CA Reims, 1re ch. sect. civ., 12 novembre 2024, n° 23/01020
REIMS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Champagne Granzamy Père et Fils (SAS)
Défendeur :
Edeis (SAS), Pais Fils (SARL), Soprema Entreprises (SAS), Marzinpro (SAS), Axa France Iard (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mehl-Jungbluth
Vice-président :
Mme Dias Da Silva
Conseiller :
Mme Pilon
Avocats :
Me Thierry, Me Laurent Thieffry, Me Florence Six, Me Antoine Morel, Me Colette Hyonne, Me Lorraine De Bruyn, Me Ségolène Jacquemet-Pommeron
Suivant contrat du 10 juin 2009, la SAS Champagne Granzamy père et fils (la société Champagne Granzamy) a confié une mission de maîtrise d''uvre pour l'extension d'une cave et d'une cuverie à un groupement de maîtrise d''uvre constitué de la SCPA Spanevello Fierfort et de la SAS Pingat Ingénierie, aux droits desquelles se trouvent à présent la SAS Edeis.
Le lot n°1 'démolition terrassement maçonnerie réseaux' a été confié à la SARL Pais fils, le lot n°4 'étanchéité' a été confié à la SAS Soprema entreprises, le lot n°10 'revêtement de sols et murs' a été confié à la SAS Marzin entreprise, assurée par la SA Axa France IARD et aux droits de laquelle vient à présent la SAS Marzin pro.
Se prévalant de divers désordres, la SAS Champagne Granzamy a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne afin que soit ordonnée une expertise. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 19 novembre 2013, désignant M [Z] [I].
L'expert a déposé son rapport le 8 février 2016 et la SAS Champagne Granzamy, par actes des 29 et 30 mai 2018, a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne la SAS EDEIS, la SARL Pais et fils, la SAS Marzinpro et la SAS Sorpema Entreprises afin de les voir condamner à lui verser le coût des frais de réparation des désordres.
La SA Axa France IARD est intervenue volontairement en qualité d'assureur de la SAS Marzinpro le 19 juillet 2018 et celle-ci l'a fait assigner en garantie le 5 février 2020.
Par jugement du 19 avril 2023, le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne a :
- Déclaré la demande en paiement formée par la SAS Granzamy à l'encontre de la SAS Marzinpro au titre des infiltrations affectant le local tirage irrecevable,
- Condamné in solidum la SAS Marzinpro et la SAS Edeis à payer à la société Granzamy la somme de 22 464 euros HT,
- Condamné in solidum la SAS Marzinpro et la SAS Edeis à payer à la société Granzamy la somme de 29 508 euros HT,
- Condamné in solidum la SAS Marzinpro et la SAS Edeis à payer à la société Granzamy la somme de 5 000 euros,
- Condamné in solidum la SARL Pais fils et la société Edeis à payer à la société Granzamy la somme de 3 000 euros HT,
- Condamné in solidum la SARL Pais fils et la société Edeis à payer à la société Granzamy la somme de 2 320 euros HT,
- Dit que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter de la décision,
- Débouté la SAS Granzamy de ses autres demandes,
- Condamné la SA Axa France IARD à garantir la SAS Marzinpro des condamnations prononcées à son encontre,
- Dit que sa franchise contractuelle est opposable à la SAS Marzinpro,
- Dit que dans les rapports entre la SAS Marzinpro et la SAS Edeis le partage de responsabilité s'effectue à hauteur de 90% pour la SAS Marzinpro et 10% pour la SAS Edeis,
- Condamné dans leurs recours entre eux, les constructeurs déclarés responsables à se garantir des condamnations prononcées à leur encontre à proportion de leur part de responsabilité ci-dessus indiquée,
- Dit que dans les rapports entre la SARL Pais fils et la SAS Edeis le partage de responsabilité s'effectue à hauteur de 50% chacune,
- Condamné dans leurs recours entre eux, les constructeurs déclarés responsables à se garantir des condamnations prononcées à leur encontre à proportion de leur part de responsabilité ci-dessus indiquée,
- Condamné la SAS Granzamy à payer à la SAS Edeis la somme de 4 518.13 euros,
- Condamné la SAS Granzamy à payer à la SARL Pais fils la somme de 32 910.18 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2012,
- Ordonné la capitalisation des intérêts échus, dus pour une année entière sur la somme de 32 910.18 euros,
- Ordonné la compensation entre les sommes dues par la SARL Pais fils et celle due par la SAS Granzamy à la SARL Pais fils,
- Débouté les parties de leurs autres demandes,
- Condamné la SAS Edeis, la SARL Pais fils, la SAS Marzinpro et la SA Axa France IARD à payer à la SAS Granzamy la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la SAS Granzamy et la SAS Edeis à payer à la SAS Soprema Entreprises la somme de 1 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné in solidum la SAS Edeis, la SARL Pais fils, la SAS Marzinpro et la SA Axa France IARD aux dépens, recouvrés directement par la SELARL CTB avocats et associés et la SELARL Pelletier,
- Ordonné l'exécution provisoire.
La SAS Champagne Granzamy a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 23 juin 2023.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 septembre 2023, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau, de :
- Condamner in solidum les société Edeis, Pais et Marzinpro au paiement des sommes suivantes :
o Infiltrations dans le local tirage : 22 464 euros HT,
o Fissures dans le local technique :
" Pour le plâtrier : 730 euros HT,
" Pour le peintre : 3 708.02 euros HT,
o Fissuration et casse de carrelage dans le local technique :
" Zone tirage/habillage : 25 866.70 euros HT,
" Zone pressoirs : 35 064.90 euros HT,
o Déménagement local technique durant les travaux et réinstallation : 20 000 euros HT,
o Local pressoirs :
" Réfection de la salle : 54 050 euros HT,
" Déménagement des pressoirs : 19 800 euros HT,
o Enduits extérieurs : uniformisation de la teinte : 11 542.50 euros HT,
- Condamner in solidum les sociétés Edeis, Pais et Marzinpro à la somme de 10 000 euros au titre du préjudice de jouissance,
Le tout avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation initiale,
- Condamner la société Edeis à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 1147 du code civil,
- Condamner la société Marzinpro à lui payer la somme de 8 000 euros pour résistance abusive et injustifiée,
- Condamner la société Pais à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de dommages intérêts,
- Condamner les sociétés Edeis, Pais et Marzinpro à lui paye la somme de 12 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première intance,
Y ajoutant,
- Condamner les sociétés Edeis, Pais et Marzinproà lui payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,
- Condamner les mêmes en tous les dépens, lesquels comprendront l'ensemble des frais d'expertise qu'elle a supportés, dont distraction requise au profit de la SELARL CTB avocats et associés.
Elle conteste la déclaration d'irrecevabilité de sa demande contre la société Mazinpro à propos du local tirage, en expliquant que le jugement et l'arrêt déjà rendus concernent la terrasse, qui constitue le toit de ce local, et lui ont alloué des indemnités afin de réaliser les travaux de reprise de cette terrasse, mais qu'elle n'avait pas alors demandé la réparation des conséquences des infiltrations dans le local tirage, de sorte qu'il n'y a pas, selon elle, autorité de chose jugée.
Sur le fond, elle précise qu'elle invoque notamment l'article 1792 du code civil, sans pour autant désigner d'autres fondements, et six désordres identifiés par l'expert judiciaire ; elle sollicite la condamnation in solidum des sociétés Edeis, Pais et Marzinpro à l'indemniser au titre de l'ensemble de ces désordres et d'un préjudice de jouissance qui sera subi pendant le temps des travaux de réfection.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2023, la SAS Edeis demande à la cour de :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions, à l'exception des montants alloués à la société Champagne Granzamy en réparation d'une part du préjudice matériel et du préjudice de jouissance relatif au désordre de fissuration du carrelage du sol du local tirage et du sol du local cuverie et d'autre par t du préjudice matériel relatif au désordre d'absence de pente du local pressoir et à l'exception de la fixation des responsabilités au titre du désordre de fissuration du carrelage du sol du local tirage et du sol du local cuverie et du désordre d'absence de pente du local pressoir,
Infirmer le jugement et statuant à nouveau,
- Fixer le coût de la réparation du désordre de fissuration du carrelage du sol du local tirage et du sol du local cuverie à la somme de 60.931,60 euros HT avec intérêts à compter du 7 janvier 2021 et le préjudice de jouissance que subira la SAS Champagne Granzamy Père & Fils pendant les travaux de réparation à la somme de 2.500 euros et condamner in solidum la SAS Marzin Pro et la SA Axa France IARD à garantir la SAS Edeis de toutes les condamnations qui pourraient lui être infligées à ce titre,
- Débouter la SAS Champagne Granzamy Père & Fils de sa demande en réparation du désordre d'absence de pente du local pressoir et, subsidiairement, fixer le coût de la réparation du désordre à la somme de 2.320 euros HT et condamner la SARL pais Fils à garantir la SAS Edeis de toutes les condamnations qui pourraient lui être infligées à ce titre,
- Condamner in solidum la SARL Pais Fils, la SAS Marzin Pro et la SA Axa France IARD à payer à la SAS Edeis une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner in solidum la SARL Pais Fils, la SAS Marzin Pro et la SA Axa France IARD aux dépens dont distraction au profit de la SCP Hermine Avocats Associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
- Condamner in solidum la SAS Marzin Pro et la SA Axa France IARD à garantir la SAS Edeis de toutes les condamnations qui pourraient lui être infligées au titre du désordre d'infiltrations dans le local tirage
- Fixer le coût de la réparation du désordre de fissuration sur le mur du fond du local tirage à la somme de 1.552,52 euros HT avec intérêts à compter du 8 janvier 2021 et condamner la SARL Pais Fils à garantir la SAS Edeis de toutes les condamnations qui pourraient lui être infligées à ce titre,
- Fixer le coût de la réparation du désordre de fissurations et d'absence d'uniformité de la teinte des enduits extérieurs à la somme de 11.542,50 euros HT avec intérêts à compter du 8 janvier 2021 et condamner la SARL Pais Fils à garantir la SAS Edeis de toutes les condamnations qui pourraient lui être infligées à ce titre,
- Condamner in solidum la SARL Pais Fils, la SAS Marzin Pro et la SA Axa France IARD à garantir la SAS Edeis de toutes les condamnations qui pourraient lui être infligées au titre des dommages et intérêts réclamés en raison du retard apporté dans la réalisation des travaux.
Elle estime que la société Champagne Marzinpro ne peut pas poursuivre la réparation du désordre d'infiltration dans la local tirage dès lors qu'elle en a déjà été indemnisée.
Elle conteste le caractère décennal de la fissuration sur le mur du fond du local tirage et de la fissuration et l'absence d'uniformité de la teinte des enduits extérieurs ; elle admet le caractère décennal de la fissuration du carrelage du sol de local tirage et de celui du local cuverie, mais entend être garantie en totalité par la société Marzinpro de ce chef.
Elle affirme que la suppression de la pente dans le local pressoir a été demandée par la société Champagne Granzamy et que l'absence d'une plinthe à gorge le long des pieds des murs du local engendre certes des infiltrations, mais qu'il ne s'agit pas d'un désordre de nature décennale, de sorte que si elle devait néanmoins être condamnée à ce titre, elle estime devoir être garantie en totalité par la société Pais fils au titre de son devoir de conseil envers le maître d''uvre.
Par conclusions transmises par voie électronique le 22 décembre 2023, la SARL Pais fils demande à la cour de :
- Déclarer l'appel de la société Champagne Granzamy Pere Et Fils recevable mais mal fondé,
- Débouter la société Champagne Granzamy Pere Et Fils de l'ensemble de ses demandes,
- Juger la société Pais Fils recevable et bien fondée en son appel incident,
A titre principal,
- Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
" Condamné in solidum la société Pais Fils et Edeis à payer à la société Grandzamy Pere et Fils la somme de 3 000 euros HT,
Condamné in solidum la société Pais Fils et Edeis à payer à la société Grandzamy Père et Fils la somme de 2 320 euros HT,
Débouté la société Pais Fils de sa demande formée à hauteur d'une somme de 5.000 euros compte tenu de la résistance abusive affichée par le maître d'ouvrage,
Condamné la SAS Edeis, la société Pais Fils, la SAS Marzinpro et la SA Axa France IARD à payer à la société Grandzamy Pere Et Fils la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné in solidum la SAS Edeis, la société Pais Fils, la SAS Marzinpro et la SA Axa France IARD aux dépens recouvrés directement par la SELARL CTB avocats et associes et la SELARL Pelletier. "
Statuant à nouveau,
- Débouter la société Champagne Granzamy Père et Fils de sa demande tendant à voir consacrer la responsabilité décennale de la société Pais Fils concernant les désordres liés à l'absence de pente dans le local pressoir, celui-ci ne présentant pas les caractéristiques requises ou ayant donné lieu à réserve lors de la réception.
- Condamner la société Champagne Granzamy Père et Fils à payer à la société Pais Fils à titre de dommages et intérêts la somme de 5.000 euros compte tenu de la résistance abusive affichée par le maître d'ouvrage.
- Débouter la société Champagne Granzamy Père et Fils de sa demande de condamnation in solidum de la société Pais Fils au titre des frais irrépétibles et des dépens,
- Condamner toute autre partie succombante que la société Pais Fils aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP Badre Hyonne Sens Salis Roger conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour considérerait devoir retenir la responsabilité de la société Pais Fils,
- Juger que la responsabilité de la société Pais Fils ne peut être retenue qu'à l'occasion de la fissure dans le local tirage (chiffrée à 700 euros) et la fissuration des enduits extérieurs réalisés par son sous-traitant (chiffrés à 9.975 euros).
- Juger la société Pais Fils recevable et bien fondée à s'entendre condamner la société Edeis à la relever indemne et à la garantir intégralement de toute condamnation prononcée à son encontre de ce chef.
À titre infiniment subsidiaire, si une quelconque part de responsabilité était laissée à la charge de la concluante,
- Juger que celle-ci ne peut être que résiduelle et ne peut être supérieure à 10 % du coût des travaux de reprise tels que chiffrés par l'expert judiciaire.
- Débouter la société Champagne Granzamy Père et Fils de sa demande en paiement à hauteur de la somme principale de 54.050 euros HT outre celle de 19.800 euros HT au titre du déménagement des pressoirs pour ce qui est des travaux de reprise de la dalle du pressoir.
- Juger qu'elle ne peut prétendre à une réparation supérieure à celle retenue par l'expert judiciaire à hauteur de la somme de 5.320 euros HT.
- Juger que la participation de la société Pais Fils aux frais d'expertise et aux frais irrépétibles devra être limitée proportionnellement à sa responsabilité dans les phénomènes invoqués.
Elle conteste sa condamnation in solidum avec les autres constructeurs au motif qu'il n'y a aucune contribution commune des entreprises à la réalisation des dommages en cause. Elle fait valoir qu'elle est totalement étrangère aux désordres d'infiltration dans le local tirage, de fissurations et casses de carrelage
Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 décembre 2023, la SAS Marzinpro sollicite :
Sur l'appel principal de la société Granzamy
- La confirmation de la décision attaquée en toutes ses dispositions,
- Le rejet de l'appel de la société Granzamy,
- A titre reconventionnel, la condamnation de la société Granzamy au paiement d'une somme de 5 000 euros pour procédure abusive,
Sur l'appel incident de la société Marzinpro
- L'infirmation du jugement en ce qu'elle la condamne à payer à la société Granzamy diverses sommes au titre de la responsabilité décennale,
- Que la société Granzamy soit déclarée forclose en ses demandes de réparation au titre de la garantie de parfait achèvement,
- Le rejet de toutes les demandes de la société Granzamy à son encontre,
Sur l'appel incident de la compagnie Axa,
- La confirmation de la décision attaquée en toutes ses dispositions,
- Le rejet de l'appel incident de la compagnie Axa,
En tout état de cause,
- La condamnation de la société Champagne Granzamy à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- La condamnation de tout succombant aux entiers dépens.
Elle maintient que la société Champagne Granzamy a déjà obtenu gain de cause pour la réparation des infiltrations dans le local de tirage.
Elle s'oppose à la demande de l'appelante de condamnation solidaire des constructeurs, rappelant qu'une telle condamnation implique que les entreprises ont concouru à la réalisation du dommage. Elle fait exception en ce qu'il pourrait y avoir une responsabilité partagée notamment entre le maître d''uvre et une entreprise.
Elle affirme que la réparation des désordres atteignant les carrelages des salles tirage et cuverie relèvent de la garantie de parfait achèvement, qui doit être mise en 'uvre dans le délai d'un an à compter de la réception.
Elle invoque la garantie de la société Axa France IARD pour ces désordres en affirmant que les travaux en cause ont fait l'objet d'une réception tacite. Elle soutient qu'en tout état de cause, le désordre, qui apparaissait particulièrement réduit à l'époque du procès-verbal de réception, ne s'est révélé dans toute son ampleur et ses conséquences que lors des opérations d'expertise.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 20 novembre 2023, la SA Axa France IARD demande à la cour de :
- Infirmer le Jugement sur les chefs de jugement suivants :
Condamner la SA AXA France IARD à garantir la SAS Marzinpro des condamnations prononcées à son encontre,
Dit que dans les rapports entre la SAS Marzinpro et la SAS Edeis le partage de responsabilité s'effectue à hauteur de 90% pour la SAS Marzinpro et 10% pour la SAS Edeis,
Condamner la SAS Edeis, la SARL Pais et Fils, la SAS Marzinpro et la SA Axa France IARD à payer à la SAS Granzamy Père et Fils la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner in solidum la SAS Edeis, la SARL Pais et Fils, la SAS Marzinpro et la SA Axa France IARD aux dépens, recouvrés directement par la SELARL CTB avocats et associes et la SELARL Pelletier,
Statuant à nouveau,
A TITRE PRINCIPAL
- Constater que les désordres touchant au carrelage ont fait l'objet de réserves à la réception ,
- Prendre acte que la garantie décennale n'est pas mobilisable ,
En conséquence,
- Rejeter toute demande de condamnation formulée à l'encontre de la compagnie Axa,
A TITRE SUBSIDIAIRE
- Constater que la réparation des désordres liés au carrelage, dont la Société Marzin Pro serait responsable, ne saurait s'élever au-delà de la somme de 46.774,80 euros HT,
En conséquence,
- Juger que la condamnation de la Société Marzinpro ne saurait s'élever au-delà de cette somme,
- Rejeter la demande de condamnation in solidum,
- Prendre Acte des franchises applicables par la Compagnie AXA au terme de son contrat d'assurance.
La SA Axa France IARD soutient que les désordres dont la société Champagne Granzamy se prévaut contre la société Marzinpro sont ceux qui ont fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception du 15 novembre 2012.
Elle conteste qu'il ait pu y avoir réception tacite à une date antérieure, en présence notamment d'une réception expresse et ce, peu important le délai écoulé entre la fin du chantier et la signature du procès-verbal de réception.
Elle en conclut qu'en sa qualité d'assureur décennal, elle n'a pas vocation à garantir la société Marzinpro.
Par conclusions transmises le 6 octobre 2023 par voie électronique, la SAS Soprema Entreprises sollicite de la cour :
- La confirmation du jugement en toutes ses dispositions,
- Qu'elle juge que l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu le 5 décembre 2017 par la cour d'appel de Reims ayant reconnu la société Marzinpro intégralement responsable des désordres de la terrasse litigieuse s'oppose à ce qu'elle soit reconnue responsable, en serait-ce qu'en partie, de ces désordres,
- Qu'elle dise et juge en conséquence que sa responsabilité n'est pas engagée dans la survenance des désordres,
- Le rejet de la demande reconventionnelle de la SAS Edeis aux fins de garantie de la SAS Soprema,
- La condamnation de la SAS Champagne Granzamy à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, outre les entiers dépens d'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699.
Elle considère que la SAS Champagne Granzamy est irrecevable à formuler la moindre demande relative aux désordres de la terrasse compte tenu de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu par cette cour le 5 décembre 2017 et approuve le tribunal d'avoir retenu, s'agissant des infiltrations, qu'elles ne sont pas liées aux travaux d'étanchéité qu'elle a réalisés.
Sur le fond, elle affirme que le défaut d'étanchéité de la terrasse et les infiltrations dans le local tirage proviennent des ouvrages réalisés par la société Marzinpro, en ce qu'ils étaient totalement inadaptés au système d'étanchéité initialement prévu ; elle précise qu'elle a respecté son devoir de conseil en indiquant qu'elle ne pouvait garantir l'étanchéité de la terrasse en l'absence de dalles sur plots et que la société Marzinpro a accepté sans réserve le support qu'elle a réalisé.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 septembre 2024, l'affaire étant renvoyée pour être plaidée à l'audience du 30 septembre 2024.
MOTIFS
L'article 1792 du code civil prévoit que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Selon l'article 1147 du code civil, dans sa version en vigueur à la date de conclusions des marchés en cause, Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Sur les infiltrations dans le local tirage
° Sur la recevabilité de la demande
Il résulte de l'article 122 du code de procédure civile que la chose jugée constitue une fin de non-recevoir.
Selon l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
Par un arrêt du 5 décembre 2017, cette cour a confirmé un jugement rendu le 1er juin 2016 par le tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne, qui a condamné la société Marzinpro à payer à la société Champagne Granzamy la somme de 35 647.86 euros TTC outre les intérêts au taux légal à compter du jugement au titre de la reprise des désordres affectant les travaux réalisés.
Il résulte du jugement que ces travaux consistaient dans la réalisation du revêtement en carrelage de l'extension d'une terrasse préexistante au-dessus d'un local professionnel.
La société Champagne Granzamy fait valoir qu'elle n'a, dans cette précédente procédure, présenté aucune demande au titre des conséquences des infiltrations causées dans le local tirage par le défaut du revêtement en carrelage.
Ce faisant, elle invoque un nouveau préjudice, de sorte que la chose qu'elle demande dans la présente instance n'est pas la même que celle qu'elle a réclamée dans la précédente procédure et qui lui a été accordée.
Sa demande ne se heurte donc pas à l'autorité de chose jugée et doit donc être déclarée recevable, le jugement étant infirmé de ce chef.
° Sur le fond
La somme qui a été allouée à la société Champagne Granzamy dans la précédente instance est destinée à permettre la réalisation de travaux qui mettront un terme aux infiltrations provoquées dans le local tirage par les défauts du revêtement de la terrasse et la société appelante n'explique pas ce que sont les désordres qu'auraient causés lesdites infiltrations et qui n'auraient pas encore été réparées, ni n'en justifie.
D'ailleurs, la somme dont elle demande paiement correspond à un devis dont l'objet est la réparation de la terrasse elle-même, selon les préconisations de l'expert judiciaire dans ses deux rapports. Le seul désordre en lien avec des infiltrations qui soit évoqué par l'expert touche le local stockage étiquette et le technicien précise que l'ensemble a été remis en état au cours de ses opérations.
A défaut de justifier d'un préjudice provoqué par les infiltrations dans le local tirage, la société Champagne Granzamy doit être déboutée de sa demande en paiement à ce titre.
Sur la fissure du mur du fond du local tirage
L'expert a relevé une fissure horizontale à environ 2.50 m du sol, puis remontant en espalier dans l'angle ouest. Il a posé une jauge afin de surveiller toute évolution de ce désordre et a pu constater, 7 mois plus tard, que le phénomène était stabilisé. Il estime que les conséquences de ce tassement différentiel doivent être attribuées au maçons Pais.
Il n'en résulte pas que cette fissuration compromette la solidité de l'ouvrage, ni qu'elle le rende impropre à sa destination. Ce désordre ne relève donc pas de la garantie décennale.
La société Champagne Granzamy soutient que l'expert judiciaire " retient fermement la responsabilité du maçon Pais ".
Une telle responsabilité implique toutefois la démonstration d'une faute de la part de cet entrepreneur, dès lors qu'un désordre intermédiaire est en cause (Civ 3ème, 16 janvier 2020, pourvoi n°18-22.478).
Or, si l'expert indique que les conséquences de ce tassement différentiel seront attribuées au maçon Pais, il ne donne aucune précision sur la cause dudit tassement différentiel, dont la survenue ne peut donc être imputée à une faute de la société Pais ou de la maîtrise d''uvre, la société Marzinpro n'étant pas intervenue dans l'exécution du lot maçonnerie.
Dès lors, la société Champagne Granzamy doit être déboutée de ses demandes au titre de ce désordre, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur la fissuration et la casse du carrelage dans le local tirage et le local cuverie
Dans le local tirage, l'expert a constaté que plusieurs mètres carrés de carrelages étaient détériorés, qui étaient localisés sur les zones de travail intensif (cassures, éclats d'arêtes, enfoncements, décollement).
Il a relevé une très faible résistance à la compression sous le carrelage (entre 4 et 5 MPa au lieu de 20 à 30 MPa) pour les charges qui sont appliquées sur le revêtement de sol.
Il a en outre constaté, après la réalisation de carottages, une faible teneur en ciment, ainsi qu'une très importante porosité de la chape et précise que la surface carrelée ne pouvant constituer une étanchéité au sens du DTU revêtement de sol pose scellée, l'eau pénètre et imbibe la chape et accentue la dégradation des caractéristiques mécaniques de celle-ci. Il s'ensuit les dégradations observées dans les zones les plus sollicitées par le matériel roulant utilisé par la société Champagne Granzamy, avec l'enchaînement suivant : début de dégradation des joints sous la contrainte de roulement des chargeurs, pénétration de l'eau, dégradations des caractéristiques de résistance à la compression de la chape, enfoncement de la surface de roulement et altération définitive.
L'expert indique avoir observé les mêmes désordres dans le local cuverie.
Ainsi décrit, les désordres mettent en cause la solidité de la chape et rendent l'ouvrage impropre à sa destination, puisque la société Champagne Granzamy ne peut utiliser le local avec le matériel roulant nécessaire au déplacement de sa production sans endommager le sol de manière irrémédiable.
Ces désordres ont fait l'objet de réserves dans les termes suivants dans le procès-verbal de réception du 15 novembre 2012, signé notamment par la maîtrise d''uvre et les sociétés Marzinpro et Champagne Granzamy :
- Tirage/cuverie : le carrelage se casse (voir) en attente réponse fournisseur (un échantillon a été prévu).
Le procès-verbal de constat d'un huissier de justice que la SAS Champagne Granzamy a fait établir le 21 décembre 2012 , relate que le carrelage au sol du local tirage se casse et se fissure et qu'au sol de la cuverie, plusieurs carreaux sont fendus ou cassés.
Ces constatations, comme les réserves émises lors de la réception, ne pouvaient être révélatrices du défaut de constitution de la chape sur laquelle les carreaux sont posés, ce défaut n'ayant été mis en évidence que lors des opérations d'expertise, après la réalisation de carottages.
Ces vices, qui ne sont donc apparus, dans toute leur ampleur et leurs conséquences qu'après la réception du 15 novembre 2012, relèvent donc de la garantie décennale.
Ils sont imputables à la SAS Marzinpro qui était titulaire du lot 'revêtement de sol' et à la société Edeis, qui ne disconvient pas dans ses conclusions, être tenue d'indemniser la société Champagne Granzamy au plan de l'obligation à la dette.
La société Champagne Granzamy ne peut obtenir la condamnation de la société Pais au titre de ce désordre, qui concerne un lot dont celle-ci n'était pas titulaire et donc des travaux auxquels elle n'a pas pris part.
L'expert judiciaire préconise, pour la réparation de ces désordres, la purge de toutes les zones de roulement des chargeurs, le coulage d'une chape fortement dosée et correctement fermée et la pose scellée des revêtements de sol. Il évalue le coût de ces travaux à 22 464 euros HT pour le local tirage et à 29 508 euros HT pour le local cuverie.
La société Champagne Granzamy demande la revalorisation du coût des travaux en produisant deux devis, du 7 janvier 2021, établis par la société même qui avait établi les devis retenus par l'expert pour déterminer les coûts précités.
Le détail des travaux objets de ces devis réactualisés est identique à ceux des précédents, que l'expert avait donc estimés nécessaires.
Compte tenu du temps écoulé depuis le dépôt du rapport d'expertise et les premiers devis (janvier 2016), il convient de faire droit à la demande de revalorisation de l'appelante et d'évaluer le coût des travaux de reprise à 25 866.70 euros HT pour le local tirage et à 35 064.90 euros pour le local cuverie.
En conséquence, les sociétés Edeis et Marzinpro, garantie par la SA Axa France IARD, seront condamnées in solidum à payer ces sommes à la société Champagne Granzamy, outre intérêts au taux légal à compter 7 janvier 2021, comme le propose la société Edeis, étant rappelé que l'article 1231-6 trouve à s'appliquer aux obligations de somme d'argent et non aux condamnations à payer une indemnité. Le jugement sera donc confirmé, sauf à réactualiser le montant des condamnations et à reporter le point de départ des intérêts afin de tenir compte de l'offre de l'un des intimés.
La société Edeis entend être garantie en totalité par la société Marzinpro au motif que la mauvaise qualité de la chape constitue une faute d'exécution de celle-ci et qu'elle lui a fait des observations en cours de chantier sur la mauvaise qualité de sa chape, en dépit de quoi celle-ci n'a pas corrigé la situation.
De fait, la société Champagne Granzamy produit un courrier du 3 novembre 2011 que la maîtrise d''uvre a adressé à la société Marzinpro pour lui indiquer : " Suite à notre rendez-vous du vendredi 28 octobre 2011 et aux sondages du sol, nous avons effectué le constat suivant : le mortier de pose sur 50% des sondages effectués présente un sous-dosage de ciment.
Ne pouvant présager de la tenue dans le temps du sol suite aux sollicitations d'exploitation, celui-ci est donc impropre à sa destination, la réalisation du mortier ne répondant pas, par ailleurs, aux règles de l'Art.
Nous ne pouvons, en conséquence, valider cette pose et vous demandons d'envisager une reprise de l'ensemble du sol de la cuverie. (') ".
Pour autant, il n'est pas établi, contrairement à ce que la société Edeis soutient, que la société Marzinpro a reconnu sa pleine et entière responsabilité au titre de ce désordre, le courrier qu'elle invoque émanant de ses propres services et faisant uniquement part d'une proposition de l'entrepreneur pour reprendre une partie du revêtement du sol (passage en argélith de la zone de tirage et carreaux cassés dans la zone cuverie).
En outre, alors qu'elle avait pleinement connaissance du sous-dosage de la chape en ciment, qui est la cause même du désordre identifiée par l'expert judiciaire, il ne peut qu'être constaté que la maîtrise d''uvre, investie d'une mission complète, a laissé se poursuivre un travail qui n'était pas conforme et qui faisait naître des incertitudes quant à la tenue du sol dans le temps et/ou en ne veillant pas à la reprise effective de ce désordre, qui perdure encore, ce qui est constitutif d'une faute.
Au regard de la gravité des fautes respectives en présence, il convient d'approuver le tribunal d'avoir laissé 10% du coût de réparation du préjudice qui en est résulté pour le maître de l'ouvrage à la charge définitive de la maîtrise d''uvre et d'en faire supporter le surplus à la société Marzinpro.
Sur l'absence de pente dans le local pressoir
Il résulte du rapport d'expertise que l'absence de pente dans le local pressoir a créé une accumulation d'eau en pied de mur et des infiltrations dans le niveau inférieur, escalier et cuverie, dégradations de l'habillage de la trémie en mélaminé et rouille localisée de la cornière de faux plafond et quelques traces de coulures sur les peintures de la cuverie.
Ce désordre n'a pas fait l'objet de réserves dans le procès-verbal de réception du 15 novembre 2012.
Or dans le procès-verbal de constat du 21 décembre 2012 déjà évoqué, l'huissier de justice sollicité par la société Champagne Granzamy mentionne notamment : " Dans ce local pressoir, le requérant m'indique qu'il était prévu une dalle au sol en pente vers les siphons de façon à pouvoir évacuer l'eau de lavage ou autre.
Je constate que la dalle au sol n'est pas en pente, qu'elle est plane.
Le requérant me précise que non seulement la dalle n'est pas en pente vers les siphons, mais elle serait en contre-pente car lorsqu'il y a de l'eau au sol, cette eau s'accumule autour de la base des murs du local (') ".
Dans un courrier du 24 août 2012 adressé à la maîtrise d''uvre, la société Champagne Granzamy écrit avoir constaté de nombreux problèmes et malfaçons, parmi lesquels une dalle non-conforme au marché signé, la fuite d'eau lors du nettoyage de la dalle pressoir dans la cuverie et la trace d'écoulement d'eau sur les murs de la cuverie endommageant la peinture.
Ces constatations, contemporaines de la réception de l'ouvrage (et pour les dernières, antérieures à la réception) doivent faire conclure que le désordre était alors apparent, de sorte que l'absence de réserve interdit à présent au maître de l'ouvrage d'en demander réparation, que ce soit au titre de la garantie décennale ou au de la responsabilité contractuelle des locateurs d'ouvrage.
La société Champagne Granzamy doit donc être déboutée de ses demandes au titre de l'absence de pente dans le local pressoir (travaux de reprise et déménagement des pressoirs). Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les enduits extérieurs
L'expert évoque de nombreux faïençages du soubassement côté cour de livraison basse, sans rapport avec une défaillance du support. Il fait en outre état de variations de teinte affectant l'enduit monocouche projeté le long de la propriété voisine et explique que les tâches ou efflorescences proviennent de la différence de nature des supports sous la projection. Il précise que ces variations de teinte sont inéluctables et prévisibles.
Ainsi que la SAS Edeis le fait valoir et comme le tribunal l'a justement relevé, de tels désordres sont purement esthétiques et ne remettent pas en cause la solidité de l'ouvrage et ne le rendent pas impropre à sa destination. Ils ne relèvent donc pas de la garantie décennale.
M [C], dont la société Pais ne conteste pas qu'il est intervenu sur le chantier comme son sous-traitant, a indiqué lors des opérations d'expertise qu'il n'excluait pas que les enduits aient été projetés par forte température. L'expert a relevé que les murs exposés aux forts échanges thermiques sont les plus altérés, ce qui vient confirmer ces déclarations.
L'application des enduits dans de telles conditions est constitutive d'une faute du sous-traitant, qui engage la responsabilité de la société Pais, entrepreneur principal, envers le maître de l'ouvrage.
En revanche, il n'est pas justifié de retenir une faute de la maîtrise d''uvre qui, même investie d'une mission complète, n'est pas tenue à une présence ou un contrôle permanent sur le chantier, qui seule aurait permis à la société Edeis de constater que les enduits étaient appliqués par forte chaleur. La société Champagne Granzamy sera donc déboutée de sa demande en ce qu'elle est dirigée contre la société Edeis.
Elle le sera également en ce que la demande est dirigée contre la société Marzinpro, puisque celle-ci n'est pas intervenue dans la réalisation des travaux d'enduisage.
L'expert mentionne un devis de reprise des désordres en cause à hauteur de 9 975 euros HT en indiquant que cette évaluation est très proche de celle qu'il avait établie en l'absence de devis.
La société Champagne Granzamy produit un devis réactualisé à la somme de 11 542.50 euros HT, établi par la même société que celle qui avait rédigé celui qui a été soumis à l'expert, pour les mêmes travaux.
La société Pais sera donc condamnée à payer la somme de 11 542.50 euros HT à la société Champagne Granzamy, outre intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2021 comme le propose la société Edeis. Le jugement sera donc infirmé de ce chef.
Sur la privation de jouissance
L'expert énonce que les locaux de production, de stockage, de pressoir, d'étiquetage, etc ont toujours pu être exploités malgré la présence des désordres qui ont été examinés contradictoirement en expertise.
S'il est indéniable que les travaux de reprise de la chape et du carrelage du local tirage et du local cuverie empêcheront la société Champagne Granzamy d'utiliser normalement ces locaux, le préjudice de jouissance de celle-ci se cantonne donc à ces deux locaux et pour la durée des travaux de reprise (évaluée à 2 semaines pour la zone habillage et 4 semaines pour la zone cuverie par la société qui a établi les devis précités pour les travaux de réparation).
Le préjudice ainsi défini sera entièrement réparé par l'allocation d'une somme de 2 500 euros, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt par application de l'article 1231-7 du code civil, le jugement étant infirmé de ce chef.
Seules les société Marzinpro, garantie par la SA Axa France IARD, et Edeis, auxquelles sont imputables les désordres justifiant les travaux précités, seront tenues au paiement de cette somme, la société Champagne Granzamy étant déboutée de sa demande dirigée contre la société Pais.
Les constructeurs déclarés responsables et leur assureur respectif seront garantis de cette condamnation, à proportion du partage de responsabilité fixé au titre des carrelages cassé et fissurés dans le local tirage et le local cuverie, soit 10% pour la société Edeis et 90% pour la société Marzinpro, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur le déménagement du local technique
La société Champagne Granzamy demande le paiement d'une somme de 20 000 euros HT pour le déménagement du local technique, dont il n'est pas établi qu'il correspond aux locaux dans lesquels des travaux de reprise doivent être entrepris.
Elle ne donne pas non plus d'explication sur la nécessité d'un tel déménagement.
Ne justifiant pas de l'existence de son préjudice, elle doit être déboutée de sa demande de paiement et le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la garantie de la SA Axa France IARD
La SA Axa France IARD ne conteste, à titre principal, sa garantie qu'au motif que le désordre n'est pas de nature décennale. Dès lors qu'il est établi que ledit désordre relève bien de la garantie décennale, cette société doit donc être condamnée à garantir la société Marzinpro au titre de toutes les sommes mises à sa charge dans le présent arrêt (coût des travaux de reprise du carrelage et préjudice de jouissance), sous réserve des franchise applicables au terme du contrat d'assurance. Le jugement sera confirmé de ce chef.
La société Edeis est fondée à demander que la SA Axa France IARD soit tenue in solidum avec la société Marzinpro à la garantir dans les termes du partage de responsabilité précédemment fixé.
Sur les autres demandes indemnitaires de la société Champagne Granzamy
La société Champagne Granzamy sollicite la condamnation de la société Edeis à lui verser des dommages intérêts en invoquant le retard pris dans la réalisation des travaux, mais ne justifie pas du ou des préjudices qui en auraient découlé pour elle, étant relevé qu'elle précise que la campagne des vendanges a pu être traitée, notamment au niveau du pressoir, sauf à affirmer, sans plus de précisions, ni de justification que l'occupation des locaux n'a pas été faite dans des conditions normales.
Sa demande en paiement de dommages intérêts présentée contre la société Edeis doit donc être rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.
La société Champagne Granzamy demande la condamnation de la société Marzinpro à lui verser 8 000 euros pour résistance abusive et injustifiée, en raison de l'attitude de celle-ci durant l'expertise, qui aurait toujours prétendu à se voir mise hors de cause, rejetant la faute sur le maître d'ouvrage, ce qui aurait conduit à ce que l'expertise dure longtemps.
La défense en justice n'est toutefois pas fautive en soi et il n'est pas justifié en l'espèce de circonstances particulières qui rendrait fautive la défense développée par la société Marzinpro, notamment au cours des opérations d'expertise.
La société Champagne Granzamy sera donc déboutée de sa demande contre cette société, le jugement étant confirmé de ce chef.
Pour obtenir la condamnation de la société Pais à lui verser 10 000 euros à titre de dommages intérêts, la société Champagne Granzamy soutient qu'il est notoire que celle-ci s'est manifestement moquée du chantier, qu'elle a pour partie abandonné, confiant des sous-traitances à gauche ou à droit.
Si la réalisation des enduits a été effectivement sous-traitée, ainsi qu'il a été précédemment vu, il ne résulte pas des éléments de la procédure que la société Pais aurait ainsi agi par désintérêt pour le chantier, ni qu'elle aurait abandonné ledit chantier.
La demande de la société Champagne Granzmay sera donc rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.
Sur les demandes en paiement par la société Champagne Granzamy des soldes d'honoraires et facture
La société Granzamy demande l'infirmation des chefs du jugement la condamnant à payer 4 518.13 euros à la société Edeis correspondant à un solde d'honoraires et 32 910.18 euros à la société Pails fils au titre d'un solde de marché ; cependant, elle ne sollicite pas le rejet des demandes de ces sociétés, ni ne développe aucun moyen en ce sens.
Le jugement sera par conséquent confirmé de ces chefs, en ce compris les dispositions concernant les intérêts et leur capitalisation.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le sort des dépens et frais irrépétibles de première instance a été exactement réglé par le premier juge.
Les sociétés Edeis, Marzinpro, Axa France IARD et Pais, parties condamnées, sont tenues aux dépens d'appel, à l'exception de ceux exposés par et contre la SAS Soprema Entreprises, qui seront supportés par la société Champagne Granzamy, puisque celle-ci a intimé cette société sans rien demander contre elle. Leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.
Il est équitable d'allouer à la société Champagne Granzamy la somme globale de 3 000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel, au paiement de laquelle seront condamnées les sociétés Edeis, Marzinpro et Pais.
La société Champagne Granzamy sera condamnée à verser à la SAS Soprema Entreprises la somme de 2 500 euros pour ses frais irrépétibles d'appel.
La SELARL CTB avocats et associés et l'avocat de la SAS Soprema Entreprises seront autorisés à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant contradictoirement,
Infirme le jugement rendu le 19 avril 2023 par le tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne en ce qu'il :
- Déclare irrecevable la demande en paiement formée par la SAS Champagne Granzamy père et fils à l'encontre de la SAS Marzinpro au titre des infiltrations affectant le local tirage,
- Condamne in solidum la SAS Marzinpro et la SAS Edeis à payer à la société Champagne Granzamy père et fils la somme de 5 000 euros,
- Condamne in solidum la SARL Pais fils et la SAS Edeis à payer à la SAS Champagne Granzamy père et fils la somme de 3 000 euros HT,
- Condamne in solidum la SARL Pais fils et la SAS Edeis à payer à la SAS Champagne Granzamy père et fils la somme de 2 320 euros HT,
- Dit que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du jugement,
- Déboute la SAS Champagne Granzamy père et fils de sa demande au titre des enduits extérieurs,
- Dit que dans les rapports entre la SARL Pais fils et la SAS Edeis le partage de responsabilité s'effectue à hauteur de 50% chacune et condamne dans leurs recours entre eux, les constructeurs déclarés responsables à se garantir des condamnations prononcées à leur encontre à proportion de leur part de responsabilité ci-dessus indiquée,
Statuant à nouveau des chefs ainsi infirmés,
Déclare recevable la demande de la SAS Champagne Granzamy père et fils au titre des infiltrations dans le local tirage,
Déboute la SAS Champagne Granzamy père et fils de ses demandes en paiement au titre de l'absence de pente dans le local pressoir,
Condamne la SARL Pais fils à payer la SAS Champagne Granzamy père et fils la somme de 11 542.50 euros HT au titre du coût de reprise des enduits extérieurs, outre intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2021,
Condamne in solidum la SAS Edeis et la SAS Marzinpro à payer à la SAS Champagne Granzamy père et fils la somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice de jouissance, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Confirme le jugement pour le surplus, sauf à revaloriser les sommes allouées à la SAS Champagne Granzamy père et fils au titre du coût des travaux de reprise du carrelage à 25 866.70 euros HT pour le local tirage et à 35 064.90 euros pour le local cuverie et à reporter le point de départ des intérêts produits par ces sommes au taux légal, à la date du 7 janvier 2021,
Y ajoutant,
Déboute la SAS Champagne Granzmay père et fils de sa demande au titre des infiltrations dans le local tirage,
Condamne la SA Axa France IARD à garantir la SAS Edeis in solidum avec la SAS Marzinpro des condamnations prononcées contre ces dernières, à proportion de leur part de responsabilité (90% à la charge de la SAS Marzinpro et 10 % à la charge de la SAS Edeis),
Condamne la SAS Edeis, la SAS Marzinpro et la SARL Pais fils à payer à la SAS Champagne Granzamy père et fils la somme globale de 3 000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne la SAS Champagne Granzamy père et fils à payer à la SAS Soprema Entreprises la somme de 2 500 euros pour ses frais irrépétibles d'appel,
Condamne in solidum la SAS Edeis, la SAS Marzinpro, la SA Axa France IARD et la SARL Pais fils aux dépens d'appel, à l'exception de ceux exposés par et contre la SAS Soprema Entreprises, qui seront supportés par la SAS Champagne Granzmay père et fils,
Autorise la SELARL CTB avocats et associés et l'avocat de la SAS Soprema Entreprises à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.