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Décisions

CA Orléans, ch. civ., 12 novembre 2024, n° 22/00022

ORLÉANS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Défendeur :

Bati Renov (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collomp

Conseillers :

M. Sousa, Mme Grua

Avocats :

Me Wedrychowski, Me Pinczon du Sel

CA Orléans n° 22/00022

11 novembre 2024

FAITS ET PROCÉDURE

Suivant devis signé le 1er septembre 2015, Mme [B] a confié à la société BTR Bati Rénov (la société Bati Rénov) des travaux de rénovation de son bien immobilier situé [Adresse 1] [Localité 3], pour un montant total de 114 256,72 euros.

La société Bati Rénov a établi une facture définitive pour un montant de 109 114,75 euros. Mme [B] n'a pas réglé le solde du montant des travaux de 40 837,95 euros, considérant que les travaux étaient indûment facturés.

Par acte d'huissier de justice en date du 13 juin 2019, la société Bati Rénov a fait assigner Mme [B] devant le tribunal de grande instance d'Orléans en paiement des travaux de rénovation.

Par jugement en date du 17 novembre 2021, le tribunal judiciaire d'Orléans a :

- condamné Mme [B] à verser à la société Bati Rénov la somme de 38 542,25 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2019, date de délivrance de l'assignation ;

- dit que les intérêts échus depuis le 13 juin 2019 seront capitalisés par année entière dans les conditions prévues par l'article 1154 ancien du code civil ;

- prononcé la réception judiciaire à la date du 21 octobre 2017 des travaux réalisés par la société Bati Rénov au titre du devis général n° 0706062015 accepté le 1er septembre 2015 par Mme [B] ;

- débouté la société Bati Rénov du surplus de ses demandes ;

- ordonné à la société Bati Rénov de livrer au domicile de Mme [B], après respect d'un délai de prévenance de 8 jours, les 4 portes restantes « BP Postforme Spécial 204x73 D », sous astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard courant à compter de l'expiration d'un délai de 2 mois suivant la présente décision et pendant une durée maximale de 3 mois ;

- débouté Mme [B] du surplus de ses demandes ;

- condamné Mme [B] aux entiers dépens ;

- condamné Mme [B] à verser à la société Bati Rénov une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision pour moitié des condamnations en principal, intérêts, frais et dépens.

Par déclaration en date du 30 décembre 2021, Mme [B] a interjeté appel du jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Bati Rénov du surplus de ses demandes et ordonné à la société Bati Rénov de livrer au domicile de Mme [B], après respect d'un délai de prévenance de 8 jours, les 4 portes restantes « BP Postforme Spécial 204x73 D », sous astreinte provisoire de 30 euros par jour de retard courant à compter de l'expiration d'un délai de 2 mois suivant la présente décision et pendant une durée maximale de 3 mois.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 7 juin 2024, Mme [B] demande à la cour de :

- confirmer le jugement sauf en ce qu'il a : débouté Mme [B] du surplus de ses demandes ; condamné Mme [B] aux entiers dépens ; condamné Mme [B] à verser à la société Bati Rénov une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant de nouveau pour le surplus,

- condamner la société Bati Rénov à lui payer à la somme de 16 741 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance de n'avoir pu obtenir le bénéfice d'un prêt à taux zéro et de bénéficier d'aides publiques pour l'exécution de travaux permettant de réaliser des économies d'énergie avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2017, date de la dernière mise en demeure adressée par Mme [B] à la société Bati Rénov aux fins d'obtenir l'attestation de certification RGE ;

- prononcer la compensation entre cette créance et celle de 38 542,25 euros mise à la charge de Mme [B] dans le jugement du 17 novembre 2021 ;

- condamner la société Bati Rénov à lui payer la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Bati Rénov aux entiers dépens dont distraction sera faite au profit de Me Ladislas Wedrychowski de la SCP Wedrychowski & associés sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 14 juin 2024, la société Bati Rénov demande à la cour de :

- débouter Mme [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

- condamner Mme [B] à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 juin 2024.

MOTIFS

Aux termes de ses conclusions récapitulatives, l'appelante ne sollicite plus l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à la société Bati Rénov la somme de 38 542,25 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 juin 2019, date de délivrance de l'assignation, dit que les intérêts échus depuis le 13 juin 2019 seront capitalisés par année entière dans les conditions prévues par l'article 1154 ancien du code civil et prononcé la réception judiciaire à la date du 21 octobre 2017 des travaux réalisés par la société Bati Rénov au titre du devis général n° 0706062015 accepté le 1er septembre 2015 par Mme [B].

Il convient donc de confirmer ces chefs du jugement visés dans la déclaration d'appel contre lesquels aucune critique n'est désormais formulée.

Sur Ie dol résultant de l'attestation certification RGE

Moyens des parties

L'appelante soutient que la société Bati Renov lui a remis, le 9 juillet 2015, une attestation jointe à sa demande de prêt ECO PTZ sur laquelle l'entreprise certifiait qu'elle remplissait les critères de qualification exigés lui permettant de réaliser ces travaux et que le coût total indiqué correspondait aux travaux d'amélioration de la performance énergétique et aux travaux indissociablement liés, éligibles à l'ECO-PTZ, réalisés le cas échéant par une entreprise ; que la société Bati Renov se prévalait sur son site internet de cette certification RGE et notamment en août 2016 et en septembre 2017, ce qui renforçait encore plus sa confiance sur ses chances de réussite de sa demande de prêt PTZ ; que cette référence est totalement inexistante aujourd'hui sur ce même site ; que la société Bati Renov s'est bien prévalue au 9 juillet 2015 d'une certification RGE dont elle ne disposait pas, ce qu'elle n'a jamais contesté puisqu'elle n'a jamais produit aux débats d'attestation de certification RGE ; qu'elle avait fait de l'obtention d'un prêt ECO PTZ une condition déterminante à la fois de la réalisation de son projet de rénovation mais aussi de son engagement avec la société Bati Renov, de sorte qu'il importe peu de connaître la date de la remise de cette attestation ou la date de l'éventuel accord de principe de la banque avant qu'il ne soit découvert l'absence de certification RGE ; que c'est de parfaite mauvaise foi que la société Bati Renov prétend qu'elle n'a jamais sollicité de prêt ECO PTZ ; qu'il ne s'agit pas d'un litige bancaire mais bien de savoir si la société Bati Renov a tenté d'obtenir son consentement par le biais de man'uvres dolosives ou si elle a manqué à ses obligations précontractuelles d'informations ; que si elle n'entendait pas solliciter un prêt ECO PTZ, il est évident qu'elle n'aurait pas soumis à la signature de la société Bati Renov l'attestation du 9 juillet 2015, antérieurement à la signature du devis ; que cela démontre qu'elle entendait absolument obtenir ce prêt ECO PTZ et qu'elle avait retenu la société Bati Renov parce qu'elle se prévalait de cette certification ; qu'elle produit toutes les pièces démontrant qu'elle a effectué les démarches auprès d'établissements bancaires avant la signature du devis pour s'assurer de ce qu'elle obtiendrait le financement de son acquisition et des travaux de rénovation notamment par le biais d'un prêt à taux zéro ; qu'elle n'a pas pu bénéficier d'un éco prêt à taux zéro du fait de l'absence de certificat RGE de la société Bati Renov ; que la cour ne pourra qu'infirmer le jugement querellé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts liée à la perte de chance de disposer d'un prêt gratuit ou d'un crédit d'impôt ; que la société Bati Renov a manqué à son devoir d'information précontractuel en omettant de préciser qu'elle n'était pas titulaire du label RGE, ce qui lui a occasionné un préjudice incontestable en la privant du bénéfice d'un PTZ, auquel elle avait droit automatiquement dès lors que les travaux avaient été effectués par une entreprise certifiée RGE à la date de signature du devis ; que l'allocation de cette aide financière n'était soumise à aucun aléa de sorte que sa non-obtention ne résulte que du seul défaut de qualité de l'entreprise qui n'était pas agréée à la date de la réalisation des travaux et qui, par son fait, a empêché l'octroi de cet avantage ; qu'en obtenant un prêt ECO PTZ, elle aurait pu emprunter 30 000 € qu'elle aurait remboursé sur 15 ans avec des mensualités de 166 € sans intérêt ; qu'en conservant des mensualités de 166 €, elle ne pouvait emprunter qu'une somme de 19 000 € selon la simulation produite aux débats ; qu'elle a perdu une chance de pouvoir bénéficier du prêt d'une somme de 11 000 € (30 000 € - 19 000 €) qui lui aurait permis de financer le solde des travaux ; que l'absence de certification RGE de la société Bati Renov est la cause unique de la non-obtention du prêt ECO PTZ ; qu'elle peut également prétendre à la prise en charge des intérêts qu'elle devra supporter tout au long du remboursement de cet emprunt de 19 000 € alors qu'elle n'aurait pas dû avoir à en payer si elle avait pu bénéficier d'un prêt ECO PTZ, soit une somme de 3 341 € ; qu'en faisant réaliser des travaux par un professionnel bénéficiant de la certification RGE, elle devait bénéficier de crédit d'impôt à hauteur de 2 400 € ; que la société Bati Renov sera condamnée à lui payer une somme globale de 16 741 € à titre de dommages et intérêts pour la perte de chance de n'avoir pu obtenir le bénéfice d'un prêt à taux zéro et de bénéficier d'aides publiques pour l'exécution de travaux permettant de réaliser des économies d'énergie, avec intérêts aux taux légal à compter du 10 juin 2017, date de la dernière mise en demeure adressée à la société Bati Renov aux fins d'obtenir l'attestation de certification RGE, et capitalisation des intérêts échus depuis le 10 juin 2017.

La société Bati Renov réplique que le prêt à taux zéro est destiné à financer des travaux et ceux-ci ne peuvent être entrepris avant émission de l'offre de prêt par la banque ; que si Mme [B] a fait une demande de prêt à taux zéro auprès du Crédit Lyonnais, elle n'a jamais souscrit un quelconque emprunt auprès de cette banque ; que dans sa demande de prêt auprès du Crédit agricole, il n'a jamais été question de prêt à taux zéro ; que si elle a, sur la demande de Mme [B], accepté de lui remettre une attestation le 9 juillet 2015, en ignorant l'usage qui a été faite de celle-ci, l'appelante ne justifie nullement avoir transmis cette attestation à sa banque pour pouvoir obtenir ce prêt et pour cause, elle n'était plus en mesure d'obtenir un nouveau prêt après avoir financé son acquisition ; que même à supposer qu'elle dépose un dossier pour obtenir un PTZ, elle ne pouvait en tout état de cause obtenir ce financement pour des raisons totalement indépendantes de la fourniture d'une attestation RGE ; qu'en effet, son taux d'endettement était trop important pour financer des travaux en plus de l'acquisition ; que Mme [B] ne démontre nullement sa capacité financière pour pouvoir emprunter une somme supplémentaire de 30 000 € même avec un taux d'intérêt nul ; que ce n'est pas sa volonté d'obtenir un PTZ au stade de sa recherche d'un prêt qu'il faut prendre en compte, mais de sa volonté au moment de la signature des devis, car les conditions déterminantes d'un contrat s'apprécient en effet au moment de sa formation et non plusieurs mois avant ; que force est de constater qu'au moment de la signature des devis Mme [B] ne bénéficiait d'aucun prêt à taux zéro et n'a jamais fait de cette obtention une condition déterminante de son engagement ; qu'elle n'ignorait pas à cette date qu'elle n'était pas susceptible d'obtenir ce financement pour des raisons autres que la fourniture d'une attestation RGE et si tel avait été le cas elle n'aurait pas manqué de s'en enquérir auprès de l'entreprise ; que Mme [B] a curieusement attendu d'être assignée en paiement pour se plaindre de cette situation ; que Mme [B] a signé ces devis sans se préoccuper de rechercher au préalable un financement bancaire ce qui laisse supposer l'existence d'un autre mode de financement externe, ou l'absence totale d'un financement ce qui explique le non-paiement intégral des travaux à ce jour ; que les nouvelles pièces produites en appel ne pouvaient être de nature à modifier le raisonnement adopté par les premiers juges et la cour ne pourra que débouter Mme [B] de son appel ; qu'en dernier recours, l'appelante croit pouvoir lui reprocher un manquement à son obligation d'information précontractuelle pour ne pas avoir précisé qu'elle n'était pas titulaire de la certification RGE, mais dans la mesure où elle n'était pas éligible pour pouvoir obtenir ce prêt et qu'elle ne justifie d'aucune démarche pour avoir tenté de l'obtenir, ce grief est sans objet ; que l'appelante ne démontre nullement la réalité du préjudice qu'elle allègue ; que la perte de chance ne peut se mesurer en l'espèce au prorata d'un capital qu'elle n'a pu emprunter puisque ce capital reste soumis à une obligation de remboursement quoi qu'il advienne ; que tout au plus, Mme [B] ne peut prétendre qu'à obtenir une indemnisation d'un préjudice de jouissance occasionné le cas échéant pour la non-réalisation de travaux du fait de l'impossibilité de pouvoir faire un emprunt pour les financer, mais en l'espèce tous les travaux sollicités ont été réalisés ; que le préjudice ne peut être, tout au plus, constitué que par le coût financier de l'emprunt plus élevé comparé au coût financier d'un PTZ ; que Mme [B] ne peut solliciter l'indemnisation d'un préjudice purement hypothétique, et en tout état de cause elle doit justifier du quantum de la chance perdue ; que la chance perdue est nulle, faute pour Mme [B] de démontrer avoir réellement sollicité un prêt à taux zéro ; que s'agissant du crédit d'impôt, Mme [B] ne démontre pas être éligible à cette disposition particulière qui pose de nombreuses conditions étant rappelé qu'il faut prendre en compte la réglementation en vigueur au moment des travaux et non 5 années plus tard ; que suivant la documentation remise par Mme [B], le crédit d'impôt s'applique aux dépenses payées en 2021 au plus tard, or à cette date elle n'avait payé aucune facture et ne peut dès lors sérieusement prétendre avoir perdu un avantage fiscal du fait de l'absence de certification.

Réponse de la cour

L'article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

En l'espèce, la société Bati Renov a émis un premier devis n° 07/06062015 le 6 juin 2015 pour la rénovation de la maison d'habitation de Mme [B] pour un prix de 134 217,07 euros.

Suite à des modifications souhaitées par Mme [B], la société Bati Renov a modifié ce devis, de telle sorte que le prix total était de 114 256,72 euros. Ce devis a été accepté par Mme [B] le 1er septembre 2015.

À la demande de Mme [B], la société Bati Renov a rempli le cadre B relatif à l'éligibilité des travaux d'économie d'énergie au prêt à taux zéro, de l'attestation de réalisation d'un bouquet de travaux d'amélioration de la performance énergétique éligibles à l'éco prêt à taux zéro.

Aux termes de ce document signé par la société Bati Renov, celle-ci a certifié qu'elle remplissait les critères de qualification exigés par le décret NOR ETLL1411462D lui permettant de réaliser ces travaux. La société a également indiqué et certifié que le coût total indiqué correspond aux travaux d'amélioration de la performance énergétique et aux travaux indissociablement liés éligibles à l'éco PTZ. La société Bati Renov a ainsi indiqué les coûts de travaux suivants éligibles à l'éco PTZ : 40 881,25 euros pour les travaux de plâtrerie-isolation ; 20 350,72 euros pour les travaux de chauffage ; 12 997,80 euros pour les travaux de menuiserie.

Le décret NOR ETLL1411462D n° 2014-812 du 16 juillet 2014 pris pour l'application du second alinéa du 2 de l'article 200 quater du code général des impôts et du dernier alinéa du 2 du I de l'article 244 quater U du code général des impôts précise la liste des dépenses éligibles au crédit d'impôt relevant de l'article 200 quater du code général des impôts ou aux avances remboursables sans intérêts relevant de l'article 244 quater U du code général des impôts et pour lesquelles le respect de critères de qualification est exigé pour l'entreprise ayant procédé à la fourniture et à l'installation des équipements, matériaux et appareils et de définir les conditions et modalités selon lesquelles cette qualification est obtenue par l'entreprise. Ces mêmes critères de qualification sont exigés pour la réalisation de travaux ouvrant droit au prêt à taux zéro.

L'article 2 du décret n° 2014-812 du 16 juillet 2014, dans sa version applicable, dispose :

« I.-Le signe de qualité mentionné au II de l'article 46 AX de l'annexe III au code général des impôts répond à un référentiel d'exigences de moyens et de compétences et est délivré par un organisme ayant passé une convention avec l'Etat dans les conditions mentionnées au III du présent article et accrédité par le Comité français d'accréditation ou tout autre organisme d'accréditation signataire de l'accord multilatéral pris dans le cadre de la coordination européenne des organismes d'accréditation.

II.-Pour les travaux mentionnés au I de l'article 46 AX de l'annexe III au code général des impôts et lorsque les compétences mentionnées au I du présent article sont acquises grâce à la formation continue, celle-ci est dispensée par un organisme de formation respectant un cahier des charges défini par un arrêté conjoint du ministre chargé de la construction et du ministre chargé de l'énergie. Le respect de ce cahier des charges est contrôlé par un organisme ayant passé une convention avec l'Etat dans les conditions définies au III ».

La société Bati Renov n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne savait l'usage dont Mme [B] ferait de cette attestation, alors qu'il est expressément indiqué qu'elle était destinée à justifier de l'éligibilité des travaux faisant l'objet des travaux à l'éco-prêt à taux zéro.

Mme [B] a mis en demeure la société Bati Renov de lui communiquer son attestation de certification RGE, ce qu'elle n'a jamais fait. L'intimée n'a pas plus justifié, au cours de la présente, instance, qu'elle remplissait les critères de qualification exigés par le décret NOR ETLL1411462D lors de l'établissement de l'attestation qu'elle a remplie et signée le 9 juillet 2015, avant la conclusion du contrat le 1er septembre 2015.

Il s'ensuit qu'en remplissant l'attestation d'éligibilité des travaux à l'éco-prêt à taux zéro, la société Bati Renov a fait croire à Mme [B] qu'elle disposait des critères de qualification pour réaliser de tels travaux, afin de l'inciter à conclure le contrat d'entreprise avec elle. Mme [B] ayant établi, le 9 juillet

2015, une attestation de réalisation d'un bouquet de travaux d'amélioration de la performance énergétique éligibles à l'éco prêt à taux zéro, et fait une demande de prêt afférent le 22 juillet 2015, ainsi qu'il en est justifié par une attestation du Crédit agricole, soit avant la conclusion du contrat, il est établi que la qualification RGE de la société Bati Renov était déterminante de son consentement.

L'absence ultérieure d'octroi d'un prêt à taux zéro est indifférente quant à l'existence des man'uvres dolosives commises par la société Bati Renov pour conduire Mme [B] à conclure le contrat d'entreprise.

En conséquence, il est établi que la société Bati Rénov a commis un dol l'obligeant à indemniser Mme [B] du préjudice subi.

Le droit de demander la nullité d'un contrat par application des articles 1116 et 1117 du code civil n'exclut pas l'exercice, par la victime des manoeuvres dolosives, d'une action en responsabilité délictuelle pour obtenir de leur auteur réparation du préjudice qu'elle a subi, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (Com., 18 octobre 1994, pourvoi n° 92-19.390, Bulletin 1994 IV N° 293 ; 1re Civ., 25 juin 2008, pourvoi n° 07-18.108, Bull. 2008, I, n° 184).

Le préjudice réparable d'un cocontractant, qui a fait le choix de ne pas demander l'annulation du contrat, correspond, non à la perte d'une chance de ne pas contracter, mais uniquement à la perte d'une chance d'avoir pu contracter à des conditions plus avantageuses (Com., 10 juillet 2012, pourvoi n° 11-21.954, Bull. 2012, IV, n° 149).

En concluant le contrat d'entreprise avec la société Bati Rénov, Mme [B] a perdu une chance de contracter à des conditions plus avantageuses, soit en l'espèce de bénéficier d'un prêt à taux zéro.

Son préjudice n'est pas équivalent au montant du capital qu'elle aurait pu emprunter à taux zéro, mais à la perte de chance de ne pas régler les intérêts du prêt finalement octroyé sur le montant du capital qui aurait pu être emprunté à taux zéro. Il s'ensuit que Mme [B] est mal-fondée à solliciter le paiement d'une somme de 11 000 euros correspondant à la différence entre le prêt de 30 000 euros auquel elle aurait pu prétendre et la somme effective dont elle aurait pu bénéficier compte-tenu de ses revenus en 2017.

Mme [B] justifie que le montant des intérêts sur la somme de 19 000 euros, au taux du prêt finalement souscrit, s'élève à la somme totale de 3 341 euros.

La réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (Soc., 18 mai 2011, pourvoi n° 09-42.741, Bull. 2011, V, n° 119 ; 2e Civ., 9 avril 2009, pourvoi n° 08-15.977, Bull. 2009, II, n° 98).

Mme [B], qui a perdu une chance de financer les travaux par un prêt à taux zéro, ne peut donc prétendre à l'allocation d'une indemnité équivalente aux intérêts versés au titre du capital qui aurait pu lui être prêté à taux zéro. En revanche, il est établi que la certification RGE était une condition déterminante de son consentement dans le cadre de la conclusion du contrat d'entreprise, et qu'elle avait formé une demande de prêt à taux zéro auprès du Crédit agricole. En conséquence, la perte de chance de bénéficier d'un prêt à taux zéro est élevée et le préjudice ainsi subi doit être réparé par l'allocation d'une somme de 2 700 euros à laquelle la société Bati Rénov sera condamnée.

L'appelante sollicite également l'indemnisation de la perte de chance de bénéficier d'un crédit d'impôt.

L'article 200 quater du code général des impôts, dans sa version applicable lors de la conclusion du contrat entre les parties, prévoit que les contribuables domiciliés en France peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt sur le revenu au titre des dépenses effectivement supportées pour la contribution à la transition énergétique du logement dont ils sont propriétaires et qu'ils affectent à leur habitation principale, pour les dépenses afférentes à un immeuble achevé depuis plus de deux ans, payées entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2015, au titre de l'acquisition de matériaux d'isolation thermique des parois vitrées, de volets isolants ou de portes d'entrée donnant sur l'extérieur, et l'acquisition et la pose de matériaux d'isolation thermique des parois opaques, dans la limite d'un plafond de dépenses par mètre carré, fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l'énergie, du logement et du budget, tels que les matériaux posés par la société Bâti Rénov.

Le crédit d'impôt est réservé aux travaux réalisés par une entreprise certifiée RGE. En outre, le fait générateur du crédit d'impôt est le paiement des travaux. En l'espèce, la facture a été émise par la société Bati Rénov le 31 octobre 2017, et il y a lieu de constater qu'à cette date l'article 200 quater du code général des impôts prévoyait le même crédit d'impôt pour les dépenses réglées au cours de l'année 2017. Cette disposition prévoit également que le crédit d'impôt est égal à 30 % du montant des matériaux, équipements, appareils et dépenses de diagnostic de performance énergétique mentionnés au 1, mais que pour un même logemen, le montant des dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt ne peut excéder, au titre d'une période de cinq années consécutives la somme de 8 000 euros pour une personne célibataire.

En conséquence, Mme [B] a perdu une chance de bénéficier du crédit d'impôt de 2 400 euros maximum au titre des travaux réalisés par la société Bati Rénov, à supposer qu'elle ait pu régler l'intégralité de la facture de travaux pendant la période au cours de laquelle le crédit d'impôt était prévu. Il convient de relever que jusqu'au jour du jugement, la facture n'avait pas été entièrement acquittée par Mme [B], laquelle aurait pu bénéficier d'un financement à taux zéro si la société Bati Rénov avait effectivement été certifiée RGE. Il convient de réparer la perte de chance subie, qui s'avère plus élevée que celle subie au titre du prêt à taux zéro qui nécessitait une prise de décision de l'établissement bancaire, à la somme de 2 300 euros, à laquelle la société Bati Rénov sera condamnée.

Il convient donc de condamner la société Bati Rénov à payer la somme de 5 000 euros à Mme [B], avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt. Il convient de prononcer la compensation de cette somme avec la somme de 38 542,25 euros à laquelle Mme [B] a été condamnée à payer à la société Bati Rénov par le jugement déféré à la cour. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande indemnitaire et de compensation.

Sur les frais de procédure

Le jugement sera confirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.

La société Bati Rénov sera condamnée aux dépens d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Elle sera également condamnée à payer à Mme [B] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel. La demande d'indemnité formée par la société Bati Rénov sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté Mme [B] de sa demande indemnitaire et de compensation ;

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;

STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :

DIT que la société BTR Bati Rénov a commis un dol à l'égard de Mme [B] l'obligeant à réparer intégralement le préjudice subi ;

CONDAMNE la société BTR Bati Rénov à payer à Mme [B] la somme de 5 000 à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

ORDONNE la compensation de cette somme avec la somme de 38 542,25 euros à laquelle Mme [B] a été condamnée à payer à la société Bati Rénov par jugement du tribunal judiciaire d'Orléans du 17 novembre 2021 ;

CONDAMNE la société BTR Bati Rénov aux entiers dépens d'appel ;

AUTORISE les avocats de la cause à recouvrer directement et à leur profit, contre la partie condamnée aux dépens, ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision ;

CONDAMNE la société BTR Bati Rénov à payer à Mme [B] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société BTR Bati Rénov de sa demande d'indemnité au titre des frais irrépétibles.

Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.