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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-2, 12 novembre 2024, n° 23/03835

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA), S21Y Selarl (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Javelas

Conseillers :

M. Pinoy, Mme Thivellier

Avocats :

Me Bourree, Me Rouland, Me Karm

Jur. prox. Rambouillet, du 23 mai 2023, …

23 mai 2023

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat du 25 février 2019, la société BNP Paribas Personal Finance a consenti à M. [Z] [F] un prêt d'un montant de 29 900 euros, au taux d'intérêt contractuel de 4,84 %, remboursable sur une durée de 144 mois, aux fins de financer l'acquisition d'une installation photovoltaïque et d'un chauffe-eau auprès de la société Pac Environnement par contrat du 12 février 2019.

Par jugement du tribunal de commerce de Créteil du 15 septembre 2021, la société Pac Environnement a été placée en liquidation judiciaire et la société S21Y désignée en qualité de mandataire liquidateur.

Par acte de commissaire de justice du 18 mai 2022, M. [Z] [F] a fait assigner la société France Pac Environnement prise en la personne de son liquidateur judiciaire, la société S21Y prise en la personne de Me [H] [O], et la société BNP Paribas Personal Finance sous le bénéfice de l'exécution provisoire, aux fins de voir :

- prononcer l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté qui lui est accessoire,

- à titre principal, dire qu'il n'est pas tenu de rembourser la somme de 29 900 euros avec intérêts au profit de la société BNP Paribas Personal Finance et condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui restituer l'intégralité des sommes prélevées sur son compte bancaire,

- à titre subsidiaire, au cas où le tribunal refuserait de l'exonérer du remboursement du crédit à la société BNP Paribas Personal Finance, le condamner à lui rembourser la somme de 2 990 euros déduction faite des sommes déjà versées,

- déclarer qu'il devra tenir à la disposition de la société S21Y prise en la personne de Me [O] ès qualités de liquidateur de la société France Pac Environnement les matériels vendus dans un délai de 2 mois et que passé ce délai, il pourra en disposer comme bon lui semble,

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Par jugement réputé contradictoire du 23 mai 2023, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Rambouillet a :

- débouté le demandeur de toutes ses demandes,

- dit que M. [F] devra poursuivre le remboursement du prêt consenti par la société BNP Paribas Personal Finance,

- condamné M. [F] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance une indemnité de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,

- condamné M. [F] aux dépens de l'instance.

Par déclaration déposée au greffe le 15 juin 2023, M. [F] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 13 mai 2024, M. [F], appelant, demande à la cour de :

- débouter société BNP Paribas Personal Finance de ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer le jugement rendu le 23 mai 2023 par le tribunal de proximité de Rambouillet dans son intégralité en ce qu'il :

* l'a débouté de toutes ses demandes,

* dit qu'il devra poursuivre le remboursement du prêt consenti par la société BNP Paribas Personal Finance,

* l'a condamné à payer à la société BNP Paribas Personal Finance une indemnité de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* l'a condamné aux dépens de l'instance,

Et réformant ledit jugement, prononcer l'annulation du contrat de vente et du contrat de crédit qui lui est accessoire,

En conséquence à titre principal,

- déclarer qu'il n'est pas tenu de rembourser la somme de 29 900 euros avec intérêts au profit de la société BNP Paribas Personal Finance et condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui restituer l'intégralité des sommes prélevées sur son compte bancaire (16 168,75 euros au 20 juin 2024, ainsi que tout autre somme prélevée après cette date),

A titre subsidiaire dans l'hypothèse où la cour refuserait de l'exonérer de rembourser le crédit à la société BNP Paribas Personal Finance,

- le condamner à rembourser la somme de 29 900 euros à la société BNP Paribas Personal Finance, laquelle viendra se compenser avec les sommes prélevées au titre du crédit, si bien que la société BNP Paribas Personal Finance lui remboursera le trop-perçu,

En tout état de cause,

- déclarer qu'il devra tenir à la disposition de la société S21Y prise en la personne de Me [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société France Pac Environnement, les matériels vendus durant un délai de 2 mois et que passé ce délai, il pourra en disposer comme bon lui semble, notamment les porter dans un centre de tri à ses frais personnels,

- condamner la société BNP Paribas Personal Finance au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens à son profit.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 29 mai 2024, la société BNP Paribas Personal Finance, intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 23 mai 2023 par le tribunal de proximité de Rambouillet en ce qu'il a débouté M. [F] de toutes ses demandes, dit que M. [F] devra poursuivre le remboursement du prêt qu'elle a consenti, condamné M. [F] aux dépens de l'instance et à une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En conséquence,

A titre principal,

- déclarer irrecevable la demande de M. [F] en nullité du contrat conclu avec la société France Pac Environnement,

- déclarer, par voie de conséquence, irrecevable la demande de M. [F] en nullité du contrat de crédit conclu avec elle,

- dire et juger à tout le moins que les demandes de nullité des contrats ne sont pas fondées,

- débouter M. [F] de sa demande en nullité du contrat conclu avec la société France Pac Environnement, ainsi que de sa demande en nullité du contrat de crédit conclu avec elle et de leur demande en restitution des mensualités réglées,

- ordonner en conséquence la poursuite du remboursement des mensualités versées,

Subsidiairement, en cas de nullité des contrats,

- déclarer irrecevable la demande de M. [F] visant à la décharge de l'obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins l'en débouter,

- condamner, en conséquence, M. [F] à lui régler la somme de 29 900 euros en restitution du capital prêté,

En tout état de cause,

- déclarer irrecevables les demandes de M. [F] visant à la privation de sa créance, ainsi que sa demande de dommages et intérêts,

- à tout le moins, le débouter de sa demande,

Très subsidiairement,

- limiter la réparation qu'elle devrait eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et eu égard à la faute de l'emprunteur ayant concouru à son propre préjudice,

- limiter, en conséquence, la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. [F] d'en justifier,

- en cas de réparation par voie de dommages et intérêts, limiter la réparation à hauteur du préjudice subi, et dire et juger que M. [F] reste tenu de restituer l'entier capital à hauteur de 29 900 euros,

A titre infiniment subsidiaire, en cas de privation de sa créance,

- condamner M. [F] à lui payer la somme de 29 900 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de sa légèreté blâmable,

- enjoindre à M. [F], de restituer, à ses frais, le matériel installé chez lui à Me [O], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société France Pac Environnement, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l'arrêt,

- dire et juger qu'à défaut de restitution, M. [F] restera tenu du remboursement/restitution du capital prêté,

- subsidiairement, priver M. [F] de sa créance en restitution des sommes réglées du fait de sa légèreté blâmable,

- débouté M. [F] de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que de sa demande formée au titre des dépens,

- ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,

En tout état de cause,

- condamner M. [F] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SCP Mery Renda Karm Genique.

La société S21Y, liquidateur judiciaire de la société France Pac Environnement, n'a pas constitué avocat. Par acte de commissaire de justice délivré le 7 août 2023, la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant lui ont été signifiée à personne morale.

L'arrêt sera donc réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article 473 alinéa 2 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 juin 2024.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur la demande d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté

Moyens des parties

M. [F], appelant, fait grief au premier juge d'avoir rejeté sa demande d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté, motif pris de ce que les irrégularités qui affectaient le bon de commande avaient été couvertes par le fait que M. [F] avait exécuté sans la moindre réserve le contrat de vente principal.

Poursuivant l'infirmation de ce chef du jugement, M. [F] développe, à hauteur de cour, les moyens suivants :

- le bon de commande revêtu de sa signature n'est pas conforme aux exigences du code de la consommation en ce qu'il mentionne un point de départ du délai de rétractation de 14 jours erroné, à savoir le jour de la signature du contrat au lieu du jour de la réception du bien, en ce qu'il n'indique pas la quantité d'énergie produite par l'installation photovoltaïque, ne précise pas suffisamment les caractéristiques des biens acquis - marques, modèle- ne du chauffe-eau thermodynamique, ne fait pas mention d'un délai de livraison et d'exécution de la prestation et des services,

- contrairement à ce qui a été retenu par le premier juge, la nullité n'a pas été couverte par l'exécution volontaire du contrat, dès lors qu'il ignorait tout des nullités affectant le bon de commande, qui ne lui ont été signalées ni par le vendeur ni par le prêteur.

La banque intimée, qui conclut à la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation des contrats de vente et de crédit affecté, de répliquer que :

- M. [F] est de mauvaise foi et cherche à détourner la cause de nullité de son objet en sachant qu'il conservera le bien acquis du fait de l'impossibilité matérielle du vendeur de le récupérer, ce qui le rend irrecevable ou à tout le moins mal fondé en ses demandes,

- le bon de commande ne comporte aucune irrégularité formelle : la marque du matériel n'est pas obligatoirement une caractéristique essentielle de l'installation, la marque du chauffe-eau est bien mentionnée avec une alternative entre deux marques ; la puissance totale de l'installation (3000Wc) est indiquée, de même que les modalités d'exécution de la prestation de service ; le point de départ du délai de rétractation est bien celui mentionné sur le bon de commande, à savoir le jour de la signature du contrat, s'agissant d'un contrat de prestations de services,

- M. [F] ne justifie pas d'un préjudice en lien causal avec les irrégularités affectant le bon de commande,

- les nullités affectant le bon de commande ont été couvertes par l'exécution volontaire du contrat comme l'a relevé le premier juge, et par le fait que M. [F] a été informé de ces irrégularités, le bon de commande rappelant les mentions requises à peine de nullité par le code de la consommation, étant relevé que les juges peuvent s'appuyer sur un contrôle in concreto pour caractériser les circonstances démontrant que l'acquéreur a eu connaissance des irrégularités entachant le bon de commande.

Réponse de la cour

A titre liminaire, la cour constate que :

- le contrat de vente souscrit le 12 février 2019 est soumis aux dispositions du code de la consommation, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile est soumis aux dispositions en leur version postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016,

- le contrat de crédit affecté accepté le 25 février 2019 est soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,

- il convient de faire application des dispositions du code civil en leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

L'article 1103 du code civil dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Le fait de rechercher l'annulation du contrat de vente, alors que la restitution du matériel est impossible du fait de mise en liquidation judiciaire du vendeur, ne saurait caractériser la mauvaise foi alléguée de M. [F], qui agit en raison de la rentabilité économique de son installation qu'il estime insuffisante.

Il n'y a pas lieu de déclarer irrecevable ni de débouter M. [F] de sa demande de nullité pour ce motif.

Les dispositions de l'article L. 221-9 du code de la consommation, prévues à peine de nullité du contrat en application de l'article L. 242-1 du même code, énoncent que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.

(...)

Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5.

Aux termes des dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation, préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, notamment les informations suivantes:

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.

L'article L.111-1 du même code dispose qu'avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1. Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2. Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;

3. En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4. Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

5. S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;

6. La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés à l'article R. 111-1 du même code.

En l'espèce, le bon de commande en litige signé par M. [F] le 12 février 2019, porte sur la fourniture, la pose et l'installation de 10 panneaux photovoltaïques de marque francilienne ou Soluxtec, d'une puissance unitaire de 300 Wc, en auto-consommation et en revente de surplus, ainsi que les démarches administratives auprès de la mairie et du consuel, d'un pack prises e-connect, d'un micro-onduleur Enphase, d'un pack d'ampoules LED, d'un chauffe-eau thermodynamique de 270 litres, d'une isolation sous toiture, moyennant le prix total de 29 900 euros.

L'exemplaire du bon de commande soumis à la cour ne mentionne pas de date de livraison.

Transposant l'article 5, d) de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relatives aux droits des consommateurs, l'article L. 111-1,3° du code de la consommation impose au professionnel d'informer le consommateur sur la date ou le délai auquel il s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service. Cette information doit être fournie en l'absence d'exécution immédiate du contrat.

Il appartient au professionnel de prouver qu'il s'était acquitté de son obligation d'information à l'égard du consommateur (Cass., 1re Civ., 15 mai 2002, pourvoi n° 99-21.521, Bull. n° 132 ; Cass., 1re Civ., 13 décembre 2012, pourvoi n° 11-27.766, Bull. 2012, I, n° 260) et il incombe à la cour de rechercher si l'information donnée satisfait aux exigences posées par l'article L. 111-1 du code de la consommation ou si les documents remis aux contractant comportent des omissions, des ambiguïtés ou des insuffisances, cette appréciation étant souveraine (Cass., 1re Civ., 28 octobre 2009, n° 08-19.303).

En l'espèce, le bon de commande litigieux ne comporte aucune date de livraison et n'indique aucun délai de réalisation des prestations à caractère administratif, que la société Pac Environnement s'est engagée à effectuer, l'acquéreur étant ainsi dans l'impossibilité de déterminer quand le vendeur exécuterait ses différentes obligations.

En outre, la marque du chauffe-eau Thermodynamique, qui constitue une caractéristique essentielle (Cass. 1er chambre civile, 24 janvier 2024 ' n° 21-20.691), n'est pas mentionnée.

En effet, la marque constitue une information substantielle, c' est -à-dire une information clef dont le consommateur a besoin pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause.

S'agissant d'une installation à haut niveau de développement technologique destinée à produire de l'énergie, la marque, dont la fonction est de garantir l'origine d'un produit commercialisé, est une caractéristique essentielle pour le consommateur démarché qui doit pouvoir identifier le fabricant garant de la qualité, de la pérennité et de la sécurité de ses produits, et qui doit aussi pouvoir procéder utilement à des comparaisons de prix durant le délai de rétractation qui lui est ouvert par la loi.

Il résulte de ce qui précède que la nullité du contrat principal de vente est encourue sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par M. [F] au soutien de sa demande d'annulation.

La société BNP Paribas Personal finance fait, cependant, valoir que cette nullité a été couverte en raison de l'exécution volontaire du contrat par M. [F], ainsi que l'a retenu le premier juge.

Il est de règle que la nullité qui découle de l'irrégularité formelle du contrat au regard des dispositions régissant la vente hors établissement et dont la finalité est la protection du consommateur, est une nullité relative.

L'article 1182 du code civil, énonce que la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat.

La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat.

L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu'après que la violence a cessé.

La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.

Il s'en déduit que la confirmation d'un acte nul impose, d'une part, la connaissance du vice l'ayant affecté et, d'autre part, l'intention de le réparer.

En l'espèce, la preuve de la connaissance des irrégularités n'est pas établie, la reproduction, dans les conditions générales figurant au verso du bon de commande, dont l'acquéreur avait déclaré avoir pris connaissance, des dispositions du code de la consommation étant insuffisante à révéler à l'acquéreur les vices affectant ce bon (Cass.1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 21-20.691).

Le seul fait que M. [F] ait laissé le contrat s'exécuter en acceptant la livraison, en signant l'attestation de réception des travaux, ne peut s'analyser en une confirmation tacite de l'obligation entachée de nullité, alors que ces faits ne démontrent pas qu'elle a eu connaissance des irrégularités affectant le bon de commande en litige et l'intention de les réparer.

Par suite, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a annulé le contrat de vente.

L'annulation du contrat de vente entraîne, ipso facto, celle du contrat de crédit affecté.

En effet, aux termes de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est résolu ou annulé de plein droit, lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

II) Sur la créance de restitution de la société BNP Paribas Personal Finance

Moyens des parties

M. [F] expose à la cour que la banque doit être privée de son droit à restitution du capital emprunté en raison en considération du préjudice matériel qu'il a subi et qui est en lien causal avec les fautes commises par la banque qui n'a pas contrôlé la régularité formelle de l'opération et a débloqué hâtivement les fonds sans s'assurer au préalable que la société Pac Environnement avait exécuté l'intégralité de ses prestations.

Il précise que les fautes commises par la banque lui ont causé un préjudice tenant au fait que le vendeur n'a pas achevé ses devoirs, qu'il ne pourra jamais être remboursé par le vendeur parce qu'il est en déconfiture, et qu'il doit restituer le matériel acquis au liquidateur judiciaire à ses frais et remettre son domicile en état à ses frais.

La banque, qui conclut au débouté de M. [F] et sollicite sa condamnation à lui restituer le capital emprunté, ou, à tout le moins, une privation partielle de restitution, en proportion du préjudice subi par M. [F], de répliquer en substance que :

- le vendeur n'a commis aucun manquement à ses obligations, l'installation ayant été mise en service et étant fonctionnelle, même si M. [F] soutient le contraire,

- elle n'a commis aucune faute en ne vérifiant pas le bon de commande, alors qu'elle n'a aucune obligation légale de procéder à cette vérification, au regard du code de la consommation et du droit communautaire, et qu'elle n'est pas juge de la régularité du contrat, ni en ne vérifiant pas la réalisation complète de la prestation financée, dès lors qu'il n'est pas contesté que la prestation était réalisée au moment du déblocage des fonds, et qu'elle n'a fait qu'exécuter l'ordre de paiement donné par son mandant conformément aux règles du mandat, que l'emprunteur a lui-même disposé des fonds en donnant l'ordre de paiement et qu'elle n'a versé les fonds qu'au vu d'un procès-verbal de réception, d'une attestation de réalisation de la prestation, qui lui permettait de le faire,

- M. [F] ne démontre l'existence d'aucun préjudice en lien avec les fautes qu'il lui reproche, l'installation étant achevée et fonctionnelle, et M. [F], malgré ses dénégations, ne démontrant pas le contraire, faute de produire une expertise ou toute pièce justifiant d'un dysfonctionnement,

- il n'existe aucun préjudice au regard de la non obtention par l'acquéreur de la restitution du prix de vente du fait de la procédure collective dont le vendeur fait l'objet, dès lors que ce défaut de restitution a pour cause la procédure collective et non la faute commise par la banque et où le liquidateur judiciaire ne formant aucune demande de restitution, l'emprunteur va rester, de fait, en possession du matériel, ce qui limite son préjudice,

- à titre subsidiaire, si la cour devait estimer qu'un préjudice a été subi, la cour devra limiter la condamnation de la banque en proportion du préjudice effectivement subi, tenant à la part de la prestation non exécutée et en considération des fautes commises par l'emprunteur.

Réponse de la cour

Suite à l'annulation du contrat de crédit, les parties à ce contrat sont rétablies dans leur état antérieur, ce qui impose en principe à l'emprunteur de restituer le capital emprunté, même lorsque les fonds ont été directement versés entre les mains du vendeur.

L'emprunteur peut toutefois échapper à une telle restitution s'il parvient à démontrer que le prêteur a commis une faute en libérant les fonds, laquelle lui permet d'obtenir des dommages intérêts venant se compenser avec le capital emprunté.

M. [F] reproche, en premier lieu, à la banque de ne pas avoir procédé, préalablement à la libération des fonds, aux vérifications qui lui auraient permis de constater que le contrat de vente et d'installation était affecté d'une cause de nullité.

Dans la logique de l'opération commerciale unique et afin de protéger le consommateur, le prêteur est, contrairement à ce qu'il soutient au cas d'espèce, tenu de vérifier la régularité formelle du contrat principal et d'informer l'emprunteur d'une éventuelle irrégularité afin que celui-ci puisse confirmer le contrat ou y renoncer. A défaut, le prêteur commet une faute susceptible d'engager sa responsabilité.

En ne vérifiant pas la régularité du bon de commande et en finançant une opération accessoire à un contrat de vente nul, la banque a donc, et contrairement à ce qu'elle soutient, commis une faute.

M. [F] reproche, en deuxième lieu, à la banque d'avoir libéré hâtivement les fonds, sans s'être assurée au préalable de l'exécution complète du contrat principal.

Dans la logique de l'opération commerciale unique, l'emprunteur ne saurait être tenu d'un engagement financier qui n'aurait pas pour contrepartie la livraison d'un bien ou l'exécution d'une prestation de service. L'article L. 312-48 du code de la consommation prévoit du reste que les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. Il est donc justifié que le prêteur s'enquière de l'exécution complète du contrat principal et ne délivre les fonds qu'après une telle exécution, sous peine de commettre une faute, et sans pouvoir exciper des règles du mandat comme le fait, en l'espèce, la banque, pour soutenir qu'elle aurait été contrainte de procéder au versement des fonds, dès lors qu'elle en avait reçu l'ordre de son mandant.

L'emprunteur qui détermine l'établissement de crédit à libérer les fonds au vu d'une attestation de livraison n'est pas recevable à soutenir ensuite, au détriment du prêteur, que le bien ne lui a pas été livré (Cass.1ère Civ., 14 novembre 2001, pourvoi n° 99-15.690).

Il incombe donc au prêteur de vérifier que l'attestation de fin de travaux qui lui est adressée suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.

Au cas d'espèce, aux termes du document signé par la venderesse et M. [F] 21 mars 2019, il est attesté de la livraison conformément au contrat de vente et la venderesse demande au prêteur de lui verser les fonds au titre du contrat de crédit (29 900 euros).

L'attestation signée par l'emprunteur, datée du 21 mars 2019, si elle est de nature à identifier l'opération financée, n'est pourtant pas propre à caractériser l'exécution complète du contrat principal, dès lors que le bon de commande stipulait que le raccordement au réseau et les démarches administratives étaient comprises dans la commande.

La société BNP Paribas Personal Finance a donc et contrairement à ce qu'elle soutient, commis une faute en libérant les fonds sans s'assurer que la prestation financée avait été entièrement exécutée.

En outre, la mise en liquidation du vendeur de M. [F] lui permet d'établir, contrairement à ce que soutient la banque, l'existence d'un préjudice en lien avec les fautes commises par cette dernière.

En effet, il ressort de la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation (Civ. 1ère, 10 juillet 2024, n°22-24.754) que si, en principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable, il en va différemment lorsque le vendeur est en liquidation judiciaire.

Dans une telle hypothèse, d'une part, compte tenu de l'annulation du contrat de vente, l'emprunteur n'est plus propriétaire de l'installation qu'il avait acquise, laquelle doit pouvoir être restituée au vendeur ou retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation.

D'autre part, l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir la restitution du prix est, selon le principe d'équivalence des conditions, une conséquence de la faute de la banque dans l'examen du contrat principal.

Par conséquent, il convient de retenir que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de service annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal.

Il s'ensuit que l'emprunteur a subi un préjudice, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation, consistant à ne pas pouvoir obtenir, auprès d'un vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente d'un matériel dont il n'est plus propriétaire, préjudice qui n'aurait pas été subi sans la faute de la banque.

En conséquence, la banque sera déboutée de sa demande de remboursement du capital emprunté et condamnée à rembourser la totalité des échéances versées, sans qu'il y ait lieu de limiter le remboursement dû par la banque, M. [F] justifiant d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente annulé.

III) Sur la demande de la banque visant à ce qu'il soit enjoint à M. [F] de restituer à ses frais le matériel au liquidateur judiciaire de la société France Pac Environnement

Comme il a été dit précédemment, la banque, du fait de l'annulation du contrat de vente, n'est plus propriétaire de l'installation photovoltaïque, en sorte qu'elle n'a pas qualité pour demander la restitution du matériel dont elle n'est pas propriétaire.

Par suite, la demande de restitution du matériel ne pourra être accueillie.

M. [F] devra tenir à la disposition de la selarl S21Y, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société France Pac Environnement, les matériels vendus durant un délai de deux mois. Passé ce délai il convient de dire que M. [F] pourra en disposer comme bon lui semble.

IV) Sur la demande visant à ce que M. [F], en raison de sa légèreté blâmable, soit condamné au paiement dommages et intérêts (29 900 euros) ou, à tout le moins privé de sa créance de restitution

La société BNP Paribas Personal Finance demande, en cas de privation de sa créance de restitution, la condamnation de M. [F] à lui payer des dommages et intérêts d'un montant de 29 900 euros en raison de sa faute consistant à avoir signé imprudemment l'attestation de fin de travaux et l'ordre de paiement donné, sans laquelle elle n'aurait jamais réglé les fonds au vendeur. Elle soutient qu'il a ainsi fait preuve d'une légèreté blâmable qui lui causerait préjudice dans la mesure où elle ne pourrait obtenir restitution des fonds prêtés. A tout le moins, elle demande qu'ils soient privés de leur créance de restitution au titre des sommes déjà réglées.

M. [F] ne répond pas sur ce point.

Réponse de la cour

Si en versant les fonds au vendeur, alors que l'attestation dont elle disposait ne lui permettait manifestement pas de s'assurer de la bonne exécution de la prestation et de l'achèvement des travaux, la banque a commis une faute engageant sa responsabilité, il n'en va pas de même de M. [F], qui est un consommateur profane.

La banque ne saurait, en effet, reprocher à l'emprunteur une légèreté blâmable laquelle consisterait, en fait, à ne pas avoir lui-même constaté le défaut d'exécution complète de la prestation dont il se prévaut aujourd'hui alors que, profane, il ne pouvait être tenu à la même obligation qu'elle-même, professionnelle du crédit, n'a pas remplie, ce qu'elle prétend d'ailleurs être non fautif.

Aussi la banque sera-t-elle déboutée de sa demande de dommages et intérêts, ainsi que de sa demande visant à ce que M. [F], en raison de sa légèreté blâmable, soit privé de sa créance de restitution.

V) Sur les dépens

La banque, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

Déclare M. [Z] [F] recevable et bien fondé en ses demandes ;

Annule les contrats de vente et de crédit affecté passés les 12 et 25 février 2019 avec les sociétés France Pac Environnement et BNP Paribas Personal Finance ;

Déboute la société BNP Paribas Personal Finance de la totalité de ses demandes ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à rembourser à M. [Z] [F] la totalité des échéances acquittées en exécution du contrat de crédit affecté qui lui a été consenti le 25 février 2019, à savoir la somme de 16 168, 75 euros, au 20 juin 2024, outre les sommes qui auraient pu être versées postérieurement à cette date ;

Dit que M. [Z] [F] devra laisser les matériels acquis à la disposition de la liquidation judiciaire de la société France Pac Environnement pendant un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt et qu'elle pourra, à l'issue de ce délai, procéder au démontage des matériels ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens de première instance et d'appel;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [Z] [F] une indemnité de 3 000 euros.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Gaëlle RULLIER, Greffière palcée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.