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Décisions

CA Rouen, 1re ch. civ., 13 novembre 2024, n° 23/02620

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Époux

Défendeur :

Klener-Rika 76 (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Wittrant

Conseillers :

Mme Deguette, Mme Berthiau-Jezequel

Avocats :

Me Garcon, Me Roussel, Me Sissoui

TJ Rouen, du 12 juill. 2023, n° 21/03666

12 juillet 2023

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 30 août 2013, M. [H] [W] et Mme [J] [S], son épouse, ont signé un bon de commande auprès de la Sas Rika 76 pour l'achat et l'installation d'un spa de marque Alps Spa modèle Aspen pour un montant de 6 200 euros.

L'installation a été effectuée le 6 décembre 2013. La prestation a été facturée par la Sas Rika 76 le 4 septembre 2013 et payée le 6 décembre 2013. Se prévalant de la survenance d'une fissure, M. et Mme [W] ont contacté la Sas Rika 76 qui est intervenue le 20 septembre 2018.

Une expertise judiciaire a été ordonnée par décision du juge des référés le 1er septembre 2020. M. [M], expert désigné, a déposé son rapport le 3 juin 2021.

Par acte d'huissier de justice du 8 octobre 2021, M. et Mme [W] ont assigné la Sas Rika 76 devant le tribunal judiciaire de Rouen en réparation de leur préjudice.

Par jugement contradictoire du 12 juillet 2023, le tribunal judiciaire de Rouen a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- débouté M. et Mme [W] de toutes leurs demandes,

- condamné M. et Mme [W] aux dépens,

- rejeté les demandes de M. et Mme [W] et de la Sas Rika 76 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les demandes plus amples et contraires.

Par déclaration reçue au greffe le 26 juillet 2023, M. et Mme [W] ont formé appel du jugement.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions notifiées le 20 octobre 2023, M. [H] [W] et Mme [J] [S], son épouse, demandent à la cour, au visa des articles 1134, 1142 et

1147 et suivants anciens du code civil, de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de toutes leurs demandes et condamnés aux dépens,

en conséquence, statuant à nouveau :

- juger que la Sas Rika 76 engage sa responsabilité contractuelle,

- condamner la Sas Rika 76 à leur payer la somme de 11 190 euros en réparation de leur préjudice matériel,

- condamner la Sas Rika 76 à leur payer la somme de 43 200 euros en réparation de leur préjudice de jouissance,

- condamner la même au paiement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner encore la même aux entiers dépens de l'instance, comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire.

Rappelant les dispositions des articles 1134, 1142 et 1147 du code civil, ils soulignent que l'obligation du vendeur est une obligation de résultat ; que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la garantie contractuelle s'applique à compter de la date de livraison soit le 6 décembre 2013 et d'installation du spa et non au moment de la signature du bon de commande alors qu'ils n'ont reçu alors aucun autre document contractuel.

Rappelant les termes de la garantie contractuelle prévue concernant les défauts affectant le matériel, ils affirment qu'elle est incontestablement applicable au cas d'espèce, et précisent, s'agissant de son exécution, qu'il est expressément indiqué qu'il appartient au revendeur de procéder à la réparation du défaut.

En premier lieu, s'agissant de la garantie commerciale, telle qu'arguée par la Sas Rika 76 au titre de l'article L. 217-15 du code de la consommation, ils relèvent qu'une telle disposition est issue de l'ordonnance n°2021-1247 du 29 septembre 2021 et ne s'applique qu'aux contrats conclus à compter du 1er janvier 2022, les dispositions applicables étant celles de l'article L. 217-15 du même code issu de l'ordonnance du 17 février 2005.

En second lieu, ils affirment que la Sas Rika 76 ne peut sérieusement soutenir qu'elle ne serait pas redevable de la garantie contractuelle alors même qu'elle était revendeur agréé de la marque Alps Spa et que c'est uniquement avec elle qu'ils ont contracté, d'autant plus qu'au regard du rapport d'expertise judiciaire ils considèrent qu'ils ont acheté auprès de la Sas Rika 76 un spa qui présentait un défaut de fabrication non imputable à son utilisation.

Relevant que compte tenu de la nature irréparable des désordres, l'expert a indiqué que le remplacement du spa s'avère inévitable, ils sollicitent les sommes :

- de 11 190 euros, au titre de leur préjudice matériel, selon devis de la société Prestige Piscine & Spas du 18 mai 2018,

- et de 43 200 euros, au titre de leur préjudice de jouissance, correspondant à la période de juillet 2018 à mai 2018.

Par conclusions uniques notifiées le 22 janvier 2024, la Sas Klener-Rika 76, anciennement dénommée Rika 76 demande à la cour, au visa des articles 122 et suivants du code de procédure civile, 1149, 1625 et 1648 du code civil, L. 110-4 du code de commerce, L. 217-3, L. 217-12, L. 217-15 et L. 217-23 du code de la consommation, de :

à titre principal :

- débouter M. et Mme [W] de l'intégralité de leurs demandes,

en conséquence,

- confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement dont appel, sauf en ce qu'il a débouté la Sas Klener-Rika 76 de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,

- ramener le préjudice matériel et le préjudice de jouissance à de plus justes proportions,

- débouter M. et Mme [W] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en tout état de cause,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de la Sas Klener-Rika 76 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en conséquence, statuant à nouveau,

- condamner solidairement M. et Mme [W] à verser à la Sas Klener-Rika 76 la somme de 6 557 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

- condamner solidairement M. et Mme [W] à verser à la Sas Klener-Rika 76 la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

A titre principal, elle soutient qu'elle ne peut être tenue que de trois garanties, la garantie légale de conformité, la garantie légale des vices cachés, la garantie commerciale appelée également contractuelle garantie ; que s'agissant de la garantie commerciale et au visa de l'article L. 217-15 du code de la consommation, elle n'a consenti aucune garantie commerciale dans les termes retenus par le fabricant, la société Alps Spa ; qu'en outre, la garantie de cinq ans discutée court à compter de l'achat soit le jour de la signature du bon de commande soit entre le 30 août 2013 et le 30 août 2018 ; qu'en l'espèce, les fissures affectant le matériel ont été déclarées en septembre 2018 soit plus de cinq ans après la date d'achat.

Elle souligne encore que lorsque l'origine du désordre est exclusivement liée à un vice caché du produit, seule la garantie sur le fondement des vices cachés peut être recherchée à l'exclusion de la garantie contractuelle ; que dès lors, l'action entreprise sur le droit commun de la responsabilité contractuelle est vouée à l'échec, la demande devant être rejetée. En l'espèce, les actions fondées sur la garantie de conformité ou sur les vices cachés sont prescrites.

À titre subsidiaire, s'agissant du préjudice matériel allégué par les appelants, elle prétend que l'évaluation de ce poste devra prendre en compte la vétusté du spa, et que l'indemnisation allouée devra être estimée en fonction de la valeur d'un spa d'occasion avec une utilisation de 5 années.

S'agissant du préjudice de jouissance, rappelant que l'expert judiciaire notait dans son rapport que le préjudice de jouissance revenait à 3,33 euros par jour ou

23,33 euros par semaine, soit une somme mensuelle d'environ 100 euros, elle précise que sur la période sollicitée cela correspondrait à une somme de 3 400 euros.

La clôture de l'instruction est intervenue le 28 août 2024.

MOTIFS

Sur la nature de la garantie applicable

Il résulte de l'article 1641 du code civil que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus. L'article 1648 suivant précise que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

L'article 1648 suivant précise que l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

Dans son rapport du 3 juin 2021, l'expert judiciaire a conclu comme suit s'agissant de l'état du spa litigieux abîmé en raison de fissures de la coque :

'Je n'ai pas constaté de trace de choc sur le SPA et rien ne permet d'invoquer un défaut d'utilisation par les Demandeurs.

En revanche, le symptôme constaté est typique du « phénomène d'osmose appliqué aux coques, phénomène bien connu dans les métiers utilisant les coques... dont la cause est liée à la conception, ou à la fabrication de la coque.

Les causes techniques peuvent être dues à des produits de mauvaise qualité, à un défaut lors de la projection, lors du séchage, lors du mauvais stockage juste après la fabrication.'

Il décrit ensuite le procédé de fabrication et précisément le processus physico-chimique de l'osmose pour une parfaite compréhension des parties. La réparation du spa n'étant pas envisageable, et le vice rendant la chose impropre à sa destination, il préconise son remplacement.

Ces éléments ne sont pas contestés par les parties.

Toutefois, si l'expert judiciaire met en évidence un vice caché, M. et Mme [W] n'agissent pas sur le fondement de la garantie attachée aux vices cachés mais sur la base de la garantie contractuelle accordée par le fabricant sur le matériel durant cinq ans au visa des articles 1134, 1142 et 1147 et suivants anciens du code civil.

Le principe de non-cumul des responsabilités ne s'oppose pas à l'action fondée sur des garanties facultatives et donc supplémentaires accordées par le fabricant.

L'article L. 211-15 du code de la consommation dans sa version applicable aux faits de l'espèce disposent que la garantie commerciale offerte à l'acheteur prend la forme d'un écrit mis à la disposition de celui-ci. Cet écrit précise le contenu de la garantie, les éléments nécessaires à sa mise en 'uvre, sa durée, son étendue territoriale ainsi que le nom et l'adresse du garant. Il mentionne que, indépendamment de la garantie ainsi consentie, le vendeur reste tenu des défauts de conformité du bien au contrat et des vices rédhibitoires dans les conditions prévues aux articles 1641 à 1649 du code civil. Il reproduit intégralement et de façon apparente les articles L. 211-4, L. 211-5 et L. 211-12 du présent code ainsi que l'article 1641 et le premier alinéa de l'article 1648 du code civil. En cas de non-respect de ces dispositions, la garantie demeure valable. L'acheteur est en droit de s'en prévaloir.

En l'espèce, les garanties de la société Alps Spas prévoient que :

- 'Les cuves des spas Alps Spas sont garanties contre les défauts de matériel ou de fabrication pendant 5 ans à compter de la date d'achat d'origine. Les surfaces intérieures des spas Alps Spas sont garanties contre toute cloque, écaille fêlure ou délaminage due aux défauts de matériaux ou de fabrication pendant une période de 5 ans à compter de la date d'achat d'origine.'

- 'Afin d'obtenir le service après-vente dans le cas d'un défaut couvert par cette limite de garantie, informez votre revendeur agrée Alps Spas dans les meilleurs délais et prenez toutes les mesures pour protéger le spa contre tout dommage supplémentaire. [...] Sur présentation d'une preuve d'achat valable, un technicien désigné par le revendeur procédera à la réparation du défaut selon les termes et conditions de cette garantie limitée. [...] Si Alps Spas détermine que le défaut n'est pas réparable il se réserve le droit de proposer un spa de remplacement d'une valeur gale au prix d'origine lors de l'achat du spa.'

Pour s'opposer à la mise en 'uvre de la garantie définie par son fournisseur, la Sas Rika 76 fait valoir que :

- elle n'est pas tenue contractuellement par les engagements du fabricant, d'autant plus en l'absence d'un contrat signé en ce sens entre elle et M. et Mme [W] ;

- elle n'est tenue exclusivement que par la garantie légale des vices cachés dans les conditions susvisées ;

- dès lors, seul le fabricant peut être appelé en procédure par M. et Mme [W].

Cependant, en premier lieu, si la garantie légale des vices cachés a vocation à protéger de façon irréductible les acheteurs des défauts de la chose acquise, le fabricant peut accorder aux acquéreurs et sous-acquéreurs du bien vendu une garantie plus favorable contractuellement.

En second lieu, en sa qualité de revendeur agréé de la société Alps Spas, la Sas Klener-Rika 76 a bénéficié, lors de l'acquisition du spa auprès de son fournisseur, de garanties attachées au bien qu'elle a transmises aux sous-acquéreurs sans qu'un nouvel écrit ne soit exigé, l'intimée ne contestant pas par ailleurs les termes de la garantie contractuelle accordée par la société Alps Spas.

Ainsi, M. [W] et Mme [S] peuvent en son principe se prévaloir de la garantie contractuelle émanant du fabricant sur le spa litigieux à l'encontre de la Sas Klener-Rika 76.

Sur la mise en 'uvre de la garantie contractuelle

Pour obtenir le rejet des prétentions de M. et Mme [W], la Sas Klener-Rika 76 invoque la prescription de l'action fondée sur la garantie contractuelle du fabricant en ce qu'elle n'a pas été initiée dans le délai de cinq ans à compter de l'achat du bien le 30 août 2013.

Par application de l'article 1134 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

S'agissant d'une garantie facultative consentie par le fabricant, il convient de se référer aux termes non contestés fixés par le professionnel sans qu'il y ait lieu à interprétation.

En conséquence, le bon de commande correspondant à l'achat du spa sur accord sur la chose et le prix a été signé le 30 août 2013 et correspond au point de départ du délai d'octroi de la garantie. La première pièce relative à des défauts affectant l'équipement est la fiche intitulée formulaire pièces de rechange Alps Spas du

20 septembre 2018 établie par un technicien de la Sas Klener-Rika 76 visant des fissures importantes sur cuve et un affaissement des assises.

Si M. et Mme [W] indiquent avoir constaté des fissures le 17 juillet 2018, cette information est sans effet puisqu'elle ne repose que sur leurs dires.

C'est par une juste appréciation que le premier juge a retenu que la garantie contractuelle avait pris fin le 30 août 2018 pour rejeter les prétentions des demandeurs.

M. et Mme [W] ne peuvent soutenir utilement que le point de départ a été différé au 6 décembre 2013, soit à la date de livraison et de paiement du spa installé alors que les dispositions claires prévues par le fabricant disposent que la garantie couvre les défauts 'pendant 5 ans à compter de la date d'achat d'origine'.

A défaut de démontrer la révélation d'un défaut du matériel dans le délai de cinq ans à compter de l'achat du bien, l'ensemble des demandes de M. et Mme [W] à l'encontre de la Sas Klener-Rika 76 seront rejetées ; le jugement sera confirmé.

Sur les frais de procédure

Le premier juge a condamné M. et Mme [W] aux dépens mais rejeté les prétentions de la Sas Klener-Rika 76 au titre de l'article 700 du code de procédure civile sans que l'équité ne commande de revenir sur ces dispositions.

En cause d'appel, ils succombent à l'instance et seront condamné solidairement aux dépens.

Ils seront également condamnés solidairement à payer à la Sas Klener-Rika 76 la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, par arrêt contradictoire, mis à dispositions au greffe,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne solidairement M. [H] [W] et Mme [J] [S], son épouse, à payer à la Sas Klener-Rika 76 la somme de 2 500 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés en appel,

Condamne solidairement M. [H] [W] et Mme [J] [S], son épouse, aux dépens.