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Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. soc., 14 novembre 2024, n° 24/00114

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Autre

CA Saint-Denis de la Réunion n° 24/0011…

14 novembre 2024

AFFAIRE :N° RG 24/00114 - N° Portalis DBWB-V-B7I-GALM

Code Aff. :CJ

ARRÊT N°

ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT DENIS en date du 02 Janvier 2024, rg n° 23/00448

COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

DE [Localité 5]

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 14 NOVEMBRE 2024

APPELANTE :

S.A.S. COUTOT ROEHRIG

Prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Sibel ESEN - Me Aymeric de LAMARZELLE de la SAS ACTANCE, avocats au barreau de PARIS

INTIMÉ :

Monsieur [V] [O]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentant : Me Benjamin ECHALIER de la SELARL ALPHA CONSEILS, avocat au barreau de BORDEAUX

Clôture : 9 septembre 2024

DÉBATS : En application des dispositions des articles 786 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Septembre 2024 en audience publique, devant Corinne JACQUEMIN, présidente de chambre chargée d'instruire l'affaire, assistée de Delphine GRONDIN, greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.

Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 14 NOVEMBRE 2024 ;

Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Président : Corinne JACQUEMIN

Conseiller : Agathe ALIAMUS

Conseiller : Aurélie POLICE

Qui en ont délibéré

ARRÊT : mis à disposition des parties le 14 NOVEMBRE 2024

* *

* LA COUR :

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [V] [L] [O] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée le 27 août 2018 par la SAS Coutot-Roehrig, qui a pour principale activité la recherche d'héritiers, en qualité de Responsable du bureau de la Réunion.

Le 14 décembre 2020, les parties ont régularisé un avenant au contrat de travail sur la rémunération du salarié prévoyant l'octroi de commissions de règlement, à compter du 1er décembre 2020, et de commissions de généalogie, pour la période du 1er décembre 2020 au 1er décembre 2022.

La société a maintenu, après le mois de janvier 2023 et ce jusqu'au mois d'août 2023, le versement de la commission de généalogie.

En octobre 2023, les échanges entre les parties sur la rédaction d'un nouvel avenant concernant les commissions de généalogie n'ont pas abouti.

M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Denis 26 octobre 2023 aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail et la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes.

Par ordonnance du 2 janvier 2024, le Bureau de Conciliation et d'Orientation ( BCO) du conseil de prud'hommes de Saint-Denis a en son dispositif :

- constaté que les montants des commissions sont justifiés dans les tableaux en annexe ( cf pièce 14-1 à 14-3) ;

- ordonné à la société Coutot-Roehrig le versement des provisions sur ses commissions, puisqu'en l'espèce le salarié, M.[O] ne l'a pas perçu :

- au titre de septembre 5.603,10 euros lui revenant au titre des commissions de généalogie (19% de 29.490 euros correspondant aux commissions du pot commun dit CRI) ;

- au titre du mois d'octobre 4.853 euros ;

- au titre du mois de novembre, la somme de 7.344,45 euros ;

- condamné la société Coutot-Roehrig à payer à M. [O] la somme de 17.800 euros au titre des commissions de généalogie et 1.780 euros au titre des congés payés y afférents ;

- renvoyé l'affaire à l'audience du bureau de conciliation du 5 mars 2024 à 9 h 00.'

Par procès-verbal d'audience du 5 mars 2024, le BCO a renvoyé l'affaire en audience de mise en état du 2 avril 2024.

Par déclaration du 1er février 2024, la société Coutot-Roehrig a interjeté appel de l'ordonnance précitée.

Par conclusions communiquées par voie électronique le 12 mars 2024, l'appelante requiert de la cour de :

- la déclarer recevable et bien-fondée en son appel-nullité ;

- annuler pour excès de pouvoirs l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

o ordonné le versement des provisions sur les commissions de généalogie au titre des mois de septembre, octobre et novembre pour les montants réclamés ;

o l'a condamnée à payer à M. [O] la somme de 17.800 euros au titre des commissions de généalogie et 1.780 euros au titre des congés payés y afférents ;

- ordonner à M. [O] la restitution de la somme versée soit 19.580 euros bruts, et du bulletin de salaire remis ;

- condamner M.[O] à lui verser la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [O] aux dépens.

Par ordonnance du 3 septembre 2024, le conseiller de la mise en état a prononcé l'irrecevabilité des conclusions de M. [O], communiquées par le RPVA le 28 juin 2024, ainsi que de la communication de ses pièces et a débouté la société Coutot-Roehrig de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Les dépens ont été réservés jusqu'à l'extinction de l'instance.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux pièces de procédure susvisées ainsi qu'aux développements infra.

SUR QUOI

Sur la nullité de l'ordonnance du BCO

Le bureau de conciliation et d'orientation dispose limitativement des pouvoirs juridictionnels énumérés à l'article R. 1454-14 du code du travail.

Les décisions du bureau de conciliation et d' orientation ordonnant les mesures prévues par l'article R. 1454-14 sont provisoires et n'ont pas autorité de la chose jugée au principal. Elles ne sont pas susceptibles d'opposition et ne peuvent être frappées d'appel ou de pourvoi en cassation qu'en même temps que le jugement sur le fond.

Cependant, par dérogation à l'article R. 1454-16 du code du travail, l'appel immédiat des décisions prises par le bureau de conciliation et d' orientation est admis lorsqu'elles excédent les pouvoirs qui lui sont conférés, ce qui est le cas lorsque la décision rendue ne relève pas des pouvoirs juridictionnels du bureau de conciliation et d' orientation.

En l'espèce, l'appelante fait valoir, au soutien de son appel nullité, que l'ordonnance n'est pas motivée et que le BCO a commis des excès de pouvoir en ne respectant pas les dispositions des articles R. 1454-14 et R. 1454-15 du code du travail dès lors qu'il a été statué en présence de contestations sérieuses émises par l'employeur et que le montant total des provisions allouées excéde six mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.

Par application de l'article R. 1454-14 du code du travail, le Bureau de conciliation et d'orientation a le pouvoir d'allouer des provisions sur salaire dans les conditions fixées par ce texte : « Le bureau de conciliation et d'orientation peut, en dépit de toute exception de procédure et même si le défendeur ne comparaît pas, ordonner :

1° La délivrance, le cas échéant, sous peine d'astreinte, de certificats de travail, de bulletins de paie et de toute pièce que l'employeur est tenu légalement de délivrer ;

2° Lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable :

a) Le versement de provisions sur les salaires et accessoires du salaire ainsi que les commissions ; [...]. »

L'article R. 1454-15 du code du travail précise que : « Le montant total des provisions allouées en application du 2° de l'article R. 1454-14 est chiffré par le bureau de conciliation et d'orientation. Il ne peut excéder six mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire. »

Il est donc admis la recevabilité immédiate de l'appel contre une décision du bureau de conciliation et d'orientation lorsque le bureau statue en dehors des limites fixées par l'article R1454-14, et quel que soit le montant de la demande.

En l'espèce, il résulte de la décision rendue, qui n'est au demeurant pas motivée, que le bureau de conciliation et d'orientation a commis un excès de pouvoirs en allouant au requérant des sommes alors que des contestations sérieuses existaient sur l'existence même du droit allégué par le salarié.

Il existe en effet, comme le souligne la société Coutot-Roehrig, une incertitude sur la question de fond posée quant à la fixation des objectifs pour établir les commissions alors que concernant la tacite reconduction de la commission de généalogie, qui était limitée dans le temps, se pose le problème de l'appréciation du caractère clair et sans équivoque de la manifestation de la décision de l'employeur de faire appliquer les dispositions de l'avenant à durée déterminée conclu en 2020, et donc d'apprécier si elle a consenti à la tacite reconduction de celui-ci .

Ces points sont hors le champ des pouvoirs du BCO, alors au surplus que la somme allouée de 19.580 euros brut était supérieure aux six mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois, soit 14.077,30 euros brut.

En conséquence, il convient de déclarer l'appel nullité recevable pour excès de pouvoir, et de prononcer la nullité de l'ordonnance déférée.

Sur la demande de remboursement des sommes versées en exécution de l'ordonnance déférée

Il convient de rappeler que cet arrêt emporte de plein droit obligation pour M. [O] de restitution à la société Coutot-Roehrig des sommes versées dans le cadre de l'exécution provisoire attachée à l' ordonnance déférée et constitue le titre exécutoire ouvrant droit à cette restitution.

La demande est donc sans objet.

Sur les dépens et l'article 700 du ode de procédure civile

M. [O] est condamné aux dépens.

L'équité ne commande pas qu'une somme soit allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à ce stade de la procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Reçoit l'appel-nullité interjeté par la SAS Coutot-Roehrig ;

Annule la décision du bureau de conciliation et d' orientation du conseil de prud'hommes de Saint-Denis de la Réunion du 2 janvier 2024 ;

Déboute la société Coutot-Roehrig de sa demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Renvoie l'affaire à la mise en état du conseil des prud'hommes de [Localité 6] de la Réunion;

Le présent arrêt a été signé par Madame Corinne Jacquemin, présidente de chambre, et par Mme Delphine Grondin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière La présidente