il indique : 'Il en résulte indubitablement que la société et la banque ont violé de très nombreuses dispositions d'ordre public du code de la consommation et du code civil, ce qui permet de penser de pouvoir obtenir la nullité du bon de commande et par voie de conséquence l'anéantissement des intérêts du crédit. Il est également patent que la banque a elle-même commis des fautes majeures qui devraient la priver du remboursement du capital prêté.

Force est donc de constater que votre dossier contient les éléments plus que suffisants pour penser obtenir les nullités parfaites du contrat de vente et du crédit dans son ensemble.

Si vous deviez opter pour une procédure à l'encontre de vos deux adversaires avec l'assistance de mon cabinet, les conditions sont les suivantes :

- le montant net forfaitaire des honoraires de procédure est de 2.500 euros (partant de la signature de la lettre de mission jusqu'au jugement) ; [...]

- s'y ajoutera le montant net forfaitaire de 2.500 euros au titre des honoraires de résultat uniquement facturés en cas de succès total du procès (nullité du bon de commande, du capital et des intérêts du crédit).

Si cette proposition devait vous convenir, je vous remercie de me faire part de l'échelonnement souhaité afin que je vous adresse la lettre de mission.'

La lettre de mission envoyée à l'en-tête de Me [V] le 10 février 2015 mais portant la même signature que la note d'honoraires envoyée par M. [X] (pièces 5 et 6 intimé) indique : 'M. [X] sollicite mon concours pour les besoins d'une procédure civile devant la juridiction compétente, en l'espèce le tribunal d'instance de votre domicile. Au préalable, je vous remercie vivement de la confiance accordé à mon cabinet et vous assurer d'une parfaite collaboration avec M. [X]. [...] C'est en conséquence un dossier parfaitement argumenté par M. [X] à l'encontre de la société et de la banque qui sera déposé et plaidé devant le tribunal. Aussi nous vous proposons pour l'ensemble de notre prestation : secrétariat, analyse, documentation, rédaction (assignation et conclusions) ainsi que la représentation devant le tribunal d'instance de votre domicile, la somme forfaitaire de 2.500 euros et, au titre des honoraires sur résultat positif total, celle de 2.500 euros net. La ventilation sera la suivante pour la première tranche : facturation de [F] [X] de 2.500 euros dont rétrocession à l'avocat constitué. [...]. Enfin, en cas de succès total, la ventilation sera la suivante pour la seconde tranche : facturation de [F] [X] de 2.500 euros.

Si tout ceci devait vous convenir, je vous saurais gré de me retourner par mail ou à l'adresse de la facture la présente comportant vos accords et signatures.'

Il n'est pas produit d'exemplaire de la lettre de mission signé par les époux [L].

La note d'honoraires du 10 février 2015 adressée à M. et Mme [L] est à l'en-tête de 'CS'consultant [F] [X] juriste documentaliste rédacteur juridique' Elle précise qu'il 'ne procède à aucune vacation juridique hors le concours de la profession réglementée'.

Elle détaille :

'Prestations : accueil et relationnel client, explication détaillée du dossier et des pièces litigieuses, secrétariat, analyse, documentation, rédaction ;

Prestations de l'avocat : contrôle et révision des actes juridiques et procédures, assistance et représentation devant le tribunal d'instance de votre domicile ou de celui du siège social de l'organisme de crédit.

Honoraires forfaitaires (en ce compris les honoraires de l'avocat : 2.500 euros ;

Honoraires de résultat (2.500 euros) : mémoire.

Total net : 2.500 euros.'

Sont produits de nombreux échanges de courriels entre les époux [L] et M. [X], entre les années 2015 et 2020, relatifs à l'avancement de leur dossier.

Ces éléments établissent l'existence d'un contrat de mandat donné par M. et Mme [L] à M. [X] pour la conduite de leur dossier.

Sur les relations entre M. [X] et les avocats intervenant dans la procédure :

Les appelants produisent en pièce 18 un modèle de 'convention de prestation de services avocat' signé de M. [X].

L'exemplaire produit stipule :

'A la charge de la société CS'consultant : Le relationnel administratif technique et commercial avec ses mandants, le GPEPP et ses adhérents ; le suivi et l'entière gestion du dossier auprès de l'avocat constitué. A ce titre, sauf pour les besoins en respect de sa déontologie, la société CS'consultant sera son interlocutrice privilégiée.

A la charge de l'avocat : Le relationnel juridique avec les clients de la société CS'consultant ; l'assignation et le placement de l'affaire ou les conclusions responsives sur assignation adverse ; le suivi de la procédure vis-à-vis des audiences et des confrères ; les éventuelles répliques nécessaires aux conclusions adverses et la plaidoirie jusqu'au jugement de l'affaire.

Sans préjudice de la maîtrise de ses écritures et de son contrôle sur le projet préétabli, l'avocat s'engage à respecter le protocole mis en place par le GPPEP, très averti sur ce genre de litige réellement complexe.

Cependant, la décision finale sur la stratégie et les moyens soulevés appartient au client et son mandataire, la société CS'Consultant.

Au demeurant, l'avocat adressera ses écritures au mandataire du client, la société CS'Consultant, pour approbation avant dépôt'.

Le montant des honoraires d'avocat en première instance pour l'ensemble de la procédure est de 750 euros HT, et 250 euros HT dès réception d'un jugement favorable. La société CS'consultant est responsable du recouvrement de ces honoraires. La société CS'consultant est par ailleurs responsable du paiement de ses propres honoraires par ses mandants sans que l'avocat ne puisse intervenir à ce propos.

Les documents produits montrent que dans le dossier des époux [L], plusieurs avocats se sont succédés, notamment Me [U] et Me [C].

Ces avocats étaient des prestataires de service pour M. [X]. Il ressort des documents produits qu'ils recevaient des trames d'écritures très complètes et précises. La décision finale sur la stratégie et les moyens soulevés appartenait au client et son mandataire, M. [X]. L'avocat devait adresser ses écritures au mandataire du client, M. [X], pour approbation avant dépôt.

Ainsi, M. [X] exerçait vis-à-vis des époux [L] une mission de conseil juridique.

Dans un courrier du 28 janvier 2021, M. [X] a écrit à M. et Mme [L] : 'Au regard de mon âge avancé et mon état de santé, je suis contraint d'alléger fortement mon activité et ainsi, me permettre de retrouver une vie familiale plus équilibrée.

Pour autant, il n'est pas question bien évidemment de vous impacter, de près ou de loin, et de vous laisser démunis dans la défense de vos intérêts.

C'est pourquoi j'ai confié la poursuite du suivi de votre affaire à Me Annick Batbare [...].

Il n'y a donc aucun changement dans le déroulement de votre procès en cours, tant pour votre représentation devant la juridiction que pour le coût initialement mis à votre charge'.

La mission de M. [X] courait jusqu'à l'expiration du délai de recours contre la décision ayant terminé l'instance pour laquelle il avait reçu mandat de représenter et d'assister ses clients, sauf si sa mission avait pris fin auparavant. Or, il n'est pas démontré que le formulaire destiné à donner mandat à Me [I] a été signé par les époux [L]. Il n'est donc pas démontré que le mandat donné par les époux [L] à M. [X] a pris fin le 28 janvier 2021, un mandataire ne pouvant se décharger unilatéralement de sa mission si le mandat n'est pas arrivé à son terme.

Sur la faute de M. [X] dans ses relations avec M. et Mme [L] :

M. [X] doit répondre de ses actes, et également des fautes de ses prestataires de service, les divers avocats intervenus dans la procédure.

Or, le tribunal d'instance de la Roche sur Yon a d'abord été saisi. Puis une assignation a été délivrée en 2017 devant le tribunal d'instance de Paris, sans explication sur ce changement de juridiction.

M. [X] indique en pièce 23 que son reproche contre Me [U] concernant le dossier [L] est le suivant : 'l'avocate est censée avoir procédé à une assignation en 2015, mon mandataire comme moi-même n'avons pu obtenir les écritures des parties depuis cette date, nous ne savons où en est la procédure car elle le refuse.' Me [U] a cependant envoyé à plusieurs reprises à M. [X] des listings de dossiers, notamment le dossier [L] avec la mention de divers renvois. Le 28 décembre 2018, Me [U] s'est déchargée du dossier et a indiqué à Me [X] que l'audience était fixée au 19 septembre 2019 devant le tribunal d'instance de Paris, que l'assignation du liquidateur avait déjà été effectuée et qu'il manquait les écritures de la banque.

Le dossier a été confié à Me [C] par M. [X]. Ce dossier a fait l'objet d'une radiation le 19 septembre 2019. Le 30 septembre 2019, Me [C] a écrit à M. [X] à propos du dossier [L]/Solféa : 'Je vous informe que malgré la réception tardive des écritures en défense et la demande de report conjointe, le dossier a fait l'objet d'une radiation.'

Le dossier a de nouveau été radié le 14 mai 2020.

Le temps mis depuis 2015 pour obtenir un jugement en première instance et les deux radiations intervenues témoignent de négligences dans le suivi de ce dossier.

Finalement, les demandes ont été déclarées irrecevables par jugement du 12 mai 2021, faute d'avoir mis en cause un mandataire ad hoc après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif de la société Enr+. Les conclusions déposées pour les époux [L] soutenaient que la mise en cause du mandataire ad hoc de la société liquidée était inutile, les époux [L] soulignant n'agir que contre la banque.

M. [X] doit répondre de l'absence de mise en cause d'un mandataire ad hoc pour le vendeur. Il s'agissait d'une faute, car en l'absence du vendeur à la procédure, la nullité du contrat de vente, et partant la nullité de plein droit du contrat de crédit, ne pouvait être obtenue.

Ces éléments démontrent une faute de M. [X] dans l'accomplissement de son mandat.

Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a dit que M. [F] [X] a commis des fautes dans la gestion de son mandat au préjudice de M. et Mme [L].

Sur le préjudice de M. et Mme [L] en lien de causalité avec la faute de M. [X] :

M. et Mme [L] invoquent un préjudice matériel constitué par la perte de chance d'obtenir une décision judiciaire favorable si le travail opéré par leur mandataire avait été correctement fait. Ils invoquent également un préjudice moral.

La perte de chance s'entend comme la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.

En l'espèce, il s'agit d'apprécier une éventuelle perte de chance de M. et Mme [L] de gagner leur procès devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris.

Devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, le litige concernait M. et Mme [L], le liquidateur de la société Enr+ et la Sa banque Solfea.

M. et Mme [L] demandaient notamment :

- de dire applicables au cas d'espèce les dispositions d'ordre public du code de la consommation ;

- de dire nullement indispensable la présence de la société ENR+ radiée par jugement du tribunal de commerce prononçant la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs et contre laquelle aucune demande n'est formulée ;

- de débouter la société Banque Solfea de toute demande de restitution de fonds :

* au motif de la violation des dispositions d'ordre public du code de la consommation qui précisent les mentions obligatoires devant figurer sur le contrat de vente à peine de nullité ;

* au motif que le formulaire détachable de rétractation n'est pas conforme aux dispositions d'ordre public du code de la consommation ;

* au motif de l'irrégularité de l'attestation de fin de travaux ;

* au motif de l'irrégularité de l'attestation de fin de travaux qui ne précise en rien la prestation accomplie mais qui, néanmoins, a déclenché le décaissement des fonds de la banque au profit de la société venderesse ;

* au motif de l'absence d'information essentielle sur le contrat de vente de la productivité de l'installation ;

- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts :

* en l'absence de prérogative du démarcheur ;

* en l'absence de la vérification du fichier FICP de la banque de France par le prêteur ;

En tout état de cause :

- de condamner la Sa Banque Solfea à restituer les sommes perçues en exécution du crédit, sous astreinte.

En réponse, la Sa Banque Solfea demandait notamment :

A titre principal,

- de dire et juger les demandes formées par les époux [L] afférent à la régularité du contrat principal de vente et son exécution et visant à voir dire que la société banque Solfea aurait commis des fautes relatives à la vérification du bon de commande et au déblocage des fonds qui en sont l'accessoire, irrecevables ;

- de dire et juger à tout le moins lesdites demandes irrecevables, à défaut de présence de la société Enr+ à la présente procédure ;

- vu le remboursement anticipé du crédit, de les déclarer irrecevables et de les débouter de toutes les demandes formées à son encontre ;

Subsidiairement :

- de dire et juger les demandes infondées ;

- de dire et juger que les époux [L] n'établissent pas une faute de la banque liée à une cause de nullité qui affecterait le bon de commande, alors même que la nullité n'a pas été prononcée et ne peut l'être dans le cadre de la présente procédure, que les demandeurs ne caractérisent pas les irrégularités alléguées, qu'ils ont de surcroît en tout état de cause confirmé le contrat par son exécution volontaire, et qu'il n'incombait pas à la banque qui n'est pas juge du contrat de détecter une irrégularité au demeurant non caractérisée et à tout le moins, étant matière à appréciation ;

- de dire et juger en tout état de cause que les époux [L] n'établissent pas le préjudice qu'ils auraient subi en lien avec la faute alléguée à l'encontre de la banque, ce alors même qu'il est établi que l'installation est achevée et que les époux [L] ne forment plus aucune contestation ni action au titre du contrat principal, que de ce fait ils démontrent leur volonté de conserver l'installation solaire productive de revenus ;

- de dire et juger que la faute de la société Banque Solfea sur le fondement d'un prétendu dol auquel elle aurait participé n'est pas démontrée ;

- de dire et juger qu'il n'existe pas de cause de déchéance du droit aux intérêts contractuels.

En tout état de cause,

- de débouter les époux [L] de leur demande visant à voir la responsabilité de la banque engagée et de leur demande visant à voir la banque privée de sa créance de remboursement du capital emprunté.

Le liquidateur de la société Enr+ ne comparaissait pas.

Par jugement du 12 mai 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a déclaré irrecevables les demandes de M. et Mme [L] tendant au prononcé de la déchéance du droit aux intérêts du contrat de crédit affecté au contrat de vente du 6 octobre 2012 et à la restitution des sommes perçues en exécution du crédit.

Si le mandataire ad hoc de la société Enr+ avait été appelé en cause en première instance et si les délais pour obtenir un jugement en première instance avaient été moins longs, M. et Mme [L] auraient-ils pu obtenir la dispense du remboursement du capital prêté '

Ceci supposait au premier chef d'obtenir la nullité du contrat de vente, qui entraînait la nullité de plein droit du contrat de crédit, et posait alors la question de restitutions réciproques. La demande qu'ils formulaient de déchéance du droit aux intérêts n'était en revanche pas susceptible de les dispenser du remboursement du capital.

M. et Mme [L] invoquaient devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris la nullité du contrat de vente fondée sur les dispositions du code de la consommation. Cependant, seul le recto du bon de commande est produit (pièce 1 appelants et pièce 10 intimé). Le formulaire de rétractation et les conditions générales du contrat de vente ne sont pas produites.

M. et Mme [L] soulevaient également le dol, en l'absence d'information essentielle sur la productivité de l'installation. Cependant, ne sont pas produits les éléments relatifs à la rentabilité de l'installation qui seraient entrés dans le champ contractuel, le recto du bon de commande produit aux débats ne comportant pas de mentions relatives à la rentabilité.

Or, ces éléments sont nécessaires pour apprécier leurs chances d'obtenir la nullité du contrat de vente.

Avant-dire-droit au fond sur le préjudice matériel et moral de M. et Mme [L], il convient d'ordonner la réouverture des débats, afin que ces derniers produisent l'ensemble des documents contractuels dans leur relation avec la société Enr+.

Les demandes de dommages et intérêts des époux [L] contre M. [X] pour le préjudice matériel et moral, la demande de dommages et intérêts de M. [X] pour procédure abusive, ainsi que les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront réservés.

L'affaire sera renvoyée à l'audience de mise en état dématérialisée du jeudi 13 février 2025 à 9 h 00.

Par ces motifs,

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Montauban du 1er décembre 2022 en ce qu'il a dit que M. [F] [X] a commis des fautes dans la gestion de son mandat au préjudice de M. [O] [L] et Mme [A] [Y] épouse [L] ;

Avant-dire-droit au fond sur le préjudice matériel et moral des époux [L], ordonne la réouverture des débats, afin que ces derniers produisent l'ensemble des documents contractuels dans leur relation avec la société Enr+ ;

Réserve les demandes de dommages et intérêts des époux [L] contre M. [X] pour le préjudice matériel et moral, la demande de dommages et intérêts de M. [X] pour procédure abusive, ainsi que les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état dématérialisée du jeudi 13 février 2025 à 9 h 00.