Cass. 1re civ., 17 avril 2019, n° 18-14.240
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Batut
Avocats :
SCP Hémery, Thomas-Raquin, Le Guerer, SCP Foussard et Froger
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 novembre 2017), que la société Titagarh Wagons AFR (la société TWA) a, le 28 juin 2011, fait parvenir à la société Unisteel, avec laquelle elle entretenait des relations d'affaires, une offre d'achat comportant au verso ses conditions générales et désignant le tribunal de commerce de son siège social comme juridiction compétente ; que la société Unisteel lui a envoyé, le 22 août 2011, une confirmation de commande à laquelle étaient jointes, comme à ses factures, ses conditions générales stipulant la compétence des juridictions belges ; que des difficultés s'étant élevées entre les parties, la société TWA a saisi le tribunal de commerce de Paris dont la société Unisteel a contesté la compétence ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Unisteel fait grief à l'arrêt de retenir la compétence des juridictions françaises, alors, selon le moyen :
1°/ que pour considérer comme applicable la clause attributive de juridiction insérée dans les conditions générales de vente de la société TWA, les juges du fond ont retenu qu'un document intitulé « ordre d'achat » en date du 28 juin 2011, émanant de la société TWA, renvoyait aux conditions générales de vente à l'instar d'un certain nombre d'ordres d'achat ; qu'ils ont ensuite retenu que la confirmation du 22 août 2011, émanant de la société Unisteel, visait le bon de commande émis par la société TWA le 28 juin 2011 et que la société Unisteel n'avait pas usé de la faculté d'émettre des réserves ainsi que prévue aux conditions générales de vente de la société TWA ; que toutefois, la clause attributive de juridiction insérée aux conditions générales de vente de la société TWA ne pouvait être regardée comme acceptée par la société Unisteel que pour autant que celle-ci ait exprimé la volonté, de façon claire et non équivoque, d'accepter ces conditions en tant qu'elles comportaient une clause attributive de juridiction ; qu'il était dès lors exclu que le simple silence de la société Unisteel, quelles que soient les stipulations des conditions générales de vente relatives aux réserves, puisse lier la société Unisteel quant à la clause attributive de juridiction ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 25, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215-2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (règlement Bruxelles 1 bis) ;
2°/ que l'adhésion aux conditions générales de vente, en tant qu'elles comportent une clause attributive de juridiction ne pouvant résulter que d'une volonté claire et non équivoque, les juges du fond se devaient de rechercher si l'émission par la société Unisteel, après négociations, d'une confirmation de commande renvoyant à ses propres conditions générales de vente, lesquelles attribuaient compétence aux juridictions belges, n'affectait pas d'équivoque, en toute hypothèse, le silence ou l'absence de réserve de la société Unisteel ; qu'à cet égard, l'arrêt doit être censuré pour défaut de base légale au regard de l'article 25, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215-2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (règlement Bruxelles 1 bis) ;
3°/ que dès lors qu'un avenant a été conclu en septembre 2012, signé par les deux parties, se bornant à renvoyer à la confirmation de commande du 22 août 2011, laquelle se bornait à viser les conditions générales de vente de la société Unisteel attribuant compétence aux juridictions belges, les juges du fond se devaient de rechercher si cette circonstance n'affectait d'équivoque le silence ou l'absence de réserve relevée à l'encontre de la société Unisteel ; que de ce point de vue également, faute de se prononcer, l'arrêt est entaché d'un défaut de base légale au regard de l'article 25, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1215-2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (règlement Bruxelles 1 bis) ;
4°/ qu'en application de l'article 19 de la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises, lorsque le destinataire d'une offre émet une acceptation concernant des additions, les limitations ou d'autres modifications, cette acceptation s'analyse en un rejet de l'offre et en la formulation d'une contre-offre ; qu'en s'abstenant de rechercher si au regard de ce texte, il n'était pas exclu qu'on puisse prendre en compte l'offre du 28 juin 2011, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 19 de la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises ;
Mais attendu qu'après avoir constaté que l'ordre d'achat renvoie aux conditions générales de la société TWA figurant au verso, qui prévalent sur toutes conditions générales de vente émises par le fournisseur, l'arrêt relève que les discussions entre les parties, pendant plusieurs semaines, ont abouti à certaines modifications de l'accord sur le tonnage des marchandises et le prix, sans remettre en cause les autres éléments de l'offre d'achat et, notamment, les conditions générales d'achat de la société TWA, dont la société Unisteel avait eu connaissance et qu'elle n'avait pas contestées ; qu'il ajoute que, dès lors, peu importe que l'avenant au contrat émanant de la société TWA se soit référé à la confirmation de commande du 22 août 2011 pour modifier les délais de paiement et non à l'offre d'achat du 28 juin précédent ; qu'il retient que la société Unisteel ne peut prétendre, en présence d'un conflit manifeste entre les conditions générales des deux parties, que la société TWA aurait donné son consentement à la clause attributive de compétence mentionnée sur les factures éditées par ses soins du seul fait qu'elle en aurait assuré le paiement en connaissance de cause et que l'évocation des relations antérieures est inopérante, dès lors que le processus de commande a toujours été identique ; que, par ces motifs, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a souverainement apprécié la commune intention des parties d'attribuer compétence aux juridictions françaises ; que le moyen, dont la quatrième branche est irrecevable comme nouvelle et mélangée de fait, ne peut être accueilli ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que la société Unisteel fait le même grief à l'arrêt ;
Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale, le moyen, en ses deux premières branches, ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, les appréciations par lesquelles la cour d'appel a souverainement estimé que les parties n'avaient pas entendu remettre en cause les conditions générales d'achat de la société TWA ;
Et attendu que les griefs des deux dernières branches, qui sont incompatibles avec les écritures développées devant la cour d'appel, sont irrecevables ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.