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Décisions

CA Riom, 1re ch., 12 novembre 2024, n° 24/00542

RIOM

Arrêt

Autre

CA Riom n° 24/00542

12 novembre 2024

COUR D'APPEL

DE RIOM

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 12 novembre 2024

N° RG 24/00542 - N° Portalis DBVU-V-B7I-GE5Z

- PV- Arrêt n° 467

[W] [L] / CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME

Ordonnance Référé, origine Président du TGI de CLERMONT FERRAND, décision attaquée en date du 05 Mars 2024, enregistrée sous le n° 23/01111

Arrêt rendu le MARDI DOUZE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

Mme Clémence CIROTTE, Conseiller

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l'appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [W] [L]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Audrey DUPUIS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND

et par Me Thibaud VIDAL, avocat au barreau de PARIS

Timbre fiscal acquitté

APPELANT

ET :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME

[Adresse 2]

[Localité 3]

non représentée

INTIMEE

DÉBATS :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 septembre 2024, en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. VALLEIX, rapporteur.

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 12 novembre 2024 après prorogé du délibéré initialement prévu le 05 novembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par courrier du 28 septembre 2021, la Commission de recours amiable de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU PUY-DE-DÔME a adressé à M. [W] [L], exerçant une activité d'infirmier libéral, une notification d'indu pour un montant total de 3.515,89 € A la suite d'un contrôle administratif de son activité portant sur un échantillon de facturations sur la période du 1er septembre 2020 au 31 décembre 2020. La CPAM DU PUY-DE-DÔME a de ce fait procédé des retenues sur prestations sur son flux tiers payant à des fins de paiement par compensation pour des montants respectifs de 41,35 €, de 838,34 € et de 2.637,20 €. M. [L] a contesté ces retenues devant la Commission de recours amiable de la CPAM DU PUY-DE-DÔME qui a rejeté son recours par une décision du 1er mars 2022 puis devant le Pôle social du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand qui a rejeté l'intégralité de ses demandes par un jugement du 23 mars 2023.

Continuant de contester ces pratiques de retenues sur son flux tiers payant, M. [L] a assigné en référé le 4 janvier 2023 la CPAM DU PUY-DE-DÔME devant le Président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand afin de :

juger que cette procédure de compensation de l'indu réalisée par retenues sur les flux financiers tiers payant de M. [L] par la CPAM DU PUY-DE-DÔME en violation de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale constitue un trouble manifestement illicite ;

ordonner à la CPAM DU PUY-DE-DÔME de procéder au paiement au profit de M. [L] de l'ensemble des sommes irrégulièrement retenues sur son flux tiers payant, et au minimum la condamner au paiement d'une somme provisionnelle d'au moins 10.550,67 €, à parfaire en fonction des sommes définitives retenues ;

assortir cette obligation d'une astreinte de 100,00 € par jour de retard passé le délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

ordonner à la CPAM DU PUY-DE-DÔME de cesser d'opérer des retenues sur le flux tiers payant de M. [L] à compter de la notification de la décision à intervenir ;

assortir cette obligation d'une astreinte de 100,00 € par infraction constatée ;

condamner la CPAM DU PUY-DE-DÔME à payer à M. [L] une pénalité provisionnelle d'un minimum de 1.055,07 € correspondant à 10 % des sommes irrégulièrement retenues depuis plus de 10 jours ouvrés à compter de la transmission des factures du praticien ;

condamner la CPAM DU PUY-DE-DÔME à payer à M. [L] la somme de 5.000,00 € à titre de provision à valoir sur le préjudice souffert ;

mettre à la charge de la CPAM DU PUY-DE-DÔME une indemnité de 3.000,00 € à payer à M. [L] en application de l'article 700 du code de procédure civile et faire supporter à la CPAM DU PUY-DE-DÔME les entiers dépens de l'instance.

C'est dans ces conditions que le Président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand a, suivant une ordonnance de référé n° RG-23/01111 rendue le 5 mars 2024 :

dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes ;

laissé les dépens de l'instance à la charge de M. [L].

Par déclaration formalisée par le RPVA le 19 mars 2024, le conseil de M. [W] [L] a interjeté appel de l'ordonnance susmentionnée. L'effet dévolutif de cet appel y est ainsi libellé :

« Objet/Portée de l'appel : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués, en ce qu'il a été dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes et laissé les dépens à la charge de Monsieur [W] [L]. »

' Par dernières conclusions d'appelant notifiées par le RPVA le 22 avril 2024, M. [W] [L] a demandé de :

au visa des articles L.133-4 et L.161-36-3 du code de la sécurité sociale, des articles R.133-9-1, R.142-1, D.161-13-3 et D.161-13-4 du code de la sécurité sociale ainsi que de l'article 809 alinéas 1er et 2 du code de procédure civile ;

infirmer l'ordonnance de référé rendue le 5 mars 2024 par le Président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand en ce qu'elle a :

dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes ;

laissé les dépens à la charge de M. [L] ;

en conséquent, statuer à nouveau et ;

juger que la procédure de compensation de l'indu réalisée par retenues sur les flux financiers tiers payant de M. [L] par la CPAM DU PUY-DE-DÔME en violation de l'article L.133-4 du code de la sécurité constitue un trouble manifestement illicite ;

ordonner à la CPAM DU PUY-DE-DÔME de procéder au paiement au profit de M. [L] de l'ensemble des sommes irrégulièrement retenues sur son flux tiers payant, et au minimum la condamner au paiement d'une somme provisionnelle d'au moins 7.033,78 €, à parfaire en fonction des sommes définitives retenues ;

assortir cette obligation d'une astreinte de 100,00 € par jour de retard passé le délai de 15 jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

ordonner à la CPAM DU PUY-DE-DÔME de cesser d'opérer des retenues sur le flux tiers payant de M. [L] à compter de la notification de la décision à intervenir ;

assortir cette obligation d'une astreinte de 100,00 € par infraction constatée ;

condamner la CPAM DU PUY-DE-DÔME à payer à M. [L] une pénalité provisionnelle d'un minimum de 703,38 € correspondant à 10% des sommes irrégulièrement retenues depuis plus de 10 jours ouvrés à compter de la transmission des factures du praticien ;

condamner la CPAM DU PUY-DE-DÔME à payer à M. [L] la somme de 5.000,00 € à titre de provision à valoir sur le préjudice souffert ;

mettre à la charge de la CPAM DU PUY-DE-DÔME une indemnité d'un montant de 3.000,00 € à payer à M. [L] en application de l'article 700 du code de procédure civile et faire supporter à la CPAM DU PUY-DE-DÔME les entiers dépens de l'instance.

' La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU PUY-DE-DÔME n'a pas constitué avocat et était donc non-comparante. La déclaration d'appel et les conclusions d'appelant lui ont été signifiées à sa personne respectivement le 11 avril 2024 et le 31 mai 2024. Dans ces conditions, par application des dispositions de l'article 474 alinéa 1er du Code civil, la présente décision sera rendue de manière réputée contradictoire à l'égard de l'ensemble des parties au litige.

Par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, les moyens développés par les parties à l'appui de leurs prétentions sont directement énoncés dans la partie MOTIFS DE LA DÉCISION.

Après évocation de cette affaire et clôture des débats lors de l'audience civile en conseiller-rapporteur du 19 septembre 2024 à 14h00, au cours de laquelle chacun des conseils des parties a réitéré ses précédentes écritures, la décision suivante a été mise en délibéré au 5 novembre 2024, prorogée au 12 novembre 2024, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'action engagée suivant la procédure de référé à titre principal par M. [L] à l'encontre de la CPAM DU PUY-DE-DÔME ne relève à titre principal que d'une demande de cessation sous astreinte de mise en 'uvre d'un dispositif de prélèvement par compensation de créances arguées d'indu, accompagnée d'une demande également sous astreinte de rétablissement de l'intégralité des prestations soumises à ce dispositif de paiement par précompte. S'agissant dès lors d'un différend strictement pécuniaire portant uniquement sur une partie des flux financiers existants entre les deux parties, aucune situation d'urgence particulière ne justifie l'application de l'article 834 du code de procédure civile qui sera dès lors écarté.

Apparaissent en revanche le cas échéant applicables l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile qui dispose que « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. » ainsi que l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile qui dispose que « Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, [Le président du tribunal judiciaire ou le Juge des contentieux de la protection] peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. ».

Au cas d'espèce, l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale prévoit notamment et explicitement qu'en cas d'inobservation des règles de tarification, de distribution ou de facturation par un praticien de santé au sujet des divers actes et prestations qu'il accomplit et de reconstitution de manière exacte ou forfaitaire par extrapolation du montant de l'indu dûment notifié après analyse et contrôle contradictoire de tout ou partie de l'activité professionnelle faisant litige, l'organisme de sécurité sociale concerné peut engager une action en recouvrement de cet indû, sous réserve de la prescription de trois ans (hors fraude), le cas échéant en récupérant ce montant par retenue sur les versements de toute nature à venir au profit du praticien de santé.

En l'occurrence, force est de constater que M. [L] n'est pas en capacité de contester, non seulement le principe légal de ce dispositif de retenue directe sur son flux tiers payant au regard des dispositions législatives qui précèdent, mais également le montant des sommes ainsi mises en recouvrement dans le cadre de ces précomptages. Il importe en effet ici de se référer au jugement précité du 23 mars 2023 du Pôle social du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand portant sur la contestation de la notification d'indu résultant de ce même contrôle de facturations effectué par la CPAM DU PUY-DE-DÔME sur la situation de M. [L] en qualité d'infirmier libéral pour la même période du 1er septembre 2020 au 31 décembre 2020. Ce contrôle a donné lieu au redressement à hauteur du même montant précité de 3.516,89 € le 26 mai 2021. Or, il résulte de ce jugement que cette contestation résultant d'une requête du 12 novembre 2021 a fait l'objet d'une radiation le 10 juin 2022 et qu'une seconde saisine du 6 septembre 2022 portant sur une décision adoptée le 7 juillet 2022 et notifiée le 13 juillet 2022 concernant la notification par la CPAM DU PUY-DE-DÔME à M. [L] d'une pénalité de 1.750,00 € a donné lieu à une décision de rejet, tant sur la forme que sur le fond.

Dans ces conditions, eu égard à l'absence de remise au rôle après radiation de la contestation ayant porté sur la créance de 3.516,89 € résultant de ce contrôle de situation pour la période précitée du 1er septembre 2020 au 31 décembre 2020 et au rejet par le jugement précité du 23 mars 2023 de la contestation de la pénalité de retard d'un montant de 1.750,00 €, ces créances apparaissent normalement exigibles et peuvent donc de toute évidence donner lieu à application des dispositions précitées de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale en vue de leur recouvrement par ce dispositif spécifique de retenue sur flux tiers payant sans que ce procédé ne constitue un trouble manifestement illicite à faire cesser, n'occasionne un dommage imminent à prévenir ou ne relève d'une obligation qui serait sérieusement contestable.

L'ordonnance de référé critiquée sera dès lors confirmée en ce qu'elle a rejeté cette double demande principale de paiement sous astreinte des sommes prétendument retenues de manière irrégulière par cet organisme de sécurité sociale et de cessation sous astreinte du dispositif de retenue sur flux tiers payant opéré par ce même organisme de sécurité sans qu'il soit nécessaire pour le jugement précité du 23 mars 2023 du Pôle social du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand d'assortir d'une condamnation pécuniaire explicite le rejet du recours formé par M. [L] sur la mise en recouvrement et l'exigibilité par la CPAM DU PUY-DE-DÔME de la pénalité précitée de 1.750,00 €.

La décision de première instance sera confirmée en sa décision d'imputation des dépens de première instance à la partie demanderesse échouant dans ses prétentions.

Eu égard aux motifs qui précèdent à titre principal, M. [L] sera purement et simplement débouté de ses demandes additionnelles de provisionnement de dommages-intérêts sur pénalité et en allégation de préjudice souffert ainsi que de sa demande de défraiement formée au visa de l'article 700 du code de procédure civile.

Par voie de conséquence, M. [L] sera condamné à supporter les entiers dépens de l'instance.

LA COUR,

STATUANT PUBLIQUEMENT

ET DE MANIÈRE RÉPUTÉE CONTRADICTOIRE.

CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé n° RG-23/01111 rendue le 5 mars 2024 par le Président du tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand dans l'instance opposant M. [W] [L] à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (CPAM) DU PUY-DE-DÔME.

Y ajoutant.

CONDAMNE M. [W] [L] aux entiers dépens de l'instance.

le greffier le président