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Décisions

CA Poitiers, 2e ch., 12 novembre 2024, n° 24/00286

POITIERS

Arrêt

Autre

CA Poitiers n° 24/00286

12 novembre 2024

ARRET N°350

N° RG 24/00286 - N° Portalis DBV5-V-B7I-G676

C.L /V.D

S.A.S. MEGEVIE ORION

C/

S.A.S FORMUL

Loi n° 77-1468 du30/12/1977

Copie revêtue de la formule exécutoire

Le à

Le à

Le à

Copie gratuite délivrée

Le à

Le à

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2024

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00286 - N° Portalis DBV5-V-B7I-G676

Décision déférée à la Cour : ordonnance du 26 janvier 2024 rendu(e) par le Président du Tribunal de Commerce de LA ROCHE SUR YON.

APPELANTE :

S.A.S. MEGEVIE ORION

[Adresse 1]

[Localité 2]

ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Baptiste MAIXANT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMEE :

S.A.S FORMUL

[Adresse 4]

[Localité 3]

prise en le personne de son Président domicilié ès- qualités au siège social

ayant pour avocat postulant Me Henri-Noël GALLET de la SCP GALLET-ALLERIT-WAGNER, avocat au barreau de POITIERS

ayant pour avocat plaidant Me Marie ROBINEAU, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 01 Octobre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Lydie MARQUER, Présidente

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- Signé par Madame Lydie MARQUER, Présidente, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

**************

Par acte sous seing privé en date du 12 avril 2012, la société Opci Uir II, aux droits de laquelle la société par actions simplifiée Megevie Orion est venue (la bailleresse), a donné pour une durée de neuf années à bail à la société Formul (la preneuse) un local à usage commercial.

Le 20 juillet 2022, ayant constaté que la société Formul n'avait pas réglé le loyer du troisième trimestre de cette même année, la société Megevie Orion, l'a mise en demeure de respecter ses engagements contractuels.

Le 17 août 2022, La société Megevie Orion a délivré à la société Formul un commandement visant la clause résolutoire pour :

- défaut de paiement des loyers commerciaux du troisième trimestre de l'année 2022 ;

- défaut de justification de l'assurance locative.

La société Megevie Orion a saisi la juridiction des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux.

Par ordonnance rendue le 20 mars 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a constaté l'acquisition de cette clause résolutoire au 17 septembre 2022 et a condamné la société Formul à payer la somme de 32.096,59 euros par trimestre à compter du 1er octobre 2022 ainsi que la somme de 32.096,59 euros à titre provisionnel au titre des loyers impayés.

La société Formul a interjeté appel à l'encontre de cette décision le 13 avril 2023, mais ce dernier n'a pas prospéré.

Le 20 juillet 2023, la preneuse a restitué les lieux à la bailleresse.

La société Formul a sollicité l'ouverture d'une procédure de conciliation auprès du président du tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon selon la procédure accélérée au fond.

Par ordonnance rendue le 1er septembre 2023, le président du tribunal de commerce de La Roche-Sur-Yon a fait droit à la demande de la société Formul et a désigné la société Ajire, prise en la personne de Maître [I] [X], en qualité de conciliateur.

Le 3 janvier 2024, la société Formul a attrait la société Megevie Orion devant le président tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon statuant selon la procédure accélérée au fond.

Dans le dernier état de ses demandes, la société Formul a demandé de :

- constater qu'elle-même était débitrice à l'égard de la société Megevie Orion à hauteur de la somme de 116.275,21 euros ;

- lui accorder un échelonnement du paiement de la somme de 116.275,21 euros, des intérêts et accessoires y afférents durant une période de deux ans commençant à courir le jour de la signification de la décision exécutoire à intervenir ;

- juger que, compte-tenu de sa situation, la somme de 116.275,21 euros et les intérêts et accessoires y afférents produiraient intérêt au taux légal durant cette période ;

- juger que les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard au titre du paiement de la somme de 116.275,21 euros, des intérêts et accessoires y afférents cesseraient d'être dues par elle-même pendant la durée du report ou de l'échelonnement ;

- condamner la Société Megevie Orion au règlement de la somme de 2.000,00 euros au titre des frais irrépétibles au profit de la Société Formul.

Dans le dernier état de ses demandes, la société Megevie Orion a demandé de:

sur l'exception d'incompétence,

- juger que les demandes de la société Formul étaient portées devant une juridiction incompétente ;

- renvoyer la société Formul à mieux se pourvoir ;

sur les fins de non-recevoir,

- juger que les demandes de la société Formul n'étaient pas recevables ;

- rejeter dès lors les demandes de la société Formul ;

au fond,

- débouter la société Formul de ses demandes de délais de paiement ;

dans les trois cas,

- condamner la société Formul à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance contradictoire en date du 26 janvier 2024, le président du tribunal de commerce de La Roche-sur-Yon, statuant selon la procédure accélérée au fond, a :

- dit que le juge conciliateur était compétent ;

- dit que la demande était recevable et bien fondée ;

- constaté que la société Formul était débitrice à l'égard de la société Megevie Orion à hauteur de la somme de 116.275,21 euros ;

- accordé à la Société Formul un échelonnement du paiement de la somme de 116.275,21 euros, des intérêts et accessoires y afférents durant une période de deux ans commençant à courir le jour de la signification de la présente décision;

- dit et jugé que, compte-tenu de la situation de la société Formul, la somme de 116.275,21 euros et les intérêts et accessoires y afférents produiraient intérêt au taux légal durant cette période ;

- dit et jugé que les majorations d'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard au titre du paiement de la somme de 116.275,21 euros, des intérêts et accessoires y afférents cesseraient d'être dues par la société Formul pendant la durée du report ou de l'échelonnement ;

- dit qu'il n'était pas inéquitable que chaque partie supportât ses propres frais irrépétibles.

Le 5 février 2024, la société Megevie Orion a relevé appel de ce jugement en intimant la société Formul.

Le 6 mars 2024, a été délivré un calendrier de procédure en circuit court.

Le 13 mars 2024, la bailleresse a signifié à la preneuse sa déclaration d'appel et ce calendrier de procédure à sa personne.

Le 4 avril 2024, la bailleresse a déposé ses premières écritures.

Le 2 mai 2024, la preneuse a déposé ses premières écritures.

Le 1er août 2024, la société Megevie Orion a demandé :

avant tout débat au fond sur les demandes nouvelles/reconventionnelles de la société Formul,

- de déclarer les demandes de la société Formul irrecevables comme nouvelles en appel et en toute hypothèse sans lien avec l'objet du litige soumis au premier juge qui n'avait pas compétence pour y répondre ;

à titre liminaire et principal,

- d'annuler l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions en ce qu'elle avait méconnu le principe du contradictoire ;

- de débouter en conséquence la société Formul de l'ensemble de ses demandes, en ce qu'elles étaient portées devant une juridiction incompétente, qu'elles étaient irrecevables et en toutes fins non fondées ;

à titre subsidiaire,

- réformer l'ordonnance déférée dans son intégralité ;

- débouter en statuant de nouveau la société Formul de l'ensemble de ses demandes en ce qu'elles étaient portées devant une juridiction incompétente, qu'elles étaient irrecevables et en toutes fins non fondées ;

à titre infiniment subsidiaire,

- de réformer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions, sauf en celle ayant constaté le montant de sa créance à son égard, et :

- d'accorder à la société Formul un étalement des sommes dues sur 6 mois soit à compter du 5 du mois suivant la décision à intervenir, un premier versement de 19.379,20 euros et ce durant 6 mensualités pour parvenir à la somme totale de 116.275,21 euros ;

- dire en pareil cas qu'à défaut de règlement d'une seule mensualité le tout deviendrait directement exigible ;

Au fond sur les demandes nouvelles/reconventionnelles de la société Formul à défaut d'irrecevabilité, de :

- débouter la société Formul de ses demandes nouvelles/reconventionnelles tendant à sa propre condamnation à lui verser la somme de la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice moral, et la somme de 118.475,66 euros en réparation de son préjudice économique ;

dans les trois cas,

- condamner la société Formul à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles des deux instances.

Le 2 mai 2024, la société Formul a sollicité la confirmation intégrale du jugement déféré et, à titre reconventionnel, de :

- dire recevable sa demande reconventionnelle ;

- condamner la société Megevie Orion à lui verser la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice moral, et la somme de 118.475,66 euros en réparation de son préjudice économique ;

En tout état de cause,

- condamner la société Megevie Orion à lui verser la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Pour plus ample exposé, il sera expressément renvoyé aux écritures des parties déposées aux dates susdites.

Le 3 septembre 2024 a été ordonnée la clôture de l'instruction de l'affaire.

MOTIVATION

Selon l'article L. 611-6 alinéa 2 du code de commerce,

La procédure de conciliation est ouverte par le président du tribunal qui désigne un conciliateur pour une période n'excédant pas quatre mois mais qu'il peut, par une décision motivée, proroger à la demande de ce dernier sans que la durée totale de la procédure de conciliation ne puisse excéder cinq mois. Si une demande de constatation ou d'homologation a été formée en application de l'article L. 611-8 avant l'expiration de cette période, la mission du conciliateur et la procédure sont prolongées jusqu'à la décision, selon le cas, du président du tribunal ou du tribunal. A défaut, elles prennent fin de plein droit et une nouvelle conciliation ne peut être ouverte dans les trois mois qui suivent.

Selon l'article L. 611-7 alinéa 5 du code de commerce,

Au cours de la procédure, le débiteur peut demander au juge qui a ouvert celle-ci de faire application de l'article 1343-5 du code civil à l'égard d'un créancier qui l'a mis en demeure ou poursuivi, ou qui n'a pas accepté, dans le délai imparti par le conciliateur, la demande faite par ce dernier de suspendre l'exigibilité de la créance. Dans ce dernier cas, le juge peut, nonobstant les termes du premier alinéa de ce même article, reporter ou échelonner le règlement des créances non échues, dans la limite de la durée de la mission du conciliateur. Le juge statue après avoir recueilli les observations du conciliateur. Il peut subordonner la durée des mesures ainsi prises à la conclusion de l'accord prévu au présent article. Dans ce cas, le créancier intéressé est informé de la décision selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.

En cas d'impossibilité de parvenir à un accord, le conciliateur présente sans délai un rapport au président du tribunal. Celui-ci met fin à sa mission et à la procédure de conciliation. Sa décision est notifiée au débiteur et communiquée au ministère public.

Sur la recevabilité des demandes de l'appelante formées pour la première fois à hauteur d'appel

Selon l'article 564 du même code, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger des questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles, dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Selon l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

L'article 567 de ce même code prévoit que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel.

La demande reconventionnelle se définit comme celle par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire. Elle n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions originaires par un lien suffisant aux termes de l'article 70 du code de procédure civile.

La cour d'appel est tenue d'examiner d'office, au regard de chacune des exceptions prévues aux articles 564 à 567 du code de procédure civile, si une demande est nouvelle (Cass. 2e civ., 17 septembre 2020, n°19-17.449, publié).

A hauteur d'appel, la preneuse a demandé pour la première fois la condamnation de la bailleresse à lui payer des indemnités respectivement de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral et de 118 475,66 euros en réparation de son préjudice économique, ensuite des mesures d'exécution forcée pratiquées à son encontre à la suite de l'ordonnance de référé du 26 janvier 2024 l'ayant condamnée à paiement provisionnel au titre de ses dettes locatives.

La bailleresse demande que ces prétentions, formées pour la première fois à hauteur d'appel, soient déclarées irrecevables.

Alors qu'en première instance, la preneuse s'était bornée à solliciter des délais de paiement, ses demandes indemnitaires formées à hauteur d'appel ne tendent pas aux mêmes fins que sa demande de délais de paiement, n'en constitue pas l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Ces nouvelles prétentions ne tendent pas plus à opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger des questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Car si l'intimée soutient que les indemnités sollicitées ont pour objet de réparer ses préjudices comme résultant des mesures d'exécution forcée pratiquées à son encontre ensuite de l'ordonnance de référé rendue le 26 janvier 2024, il sera observé que dans ses écritures, cette preneuse énonce que les dites mesures d'exécution forcées se sont déroulées à compter du 2 août 2023, date de saisie du fonds de caisse de son magasin de [Localité 6], jusqu'au 6 décembre 2023, date de saisie du stock de son magasin de [Localité 5].

Il en découle ainsi que les faits prétendument dommageables dont la preneuse sollicite pour la première la réparation à hauteur d'appel ne lui ont pas été révélés au cours de l'instance l'appel, qu'elle a formé le 5 février 2014, mais lui étaient déjà parfaitement connus auparavant, et ce même avant le début de la procédure de première instance initiée le 3 janvier 2024.

Enfin, même si la preneuse qualifie ses demandes indemnitaires de reconventionnelles, celles-ci sont dépourvues de tout lien suffisant avec la demande originaire de la bailleresse tendant au débouté de sa propre demande de délais de paiement, ce lien n'étant pas caractérisé par la circonstance que les délais avaient été sollicités en paiement de ses dettes locatives, tandis que les indemnités sollicitées le seraient à raison des fautes du preneur à l'occasion des poursuites pour recouvrer les créances correspondantes.

Il y aura donc lieu de déclarer irrecevables les demandes indemnitaires pour préjudice économique et préjudice moral présentées pour la première fois à hauteur d'appel par la preneuse.

Sur l'annulation de l'ordonnance déférée

L'article 16 du code de procédure civile fait obligation au juge d'observer et de faire observer le principe du contradictoire, sans pouvoir retenir dans sa décision des moyens ou pièces invoqués ou produits par les parties dont celles-ci n'auraient pas été à même de débattre contradictoirement, et ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

Selon l'article L. 481-1 du code de procédure civile, en matière de procédure accélérée au fond, la procédure est orale.

Selon l'article 876-1 du même code, dans les cas prévus par la loi, le président du tribunal de commerce statue selon la procédure accélérée au fond.

Il résulte des articles L. 611-6 et L. 611-7 du code de commerce afférents à la procédure de conciliation, à l'occasion de laquelle le débiteur peut demander au juge ayant ordonné des délais de paiement, ainsi que de l'article R. 611-35 du même code, que le président du tribunal de commerce devant lequel a été ouverte une procédure de conciliation statue selon la procédure accélérée au fond.

Il résulte de l'oralité de la procédure qu'une partie n'est jamais obligée de présenter ses prétentions et moyens sous forme de conclusions écrites, et peut les formuler verbalement à l'audience.

Le juge ne peut déclarer irrecevables des prétentions et moyens présentés à l'audience.

En procédure orale, les moyens, prétentions et documents retenus par le juge sont présumés avoir été débattus contradictoirement, sauf preuve contraire, qu'il incombe à la partie qui le conteste de rapporter.

Cette présomption s'étend également aux moyens relevés d'office par le juge.

La preuve qu'un moyen ait été relevé d'office de manière non contradictoire a pu se déduire de la mention du jugement selon lequel les parties ont soutenu oralement à l'audience les moyens développés dans leurs conclusions, lesquelles ne contiennent pas le moyen retenu par le jugement (Cass. 2e civ., 18 décembre 2014, n°13-23.028, diffusé).

Tirer des conséquences de droit d'une circonstance de fait qui n'était pas invoquée par les parties équivaut à soulever un moyen d'office.

La société Megevie demande l'annulation de l'ordonnance, en ce que celle-ci aurait méconnu le principe du contradictoire.

Elle expose que devant le premier juge, elle avait fondé l'exception d'incompétence qu'elle avait opposée à la demande de la preneuse sur la circonstance que, selon les informations dont elle disposait, la mission du conciliateur avait pris fin le 1er janvier 2024, tandis que la preneuse avait saisi ce même juge de sa demande de délai de paiement le 3 janvier 2024, alors que la mission du juge chargé de la conciliation avait à son sens expiré.

Elle observe, exactement, que l'ordonnance déférée énonce que par ordonnance en date du 12 janvier 2024, le juge conciliateur avait prorogé la mission du conciliateur pour une durée de 5 mois, de telle sorte que l'exception d'incompétence qu'elle avait soulevée n'était pas recevable.

Mais elle soutient que la décision de renouvellement de la mission du conciliateur n'avait pas été versée aux débats, ni que le juge qui avait rejeté l'exception d'incompétence qu'elle avait soulevée sur cette circonstance n'avait rouvert les débats pour recueillir sur ce point les observations des parties.

La bailleresse avance que l'acte introductif d'instance délivré par la preneuse, ainsi que le bordereau de pièces qui lui est annexé, ne font pas mention d'une telle décision de prorogation.

Cependant, cette assignation, qui avait été délivrée le 3 janvier 2024, ne pouvait pas faire état de la décision de prorogation de la mission de conciliation, rendue le 12 janvier 2024.

Mais toutefois, alors qu'il résulte des pièces du dossier de la preneuse produit à hauteur de cour que le 21 décembre 2023, le conciliateur avait saisi le juge aux fins de voir prolonger sa mission, ni l'assignation du 3 janvier 2024, ni les pièces qui y étaient jointes ne font mention de cette demande de prolongation.

La société Formul soutient qu'à l'audience, le premier juge aurait informé les parties de l'existence de la décision de prorogation de la mission de conciliation du 12 janvier 2024, de telle sorte que la société Megevie aurait été mise en mesure de s'en expliquer contradictoirement.

Mais s'agissant de l'exposé des prétentions et moyens de la preneuse, le jugement se borne à faire référence à l'acte introductif du 3 janvier 2024 déposé par celle-ci.

Et aucune de ses autres mentions relatant les faits et la procédure, antérieures à la motivation, ne vient faire état de la décision de prorogation de la mission de conciliation du 12 janvier 2024.

Du tout, il y a lieu de déduire que la circonstance tenant à la décision de prorogation du 12 janvier 2024 n'a pas fait l'objet d'un débat contradictoire à l'audience tenue le 26 janvier 2024 devant le premier juge.

Et il constant que celui-ci n'a pas rouvert les débats, ni sollicité les parties à présenter par note en délibéré leurs observations sur cette circonstance, pourtant déterminante, selon sa propre motivation, quant au sort à donner à l'exception d'incompétence dont il avait été saisi.

Dès lors, il y aura lieu de retenir qu'en rejetant l'exception d'incompétence qui lui était soumise, qui avait argué de la fin de la mission de conciliation, motif pris de ce que celle-ci avait été renouvelée le 12 janvier 2021, le premier juge a soulevé d'office un moyen sans le soumettre à la discussion contradictoire des parties.

Il y aura donc lieu d'annuler l'ordonnance déférée.

Sur les délais de paiement

Selon l'article 1343-5 du Code civil,

Le juge peut, compte de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêts à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

La décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux dettes d'aliments.

Selon l'article 954 du code de procédure civile, dans ses trois premiers alinéas,

Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ses prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ses prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Il en résulte ainsi que la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif (Cass. 2e civ., 13 novembre 2014, n°13-24.898) et ce peu important que la prétention ait figuré dans les motifs (Cass. 2e civ., 22 octobre 2014, n°13-24.911).

Selon l'article 562 du même code,

L'appel défère à la cour la connaissance des chefs du jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tendant à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Lorsque l'appelant demande l'annulation du jugement et que cette demande ne repose pas sur l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, et que la cour d'appel annule ce jugement, pour un motif autre que l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, elle est tenue de statuer sur le fond de l'affaire.

S'agissant des délais de paiement, la société Formul s'est bornée, dans le dispositif de ses écritures, de solliciter la confirmation intégrale du jugement.

Mais elle n'a pas formé, à titre subsidiaire, de demande de délai distincte, dans l'hypothèse où la cour annule le jugement.

Ainsi, en l'état de l'annulation du jugement, et au regard de la rédaction du dispositif de ses écritures par la preneuse, la cour ne se trouve plus saisie par celle-ci d'une quelconque demande de délais de paiement, tandis qu'à titre principal, la bailleresse avait demandé de débouter la preneuse de toutes les demandes.

Il y aura donc lieu de débouter la preneuse de sa demande de délais.

* * * * *

Succombante, la société Formul sera condamnée aux entiers dépens d'appel et à payer à la société Megevie Orion la somme de 3500 euros au titre de frais irrépétibles d'appel, tout en étant déboutée de sa demande au même titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare irrecevables les demandes indemnitaires pour préjudice moral et préjudice économique présentées à hauteur d'appel par la société par actions simplifiée Formul ;

Annule le jugement déféré ;

Statuant à nouveau,

Déboute la société par actions simplifiée Formul de sa demande de délais de paiements ;

Déboute la société par actions simplifiée Formul de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société par actions simplifiée Formul aux dépens d'appel et à verser à la société par actions simplifiée Megevie Orion la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,