CA Orléans, ch. civ., 12 novembre 2024, n° 21/03219
ORLÉANS
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Collomp
Conseillers :
M. Sousa, Mme Grua
Avocats :
Me Lerner, Me Vinet
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique en date du 5 juillet 2017, Mme [D] [H] a acquis auprès de M. [Z] [P] une maison d'habitation située [Adresse 2] à [Localité 3], au prix de 186 120 euros.
Se plaignant d'infiltrations d'eau pluviale au travers de la couverture en ardoise de l'annexe de l'habitation, Mme [H] a sollicité de M. [P] la prise en charge de la reprise des non-conformités et les travaux quant à l'isolation, aux murs et plafonds.
Mme [H] a ensuite sollicité une expertise judiciaire qui a été ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Tours. L'expert judiciaire, M. [W], a déposé son rapport le 13 mai 2019.
Par acte d'huissier en date du 10 décembre 2019, Mme [H] a fait assigner M. [P] devant le tribunal de grande instance de Tours afin de voir notamment déclarer nul le rapport d'expertise de M. [W] et d'obtenir la condamnation de M. [P] sur le fondement des vices cachés.
Par jugement en date du 19 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Tours a :
- rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise ;
- débouté Mme [H] de sa demande d'expertise judiciaire ;
- débouté Mme [H] de sa demande en paiement des travaux de reprise de la couverture et des menuiseries et en indemnisation de son préjudice de jouissance ;
- débouté M. [P] de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamné Mme [H] à payer à M. [P] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [H] aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire.
Par déclaration en date du 21 décembre 2021, Mme [H] a interjeté appel de l'intégralité des chefs de ce jugement.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 27 octobre 2022, Mme [H] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 19 octobre 2021 en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
- déclarer nul le rapport d'expertise de M. [W] ;
En tant que de besoin,
- ordonner une mesure d'expertise judiciaire et nommer un nouvel expert, avec mission habituelle en la matière pour l'expert désigné et notamment celles de :
° réunir les parties et prendre contradictoirement connaissance de tous documents ou déclarations pouvant l'aider à l'accomplissement de sa mission ;
° décrire l'intégralité des désordres, malfaçons, non façons dont se trouve affecté la toiture et les évacuations des eaux pluviales de l'habitation de la requérante, ainsi que les désordres, malfaçons, non façons dont se trouve affecté les menuiseries de l'habitation de la requérante située à [Adresse 2], en déterminer les causes, préconiser les remèdes nécessaires pour mettre fin à ces derniers et en chiffrer leur coût ;
° vérifier selon les normes en vigueur la conformité ou non-conformité de la couverture au niveau des pentes, valeur de recouvrement des ardoises, évacuations des eaux pluviales, etc, et également au niveau des menuiseries ;
° dire si les vices cachés affectant la toiture et les évacuations d'eau pluviales, ainsi que les menuiseries étaient connus du vendeur au moment de la vente du 5 juillet 2017 ;
° donner en particulier à la cour tous les éléments permettant de déterminer si les désordres compromettent la solidité ou la destination normale des ouvrages litigieux ;
° d'une manière plus générale, donner à la cour l'ensemble des éléments permettant de déterminer les responsabilités engagées, ainsi que l'intégralité des préjudices soufferts par la requérante ;
° dire que l'expert devra établir un pré-rapport et laisser aux parties un délai suffisant afin qu'elles répondent à ce pré-rapport ;
En toute hypothèse,
- voir dire et juger que M. [P] a sciemment dissimulé les vices affectant la couverture des annexes de la maison vendue le 5 juillet 2017 ;
- voir écarter en conséquence la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés contenue dans l'acte de vente ;
- voir dire et juger que M. [P] est réputé constructeur et engage donc sa responsabilité décennale du fait des désordres rendant l'ouvrage impropre à sa destination ;
En conséquence,
- condamner M. [P] au paiement des sommes suivantes :
° travaux de réparation de la couverture : 23 318,81 euros TTC avec indexation sur l'indice BT 01 avec pour indice de départ décembre 2017 ;
° travaux de menuiserie : 12 092,11 euros TTC avec indexation sur l'indice BT 01 avec pour indice de départ septembre 2018 ;
° travaux de bâchage : 941,88 euros TTC ;
° préjudice de jouissance depuis l'acquisition : 500 euros par mois : 28 000 euros jusqu'en mars 2022 à parfaire ;
° préjudice de jouissance pendant travaux : 3 000 euros ;
- débouter M. [P] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
- condamner M. [P] au paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais de référé, d'expertise judiciaire, de constat d'huissier et de la présente instance ;
- faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Anne-Sophie Lerner, avocat au barreau de Tours, membre de la SARL Arcole.
Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 22 décembre 2022, M. [P] demande à la cour de :
- débouter Mme [H] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
- confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Et statuant à nouveau,
- condamner Mme [H] à lui verser la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamner Mme [H] à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 juin 2024.
MOTIFS
Sur la nullité du rapport d'expertise
Moyens des parties
L'appelante soutient que l'expert n'a pas personnellement procédé à l'examen des désordres allégués, se contentant d'indiquer le constat des désordres dans un paragraphe comportant en tout et pour tout 10 lignes, alors que le simple énoncé des désordres dans le cadre de son assignation d'origine en faisait plus du double ; que l'expert judiciaire n'a pas organisé de visite technique lui permettant de relever et lister les désordres et se contente de signaler que la couverture est actuellement bâchée sans avoir demandé le débâchage intégral de la couverture alors que celui-ci lui avait pourtant été proposé en cours de réunion d'expertise ; que l'expert ne dit pas quelles sont les règles du DTU qui n'ont pas été respectées, et quelles en sont les conséquences et de plus l'affirmation suivant laquelle aucun taux d'humidité n'est relevé est une aberration ; que le relevé d'humidité relevait précisément de la mission de l'expert et devait être accompli personnellement par l'expert ; que l'expert a omis d'examiner l'intégralité des désordres alors que ses écritures dans le cadre de la procédure de référé faisaient également état de problèmes au niveau des menuiseries qui ne sont pas étanches ; que le juge des référés avait bien donné pour mission à l'expert de rechercher et décrire les désordres allégués par elle en distinguant les malfaçons dénoncées d'éventuelles non-conformités sans désordre, de sorte que la question des menuiseries faisait partie intégrante de sa mission ; que l'expert n'a accompli aucune mission personnelle et n'a rendu aucune conclusion personnelle, ni fondée, ni même argumentée, se contentant de mélanger les causes et les conséquences ; que l'expert a conclu à des éléments qui ne lui ont jamais été soumis, puisqu'il indique dans les causes des désordres « toiture réalisée avant l'achat de Monsieur [P] » alors qu'aucune facture n'a été produite par celui-ci dans le cadre de la réalisation de ces travaux ; que l'expert s'est contenté de débâcher la couverture sur 20 cm pour se convaincre des désordres et ce débâchage plus que sommaire ne pouvait en aucun cas permettre à l'expert de constater l'intégralité des désordres et les travaux réalisés par le vendeur ; que l'expert judiciaire se contente d'indiquer que ces désordres ne portent pas atteinte à la solidité de l'ouvrage puisqu'actuellement, le bâtiment annexe est bâché, alors qu'un bâchage n'est pas un ouvrage réparatoire destiner à rester en place ; que l'expert a également mélangé la vétusté et le respect des normes DTU ; que l'expert n'a rien dit sur le recouvrement des ardoises, l'évacuation des eaux pluviales, c'est-à-dire sur les règles de l'art élémentaires, ne remplissant ainsi pas sa mission ; que sur la question de la connaissance des désordres par le vendeur, l'expert judiciaire a rendu un avis totalement incompréhensible en français ; que l'expert judiciaire a aussi outrepassé sa mission en portant une appréciation sur une clause de l'acte authentique de vente ; qu'elle a établi
également plusieurs dires que l'expert judiciaire s'est contenté d'annexer à son rapport sans y avoir répondu manquant encore une fois à sa mission ; que le rapport d'expertise ne pourra donc qu'être annulé.
L'intimé réplique que Mme [H] se fonde sur les articles 233 et 238 du code de procédure civile pour obtenir la nullité du rapport d'expertise, mais les juges de première instance ont rappelé que ces articles n'étaient pas sanctionnés à peine de nullité, car le juge n'est pas lié par les avis de l'expert ; qu'en conséquence, il n'est juridiquement pas possible d'obtenir la nullité du rapport d'expertise en se fondant sur ces dispositions ; qu'au surplus le grief invoqué par Mme [H] en ce que l'expert n'a pas accompli personnellement la mission qui lui a été confiée est inopérant en ce qu'il a lui-même organisé une réunion d'expertise contradictoire le 9 janvier 2019 et a procédé en présence des parties à la dépose de la bâche ; que la critique de l'appelante quant à la concision de l'expert sur les règles du DTU qui n'ont pas été respectées est inopérante dans la mesure où la description des règles qui n'auraient éventuellement pas été respectées ne se confond pas avec l'examen des désordres qui consiste à les décrire et les répertorier ; qu'en outre, cette affirmation est mensongère puisqu'une lecture attentive du rapport d'expertise permet de constater que l'expert s'est effectivement prononcé sur le respect des normes DTU ; qu'une réunion contradictoire a bien été organisée le 9 janvier 2019, au cours de laquelle il a bien été procédé à une dépose de la bâche et ce, en présence des parties ; que si l'expert n'a constaté aucun désordre, c'est qu'il n'y avait aucun désordre à constater ; que la mesure du taux d'humidité a été effectuée de manière contradictoire, l'appareil utilisé pour la mesure et les conditions de cette mesure étant consignée sen page 7 du rapport ; que le dispositif de l'ordonnance de référé ne fait aucune référence aux menuiseries mais a commis bien l'expert judiciaire pour l'examen de la couverture du bâtiment annexe de l'immeuble, ce qu'il a fait ; que le tribunal a justement retenu que la mission de l'expert ne portait pas sur les menuiseries ; que contrairement à ce que la demanderesse prétend, l'expert judiciaire a parfaitement rempli son office, en constatant d'une part les désordres existants et d'autre part en expliquant les causes des désordres constatés contradictoirement ; que pour répondre à l'ensemble de ces missions, l'expert ne pouvait éluder la question de la date de réalisation de la toiture ; que la réunion d'expertise sur place a permis à l'expert judiciaire d'estimer la date de réalisation de la toiture, en l'occurrence, antérieurement à l'acquisition de l'immeuble par le vendeur ; que la cour ne pourra que constater que ce n'est pas la pose d'un bâchage qui a conduit l'expert à conclure à l'absence d'atteinte à la solidité de l'ouvrage, mais bien l'absence d'infiltrations et la fiabilité des travaux déjà effectués par la demanderesse ; que la formulation utilisée par le rapport d'expertise vise simplement à rappeler que la couverture est affectée d'un défaut de non-conformité mais que sa vétusté (due à l'ancienneté présumée de sa date de réalisation) fait échec à toute garantie ou responsabilité ; que contrairement à ce que l'appelante prétend, l'expert s'est bien prononcé sur
le recouvrement des ardoises ; que l'expert n'a donc commis aucune faute particulière en ce qu'il s'est prononcé sur cette question en fonction de ses connaissances et de ses compétences, étant rappelé que la violation de l'article 238 du code de procédure civile ne peut entraîner la nullité du rapport d'expertise ; que l'expert ne conclut pas, au regard des photos communiquées à Mme [H] avant la conclusion de la vente, qu'elle avait connaissance des infiltrations, mais qu'elle avait connaissance de l'état de la toiture et des tuyaux d'évacuation, qui étaient tout à fait visibles lors des visites ; qu'aucune infiltration d'eau n'a été constatée, que ce soit avant ou après la vente de l'immeuble dont s'agit, et Mme [H] échoue à rapporter la moindre preuve de ses allégations ; que l'expert a répondu au dire de Mme [H] dans le corps de son rapport d'expertise ; qu'il est normal que l'expert n'a pas répondu à toutes les questions au moment du dépôt de son pré-rapport qui ne constitue qu'un projet avant que le rapport définitif ne soit déposé à toutes les parties ; qu'ensuite le rapport définitif rendu par l'expert répond à toutes les interrogations de Mme [H] ; qu'en conséquence, il conviendra que la cour confirme le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise soulevée par Mme [H].
Réponse de la cour
Si la demande de nullité d'une expertise ne constitue pas une exception de procédure mais une défense au fond, elle demeure soumise, en application de l'article 175 du code de procédure civile, aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.
L'article 175 du code de procédure civile dispose que la nullité des décisions et actes d'exécution relatifs aux mesures d'instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure.
L'article 112 du code de procédure civile prévoit que la nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement, mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité.
En l'espèce, la mission d'expertise judiciaire confiée à l'expert avec faculté de prendre l'avis de tout technicien de son choix dans une spécialité différente de la sienne et mission était la suivante :
- se faire remettre tous documents utiles ;
- dresser la liste des intervenants à l'acte de construction et de leurs assureurs ;
- voir et visiter les lieux ;
- rechercher et d'indiquer la date de déclaration réglementaire d'ouverture de chantier ;
- rechercher et décrire les désordres allégués par Mme [D] [H] en distinguant les malfaçons dénoncées d'éventuelles non-conformités sans désordre ;
- donner les éléments permettant de dire si l'ouvrage a fait l'objet d'une réception ;
- rechercher et d'indiquer l'origine et la ou les causes de ces désordres ;
- dire s'ils portent atteinte à la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination ;
- vérifier, selon les règles de l'art, la conformité ou non-conformité de la couverture au niveau des pentes, valeur de recouvrement des ardoises, l'évacuation des eaux pluviales ;
- dire si ces désordres affectant le cas échéant la toiture et les évacuations d'eaux pluviales étaient connus du vendeur au moment de la vente du 5 juillet 2017 ;
- donner les éléments de fait permettant de déterminer les responsabilités encourues ;
- préconiser les travaux de reprise propres à remédier aux désordres et / ou non conformités ;
- donner les éléments permettant d'évaluer leur coût et leur durée d'exécution ;
- donner les éléments de fait permettant d'apprécier les préjudices subis et à subir.
Le juge des référés a par ailleurs dit que l'expert donnera connaissance de ses conclusions aux parties et répondra à tous dires écrits de leur part formulé dans le délai qu'il leur aura imparti avant d'établir un rapport définitif qu'il déposera au secrétariat-greffe du tribunal de grande instance de Tours.
L'appelante soulève, en premier lieu, une violation par l'expert judiciaire de l'article 233 du code de procédure civile qui dispose que le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée.
Cette disposition impose à l'expert d'exécuter personnellement sa mission, sauf la possibilité de recourir à un sapiteur. Or, l'appelante n'allègue ni ne justifie que l'expert aurait délégué sa mission d'expertise à un tiers, alors que le rapport d'expertise mentionne les opérations auxquelles l'expert judiciaire a procédé en présence des parties. La nullité du rapport d'expertise n'est donc pas encourue à ce titre.
En second lieu, l'appelante invoque une violation des dispositions de l'article 238 du code civil ainsi rédigé :
« Le technicien doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis.
Il ne peut répondre à d'autres questions, sauf accord écrit des parties.
Il ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique ».
Toutefois, l'inobservation des obligations imposées à l'expert par l'article 238 du code de procédure civile n'est pas sanctionnée de la nullité, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation 1re Civ., 7 juillet 1998, pourvoi n° 97-10.869, Bull. 1998, I, n° 239 ; 2e Civ., 16 décembre 1985, pourvoi n° 81-16.593).
En outre, il convient de relever que le rapport d'expertise fait mention d'une réunion d'expertise qui s'est déroulée sur les lieux le 9 janvier 2019 après convocation des parties et de leurs conseils, à l'issue de laquelle les désordres ont été constatés et mentionnés dans le rapport d'expertise qui précise également qu'il a été procédé à un relevé du taux d'humidité dans chaque pièce au moyen d'un appareil type Stanley O-77-030. L'expert
judiciaire dont la mission ne portait pas spécifiquement sur les menuiseries, avait l'obligation rechercher et décrire les désordres allégués par Mme [H], et le rapport ne fait pas mention que celle-ci aurait évoqué les défauts des menuiseries lors de la réunion d'expertise.
Les différentes imprécisions, insuffisances ou incohérences du rapport d'expertise judiciaire invoquées par Mme [H] ne peuvent pas plus être sanctionnées de la nullité du rapport d'expertise sur le fondement de l'article 238 du code de procédure civile, l'insatisfaction d'une partie à l'égard des conclusions du rapport d'expertise n'étant en outre pas une source de nullité.
Aux termes de l'article 276 du code de procédure civile, l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent. L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées.
En l'espèce, Mme [H], par l'intermédiaire, a adressé des observations à l'expert judiciaire, par courrier du 19 mars 2019, pour notamment lui indiquer qu'une vidéo montrant les infiltrations d'eau allait lui être transférée, pour lui communiquer les factures des travaux réalisés et une note d'analyse de son pré-rapport, pour lui demander d'examiner les menuiseries, de détailler les désordres et non-conformités au DTU, de donner son avis sur l'impropriété à la destination du bien. Le « dire récapitulatif » rappelait en outre le dire du 15 janvier 2019 qui n'était pas visé dans les annexes au pré-rapport et auquel l'expert judiciaire n'avait pas répondu.
La note d'analyse du pré-rapport de l'expert judiciaire, établie par M. [K], architecte DPLG, à la demande de Mme [H], formulait plusieurs critiques à l'égard de ce pré-rapport et mentionnait notamment :
« Ces infiltrations sont visibles sur plusieurs documents produits par Mme [H].
Les dégâts occasionnés par les infiltrations apparaissent également sur les parois moisies et qui ont été peintes quelque temps avant la vente, pour tenter de les occulter.
L'intensité importante de ces infiltrations apparaît de manière précise sur une vidéo réalisée par la partie demanderesse que j'ai pu visualiser. Il serait souhaitable que Monsieur l'expert donne son avis sur ce document et qu'il l'annexe à son rapport.
[...]
Il est donc indispensable que Monsieur l'expert réponde aux questions suivantes a'n que le cas échéant, la juridiction saisie, puisse se prononcer.
- Est-ce que le vendeur, bien que non professionnel, a réalisé lui-même des travaux et lesquels '
- Est-ce que les infiltrations (vices cachés) étaient connues du vendeur '
- Est-ce que Mme [D] [H], néophyte en matière de construction, a été informée de l'existence de ces in'ltrations, par le vendeur ou son mandataire l'agence ORPI '
S'agissant d'un devoir d'information, il appartient au vendeur d'en apporter la preuve.
Il apparaît donc prématuré de transmettre aux parties un document intitulé pré-rapport ayant vocation à court terme à devenir le rapport dé'nitif qui sera transmis aux parties et à la juridiction.
Ce document relève davantage d'une note aux parties ayant vocation à être discutée, modifiée et complétée.
Il est indispensable qu'une visite technique soit organisée par Monsieur l'expert a'n de mettre en évidence la réalité des in'ltrations. Il ne peut se contenter des af'rmations d'une partie, en application des articles 238 et 241, du CPC.
Il est indispensable que M. l'expert examine l'ensemble des désordres invoqués par la partie demanderesse selon son assignation, et donne son avis sur la réalité, les causes et moyens réparatoires de ces désordres ».
L'expert judiciaire ne fait pas mention de ces observations dans son rapport. Toutefois, dans la partie « Se faire remettre tout document utile » mentionnant les pièces reçues, l'expert judiciaire a indiqué
que les menuiseries extérieures étaient prévues à remplacer selon le devis de ECO Menuisiers du 7 septembre 2018, « donc pas de constat d'infiltration » et qu'il avait reçu par mail « une vidéo non exploitable, sans date ».
Ces affirmations de l'expert ne constituent pas une réponse aux observations précises et détaillées du conseil de Mme [H] qui avait notamment invité l'expert à examiner lui-même les menuiseries, et non un devis portant mention de la nécessité de leur remplacement, et à porter un avis sur leur état, leur origine et leur date d'apparition. De même, l'expert judiciaire ne pouvait conclure à l'absence d'infiltration lors de la réunion d'expertise en écartant péremptoirement la vidéo produite par Mme [H] dont la date importait peu, puisqu'elle était récemment devenue propriétaire du bien litigieux, et se dispenser d'examiner ses allégations sur le caractère dissimulé d'infiltrations antérieures.
L'expert judiciaire n'a pas répondu aux observations du conseil de Mme [H], tant sur les défauts affectant les menuiseries que sur le caractère dissimulé des infiltrations éventuelles qui auraient eu lieu avant la vente.
En ne répondant pas aux observations de Mme [H], l'expert judiciaire a manqué à son obligation prévue à l'article 276 du code de procédure civile. Ce manquement a causé un grief à Mme [H] qui s'est vu privée de la possibilité de voir constater dans le cadre d'une expertise judiciaire les éventuels défauts des menuiseries et le caractère dissimulé des infiltrations antérieures à la vente.
En conséquence, il convient de prononcer l'annulation du rapport d'expertise judiciaire et d'infirmer le jugement sur ce point.
Sur la demande de nouvelle expertise judiciaire
Il convient de rappeler que les éléments d'un rapport d'expertise annulé peuvent être retenus à titre de renseignements s'ils sont corroborés par d'autres éléments du dossier, ainsi que l'a d'ailleurs jugé la Cour de cassation (2e Civ., 23 octobre 2003, pourvoi n° 01-15.416, Bulletin civil 2003, II, n° 323).
En l'espèce, Mme [H] produit d'autres éléments pour fonder sa demande qui seront examinés ci-après. En outre, au regard de l'ancienneté des infiltrations, une nouvelle expertise judiciaire ne permettra pas de déterminer si le bien avait connu des infiltrations antérieurement à la vente. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise judiciaire. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur la garantie des vices cachés
Moyens des parties
L'appelante soutient qu'elle a été contrainte de s'adresser à un expert judiciaire à savoir M. [K], expert judiciaire ; qu'au vu de la note établie par celui-ci, il est totalement improbable que le précédent propriétaire n'ait jamais constaté ces infiltrations d'autant plus que la maison était la propriété de la famille [P] depuis 1976 et que les travaux de l'extension ont été réalisés en 1991, hors des règles de l'art ; que l'extension ayant été réalisée en 1991 par les consorts [P], il est même inconcevable qu'en 2018, lors de son expertise, M. [W] date l'ouvrage de 40 ans ; que le simple fait que l'acte de vente porte la mention d'une couverture refaite à neuf sans distinction de localisation, et que cet élément lui ait été communiqué oralement lors de ses visites, ce qui l'a incitée à ne pas faire chiffrer des travaux de remise en état de la couverture, démontre la parfaite connaissance de la situation et de la présence des infiltrations de la part de M. [P] ; que lors des visites, la peinture de la cuisine avait été fraîchement refaite ; que dès le 8 septembre 2017, les infiltrations sont apparues, alors qu'elle a acquis ce bien le 5 juillet 2017 ; qu'il est donc inconcevable que M. [P] n'ait pas connu lesdites infiltrations ; que M. [P] a fait procéder à la pose d'un poêle le 11 janvier 2013 et au nécessaire changement des menuiseries, ainsi que la pose des gouttières et autres travaux sur la couverture de l'annexe après cette date ; que d'après l'expert mandaté par son assurance de protection juridique, les menuiseries ont nécessairement été réalisées il y a moins de dix ans ; que ces travaux et leur année de réalisation sont confirmés par la date figurant sur le PVC de la gouttière, soit 2013 ; que la date de fabrication des menuiseries posées et fuyardes est de 2010 ; que M. [P] n'ayant jamais pu fournir la moindre facture de la pose de ces menuiseries, c'est donc que celles-ci ont été posées, tout comme la gouttière sur la couverture fuyarde par M. [P] lui-même, qui est donc réputé constructeur et donc connaître les vices de la chose.
L'intimé réplique que Mme [H] peine à démontrer un quelconque vice caché connu par lui et caché au moment de la vente ; que pour faire échec à la clause de non-garantie des vices cachés incluse dans l'acte de vente, il appartient à Mme [H] d'apporter la preuve de la connaissance par le vendeur du vice affectant la toiture de la maison et entraînant des infiltrations d'eau ; que la note de M. [K] indique que plusieurs visites du site ont été effectuées, mais la date de celles-ci n'est pas mentionnée ; qu'il est donc impossible de conférer une date certaine aux photos annexées à cette note ; que seuls des examens visuels ont été réalisés, là où l'expert judiciaire a effectué plusieurs mesures en présence des parties et de l'entreprise [F], dont les conclusions ont été reprises et approuvées par l'expert judiciaire ; que M. [K] affirme que ces infiltrations sont inexorables
en étudiant uniquement les devis fournis par l'entreprise [F] qui n'a pas plus constaté la présence d'infiltrations d'eaux pluviales mais a simplement mis en évidence les défauts de conformité de la toiture de l'annexe ; que l'expert judiciaire n'a constaté aucune infiltration lors de la réunion d'expertise ; qu'il n'existe aucun vice caché s'agissant d'infiltrations d'eaux pluviales, ni connaissance du vice par le vendeur ; que sa responsabilité ne peut donc pas être engagée sur le fondement des articles 1641 et suivants du code civil ; que le tribunal a fait une exacte application des dispositions légales précitées en déboutant Mme [H] de sa demande sur ce fondement.
Réponse de la cour
L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.
Il convient de rappeler que ce texte institue une garantie du vendeur due à l'acquéreur à raison de la gravité du vice affectant le bien vendu, de son caractère caché lors de la vente, et de son caractère préexistant à la vente. La garantie est donc due lorsque l'acquéreur démontre l'existence d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil, sans qu'il ne soit nécessaire d'établir l'existence d'une éventuelle faute du vendeur quant à l'origine du vice.
Le défaut d'étanchéité des menuiseries invoqué par Mme [H] est mentionné dans le procès-verbal de constat d'huissier de justice établi les 30 avril et 11 mai 2020. L'huissier de justice a en effet indiqué qu'après de fortes pluies, sous la fenêtre Nord Est sur séjour, le mur était humide, au point que son doigt s'enfonçait. Il avait alors constaté que la fenêtre PVC blanche, posée en rénovation, n'est pas aux bonnes dimensions de l'encadrement de la fenêtre, et que « les espaces non bouchés par la fenêtre l'ont été par autre chose ». L'huissier de justice avait également constaté, à l'étage la présence de moisissures sur la fenêtre PVC blanche, l'absence de cornière PVC d'habillage autour des fenêtres PVC, un espace haut des fenêtres comblé par un tasseau de bois peint blanc. Il indiquait également que les fenêtres avaient été posées sur un bâti bois qui était très abîmé, et que les fenêtres ne sont pas étanches. Enfin, l'huissier de justice a constaté une infiltration d'eau au niveau de la porte d'entrée de la cuisine.
Ce procès-verbal de constat est corroboré, pour ce qui concerne les fenêtres, par le rapport d'expertise non judiciaire établi par la société Elex le 8 octobre 2022 pour le compte de l'assurance de protection juridique, lequel mentionne un défaut d'étanchéité des menuiseries du salon et de la cuisine « certainement dû à un défaut de pose des menuiseries, provoquant des in'ltrations d'eau et des dommages sur les peintures et plâtreries ».
Mme [H] établit donc l'existence d'un vice affectant l'étanchéité les fenêtres du bâtiment annexe les rendant impropres à l'usage auquel elles étaient destinées. En revanche, le défaut d'étanchéité invoqué concernant la porte d'entrée de la cuisine n'est corroboré par aucun autre élément de sorte qu'il n'est pas établi l'existence d'un vice caché affectant cette porte.
Le rapport Elex mentionne par ailleurs : « Selon les dires de votre assuré, M. et Mme [P] indiquent que ces menuiseries ont plus de dix ans et donc ne sont plus sous garantie décennale.
Après véri'cation, nous pouvons constater que l'ensemble des vitrages sont datés de février 2010, soit moins de dix ans avant l'achat.
Nous ne pouvons cependant pas clairement indiquer que les menuiseries, sont elles aussi de février
2010, les vitrages auraient pu être remplacés sans remplacer les châssis ».
Enfin, il y a lieu de constater que l'appelante produit un devis de la société ECO-FPC pour le remplacement des menuiseries existantes qui mentionne « Les fenêtres existantes ne correspondent pas aux dimensions des ouvertures de maçonnerie - Les écarts de dimensions sont comblés par de la mousse expansive non conforme - il persiste des pertes d'étanchéité thermique et expose aux risques d'infiltration d'eau de pluie ».
Dans ses conclusions, M. [P], qui était propriétaire du bien depuis le 20 février 2004 a contesté avoir réalisé les travaux de couverture et de pose du poêle, mais a reconnu avoir procédé à la pose des gouttières et des menuiseries. Il ne produit aucune facture relative à la pose des menuiseries, impliquant que le vendeur a lui-même procédé à leur pose défectueuse sur un bâti en bois ancien, dans des conditions non-conformes aux règles de l'art. Les malfaçons affectant les menuiseries étaient donc antérieures à la vente.
La pose défectueuse des menuiseries par le vendeur démontre qu'il connaissait le vice affectant les menuiseries, de sorte qu'il ne peut se prévaloir de la clause d'exonération de la garantie des vices cachés dont l'application est réservée au vendeur de bonne foi. La garantie des vices cachés est donc due par M. [P] à Mme [H] au titre des menuiseries défectueuses.
S'agissant de la toiture de l'annexe, le fait que l'expert judiciaire n'a pas constaté d'infiltrations en provenance de celle-ci lors de l'unique réunion d'expertise sur les lieux ne permet pas d'exclure l'existence des infiltrations, l'expert judiciaire n'ayant pas même tenté une mise en eau de la toiture.
Mme [H] produit un rapport d'expertise non-judiciaire établi par la société Cunningham Lindsey, expert mandaté par assurance de protection juridique, un rapport établi par l'entreprise Pascal [F], et un rapport établi par la société Elex qui mentionnent tous des infiltrations causées par une toiture du bâtiment annexe non-conforme aux règles de l'art et au DTU. Mme [H] produit donc des éléments concordants établissant l'existence des désordres allégués.
Il résulte de ces différents rapports que la toiture n'a pas été réalisée conformément aux règles de l'art et au DTU :
- pente trop faible ;
- ardoises posées trop petites avec un recouvrement trop faible ;
- pose de matériaux hétérogènes : mise en 'uvre de bardeaux bitumineux à l'égout sur trois rangs puis pose d'ardoises sur crochets non-conforme aux règles de l'art ;
- absence de bavette en métal, de porte-solin et de solin le long du mur ;
- défaut de pose du faîtage en zinc ;
- section insuf'sante au niveau du chéneau en zinc à la jonction entre la partie basse de la toiture et le bardage verticale en bacs acier ;
- gouttière et tuyau de descente avec un diamètre trop faible ;
- extrémité de cette descente d'eau pluviale raccordée par un ensemble de tuyaux de section différente posés sur le versant de la toiture sur la partie annexe.
L'ensemble de ces défauts est à l'origine des désordres d'infiltrations constatés par Mme [H]. Il y a lieu de relever que les infiltrations sont apparues le 9 septembre 2017, soit à peine deux mois après la réalisation de la vente le 5 juillet 2017. Au regard de ces éléments, il est établi que la toiture est affectée d'un vice caché non décelable par un acheteur profane, la rendant impropre à sa destination, et qui existait antérieurement à la vente.
M. [P] soutient qu'il n'a pas réalisé la toiture défectueuse et qu'il existe une clause d'exonération de la garantie des vices cachés dans l'acte de vente.
L'acte de vente comporte une déclaration du vendeur sur la réfection de la toiture qui ne précise pas la localisation de la toiture ayant fait l'objet d'une réfection :
« Le vendeur déclare que la SARL [J]-Favreau a procédé à la réfection totale et à l'identique de la toiture en novembre 2009 ainsi qu'il résulte de la facture demeurée ci-annexée. Il déclare en outre que les travaux effectués ne nécessitaient pas d'autorisation d'urbanisme, lesdits travaux ne modifiant pas l'aspect extérieur du bâtiment ».
Il convient de relever que le bien vendu était ainsi décrit :
« Une maison d'habitation :
- Élevée sur terre plein et composée de :
- Au rez-de-chaussée : cuisine, séjour avec poêle, salle d'eau avec WC.
À l'étage : une chambre, un dressing.
Chauffage central au gaz de ville.
Jardin au Nord de la maison sur lequel existe vers l'angle Sud-Est un bâtiment composé d'un bureau, buanderie, local à vélos.
Petite dépendance ».
Il est établi que la toiture non-conforme et les infiltrations sont relatives au bâtiment annexe composé d'un bureau et d'une buanderie et non la maison d'habitation qui a seule fait l'objet d'une rénovation de toiture, tel que figurant sur la facture [J]-Favreau en novembre 2009. Les différents rapports d'expertise ont d'ailleurs tous conclu au fait que seule la toiture de l'habitation principale avait été refaite en novembre 2009.
Les photographies produites aux débats établissent nettement la différence d'apparence entre la toiture refaite de la maison d'habitation et la toiture ancienne du bâtiment annexe de sorte que la déclaration du vendeur dans l'acte notarié ne pouvait être source de confusion pour l'acquéreur non-professionnel quant à la localisation de la toiture qui avait fait l'objet d'une réfection en 2009.
La toiture de l'annexe est donc plus ancienne que l'année 2009, sans qu'une date précise ne soit déterminée, étant précisé que le bâtiment aurait été réalisé en 1991. Cependant, il résulte des pièces produites aux débats que des travaux plus récents ont été effectués sur la toiture de l'annexe par M. [P].
Ainsi, le rapport d'expertise de la société Elex a indiqué que des gouttières pendantes en PVC comportant une date de fabrication du 30 juillet 2013 ont été mises en 'uvre sur l'extension en remplacement de gouttières havraises, qui sont des gouttières rampantes directement posées sur le versant. M. [J], couvreur qui a procédé à la réfection de la toiture de l'habitation principale en novembre 2009, a d'ailleurs attesté que la gouttière PVC avait été posée sur le bâtiment annexe postérieurement aux travaux qu'il avait réalisés.
Le rapport de la société Elex a ainsi expliqué la présence d'un revêtement bitumineux plus récent sur le bas de la toiture du bâtiment annexe :
« si l'on se réfère au cliché photographique transmis, nous pouvons constater que les anciennes gouttières présentes étaient des gouttières havraises.
Celles-ci ont été remplacées par des gouttières pendantes en PVC courant 2013, du fait de la date de fabrication indiquée sur les gouttières.
Pour le remplacement de celles-ci, il était nécessaire de retirer les ardoises de bas de pente de couverture. Ce qui explique la présence du bardeau bitumineux mis en 'uvre, en lieu et place des ardoises naturelles.
À notre sens, les in'ltrations d'eau, proviennent de la jonction entre la couverture d'origine en ardoise de plus de dix ans et le bardeau bitumineux, qui n'est pas étanche ».
À défaut de production d'une facture d'un couvreur pour ces travaux de gouttière réalisés en 2013 par M. [P], il doit être considéré que celui-ci a lui-même effectué cette pose défectueuse, ayant contribué aux désordres d'infiltrations par la réalisation du bardeau bitumineux au lieu d'ardoises sur une toiture présentant déjà les défauts précités. Il s'ensuit que M. [P] ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés qui ne peut bénéficier qu'au vendeur de bonne foi. La garantie des vices cachés est donc également due par M. [P] à Mme [H] au titre de la toiture du bâtiment annexe.
Sur l'indemnisation des préjudices
Moyens des parties
Mme [H] demande de voir indemniser le coût des travaux de réparation de la couverture à hauteur de 23 318,81 €, des travaux de menuiserie à hauteur de 12 092,11 €, des travaux de bâchage à hauteur de 941,88 €. Elle demande également d'indemniser le préjudice de jouissance subi depuis l'acquisition à raison de 500 € par mois, soit 28 000 € jusqu'en mars 2022 à parfaire, et le préjudice de jouissance pendant travaux à hauteur de 3 000 €.
M. [P] n'a pas formulé d'observations sur les indemnités sollicitées par Mme [H], indiquant seulement que la garantie des vices cachés n'est due et que sa responsabilité ne peut pas être engagée compte-tenu de la vétusté de l'ouvrage.
Réponse de la cour
L'article 1645 du code civil dispose que si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur.
En l'espèce, pour les motifs précités, il est établi que M. [P] avait connaissance des vices affectant le bien vendu, raison pour laquelle la clause d'exonération de la garantie des vices cachés a été écartée. Il s'ensuit que M. [P] est tenu envers Mme [H] de tous les dommages et intérêts consécutifs à l'existence des vices cachés.
La toiture a été modifiée par M. [P] lors de la pose des gouttières pendantes au lieu des gouttières havraises, un revêtement bitumineux non étanche ayant été installé au lieu et place de ces gouttières rampantes alors que la couverture était en ardoises. Il s'ensuit que M. [P] est mal-fondé à se prévaloir de la vétusté de la couverture, alors qu'il a contribué, par la modification de la couverture et des gouttières à la survenance des désordres postérieurement à la vente. En conséquence, M. [P] doit indemniser le coût intégral de réfection de la toiture du bâtiment annexe.
Le coût de reprise de la toiture a fait l'objet de devis de M. [F] en date du 23 décembre 2017 pour la somme de 20 170,92 euros TTC au titre de la couverture et pour la somme de 3 147,89 euros TTC au titre de l'isolation sous toiture. Ces sommes avaient été retenues par l'expert judiciaire dans son évaluation du coût des travaux de reprise.
Il convient donc de condamner M. [P] à payer à Mme [H] la somme totale de 23 318,81 euros au titre de ces travaux portant sur la toiture, qui sera indexée selon l'évolution de l'indice BT 01 entre l'indice publié le 23 décembre 2017 et celui publié au jour du présent arrêt.
Il est également justifié du coût du bâchage provisoire d'un montant de 941,88 euros TTC auquel Mme [H] a dû faire face pour protéger son bien. M. [P] sera donc également condamné à verser cette somme à Mme [H].
L'appelante produit un devis établi le 7 septembre 2018 établi par la société ECO-FPC mentionnant des travaux de menuiserie pour un coût total de 12 092,11 euros TTC pour le remplacement des fenêtres et de la porte d'entrée du bâtiment annexe mais également pour la pose de dispositif d'occultation. Or, le vice caché n'affectant que les fenêtres du bâtiment, seul le coût de remplacement de celles-ci doit être supporté par le vendeur. En conséquence, il convient de condamner M. [P] à payer à Mme [H] la somme de 6 542,58 euros TTC, qui sera indexée selon l'évolution de l'indice BT 01 entre l'indice publié le 7 septembre 2018 et celui publié au jour du présent arrêt.
Durant l'exécution des travaux de couverture et de remplacement des menuiseries, Mme [H] subira un préjudice de jouissance qu'il convient de réparer en lui allouant la somme de 800 euros, à laquelle M. [P] sera condamné.
Par ailleurs, Mme [H] a subi les conséquences des infiltrations depuis septembre 2017. S'il n'est pas établi que l'ensemble du bien ne pouvait pas
être utilisé, ces infiltrations ont entraîné des désagréments multiples liés à l'apparition d'une humidité excessive, de moisissures, de dégradations. Il s'ensuit que Mme [H] a subi un préjudice de jouissance qu'il convient de réparer intégralement en condamnant M. [P] à lui verser la somme de 5 000 euros.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Mme [H] de sa demande en paiement des travaux de reprise de la couverture et des menuiseries et en indemnisation de son préjudice de jouissance.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
Moyens des parties
M. [P] soutient que le rapport d'expertise judiciaire en date du 13 mai 2019, s'il concluait à l'existence de défauts de non-conformité, indiquait que l'ancienneté présumée des travaux sur l'ouvrage litigieux faisait échec à ce que la responsabilité du vendeur puisse être engagée ; qu'il a été démontré que le rapport d'expertise judiciaire n'encourait nullement la nullité et qu'il était au contraire, parfaitement recevable ; que les pièces sur lesquelles Mme [H] entend le voir condamner n'apportaient pas plus d'éléments aux débats que ceux déjà soumis dans le cadre des opérations d'expertise, mais celle-ci s'est obstinée à feindre d'ignorer la réalité suivant son action est mal-fondée ; qu'il ressort expressément de la procédure que Mme [H] est d'une mauvaise foi sans commune mesure ; qu'elle a tenté d'obtenir de manière frauduleuse une attestation auprès de Mme [N] ; que en résulte que Mme [H] sera condamnée à lui verser à la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts.
Mme [H] réplique qu'elle a rapporté la preuve de nombreuses infiltrations tant au niveau de la couverture que des menuiseries ; qu'elle subit incontestablement un préjudice totalement ignoré par l'expert judiciaire en raison du fait que la toiture est actuellement bâchée ce qui ne saurait correspondre à un ouvrage pérenne ; que la présente procédure n'est nullement abusive, si l'on considère également que l'expert judiciaire a omis purement et simplement bon nombre des points de sa mission, mais également d'analyser les infiltrations par les menuiseries ; que dès lors M. [P] sera débouté de sa demande à ce titre.
Réponse de la cour
Ainsi qu'il a été précédemment exposé, l'action diligentée par Mme [H] à l'encontre du vendeur était bien-fondée, ce qui exclut qu'elle ait pu commettre une faute dans l'exercice de son droit d'agir en justice à l'encontre de celui-ci. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par M. [P].
Sur les frais de procédure
Le jugement sera infirmé en ses chefs statuant sur les dépens et les frais irrépétibles.
M. [P] sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel qui comporteront le les frais de l'instance de référé et d'expertise judiciaire avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. En revanche, le coût du procès-verbal de constat d'huissier de justice auquel Mme [H] a eu recours n'est pas inclus dans les dépens mais sera indemnisé au titre des frais irrépétibles.
M. [P] sera condamné à payer à Mme [H] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement en ce qu'il a :
- rejeté la demande de nullité du rapport d'expertise ;
- débouté Mme [H] de sa demande en paiement des travaux de reprise de la couverture et des menuiseries et en indemnisation de son préjudice de jouissance ;
- condamné Mme [H] à payer à M. [P] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [H] aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire ;
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
ANNULE le rapport d'expertise judiciaire déposé par M. [W] le 13 mai 2019 ;
DIT que M. [P] est tenu de la garantie des vices cachés à l'égard de Mme [H] ;
CONDAMNE M. [P] à payer à Mme [H] les sommes suivantes :
- 23 318,81 euros au titre des travaux de toiture, outre l'indexation selon l'évolution de l'indice BT 01 entre l'indice publié le 23 décembre 2017 et celui publié au jour du présent arrêt ;
- 941,88 euros au titre du coût du bâchage provisoire ;
- 6 542,58 euros au titre des travaux de menuiserie, outre l'indexation selon l'évolution de l'indice BT 01 entre l'indice publié le 7 septembre 2018 et celui publié au jour du présent arrêt ;
- 5 800 euros au titre du préjudice de jouissance ;
CONDAMNE M. [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais de l'instance de référé et les frais d'expertise judiciaire;
AUTORISE les avocats de la cause à recouvrer directement et à leur profit, contre la partie condamnée aux dépens, ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision ;
CONDAMNE M. [P] à payer à Mme [H] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.