CA Poitiers, 1re ch., 12 novembre 2024, n° 24/00557
POITIERS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Monge
Conseillers :
M. Orsini, M. Maury
Avocats :
Me Nogaret, Me Hidreau
ARRÊT :
- Contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le 22 décembre 2019, monsieur [D] [N] a acquis de monsieur [Z] [P] un camping-car de marque FIAT modèle DUCATO, immatriculé [Immatriculation 5].
Le 4 septembre 2020, [D] [N] a procédé à la vente de ce véhicule au profit de madame [H] [J] avec un contrôle technique favorable mentionnant 6 défauts mineurs en date du 2 septembre 2020.
Au début du mois d'août 2021, [H] [J] a constaté une entrée d'eau au niveau de la baie latérale gauche lors de fortes pluies, ainsi que des détériorations par infiltration d'humidité de plusieurs éléments du véhicule.
Un contrôle d'étanchéité a été effectué à la demande de [H] [J] et un devis de remise en état a été établi par la société LE GRAAL, pour un montant de 15.127,20 euros TTC.
Une expertise amiable du véhicule a été diligentée, réalisée par monsieur [A] [B], expert, en présence de madame [J] et son compagnon, monsieur [L], monsieur et madame [N] et monsieur [Z], expert désigné par l'assureur protection juridique de monsieur et madame [N].
Le 19 mai 2022, Geogia [J] a fait assigner [D] [N] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de SAINTES aux fins de solliciter une expertise judiciaire du véhicule.
Par ordonnance de référé en date du 27 septembre 2022, le président du tribunal judiciaire de SAINTES a désigné monsieur [Z], en qualité d'expert, aux fins d'examiner le véhicule litigieux.
Suivant ordonnance de remplacement du 13 octobre 2022, monsieur [C] [F] a été désigné aux lieu et place de monsieur [Z].
Monsieur [F] a déposé son rapport d'expertise le 7 février 2023.
Sur la base de ce rapport, [H] [J] a fait assigner [D] [N] devant le tribunal judiciaire de SAINTES, par acte extrajudiciaire en date du 15 juin 2023, aux fins de solliciter du tribunal :
- la résolution judiciaire de la vente du camping-car
- la condamnation de [D] [N] à lui restituer la somme de 18.000€
- la restitution du camping-car à ce dernier, après restitution du prix de vente par celui-ci
- la condamnation de [D] [N] à lui verser une somme de 4.000 euros au titre de son préjudice de jouissance lié à l'immobilisation du véhicule ainsi que sa condamnation aux dépens et aux frais d'instance.
Par acte extrajudiciaire en date du 3 août 2023, [D] [N] a fait assigner [Z] [P] aux fins de mise en cause, sur le fondement des articles 331, 334 et 335 du code de procédure civile, aux fins de voir :
- déclarer recevable et bien-fondé [D] [N], en sa demande d'intervention forcée à l'encontre de [Z] [P],
- joindre la présente instance avec celle introduite par [H] [J] à l'encontre de [D] [N] (RG n° 23/01244),
- le cas échéant, condamner [Z] [P] à le relever indemne et le garantir de toute condamnation éventuelle qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de [H] [J],
- dans cette hypothèse, prononcer la résolution de la vente du véhicule litigieux intervenue entre [D] [N] et [Z] [P] au motif pris d'un vice caché affectant le véhicule,
- dans cette hypothèse, ordonner la restitution du prix et la condamnation de [Z] [P] à récupérer le véhicule litigieux après restitution du prix et à ses frais exclusifs et ce dans un délai de 2 mois à compter du jugement à intervenir,
- condamner [Z] [P] à lui payer la somme de 17 000 € en restitution du prix, celle de 580,09 € au titre des frais inutiles, ainsi que celle de 3 000 € en réparation du préjudice moral subi,
- condamner [Z] [P] à lui payer la somme de 3 000 € au titre de ses frais irrépétibles,
- condamner [Z] [P] aux entiers dépens incluant les frais d'instance, d'ordonnance de référé et ceux d'expertise judiciaire.
Par dernières conclusions d'incident, M. [Z] [P] sollicitait du juge de la mise en état qu'il :
- le juge recevable et bien-fondé en l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- juge prescrites et par conséquent, irrecevables, l'action et les demandes formulées par [D] [N],
- juge que les vices dont se prévaut [D] [N] et affectant le véhicule camping-car de marque FIAT modèle DUCATO, immatriculé [Immatriculation 5], étaient apparents,
- juge irrecevable l'action récursoire intentée par [D] [N] à son encontre sur le fondement de la garantie des vices cachés,
- déboute [D] [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires,
- condamne [D] [N] à lui verser la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne [D] [N] aux entiers dépens.
Par ses conclusions d'incident en réponse, M. [D] [N], demandait de :
- débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions aux fins d'incident,
- le déclarer recevable et bien-fondé en sa demande d'intervention forcée à l'encontre de monsieur [Z] [N],
- de joindre la présente instance avec celle introduite par madame [H] [J] à l'encontre de monsieur [N] (RG n° 23/01244),
- condamner monsieur [Z] [P] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles d'incident,
- condamner monsieur [Z] [P] aux entiers dépens.
Par ordonnance contradictoire en date du 21/02/2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de SAINTES a statué comme suit :
'ORDONNE la jonction des procédures enregistrée sous le n° de RO 23/01396 et 23/01244 ;
DIT que l'instance se poursuivra sous le seul numéro 23/01244 et le dossier sera appelé à la mise en état du 29 mai 2024 à 9 H pour les conclusions au fond ;
DECLARE recevable et bien fondée la demande d'intervention forcée formée par [D] [N] à l'encontre de [Z] [P] ;
CONDAMNE [Z] [P] à payer à [D] [N], la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE [Z] [P] aux dépens de l'incident.'
Le premier juge a notamment retenu que :
- les opérations d'expertise judiciaire menées au contradictoire de [Z] [P], ayant permis de déterminer que les dégradations constatées sur le camping-car avaient débuté bien avant les deux transactions successives des 22/12/2019 et 04/09/2020, [D] [N] est bien fondé à rechercher la garantie de [Z] [P], à raison des vices cachés.
Il y a lieu en conséquence, d'ordonner la jonction des procédures enregistrées
- sur la qualification des vices, Monsieur [C] [F], expert judiciaire, a conclu que le camping-car était impropre à l'usage auquel il était destiné.
Il a pu constater de multiples dégradations importantes sur l'ensemble de la cellule, avec des traces anciennes de réparations sommaires et à moindres frais, résultant d'un très mauvais entretien du camping-car avant les transactions successives des 22 décembre 2019 et 4 septembre 2020.
- le dossier technique ne fait état d'aucune réfection des joints d'étanchéité de cellule alors que le véhicule avait 19 ans d'ancienneté et que la réfection des joints extérieurs d'étanchéité de cellule devait être refaite tous les 5 ans. Il s'en déduisait donc que [Z] [P] qui avait été propriétaire du véhicule du 3 avril 2012 au 23 décembre 2019, n'avait jamais fait procéder à la réfection des joints d'étanchéité pendant plus de 7 ans.
- Mme [J] a commencé à constater des infiltrations d'eau, plus d'un an après son achat, de sorte qu'il est raisonnable de penser que [D] [N], durant le temps de sa possession du véhicule, n'a pas eu à constater de tels désordres.
- les désordres invoqués constituent sans conteste des vices cachés au sens de l'article 1641 du code civil.
- sur la recevabilité de l'action récursoire, en cas de ventes successives d'un véhicule d'occasion, la garantie du vendeur i nitial peut être retenue si les vices cachés, constatés alors que la chose vendue était la propriété du dernier acquéreur, existaient lors de la première vente.
[Z] [P], pour voir déclarer irrecevable l'action récursoire intentée par [D] [N], prétend que les vices affectant le camping-car étaient apparents au moment de la vente du véhicule à [D] [N] le 23 décembre 2019. Or, il ressort des constatations de l'expert judiciaire que les désordres invoqués sont bien des vices cachés au sens de l'article 1641 du code civil.
[Z] [P] sera donc débouté de sa demande d'irrecevabilité de l'action récursoire intentée par [D] [N].
- sur la prescription de l'action, il résulte des articles 1648, alinéa 1er, et 2232 du code civil que l'action en garantie des vices cachés doit être exercée dans les deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.
Lorsque l'acheteur a cédé la chose à un sous-acquéreur, il pourra intenter une action en garantie des vices-cachés à l'encontre de son propre vendeur à compter de l'assignation en justice qui lui aura été délivrée par son propre acquéreur.
[D] [N] s'est vu assigner par [H] [J], par exploit en date du 15 juin 2023, et a, à son tour, fait assigner [Z] [P], son propre vendeur, suivant exploit en date du 3 août 2023. La vente par [Z] [P] à [D] [N] ayant été réalisée le 23 décembre 2019, l'action de [D] se trouve donc recevable pour avoir été intentée dans les délais prescrits.
LA COUR
Vu l'appel en date du 05/03/2024 interjeté par M. [Z] [P]
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 24/06/2024, M. [Z] [P] a présenté les demandes suivantes :
'Vu l'article 1648 du code civil,
Vu l'article 122 et 789 du code de procédure civile,
Vu l'article 789 du code de procédure civile,
Vu l'article 795 du code de procédure civile,
Vu l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de SAINTES en date du 21 février 2024,
Vu la jurisprudence citée,
Vu les pièces versées aux débats,
Il est demandé à la cour d'appel de POITIERS, pour les causes et raisons sus-énoncées, de bien vouloir,
- JUGER Monsieur [Z] [P] recevable et bien fondé en son appel, En conséquence,
- REFORMER l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire de SAINTES le 21 février 2024 en ce qu'elle a :
ORDONNE la jonction des procédures enregistrée sous le n° de RG 23/01396 et 23/01244,
DIT que l'instance se poursuivra sous le seul numéro 23/01244 et le dossier sera appelé à la mise en état du 29 mai 2024 à 9H pour les conclusions au fond,
DECLARE recevable et bien fondée la demande d'intervention forcée formée par [D] [N] à l'encontre de [Z] [P],
CONDAMNE [Z] [P] à payer à [D] [N] la somme de 1500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE [Z] [P] aux dépens de l'incident.
Et statuant à nouveau,
- JUGER que les vices dont se prévaut Monsieur [D] [N] et affectant le véhicule camping-car de marque FIAT modèle DUCATO, immatriculé [Immatriculation 5] étaient apparents.
- JUGER prescrites et par conséquent irrecevables, l'action et les demandes formulées par Monsieur [D] [N].
- JUGER, irrecevable l'action récursoire intentée par M. [N] à l'encontre de M. [P] sur le fondement de la garantie des vices cachés.
- DEBOUTER Monsieur [D] [N] de toutes demandes, fins et conclusions contraires.
- CONDAMNER Monsieur [D] [N] au versement de la somme de 4.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- CONDAMNER Monsieur [D] [N] aux entiers de l'instance'.
A l'appui de ses prétentions, par M. [Z] [P] soutient notamment que :
- l'expert judiciaire indique en page n°17 de son rapport que : « à notre avis, les dégradations internes à la cellule auraient pu être décelées par des acheteurs non avertis.
Seule la facture d'un contrôle d'humidité a été produite mais pas le rapport correspondant qui devait indiquer des dégradations importantes.
L'expert précisait : 'effectivement les dégradations internes de la cellule ont été réparées très sommairement ; ces réparations très sommaires, à moindre frais, étaient décelables visuellement et sans rien démonter' .
Il ne peut y avoir de vices cachés puisque le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même, et le vice était décelable au plus tard le jour de la vente soit dès le 22 décembre 2019.
- l'expert évoque la présence d'un vice apparent à trois reprises dans son rapport.
L'Expert judiciaire considère qu'il s'agissait d'un défaut observable à l'examen superficiel ou au terme de vérifications élémentaires.
- si l'acheteur n'a pas accompli les diligences minimales lui permettant de le découvrir, il ne peut y avoir de vice caché, l'acquéreur ne pouvant se réfugier derrière sa qualité de profane pour prétendre bénéficier de l'article 1641 du code civil.
- au contraire du raisonnement du juge de la mise en état, le fait que le camping-car était impropre à l'usage auquel il était destiné n'implique pas l'existence d'un vice caché.
Le mauvais entretien du véhicule et le caractère sommaire des réparations plaident en faveur de la présence d'un vice 'apparent'.
Le juge de la mise en état s'appuie exclusivement sur ce rapport et ces constatations pour en tirer une conclusion contraire à celle retenue par l'expert.
Il ne peut être déduit que le constat de ces infiltrations serait survenu 1 an après la vente [N]/ [J] (la seconde vente) en s'appuyant uniquement sur les dires de Madame [J], ni déduire que M. [N] quant à lui n'aurait pas eu à constater ces désordres.
- il n'est donc pas crédible pour M. [D] [N] de soutenir qu'il n'aurait découvert ces infiltrations - pourtant déjà visibles au jour de la vente selon l'Expert judiciaire et s'aggravant au fil des mois - que le 2 septembre 2021, suite à la réception d'un courrier de plainte de Mme [H] [J], soit 1 an et 2 jours après le lui avoir vendu.
- plus encore, M. [D] [N] se faisait remettre le jour de la vente une facture de RV LOISIRS indiquant un contrôle d'humidité de cellule faisant ressortir l'existence de dégradations.
- M. [Z] [P] maintient que le véhicule a été vendu en l'état avec un contrôle d'étanchéité indiquant des problèmes de cet ordre, afin de faire preuve de la plus grande transparence, et consentait une baisse de prix importante.
- le 5 septembre 2020, M. [D] [N] indiquait par courrier adressé à Mme [H] [J] qu'il « y avait une petite fuite à la capucine. Il avait donc connaissance du désordre.
- l'article 1648 du code civil dispose que « L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
M. [Z] [P] vendait le véhicule litigieux à M. [D] [N] le 22 décembre 2019. Le 4 septembre 2020, M. [N] le vendait à son tour au profit de Mme [H] [J].
L'action de M. [D] [N] diligentée contre M. [Z] [P] sur le fondement de l'article 1641 du code civil est prescrite depuis le 22 décembre 2021.
- M. [Z] [P] soulève bien une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action sur le fondement des vices cachés et il appartient à la cour de se prononcer sur le point de départ du délai de prescription de l'action engagée sur le fondement de l'article 1641 du code civil, cette action étant prescrite.
- dans l'hypothèse d'un vice apparent, l'action récursoire de M. [N] ne remplirait pas les conditions de l'action en garantie des vices cachés.
La Cour de cassation considère que lorsque un vendeur intermédiaire exerce une action récursoire contre son propre vendeur, alors dans ce cas, le point de départ de la prescription de son action ne se situe plus au jour de la découverte du vice mais au jour de la délivrance d'un acte introductif d'instance à son encontre par le sous-acquéreur.
- ce raisonnement n'est vrai que dans le cas d'une action récursoire qui pour être mise en oeuvre doit répondre à un certain nombre de conditions à savoir les conditions de fond de la garantie des vices cachés, qui en l'espèce ne sont pas réunies.
Pour exercer une action récursoire remplissant les conditions de fond de la garantie des vices cachés encore faut-il que le vice soit caché.
- M. [N] doit démontrer que le véhicule qu'il a acheté à M. [P] présentait un vice, lequel n'était pas apparent au moment de la vente et revêt une certaine gravité.
- il ne peut y avoir d'action récursoire, puisque M. [P] n'a pas à garantir M.[N] des vices apparents
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 22/04/2024, M. [D] [N] a présenté les demandes suivantes :
'Vu les dispositions des articles 1641 et suivants du code civil,
Vu les dispositions des articles 696,700 et 789 du code de procédure civile,
Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 21 février 2024 rendue part le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de LA ROCHELLE.
Y ajoutant,
Condamner Monsieur [Z] [P] à payer à Monsieur [D] [N] la somme de 3.000 € au titre de ses frais irrépétibles en cause d'appel.
Condamner Monsieur [Z] [P] aux entiers dépens d'appel.
A l'appui de ses prétentions, M. [D] [N] soutient notamment que :
- Monsieur [P] confond fins de non-recevoir et bien fondé de l'action.
Il demande à la cour, après appel d'une ordonnance du juge de la mise en état, de se positionner sur le caractère apparent du vice permettant de qualifier l'action introduite par Madame [J], puis par M. [N]. Une telle demande n'est à l'évidence pas une exception de procédure telle que visée à l'article 73 du code de procédure civile.
Elle n'est pas plus une fin de non-recevoir.
Il s'agit d'une demande liée au bien-fondé de l'action en garantie des vices cachés, de la compétence du juge du fond.
Le débat sur le caractère apparent du vice n'est pas du ressort de la compétence de la cour.
- sur la prescription, Monsieur [P] confond le point de départ du délai butoir de l'article 2232 du code civil et le point de départ du délai d'action de l'article 1648 du code civil et omet de rappeler que l'action introduite à son encontre est une action récursoire, Monsieur [N] ne pouvant mettre en cause son propre vendeur qu'à la condition que Madame [J] exerce son action en garantie légale des vices cachés.
- le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut plus désormais être assuré que par l'article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.
- Monsieur [P] affirme que le vice n'était en réalité pas caché mais apparent et il est sollicité du juge de la mise en état qu'il se prononce sur une question de fond à savoir si l'action mise en oeuvre constitue un vice caché ou un vice apparent, ce qui n'est pas de sa compétence.
- l'expert judiciaire a affirmé que le camping-car est affecté de dégradations importantes sur l'ensemble de la cellule avec traces de réparations anciennes et sommaires à moindres frais provenant de multiples entrées d'eau.
Monsieur [F] a indiqué que le camping-car était impropre à l'usage auquel il était destiné. Les dégradations avaient débuté bien avant les deux transactions successives. L'expert judiciaire a caractérisé l'existence d'un vice suffisamment grave pour le rendre impropre à son usage et antérieur à la vente.
- l'expert s'est ensuite prononcé sur le fait que les dégradations internes à la cellule auraient pu être décelées par des acheteurs non avertis au motif que l'intérieur de la cellule avait fait l'objet de réparations sommaires et qu'il n'existait pas de rapport de contrôle d'étanchéité annuel.
Toutefois, en dépit du fait que des réparations même très sommaires avaient été réalisées, elles ne permettaient pas de déceler et d'imaginer l'ampleur des infiltrations
L'expert a précisé que la cause des dégradations de cellule (joint extérieur à refaire) n'était pas décelable par un acheteur non professionnel.
Il a également indiqué que les réparations sommaires et non professionnelles à l'intérieur de la cellule avaient eu pour effet de camoufler les dégradations.
- Monsieur [N] a découvert la supercherie lorsque Madame [J] l'a informé de l'existence de ce désordre par courrier du 2 septembre 2021 aux termes duquel elle sollicitait alors l'annulation de la vente.
- il a fallu attendre que Monsieur [F] dépose son rapport le 7 février 2023 pour être totalement informé de l'ampleur des vices affectant le véhicule.
- si le juge devait considérer que Monsieur [N] a été informé des premiers désordres suivant courrier du 2 septembre 2021, le délai d'action en garantie des vices cachés a été interrompu par l'assignation en référé délivrée par exploit du 8 juin 2022 pour être suspendu jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.
- sur le point de départ du délai au jour de l'action récursoire, Monsieur [N] exerce cette action dont il a été jugé que le délai pour l'exercer ne commençait à courir qu'à compter de la mise en cause à savoir à compter de l'assignation sans pouvoir dépasser le délai butoir de 20 ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel né en matière de garantie des vices cachés le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.
Monsieur [N] était dans l'impossibilité d'exercer la moindre action en garantie des vices cachés contre Monsieur [P] tant que Madame [J] n'exerçait pas elle-même son action initiale.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 24/06/2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription :
L'article 122 du code de procédure civile dispose : ' constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée'.
L'article 31 du même code dispose que : ' l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé'.
L'article 789 du code de procédure civile dispose que le juge de la mise en état est seul compétent, jusqu'à son dessaisissement pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents mettant fin à l'instance.
Il est également compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir et lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, il statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Si une partie s'y oppose, il renvoie l'affaire devant la juridiction de jugement.
En outre, lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir.
S'agissant de l'action en garantie des vices cachés, l'article 1641 du code civil dispose que 'le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus'.
L'article 1642 du code civil précise : 'le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même'.
L'article 1643 indique que le vendeur 'est tenu des vices cachés, quand bien même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie'.
L'article 1644 du code civil dispose : 'Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix'.
L'article 1645 du même code précise que 'si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.'
L'article 1646 dispose que 'si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente'.
L'article 1648 du code civil dispose que : 'l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice'.
S'agissant d'une action récursoire, elle doit être exercée à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie.
Lorsque l'acheteur a cédé la chose à un sous-acquéreur, il pourra intenter une action en garantie des vices-cachés à l'encontre de son propre vendeur à compter de l'assignation en justice qui lui aura été délivrée par son propre acquéreur.
En l'espèce, le 22 décembre 2019, M. [D] [N] a acquis de monsieur [Z] [P] le camping-car de marque FIAT modèle DUCATO, immatriculé [Immatriculation 5].
Puis le 4 septembre 2020, M. [D] [N] a procédé à la vente de ce véhicule au profit de Mme [H] [J].
M. [D] [N] s'est vu assigner par [H] [J], par exploit en date du 15 juin 2023, et a fait assigner [Z] [P], suivant exploit en date du 3 août 2023, alors que la vente par M. [Z] [P] à M. [D] [N] était intervenue le 23 décembre 2019.
S'agissant en l'espèce d'une action récursoire engagée en suite de celle du dernier acquéreur, le vendeur intermédiaire exerçant son action récursoire contre son propre vendeur, le point de départ de la prescription de cette action ne se situe plus au jour de la découverte du vice mais au jour de la délivrance d'un acte introductif d'instance à son encontre par le sous-acquéreur, soit le 15 juin 2023 en l'espèce.
C'est à tort, au regard de ces derniers éléments et également au regard de la date de connaissance de vice, que M. [P] soutient que l'action de M. [D] [N] sur le fondement de l'article 1641 du code civil serait prescrite depuis le 22 décembre 2021
Il doit être enfin relevé que le délai d'action en garantie des vices cachés avait été interrompu par l'assignation en référé délivrée par exploit du 8 juin 2022 puis suspendu jusqu'au dépôt du rapport d'expertise.
L'action récursoire exercée par M. [N] contre M. [P] n'est ainsi pas prescrite, sans que l'appréciation, seule en cause devant le juge de la mise en état saisi par incident, de sa recevabilité requière d'examiner, comme le prétend l'appelant, le caractère apparent ou caché du vice allégué, dont l'appréciation relèvera de la juridiction saisie du fond du litige, de sorte qu'il y a lieu de réformer l'ordonnance en ce qu'après l'avoir déclarée recevable, elle qualifie aussi de 'bien fondée' l'action en intervention forcée de M. [N] contre M. [P].
L'ordonnance entreprise sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable la demande d'intervention forcée formée par M. [D] [N] à l'encontre de M. [Z] [P], faute de prescription, la jonction des procédures ayant été justement ordonnée.
Sur les dépens :
Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés, et seront confirmés.
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de M. [Z] [P].
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de condamner M. [Z] [P] à payer à M. [D] [N] la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, le surplus des demandes étant écarté.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
DECLARE recevable l'action engagée par M. [D] [N] à l'encontre de M. [Z] [P]
CONFIRME l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle déclare 'bien fondée' l'action en intervention forcée de M. [N] contre M. [P].
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
CONDAMNE M. [Z] [P] à payer à M. [D] [N] la somme de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
CONDAMNE M. [Z] [P] aux dépens d'appel.