Décisions
CA Paris, Pôle 4 - ch. 9 - a, 12 novembre 2024, n° 24/04864
PARIS
Ordonnance
Autre
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 9 - A
N° RG 24/04864 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJCLT
Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle
Date de l'acte de saisine : 05 Mars 2024
Date de saisine : 18 Mars 2024
Nature de l'affaire : Autres demandes d'un organisme, ou au profit d'un organisme
Décision attaquée : n° 23/00382 rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS le 05 Février 2024
Appelant :
Monsieur [N] [T], représenté par Me Florent HENNEQUIN de la SELARL LEPANY & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R222 - N° du dossier E0004FD6
Intimée :
Etablissement Public FRANCE TRAVAIL (ANCIENNEMENT POLE EMPLOI), représentée par Me Julie GIRY de la SELARL RBG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0729
ORDONNANCE SUR INCIDENT
DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT
(n° , 7 pages)
Nous, SOPHIE COULIBEUF, magistrat en charge de la mise en état,
Assistée de Sandrine GENNEVRAYE, greffier lors de l'audience, et de Caroline GAUTIER, greffier lors de la mise à disposition,
EXPOSE DU LITIGE
M. [T] a été inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi en catégorie 4 à compter du 25 mai 2019 suite à un licenciement économique et France Travail lui a notifié une ouverture de droits à l'Allocation de Sécurisation Professionnelle (ASP) pour une durée de 12 mois à compter du 25 mai 2019, puis à compter du 16 septembre 2020 pour une durée de 730 jours.
Le 18 juin 2021, France travail a notifié à M. [T] l'existence d'un trop-perçu d'un montant de 2 996,30 euros correspondant à des allocations chômage indûment perçues de février 2021 à mai 2021 puis l'a mis en demeure de payer cette somme.
Le 15 mars 2022, la commission de surendettement des particuliers saisie par M. [T] a effacé partiellement cette dette à hauteur de 797,36 euros, portant ainsi le solde de son trop-perçu à la somme de 2 198,94 euros, à l'issue de l'échéancier de paiement.
Par acte du commissaire de justice en date du 6 septembre 2022 remis à étude, France Travail a signifié à M. [T] une contrainte n° UN562101066 daté du 23 août 2022, portant sur l'indu de 2 203,79 euros puis l'a mis en demeure le 5 octobre 2021 de régler cette somme.
Suivant requête en date du 6 janvier 2023, le conseil de M. [T] a formé opposition à la contrainte et en a sollicité l'annulation aux motifs que France Travail n'apportait pas la preuve de l'envoi d'une mise en demeure respectant le formalisme des articles R. 5426-20 et 21 du code du travail et que la somme réclamée ne tiendrait pas compte de l'effacement de la dette imposée par la commission de surendettement.
A l'audience, M. [T] a sollicité in limine litis du tribunal qu'il saisisse le Conseil d'Etat d'une question préjudicielle afin que celui-ci se prononce sur :
- la légalité des modalités d'opposition à contrainte fixées à l'article R. 5426-22 du code du travail (issu du décret n°2012-1066 du 18 septembre 2012) au regard des dispositions des articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l'homme et 2 du protocole n°7 à la CEDH, en ce qu'il limite à 15 jours le délai dans lequel le débiteur peut former opposition à la contrainte,
- la légalité des modalités d'établissement de la contrainte fixées à l'article R. 5426-20 du code du travail (issu du décret n°2012-1066 du 18 septembre 2012 et ultérieurement modifié par décret n°2018-1335 du 28 décembre 2018) au regard des dispositions de l'article 8 de la CEDH, en ce qu'il n'impose pas de délai maximum au directeur général de Pôle Emploi pour décerner une contrainte à compter de la notification de la mise en demeure.
Il a sinon sollicité que soit prononcée la recevabilité de ses demandes et à titre principal le bien-fondé de son opposition à contrainte ainsi que l'irrégularité de cette contrainte qui lui a été délivrée. Il a demandé l'annulation de la contrainte du 6 septembre 2022 et à être déchargé du paiement.
Il souhaitait également que soit prononcée la réduction de l'indu réclamé par Pôle Emploi à la somme de 1 euro en application de l'article 1302-3 alinéa 2 du Code civil, que Pôle Emploi soit condamné à lui verser une somme de 2 367,25 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du Code Civil et que soit prononcée la compensation de ces sommes avec les sommes visées dans la contrainte, outre la condamnation de Pôle Emploi à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience du 18 décembre 2023, les conseils de France Travail et de M. [T] s'accordaient pour ne plaider que l'incident relatif à la question préjudicielle soulevée par le demandeur à l'opposition.
Suivant jugement avant-dire droit en date du 5 février 2024, le tribunal judiciaire de Paris a jugé non recevable la question préjudicielle soulevée, ordonné la réouverture des débats aux fins de statuer sur le fond, convoqué Pôle Emploi et M. [T] à l'audience de plaidoirie du pôle civil de proximité de Paris du 29 mars 2024 pour la poursuite de l'instance.
Suivant déclaration d'appel en date du 5 mars 2024, M. [T] interjetait appel du jugement avant-dire droit et sollicitait son infirmation « en ce qu'il a jugé qu'il n'y a pas lieu de considérer que la décision du Tribunal est subordonnée à la réponse que la juridiction administrative pourrait apporter à la question préjudicielle concernant la légalité des règles énoncées aux articles R. 5426-20 et R. 5426-22 du code du travail, en ce qu'il a considéré que la question préjudicielle ne commande pas l'issue du litige, mais uniquement la régularité de la contrainte et la forclusion de l'opposition, que l'examen de son caractère sérieux ne s'impose pas, et ainsi en ce qu'il a débouté M. [T] de sa demande de sursis à statuer, et jugé non recevable la question préjudicielle soulevée par lui ».
Aux termes de sa déclaration d'appel, M. [T] sollicite également de :
être déclaré recevable et bien fondé en son appel,
infirmer le jugement en ce qu'il a :
- jugé non recevable la question préjudicielle qu'il a soulevée,
- ordonné la réouverture des débats aux fins de statuer sur le fond,
- convoqué l'établissement public Pôle Emploi et lui à l'audience de plaidoirie du Pôle civil de proximité - JTJ Proxi requêtes du 29 mars 2024 pour la poursuite de l'instance ;
- enjoint aux parties de se mettre en état et d'échanger leurs dernières conclusions au plus tard le 19 mars 2024 ;
- réservé les dépens et l'examen des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuer à nouveau,
prononcer la transmission au Conseil d'État, compétent en premier et dernier ressort de la question préjudicielle suivante : - l'article R. 5426-22 du code du travail, issu du décret n°2012-1066 du 18 septembre 2012 - art. 1, est-il entaché d'illégalité, en ce qu'il limite à quinze jours le délai dans lequel le débiteur peut former opposition à la contrainte délivrée par Pôle Emploi, en application de l'article L. 5426-8-2 du Code du travail, violant ainsi les droits de la défense, le droit à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, le principe d'égalité devant la justice, de la sécurité juridique, des principes d'indépendance et d'impartialité, le droit à une vie familiale normale, le droit à la protection de la santé et le droit au repos, - l'article R. 5426-20 du Code du travail, issu du décret n°2012-1066 du 18 septembre 2012 - art. 1, modifié par décret n°2014-524 du 22 mai 2014 - art. 16, puis par décret n°2018-1335 du 28 décembre 2018 - art. 6, est-il entaché d'illégalité, en ce qu'il n'impose pas de délai maximum au directeur général de Pôle Emploi pour décerner la contrainte prévue à l'article L. 5426-8-2 à compter de la notification de la mise en demeure, violant ainsi les droits de la défense, le droit à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, le principe d'égalité devant la justice, de la sécurité juridique, des principes d'indépendance et d'impartialité, le droit à une vie familiale normale, le droit à la protection de la santé et le droit au repos,
prononcer la recevabilité de cette question préjudicielle,
prononcer et juger qu'il est de bonne justice d'évoquer l'affaire au fond en application de l'article 88 du code de procédure civile,
In limine litis,
prononcer la nullité, et en tout état de cause l'irrecevabilité des demandes subsidiaires formées par Pôle Emploi, le Tribunal n'en ayant pas été valablement saisi, en application de l'article R. 5426-22 du code du travail et des articles 54, 55 et 56 du code de procédure civile,
au fond,
prononcer l'illégalité de l'article L. 5426-8-2 et de l'article R. 5426-22 du code du travail, en ce qu'il limite à quinze jours le délai dans lequel le débiteur peut former opposition à la contrainte délivrée par Pôle Emploi, en application de l'article L. 5426-8-2 du code du travail, violant ainsi les droits de la défense, le droit à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, le principe d'égalité devant la justice, de la sécurité juridique, des principes d'indépendance et d'impartialité, le droit à une vie familiale normale, le droit à la protection de la santé et le droit au repos,
prononcer l'illégalité de l'article R. 5426-20 du code du travail, en ce qu'il n'impose pas de délai maximum au directeur général de Pole Emploi pour décerner la contrainte prévue à l'article L. 5426-8-2 à compter de la notification de la mise en demeure, violant ainsi les droits de la défense, le droit à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, le principe d'égalité devant la justice, de la sécurité juridique, des principes d'indépendance et d'impartialité, le droit à une vie familiale normale, le droit à la protection de la santé et le droit au repos,
prononcer la recevabilité de ses demandes,
À titre principal,
prononcer le bien-fondé de l'opposition à contrainte,
prononcer l'irrégularité de la contrainte qui lui a été délivrée le 6 septembre 2022,
En conséquence,
annuler la contrainte qui lui a été délivrée à la demande de Pôle Emploi le 6 septembre 2022,
le décharger du versement des sommes mentionnées dans la contrainte du 6 septembre 2022,
À titre subsidiaire, prononcer et juger que les manquements de Pôle Emploi à ses obligations sont à l'origine du trop-perçu qui lui est réclamé,
En conséquence,
prononcer la réduction de l'indu réclamé par Pôle Emploi à la somme d'un euro en application de l'article 1302-3 alinéa 2 du code civil,
condamner Pôle Emploi à lui verser une somme de 2 367,25 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
prononcer la compensation de ces sommes avec les sommes visées dans la contrainte,
en tout état de cause condamner Pôle Emploi à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, aux entiers dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution ».
A l'audience du 29 mars 2024 devant le pôle civil de proximité du tribunal judiciaire de Paris, M. [T] sollicitait le renvoi de l'affaire dans l'attente de la décision de la cour d'appel. Ce dossier était renvoyé à l'audience du 8 novembre 2024.
Suivant conclusions d'incident n°3 sur la question préjudicielle signifiées par RPVA le 14 octobre 2024, M. [T] demande au conseiller de la mise en état de : « prononcer la recevabilité de son appel, se déclarer compétent pour connaître de sa demande s'agissant de la question préjudicielle au Conseil d'Etat, prononcer la recevabilité de sa demande s'agissant de la question préjudicielle au Conseil d'État, prononcer la transmission au Conseil d'Etat, compétent en premier et dernier ressort de la question préjudicielle suivante : - l'article R. 5426-22 du Code du travail, issu du décret n°2012-1066 du 18 septembre 2012 - art. 1, est-il entaché d'illégalité, en ce qu'il limite à quinze jours le délai dans lequel le débiteur peut former opposition à la contrainte délivrée par Pôle Emploi, en application de l'article L. 5426-8-2 du code du travail, violant ainsi les droits de la défense, le droit à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, le principe d'égalité devant la justice, de la sécurité juridique, des principes d'indépendance et d'impartialité, le droit à une vie familiale normale, le droit à la protection de la santé et le droit au repos ; - l'article R. 5426-20 du Code du travail, issu du décret n°2012-1066 du 18 septembre 2012 - article 1, modifié par décret n°2014-524 du 22 mai 2014 - art. 16, puis par décret n°2018-1335 du 28 décembre 2018 - article 6, est-il entaché d'illégalité, en ce qu'il n'impose pas de délai maximum au directeur général de Pole Emploi pour décerner la contrainte prévue à l'article L. 5426-8-2 à compter de la notification de la mise en demeure, violant ainsi les droits de la défense, le droit à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, le principe d'égalité devant la justice, de la sécurité juridique, des principes d'indépendance et d'impartialité, le droit à une vie familiale normale, le droit à la protection de la santé et le droit au repos.
Surseoir à statuer dans l'attente de la décision de cette juridiction ;
En tout état de cause, débouter France travail anciennement Pôle emploi de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, réserver les dépens. »
A l'appui de ses prétentions, M. [T] expose tout d'abord que le jugement rendu le 5 février 2024 n'est pas un simple jugement avant dire droit puisqu'il tranche dans son dispositif la question de la recevabilité de la question préjudicielle qu'il a posée, que dès lors il est bien fondé à faire appel de manière immédiate de cette décision. Il considère par ailleurs que le conseiller de la mise en état est, en application des articles 789 et 907 du code de procédure civile, le seul compétent pour statuer sur les demandes de sursis à statuer.
Il s'oppose par ailleurs à la fin de non-recevoir soulevée par France travail tirée de la forclusion de son opposition.
Il sollicite le renvoi de l'affaire devant le conseil d'État afin qu'il se prononce sur la légalité des modalités d'opposition à contrainte fixée par les articles R. 5426 ' 22 et R. 5426 ' 20 du code du travail au motif que ces questions ressortent de la compétence exclusive du juge administratif, qu'il existe une difficulté réelle de nature à faire naître un doute dans un esprit éclairé justifiant l'existence de la question préjudicielle et que la solution de la question préjudicielle est nécessaire au jugement du fond.
Suivant conclusions d'incident n°3 signifiées par RPVA le 14 octobre 2024, M. [T] demande au conseiller de la mise en état de :
« prononcer la recevabilité de son appel et se déclarer compétent pour connaître de ses demandes,
In limine litis,
Prononcer la nullité, et en tout état de cause l'irrecevabilité des demandes subsidiaires formées par France Travail (anciennement Pôle Emploi), le Tribunal n'en ayant pas été valablement saisi, en application de l'article R. 5426-22 du code du travail et des articles 54, 55 et 56 du code de procédure civile,
Prononcer l'irrecevabilité de la contrainte qui lui a été délivrée à la demande de Pôle Emploi le 6 septembre 2022, et des demandes formées par France Travail (anciennement Pôle Emploi), faute pour France Travail (anciennement Pôle Emploi) d'avoir respecté l'exigence de tentative de règlement amiable préalable du litige, selon les dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
Condamner France Travail (anciennement Pôle Emploi) à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution ».
Il expose que son appel est recevable en vertu de l'article 544 du code de procédure civile puisque le jugement du 5 février 2024 a tranché dans son dispositif la question de la recevabilité de la demande, que le conseiller de la mise en état a le pouvoir de trancher les fins de non-recevoir et les exceptions de procédure à partir du moment où ces demandes n'ont pas été tranchées en première instance, ce qui est le cas en l'espèce.
Il considère que les demandes principales de France travail sont irrecevables compte tenu de l'absence de tentative de règlement amiable préalable en vertu de l'article 750-1 du code de procédure civile, que les demandes subsidiaires de France travail sont également irrecevables en l'absence de respect du formalisme applicable prévu aux articles R.1235-8 et L. 5426-8-2 du code de travail du travail.
Il ajoute que France travail ne peut pas régulariser sa réclamation de trop-versé dans le cadre de la présente procédure.
Par conclusions en réplique n°3 sur l'incident sur la question préjudicielle devant le Conseil d'Etat, France Travail (anciennement dénommée Pôle Emploi) soulève à titre principal l'irrecevabilité de l'appel de M. [T], à titre subsidiaire, l'incompétence du conseiller de la mise en état pour connaître de l'incident de question préjudicielle soulevé par M. [T], à titre infiniment subsidiaire, le débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, en tout état de cause la condamnation de M. [T] à lui verser la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'appel.
A l'appui de ses conclusions, France Travail expose que M. [T] a formé un appel immédiat d'un jugement avant-dire droit sans attendre la décision statuant sur le fond, que les parties s'étaient accordées pour ne plaider que l'incident relatif à la question préjudicielle soulevée par le demandeur à l'opposition lors de l'audience devant le tribunal judiciaire de Paris le 18 décembre 2023.
Il estime par ailleurs que le conseiller de la mise en état est incompétent pour connaître de l'incident de la question préjudicielle soulevé puisque cet incident ne tend ni à prononcer la caducité de son appel, ni à déclarer son appel irrecevable ou à trancher toute question ayant trait à la recevabilité de son appel, ni à déclarer les conclusions de l'intimé irrecevables en application des articles 909 et 910 du code de procédure civile, ni à déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1 du code de procédure civile.
Il en conclut que seule la cour d'appel est compétente pour statuer sur cet appel. À titre infiniment subsidiaire il estime que la demande de question préjudicielle doit être rejetée puisqu'elle n'est nécessaire ni à la résolution du litige ni ne soulève de difficulté sérieuse.
Par conclusions en réplique n° 3 sur l'incident, France travail conclut à l'irrecevabilité de l'appel de M. [T], à titre subsidiaire à l'incompétence du conseiller de la mise en état pour connaître de l'exception d'irrecevabilité soulevée par M. [T], à titre très subsidiaire à l'irrecevabilité de l'exception d'irrecevabilité soulevée par M. [T], à titre infiniment subsidiaire au débouté de M. [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et en tout état de cause à la condamnation de M. [T] à lui payer la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
À l'appui de ses prétentions, il souligne tout d'abord que M. [T] demande à la cour d'infirmer le jugement de première instance sur des moyens que le premier juge n'a pas encore tranchés.
Il estime par ailleurs irrecevable l'appel immédiat de M. [T] pour avoir été formé immédiatement sans avoir attendu la décision sur le fond ; à titre subsidiaire il soulève l'incompétence du conseiller de la mise en état pour répondre aux exceptions d'irrecevabilité de l'appelant et à titre très subsidiaire il considère irrecevables les exceptions d'irrecevabilité soulevée par M. [T] comme reposant sur des moyens qui n'ont pas été tranchés par le premier juge puisque l'instance est toujours en cours devant le tribunal judiciaire de Paris.
Il souligne enfin l'inapplicabilité de l'article 750-1 du code de procédure civile s'agissant de la tentative de règlement amiable préalable comme ne s'appliquant pas en matière de contrainte.
À l'appui de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour appel abusif, France travail soutient que l'appel de M. [T] est purement dilatoire, formé dans le seul but de retarder le moment où il sera contraint de lui restituer les allocations-chômage indues, qu'il s'agit d'un abus résultant de l'absence manifeste de tout fondement à l'action.
Il est expressément fait référence à l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties.
La décision a été mise à disposition du greffe au 12 novembre 2024.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel
L'article 480 du code de procédure civile dispose que « Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4. »
L'article 481 du même code prévoit que « Le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche. »
Ces dispositions légales s'appliquent au jugement de fond.
L'article 483 du code de procédure civile prévoit que : « Le jugement avant dire droit ne dessaisit pas le juge. »
Le jugement avant-dire droit est le jugement qui ne tranche pas le principal , c'est-à-dire l'objet du litige, ou qui prépare le principal, en ordonnant une mesure d'instruction ou une mesure provisoire. Ce type de jugement qui ne tranche pas le fond du litige et/ou qui n'a pas mis fin à l'instance ne peut pas être frappé d'appel indépendamment des jugements sur le fond.
Seuls les jugements sur le fond peuvent être immédiatement frappés d'appel.
L'article 544 du Code de procédure civile dispose quant à lui que « Les jugements partiels, les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d'appel comme les jugements qui tranchent tout le principal. Il en est de même lorsque le jugement qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident met fin à l'instance. »
Enfin, l'article 545 du même code précise que « Les autres jugements ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi. »
En l'espèce, le jugement rendu le 5 février 2024 est un jugement rendu avant-dire droit, comme il est expressément indiqué dans le dispositif de la décision, en ce qu'il refuse de transmettre une question préjudicielle au conseil d'État et en ce qu'il renvoie l'examen du fond du litige à une date ultérieure ; il ne tranche donc pas le fond du litige et ne met pas fin à l'instance puisque les parties sont convoquées à une nouvelle date d'audience pour la poursuite d'instance.
Ce jugement ne tranche pas le fond du litige, même partiellement ; bien qu'il tranche la question de la recevabilité de la question préjudicielle, il n'en demeure pas moins qu'il reste un jugement avant-dire droit.
Cette décision n'était donc pas susceptible d'appel immédiat et l'appel formé par M. [T] concernant l'incident sur la question préjudicielle devant le conseil d'État est irrecevable.
Les secondes conclusions d'incident de M. [T] relatives à l'irrecevabilité de la contrainte et à l'irrecevabilité des demandes subsidiaires de France Travail doivent être également déclarées irrecevables en ce que ces demandes n'ont pas été examinées en première instance, et donc pas tranchées et ne se retrouvent donc dans aucun des chefs du jugement du 5 février 2024.
Ce second incident relatif à l'irrecevabilité des demandes de France travail pour défaut de règlement amiable est donc également irrecevable.
Sur la demande de dommages et intérêts
L'article 32-1 du Code de procédure civile dispose que : « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »
En l'espèce, France Travail demande à titre reconventionnel la condamnation de M. [T] au versement de dommages et intérêts pour appel abusif au motif qu'il utiliserait des moyens fallacieux pour reculer le moment de payer sa dette à France Travail, alors qu'il a fait opposition en étant largement hors délai d'une contrainte fondée en son principe comme en son montant, qu'il n'a pas respecté le plan imposé par la commission de surendettement, qu'il a invoqué devant le tribunal judiciaire de Paris des arguments fallacieux ' et pour certains irrecevables ' pour tenter d'échapper à son obligation de restitution du trop-perçu, qu'il a interjeté appel immédiat d'un jugement avant-dire droit et a soulevé deux incidents distincts devant le conseiller de la mise en état, a sollicité l'évocation du fond du litige devant la Cour d'appel dans le seul but de faire perdre aux parties un degré de juridiction.
Or, il convient de relever que si l'appel relatif à la question préjudicielle devant le conseil d'État ne constitue pas un abus manifeste d'ester en justice, en l'absence de toute intention de nuire démontrée et au vu des débats sur le caractère avant dire droit de la décision de refus de transmission de questions au conseil d'Etat, il en va différemment pour l'incident relatif à l'irrecevabilité d'exceptions d'irrecevabilité de M. [T] en ce qu'elles n'ont pas été examinées par le juge de première instance et ne pouvaient donc faire l'objet d'un appel.
M. [T] sera donc condamné à ce titre au paiement d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
M. [T], succombant en ses deux incidents et en son appel, sera condamné à payer à France Travail la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS
Nous Sophie Coulibeuf, conseillère de la mise en état, par ordonnance contradictoire,
DÉCLARONS irrecevable l'appel formé par M. [T] ;
DÉCLARONS irrecevables les incidents soulevés par M. [T] ;
CONDAMNONS M. [T] à verser à France travail une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ;
CONDAMNONS M. [T] à verser à France travail une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
CONDAMNONS M. [T] aux dépens d'appel.
Ordonnance rendue par Sophie COULIBEUF, magistrat en charge de la mise en état assisté de Caroline GAUTIER, greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Paris, le 12 Novembre 2024
Le greffier Le magistrat en charge de la mise en état
Copie au dossier
Copie aux avocats
Pôle 4 - Chambre 9 - A
N° RG 24/04864 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJCLT
Nature de l'acte de saisine : Déclaration d'appel valant inscription au rôle
Date de l'acte de saisine : 05 Mars 2024
Date de saisine : 18 Mars 2024
Nature de l'affaire : Autres demandes d'un organisme, ou au profit d'un organisme
Décision attaquée : n° 23/00382 rendue par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS le 05 Février 2024
Appelant :
Monsieur [N] [T], représenté par Me Florent HENNEQUIN de la SELARL LEPANY & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R222 - N° du dossier E0004FD6
Intimée :
Etablissement Public FRANCE TRAVAIL (ANCIENNEMENT POLE EMPLOI), représentée par Me Julie GIRY de la SELARL RBG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0729
ORDONNANCE SUR INCIDENT
DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT
(n° , 7 pages)
Nous, SOPHIE COULIBEUF, magistrat en charge de la mise en état,
Assistée de Sandrine GENNEVRAYE, greffier lors de l'audience, et de Caroline GAUTIER, greffier lors de la mise à disposition,
EXPOSE DU LITIGE
M. [T] a été inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi en catégorie 4 à compter du 25 mai 2019 suite à un licenciement économique et France Travail lui a notifié une ouverture de droits à l'Allocation de Sécurisation Professionnelle (ASP) pour une durée de 12 mois à compter du 25 mai 2019, puis à compter du 16 septembre 2020 pour une durée de 730 jours.
Le 18 juin 2021, France travail a notifié à M. [T] l'existence d'un trop-perçu d'un montant de 2 996,30 euros correspondant à des allocations chômage indûment perçues de février 2021 à mai 2021 puis l'a mis en demeure de payer cette somme.
Le 15 mars 2022, la commission de surendettement des particuliers saisie par M. [T] a effacé partiellement cette dette à hauteur de 797,36 euros, portant ainsi le solde de son trop-perçu à la somme de 2 198,94 euros, à l'issue de l'échéancier de paiement.
Par acte du commissaire de justice en date du 6 septembre 2022 remis à étude, France Travail a signifié à M. [T] une contrainte n° UN562101066 daté du 23 août 2022, portant sur l'indu de 2 203,79 euros puis l'a mis en demeure le 5 octobre 2021 de régler cette somme.
Suivant requête en date du 6 janvier 2023, le conseil de M. [T] a formé opposition à la contrainte et en a sollicité l'annulation aux motifs que France Travail n'apportait pas la preuve de l'envoi d'une mise en demeure respectant le formalisme des articles R. 5426-20 et 21 du code du travail et que la somme réclamée ne tiendrait pas compte de l'effacement de la dette imposée par la commission de surendettement.
A l'audience, M. [T] a sollicité in limine litis du tribunal qu'il saisisse le Conseil d'Etat d'une question préjudicielle afin que celui-ci se prononce sur :
- la légalité des modalités d'opposition à contrainte fixées à l'article R. 5426-22 du code du travail (issu du décret n°2012-1066 du 18 septembre 2012) au regard des dispositions des articles 6 et 13 de la convention européenne des droits de l'homme et 2 du protocole n°7 à la CEDH, en ce qu'il limite à 15 jours le délai dans lequel le débiteur peut former opposition à la contrainte,
- la légalité des modalités d'établissement de la contrainte fixées à l'article R. 5426-20 du code du travail (issu du décret n°2012-1066 du 18 septembre 2012 et ultérieurement modifié par décret n°2018-1335 du 28 décembre 2018) au regard des dispositions de l'article 8 de la CEDH, en ce qu'il n'impose pas de délai maximum au directeur général de Pôle Emploi pour décerner une contrainte à compter de la notification de la mise en demeure.
Il a sinon sollicité que soit prononcée la recevabilité de ses demandes et à titre principal le bien-fondé de son opposition à contrainte ainsi que l'irrégularité de cette contrainte qui lui a été délivrée. Il a demandé l'annulation de la contrainte du 6 septembre 2022 et à être déchargé du paiement.
Il souhaitait également que soit prononcée la réduction de l'indu réclamé par Pôle Emploi à la somme de 1 euro en application de l'article 1302-3 alinéa 2 du Code civil, que Pôle Emploi soit condamné à lui verser une somme de 2 367,25 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du Code Civil et que soit prononcée la compensation de ces sommes avec les sommes visées dans la contrainte, outre la condamnation de Pôle Emploi à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'audience du 18 décembre 2023, les conseils de France Travail et de M. [T] s'accordaient pour ne plaider que l'incident relatif à la question préjudicielle soulevée par le demandeur à l'opposition.
Suivant jugement avant-dire droit en date du 5 février 2024, le tribunal judiciaire de Paris a jugé non recevable la question préjudicielle soulevée, ordonné la réouverture des débats aux fins de statuer sur le fond, convoqué Pôle Emploi et M. [T] à l'audience de plaidoirie du pôle civil de proximité de Paris du 29 mars 2024 pour la poursuite de l'instance.
Suivant déclaration d'appel en date du 5 mars 2024, M. [T] interjetait appel du jugement avant-dire droit et sollicitait son infirmation « en ce qu'il a jugé qu'il n'y a pas lieu de considérer que la décision du Tribunal est subordonnée à la réponse que la juridiction administrative pourrait apporter à la question préjudicielle concernant la légalité des règles énoncées aux articles R. 5426-20 et R. 5426-22 du code du travail, en ce qu'il a considéré que la question préjudicielle ne commande pas l'issue du litige, mais uniquement la régularité de la contrainte et la forclusion de l'opposition, que l'examen de son caractère sérieux ne s'impose pas, et ainsi en ce qu'il a débouté M. [T] de sa demande de sursis à statuer, et jugé non recevable la question préjudicielle soulevée par lui ».
Aux termes de sa déclaration d'appel, M. [T] sollicite également de :
être déclaré recevable et bien fondé en son appel,
infirmer le jugement en ce qu'il a :
- jugé non recevable la question préjudicielle qu'il a soulevée,
- ordonné la réouverture des débats aux fins de statuer sur le fond,
- convoqué l'établissement public Pôle Emploi et lui à l'audience de plaidoirie du Pôle civil de proximité - JTJ Proxi requêtes du 29 mars 2024 pour la poursuite de l'instance ;
- enjoint aux parties de se mettre en état et d'échanger leurs dernières conclusions au plus tard le 19 mars 2024 ;
- réservé les dépens et l'examen des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Statuer à nouveau,
prononcer la transmission au Conseil d'État, compétent en premier et dernier ressort de la question préjudicielle suivante : - l'article R. 5426-22 du code du travail, issu du décret n°2012-1066 du 18 septembre 2012 - art. 1, est-il entaché d'illégalité, en ce qu'il limite à quinze jours le délai dans lequel le débiteur peut former opposition à la contrainte délivrée par Pôle Emploi, en application de l'article L. 5426-8-2 du Code du travail, violant ainsi les droits de la défense, le droit à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, le principe d'égalité devant la justice, de la sécurité juridique, des principes d'indépendance et d'impartialité, le droit à une vie familiale normale, le droit à la protection de la santé et le droit au repos, - l'article R. 5426-20 du Code du travail, issu du décret n°2012-1066 du 18 septembre 2012 - art. 1, modifié par décret n°2014-524 du 22 mai 2014 - art. 16, puis par décret n°2018-1335 du 28 décembre 2018 - art. 6, est-il entaché d'illégalité, en ce qu'il n'impose pas de délai maximum au directeur général de Pôle Emploi pour décerner la contrainte prévue à l'article L. 5426-8-2 à compter de la notification de la mise en demeure, violant ainsi les droits de la défense, le droit à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, le principe d'égalité devant la justice, de la sécurité juridique, des principes d'indépendance et d'impartialité, le droit à une vie familiale normale, le droit à la protection de la santé et le droit au repos,
prononcer la recevabilité de cette question préjudicielle,
prononcer et juger qu'il est de bonne justice d'évoquer l'affaire au fond en application de l'article 88 du code de procédure civile,
In limine litis,
prononcer la nullité, et en tout état de cause l'irrecevabilité des demandes subsidiaires formées par Pôle Emploi, le Tribunal n'en ayant pas été valablement saisi, en application de l'article R. 5426-22 du code du travail et des articles 54, 55 et 56 du code de procédure civile,
au fond,
prononcer l'illégalité de l'article L. 5426-8-2 et de l'article R. 5426-22 du code du travail, en ce qu'il limite à quinze jours le délai dans lequel le débiteur peut former opposition à la contrainte délivrée par Pôle Emploi, en application de l'article L. 5426-8-2 du code du travail, violant ainsi les droits de la défense, le droit à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, le principe d'égalité devant la justice, de la sécurité juridique, des principes d'indépendance et d'impartialité, le droit à une vie familiale normale, le droit à la protection de la santé et le droit au repos,
prononcer l'illégalité de l'article R. 5426-20 du code du travail, en ce qu'il n'impose pas de délai maximum au directeur général de Pole Emploi pour décerner la contrainte prévue à l'article L. 5426-8-2 à compter de la notification de la mise en demeure, violant ainsi les droits de la défense, le droit à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, le principe d'égalité devant la justice, de la sécurité juridique, des principes d'indépendance et d'impartialité, le droit à une vie familiale normale, le droit à la protection de la santé et le droit au repos,
prononcer la recevabilité de ses demandes,
À titre principal,
prononcer le bien-fondé de l'opposition à contrainte,
prononcer l'irrégularité de la contrainte qui lui a été délivrée le 6 septembre 2022,
En conséquence,
annuler la contrainte qui lui a été délivrée à la demande de Pôle Emploi le 6 septembre 2022,
le décharger du versement des sommes mentionnées dans la contrainte du 6 septembre 2022,
À titre subsidiaire, prononcer et juger que les manquements de Pôle Emploi à ses obligations sont à l'origine du trop-perçu qui lui est réclamé,
En conséquence,
prononcer la réduction de l'indu réclamé par Pôle Emploi à la somme d'un euro en application de l'article 1302-3 alinéa 2 du code civil,
condamner Pôle Emploi à lui verser une somme de 2 367,25 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
prononcer la compensation de ces sommes avec les sommes visées dans la contrainte,
en tout état de cause condamner Pôle Emploi à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, aux entiers dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution ».
A l'audience du 29 mars 2024 devant le pôle civil de proximité du tribunal judiciaire de Paris, M. [T] sollicitait le renvoi de l'affaire dans l'attente de la décision de la cour d'appel. Ce dossier était renvoyé à l'audience du 8 novembre 2024.
Suivant conclusions d'incident n°3 sur la question préjudicielle signifiées par RPVA le 14 octobre 2024, M. [T] demande au conseiller de la mise en état de : « prononcer la recevabilité de son appel, se déclarer compétent pour connaître de sa demande s'agissant de la question préjudicielle au Conseil d'Etat, prononcer la recevabilité de sa demande s'agissant de la question préjudicielle au Conseil d'État, prononcer la transmission au Conseil d'Etat, compétent en premier et dernier ressort de la question préjudicielle suivante : - l'article R. 5426-22 du Code du travail, issu du décret n°2012-1066 du 18 septembre 2012 - art. 1, est-il entaché d'illégalité, en ce qu'il limite à quinze jours le délai dans lequel le débiteur peut former opposition à la contrainte délivrée par Pôle Emploi, en application de l'article L. 5426-8-2 du code du travail, violant ainsi les droits de la défense, le droit à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, le principe d'égalité devant la justice, de la sécurité juridique, des principes d'indépendance et d'impartialité, le droit à une vie familiale normale, le droit à la protection de la santé et le droit au repos ; - l'article R. 5426-20 du Code du travail, issu du décret n°2012-1066 du 18 septembre 2012 - article 1, modifié par décret n°2014-524 du 22 mai 2014 - art. 16, puis par décret n°2018-1335 du 28 décembre 2018 - article 6, est-il entaché d'illégalité, en ce qu'il n'impose pas de délai maximum au directeur général de Pole Emploi pour décerner la contrainte prévue à l'article L. 5426-8-2 à compter de la notification de la mise en demeure, violant ainsi les droits de la défense, le droit à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à une procédure juste et équitable garantissant l'équilibre des droits des parties, le principe d'égalité devant la justice, de la sécurité juridique, des principes d'indépendance et d'impartialité, le droit à une vie familiale normale, le droit à la protection de la santé et le droit au repos.
Surseoir à statuer dans l'attente de la décision de cette juridiction ;
En tout état de cause, débouter France travail anciennement Pôle emploi de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, réserver les dépens. »
A l'appui de ses prétentions, M. [T] expose tout d'abord que le jugement rendu le 5 février 2024 n'est pas un simple jugement avant dire droit puisqu'il tranche dans son dispositif la question de la recevabilité de la question préjudicielle qu'il a posée, que dès lors il est bien fondé à faire appel de manière immédiate de cette décision. Il considère par ailleurs que le conseiller de la mise en état est, en application des articles 789 et 907 du code de procédure civile, le seul compétent pour statuer sur les demandes de sursis à statuer.
Il s'oppose par ailleurs à la fin de non-recevoir soulevée par France travail tirée de la forclusion de son opposition.
Il sollicite le renvoi de l'affaire devant le conseil d'État afin qu'il se prononce sur la légalité des modalités d'opposition à contrainte fixée par les articles R. 5426 ' 22 et R. 5426 ' 20 du code du travail au motif que ces questions ressortent de la compétence exclusive du juge administratif, qu'il existe une difficulté réelle de nature à faire naître un doute dans un esprit éclairé justifiant l'existence de la question préjudicielle et que la solution de la question préjudicielle est nécessaire au jugement du fond.
Suivant conclusions d'incident n°3 signifiées par RPVA le 14 octobre 2024, M. [T] demande au conseiller de la mise en état de :
« prononcer la recevabilité de son appel et se déclarer compétent pour connaître de ses demandes,
In limine litis,
Prononcer la nullité, et en tout état de cause l'irrecevabilité des demandes subsidiaires formées par France Travail (anciennement Pôle Emploi), le Tribunal n'en ayant pas été valablement saisi, en application de l'article R. 5426-22 du code du travail et des articles 54, 55 et 56 du code de procédure civile,
Prononcer l'irrecevabilité de la contrainte qui lui a été délivrée à la demande de Pôle Emploi le 6 septembre 2022, et des demandes formées par France Travail (anciennement Pôle Emploi), faute pour France Travail (anciennement Pôle Emploi) d'avoir respecté l'exigence de tentative de règlement amiable préalable du litige, selon les dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
Condamner France Travail (anciennement Pôle Emploi) à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution ».
Il expose que son appel est recevable en vertu de l'article 544 du code de procédure civile puisque le jugement du 5 février 2024 a tranché dans son dispositif la question de la recevabilité de la demande, que le conseiller de la mise en état a le pouvoir de trancher les fins de non-recevoir et les exceptions de procédure à partir du moment où ces demandes n'ont pas été tranchées en première instance, ce qui est le cas en l'espèce.
Il considère que les demandes principales de France travail sont irrecevables compte tenu de l'absence de tentative de règlement amiable préalable en vertu de l'article 750-1 du code de procédure civile, que les demandes subsidiaires de France travail sont également irrecevables en l'absence de respect du formalisme applicable prévu aux articles R.1235-8 et L. 5426-8-2 du code de travail du travail.
Il ajoute que France travail ne peut pas régulariser sa réclamation de trop-versé dans le cadre de la présente procédure.
Par conclusions en réplique n°3 sur l'incident sur la question préjudicielle devant le Conseil d'Etat, France Travail (anciennement dénommée Pôle Emploi) soulève à titre principal l'irrecevabilité de l'appel de M. [T], à titre subsidiaire, l'incompétence du conseiller de la mise en état pour connaître de l'incident de question préjudicielle soulevé par M. [T], à titre infiniment subsidiaire, le débouter de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, en tout état de cause la condamnation de M. [T] à lui verser la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens d'appel.
A l'appui de ses conclusions, France Travail expose que M. [T] a formé un appel immédiat d'un jugement avant-dire droit sans attendre la décision statuant sur le fond, que les parties s'étaient accordées pour ne plaider que l'incident relatif à la question préjudicielle soulevée par le demandeur à l'opposition lors de l'audience devant le tribunal judiciaire de Paris le 18 décembre 2023.
Il estime par ailleurs que le conseiller de la mise en état est incompétent pour connaître de l'incident de la question préjudicielle soulevé puisque cet incident ne tend ni à prononcer la caducité de son appel, ni à déclarer son appel irrecevable ou à trancher toute question ayant trait à la recevabilité de son appel, ni à déclarer les conclusions de l'intimé irrecevables en application des articles 909 et 910 du code de procédure civile, ni à déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1 du code de procédure civile.
Il en conclut que seule la cour d'appel est compétente pour statuer sur cet appel. À titre infiniment subsidiaire il estime que la demande de question préjudicielle doit être rejetée puisqu'elle n'est nécessaire ni à la résolution du litige ni ne soulève de difficulté sérieuse.
Par conclusions en réplique n° 3 sur l'incident, France travail conclut à l'irrecevabilité de l'appel de M. [T], à titre subsidiaire à l'incompétence du conseiller de la mise en état pour connaître de l'exception d'irrecevabilité soulevée par M. [T], à titre très subsidiaire à l'irrecevabilité de l'exception d'irrecevabilité soulevée par M. [T], à titre infiniment subsidiaire au débouté de M. [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et en tout état de cause à la condamnation de M. [T] à lui payer la somme de 6 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif et la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
À l'appui de ses prétentions, il souligne tout d'abord que M. [T] demande à la cour d'infirmer le jugement de première instance sur des moyens que le premier juge n'a pas encore tranchés.
Il estime par ailleurs irrecevable l'appel immédiat de M. [T] pour avoir été formé immédiatement sans avoir attendu la décision sur le fond ; à titre subsidiaire il soulève l'incompétence du conseiller de la mise en état pour répondre aux exceptions d'irrecevabilité de l'appelant et à titre très subsidiaire il considère irrecevables les exceptions d'irrecevabilité soulevée par M. [T] comme reposant sur des moyens qui n'ont pas été tranchés par le premier juge puisque l'instance est toujours en cours devant le tribunal judiciaire de Paris.
Il souligne enfin l'inapplicabilité de l'article 750-1 du code de procédure civile s'agissant de la tentative de règlement amiable préalable comme ne s'appliquant pas en matière de contrainte.
À l'appui de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour appel abusif, France travail soutient que l'appel de M. [T] est purement dilatoire, formé dans le seul but de retarder le moment où il sera contraint de lui restituer les allocations-chômage indues, qu'il s'agit d'un abus résultant de l'absence manifeste de tout fondement à l'action.
Il est expressément fait référence à l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé plus ample des moyens et prétentions des parties.
La décision a été mise à disposition du greffe au 12 novembre 2024.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l'appel
L'article 480 du code de procédure civile dispose que « Le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. Le principal s'entend de l'objet du litige tel qu'il est déterminé par l'article 4. »
L'article 481 du même code prévoit que « Le jugement, dès son prononcé, dessaisit le juge de la contestation qu'il tranche. »
Ces dispositions légales s'appliquent au jugement de fond.
L'article 483 du code de procédure civile prévoit que : « Le jugement avant dire droit ne dessaisit pas le juge. »
Le jugement avant-dire droit est le jugement qui ne tranche pas le principal , c'est-à-dire l'objet du litige, ou qui prépare le principal, en ordonnant une mesure d'instruction ou une mesure provisoire. Ce type de jugement qui ne tranche pas le fond du litige et/ou qui n'a pas mis fin à l'instance ne peut pas être frappé d'appel indépendamment des jugements sur le fond.
Seuls les jugements sur le fond peuvent être immédiatement frappés d'appel.
L'article 544 du Code de procédure civile dispose quant à lui que « Les jugements partiels, les jugements qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être immédiatement frappés d'appel comme les jugements qui tranchent tout le principal. Il en est de même lorsque le jugement qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident met fin à l'instance. »
Enfin, l'article 545 du même code précise que « Les autres jugements ne peuvent être frappés d'appel indépendamment des jugements sur le fond que dans les cas spécifiés par la loi. »
En l'espèce, le jugement rendu le 5 février 2024 est un jugement rendu avant-dire droit, comme il est expressément indiqué dans le dispositif de la décision, en ce qu'il refuse de transmettre une question préjudicielle au conseil d'État et en ce qu'il renvoie l'examen du fond du litige à une date ultérieure ; il ne tranche donc pas le fond du litige et ne met pas fin à l'instance puisque les parties sont convoquées à une nouvelle date d'audience pour la poursuite d'instance.
Ce jugement ne tranche pas le fond du litige, même partiellement ; bien qu'il tranche la question de la recevabilité de la question préjudicielle, il n'en demeure pas moins qu'il reste un jugement avant-dire droit.
Cette décision n'était donc pas susceptible d'appel immédiat et l'appel formé par M. [T] concernant l'incident sur la question préjudicielle devant le conseil d'État est irrecevable.
Les secondes conclusions d'incident de M. [T] relatives à l'irrecevabilité de la contrainte et à l'irrecevabilité des demandes subsidiaires de France Travail doivent être également déclarées irrecevables en ce que ces demandes n'ont pas été examinées en première instance, et donc pas tranchées et ne se retrouvent donc dans aucun des chefs du jugement du 5 février 2024.
Ce second incident relatif à l'irrecevabilité des demandes de France travail pour défaut de règlement amiable est donc également irrecevable.
Sur la demande de dommages et intérêts
L'article 32-1 du Code de procédure civile dispose que : « Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. »
En l'espèce, France Travail demande à titre reconventionnel la condamnation de M. [T] au versement de dommages et intérêts pour appel abusif au motif qu'il utiliserait des moyens fallacieux pour reculer le moment de payer sa dette à France Travail, alors qu'il a fait opposition en étant largement hors délai d'une contrainte fondée en son principe comme en son montant, qu'il n'a pas respecté le plan imposé par la commission de surendettement, qu'il a invoqué devant le tribunal judiciaire de Paris des arguments fallacieux ' et pour certains irrecevables ' pour tenter d'échapper à son obligation de restitution du trop-perçu, qu'il a interjeté appel immédiat d'un jugement avant-dire droit et a soulevé deux incidents distincts devant le conseiller de la mise en état, a sollicité l'évocation du fond du litige devant la Cour d'appel dans le seul but de faire perdre aux parties un degré de juridiction.
Or, il convient de relever que si l'appel relatif à la question préjudicielle devant le conseil d'État ne constitue pas un abus manifeste d'ester en justice, en l'absence de toute intention de nuire démontrée et au vu des débats sur le caractère avant dire droit de la décision de refus de transmission de questions au conseil d'Etat, il en va différemment pour l'incident relatif à l'irrecevabilité d'exceptions d'irrecevabilité de M. [T] en ce qu'elles n'ont pas été examinées par le juge de première instance et ne pouvaient donc faire l'objet d'un appel.
M. [T] sera donc condamné à ce titre au paiement d'une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
M. [T], succombant en ses deux incidents et en son appel, sera condamné à payer à France Travail la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens de l'appel.
PAR CES MOTIFS
Nous Sophie Coulibeuf, conseillère de la mise en état, par ordonnance contradictoire,
DÉCLARONS irrecevable l'appel formé par M. [T] ;
DÉCLARONS irrecevables les incidents soulevés par M. [T] ;
CONDAMNONS M. [T] à verser à France travail une somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts pour appel abusif ;
CONDAMNONS M. [T] à verser à France travail une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
CONDAMNONS M. [T] aux dépens d'appel.
Ordonnance rendue par Sophie COULIBEUF, magistrat en charge de la mise en état assisté de Caroline GAUTIER, greffière présente lors de la mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Paris, le 12 Novembre 2024
Le greffier Le magistrat en charge de la mise en état
Copie au dossier
Copie aux avocats