CA Orléans, ch. civ., 12 novembre 2024, n° 22/00092
ORLÉANS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Mo Construction (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Collomp
Conseillers :
M. Sousa, Mme Grua
Avocats :
Me Kerner, Me Celerier, Me Cuvex-Micholin
FAITS ET PROCÉDURE
Le 24 janvier 2020, au salon de l'habitat de [Localité 4], M. [J] a signé un bon de commande n° 427 auprès de la société MO Construction pour des travaux de rénovation de toiture pour un montant de 7 800 euros TTC. Le même jour, il a signé un bon de commande n° 266 consistant en une plus-value du bon de commande n° 427, précisant une liste de travaux pour un montant de 34 000 euros TTC.
M. [J] a remis à la société MO Construction un acompte de 10 200 euros au titre du bon de commande n° 266, puis a souhaité se rétracter de la commande de travaux et sollicité la restitution du chèque de cette somme.
En l'absence d'accord entre les parties, M. [J] a, par acte d'huissier de justice en date du 15 mai 2020, fait assigner la société MO Construction devant le tribunal judiciaire de Montargis aux fins de la voir condamner à lui restituer la somme de 10 200 euros.
Par jugement en date du 25 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Montargis a :
- condamné la société MO Construction à payer à M. [J] la somme de 10 200 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision ;
- condamné la société MO Construction à payer à M. [J] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- débouté la société MO Construction de sa demande en paiement de la somme de 2 300 euros à titre de dédit ;
- débouté la société MO Construction de sa demande en paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamné la société MO Construction à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné la société MO Construction aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration en date du 11 janvier 2022, la société MO Construction a interjeté appel de l'intégralité des chefs de ce jugement.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 1er avril 2022, la société MO Construction demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu en première instance dans ces chefs expressément critiqués et en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [J] la somme de 10 200 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision, la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts ; débouté la société MO Construction de sa demande en paiement de la somme de 2 300 euros à titre de dédit et de sa demande en paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; condamné la société MO Construction à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la société MO Construction aux entiers dépens de l'instance ;
Et statuant à nouveau,
- débouter M. [J] de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner à titre reconventionnel M. [J] à lui payer la somme de 2 300 euros au titre de l'acompte dû par lui sur le bon de commande n° 2 ;
- condamner M. [J] à lui payer la somme de 5 000 euros pour procédure abusive ;
- condamner M. [J] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 27 mai 2022, M. [J] demande à la cour de :
- débouter la société MO Construction de toutes ses demandes ;
- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- condamner la société MO Construction au paiement d'une indemnité de 3 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure d'appel.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 juin 2024.
MOTIFS
Sur l'exercice du droit rétractation au titre du bon de commande n° 266
Moyens des parties
La société MO Construction explique que le consommateur ne bénéficie pas d'un droit de rétractation dans les foires et salons ; que contrairement à ce qu'indique M. [J], les deux bons de commande ont bien été signés sur site ; que ces deux bons de commande portent la mention selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas d'un droit de rétractation sur stand ; que le bon de commande n° 266 mentionne la ville de [Localité 4] comme lieu de signature, alors que la propriété de M. [J] est située à [Localité 5], de sorte qu'il n'est pas établi qu'après la visite du technicien de la société le bon de commande aurait été signé au domicile du demandeur et non sur le stand ; que le deuxième bon de commande n° 427 ne peut être antérieur au premier bon de commande qui porte le numéro 266 ; que M. [J] a induit le tribunal en erreur sur le fait que les bons de commande ne remplissaient pas certaines dispositions légales ; que l'absence de droit de rétractation du consommateur 'gurait bien sur les deux bons de commande et en des termes lisibles et apparents ; que la forme de cette inscription n'a pas porté préjudice à M. [J], puisque celle-ci est bien plus apparente que ce qu'exige la loi en la matière ; que s'agissant de la présence sur son stand d'un panneau répondant aux modalités prévues par l'arrêté portant la mention « Le consommateur ne bénéficie pas d'un droit de rétractation pour tout achat effectué dans cette foire ou sur ce stand », M. [J] échoue à rapporter la preuve d'un quelconque manquement de sa part ; que le jugement devra être in'rmé en ce qu'il a inversé la charge de la preuve dès lors et qu'il ne saurait être exigé qu'elle rapporte la preuve négative d'un manquement qu'elle n'a pas commis ; que si la cour considérait que M. [J] bénéficiait d'un délai de rétractation de 14 jours, elle ne pourrait que considérer que sa ou ses rétractation(s) n'a (n'ont) pas respecté les formes imposées et/ou sont hors délai ; que M. [J] invoque une lettre de rétractation datée du 26 janvier 2020 qui n'a pas été envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception et qui n'a pas date certaine ; que ce courrier ne respecte pas les formes imposées par les conditions générales de vente qui exigent l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception ; que conscient que ce courrier n'avait aucune valeur, M. [J] a envoyé, le 26 février 2020, un second courrier cette fois recommandé avec demande d'avis de réception ; que toutefois ce courrier du 26 février 2020 est hors délai ; qu'enfin, le jugement doit être infirmé en ce qu'il a considéré qu'elle avait manqué à son obligation d'information prévue à l'article L.111-1 du code de la consommation, car non seulement les travaux sont décrits dans le bon de commande, mais un commercial s'est rendu sur place pour exactement spécifier les travaux qui seront réalisés.
M. [J] explique que le 24 janvier 2020, il s'est rendu au salon de l'habitat de [Localité 4] et a signé un bon de commande n° 427 d'un montant de 7 800 € TTC, alors même que la société MO Construction ne s'était pas rendue sur place pour évaluer les travaux à réaliser ; que dans l'après-midi un technicien s'est déplacé sur les lieux des travaux et a insisté pour faire signer un deuxième bon de commande n° 266 pour un montant de 34 000 € TTC correspondant à une plus-value sur le bon de commande numéro 427 signé le matin même ; que réalisant après coup que les travaux seraient finalement d'un montant de 41 800 € au lieu des 7 800 € annoncés, il s'est rendu au salon de l'habitat le 26 janvier 2020 pour obtenir des explications ; que la société a annulé le bon commande numéro 266 et s'est engagée à restituer le chèque ; qu'il a également retourné le bordereau de rétractation joint à ce bon selon courrier en date du 26 janvier adressé en recommandé ; que cependant, par courrier du 3 février 2020, la société MO Construction accusant réception de sa demande de rétractation, a indiqué qu'il serait retourné sur le stand pour y signer le bordereau n° 266 de sorte qu'il n'y aurait pas de rétractation possible ; que le bon de commande n° 427 était antérieur au n° 266, ce dernier prévoyant une plus-value sur bon de commande n° 427 ; que dans son courrier du 3 février 2020, la société MO Construction a bien mentionné que le bon de commande n° 427 est antérieur au bon commande n° 266 , et elle ne conteste pas davantage qu'un technicien soit passé dans l'après-midi, après la signature du bon numéro 427 sur le chantier pour « constater, mesurer, vérifier les travaux » ; que le tribunal relevant d'une part que la société MO Construction ne rapporte pas la preuve de la présence sur le stand d'un panneau relatif à l'absence du droit de rétractation et d'autre part, que les 2 bons de commande signés au stand ne respectaient pas les articles L.224-59 du code de la consommation et l'arrêté du 2 décembre 2014 en a déduit justement que l'absence du droit de rétractation ne peut lui être opposée ; que constatant que par lettre recommandée en date du 26 janvier 2020 dont la société a accusé réception le 3 février 2020, il a exercé son droit de rétractation concernant le bon de commande n° 266, le tribunal en a tiré toutes les conséquences en considérant qu'il était anéanti ; que par ailleurs, ce deuxième bon de commande a été annulé par M. [H] le 26/01/2020 ; que dans l'hypothèse où la cour retiendrait que le bon n° 266 a bien été signé à son domicile, elle constatera qu'il disposait bien d'un droit de rétractation et qu'il a régulièrement annulé la commande.
Réponse de la cour
Aux termes des dispositions d'ordre public de l'article 1104 du code civil, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
L'article L.224-59 du code de la consommation dispose qu'avant la conclusion de tout contrat entre un consommateur et un professionnel à l'occasion d'une foire, d'un salon ou de toute manifestation commerciale relevant du chapitre II du titre VI du livre VII du code de commerce, le professionnel informe le consommateur qu'il ne dispose pas d'un délai de rétractation.
Les parties ne s'accordant pas sur la chronologie de la signature des bons de commande, il convient de se référer au courrier adressé par la société MO Construction à M. [J] le 3 février 2020 suite à l'envoi par ce dernier de son bon de rétractation au titre de la commande n° 266, ainsi rédigé :
« Le 24 janvier 2020 vous vous êtes rendus au comptoir de notre place du salon de l'habitat de [Localité 4], vous nous avez demandé un tarif sur le remplacement des tuiles casser et l'enlèvement de la cheminée, et nous vous avons proposé la somme de 7 090,91 € HT soit 7 800 € TTC bon de commande N° 427, que vous avez accepté, donc dans l'après-midi notre technicien s'est déplacé sur le chantier pour constater, mesurer, véri'er les travaux. Lors de cette inspection le technicien a remarqué que les lattes qui tiennent les tuiles sont quasi-manquantes, pour cette raison vous êtes repassé sur notre stand le 24/01/2020 en fin d'après midi pour une plus value avec changement total des lattes, pose d'un écran sous-toiture, repose de vos tuiles, zinguerie totale, refaire le chien-assis, fourniture et pose d'un portail comme indiqués sur le bon de commande N°266 d'un montant de 30 909,09 € HT soit 34 000 € TTC ».
Contrairement à ce que prétend l'appelante, le bon de commande n° 266 a bien été signé postérieurement au bon de commande n° 427, comme elle l'a indiqué dans son courrier du 3 février 2020, ce qui explique que le bon de commande n° 266 mentionne une plus-value sur le bon de commande n° 427.
Les deux bons de commande portent la signature de M. [J], la date du 24 janvier 2020, le lieu de conclusion du contrat ' la commune de [Localité 4] ' et la mention selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas d'un droit de rétractation sur le stand. Il s'ensuit qu'il n'existe pas d'éléments permettant d'établir que le bon de commande n° 266 a été conclu au domicile de M. [J] qui est bien retourné au salon de l'habitat de [Localité 4] le 24 janvier 2020 dans l'après-midi, après le passage du technicien de la société MO Construction à son domicile.
Toutefois, il y a lieu de prendre en considération que les dispositions de l'article L.224-59 du code de la consommation sont issues de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, portant transposition de dispositions de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, de sorte qu'elles doivent être interprétées au regard de cette directive et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne.
Les considérants n° 21 et 22 de la directive 2011/83/UE sont ainsi rédigés :
« Un contrat hors établissement devrait être défini comme un contrat conclu en la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, ailleurs que dans l'établissement commercial du professionnel, par exemple au domicile du consommateur ou à son lieu de travail. Dans un contexte hors établissement, le consommateur peut être soumis à une pression psychologique éventuelle ou être confronté à un élément de surprise, qu'il ait ou non sollicité la visite du professionnel. La définition d'un contrat hors établissement devrait également viser des situations dans lesquelles le consommateur est sollicité personnellement et individuellement dans un contexte hors établissement, mais où le contrat est conclu immédiatement après, dans l'établissement commercial du professionnel ou par le recours à une technique de communication à distance. [...]
(22) Il convient de considérer comme établissement commercial tout établissement, de quelque type que ce soit (qu'il s'agisse par exemple d'un magasin, d'un étal ou d'un camion), servant de siège d'activité permanent ou habituel au professionnel. Les étals dans les marchés et les stands dans les foires devraient être considérés comme des établissements commerciaux s'ils satisfont à cette condition. Les magasins de vente au détail où le professionnel exerce son activité à titre saisonnier, par exemple pendant la saison touristique dans une station de ski ou dans une station balnéaire, devraient être considérés comme des établissements commerciaux étant donné que le professionnel y exerce son activité à titre habituel. Les espaces accessibles au public, tels que les rues, les galeries commerçantes, les plages, les installations sportives et les transports publics, que le professionnel utilise à titre exceptionnel pour ses activités commerciales, ainsi que les domiciles privés ou les lieux de travail, ne devraient pas être considérés comme des établissements commerciaux [...] »
Sur le fondement de ces dispositions, la Cour de justice de l'union européenne a jugé qu'un contrat conclu lors d'une foire pouvait cependant être considéré comme un contrat conclu hors établissement, lorsque le contrat a été conclu immédiatement après que le consommateur a été sollicité dans un lieu hors établissement (CJUE, 17 décembre 2019, Aff. C-465/19, B & L Elektrogeräte GmbH, points n° 31 et 32) :
« 31. Dans ces conditions, il convient de constater qu'un contrat entre un professionnel et un consommateur conclu dans l'établissement commercial du professionnel immédiatement après que le consommateur a été sollicité personnellement et individuellement dans un lieu qui n'est pas l'établissement commercial du professionnel, tel que l'allée commune aux différents stands présents dans un hall d'exposition de la foire, en la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, est un « contrat hors établissement », conformément à l'article 2, point 8, sous c), de la directive 2011/83.
32. En effet, ainsi qu'il a été rappelé au point 22 de la présente ordonnance, lorsqu'il se trouve en dehors de l'établissement commercial du professionnel, le consommateur peut être soumis à une pression psychologique éventuelle ou être confronté à un élément de surprise, qu'il ait ou non sollicité la visite du professionnel. Le considérant 21 de la directive 2011/83 énonce que, dans cette mesure, le législateur de l'Union a entendu également viser des situations dans lesquelles le consommateur est sollicité personnellement et individuellement dans un contexte hors établissement, mais où le contrat est conclu immédiatement après, dans l'établissement commercial du professionnel ».
En l'espèce, si M. [J] s'est rendu une première fois spontanément au salon de l'habitat de [Localité 4] et y a signé le premier bon de commande n° 427 pour un montant attractif de 7 800 euros TTC au titre d'une rénovation de toiture sur 130 m², il est établi que dans l'après-midi de cette première commande, un salarié de la société MO Construction s'est rendu à son domicile et l'a convaincu de passer commande de travaux supplémentaires au motif que « les lattes qui tiennent les tuiles sont quasi-manquantes ».
Le professionnel savait pertinemment que dans l'hypothèse où le second contrat avait été signé à domicile, le consommateur bénéficierait d'un droit de rétractation, de sorte que celui-ci a été invité à repasser au stand commercial de la société MO Construction présent au salon de l'habitat de [Localité 4] alors qu'un premier contrat y avait été conclu entre les parties quelques heures auparavant. M. [J] est alors retourné au salon de l'habitat après la visite de la société MO Construction pour passer une commande de travaux supplémentaires pour la somme totale de 34 000 euros.
Il s'ensuit que M. [J] a été personnellement sollicité à son domicile, soit hors établissement, quelques heures après le premier bon de commande pour conclure un second contrat sur le lieu de l'établissement commercial de la société MO Construction pour des travaux supplémentaires d'un prix quatre fois plus élevé que le premier contrat conclu entre les parties. Outre que cette pratique, qui vise au contournement des règles prévues par la directive 2011/83, établit une formation déloyale du contrat, il doit être considéré que le bon de commande n° 266, immédiatement conclu après la visite du professionnel au domicile du consommateur, est un contrat conclu hors établissement au sens de ces dispositions.
L'article L.221-18 du code de la consommation dispose que le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu hors établissement, sans avoir à motiver sa décision.
L'article L.221-21 du code de la consommation précise que le consommateur exerce son droit de rétractation en informant le professionnel de sa décision de se rétracter par l'envoi, avant l'expiration du délai prévu à l'article L.221-18, du formulaire de rétractation mentionné au 7° de l'article L.221-5 ou de toute autre déclaration, dénuée d'ambiguïté, exprimant sa volonté de se rétracter.
M. [J] produit un courrier de rétractation en date du 26 janvier 2020 adressé à la société MO Construction. Aux termes de son courrier du 3 février 2020, celle-ci a confirmé en avoir eu réception, de sorte qu'il importe peu que le courrier de rétractation n'a pas été adressé avec demande d'avis de réception puisqu'il est certain qu'il a été adressé et reçu au cours du délai de rétractation dont M. [J] bénéficiait.
En conséquence, le contrat résultant du bon de commande n° 266 n'a pas été définitivement formé, pour cause de rétractation de M. [J]. Il s'ensuit que la société MO Construction doit restituer à M. [J] la somme de 10 200 euros versée à titre d'acompte.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné la société MO Construction à payer à M. [J] la somme de 10 200 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement.
Sur la nullité du bon de commande n° 427
Moyens des parties
La société MO Construction soutient que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a considéré que les travaux n'ont pas été suffisamment décrits dans le bon de commande et qu'elle a manqué à son obligation d'information prévue à l'article L.111-1 du code de la consommation ; que non seulement les travaux sont décrits dans le bon de commande, mais un commercial s'est rendu sur place pour exactement spécifier les travaux qui seront réalisés ; que la cour constatera que les bons de commande s'avèrent suffisamment descriptifs, d'autant qu'ils ont été signés sur foire et les bons de commande s'analysent comme un tout.
M. [J] indique que s'il n'a pas dénoncé le bon de commande n° 427 dans le délai de 14 jours, il sera néanmoins déclaré nul pour manquement du professionnel à son obligation pré-contractuelle d'information ; qu'en effet, les dispositions de l'article L.111-1 du code de la consommation mettent à la charge du vendeur professionnel une obligation pré-contractuelle d'information visant à faire connaître aux consommateurs les caractéristiques essentielles du bien vendu ; que le bon de commande a été établi sans qu'il y ait eu au préalable une vérification de la faisabilité de la commande, de l'adéquation des biens visés aux besoins du client ; qu'après la venue de la société sur le chantier, une plus-value de 34 000 € lui a été annoncée alors qu'il croyait que le bon n° 427 s'était trouvé annulé ; que le tribunal a relevé l'inadéquation manifeste au regard de la différence de prix considérable entre les deux bons de commande portant sur les mêmes travaux et en a justement déduit que la société MO Construction n'a pas respecté l'obligation d'information prévue à l'article L.111-1 du code de la consommation et prononcé l'annulation du bon de commande n° 427 ; que si la cour ne suivait pas le tribunal sur l'obligation d'information de l'article L111-1 du code de la consommation, elle annulerait malgré tout le 1er bon de commande en retenant que les 2 commandes sont liées ; qu'en effet, si on considère que ces deux bons sont liés et ne forment qu'un contrat, la rétractation du bon n° 266 entraîne nécessairement celle du bon n° 427 ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de l'acompte de 2 300 € relatif au bon de commande n° 427.
Réponse de la cour
L'article L.111-1 du code de la consommation, dans sa version applicable lors de la conclusion du contrat, dispose :
« Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;
5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI ».
Si l'article L.111-1 du code de la consommation ne sanctionne pas expressément par la nullité du contrat le manquement aux obligations d'information pré-contractuelles qu'il énonce, un tel manquement du professionnel à l'égard du consommateur entraîne l'annulation du contrat, dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants du code civil, si le défaut d'information porte sur des éléments essentiels du contrat, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (1re Civ., 20 décembre 2023, pourvoi n° 22-18.928).
En l'espèce, le bon de commande n° 427 mentionne des travaux de « rénovation de la toiture sur environ 130 m² », avec les prestations suivantes :
« - mise en place des accès ;
- préparation du support ;
- remaniement de toiture complète ;
- enlèvement d'une cheminée ;
- rebouchage du trou cheminée ;
- remplacement des tuiles par celles fournies par le client ;
- chantier complet garanti »
Le bon de commande ne mentionne pas le prix de chacune des prestations mais comporte les termes « forfait » et « tarif ferme », puis le prix HT de 7 090,91 euros et le prix TTC de 7 800 euros. Il est en outre précisé une date limite de fin des travaux en février 2020.
Il convient de relever que le bon de commande ne précise pas le contenu de la prestation intitulée « remaniement de toiture » qui apparaît être la prestation principale du contrat conclu avec M. [J], ni même le prix de celle-ci. Aucun autre élément ne permettait au consommateur de connaître précisément les travaux qui seraient entrepris au titre de la prestation « remaniement de toiture ».
Le bon de commande n° 427 est donc frappé d'imprécision quant aux caractéristiques de la prestation convenue, au point que la société MO Construction indique elle-même que ce bon de commande doit être lu au regard des prestations mentionnées sur le bon de commande n° 266.
Cependant, ces deux bons de commande constituent des contrats distincts. En effet, le bon de commande n° 427 mentionne un « chantier complet garanti » pour la rénovation complète de la toiture, moyennant un tarif forfaitaire ferme, sans faire référence à un examen préalable de la toiture en place, et le bon de commande n° 266 prévoit quant à lui des travaux supplémentaires tels que le changement des chevrons abîmés, la pose d'un écran sous-toiture, deux zingueries à refaire, la pose d'un velux, la pose d'un portail, la repose des ardoises manquant de l'écurie et de la grange. Il ne peut donc être considéré que les deux bons de commande forment un tout alors même que la société MO Construction, qui sollicite le paiement de l'acompte du bon de commande n° 427 en plus de l'acompte versé au titre du bon de commande n° 266, considère que le bon de commande n° 266 ne remplaçait pas le bon de commande n° 427.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le vendeur n'a pas satisfait à l'obligation d'information pré-contractuelle prévue à l'article L.111-1 du code de la consommation dès lors que les caractéristiques essentielles du service n'étaient pas précisément mentionnées sur le bon de commande n° 427, viciant ainsi le consentement du consommateur sur les éléments essentiels du contrat, qui ne pouvait comprendre quels travaux précis le professionnel s'engageait pour un prix forfaitaire ferme.
En conséquence, le contrat résultant du bon de commande n° 427 est frappé de nullité. Le jugement sera donc complété en ce sens, et sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de la somme de 2 300 euros au titre de l'acompte sur ce bon de commande, formée par la société MO Construction.
Sur la demande de dommages et intérêts de M. [J]
La société MO Construction ne formulant aucun moyen au soutien de sa demande d'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [J] la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts, la cour ne peut que confirmer la décision du tribunal sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
M. [J] étant fondé en ses demandes, il n'est établi aucune faute de celui-ci dans l'exercice de son droit fondamental d'agir en justice. La demande reconventionnelle de dommages et intérêts de la société MO Construction pour procédure abusive sera rejetée, et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les frais de procédure
Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
La société MO Construction sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer à M. [J] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT :
ANNULE le contrat conclu entre les parties le 24 janvier 2020 (bon de commande n° 427) ;
CONDAMNE la société MO Construction à payer à M. [J] la somme complémentaire de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société MO Construction aux entiers dépens d'appel.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.