Décisions
CA Poitiers, 1re ch., 12 novembre 2024, n° 24/00001
POITIERS
Arrêt
Autre
ARRET N°360
N° RG 24/00001 - N° Portalis DBV5-V-B7I-G6JQ
S.A.S. BATI 85
C/
[P]
[P]
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
Le à
Le à
Copie gratuite délivrée
Le à
Le à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00001 - N° Portalis DBV5-V-B7I-G6JQ
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 07 novembre 2023 rendue par le Président du TJ de LA ROCHE SUR YON.
APPELANTE :
S.A.S. BATI 85
[Adresse 6]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Cyril TOURNADE, avocat au barreau de Nantes substitué par Me Yasmina GAUVRIT, avocat au barreau de NANTES
INTIMES :
Monsieur [Z] [P]
né le 12 Février 1980 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Madame [T] [P]
née le 04 Octobre 1978 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 2]
ayant tous les deux pour avocat Me Pascal TESSIER de la SELARL ATLANTIC JURIS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
- Contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] ont passé un contrat de marché de travaux avec la société BÂTI 85 portant sur l'agrandissement de leur maison.
Ils font état d'une date de début de travaux le 24 avril 2018 et une durée de travaux de 10 mois à compter de l'ouverture du chantier.
Ils indiquent qu'alors que le chantier devait prendre fin en février 2019, une première expertise amiable est intervenue le 12 mai 2020 sur des désordres dénoncés et les travaux restants à mettre en oeuvre.
Ils font valoir que l'ouvrage a été réceptionné le 4 octobre 2021, en l'absence de la société BÂTI 85 avec des réserves qui n'ont jamais été levées malgré une lettre de mise en demeure fin février 2022.
M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] ont, par acte du 2 novembre 2022 saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de la ROCHE SUR YON pour solliciter par leurs dernières écritures intervenant après radiation et réenrôlement, la condamnation de la société BÂTI 85 au paiement de :
- 73.766,40 euros à titre de provision au titre des pénalités contractuelles de retard,
- 1.080 euros à titre de provision à raison des frais supplémentaires engagés,
- 5.000 euros à titre de provision au titre des intérêts intercalaires de la banque,
- 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils sollicitent en outre, la levée des réserves dressées au procès-verbal de réception sous astreinte journalière de 150 euros.
M. et Mme [P] reprenaient les trois réserves mentionnées pour indiquer que celle n°3 a été exécutée en janvier 2023 par la communication de la facture du solde du chantier leur permettant de débloquer le crédit affecté aux travaux. S'agissant de la réserve n°1 concernant les volets, ils affirmaient qu'elle était toujours d'actualité avec un laquage qui se décolle et une différence flagrante de couleur entre les volets de l'extension et ceux existants. Enfin, ils soutenaient que le retard d'exécution du chantier était imputable à la société BÂTI 85 et qu'ils subissaient un préjudice important.
Ils concluaient au rejet de la demande reconventionnelle de la société BÂTI 85 pour ne pas être une demande provisionnelle et qu'en raison des réserves mentionnées non levées, la somme demandée correspondant à 5% du marché est une garantie qu'ils ont par ailleurs consignés sur le compte CARPA de leur conseil. Ils ajoutaient que le délai d'un an déterminé par l'article 2 de la loi du 16/07/1971 court à compter de la levée des réserves et non le terme du chantier.
La SAS BÂTI 85 concluait au débouté des demandeurs et reconventionnellement à leur condamnation au paiement de la somme de 2.260,35 euros T.T.C. au titre du solde se son marché outre celle de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
S'agissant des pénalités de retard, elle entendait soutenir que les délais d'exécution du chantier n'ont pas été respectés du fait du maître de l'ouvrage, ceux-ci ayant été dans l'incapacité de choisir le carrelage, choix qui leur incombait et qu'ils n'ont finalisé qu'en décembre 2020.
Elle soulignait que les travaux se sont alors terminés en février 2021 et que la réserve concernant les volets n'est pas démontrée dans sa réalité, et encore moins dans son étendue ce qui justifie qu'elle soit écartée.
Par ordonnance contradictoire en date du 07/11/2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de LA ROCHE SUR YON a statué comme suit :
'Condamnons la SAS BÂTI 85 à verser à M. [P] [Z] et Mme [P] [T] la somme provisionnelle de 33.886,44 euros au titre des pénalités de retard,
Déboutons les parties pour le surplus de leurs demandes,
Condamnons la partie défenderesse aux dépens de l'instance'.
Le premier juge a notamment retenu que :
- une partie du retard dans la fin du chantier est imputable à M. et Mme [P] en raison d'un choix de carrelage intervenu en janvier 2020. Cet élément de fait est démontré par le constat d'accord du 30 janvier 2020 qui met à la charge de Mme [P] le choix du carrelage à poser sur une partie de la construction, choix communiqué le 14 février 2020 à la société BÂTI 85.
- les volets extérieurs sont mentionnés au constat d'accord du 30 janvier 2020, ils feront l'objet de travaux de reprise réalisés en juin 2021, notamment sur le laquage. S'agissant de ces prétentions, eu égard à la période de confinement de mars à mai 2020, il ne peut être pris en considération un retard aussi important qu'allégué par les demandeurs mais peut-être considéré au moins entre le 14 mars 2020 et le 15 juin 2021, date de la dernière intervention facturée par la société BÂTI 85.
- cette période caractérise un retard imputable à la société BÂTI 85 de 441 jours, moyennant une indemnité journalière fixée à 76,84 euros soit des pénalités de retard pouvant être fixées à la somme provisionnelle de 33.886,44 euros.
- les autres postes de préjudice allégués n'étant pas étayés, les époux [P] en seront déboutés.
- sur la demande de levée des réserves, le procès-verbal de réception avec réserves liste trois réserves, chacune ayant fait l'objet soit de travaux de finition (pose de carrelage) ou de reprise (changement des volets extérieurs), et de la transmission du document de fin de chantier reconnue par les demandeurs. Il s'ensuit que cette demande n'est donc plus pertinente au jour de l'audience et les demandeurs en seront déboutés.
- sur la demande reconventionnelle, M. et Mme [P] restent redevables du solde du prix du chantier pour un montant de 2.260,35 euros. S'il n'existe plus aucun motif à la retenue de cette somme par les contractants de la société BÂTI 85, le juge des référés ne peut condamner à paiement mais uniquement octroyer des provisions à valoir sur une dette définitive et il ne peut être fait droit à la demande reconventionnelle de la SAS BÂTI 85, même dans le cadre d'une compensation.
LA COUR
Vu l'appel en date du 29/12/2023 interjeté par la société SAS BÂTI 85
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 20/03/2024, la société SAS BÂTI 85 a présenté les demandes suivantes :
'Vu l'article 835 du code de procédure civile
Vu l'article 1231-5 du code civil
Vu la loi du 16 juillet 1971
Réformer la décision dont appel :
- en tant qu'elle a condamné la société BÂTI 85 à régler aux époux [P] la somme de 33 886,44 € à titre de pénalités de retard
- en tant qu'elle a débouté la société BÂTI 85 de ses demandes de condamnation des époux [P] à lui régler le solde de son marché de travaux, la somme de 4 000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance.
Statuant de nouveau de ces chefs
Débouter les époux [P] de leur demande de condamnation de la société BÂTI 85 à leur régler des pénalités de retard.
Condamner les époux [P] à régler à la société BÂTI 85 la somme de 2 260,35 € T.T.C. au titre du solde de son marché et celle de 4 000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'instance et d'appel.
Condamner les époux [P] aux entiers dépens d''instance et d'appel.
Confirmer la décision en tout ce qu'elle n'a pas de contraire à ce qui précède.
Débouter les époux [P] de leur appel incident'.
A l'appui de ses prétentions, la société SAS BÂTI 85 soutient notamment que :
- par un marché en date du 24 avril 2017, conclu pour un prix de 48 023,00 €, ramené par avenants successifs à 45 207,00 €, M. et Mme [P] ont confié à la société BÂTI 85 le soin d'édifier une extension à cette maison devant à terme accueillir deux chambres et un WC.
- le marché prévoyait un délai d'exécution des travaux de 10 mois à compter de l'ouverture du chantier et, en cas de retard en fin de travaux, l'application de pénalités d'un montant de 0,20 % du montant HT du marché.
- la notice descriptive des travaux à réaliser prévoyait notamment, s'agissant des carrelages, que leur choix serait à effectuer selon les modèles proposés dans la salle d'exposition de la société BÂTI 85.
- pour ce qui concerne les volets, l'avenant conclu plus tard stipulait une mise en peinture à l'identique des volets existants, dont le RAL était donné par les clients : 5023.
- sur les pénalités de retard, équivalant à près de 75 % du montant de son marché, est soutenue la neutralisation des pénalités de retard du fait de l'indécision des maîtres d'ouvrage en termes de choix de carrelage et de l'accord de conciliation intervenu entre les deux parties.
Si le chantier a connu d'importants retards, c'est uniquement du fait de l'incapacité des maîtres de l'ouvrage à faire le choix de carrelage qui leur incombait, tous les autres travaux ayant par ailleurs été réalisés en temps et en heure, les maîtres de l'ouvrage s'entêtant à rechercher un carrelage identique à celui de la maison existante alors que ce carrelage, commercialisé plus de 11 ans auparavant, n'est plus produit. La société BÂTI 85 n'aurait pu donner satisfaction à ses clients, ces carreaux n'existant plus.
La société BÂTI 85 a financé l'intervention d'une décoratrice pour les aider à faire ce choix, puis les a relancé par 2 fois, le chantier étant bloqué depuis un an.
- les parties ont d'ailleurs eu recours à un conciliateur pour régler le différend les opposant déjà sur l'achèvement du chantier et un accord a été trouvé.
Au terme de cet accord, les époux [P] s'engageaient à faire enfin le choix de leur carrelage, ayant fait leur deuil d'un carrelage identique à celui existant.
De telle sorte que, cette absence de choix ayant jusqu'alors bloqué le chantier, aucune pénalité ne saurait être en toute hypothèse appliquée jusqu'à l'accord intervenu et les dates fixées pour son exécution.
S'il devait donc être appliqué des pénalités de retard, cela n'aurait pu être qu'à compter du nouveau délai d'exécution imparti par l'accord de conciliation et jusqu'à la date effective de réalisation des prestations à charge de la société BÂTI 85, et non comme l'a retenu le juge des référés, jusqu'à la date de réalisation d'un laquage des volets, prestation que la société BÂTI 85 n'a accepté d'assumer qu'à titre purement commercial, pour complaire à ses clients qui se plaignaient d'une disparité de teinte entre nouveaux et anciens volets.
- les époux [P] ne démontrent pas que le délai imparti pour la pose des deux paires de volets n'aurait pas été respecté.
Quant à la pose du carrelage, l'accord ne prévoyait pas, comme la retenu le juge des référés, qu'elle devrait intervenir dans le mois de l'expression de leur choix par les maîtres d'ouvrage mais dans le mois de la mise à disposition du carrelage choisi par les époux [P].
- le délai imparti à la société BÂTI 85 pour mettre en oeuvre ce carrelage démarrait donc à compter, au plus tôt, du 14 mars 2020, après un choix effectué le 14 février 2020, soit en pleine période protégée liée à la pandémie de COVID 19.
- il résulte de l'application de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire, définie par son article 1er comme étant celle entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, que d'éventuelles pénalités de retard ne pourraient être appliquées qu'à compter de la fin du mois de juillet 2020 (fin de la période protégée + 1 mois d'exécution).
- c'était toutefois sans compter sur la nouvelle interférence des maîtres d'ouvrage qui souhaitaient commander au sous-traitant carreleur de la société BÂTI 85 des travaux complémentaires et faire en sorte que l'ensemble des travaux de finition soient réalisés en une seule fois.
Les époux [P] ne se mettront d'accord avec le carreleur sur ces travaux complémentaires qu'en décembre 2020.
Les travaux seront enfin réalisés en février 2021 (du 11 au 16 février) et les travaux de finition (redressement des cloisons, peinture) seront réalisés dans la foulée.
- aucun retard ne saurait être imputé à la société BÂTI 85 pour la période antérieure à l'accord de conciliation intervenu entre les deux parties
- il y a sur le sujet matière à contestation très sérieuse puisque, pour mémoire, la cour d'appel statue en matière de référé, et il n'y a pas lieu à provision.
- en outre, lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, alors que l'application de la clause pénale telle qu'appliquée par le juge des référés revêt à l'évidence un caractère très excessif.
Or, la demande présentée représente 163 % du montant total du marché et M. et Mme [P] seront déboutés de leur appel incident.
- sur la demande reconventionnelle, celle-ci ne souffrait aucune contestation sérieuse. Or, le juge des référés peut, outre accorder une provision, ordonner l'exécution de l'obligation, et quand l'obligation est de paiement, il peut condamner à ce paiement.
La décision sera donc réformée sur ce point également et les époux [P] condamnés à régler à la société BÂTI 85 la somme de 2 260,35 € T.T.C. qu'ils lui doivent encore.
Très subsidiairement et à toutes fins pour éviter la critique des époux [P], la société BÂTI 85 sollicite leur condamnation à lui régler à titre de provision à valoir sur le solde de son marché, la somme de 2 250 €.
- les époux [P] ne peuvent prétendre pratiquer la retenue de garantie de la loi de 1971 parce qu'il n'existe plus de réserve à lever et qu'ils n'ont au surplus pas respecté les conditions d'application de ce texte, et contrairement à ce qu'ils soutiennent, le solde de la société BÂTI 85 lui est incontestablement dû.
- sur les demandes de levée des réserves, s'agissant de la teinte des volets, la société BÂTI 85 a accepté de reprendre les volets existants. Mais la preuve n'est pas faite de la réalité de la réserve, alors que l'entreprise n'était pas présente au PV de réception et le rapport d'expertise privé non contradictoire de l'expert [E] a été établi un an avant la remise en peinture des volets.
- la demande de 180 € de frais de relogement suivant réfection de malfaçons n'est pas justifiée.
- sur la demande en paiement d'une somme de 5 000,00 € au titre des intérêts intercalaires qu'auraient supportés les époux [P] du fait du retard de leur chantier, il n'est pas justifié de la réalité et du montant de ces intérêts intercalaires.
En toute hypothèse, le retard en question est uniquement imputable aux époux [P].
Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 24/04/2024, M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] ont présenté les demandes suivantes :
'Vu l'article 1792-4-3 du code civil,
Vu l'article 835 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
Il est demandé à la cour d'appel de :
Confirmer l'ordonnance du 7 novembre 2023 en ce qu'elle a retenu le bien-fondé de la demande des époux [P] pour les pénalités de retard et en ce qu'elle a débouté la société BÂTI 85 de l'intégralité de ses demandes,
Réformer l'ordonnance du 7 novembre 2023 en ce qu'elle a limité la provision pour pénalités de retard à hauteur de 33 886,44 €
Réformer l'ordonnance du 7 novembre 2023 en ce qu'elle a débouté les époux [P] de leur demande au titre de la levée des réserves et du paiement aux autres frais et préjudice,
En conséquence, statuant à nouveau,
Dire et juger les époux [P] recevables et bien fondés en leur action,
Condamner la société BÂTI 85, sous astreinte journalière de 150 €, à lever les réserves dressées au procès-verbal de réception.
Condamner la société BÂTI 85 à payer la somme provisionnelle de 73 142.16€ aux époux [P] au titre des pénalités contractuelles de retard.
Condamner la société BÂTI 85 à verser la somme provisionnelle de 1 080 € aux époux [P] à raison des frais supplémentaires engagés.
Condamner la société BÂTI 85 à verser la somme provisionnelle de 5 000 € aux époux [P] au titre des intérêts intercalaires de la banque.
Débouter la société BÂTI 85 de l'intégralité de ses demandes,
Condamner la société BÂTI 85 à verser aux époux [P] une juste indemnité de 4 000 €, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamner la société BÂTI 85 aux entiers dépens de l'instance'.
A l'appui de leurs prétentions, M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] soutiennent notamment que :
- l'ouvrage a été réceptionné le 4 octobre 2021, en l'absence de la société BÂTI 85. La réception est contradictoire dans la mesure où la société BÂTI 85 a été dûment convoquée.
Le contrat prévoyait une durée de travaux de dix mois à compter de l'ouverture du chantier.
Le chantier devait donc prendre fin en février 2019.
Il existe, dès lors, un retard de 2 ans et demi dans l'exécution des travaux.
- l'ouvrage a été réceptionné avec réserves, obligeant la société BÂTI 85 à intervenir avant la date du 4 novembre 2021. Mais les réserves émises n'ont toujours pas été levées par la société BÂTI 85, malgré mise en demeure adressée à cette fin le 15 février 2022.
- sur la demande au titre de la levée des réserves, l'entrepreneur est de fait débiteur d'une obligation de résultat jusqu'à la levée des réserves
- la société BÂTI 85 a levé la réserve n°3 s'agissant de la facture du solde du chantier laquelle a été communiquée seulement le 24 janvier 2023
- la société BÂTI 85 feint d'ignorer la réserve sur les volets alors qu'elle sait pertinemment que la réserve concerne un défaut de couleur des volets par rapport à ceux existants.
Si la société BÂTI 85 a fait laquer les volets suivant facture du 15 juin 2021, ce n'est pas pour être conciliante, mais bien pour répondre à son obligation contractuelle. Toutefois, ce laquage n'est absolument pas concluant dans la mesure où il n'est pas pérenne et se décolle, tel que le justifient les photographies versées au débat, mais encore, la teinte n'est pas la même que celle des volets existants.
Les réserves sont toujours d'actualité et doivent être levées, cela sous astreinte.
- sur les pénalités de retard, le chantier devait donc prendre fin le 24 février 2019. La société BÂTI 85 n'a jamais été en mesure de communiquer un calendrier certain des travaux aux époux [P], et n'a invoqué aucun motif légitime de retard, une expertise amiable étant organisée.
- les époux [P] subissent une absence d'achèvement de l'ouvrage qui leur est particulièrement préjudiciable.
Il s'était pourtant déjà écoulé 2 ans et demi entre l'ouverture du chantier et sa réception, le contrat prévoyant initialement une durée de travaux de dix mois.
- la société BÂTI 85 considère qu'il existerait une contestation sérieuse dans la mesure où selon elle, le retard serait dû au maître d'ouvrage.
- le premier juge considérait, à tort, que les époux [P] auraient été responsables d'une partie du retard.
Or, selon attestation de l'ancien commercial de la société BÂTI 85, cette dernière avait pris l'engagement de commander les mêmes carreaux de carrelage que ceux existants.
Il ne s'agit pas d'un souvenir de ce collaborateur, mais bien d'un témoignage sur l'engagement qui a été pris par la société BÂTI 85.
Les époux [P] ont obtenu, à l'époque, l'accord de la société BÂTI 85 pour poser les mêmes carreaux de carrelage qui étaient toujours existants, et la société BÂTI 85 n'en apporte absolument pas la preuve contraire.
Dans la mesure où la société BÂTI 85 n'a pas respecté son obligation et n'a pas commandé les carreaux à temps, ceux-ci n'étaient plus disponibles ensuite, de sorte que les époux [P] se sont vus dans l'obligation de choisir un nouveau carrelage à cause de la défaillance de la société BÂTI 85.
Les constats de l'expert amiable démontrent que les travaux étaient loin d'être terminés en mai 2020. La société BÂTI 85 a considéré à tort que la chape avait dû être reprise du fait des époux [P] qui avaient tardé à choisir leur carrelage, mais elle s'est dégradée du fait de ses malfaçons.
Aucun reproche ne peut être fait au maître d'ouvrage s'agissant de ce retard.
- à aucun moment les époux [P] ne sont responsables de délai de pose des carreaux commandés.
- la société BÂTI 85 a indiqué devant le premier juge que le chantier aurait pu être réceptionné plus tôt qu'en octobre 2021 puisque selon elle, il était terminé en mars 2021 mais les échanges de courriel entre la société BÂTI 85 et les époux [P] démontrent que la société BÂTI 85 n'a jamais tenu ses engagements pour terminer le chantier dans des délais rapides.
- les époux [P] sont en droit de demander la condamnation de la société BÂTI 85 à verser les sommes provisionnelles suivantes :
- 900 € au titre de l'expertise diligentée
- 225 € de frais de relogement suivant réfection des malfaçons
- 5 000 € au titre des intérêts intercalaires de la banque
- 73 142.16 € suivant calcul de l'indemnité journalière prévu au contrat en cas de retard, étant considéré que le marché est d'un montant HT de 38 418.4 €.
L'indemnité journalière de retard est égale à 0.20% de 38 418.4 € soit la somme de 76.83 € par jour.
Le retard est de 952 jours entre le 24 février 2019 et le 4 octobre 2021, jour de la réception.
- au-delà des pénalités de retard prévues contractuellement, le maître d'ouvrage lésé par la défaillance du constructeur peut également solliciter la réparation de ses préjudices annexes.
- sur la demande reconventionnelle de la société, il ne s'agit pas d'une demande provisionnelle. En outre, la retenue de garantie ne peut être réglée par le maître de l'ouvrage que si les réserves mentionnées au procès-verbal de réception ont toutes été levées, et le délai de 1 an ne court qu'à compter de la réception des travaux de levée de réserve, étant rappelé que la somme a été consignée sur compte CARPA.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Par conclusions en date du 03/05/2024, la société SAS BÂTI 85 sollicitait de la cour de :
'DÉCLARER irrecevables les conclusions des consorts [P] en date du 24 avril 2024,
ECARTER définitivement les écritures signifiées par les consorts [P] le 24 avril 2024, veille de la clôture des débats'.
cela aux motifs qu'elle n'avait pas disposé d'un délai suffisant pour prendre connaissance des conclusions signifiées le 24 avril 2024 par les intimés, et encore moins pour y répondre.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 25/04/2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité des conclusions d'intimés en date du 24/04/2024 :
L'article 802 du code de procédure civile dispose que : 'Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office'.
L'article 803 du même code précise que 'l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle un motif grave depuis qu'elle a été rendue...
L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit après l'ouverture des débats, par décision du tribunal'.
L'article 16 du code de procédure civile dispose :
'Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.'
L'article 15 du même code prévoit que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
En l'espèce, la clôture est intervenue le 25/04/2023, et les conclusions litigieuses ont été déposées la veille de cette clôture.
Il n'est toutefois pas démontré que ces écritures qui ne contiennent pas de demande nouvelle nécessitaient une réponse de la part de l'appelante pour que la loyauté des débats et que le principe du contradictoire soient respectés, alors que les intimés avaient déjà précédemment conclu le 20/02/2024.
Il n'y a pas lieu dans ces conditions de déclarer ces écritures irrecevables alors qu'elles sont intervenues avant clôture.
Sur les demandes de provisions formées par M. et Mme [P] :
L'article 835 du code de procédure civile dispose que : "le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire."
S'agissant de la provision au titre des pénalités de retard :
Le marché conclu le 24 avril 2017 entre les parties prévoyait un délai d'exécution des travaux de 10 mois à compter de l'ouverture du chantier et devait s'achever en février 2019.
En cas de retard en fin de travaux, l'application de pénalités d'un montant de 0,20 % du montant HT du marché était prévue.
Toutefois, un procès-verbal de réception de l'ouvrage a été établi le 4 octobre 2021 en l'absence de la société BÂTI 85 convoquée, listant des réserves concernant les menuiseries volets ( volets à intervertir, à consolider et revêtement à revoir), des pénalités de retard fixées à la somme de 68.922 euros et enfin la transmission du document d'achèvement des travaux et le dernier appel de fonds.
La société BÂTI 85 soutient que le retard de chantier serait dû au fait que les maîtres de l'ouvrage auraient tardé à choisir le carrelage de l'extension.
Il résulte en effet de la notice descriptive des travaux que 'les choix de carrelage et faïence seront effectués dans la salle d'exposition de BÂTI 85". Or, M. et Mme [P] ne démontrent pas qu'il avait été contractuellement retenu que ce carrelage devait être similaire à celui-ci anciennement utilisé dans la partie d'origine de leur immeuble, ce qui n'était pas possible faute de poursuite de sa fabrication selon la société appelante.
Sur ce point, l'attestation de M. [B], ancien commercial de BÂTI 85, ne permet pas de démontrer avec précision suffisante que cette option avait été contractuellement retenue, M. [B] faisant référence à ses souvenirs, et donc sans certitude.
Il résulte de l'annexe 5 de l'expertise amiable produite que les fondations et les murs étaient achevés en juin 2018 (appels de fonds n°1 et 2), que l'extension était hors d'eau fin juillet 2018 (appel de fonds n°3) et qu'elle était hors d'air et les cloisons étaient achevées en janvier 2019.
Or, alors que rappel leur était fait par l'entreprise, notamment par courrier du 19 décembre 2019, le choix du carrelage n'interviendra, après procès-verbal de conciliation, de la part de M. et Mme [P] que le 14 février 2020, ce qui résulte de leur propre courriel alors le délai d'approvisionnement des carreaux choisis était d'un mois.
Le délai imparti pour mettre en oeuvre ce carrelage démarrait donc à compter, au plus tôt, du 14 mars 2020, mais l'application de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire conduit à retenir que d'éventuelles pénalités de retard ne pourraient être appliquées qu'à compter de la fin du mois de juillet 2020, les travaux étant réalisés du 11 au 16 février 2021.
Il y a lieu en conséquence et par infirmation de l'ordonnance entreprise sur ce point de retenir un retard imputable à l'entreprise d'une durée de 166 jours.
S'agissant des défauts des volets, ils ne sont pas démontrés avec l'évidence requise en référé, alors même que ceux-ci ont fait l'objet d'une reprise amiable de la part de l'entreprise.
L'indemnité due par l'entreprise au titre du contrat souscrit et non sérieusement contestable au regard du retard de livraison du chantier doit être fixée à titre de provision à la somme de 76,83 euros X 166 jours, soit la somme de 12 753,77€.
Sur les autres demandes provisionnelles :
Comme retenu par le premier juge, les autres demandes provisionnelles présentées par M. et Mme [P], soit 225 € de frais de relogement suivant réfection des malfaçons et 5 000 € au titre des intérêts intercalaires de la banque, ne sont étayées par aucune pièce de nature à justifier du bien fondé de leur versement, et elles ne le sont pas davantage en cause d'appel, ces demandes devant ainsi être rejetées par confirmation de l'ordonnance entreprise.
Sur la demande de levée des réserves :
Si un procès-verbal de réception de l'ouvrage a été établi le 4 octobre 2021 en l'absence de la société BÂTI 85 convoquée, listant des réserves concernant les menuiseries volets ( volets à intervertir, à consolider et revêtement à revoir), des pénalités de retard fixées à la somme de 68.922 euros et enfin la transmission du document d'achèvement des travaux et le dernier appel de fonds, il est retenu qu'il a été statué sur le revêtement, les pénalités de retard, et que le désordres des volets n'est pas démontré avec l'évidence requise en référé, alors même que ceux-ci ont fait l'objet d'une reprise amiable de la part de l'entreprise.
L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a écarté cette demande de M. et Mme [P].
Sur la demande reconventionnelle de la société SAS BÂTI 85 :
La SAS BÂTI 85 sollicite la condamnation de M. et Mme [P] à lui payer la somme de 2 260,35 € T.T.C.
Elle reprend en cela devant la cour, qui est juridiction d'appel de reféré, une demande dont le premier juge a pertinemment dit qu'elle ne pouvait être accueillie puisque la somme réclamée ne l'est pas à titre de provision.
Les appelants sollicitent à bon droit la confirmation du rejet de cette demande pour le même motif qu'en première instance, BATI 85 n'ayant pas tiré les conséquences des énonciations de l'ordonnance pour modifier sa demande et pour solliciter désormais une provision.
Le rejet de la demande reconventionnelle de la société BATI 85 par le premier juge sera donc confirmé.
Sur les dépens :
Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés, et seront confirmés.
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de la société SAS BÂTI 85, condamnée à paiement au principal
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
DÉBOUTE la société SAS BÂTI 85 de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions de M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] en date du 24 avril 2024.
CONFIRME l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a :
- condamné la SAS BÂTI 85 à verser à M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] la somme provisionnelle de 33.886,44 euros au titre des pénalités de retard.
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société SAS BÂTI 85 à verser à M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] la somme provisionnelle de 12 753,77€ au titre des pénalités de retard, avec intérêt au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.
DÉBOUTE M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] du surplus de leurs demandes de provision.
DÉBOUTE M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] de leur demande de condamnation à la levée des réserves sous astreinte.
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
CONDAMNE la société SAS BÂTI 85 aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
N° RG 24/00001 - N° Portalis DBV5-V-B7I-G6JQ
S.A.S. BATI 85
C/
[P]
[P]
Loi n° 77-1468 du30/12/1977
Copie revêtue de la formule exécutoire
Le à
Le à
Le à
Copie gratuite délivrée
Le à
Le à
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 12 NOVEMBRE 2024
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00001 - N° Portalis DBV5-V-B7I-G6JQ
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 07 novembre 2023 rendue par le Président du TJ de LA ROCHE SUR YON.
APPELANTE :
S.A.S. BATI 85
[Adresse 6]
[Localité 3]
ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON - YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS et pour avocat plaidant Me Cyril TOURNADE, avocat au barreau de Nantes substitué par Me Yasmina GAUVRIT, avocat au barreau de NANTES
INTIMES :
Monsieur [Z] [P]
né le 12 Février 1980 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Madame [T] [P]
née le 04 Octobre 1978 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Localité 2]
ayant tous les deux pour avocat Me Pascal TESSIER de la SELARL ATLANTIC JURIS, avocat au barreau de LA ROCHE-SUR-YON
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Thierry MONGE, Président de Chambre
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,
ARRÊT :
- Contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] ont passé un contrat de marché de travaux avec la société BÂTI 85 portant sur l'agrandissement de leur maison.
Ils font état d'une date de début de travaux le 24 avril 2018 et une durée de travaux de 10 mois à compter de l'ouverture du chantier.
Ils indiquent qu'alors que le chantier devait prendre fin en février 2019, une première expertise amiable est intervenue le 12 mai 2020 sur des désordres dénoncés et les travaux restants à mettre en oeuvre.
Ils font valoir que l'ouvrage a été réceptionné le 4 octobre 2021, en l'absence de la société BÂTI 85 avec des réserves qui n'ont jamais été levées malgré une lettre de mise en demeure fin février 2022.
M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] ont, par acte du 2 novembre 2022 saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de la ROCHE SUR YON pour solliciter par leurs dernières écritures intervenant après radiation et réenrôlement, la condamnation de la société BÂTI 85 au paiement de :
- 73.766,40 euros à titre de provision au titre des pénalités contractuelles de retard,
- 1.080 euros à titre de provision à raison des frais supplémentaires engagés,
- 5.000 euros à titre de provision au titre des intérêts intercalaires de la banque,
- 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils sollicitent en outre, la levée des réserves dressées au procès-verbal de réception sous astreinte journalière de 150 euros.
M. et Mme [P] reprenaient les trois réserves mentionnées pour indiquer que celle n°3 a été exécutée en janvier 2023 par la communication de la facture du solde du chantier leur permettant de débloquer le crédit affecté aux travaux. S'agissant de la réserve n°1 concernant les volets, ils affirmaient qu'elle était toujours d'actualité avec un laquage qui se décolle et une différence flagrante de couleur entre les volets de l'extension et ceux existants. Enfin, ils soutenaient que le retard d'exécution du chantier était imputable à la société BÂTI 85 et qu'ils subissaient un préjudice important.
Ils concluaient au rejet de la demande reconventionnelle de la société BÂTI 85 pour ne pas être une demande provisionnelle et qu'en raison des réserves mentionnées non levées, la somme demandée correspondant à 5% du marché est une garantie qu'ils ont par ailleurs consignés sur le compte CARPA de leur conseil. Ils ajoutaient que le délai d'un an déterminé par l'article 2 de la loi du 16/07/1971 court à compter de la levée des réserves et non le terme du chantier.
La SAS BÂTI 85 concluait au débouté des demandeurs et reconventionnellement à leur condamnation au paiement de la somme de 2.260,35 euros T.T.C. au titre du solde se son marché outre celle de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
S'agissant des pénalités de retard, elle entendait soutenir que les délais d'exécution du chantier n'ont pas été respectés du fait du maître de l'ouvrage, ceux-ci ayant été dans l'incapacité de choisir le carrelage, choix qui leur incombait et qu'ils n'ont finalisé qu'en décembre 2020.
Elle soulignait que les travaux se sont alors terminés en février 2021 et que la réserve concernant les volets n'est pas démontrée dans sa réalité, et encore moins dans son étendue ce qui justifie qu'elle soit écartée.
Par ordonnance contradictoire en date du 07/11/2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de LA ROCHE SUR YON a statué comme suit :
'Condamnons la SAS BÂTI 85 à verser à M. [P] [Z] et Mme [P] [T] la somme provisionnelle de 33.886,44 euros au titre des pénalités de retard,
Déboutons les parties pour le surplus de leurs demandes,
Condamnons la partie défenderesse aux dépens de l'instance'.
Le premier juge a notamment retenu que :
- une partie du retard dans la fin du chantier est imputable à M. et Mme [P] en raison d'un choix de carrelage intervenu en janvier 2020. Cet élément de fait est démontré par le constat d'accord du 30 janvier 2020 qui met à la charge de Mme [P] le choix du carrelage à poser sur une partie de la construction, choix communiqué le 14 février 2020 à la société BÂTI 85.
- les volets extérieurs sont mentionnés au constat d'accord du 30 janvier 2020, ils feront l'objet de travaux de reprise réalisés en juin 2021, notamment sur le laquage. S'agissant de ces prétentions, eu égard à la période de confinement de mars à mai 2020, il ne peut être pris en considération un retard aussi important qu'allégué par les demandeurs mais peut-être considéré au moins entre le 14 mars 2020 et le 15 juin 2021, date de la dernière intervention facturée par la société BÂTI 85.
- cette période caractérise un retard imputable à la société BÂTI 85 de 441 jours, moyennant une indemnité journalière fixée à 76,84 euros soit des pénalités de retard pouvant être fixées à la somme provisionnelle de 33.886,44 euros.
- les autres postes de préjudice allégués n'étant pas étayés, les époux [P] en seront déboutés.
- sur la demande de levée des réserves, le procès-verbal de réception avec réserves liste trois réserves, chacune ayant fait l'objet soit de travaux de finition (pose de carrelage) ou de reprise (changement des volets extérieurs), et de la transmission du document de fin de chantier reconnue par les demandeurs. Il s'ensuit que cette demande n'est donc plus pertinente au jour de l'audience et les demandeurs en seront déboutés.
- sur la demande reconventionnelle, M. et Mme [P] restent redevables du solde du prix du chantier pour un montant de 2.260,35 euros. S'il n'existe plus aucun motif à la retenue de cette somme par les contractants de la société BÂTI 85, le juge des référés ne peut condamner à paiement mais uniquement octroyer des provisions à valoir sur une dette définitive et il ne peut être fait droit à la demande reconventionnelle de la SAS BÂTI 85, même dans le cadre d'une compensation.
LA COUR
Vu l'appel en date du 29/12/2023 interjeté par la société SAS BÂTI 85
Vu l'article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 20/03/2024, la société SAS BÂTI 85 a présenté les demandes suivantes :
'Vu l'article 835 du code de procédure civile
Vu l'article 1231-5 du code civil
Vu la loi du 16 juillet 1971
Réformer la décision dont appel :
- en tant qu'elle a condamné la société BÂTI 85 à régler aux époux [P] la somme de 33 886,44 € à titre de pénalités de retard
- en tant qu'elle a débouté la société BÂTI 85 de ses demandes de condamnation des époux [P] à lui régler le solde de son marché de travaux, la somme de 4 000,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance.
Statuant de nouveau de ces chefs
Débouter les époux [P] de leur demande de condamnation de la société BÂTI 85 à leur régler des pénalités de retard.
Condamner les époux [P] à régler à la société BÂTI 85 la somme de 2 260,35 € T.T.C. au titre du solde de son marché et celle de 4 000,00 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de ses frais irrépétibles d'instance et d'appel.
Condamner les époux [P] aux entiers dépens d''instance et d'appel.
Confirmer la décision en tout ce qu'elle n'a pas de contraire à ce qui précède.
Débouter les époux [P] de leur appel incident'.
A l'appui de ses prétentions, la société SAS BÂTI 85 soutient notamment que :
- par un marché en date du 24 avril 2017, conclu pour un prix de 48 023,00 €, ramené par avenants successifs à 45 207,00 €, M. et Mme [P] ont confié à la société BÂTI 85 le soin d'édifier une extension à cette maison devant à terme accueillir deux chambres et un WC.
- le marché prévoyait un délai d'exécution des travaux de 10 mois à compter de l'ouverture du chantier et, en cas de retard en fin de travaux, l'application de pénalités d'un montant de 0,20 % du montant HT du marché.
- la notice descriptive des travaux à réaliser prévoyait notamment, s'agissant des carrelages, que leur choix serait à effectuer selon les modèles proposés dans la salle d'exposition de la société BÂTI 85.
- pour ce qui concerne les volets, l'avenant conclu plus tard stipulait une mise en peinture à l'identique des volets existants, dont le RAL était donné par les clients : 5023.
- sur les pénalités de retard, équivalant à près de 75 % du montant de son marché, est soutenue la neutralisation des pénalités de retard du fait de l'indécision des maîtres d'ouvrage en termes de choix de carrelage et de l'accord de conciliation intervenu entre les deux parties.
Si le chantier a connu d'importants retards, c'est uniquement du fait de l'incapacité des maîtres de l'ouvrage à faire le choix de carrelage qui leur incombait, tous les autres travaux ayant par ailleurs été réalisés en temps et en heure, les maîtres de l'ouvrage s'entêtant à rechercher un carrelage identique à celui de la maison existante alors que ce carrelage, commercialisé plus de 11 ans auparavant, n'est plus produit. La société BÂTI 85 n'aurait pu donner satisfaction à ses clients, ces carreaux n'existant plus.
La société BÂTI 85 a financé l'intervention d'une décoratrice pour les aider à faire ce choix, puis les a relancé par 2 fois, le chantier étant bloqué depuis un an.
- les parties ont d'ailleurs eu recours à un conciliateur pour régler le différend les opposant déjà sur l'achèvement du chantier et un accord a été trouvé.
Au terme de cet accord, les époux [P] s'engageaient à faire enfin le choix de leur carrelage, ayant fait leur deuil d'un carrelage identique à celui existant.
De telle sorte que, cette absence de choix ayant jusqu'alors bloqué le chantier, aucune pénalité ne saurait être en toute hypothèse appliquée jusqu'à l'accord intervenu et les dates fixées pour son exécution.
S'il devait donc être appliqué des pénalités de retard, cela n'aurait pu être qu'à compter du nouveau délai d'exécution imparti par l'accord de conciliation et jusqu'à la date effective de réalisation des prestations à charge de la société BÂTI 85, et non comme l'a retenu le juge des référés, jusqu'à la date de réalisation d'un laquage des volets, prestation que la société BÂTI 85 n'a accepté d'assumer qu'à titre purement commercial, pour complaire à ses clients qui se plaignaient d'une disparité de teinte entre nouveaux et anciens volets.
- les époux [P] ne démontrent pas que le délai imparti pour la pose des deux paires de volets n'aurait pas été respecté.
Quant à la pose du carrelage, l'accord ne prévoyait pas, comme la retenu le juge des référés, qu'elle devrait intervenir dans le mois de l'expression de leur choix par les maîtres d'ouvrage mais dans le mois de la mise à disposition du carrelage choisi par les époux [P].
- le délai imparti à la société BÂTI 85 pour mettre en oeuvre ce carrelage démarrait donc à compter, au plus tôt, du 14 mars 2020, après un choix effectué le 14 février 2020, soit en pleine période protégée liée à la pandémie de COVID 19.
- il résulte de l'application de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire, définie par son article 1er comme étant celle entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020, que d'éventuelles pénalités de retard ne pourraient être appliquées qu'à compter de la fin du mois de juillet 2020 (fin de la période protégée + 1 mois d'exécution).
- c'était toutefois sans compter sur la nouvelle interférence des maîtres d'ouvrage qui souhaitaient commander au sous-traitant carreleur de la société BÂTI 85 des travaux complémentaires et faire en sorte que l'ensemble des travaux de finition soient réalisés en une seule fois.
Les époux [P] ne se mettront d'accord avec le carreleur sur ces travaux complémentaires qu'en décembre 2020.
Les travaux seront enfin réalisés en février 2021 (du 11 au 16 février) et les travaux de finition (redressement des cloisons, peinture) seront réalisés dans la foulée.
- aucun retard ne saurait être imputé à la société BÂTI 85 pour la période antérieure à l'accord de conciliation intervenu entre les deux parties
- il y a sur le sujet matière à contestation très sérieuse puisque, pour mémoire, la cour d'appel statue en matière de référé, et il n'y a pas lieu à provision.
- en outre, lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, alors que l'application de la clause pénale telle qu'appliquée par le juge des référés revêt à l'évidence un caractère très excessif.
Or, la demande présentée représente 163 % du montant total du marché et M. et Mme [P] seront déboutés de leur appel incident.
- sur la demande reconventionnelle, celle-ci ne souffrait aucune contestation sérieuse. Or, le juge des référés peut, outre accorder une provision, ordonner l'exécution de l'obligation, et quand l'obligation est de paiement, il peut condamner à ce paiement.
La décision sera donc réformée sur ce point également et les époux [P] condamnés à régler à la société BÂTI 85 la somme de 2 260,35 € T.T.C. qu'ils lui doivent encore.
Très subsidiairement et à toutes fins pour éviter la critique des époux [P], la société BÂTI 85 sollicite leur condamnation à lui régler à titre de provision à valoir sur le solde de son marché, la somme de 2 250 €.
- les époux [P] ne peuvent prétendre pratiquer la retenue de garantie de la loi de 1971 parce qu'il n'existe plus de réserve à lever et qu'ils n'ont au surplus pas respecté les conditions d'application de ce texte, et contrairement à ce qu'ils soutiennent, le solde de la société BÂTI 85 lui est incontestablement dû.
- sur les demandes de levée des réserves, s'agissant de la teinte des volets, la société BÂTI 85 a accepté de reprendre les volets existants. Mais la preuve n'est pas faite de la réalité de la réserve, alors que l'entreprise n'était pas présente au PV de réception et le rapport d'expertise privé non contradictoire de l'expert [E] a été établi un an avant la remise en peinture des volets.
- la demande de 180 € de frais de relogement suivant réfection de malfaçons n'est pas justifiée.
- sur la demande en paiement d'une somme de 5 000,00 € au titre des intérêts intercalaires qu'auraient supportés les époux [P] du fait du retard de leur chantier, il n'est pas justifié de la réalité et du montant de ces intérêts intercalaires.
En toute hypothèse, le retard en question est uniquement imputable aux époux [P].
Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 24/04/2024, M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] ont présenté les demandes suivantes :
'Vu l'article 1792-4-3 du code civil,
Vu l'article 835 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
Il est demandé à la cour d'appel de :
Confirmer l'ordonnance du 7 novembre 2023 en ce qu'elle a retenu le bien-fondé de la demande des époux [P] pour les pénalités de retard et en ce qu'elle a débouté la société BÂTI 85 de l'intégralité de ses demandes,
Réformer l'ordonnance du 7 novembre 2023 en ce qu'elle a limité la provision pour pénalités de retard à hauteur de 33 886,44 €
Réformer l'ordonnance du 7 novembre 2023 en ce qu'elle a débouté les époux [P] de leur demande au titre de la levée des réserves et du paiement aux autres frais et préjudice,
En conséquence, statuant à nouveau,
Dire et juger les époux [P] recevables et bien fondés en leur action,
Condamner la société BÂTI 85, sous astreinte journalière de 150 €, à lever les réserves dressées au procès-verbal de réception.
Condamner la société BÂTI 85 à payer la somme provisionnelle de 73 142.16€ aux époux [P] au titre des pénalités contractuelles de retard.
Condamner la société BÂTI 85 à verser la somme provisionnelle de 1 080 € aux époux [P] à raison des frais supplémentaires engagés.
Condamner la société BÂTI 85 à verser la somme provisionnelle de 5 000 € aux époux [P] au titre des intérêts intercalaires de la banque.
Débouter la société BÂTI 85 de l'intégralité de ses demandes,
Condamner la société BÂTI 85 à verser aux époux [P] une juste indemnité de 4 000 €, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Condamner la société BÂTI 85 aux entiers dépens de l'instance'.
A l'appui de leurs prétentions, M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] soutiennent notamment que :
- l'ouvrage a été réceptionné le 4 octobre 2021, en l'absence de la société BÂTI 85. La réception est contradictoire dans la mesure où la société BÂTI 85 a été dûment convoquée.
Le contrat prévoyait une durée de travaux de dix mois à compter de l'ouverture du chantier.
Le chantier devait donc prendre fin en février 2019.
Il existe, dès lors, un retard de 2 ans et demi dans l'exécution des travaux.
- l'ouvrage a été réceptionné avec réserves, obligeant la société BÂTI 85 à intervenir avant la date du 4 novembre 2021. Mais les réserves émises n'ont toujours pas été levées par la société BÂTI 85, malgré mise en demeure adressée à cette fin le 15 février 2022.
- sur la demande au titre de la levée des réserves, l'entrepreneur est de fait débiteur d'une obligation de résultat jusqu'à la levée des réserves
- la société BÂTI 85 a levé la réserve n°3 s'agissant de la facture du solde du chantier laquelle a été communiquée seulement le 24 janvier 2023
- la société BÂTI 85 feint d'ignorer la réserve sur les volets alors qu'elle sait pertinemment que la réserve concerne un défaut de couleur des volets par rapport à ceux existants.
Si la société BÂTI 85 a fait laquer les volets suivant facture du 15 juin 2021, ce n'est pas pour être conciliante, mais bien pour répondre à son obligation contractuelle. Toutefois, ce laquage n'est absolument pas concluant dans la mesure où il n'est pas pérenne et se décolle, tel que le justifient les photographies versées au débat, mais encore, la teinte n'est pas la même que celle des volets existants.
Les réserves sont toujours d'actualité et doivent être levées, cela sous astreinte.
- sur les pénalités de retard, le chantier devait donc prendre fin le 24 février 2019. La société BÂTI 85 n'a jamais été en mesure de communiquer un calendrier certain des travaux aux époux [P], et n'a invoqué aucun motif légitime de retard, une expertise amiable étant organisée.
- les époux [P] subissent une absence d'achèvement de l'ouvrage qui leur est particulièrement préjudiciable.
Il s'était pourtant déjà écoulé 2 ans et demi entre l'ouverture du chantier et sa réception, le contrat prévoyant initialement une durée de travaux de dix mois.
- la société BÂTI 85 considère qu'il existerait une contestation sérieuse dans la mesure où selon elle, le retard serait dû au maître d'ouvrage.
- le premier juge considérait, à tort, que les époux [P] auraient été responsables d'une partie du retard.
Or, selon attestation de l'ancien commercial de la société BÂTI 85, cette dernière avait pris l'engagement de commander les mêmes carreaux de carrelage que ceux existants.
Il ne s'agit pas d'un souvenir de ce collaborateur, mais bien d'un témoignage sur l'engagement qui a été pris par la société BÂTI 85.
Les époux [P] ont obtenu, à l'époque, l'accord de la société BÂTI 85 pour poser les mêmes carreaux de carrelage qui étaient toujours existants, et la société BÂTI 85 n'en apporte absolument pas la preuve contraire.
Dans la mesure où la société BÂTI 85 n'a pas respecté son obligation et n'a pas commandé les carreaux à temps, ceux-ci n'étaient plus disponibles ensuite, de sorte que les époux [P] se sont vus dans l'obligation de choisir un nouveau carrelage à cause de la défaillance de la société BÂTI 85.
Les constats de l'expert amiable démontrent que les travaux étaient loin d'être terminés en mai 2020. La société BÂTI 85 a considéré à tort que la chape avait dû être reprise du fait des époux [P] qui avaient tardé à choisir leur carrelage, mais elle s'est dégradée du fait de ses malfaçons.
Aucun reproche ne peut être fait au maître d'ouvrage s'agissant de ce retard.
- à aucun moment les époux [P] ne sont responsables de délai de pose des carreaux commandés.
- la société BÂTI 85 a indiqué devant le premier juge que le chantier aurait pu être réceptionné plus tôt qu'en octobre 2021 puisque selon elle, il était terminé en mars 2021 mais les échanges de courriel entre la société BÂTI 85 et les époux [P] démontrent que la société BÂTI 85 n'a jamais tenu ses engagements pour terminer le chantier dans des délais rapides.
- les époux [P] sont en droit de demander la condamnation de la société BÂTI 85 à verser les sommes provisionnelles suivantes :
- 900 € au titre de l'expertise diligentée
- 225 € de frais de relogement suivant réfection des malfaçons
- 5 000 € au titre des intérêts intercalaires de la banque
- 73 142.16 € suivant calcul de l'indemnité journalière prévu au contrat en cas de retard, étant considéré que le marché est d'un montant HT de 38 418.4 €.
L'indemnité journalière de retard est égale à 0.20% de 38 418.4 € soit la somme de 76.83 € par jour.
Le retard est de 952 jours entre le 24 février 2019 et le 4 octobre 2021, jour de la réception.
- au-delà des pénalités de retard prévues contractuellement, le maître d'ouvrage lésé par la défaillance du constructeur peut également solliciter la réparation de ses préjudices annexes.
- sur la demande reconventionnelle de la société, il ne s'agit pas d'une demande provisionnelle. En outre, la retenue de garantie ne peut être réglée par le maître de l'ouvrage que si les réserves mentionnées au procès-verbal de réception ont toutes été levées, et le délai de 1 an ne court qu'à compter de la réception des travaux de levée de réserve, étant rappelé que la somme a été consignée sur compte CARPA.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Par conclusions en date du 03/05/2024, la société SAS BÂTI 85 sollicitait de la cour de :
'DÉCLARER irrecevables les conclusions des consorts [P] en date du 24 avril 2024,
ECARTER définitivement les écritures signifiées par les consorts [P] le 24 avril 2024, veille de la clôture des débats'.
cela aux motifs qu'elle n'avait pas disposé d'un délai suffisant pour prendre connaissance des conclusions signifiées le 24 avril 2024 par les intimés, et encore moins pour y répondre.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 25/04/2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la recevabilité des conclusions d'intimés en date du 24/04/2024 :
L'article 802 du code de procédure civile dispose que : 'Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office'.
L'article 803 du même code précise que 'l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle un motif grave depuis qu'elle a été rendue...
L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit après l'ouverture des débats, par décision du tribunal'.
L'article 16 du code de procédure civile dispose :
'Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.'
L'article 15 du même code prévoit que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.
En l'espèce, la clôture est intervenue le 25/04/2023, et les conclusions litigieuses ont été déposées la veille de cette clôture.
Il n'est toutefois pas démontré que ces écritures qui ne contiennent pas de demande nouvelle nécessitaient une réponse de la part de l'appelante pour que la loyauté des débats et que le principe du contradictoire soient respectés, alors que les intimés avaient déjà précédemment conclu le 20/02/2024.
Il n'y a pas lieu dans ces conditions de déclarer ces écritures irrecevables alors qu'elles sont intervenues avant clôture.
Sur les demandes de provisions formées par M. et Mme [P] :
L'article 835 du code de procédure civile dispose que : "le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire."
S'agissant de la provision au titre des pénalités de retard :
Le marché conclu le 24 avril 2017 entre les parties prévoyait un délai d'exécution des travaux de 10 mois à compter de l'ouverture du chantier et devait s'achever en février 2019.
En cas de retard en fin de travaux, l'application de pénalités d'un montant de 0,20 % du montant HT du marché était prévue.
Toutefois, un procès-verbal de réception de l'ouvrage a été établi le 4 octobre 2021 en l'absence de la société BÂTI 85 convoquée, listant des réserves concernant les menuiseries volets ( volets à intervertir, à consolider et revêtement à revoir), des pénalités de retard fixées à la somme de 68.922 euros et enfin la transmission du document d'achèvement des travaux et le dernier appel de fonds.
La société BÂTI 85 soutient que le retard de chantier serait dû au fait que les maîtres de l'ouvrage auraient tardé à choisir le carrelage de l'extension.
Il résulte en effet de la notice descriptive des travaux que 'les choix de carrelage et faïence seront effectués dans la salle d'exposition de BÂTI 85". Or, M. et Mme [P] ne démontrent pas qu'il avait été contractuellement retenu que ce carrelage devait être similaire à celui-ci anciennement utilisé dans la partie d'origine de leur immeuble, ce qui n'était pas possible faute de poursuite de sa fabrication selon la société appelante.
Sur ce point, l'attestation de M. [B], ancien commercial de BÂTI 85, ne permet pas de démontrer avec précision suffisante que cette option avait été contractuellement retenue, M. [B] faisant référence à ses souvenirs, et donc sans certitude.
Il résulte de l'annexe 5 de l'expertise amiable produite que les fondations et les murs étaient achevés en juin 2018 (appels de fonds n°1 et 2), que l'extension était hors d'eau fin juillet 2018 (appel de fonds n°3) et qu'elle était hors d'air et les cloisons étaient achevées en janvier 2019.
Or, alors que rappel leur était fait par l'entreprise, notamment par courrier du 19 décembre 2019, le choix du carrelage n'interviendra, après procès-verbal de conciliation, de la part de M. et Mme [P] que le 14 février 2020, ce qui résulte de leur propre courriel alors le délai d'approvisionnement des carreaux choisis était d'un mois.
Le délai imparti pour mettre en oeuvre ce carrelage démarrait donc à compter, au plus tôt, du 14 mars 2020, mais l'application de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire conduit à retenir que d'éventuelles pénalités de retard ne pourraient être appliquées qu'à compter de la fin du mois de juillet 2020, les travaux étant réalisés du 11 au 16 février 2021.
Il y a lieu en conséquence et par infirmation de l'ordonnance entreprise sur ce point de retenir un retard imputable à l'entreprise d'une durée de 166 jours.
S'agissant des défauts des volets, ils ne sont pas démontrés avec l'évidence requise en référé, alors même que ceux-ci ont fait l'objet d'une reprise amiable de la part de l'entreprise.
L'indemnité due par l'entreprise au titre du contrat souscrit et non sérieusement contestable au regard du retard de livraison du chantier doit être fixée à titre de provision à la somme de 76,83 euros X 166 jours, soit la somme de 12 753,77€.
Sur les autres demandes provisionnelles :
Comme retenu par le premier juge, les autres demandes provisionnelles présentées par M. et Mme [P], soit 225 € de frais de relogement suivant réfection des malfaçons et 5 000 € au titre des intérêts intercalaires de la banque, ne sont étayées par aucune pièce de nature à justifier du bien fondé de leur versement, et elles ne le sont pas davantage en cause d'appel, ces demandes devant ainsi être rejetées par confirmation de l'ordonnance entreprise.
Sur la demande de levée des réserves :
Si un procès-verbal de réception de l'ouvrage a été établi le 4 octobre 2021 en l'absence de la société BÂTI 85 convoquée, listant des réserves concernant les menuiseries volets ( volets à intervertir, à consolider et revêtement à revoir), des pénalités de retard fixées à la somme de 68.922 euros et enfin la transmission du document d'achèvement des travaux et le dernier appel de fonds, il est retenu qu'il a été statué sur le revêtement, les pénalités de retard, et que le désordres des volets n'est pas démontré avec l'évidence requise en référé, alors même que ceux-ci ont fait l'objet d'une reprise amiable de la part de l'entreprise.
L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a écarté cette demande de M. et Mme [P].
Sur la demande reconventionnelle de la société SAS BÂTI 85 :
La SAS BÂTI 85 sollicite la condamnation de M. et Mme [P] à lui payer la somme de 2 260,35 € T.T.C.
Elle reprend en cela devant la cour, qui est juridiction d'appel de reféré, une demande dont le premier juge a pertinemment dit qu'elle ne pouvait être accueillie puisque la somme réclamée ne l'est pas à titre de provision.
Les appelants sollicitent à bon droit la confirmation du rejet de cette demande pour le même motif qu'en première instance, BATI 85 n'ayant pas tiré les conséquences des énonciations de l'ordonnance pour modifier sa demande et pour solliciter désormais une provision.
Le rejet de la demande reconventionnelle de la société BATI 85 par le premier juge sera donc confirmé.
Sur les dépens :
Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile sont pertinents et adaptés, et seront confirmés.
Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d'appel seront fixés à la charge de la société SAS BÂTI 85, condamnée à paiement au principal
Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
DÉBOUTE la société SAS BÂTI 85 de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les conclusions de M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] en date du 24 avril 2024.
CONFIRME l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a :
- condamné la SAS BÂTI 85 à verser à M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] la somme provisionnelle de 33.886,44 euros au titre des pénalités de retard.
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société SAS BÂTI 85 à verser à M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] la somme provisionnelle de 12 753,77€ au titre des pénalités de retard, avec intérêt au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.
DÉBOUTE M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] du surplus de leurs demandes de provision.
DÉBOUTE M. [Z] [P] et Mme [T] [W] [M] épouse [P] de leur demande de condamnation à la levée des réserves sous astreinte.
Y ajoutant,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
CONDAMNE la société SAS BÂTI 85 aux dépens d'appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,