Décisions
CA Rouen, 1re ch. civ., 13 novembre 2024, n° 23/02773
ROUEN
Arrêt
Autre
N° RG 23/02773 - N° Portalis DBV2-V-B7H-JN73
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 13 NOVEMBRE 2024
SUR DÉFÉRÉ
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/03977
Cour d'appel de Rouen du 29 mars 2023
APPELANTS :
Monsieur [O] [R]
né le 29 septembre 1964 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Adresse 2] (ESPAGNE)
représenté et assisté par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la SELARL POIROT-BOURDAIN AVOCAT, avocat au barreau de Rouen
Madame [X] [R] épouse [E]
née le 24 mars 1959 à Singapour
[Adresse 2]
[Adresse 2] (ESPAGNE)
représentée et assistée par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la SELARL POIROT-BOURDAIN AVOCAT, avocat au barreau de Rouen
INTIMES :
Monsieur [N] [S]
né le 9 juillet 1980 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté et assisté par Me Armelle LAFONT de la SCP BRULARD - LAFONT - DESROLLES, avocat au barreau de l'Eure substituée par Me BRULARD
Madame [P] [T]
née le 20 Juillet 1982 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée et assistée par Me Armelle LAFONT de la SCP BRULARD - LAFONT - DESROLLES, avocat au barreau de l'Eure substituée par Me BRULARD
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 4 septembre 2024 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre
M. Laurent MANHES, conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme CHEVALIER,
DEBATS :
A l'audience publique du 4 septembre 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 novembre 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 13 novembre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme DEGUETTE, conseillère et par Mme CHEVALIER, présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Suivant acte authentique du 13 mars 2015, Mme [W] [C] épouse [R], et ses enfants Mme [X] [R] épouse [E] et
M. [O] [R], ont vendu à Mme [P] [T] et à
M. [N] [S] un ensemble immobilier appelé '[Adresse 5]' et situé [Adresse 7], au prix de 180 000 euros.
Par ordonnance du 17 mai 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Evreux a fait droit à la demande d'expertise présentée par Mme [T] et M. [S], alléguant l'existence d'importants désordres de structure lorsqu'ils ont réalisé des travaux de rénovation dans leur maison. Il a désigné M. [J] [G] pour réaliser cette expertise.
Mme [C] épouse [R] est décédée au cours de la mesure d'instruction.
Suivant actes d'huissier de justice du 20 mars 2019, Mme [T] et
M. [S] ont fait assigner Mme [X] [R] épouse [E] et
M. [O] [R] devant le tribunal de grande instance d'Evreux en garantie des vices cachés.
L'expert judiciaire a établi son rapport d'expertise le 4 février 2020.
Par jugement du 28 septembre 2021, le tribunal judiciaire a :
- déclaré recevable l'action de Mme [P] [T] et M. [N] [S],
- débouté M. [O] [R] et Mme [X] [R] épouse [E] de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de l'expertise judiciaire,
- débouté Mme [P] [T] et M. [N] [S] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné in solidum Mme [P] [T] et M. [N] [S] à payer à M.[O] [R] et Mme [X] [R] épouse [E] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mme [P] [T] et M. [N] [S] aux entiers dépens, ce inclus le coût de l'expertise judiciaire,
- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Par déclaration du 15 octobre 2021, Mme [T] et M. [S] ont formé un appel contre ce jugement.
Par arrêt rendu par défaut le 29 mars 2023, la cour d'appel de Rouen a :
- infirmé le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
statuant à nouveau,
- prononcé la résolution de la vente du bien immobilier situé à [Adresse 7] intervenue par acte du 13 mars 2015,
- ordonné à Mme [X] [R] épouse [E] et M. [O] [R] de restituer le prix de vente de 180 000 euros à Mme [P] [T] et M. [N] [S],
- condamné Mme [X] [R] épouse [E] et M. [O] [R] à payer à Mme [P] [T] et M. [N] [S] les sommes suivantes :
. 83 877,88 euros au titre de leur préjudice matériel,
. 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,
. 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- rejeté le surplus de leurs demandes,
- condamné Mme [X] [R] épouse [E] et M. [O] [R] aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.
Par déclaration du 8 août 2023, Mme [R] épouse [E] et M. [R] ont formé opposition à l'encontre de cet arrêt.
Par ordonnance du 13 février 2024, la présidente de la mise en état à la première chambre civile a :
- rejeté la demande relative à la caducité de la déclaration d'appel du 15 octobre 2021 formée par Mme [P] [T] et M. [N] [S],
- rejeté la demande de radiation de l'affaire du rôle de la cour formée par Mme [P] [T] et M. [N] [S],
- ordonné la consignation par chacun des opposants, Mme [X] [R] épouse [E] d'une part, M. [O] [R] d'autre part, de la somme de 100 000 euros sur le compte Carpa du bâtonnier de l'ordre des avocats, soit en un seul versement soit par versements échelonnés, avant le 5 juin 2024, sous peine de radiation de l'affaire dès l'échéance fixée,
- débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- décidé que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance au fond.
Mme [R] épouse [E] et M. [R] ont saisi la cour d'appel aux fins de déféré nullité suivant requête remise au greffe le 14 février 2024.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Aux termes de leur requête en déféré nullité, Mme [R] épouse [E] et M. [R] demandent de voir en vertu des articles 514 à 526 du code de procédure civile dans leur version en vigueur du 1er janvier 2005 au 1er janvier 2020, 916, 539, 571 et suivants du code de procédure civile :
- juger n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 521 du code de procédure civile et à consignation des condamnations prononcées par l'arrêt du 29 mars 2023 frappé d'opposition,
- condamner in solidum M. [S] et Mme [T] à leur payer unis d'intérêts la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que le jugement du 28 septembre 2021 n'ayant pas été assorti de l'exécution provisoire, il n'y a pas lieu à exécution de leur part d'une condamnation inexistante ; que l'opposition formée contre l'arrêt par défaut du 29 mars 2023 a pour effet, en application de l'article 539 du code de procédure civile, de suspendre l'exécution de celui-ci dans l'attente de la décision de la cour à qui il est demandé de le rétracter, que cet arrêt n'est donc pas exécutoire.
Ils en concluent que le conseiller de la mise en état ne pouvait pas faire application des dispositions de l'ancien article 521 du code précité, qui a trait aux condamnations ayant un caractère exécutoire, et ordonner la consignation de sommes à peine de radiation d'office le 5 juin 2024, que ceci constitue l'excès de pouvoir visé par l'article 916 du code précité, qu'en effet, l'ordonnance du 13 février 2024 manifestement entachée d'une erreur de droit a pour conséquence directe de les empêcher de faire rétracter un arrêt préjudiciant très gravement à leurs droits et à leurs intérêts.
Par conclusions notifiées le 26 juillet 2024, Mme [T] et M. [S] sollicitent de voir en application de l'article 521 du code de procédure civile :
- débouter les consorts [R] de l'ensemble de leurs demandes,
- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné la consignation d'une somme de 100 000 euros sous peine de radiation,
- condamner les consorts [R] à leur payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile concernant la procédure d'appel, outre les entiers dépens de la présente procédure.
Ils expliquent que l'article 539 du code de procédure civile qui n'a pas été modifié depuis le 1er janvier 1976 n'a plus vocation à s'appliquer dans la mesure où, par décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, a été consacré dans la loi le principe d'exécution provisoire des décisions de justice, que dès lors le principe de l'effet suspensif des voies de recours est vidé de sa substance.
Ils en déduisent que l'arrêt du 29 mars 2023 conserve son plein effet exécutoire ; que les consorts [R], qui ont volontairement organisé leur insolvabilité en déménageant en Espagne et en fermant tous leurs comptes bancaires en France, ne l'ont pas exécuté ; que l'appel formé par ces derniers doit être radié.
MOTIFS
Sur la consignation des sommes dues
L'article 539 du code de procédure civile énonce que le délai de recours par une voie ordinaire suspend l'exécution du jugement. Le recours exercé dans le délai est également suspensif.
Selon l'article 572 alinéa 2 du même code, le jugement frappé d'opposition n'est anéanti que par le jugement qui le rétracte.
Il se déduit de ces textes que l'opposition a un effet suspensif qui dure jusqu'à ce que le jugement sur opposition éteigne l'instance.
L'article 521 alinéa 1er du même code dans sa version applicable jusqu'au 1er janvier 2020 précise que la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.
En l'espèce, l'opposition formée par les consorts [R] contre l'arrêt rendu par défaut le 29 mars 2023 en a suspendu les effets jusqu'à ce que l'arrêt sur opposition soit rendu.
Dès lors, l'article 521 précité, qui vise l'hypothèse d'un jugement de condamnation à paiement assorti de l'exécution provisoire, ne s'applique pas contrairement à ce qui a été retenu aux termes de la décision attaquée. La disposition de l'ordonnance selon laquelle une consignation a été ordonnée à la charge de chacun des opposants sous peine de radiation de l'affaire au terme du 5 juin 2024 a pour effet d'affecter l'exercice du droit d'opposition contre un arrêt rendu par défaut dont les effets sont suspendus. Elle est entachée d'excès de pouvoir et sera sanctionnée par son annulation. La demande de consignation présentée par Mme [T] et
M. [S] sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
Parties perdantes, Mme [T] et M. [S] seront condamnés aux dépens de déféré.
Il est équitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais de procédure non compris dans les dépens exposés pour cette instance de déféré.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Dans les limites du déféré nullité formé,
Prononce la nullité de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné la consignation par chacun des opposants, Mme [X] [R] épouse [E] d'une part, M. [O] [R] d'autre part, de la somme de 100 000 euros sur le compte Carpa du bâtonnier de l'ordre des avocats, soit en un seul versement soit par versements échelonnés, avant le 5 juin 2024, sous peine de radiation de l'affaire dès l'échéance fixée,
Y ajoutant,
Déboute Mme [P] [T] et M. [N] [S] de leur demande tendant à la consignation d'une somme sous peine de radiation de la procédure,
Déboute les parties du surplus des demandes,
Condamne Mme [P] [T] et M. [N] [S] aux dépens de déféré.
Le greffier, La conseillère,
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 13 NOVEMBRE 2024
SUR DÉFÉRÉ
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/03977
Cour d'appel de Rouen du 29 mars 2023
APPELANTS :
Monsieur [O] [R]
né le 29 septembre 1964 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Adresse 2] (ESPAGNE)
représenté et assisté par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la SELARL POIROT-BOURDAIN AVOCAT, avocat au barreau de Rouen
Madame [X] [R] épouse [E]
née le 24 mars 1959 à Singapour
[Adresse 2]
[Adresse 2] (ESPAGNE)
représentée et assistée par Me Edouard POIROT-BOURDAIN de la SELARL POIROT-BOURDAIN AVOCAT, avocat au barreau de Rouen
INTIMES :
Monsieur [N] [S]
né le 9 juillet 1980 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté et assisté par Me Armelle LAFONT de la SCP BRULARD - LAFONT - DESROLLES, avocat au barreau de l'Eure substituée par Me BRULARD
Madame [P] [T]
née le 20 Juillet 1982 à [Localité 3]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée et assistée par Me Armelle LAFONT de la SCP BRULARD - LAFONT - DESROLLES, avocat au barreau de l'Eure substituée par Me BRULARD
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 4 septembre 2024 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, présidente de chambre
M. Laurent MANHES, conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme CHEVALIER,
DEBATS :
A l'audience publique du 4 septembre 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 13 novembre 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 13 novembre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme DEGUETTE, conseillère et par Mme CHEVALIER, présent lors de la mise à disposition.
*
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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Suivant acte authentique du 13 mars 2015, Mme [W] [C] épouse [R], et ses enfants Mme [X] [R] épouse [E] et
M. [O] [R], ont vendu à Mme [P] [T] et à
M. [N] [S] un ensemble immobilier appelé '[Adresse 5]' et situé [Adresse 7], au prix de 180 000 euros.
Par ordonnance du 17 mai 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance d'Evreux a fait droit à la demande d'expertise présentée par Mme [T] et M. [S], alléguant l'existence d'importants désordres de structure lorsqu'ils ont réalisé des travaux de rénovation dans leur maison. Il a désigné M. [J] [G] pour réaliser cette expertise.
Mme [C] épouse [R] est décédée au cours de la mesure d'instruction.
Suivant actes d'huissier de justice du 20 mars 2019, Mme [T] et
M. [S] ont fait assigner Mme [X] [R] épouse [E] et
M. [O] [R] devant le tribunal de grande instance d'Evreux en garantie des vices cachés.
L'expert judiciaire a établi son rapport d'expertise le 4 février 2020.
Par jugement du 28 septembre 2021, le tribunal judiciaire a :
- déclaré recevable l'action de Mme [P] [T] et M. [N] [S],
- débouté M. [O] [R] et Mme [X] [R] épouse [E] de leur demande tendant à voir prononcer la nullité de l'expertise judiciaire,
- débouté Mme [P] [T] et M. [N] [S] de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné in solidum Mme [P] [T] et M. [N] [S] à payer à M.[O] [R] et Mme [X] [R] épouse [E] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mme [P] [T] et M. [N] [S] aux entiers dépens, ce inclus le coût de l'expertise judiciaire,
- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Par déclaration du 15 octobre 2021, Mme [T] et M. [S] ont formé un appel contre ce jugement.
Par arrêt rendu par défaut le 29 mars 2023, la cour d'appel de Rouen a :
- infirmé le jugement en ses dispositions soumises à la cour,
statuant à nouveau,
- prononcé la résolution de la vente du bien immobilier situé à [Adresse 7] intervenue par acte du 13 mars 2015,
- ordonné à Mme [X] [R] épouse [E] et M. [O] [R] de restituer le prix de vente de 180 000 euros à Mme [P] [T] et M. [N] [S],
- condamné Mme [X] [R] épouse [E] et M. [O] [R] à payer à Mme [P] [T] et M. [N] [S] les sommes suivantes :
. 83 877,88 euros au titre de leur préjudice matériel,
. 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,
. 10 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- rejeté le surplus de leurs demandes,
- condamné Mme [X] [R] épouse [E] et M. [O] [R] aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise judiciaire.
Par déclaration du 8 août 2023, Mme [R] épouse [E] et M. [R] ont formé opposition à l'encontre de cet arrêt.
Par ordonnance du 13 février 2024, la présidente de la mise en état à la première chambre civile a :
- rejeté la demande relative à la caducité de la déclaration d'appel du 15 octobre 2021 formée par Mme [P] [T] et M. [N] [S],
- rejeté la demande de radiation de l'affaire du rôle de la cour formée par Mme [P] [T] et M. [N] [S],
- ordonné la consignation par chacun des opposants, Mme [X] [R] épouse [E] d'une part, M. [O] [R] d'autre part, de la somme de 100 000 euros sur le compte Carpa du bâtonnier de l'ordre des avocats, soit en un seul versement soit par versements échelonnés, avant le 5 juin 2024, sous peine de radiation de l'affaire dès l'échéance fixée,
- débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- décidé que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance au fond.
Mme [R] épouse [E] et M. [R] ont saisi la cour d'appel aux fins de déféré nullité suivant requête remise au greffe le 14 février 2024.
EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Aux termes de leur requête en déféré nullité, Mme [R] épouse [E] et M. [R] demandent de voir en vertu des articles 514 à 526 du code de procédure civile dans leur version en vigueur du 1er janvier 2005 au 1er janvier 2020, 916, 539, 571 et suivants du code de procédure civile :
- juger n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 521 du code de procédure civile et à consignation des condamnations prononcées par l'arrêt du 29 mars 2023 frappé d'opposition,
- condamner in solidum M. [S] et Mme [T] à leur payer unis d'intérêts la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils font valoir que le jugement du 28 septembre 2021 n'ayant pas été assorti de l'exécution provisoire, il n'y a pas lieu à exécution de leur part d'une condamnation inexistante ; que l'opposition formée contre l'arrêt par défaut du 29 mars 2023 a pour effet, en application de l'article 539 du code de procédure civile, de suspendre l'exécution de celui-ci dans l'attente de la décision de la cour à qui il est demandé de le rétracter, que cet arrêt n'est donc pas exécutoire.
Ils en concluent que le conseiller de la mise en état ne pouvait pas faire application des dispositions de l'ancien article 521 du code précité, qui a trait aux condamnations ayant un caractère exécutoire, et ordonner la consignation de sommes à peine de radiation d'office le 5 juin 2024, que ceci constitue l'excès de pouvoir visé par l'article 916 du code précité, qu'en effet, l'ordonnance du 13 février 2024 manifestement entachée d'une erreur de droit a pour conséquence directe de les empêcher de faire rétracter un arrêt préjudiciant très gravement à leurs droits et à leurs intérêts.
Par conclusions notifiées le 26 juillet 2024, Mme [T] et M. [S] sollicitent de voir en application de l'article 521 du code de procédure civile :
- débouter les consorts [R] de l'ensemble de leurs demandes,
- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a ordonné la consignation d'une somme de 100 000 euros sous peine de radiation,
- condamner les consorts [R] à leur payer la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile concernant la procédure d'appel, outre les entiers dépens de la présente procédure.
Ils expliquent que l'article 539 du code de procédure civile qui n'a pas été modifié depuis le 1er janvier 1976 n'a plus vocation à s'appliquer dans la mesure où, par décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile, a été consacré dans la loi le principe d'exécution provisoire des décisions de justice, que dès lors le principe de l'effet suspensif des voies de recours est vidé de sa substance.
Ils en déduisent que l'arrêt du 29 mars 2023 conserve son plein effet exécutoire ; que les consorts [R], qui ont volontairement organisé leur insolvabilité en déménageant en Espagne et en fermant tous leurs comptes bancaires en France, ne l'ont pas exécuté ; que l'appel formé par ces derniers doit être radié.
MOTIFS
Sur la consignation des sommes dues
L'article 539 du code de procédure civile énonce que le délai de recours par une voie ordinaire suspend l'exécution du jugement. Le recours exercé dans le délai est également suspensif.
Selon l'article 572 alinéa 2 du même code, le jugement frappé d'opposition n'est anéanti que par le jugement qui le rétracte.
Il se déduit de ces textes que l'opposition a un effet suspensif qui dure jusqu'à ce que le jugement sur opposition éteigne l'instance.
L'article 521 alinéa 1er du même code dans sa version applicable jusqu'au 1er janvier 2020 précise que la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l'exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation.
En l'espèce, l'opposition formée par les consorts [R] contre l'arrêt rendu par défaut le 29 mars 2023 en a suspendu les effets jusqu'à ce que l'arrêt sur opposition soit rendu.
Dès lors, l'article 521 précité, qui vise l'hypothèse d'un jugement de condamnation à paiement assorti de l'exécution provisoire, ne s'applique pas contrairement à ce qui a été retenu aux termes de la décision attaquée. La disposition de l'ordonnance selon laquelle une consignation a été ordonnée à la charge de chacun des opposants sous peine de radiation de l'affaire au terme du 5 juin 2024 a pour effet d'affecter l'exercice du droit d'opposition contre un arrêt rendu par défaut dont les effets sont suspendus. Elle est entachée d'excès de pouvoir et sera sanctionnée par son annulation. La demande de consignation présentée par Mme [T] et
M. [S] sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
Parties perdantes, Mme [T] et M. [S] seront condamnés aux dépens de déféré.
Il est équitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais de procédure non compris dans les dépens exposés pour cette instance de déféré.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Dans les limites du déféré nullité formé,
Prononce la nullité de l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné la consignation par chacun des opposants, Mme [X] [R] épouse [E] d'une part, M. [O] [R] d'autre part, de la somme de 100 000 euros sur le compte Carpa du bâtonnier de l'ordre des avocats, soit en un seul versement soit par versements échelonnés, avant le 5 juin 2024, sous peine de radiation de l'affaire dès l'échéance fixée,
Y ajoutant,
Déboute Mme [P] [T] et M. [N] [S] de leur demande tendant à la consignation d'une somme sous peine de radiation de la procédure,
Déboute les parties du surplus des demandes,
Condamne Mme [P] [T] et M. [N] [S] aux dépens de déféré.
Le greffier, La conseillère,