ADLC, 29 octobre 2024, n° 24-D-09
AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE
relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du matériel électrique basse tension*
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Mme Cécile Markour et Mme Sarah Cassan, rapporteures, et l’intervention de M. Eshien Chong et M. Jean-Christophe Thiebaud, représentant le service économique, Mme Gwenaëlle Nouet, rapporteure générale adjointe, M. Stanislas Martin, rapporteur général, par Mme Fabienne Siredey-Garnier, vice-présidente, présidente de séance, Mme Valérie Bros et Mme Julie Burguburu, membres
L’Autorité de la concurrence (section II),
Vu le rapport adressé le 23 avril 2018 au procureur de la République de Paris, sur le fondement de l’article 40, alinéa 2 du code de procédure pénale ;
Vu la décision n° 21-SO-12 du 7 juillet 2021, enregistrée sous le numéro 21/0054 F, par laquelle l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office de pratiques mises en oeuvre dans le secteur du matériel électrique basse tension ;
Vu le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, et notamment son article 101 ;
Vu le livre IV du code de commerce, et notamment son article L. 420-1 ;
Vu les courriels des 10, 11, 23 et 24 janvier 2024 par lesquels les sociétés Legrand SNC, Legrand France SA, Legrand SA ; les sociétés Rexel Développement SAS et Rexel SA ; les sociétés du Groupe Sonepar et de ses filiales ; et les sociétés Schneider Electric SE, Schneider Electric Industries SAS, Schneider Electric France SAS et Sarel - Appareillage Électrique SASU ont saisi le conseiller auditeur ;
Vu l’avis du conseiller auditeur du 31 janvier 2024 ;
Vu les observations présentées par les sociétés Schneider Electric SE, Schneider Electric Industries SAS, Schneider Electric France SAS, Sarel - Appareillage Électrique SASU, Legrand SNC, Legrand SA, Legrand France SA, Rexel France SAS, Rexel Développement SAS, Rexel SA, Sonepar France Distribution SAS, Sonepar France Interservices SAS, Sonepar France SAS, Sonepar SAS et le commissaire du Gouvernement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les notes en délibéré des sociétés Rexel France SAS, Rexel Développement SAS, Schneider Electric SE, Schneider Electric Industries SAS et Schneider Electric France SAS du 21 juin 2024 ;
Les rapporteures, les représentants du service économique, la rapporteure générale adjointe, le rapporteur général, les représentants des sociétés Schneider Electric SE, Schneider Electric Industries SAS, Schneider Electric France SAS, Sarel - Appareillage Électrique SASU, Legrand SNC, Legrand SA, Legrand France SA, Rexel France SAS, Rexel Développement SAS, Rexel SA, Sonepar France Distribution SAS, Sonepar France Interservices SAS, Sonepar France SAS, Sonepar SAS et le commissaire du Gouvernement, entendus lors de la séance de l’Autorité de la concurrence des 4 et 5 juin 2024 ;
Vu le procès-verbal des délibérations tenues le 17 juillet 2024, ainsi qu’entre le 28 août 2024 et le 6 septembre 2024, par voie dématérialisée ;
Adopte la décision suivante :
Résumé1
Aux termes de la présente décision, l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») sanctionne les sociétés Schneider Electric, Legrand, Rexel et Sonepar, actives dans le secteur du matériel électrique basse tension, pour avoir pris part à des pratiques verticales de fixation du prix de revente dans le cadre du mécanisme dit de « dérogations » prévu dans les contrats-cadres annuels conclus pour la distribution des produits de Schneider Electric et Legrand.
La première entente implique Schneider Electric et ses distributeurs, Rexel et Sonepar. La seconde entente implique Legrand et Rexel.
Ces pratiques ont notamment été révélées lors d’une information judiciaire, ouverte par le procureur de la République de Paris à la suite d’un signalement du rapporteur général de l’Autorité sur le fondement de l’alinéa 2 de l’article 40 du code de procédure pénale.
Le 6 septembre 2018 des perquisitions simultanées ont eu lieu dans les locaux de plusieurs sociétés appartenant aux groupes Schneider Electric, Legrand, Rexel, Sonepar et de la Fédération des Distributeurs en Matériel Électrique, ainsi qu’aux domiciles de la présidente et du directeur financier de Sonepar.
L’exploitation des milliers de pièces recueillies lors de l’instruction a permis de parvenir aux constatations suivantes.
Le système dit « des dérogations »
Les fabricants et les distributeurs de matériel électrique basse tension concluent des contrats-cadres annuels à l’issue de négociations commerciales portant, entre autres, sur le prix d’achat standard auquel les distributeurs pourront s’approvisionner auprès des fabricants.
Les contrats-cadres annuels prévoient la possibilité pour le fabricant d’accorder au distributeur des dérogations. Une dérogation se définit comme une remise sur le prix d’achat standard, accordée par le fabricant au distributeur pour que celui-ci puisse répondre à la demande de clients qui attendent parfois des prix inférieurs aux prix d’achat standards (ci-après « tarifs dérogés »).
Ces dérogations peuvent, pour un même client final, être soit de longue durée, soit ponctuelles dans le cadre d’un projet donné. Par ailleurs, si leur octroi et leur montant sont toujours autorisés par le fournisseur, elles sont en pratique demandées :
- soit directement par le client final : dans ce cas, le fabricant négocie directement un nouveau tarif avec le client final, sans que le distributeur prenne part à la discussion. Ce dernier obtient alors un avoir venant en déduction du prix d’achat standard ;
- soit par le distributeur, lorsque celui-ci souhaite se positionner sur une affaire spécifique sans que ses prix d’achat standards le lui permettent : dans ce cas, le distributeur sollicite le fabricant pour obtenir une dérogation en vue d’offrir à son client des prix compétitifs. Le distributeur communique au fabricant des informations sur l’affaire pour laquelle il souhaite obtenir une dérogation, pouvant comporter le prix de revente des produits au client final et/ou la marge qu’il souhaite obtenir sur la revente de ces produits. Le fabricant peut contacter le client final, afin de vérifier les informations communiquées par le distributeur et décider de l’opportunité d’octroyer ou non une dérogation, voire, s’il estime que les prix de revente sont trop bas, reprendre en direct les relations avec le client du distributeur.
Un système support d’une entente verticale sur les prix de revente
En l’espèce, l’Autorité a constaté que le mécanisme des dérogations n’était pas illicite dans son principe dans la mesure, notamment, où aucune disposition contractuelle n’interdisait à Rexel et Sonepar de pratiquer des prix inférieurs aux tarifs dérogés.
En revanche, l’instruction a permis d’établir que la mise en oeuvre des dérogations a pu concrètement se traduire par une entente verticale sur les prix.
S’agissant de l’entente objet du premier grief, l’Autorité a constaté que plusieurs comptes rendus de réunions internes et bilatérales rédigés par les mises en cause établissaient directement, d’une part, la volonté de Schneider Electric de mettre en oeuvre un système de prix fixes, d’autre part l’adhésion de Rexel et Sonepar à un tel système. Cette conclusion est en outre, en tout état de cause, amplement corroborée par l’ensemble des éléments du dossier.
S’agissant de l’entente objet du second grief, l’Autorité a également constaté l’existence de preuves directes et d’un faisceau d’indices précis, graves et concordants établissant la participation de Legrand et Rexel à un système de prix fixes. En revanche, aucune preuve directe ni aucun faisceau d’indices suffisamment précis, graves et concordants, n’a permis d’établir l’adhésion de Sonepar à une entente verticale dans le cadre des dérogations mises en oeuvre par Legrand.
S’agissant de la qualification des pratiques, l’Autorité a relevé, s’agissant de chacune de ces ententes, que la fixation par le fournisseur des prix de vente accordés par le distributeur au client final a constamment été qualifiée de restriction de concurrence par objet.
Cette analyse s’impose d’autant plus en l’espèce qu’il ressort de nombreux documents que le système de dérogations avait pour finalité de maintenir des prix standards élevés en France en limitant, notamment, la concurrence intra-marque. En conférant, dans ce contexte, aux prix dérogés un caractère fixe, les parties mises en cause ont limité de plus fort la concurrence intra-marque entre les distributeurs, au détriment des clients finals.
Les sanctions
Rappelant que les pratiques d’entente verticale sur les prix sont considérées de manière constante comme une des pratiques anticoncurrentielles les plus graves et prenant notamment en considération la connaissance, par les entreprises mises en cause, du caractère anticoncurrentiel de leurs agissements, l’Autorité inflige, au titre des deux ententes susmentionnées, des sanctions d’un montant total de 470 000 000 euros, qui se répartissent comme suit :
I. Constatations
A. PROCEDURE
1. Le 5 avril 2018, un article publié dans le quotidien Mediapart dénonçait l’existence d’un mécanisme de « prix dérogés », permettant aux deux principaux fabricants de matériel électrique, Schneider Electric et Legrand, de contrôler les prix facturés aux clients finals par leurs deux principaux distributeurs, Sonepar et Rexel, en France2. Deux témoignages anonymes recueillis par les services d’instruction de l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») ont évoqué l’existence d’un tel système, ainsi que d’autres infractions relevant du droit pénal. Des documents internes aux entreprises Schneider Electric, Legrand et Sonepar, transmis par l’Agence française anticorruption (ci-après « l’AFA »), ont également corroboré l’existence du système des prix dérogés ainsi que de pratiques pouvant relever du droit pénal. Compte tenu de ces différents éléments, le rapporteur général de l’Autorité (ci-après « le rapporteur général ») a adressé, le 23 avril 2018, au procureur de la République de Paris un rapport rédigé sur le fondement de l’article 40, alinéa 2 du code de procédure pénale3.
2. Une information judiciaire a été ouverte contre X notamment des chefs d’« ententes illicites » et la juge d’instruction désignée à cette fin a délivré aux rapporteurs habilités, en vertu de l’article L. 450-1 II bis du code de commerce, deux commissions rogatoires les 13 juin et 1er août 20184.
3. En exécution de ces commissions rogatoires, les gendarmes de la section de recherches de la gendarmerie de Paris (ci-après « SR de Paris ») et les agents de l’Autorité, requis dans les formes légales, ont procédé le 6 septembre 2018 à des perquisitions simultanées dans les locaux de plusieurs sociétés appartenant aux groupes Schneider Electric, Legrand, Rexel, Sonepar et de la Fédération des Distributeurs de Matériel Électrique, ainsi qu’aux domiciles de la présidente et du directeur financier de Sonepar SAS. Toujours en exécution de ces commissions rogatoires, ainsi que d’une commission rogatoire du 17 février 20215, les agents de l’Autorité ont procédé à l’exploitation des scellés papier et numériques saisis lors des perquisitions ou constitués de documents fournis par Schneider Electric, Legrand, Rexel et Sonepar en réponse à différentes réquisitions et ont assisté les gendarmes de la SR de Paris lors des auditions.
4. Les commissions rogatoires ont été closes et restituées le 6 juillet 2021 avec l’ensemble des pièces afférentes6.
5. Par décision n° 21-SO-12 du 7 juillet 20217, l’Autorité s’est saisie d’office de pratiques mises en oeuvre dans le secteur du matériel électrique basse tension et a demandé au juge d’instruction la communication des pièces de ce dossier ayant un lien direct avec les faits dont elle s’est saisie. Le 17 septembre 2021, la juge d’instruction a transmis à l’Autorité les pièces du dossier pénal ayant un lien direct avec les faits dont l’Autorité s’est saisie et l’a autorisée à prendre copie des scellés en lien direct avec sa saisine.
6. Le 4 juillet 2022, une notification de griefs a été adressée aux sociétés Schneider Electric France SAS, Sarel – Appareillage électrique SASU, Schneider Electric Industries SAS, Schneider Electric SE (ensemble ci-après « Schneider Electric »), Legrand SNC, Legrand France SA, Legrand SA (ensemble ci-après « Legrand »), Sonepar France Distribution SAS, Sonepar France Interservices SAS, Sonepar France SAS, Sonepar SAS (ensemble ci-après « Sonepar »), Rexel France SAS, Rexel Développement SAS et Rexel SA (ensemble ci-après « Rexel »)8.
7. Le rapport a été notifié aux sociétés précitées le 26 octobre 20239.
8. L’affaire a été examinée lors de la séance de l’Autorité des 4 et 5 juin 2024.
B. LE SECTEUR CONCERNE
1. LES PRODUITS CONCERNES
9. Le réseau électrique français se compose de trois niveaux de tension principaux :
- la haute tension B (HTB), supérieure à 50 000 volts en courant alternatif ou 75 000 volts en courant continu, utilisée notamment par les énergéticiens chargés du réseau de transport d’électricité, les industries électro-intensives, ou encore pour le réseau ferroviaire ;
- la haute tension A (HTA, aussi appelée moyenne tension), comprise entre 1 000 et 50 000 volts en courant alternatif ou entre 1 500 et 75 000 volts en courant continu, utilisée pour la distribution d’électricité, le secteur de la construction et une partie des industries intensives en électricité ;
- la basse tension, inférieure à 1 000 volts en courant alternatif ou 1 500 volts en courant continu, qui correspond à l’électricité consommée par le grand public, l’essentiel des entreprises du tertiaire et une partie des industries peu intensives en électricité10.
10. Dans sa décision Schneider/Legrand du 10 octobre 2001, la Commission européenne (ci-après « la Commission ») a défini le secteur du matériel électrique basse tension comme regroupant « les équipements situés dans les bâtiments industriels, tertiaires ou résidentiels en aval de leur branchement au réseau de distribution électrique moyenne tension. Il comprend l’ensemble des équipements nécessaires à la distribution et au raccordement de l’électricité dans le bâtiment (comme les tableaux de distribution, les canalisations et boîtiers de dérivations de câbles, les prises de courant ou les interrupteurs), des composants de communication et de contrôle (pour la climatisation, l’éclairage, etc.) et des équipements relatifs à certaines applications dans le bâtiment, comme les systèmes de sécurité et de protection contre l’incendie ou l’intrusion »11.
2. LA REGLEMENTATION ET LES NORMES DE SECURITE
a) La règlementation européenne
11. La Directive 2014/35/UE du 26 février 2014 du Parlement européen et du Conseil relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché du matériel électrique destiné à être employé dans certaines limites de tension (ci-après « Directive Basse Tension »)12 a pour objectif de garantir que le matériel électrique se trouvant sur le marché satisfait aux exigences garantissant un niveau élevé de protection de la santé et de la sécurité des personnes et des biens, tout en assurant le bon fonctionnement du marché intérieur.
12. La Directive Basse Tension dispose ainsi que la mise sur le marché d’un équipement électrique n’est possible que si celui-ci, « construit conformément aux règles de l’art en matière de sécurité en vigueur dans l’Union, [...] ne compromet pas, lorsqu’il est correctement installé et entretenu et utilisé conformément à sa destination, la santé et la sécurité des personnes et des animaux domestiques ainsi que des biens »13.
13. Aux termes de cette directive, il appartient aux fabricants de s’assurer que les produits qu’ils mettent sur le marché sont conformes à ces objectifs de sécurité, ainsi que d’établir la documentation technique et de mettre en oeuvre ou de faire mettre en oeuvre la procédure d’évaluation de conformité14. En outre, le fabricant doit notamment apposer le marquage CE sur chaque matériel qui répond aux objectifs de sécurité pour attester de sa conformité15. Les distributeurs doivent, quant à eux, s’assurer que les produits qu’ils distribuent portent le marquage CE et remplissent les objectifs de sécurité mentionnés ci-avant16.
b) Les normes françaises
14. En France, la norme NF C 15-100 est la norme de référence partagée par l’ensemble des acteurs de la filière électrique. Elle s’applique aux logements individuels ou collectifs, aux bâtiments à usage commercial, ainsi qu’à de nombreux autres établissements (industriels, ou agricoles notamment)17. À la fin de chaque chantier, un organisme de contrôle indépendant vérifie que l’installation est conforme à la règlementation en vigueur18.
15. En outre, la marque NF est une marque de certification volontaire qui peut être utilisée par les fabricants pour attester de la conformité d’un produit aux normes internationales, européennes et nationales applicables. Elle est délivrée par un organisme indépendant19.
3. LES ACTEURS DU SECTEUR
16. Six types d’acteurs peuvent intervenir dans le secteur du matériel électrique basse tension20 :
- les fabricants de matériel électrique (tels que Schneider Electric, Legrand, ABB, Siemens et Hager) sont les groupes industriels qui mettent au point et produisent les équipements électriques ;
- les grossistes ou distributeurs (tels que Rexel, Sonepar, Yesss Electrique et de nombreux autres petits acteurs locaux) sont les distributeurs de proximité qui offrent toute la gamme de matériel nécessaire aux installateurs ou aux tableautiers (voir ci-dessous) pour réaliser une installation électrique. Ils achètent directement aux fabricants le matériel électrique qu’ils revendent à leurs clients, et assurent également la logistique, le conseil, la disponibilité de l’ensemble des références ou encore des délais courts de livraison ;
- les tableautiers (tels que Comeca, B2EI et ITEC) sont les professionnels qui assemblent les différents éléments d’un tableau de distribution électrique dans un bâtiment. Ils assurent en pratique quatre fonctions : (i) l’élaboration d’un tableau adapté aux besoins spécifiques de chaque affaire, (ii) l’approvisionnement et l’assemblage des parties constitutives du tableau, (iii) le câblage du tableau et (iv) la vérification du bon fonctionnement de l’ensemble ;
- les installateurs (acteurs de taille variable) sont les professionnels qui assurent l’installation des matériels électriques chez les consommateurs finals. Ils choisissent l’ensemble de la gamme et la marque des matériels, à l’exception de certains composants qui peuvent être sélectionnés par le maître d’oeuvre ou par le tableautier ;
- les maîtres d’oeuvre sont les architectes, les bureaux d’études, les sociétés de BTP ou encore les promoteurs immobiliers responsables des projets (généralement de taille importante) où seront installés les matériels électriques ;
- les consommateurs finals sont les personnes ou les entreprises propriétaires du bâtiment où le matériel électrique sera installé.
17. Les clients des distributeurs (essentiellement des professionnels, tableautiers, installateurs, maîtres d’oeuvre) seront ci-après désignés « clients finals ».
4. LE FONCTIONNEMENT DU SECTEUR
18. La demande émane du consommateur final, qui confie la réalisation de l’installation électrique, soit à un installateur, soit, pour les projets de taille importante, à un maître d’oeuvre. Une fois le schéma de l’installation électrique défini, le matériel électrique est généralement choisi, acheté et posé par un installateur, qui s’approvisionne le plus souvent auprès d’un distributeur, lui-même approvisionné en produits par différents fabricants, tels que Schneider Electric et Legrand21.
19. Quand l’installation comprend des tableaux de distribution, ceux-ci doivent être spécifiquement adaptés aux besoins du client. Comme précisé ci-avant, les tableaux terminaux sont montés par l’installateur alors que les tableaux généraux et les tableaux divisionnaires sont conçus par les tableautiers22.
20. Il résulte de ce qui précède que les installateurs, et dans une moindre mesure les tableautiers et les maîtres d’oeuvre, jouent un rôle prépondérant dans le choix du matériel électrique. Les fabricants se concurrencent donc pour réussir à placer leurs produits auprès d’eux23.
C. LES ENTITES CONCERNEES
21. Les entités en cause sont, d’une part, les deux plus importants fabricants de matériel électrique, Schneider Electric (1) et Legrand (2) et, d’autre part, les deux principaux distributeurs de matériel électrique, Sonepar (3) et Rexel (4), au niveau français.
1. SCHNEIDER ELECTRIC
22. Le groupe Schneider Electric est un spécialiste mondial de l’énergie et des infrastructures, des processus industriels, des automatismes du bâtiment et des centres de données réseaux24 et se place en première position sur le marché français25.
23. Dans le domaine de l’énergie, il fournit26 :
- des équipements et des systèmes moyenne tension ;
- des équipements et systèmes basse tension, utilisés dans les bâtiments industriels, commerciaux ou résidentiels en aval du raccordement à l’alimentation électrique moyenne tension.
24. Le groupe est implanté dans plus de 115 pays et a réalisé, en 2021, un chiffre d’affaires mondial de 28,9 milliards d’euros27.
25. La société Schneider Electric SE est la société mère du groupe Schneider Electric. Elle détient 100 % de la société Schneider Electric Industries SAS, qui détient elle-même une série d’autres sociétés opérationnelles du groupe dont Schneider Electric France SAS et Sarel – Appareillage Électrique SASU28.
26. Schneider Electric France SAS exerce une activité industrielle dans les domaines électrique et électronique qui comprend notamment la distribution électrique, le contrôle industriel, les automatismes, la construction industrielle et toutes opérations relatives à la production et aux applications de l’énergie sous toutes ses formes, y compris l’exploitation de toutes industries s’y rattachant. Sarel – Appareillage Électrique SASU exerce une activité industrielle et, en particulier, fabrique et vend des appareils et matériels électriques ainsi que des objets en matière plastique29.
27. S’agissant du secteur de la distribution d’équipements et systèmes basse tension, Schneider Electric déclare commercialiser l’essentiel des produits qu’elle fabrique par l’intermédiaire d’un réseau de distributeurs ([70-90] % de ses ventes en 2021). Ses distributeurs ne sont soumis à aucun engagement d’exclusivité et commercialisent généralement des produits concurrents30.
2. LEGRAND
28. Le groupe Legrand propose des produits et solutions destinés au secteur de la basse tension pour les segments tertiaire, industriel et résidentiel et se place en deuxième position sur le marché français31.
29. En France, les activités du groupe Legrand s’articulent autour de trois pôles32 :
- la production de matériel électrique (prises électriques, blocs de sécurité, composants d’installation, UPS33, etc.) ;
- l’équipement des salles informatiques (« data centers ») ; et
- la production de solutions pour la qualité de l’énergie.
30. Le matériel électrique basse tension produit par Legrand est commercialisé via deux canaux de vente distincts : la vente à destination de clients professionnels et la vente à destination du grand public. Dans le premier cas, Legrand vend la grande majorité de ses produits par l’intermédiaire de distributeurs tels que Rexel et Sonepar et opte pour la vente en direct uniquement lorsque les singularités du produit ou les spécificités du marché le justifient ([Confidentiel] % des ventes à destination des professionnels sont des ventes directes). Dans le second cas, Legrand distribue ses produits exclusivement par l’intermédiaire de distributeurs spécialisés, de plateformes intégrées ou de pure players34.
31. Le groupe Legrand est implanté dans près de 90 pays et a réalisé en 2021 un chiffre d'affaires mondial de 6,9 milliards d'euros35.
32. Le groupe Legrand comprend environ 224 filiales. À la tête du groupe se trouve la société Legrand SA36, qui détient [Confidentiel] % de la société Legrand France SA, laquelle détient [Confidentiel] % de la société Legrand SNC37.
3. SONEPAR
33. Le groupe Sonepar est l’un des principaux acteurs de la distribution aux professionnels de matériel électrique au niveau mondial et se place en deuxième position sur le marché français de la distribution de matériel électrique38.
34. Le groupe a réalisé un chiffre d’affaires mondial de 26,4 milliards d’euros en 202139. Il s’appuie sur un réseau de 150 centres de distribution et 2 740 agences implantés dans 42 pays40.
35. Ses principaux types de clients sont41 :
- les entreprises du bâtiment (artisans électriciens, climaticiens, sociétés de construction, installateurs spécialistes, etc.) ;
- les acteurs industriels (installateurs industriels, sociétés d’ingénierie, etc.) ; et
- des opérateurs d’énergie et infrastructures (entreprises de service public, collectivités locales, entreprises de travaux publics, etc.).
36. En France, le groupe Sonepar se structurait jusqu’en juin 2022 autour de plusieurs entités juridiques, toutes contrôlées à plus de [Confidentiel] % par la société Sonepar France SAS, elle-même détenue à [Confidentiel] % par la société Sonepar SAS (société mère du groupe)42.
37. Le groupe exerce son activité en France via huit enseignes, six plateformes logistiques et 490 agences. Ces enseignes regroupent notamment43 :
- des réseaux d’agences dits « généralistes » qui commercialisent tous les types de produits électriques et d’installation offerts par le groupe Sonepar, regroupés sous quatre enseignes : Sonepar Connect ; CGED ; Bianchi et AED. L’ensemble de ces enseignes ont été absorbées par la société Sonepar France Distribution SAS en juin 202244 ;
- des réseaux d’agences dits « spécialistes », spécialisés dans la distribution d’une catégorie spécifique de produits. En France, Sonepar dispose de trois enseignes spécialistes : 3C Clim (distribution de produits de génie climatique), CCF (distribution de produits de communication et de sécurité) et Aldiance (distribution de matériels techniques, tels que des produits de robotique ou d’automatisation).
38. Historiquement, Sonepar négociait ses achats de matériels électriques auprès des fournisseurs au niveau de chacune des filiales opérationnelles, voire de chaque agence. Depuis 2018, date de la création de Sonepar France Distribution SAS, qui agit comme centrale d’achat, les négociations avec les fournisseurs sont plus centralisées45.
4. REXEL
39. Le groupe Rexel figure parmi les principaux acteurs de la distribution de matériel électrique basse tension et courants faibles au niveau mondial et se place en première position sur le marché de la distribution de matériel électrique français46.
40. Il est présent dans 24 pays (essentiellement en Europe et en Amérique du Nord), possède un réseau de 1 966 agences47 et a réalisé un chiffre d’affaires mondial de 14,7 milliards d’euros en 202148.
41. L’offre du groupe Rexel est destinée aux professionnels et se répartit en huit familles de produits : (i) les équipements d’installation électrique, (ii) les conduits et câbles, (iii) l’éclairage, (iv) la sécurité et la communication, (v) le génie climatique, (vi) l’outillage, (vii) les énergies renouvelables et gestion de l’énergie et (viii) les produits blancs et bruns49.
42. Rexel associe à la fourniture de ces produits des prestations complémentaires, telles que des formations, des services de conception d’installations électriques, des supports logistiques, des calculs d’efficacité énergétique ou encore des offres de financement.
43. Rexel distribue des matériels électriques basse tension pour des projets de construction, de rénovation et de maintenance sur les marchés résidentiel, industriel et tertiaire50.
44. La société Rexel SA, holding du groupe, détient 100 % de la société Rexel Développement SAS qui réalise des prestations de services (direction et gestion, planification stratégique, financement, systèmes informatiques, télécommunications, ressources humaines, juridique) auprès des sociétés du groupe Rexel. La société Rexel Développement SAS détient directement ou indirectement les participations opérationnelles du groupe Rexel. Depuis 201151, elle détient notamment 100 % de la société Rexel France SAS qui a pour activité la distribution de matériels électriques et services associés pour le monde de l’énergie auprès de clients professionnels52.
D. LES PRATIQUES CONSTATEES
1. PRESENTATION GENERALE DU SYSTEME DE DEROGATIONS MIS EN OEUVRE PAR SCHNEIDER ELECTRIC ET LEGRAND
a) Définition et fonctionnement des dérogations
45. Les fabricants et les distributeurs de matériel électrique basse tension concluent des contrats-cadres annuels à l’issue de négociations commerciales portant, entre autres, sur le prix d’achat auquel les distributeurs pourront s’approvisionner auprès des fabricants (ci-après « prix d’achat standard »).
46. Les contrats-cadres annuels prévoient la possibilité pour le fabricant d’accorder au distributeur des dérogations. Une dérogation se définit comme une remise sur le prix d’achat standard, concédée par le fabricant au distributeur pour que celui-ci puisse répondre à la demande de clients qui attendent parfois des prix inférieurs aux prix d’achat standards des distributeurs (ci-après « tarifs dérogés »). Ces dérogations sont dénommées « remises pour affaires exceptionnelles » par Legrand53 et « réductions de prix dérogatoires », « conditions d’achat exceptionnelles », « ajustements de prix » ou « AJP » par Schneider Electric54.
47. Il existe plusieurs catégories de dérogations, les principales étant les suivantes :
- les dérogations permanentes, qui sont consenties de manière récurrente pour certains clients pour une durée donnée ne correspondant pas à celle d’un projet particulier ;
- les dérogations affaires ou chantiers, qui sont consenties ponctuellement au distributeur pour une durée limitée, correspondant à un projet donné.
48. Les dérogations peuvent, en outre, être accordées :
- soit dans le cadre d’une affaire apportée par le fournisseur au distributeur (ci-après « dérogation à l’initiative du client final »). Dans ce cas, le fabricant négocie directement avec le client final le prix d’achat auquel celui-ci pourra s’approvisionner auprès du distributeur, sans que le distributeur prenne part à la discussion. Ce prix d’achat négocié entre le client final et le fournisseur peut être inférieur au prix d’achat standard du distributeur. Pour que le distributeur puisse vendre les produits au prix convenu tout en réalisant une marge positive, le fabricant lui accorde une dérogation ;
- soit dans le cadre d’une affaire apportée par le distributeur au fournisseur (ci-après « dérogation à l’initiative du distributeur »). Dans ce cas, le distributeur qui souhaite se positionner sur une affaire spécifique, sans que ses prix d’achat standards le lui permettent, sollicite le fabricant pour obtenir une dérogation en vue d’offrir à son client des prix compétitifs. Le distributeur communique au fabricant des informations sur l’affaire pour laquelle il souhaite obtenir une dérogation, pouvant comporter le prix de revente des produits au client final et/ou la marge qu’il souhaite obtenir sur la revente de ces produits. Le fabricant peut contacter le client final, afin de vérifier les informations communiquées par le distributeur et décider de l’opportunité d’octroyer ou non une dérogation pour l’affaire en question (voir ci-après, les paragraphes 54 et suivants), voire reprendre en direct les relations avec le client du distributeur s’il estime que ses prix sont trop bas (voir ci-après, le paragraphe 56).
49. Comme détaillé ci-après, Schneider Electric et Legrand conservent toutefois toujours le dernier mot sur l’octroi et le montant des dérogations accordées et in fine sur la marge des distributeurs.
50. Schneider Electric a été le premier fabricant à proposer des dérogations dans les années 9055 et à y avoir recours massivement, son chiffre d’affaires dérogé représentant 50 à 60 % de ses ventes dès 199956. Legrand a ensuite mis en place les dérogations dans les années 200057. Si, à l’origine, les dérogations n’étaient proposées que dans le cadre des grands projets pour lesquels le rôle de prescripteur du fabricant était important58, le nombre de dérogations a rapidement cru, jusqu’à atteindre, comme en attestent, notamment, les extraits mentionnés dans le tableau ci-dessous une proportion significative du chiffre d’affaires de Schneider Electric, Legrand, Rexel et Sonepar.
51. Les données communiquées par les parties attestent de l’importance des dérogations dans les chiffres d’affaires totaux respectifs de Schneider Electric et Legrand avec Rexel et Sonepar :
52. Il convient, enfin, de préciser que le mécanisme des dérogations est utilisé par Schneider Electric et Legrand dans leurs relations commerciales avec de nombreux distributeurs, et non seulement avec Rexel et Sonepar69.
b) Un système mis en oeuvre par les fournisseurs de façon à contrôler les prix de revente de leurs distributeurs
53. Les éléments du dossier attestent que les fournisseurs ont utilisé le système de dérogations pour contrôler le prix de revente au client final, ce qui était accepté par les distributeurs, qui voyaient dans ce système un moyen de garantir leur marge.
54. S’agissant de Schneider Electric, par exemple, une présentation interne du 24 octobre 2014, intitulée « Défendre le prix », invite les commerciaux de Schneider à recontacter le client du distributeur, lorsqu’un distributeur demande une dérogation de prix pour une affaire. L’objectif est de faire comprendre au distributeur que Schneider est la « gardienne des clés » en termes de tarifs et que son rôle est d’éviter « des dérives de prix » (voir le paragraphe 87 ci-après)70.
55. S’agissant de Legrand, une présentation interne intitulée « Maîtrise des rabais » du 9 décembre 2011 indique que la force de vente de Legrand déployée sur le terrain doit contacter les clients finaux et « vérifier les infos soi-même » 71 pour obtenir des informations sur le contexte de la vente en cas de demande de dérogation de la part du distributeur. Ce même document invite les commerciaux de Legrand à une « vigilance accrue sur les demandes des distributeurs [qui] ont des consignes pour consulter le fabricant à partir d’un montant mini de consultation ou de commandes »72.
56. Il ressort également du dossier que les visites de commerciaux de Legrand chez les distributeurs ont pour but d’obtenir des informations chiffrées sur leurs ventes aux clients finals et de reprendre en direct les relations avec ces derniers si leurs prix sont trop bas. Ainsi, en réponse à un compte rendu d’une visite de ses commerciaux chez Rexel, le directeur général de Legrand indique qu’il serait opportun que Legrand discute directement avec un client de Rexel « pour essayer de les faire rentrer dans le rang en terme de prix »73.
57. S’agissant de Sonepar, une note du 12 octobre 2017 de l’ancienne secrétaire générale de Sonepar, alors prestataire de services pour Sonepar, indique que la dérogation est « un moyen pour le fournisseur de contrôler les prix de vente du distributeur » et « permet à Sonepar de garantir sa marge »74.
58. Enfin, s’agissant de Rexel, un document interne d’avril 2003 souligne « tout l'intérêt partagé par les fournisseurs et nous de travailler sur des tarifs élevés qui nous protègent »75.
59. Comme il sera détaillé ci-après, aux paragraphes 168 et suivants, l’ensemble des parties avaient conscience du risque d’illégalité de leurs pratiques, ce système, tel que mis en oeuvre, étant susceptible de s’analyser comme une entente verticale sur les prix au regard du contrôle opéré par le fournisseur sur le prix de revente final.
c) Un système utilisé par les fournisseurs afin de maintenir des tarifs élevés
60. Si les dérogations apparaissent prima facie comme des mécanismes de réduction de prix, les éléments du dossier attestent qu’elles ont en réalité été mises en oeuvre par Schneider Electric et Legrand dans l’objectif de maintenir un niveau de prix élevé en France. Des documents saisis dans les locaux de Schneider Electric, Rexel et Sonepar indiquent en outre que les prix de vente de matériel électrique en France seraient supérieurs à ceux pratiqués dans les autres pays européens.
61. Lors des négociations engagées entre fournisseurs et distributeurs pour aménager le système des dérogations, plusieurs documents internes font état de risque de diminution des prix et d’une guerre des prix entre distributeurs.
62. Par exemple, une présentation de Schneider Electric du 7 juin 2017 sur son projet de nouvelle politique commerciale, qui consiste à réduire la part des tarifs dérogés dans son chiffre d’affaires, mentionne : « Nouvelle Politique Commerciale (PolCo) […] Les prix français tendront vers la moyenne des prix européens Cependant, New PolCo peut accélérer la réduction des prix d'environ 3 % par an (12 M €) »89 (soulignement ajouté).
63. En outre, en 2014, Legrand a formulé des inquiétudes similaires lors de ses discussions avec Rexel sur le projet « Thomas » (voir ci-après paragraphes 241 et suivants) et associe sa perte de maîtrise des prix proposés aux clients finals à une baisse des prix pour les produits Legrand : « même si nous n'acceptons que pour les petites dérog, nous commencerons à perdre la main en aval et comme seul le réseau de vente LEGRAND est capable de tenir les niveaux de prix LEGRAND, les prix baisseront de plus belle. / Et la distribution sera maître d'une partie de nos offres et voudra, bien sûr, toujours aller plus loin »90 (soulignement ajouté).
64. De manière similaire, une présentation de Rexel de 2017 identifie une « baisse des prix nets permanents » et un « risque de déflation », comme une conséquence négative de la sortie des prix dérogés91.
2. LA MISE EN OEUVRE DU SYSTEME DE DEROGATIONS PAR SCHNEIDER ELECTRIC ET LEGRAND AVEC REXEL ET SONEPAR
a) Les relations entre Schneider Electric et ses distributeurs
65. Si les dispositions contractuelles encadrant les dérogations octroyées par Schneider Electric ne privent pas directement les distributeurs de leur autonomie tarifaire, elles encadrent toutefois fortement cette dernière (i). En tout état de cause, les éléments du dossier attestent, d’une part de la volonté de Schneider Electric de conférer un caractère fixe aux prix dérogés négociés par elle (ii), d’autre part que Rexel (iii) et Sonepar (iv) ont appliqué cette politique en toute connaissance de cause.
i. Les dispositions contractuelles encadrant les dérogations octroyées par Schneider Electric
66. Les dérogations octroyées par Schneider Electric sont encadrées, d’une part, par des clauses incluses dans les contrats annuels conclus entre Schneider Electric et ses distributeurs, d’autre part, par des lettres de confirmation matérialisant leur octroi et envoyées, selon le cas, aux distributeurs ou aux clients finals.
67. Les clauses prévoyant les dérogations dans les contrats conclus entre Schneider Electric et ses distributeurs sont formulées, par exemple, de la manière suivante dans le contrat annuel conclu avec Rexel pour l’année 2015 :
« A la demande d’un Client du DISTRIBUTEUR, le FOURNISSEUR pourra consentir au DISTRIBUTEUR des réductions de prix concernant des affaires spécifiques ou exceptionnelles qui sont par exemple des opérations de grande envergure ou d’une importance particulière, notamment en termes de volume »92.
ou de la manière suivante dans le contrat conclu avec Rexel pour l’année 2019 :
« [Confidentiel] »93. Par ailleurs, pour chaque dérogation, Schneider Electric envoie une lettre de confirmation ou de « Notification d’Affaire Exceptionnelle » au distributeur (qui doit l’accepter94) et au client final lorsque la dérogation est à son initiative.
68. À titre d’exemple, lorsqu’elles sont envoyées à un distributeur, ces notifications d’affaires exceptionnelles sont rédigées comme suit :
« Pour faire suite à votre demande relative à l’affaire citée en référence, nous vous confirmons notre accord pour vous octroyer les conditions exceptionnelles suivantes vous permettant de donner suite à votre devis mentionné ci-dessous […] (soulignement ajouté) :
[…] Nous pourrons être amenés à vous demander les justificatifs des bons de commande, ou de facture, de cette affaire et avons bien noté votre acceptation à nous les fournir le cas échéant dans un délai raisonnable. L’acceptation de cet engagement vaut acceptation d’éventuels contrôles dans le cadre des procédures d’audit AJP. Cette dérogation exceptionnelle est conditionnée au fait que vous ayez reçu la commande correspondante de votre client au plus tard avant l’échéance du délai de validité de la présente offre »95.
69. Dans cet exemple, l’offre précise ainsi la remise accordée au distributeur sur son prix d’achat standard (i.e. [30-50] %), le prix de vente au client final (« Tdv » correspondant à un « Montant » dans la colonne « Rappel de votre devis client ») et rappelle qu’un contrôle pourra être opéré par Schneider Electric pour vérifier la réalité et les conditions de la vente (« Nous pourrons être amenés à vous demander les justificatifs des bons de commande, ou de facture, de cette affaire »). Conformément au contrat qui lie Schneider Electric à chacun de ses distributeurs, cette offre doit être formellement acceptée par le distributeur pour être valable.
70. Lorsque ces notifications d’affaires exceptionnelles sont envoyées à un client final, elles sont rédigées comme suit :
« Pour faire suite à votre demande relative à l’affaire citée en référence, nous vous confirmons ci-après les conditions exceptionnelles suivantes […]
Les conditions de la présente offre sont établies pour une commande qui nous serait adressée directement et n’engagent de ce fait que notre Société
Nous vous conseillons cependant d’approvisionner les matériels inclus dans notre offre auprès d’un de nos Distributeurs de votre choix. […] Nous informerons ce Distributeur des conditions tarifaires que nous avons négocié (sic) et qui figurent dans la présente offre. Nous lui conseillerons, pour la réussite de l’affaire, de vous consentir des conditions qui ne soient pas supérieures à celles de la présente offre, étant entendu, qu’en application des dispositions légales en vigueur, le Distributeur restera totalement libre de déterminer les prix de revente des produits concernés »96.
71. La lecture des contrats-cadres et des lettres de confirmation envoyées par Schneider Electric figurant au dossier fournit, en outre, plusieurs enseignements.
72. En premier lieu, ces documents confirment que Schneider Electric contrôle toujours étroitement l’octroi et la mise en oeuvre des dérogations, ce même si le distributeur en est à l’origine.
73. D’une part, comme l’illustrent les exemples reproduits aux paragraphes 67, 68 et 70 ci-avant, tant les stipulations des contrats-cadres annuels entre Schneider Electric et ses distributeurs que les lettres de confirmation qui leur sont envoyées indiquent que le principe et le niveau de dérogation doivent toujours être approuvés par Schneider Electric, ce à la fois pour Rexel et pour Sonepar. Ils confirment, en outre, que la mise en oeuvre des dérogations est subordonnée à des mécanismes d’audit expressément acceptés par le distributeur97.
74. D’autre part, les éléments au dossier attestent que ces mécanismes d’octroi et de contrôle des dérogations s’appliquent indifféremment, que les dérogations soient à l’initiative du client final ou à celle du distributeur.
75. À cet égard, il convient d’ailleurs de souligner que la distinction entre les deux types de dérogations n’est apparue que très tardivement dans les contrats-cadres conclus avec Rexel et Sonepar.
76. Cette distinction était, en effet, encore absente du contrat-cadre conclu par Schneider Electric et ses distributeurs en 2015. Tant le contrat de partenariat conclu avec Rexel pour l’année 201598 que le contrat commercial cadre conclu avec Sonepar Ile de France pour la même année99 renvoient, sans plus de précisions, aux « réductions de prix dérogatoires »100 (dans le cas de Rexel) ou aux « accords tarifaires dérogatoires »101 (dans le cas de Sonepar), soumis aux mêmes conditions d’octroi rappelées ci-avant.
77. En outre, si les contrats-cadres conclus par Schneider Electric en 2019 avec Rexel102 et Sonepar103 ont introduit une distinction claire entre les dérogations émanant du distributeur104 et les dérogations négociées entre Schneider Electric et le client final105, celles-ci obéissent toujours aux mêmes dispositions s’agissant des conditions permettant d’obtenir l’avoir correspondant aux nouvelles conditions dérogées106 ou de la faculté de Schneider Electric de mettre en oeuvre des mesures d’audit107.
78. En second lieu, il apparaît également que Schneider Electric n’a introduit que tardivement des clauses visant à limiter le risque de collusion avec ses distributeurs. Si Schneider Electric souligne que les formulaires de dérogations échangés avec les clients finals indiquaient depuis 2010 que les prix convenus étaient des prix maximum et que les distributeurs demeuraient libres de fixer leur prix de revente de façon autonome108, elle indique également n’avoir fait évoluer qu’en 2016 la rédaction de ses lettres de confirmation de conditions exceptionnelles aux distributeurs pour préciser que ces derniers ont « toute latitude pour proposer des conditions tarifaires et commerciales plus avantageuses […], les taux de vente indiqués ci-avant constituant des prix maximum »109.
79. En outre, ce n’est qu’à compter de 2019, soit postérieurement aux perquisitions pénales, que Schneider Electric a introduit des dispositions rappelant expressément la liberté tarifaire du distributeur.
80. Ainsi, dans le contrat-cadre de Schneider Electric et Sonepar Ile-de-France conclu en 2019, sont apparues les mentions suivantes :
« La justification apportée par le Distributeur au soutien de sa demande de conditions d’achat exceptionnelles ne pourra en tout état de cause pas contenir d’éléments, ou être accordée sur la base d’informations, ayant pour effet de renseigner Schneider sur le prix de revente, ou la marge pratiquée par le Distributeur. […] Il est précisé que SEF ne définira pas de prix maximum et n’indiquera pas de prix conseillé dans le cadre de la Notification d’Affaires Exceptionnelles ou pour les besoins de l’affaire concernée. Le Distributeur restera libre de fixer son prix de revente »110.
ii. La volonté de Schneider Electric d’instaurer un système de prix fixes
81. Cette volonté est attestée par de nombreux documents internes et par la mise en place d’un mécanisme de suivi des prix.
Une volonté ancienne attestée par de nombreux documents
82. Il ressort des éléments du dossier que les prix dérogés sont conçus par Schneider Electric comme des prix fixes depuis le début des années 2000.
83. Une présentation interne à Schneider Electric « Optimiser la gestion des AJP » de 2003 indique ainsi que, dans le cadre des dérogations, le distributeur livre les produits aux conditions négociées par Schneider Electric, précisant, à cet égard, que durant la vie de l’AJP111 :
« Le client passe commande chez le Distributeur aux conditions négociées » ; « Le Distributeur livre et facture le client suivant les conditions de l’AJP, et transmet les demandes de régularisation selon le format défini » (soulignements ajoutés)112.
84. Plusieurs documents attestent que ce système a, par la suite, été activement maintenu par Schneider Electric.
85. Un courriel interne du 17 avril 2013 entre un responsable régional et un commercial de Schneider Electric, relatif à une « offre de prix CGED113 en NSX 630114 au [Client] ((soit K=0,376 au client final) »115 confirme le rôle déterminant du fournisseur dans la politique commerciale de ses distributeurs et l’offre de prix faite au client final. À propos du prix offert par Sonepar, le commercial de Schneider Electric indique ainsi :
« Rexel s'est aligné sur ce prix et a pris l'affaire (comme nous lui avons dit de faire), il va nous envoyer les éléments pour lui faire la derog qui va bien »116 (soulignements ajoutés).
86. Le rôle déterminant de Schneider Electric dans la fixation des conditions offertes aux clients finals est souligné dans trois présentations intitulées « DEFENDRE le PRIX », des 24 octobre 2014117, 25 novembre 2014118 et 15 avril 2015119, destinées à la force de vente de Schneider Electric. Ces présentations précisent, en effet, que la responsabilité du vendeur chez Schneider Electric est de déterminer « le prix d’achat du client » :
« Responsabilité du Vendeur => Le prix d’achat du client ● prix TF x Taux de Vente suivant grilles d’autonomie + rémunération DO [Distributeur Officiel]120 » (soulignement ajouté)
87. La présentation « DEFENDRE le PRIX » du 24 octobre 2014121 rappelle, en outre, qu’il en est ainsi quel que soit le type de dérogation122, Schneider Electric restant toujours « la gardienne des clés » lorsqu’il s’agit de déterminer les prix consentis aux clients finals :
« Toujours vérifier l’historique du client / AJP précédentes, chez quel(s) Distributeur(s), à quel coef., à quelle marge », « Ne jamais répondre immédiatement, prendre le temps de la réflexion avant de rappeler le Distributeur (idéalement dans la demi-journée) / Prévenir le Distributeur que l’on va se rapprocher du client pour avoir plus de précisions sur le contexte (la vision du client + récupérer plus que la demande DO) […]
S’il existe des accords SE/Pdv ou si vous avez confiance en votre interlocuteur : OK
Sinon : Refus "Je suis désolée mais compte tenu du peu d’éléments concrets, je suis dans l’obligation de te dire non".
Ce refus doit être en fait rassurant pour le Distributeur car il doit comprendre qu’en refusant, j’évite des dérives de prix, je suis la "gardienne des clés". »123 (soulignement ajouté).
88. Un document PowerPoint intitulé « Projet d’évolution commerciale » du 28 septembre 2015124 souligne, de même, que l’installateur achète « au prix convenu » :
« Le vendeur Schneider remet un prix
=> soit au distributeur pour le client
=> soit au client directement
L’installateur achète au prix convenu
Cession de contrat au distributeur (Dérogation) »125 (soulignement ajouté).
89. Le caractère fixe du prix dérogé pour le distributeur est également rappelé en des termes clairs dans une présentation PowerPoint interne à Schneider Electric intitulée « France Operations – PTUES - Gross to Net – Explanation » de mars 2017126 :
« AJP (cf. la diapositive suivante) : - Schneider vend au distributeur au tarif standard - Schneider convient d’un prix avec le client et ce prix fait l’objet d’un contrat de dérogation - Le distributeur vend au client au prix accepté par Schneider et émet une demande d’avoir pour recevoir la différence (prix client < prix distributeur) »127 (soulignement ajouté).
90. Par ailleurs, le caractère fixe des prix dérogés négociés par Schneider Electric est également révélé, d’une part, par les nombreux documents relatifs aux risques juridiques engendrés par la mise en oeuvre de ce système (paragraphes 184 à 193), d’autre part par les discussions internes et externes à compter de 2013 visant à en sortir (paragraphes 194 à 209).
La mise en oeuvre d’un mécanisme de suivi des prix pratiqués par Rexel et Sonepar
91. Divers documents établissent que Schneider Electric avait les moyens de suivre les prix pratiqués par ses distributeurs, et a effectivement eu connaissance de ces derniers.
92. En premier lieu, diverses stipulations contractuelles encadrant les relations entre Schneider Electric et ses distributeurs permettaient au fournisseur d’obtenir la communication des prix de vente finals des distributeurs.
93. Tout d’abord, les éléments du dossier indiquent que cette information était transmise dans le cadre de la demande d’avoir correspondant à la dérogation octroyée par Schneider Electric.
94. Dès 2004, un extrait d’un fichier interne à Sonepar « dérogations » du 9 septembre 2004, précisait déjà :
« La demande d'avoir précise toutes les informations dont Schneider pourrait avoir besoin : N° de la dérogation, nom du client, [quantité] vendue par référence, Prix de vente, différentiel de marge attendu et avoir demandé »128 (soulignement ajouté).
95. Certaines pièces du dossier font en outre état d’une remontée d’informations sur les prix de revente à Schneider par les distributeurs dans le cadre du logiciel APAJE servant à mettre en oeuvre les dérogations.
96. Ainsi, un document préparé par Ernst & Young pour Schneider Electric du 30 octobre 2012 « Revue des processus et du contrôle interne liés aux ventes de produits », dont l’annexe 2 s’intitule « Synthèse issue des entretiens menés » 129 précise, sur ce point :
« [d]ans APAJE130, la déclaration des DO doit comprendre :
- les références (références catalogues SEF) - les quantités vendues pour chaque référence - le prix net vendu au client final - le numéro d'engagement AJP communique dans la lettre de confirmation reçue » 131 (soulignement ajouté).
97. Dans le même sens, une présentation PowerPoint intitulée « APAJE / APAPROD132 – Utilisation par Schneider Electric France » du 29 novembre 2013 décrit de la manière suivante les « Déclaratifs Apaje » : « L’état Apaje correspond aux demandes de dérogations de prix émanant des différents points de vente. Cet état reprend l’essentiel des données relatives à la vente finale : coordonnées du client, prix de vente définitif, référence, quantité etc… Cet état sert de base au paiement des ajustements de prix »133 (soulignement ajouté).
98. La présentation indique par ailleurs que « [c]es données sont également essentielles à l’analyse du prix » et « [qu’e]lles permettent en effet de constater et d’analyser l’évolution des prix nets réels de vente aux clients finaux »134 (soulignement ajouté).
99. Ensuite, les lettres de confirmation des dérogations envoyées aux distributeurs entre 2007 et la date de la notification de griefs (le 1er juillet 2022) contenaient systématiquement des clauses d’audit permettant à Schneider Electric de prendre connaissance, via la communication des factures, des prix de vente finals. Entre autres exemples135, une lettre de confirmation de conditions exceptionnelles de Schneider Electric du 14 janvier 2013 précisait :
« Nous pourrons être amenés à vous demander les justificatifs des bons de commande, ou de facture, de cette affaire et avons bien noté votre acceptation à nous les fournir le cas échéant dans un délai raisonnable.
L’acceptation de cet engagement vaut acceptation d’éventuels contrôles dans le cadre de la procédure d’audit AJP »136 (soulignement ajouté).
100. La faculté de Schneider Electric de procéder à un audit de factures auprès de ses distributeurs est confirmée par de nombreux documents. Par exemple, un fichier Excel interne à Schneider Electric intitulé « Processus et reporting AJP-RDO-RCC », du 16 janvier 2013 prévoit la mise en place d’un plan de contrôle annuel couvrant la totalité des points de vente des fournisseurs comportant notamment un audit de factures137.
101. En second lieu, plusieurs documents indiquent que Schneider Electric avait effectivement connaissance des prix de revente et que ce suivi permettait dans son esprit une « police des prix ».
102. Une présentation PowerPoint, intitulée « Schéma Canaux »138, confirme sur ce point que le « reporting » du « dérogé » permet de connaître la « vente par client par référence produit en quantité & prix & marge distributeur »139 (soulignement ajouté). À cet égard, la présentation indique également que « demander le prix client » permet « un maintien des prix dans la filière : arbitrage entre distributeur (« police des prix ») »140 (soulignements ajoutés).
103. La transmission des prix de vente finals à Schneider Electric est corroborée par une présentation interne à Rexel du 11 décembre 2013 intitulée « Rexel – Refondation Tarifaire Phase d'opérationnalisation- Comité de pilotage #1 »141, qui précise que les « données reportées actuellement par Rexel à Schneider » incluent les « détails des transactions dérogées par client par produit par agence », i.e. le « volume de vente », le « prix d’achat dérogé » et le « prix de vente final »142 (soulignement ajouté). Ces données sont utilisées par Schneider pour le « pilotage de la performance de vente par client final » incluant le « niveau des prix de marché »143.
104. De manière similaire, une présentation d’avril 2014 interne à Schneider Electric « Pilote Rexel - Confidentiel »144, confirme que, même dans le cadre d’un pilote permettant de tester la sortie des dérogations, les visites clients permettent de voir « le chiffre fait chez [les] clients » et de « contrôler ce que fait le vendeur Rexel » :
« FAQ vendeurs Comment est-ce que je vois le chiffre fait chez ces clients ? -> Déclaratif Rexel fait chaque mois au client Puis-je « contrôler » ce que fait le vendeur Rexel ? -> Oui au travers mes visites clients. Si incohérences, remonter le point à Aurélie »145 (soulignements ajoutés).
105. Enfin, une présentation « Rexel – refondation tarification réunion avec Schneider » du 28 novembre 2013 précise qu’une des conséquences des changements fondamentaux envisagés pour sortir du système des dérogations sera que le fournisseur n’aura « pas d'information de prix de vente au client »146.
iii. La participation consciente de Rexel au système mis en place par Schneider Electric
106. Les documents internes de Rexel attestent qu’elle percevait les dérogations comme un système de prix fixes lui permettant de bénéficier d’un niveau de marge garanti. En outre, il ressort des données transmises par Rexel que celle-ci appliquait les prix fixés par Schneider Electric.
La conscience de Rexel d’un système de prix fixe lui permettant de bénéficier d’un niveau de marge garanti
107. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Rexel avait conscience du caractère fixe des prix dérogés.
108. Dans le cadre de son audition, M.A, directeur de zone chez Rexel jusqu’en 2004, a ainsi confirmé la connaissance par Rexel d’un système de prix fixes avant cette date, ce système étant selon lui dans l’intérêt réciproque de Rexel et de Schneider Electric :
« Pour obtenir l’avoir il fallait vendre au prix imposé par le fabricant. REXEL avait la possibilité de vendre moins cher mais cela aurait engendré une guerre des prix avec ses concurrents et destructrices (sic) alors même que les marges du fabricant et distributeur étaient déjà très compressées. D’autre part, en agissant ainsi, les relations avec le fabricant en auraient été détériorées »147 (soulignements ajoutés).
109. L’extrait d’une note « CR organisation traitement dérogation _GC_2008 0325 », du 6 juin 2008148, contenue dans une pochette intitulée « RPM avéré »149, saisie dans le bureau de la directrice juridique de Rexel France, indique qu’à cette date, Rexel considérait que le client final appliquait les conditions fixées par Schneider Electric :
« Dans le cas ou (sic) le fournisseur communique une dérogation à un grand client avec n° contractuel non définitif (ex : [Schneider Electric] pour VEOLIA) ou signe un contrat avec son client fixant des conditions dérogatoires sur des produits distribués (ex : [Schneider Electric] avec SPIE, VINCI, ETDE, FORCLUM……), le client applique ces conditions alors que nous n’avons pas de dérogation formalisée et sommes souvent contraints à une margé (sic) négative sans contrepartie du fabricant (principalement [Schneider Electric]) »150 (soulignement ajouté).
110. De même, dans un courriel interne du 11 février 2009 ayant pour objet « mauvaise utilisation des dérogations fournisseurs par la concurrence »151, un chargé de développement chez Rexel écrit à plusieurs salariés de l'entreprise :
« Rappel : Lorsque un fabricant accorde à un distributeur une dérogation, le principe général est que le prix de vente au client soit fixé »152 (soulignement ajouté).
111. Ce document confirme également que ce principe est pleinement intégré par les distributeurs de Schneider Electric, Rexel s’assurant qu’il est bien respecté par ses concurrents :
« Quelques un (sic) de nos concurrents semble (sic) ces derniers temps vouloir être plus malin (sic) et utiliser une partie de la marge de dérogation pour baisser le prix de vente fixé par le fabricant et ainsi enlever la commande
Merci de me confirmer si vous connaissez des cas de ce type sur votre zone.
OUl ou NON
Si oui merci de me préciser :
Nom et ville du distributeur
Nom et ville du client final
Fournisseur concerné
% de dérogation alloué au client en plus
Numéro de la dérogation fabricant […]
Merci de votre retour même si non, svp on se concentre sur les trois derniers mois (novembre, décembre, janvier, février)
Cordialement »153 (soulignement ajouté).
112. Le caractère fixe du prix de vente unilatéralement négocié par Schneider Electric auprès du client final ressort encore d’un courriel interne à Rexel du 26 mars 2009 ayant pour objet « SYNTHESE –DEROGATIONS/RENOUVELLMENTS MARCHES SCHNEIDER 2009 »154, également contenu dans la pochette « RPM avéré »155 mentionnée ci-avant. L’auteur du courriel, un responsable du marché industrie chez Rexel, indique, en effet, à un chargé de développement chez Rexel que Schneider Electric négocie directement avec le client final, puis que Rexel se voit contrainte d’appliquer les prix ainsi négociés :
« Globalement l’action du vendeur [Schneider Electric] aboutit à un taux de marge de 12-13% pour le marché, quand la rentabilité était supérieure en 2008 […]. Schneider travaille parfois en prix nets, garantis à l’année, les hausses tarifaires n’impactent pas le prix client mais réduisent notre taux de marge […]. Comme habituellement, les renouvellement (sic) marchés sont établis sans concertation vendeur [Schneider / directeur d’agence ou chef de vente Rexel] »156 (soulignement ajouté).
113. Aussi, un courriel interne de Schneider Electric du 17 avril 2013 cité supra, entre un responsable régional et un commercial de Schneider Electric, rappelle s’agissant d’une « offre de prix CGED157 en NSX 630 au port de plaisance de SETE ((soit K=0,376 au client final) », que :
« Rexel s'est aligné sur ce prix et a pris l'affaire (comme nous lui avons dit de faire), il va nous envoyer les éléments pour lui faire la derog qui va bien » 158 (soulignements ajoutés).
114. En outre, une présentation interne « Rexel – refondation tarification Réunion avec Schneider » du 28 novembre 2013 précise :
« Prospection directe des équipes terrain du fournisseur et les clients finaux, pour négocier un prix de vente client y compris pour les clients diffus / Connaissance côté fournisseur du prix et du volume de vente par client »159 (soulignements ajoutés).
115. Enfin, une présentation interne « Rexel - Refondation tarifaire Phase d'opérationnalisation - Comité de pilotage #1 » du 11 décembre 2013160, mentionnée supra, indique que les « [d]onnées reportées actuellement par Rexel à Schneider » incluent les « Détails des transactions dérogées par client par produit par agence », i.e. le « Volume de vente », le « Prix d’achat dérogé » et le « Prix de vente final ». Elle précise que ces données sont utilisées par Schneider pour le « [p]ilotage de la performance de vente par client final », et notamment le « niveau des prix de marché »161.
116. Par ailleurs, la connaissance par Rexel du caractère fixe des prix dérogés négociés par Schneider Electric est également révélée, d’une part, par les nombreux documents relatifs aux risques juridiques engendrés par la mise en oeuvre de ce système, d’autre part par les discussions internes et externes visant à en sortir à compter de 2013, respectivement examinés aux paragraphes 170 à 173, 174 à 182 ci-après.
117. En second lieu, il s’évince de différents documents du dossier que l’intérêt pour Rexel de vendre au « prix convenu » par le fournisseur était de bénéficier d’un niveau de marge garanti.
118. Dès 2003, Rexel rappelait, dans un « Guide d'animation de la présentation du programme « Gestion des promesses fournisseurs » » faisant référence au premier système de suivi des dérogations intitulé « OGARD »162 que :
« Beaucoup plus qu'un outil de gestion, son système a été optimisé pour constituer une veille totale du marché : fabricants concurrents, parts de marché des distributeurs, niveaux de prix pratiqués, poids des clients, attentes des clients, évolution technologique, etc… »163 (soulignement ajouté).
119. Ce guide précise, en outre :
« Dans le milieu de la distribution en matériels électriques, le « poids » représenté par les affaires est important et le « jeu » autour des affaires est stratégique pour chacun des intervenants : fournisseurs, distributeurs et clients. Soulignons tout l'intérêt partagé par les fournisseurs et nous de travailler sur des tarifs élevés qui nous protègent »164 (soulignement ajouté).
120. Ce même document précise l’intérêt de Rexel, dans ce contexte :
« Pour une affaire, le client recherche des conditions meilleures que son classement habituel et les distributeurs n'ont pas d'autre choix que de se "retourner" vers les fournisseurs pour obtenir les conditions qui leur permettront de prendre l'affaire sans dégrader la marge »165 (soulignement ajouté).
121. La possibilité de bénéficier d’un niveau de marge garanti dans le cadre des dérogations ressort également d’un document interne de Rexel d’avril 2003 intitulé « Gestion des promesses fournisseurs ». Cette présentation précise que dans le cadre d’une dérogation : « Le point de vente saisit le numéro de dérogation et réalise la vente au prix convenu. […] C’est donc de la MARGE et aussi de l’efficacité commerciale puisqu’en prenant des affaires on contribue à l’accroissement de la part de marché »166 (soulignements ajoutés).
122. En outre, une présentation « Rexel – Projet Thomas Kit de formation pour le déploiement national des plans commerciaux » du 12 novembre 2014 précise que les prix de vente de Rexel « sont trop dictés par le prix d’achat avec une marge à conserver »167 (soulignement ajouté).
123. Enfin, une présentation « Rexel - refondation tarification Présentation Schneider » du 14 novembre 2013 précise que :
« L'influence des prix de vente par le fournisseur pourrait être perçue comme une entente verticale
Notamment car elle permet de "protéger" la marge du distributeur à prix de vente faible »168 (soulignement ajouté).
iv. La participation consciente de Sonepar au système mis en place par Schneider Electric
124. Les documents internes de Sonepar attestent qu’elle percevait les dérogations comme un système de prix fixes lui permettant de bénéficier d’un niveau de marge garanti.
125. En premier lieu, divers documents attestent de ce que Sonepar avait conscience du caractère fixe ou imposé des prix dérogés mis en place par Schneider Electric.
126. Dès 2004, un document Excel d’une filiale de Sonepar présentant les différentes étapes de traitement d’une dérogation indiquait, par exemple :
« S'il se trouve qu'il existe une dérogation marché, un message s'affiche pour indiquer au vendeur que le client bénéficie de prix dérogés => cela permet d'éviter les erreurs et les oublis à la commande. Lorsque le numéro de dérogation client est entré, les prix correspondant à cette dérogation s'affichent par défaut => cela permet d'éviter les erreurs sur le prix. Le [bon de livraison] peut alors être édité et la facture émise »169 (soulignements ajoutés).
« La demande d'avoir précise toutes les informations dont Schneider pourrait avoir besoin : N° de la dérogation, nom du client, [quantité] vendue par référence, Prix de vente, différentiel de marge attendu et avoir demandé »170 (soulignement ajouté).
« En général l'initiative de l'accord est pris par Schneider qui détecte une affaire et qui fixe un prix de vente avec le client final. Ensuite, Schneider impose ses conditions à la société. Il se peut aussi que ce soit la société qui demande une dérogation de prix pour une affaire particulière. En fonction de l'accord convenu, Scheider (sic) envoie une fiche de dérogation »171 (soulignements ajoutés).
127. La même année, un document reproduit une interview d’un directeur d’agence de Sonepar, selon lequel :
« L’objectif des dérogation (sic) est d’éviter de baisser les prix [car] il est impossible de vendre aujourd’hui au prix tarif »172.
128. Ce même document retranscrit également une interview d’un responsable marketing de Sonepar, qui présente les différents types de dérogations en ces termes :
« 1) les dérogations de marché.
C’est un accord à l’année par famille / sous familles (Schneider veut nous entraîner dans cette direction). Le prix nous est imposé, chez les gros clients avec une faible marge.
2) Les dérogations d’affaires
Elles sont délimitées dans certaines familles de produits.
3) Les dérogations ponctuelles Le fournisseur nous impose des prix ; C’est un rapport de force qui touche une affaire spot »173 (soulignements ajoutés).
129. Cette analyse a été réitérée en interne par la suite.
130. [Un responsable de l’audit interne de Sonepar] décrit ainsi, en mai 2007, les accords de dérogation :
« Les accords de dérogation sont des opérations impliquant Sonepar, un client de Sonepar et un fournisseur de matériels électriques. Selon un schéma classique, le client souhaite disposer de meilleurs prix que ceux que Sonepar peut proposer à l'occasion d'un appel d'offre. Il négocie directement avec les fournisseurs, les mettant en concurrence. Une fois un accord conclu avec l’un d’entre eux sur le prix, Sonepar, s’il est le distributeur choisi par le client, intervient en tant qu'intermédiaire […]. Sur ce prix de vente négocié que Sonepar doit appliquer alors qu’il est le plus souvent inférieur à son prix d’achat standard, le fournisseur accorde une marge à Sonepar, qui doit demander après la vente un avoir de compensation entre son prix d’achat et celui qu’il aurait dû payer sur les marchandises vendues à prix dérogé. […] Ce type d'accord est critiqué car il aboutit à fausser les prix. En effet, le fournisseur fixe les prix de vente et la marge du distributeur, qui accepte de consentir à un client des prix différents de ceux offerts aux autres clients »174 (soulignements ajoutés).
131. La même appréciation est portée huit ans plus tard par le directeur général de Sonepar France qui, dans un courriel interne du 24 octobre 2015, précise que :
« Schneider nous objecte que nous avons été trop agressifs en prix mais cela ne tient pas puisque dans 80 % des cas, ce sont eux qui fixent les prix ! »175 (soulignements ajoutés).
132. Dans le cadre de réflexions sur les risques engendrés par le système de dérogations de Schneider Electric, une note du 12 octobre 2017, intitulée « POLCO SCHNEIDER : QUELQUES PISTES A VALIDER »176 établie par Mme.B, ancienne secrétaire générale de Sonepar et alors consultante pour l’entreprise, décrivait la dérogation comme « un moyen pour le fournisseur de contrôler les prix de vente du distributeur. On est donc dans un système de prix imposé par le fournisseur, lui permettant en outre de connaitre le nom du client final. »177.
133. Par ailleurs, la connaissance par Sonepar du caractère fixe des prix dérogés négociés par Schneider Electric est également révélée, d’une part, par les nombreux documents relatifs aux risques juridiques engendrés par la mise en oeuvre de ce système, d’autre part par les discussions internes et externes visant à en sortir à compter de 2013, respectivement examinés aux paragraphes 211 à 221 et 222 à 234 ci-après.
134. En second lieu, Sonepar considérait, à l’instar de Rexel, que le caractère fixe des prix dans le cadre du système des dérogations mis en oeuvre par Schneider Electric lui permettait de bénéficier d’un niveau de marge garanti, ce que confirme la note précitée du 12 octobre 2017 : « La dérogation permet à Sonepar de garantir sa marge »178 (soulignement ajouté).
b) Les relations entre Legrand et ses distributeurs
135. Si les dispositions contractuelles encadrant les dérogations octroyées par Legrand ne privent pas directement les distributeurs de leur autonomie tarifaire, elles encadrent toutefois fortement cette dernière (i). En tout état de cause, les éléments du dossier attestent, d’une part de la volonté de Legrand de conférer un caractère fixe aux prix dérogés négociés par elle, (ii), d’autre part que Rexel a appliqué cette politique en toute connaissance de cause (iii).
i. Le dispositif contractuel
136. À l’instar de Schneider Electric, les dérogations octroyées par Legrand sont encadrées, d’une part, par des clauses incluses dans les contrats annuels conclus avec ses distributeurs, d’autre part, dans des lettres de confirmation matérialisant leur octroi et envoyées, selon le cas, aux distributeurs ou aux clients finals.
137. Les clauses concernant les dérogations (désignées « remises pour affaires exceptionnelles » par Legrand) sont, jusqu’en 2019, par exemple formulées comme suit :
« A la demande du Distributeur, le Fournisseur pourra consentir au Distributeur des remises pour affaires exceptionnelles sous forme de réduction de prix concernant des affaires spécifiques ou exceptionnelles qui sont par exemple des opérations de grande envergure ou d’une importance particulière, notamment en termes de volume. Dans le cas où le Fournisseur consent à accorder une remise pour affaire exceptionnelle au Distributeur, il enverra au Distributeur un document de notification d'affaire exceptionnelle (ci-après dénommé "Notification d'Affaire Exceptionnelle") transmis au Distributeur par fax ou courrier électronique »179.
138. Ainsi, pour chaque dérogation, Legrand envoie aux distributeurs une « [n]otification d’Affaire Exceptionnelle » qui doit être acceptée par le distributeur180.
139. La rédaction de ces notifications d’affaire exceptionnelle est par exemple la suivante181 :
« Suite à votre demande, nous vous prions de trouver ci-joint notre meilleure proposition pour la fourniture du matériel de l'affaire citée en référence. Il est de votre responsabilité de vérifier que la liste des références ci-jointe est complète, exacte et qu'elle correspond à vos besoins, préalablement à la passation de votre commande, ainsi que le cas échéant de la complétude et de l'adéquation à vos besoins des schémas fournis. Vous trouverez en annexe le détail des éléments constitutifs de cette offre. […]
[…] ».
140. L’offre précise la remise accordée au distributeur sur son prix d’achat ainsi que la remise conseillée au distributeur et les prix de vente conseillés (« PU Inst Net Conseillé »).
141. De manière similaire à Schneider Electric, il apparaît que les clauses relatives aux conditions tarifaires octroyées par le fournisseur au distributeur, et en particulier celles relatives aux dérogations, ont été entièrement refondues en 2019, soit postérieurement aux perquisitions de septembre 2018182.
142. Ces clauses stipulent désormais qu’en « application du cadre légal, le Distributeur reste totalement libre de déterminer ses prix de vente auprès du client final ainsi que son niveau de marge » et que le distributeur « est libre d’accepter ou de refuser les conditions qui lui sont proposées dans l’offre pour Affaire exceptionnelle qui lui est adressée » 183.
143. Enfin, elles précisent, à l’égard des dérogations à l’initiative du client final, que le prix communiqué au client final dans ce cas de figure est un prix net maximum conseillé184.
ii. La volonté de Legrand d’instaurer un système de prix fixe
144. Cette volonté est attestée par de nombreux documents internes et par la mise en place d’un mécanisme de suivi des prix.
Une volonté ancienne attestée par de nombreux documents
145. Il ressort des éléments du dossier que les prix dérogés sont conçus par Legrand comme des prix fixes, depuis le milieu des années 2000.
146. Un document interne à Legrand du 8 mars 2006 précise ainsi que lorsqu’une demande de dérogation provient du client final, il est procédé à l’« envoi au client de ses prix nets d’achat et au distributeur choisi [de] ses prix nets + prix nets client »185.
147. Un autre document interne de Legrand du 12 octobre 2007, intitulé « Logiciel de Chiffrage Evolutions », détaille les étapes nécessaires au chiffrage d’une offre dérogée et indique expressément que le fournisseur « garde l’entière décision sur la remise client aval et le niveau de marge qu’il souhaite finalement accorder au distributeur »186 (soulignement ajouté).
148. Une note interne du 6 mars 2009187 confirme aussi le caractère fixe des prix dérogés : « Parallèlement et/ou en amont de la relation Distributeur-Legrand, Legrand s’accorde via des lettres ou par téléphone avec les clients finaux professionnels (installateurs ou autres metteurs en oeuvre) sur le prix qu'ils désirent lors de l’achat aux distributeurs, portant sur des achats occasionnels ou annuels. [...] le produit suit le schéma de distribution normal avec les éléments caractéristiques de la revente décidés par Legrand. De ce fait, jusqu’au client professionnel, Legrand est capable de connaître le prix effectué à chaque opération de vente et de le choisir »188 (soulignements ajoutés).
149. Cette note se conclut par les recommandations suivantes :
« La gravité de ces pratiques est telle qu’il convient de cesser immédiatement tout échange (courrier mail téléphone, accord verbal) pouvant amener à penser que LEGRAND (ou toute autre entité lui appartenant) impose des prix, des marges ou encore dispose de tout autre moyen lui permettant de contrôler les conditions de prix de la revente de ses produits »189 (soulignement ajouté).
150. Sans les relier explicitement aux risques juridiques identifiés en interne, Legrand a présenté en 2012 des pistes à Rexel permettant de faire évoluer la relation entre les deux sociétés. À cette occasion, Legrand qualifie à nouveau expressément sa relation avec ses distributeurs comme une stratégie de prix de revente imposée par le fabricant :
« 2/ passer d'une stratégie de "poussage" d'une offre "imposée" à une stratégie de mise au point d'offre avec 12 mois d'anticipation. (idem sur les promotions) [...] 6/ passer d'une stratégie où ns faisons les devis à une stratégie où une partie des devis est faite directement par Rexel (réinventer la dérogation de demain) »190.
151. Un courriel interne à Legrand d’avril 2013 illustre concrètement le caractère fixe du prix négocié par Legrand auprès du client final. Ce courriel, qui revient sur une visite effectuée par un commercial de Legrand auprès d’un client (M.C), indique en effet que la négociation tarifaire avec ce dernier se fait au centime près, sans qu’aucune remise ultérieure supplémentaire dans le cadre d’éventuelles négociations avec le distributeur soit envisagée :
« Suite visite ce jour […] Prix ok […], il diffuse dès ce jour l'information à tous les Chargés d'affaire a souhaité la dérog chez rexel et cged191 Orléans […] Refait offre marché ce jour avec [] de marge pour distributeur comme tu me l'avait indiqué hier soir, afin d'éviter la perte de marge pour le distrib (nous avions laissé [] au 1er jet ) [...]
M.C m'a montré les prix suivants : […] Pour M.C si prix espace en dessous même de 2 ou 3 cts il passe en espace via rexel et cged orléans uniquement […] »192 (soulignements ajoutés).
152. Par ailleurs, le caractère fixe des prix dérogés négociés par Legrand est également révélé, d’une part, par les nombreux documents relatifs aux risques juridiques engendrés par la mise en oeuvre de ce système (paragraphes 236 à 240), d’autre part par les discussions internes et externes à compter de 2013 visant à en sortir (paragraphes 241 à 252).
La mise en place par Legrand d’un mécanisme de suivi des prix
153. Divers documents établissent que Legrand vérifiait le prix de vente pratiqué auprès du client final.
154. Un document interne à Legrand du 26 novembre 2003 indique ainsi que Legrand a mis en place un logiciel de remontées d’informations concernant les ventes dérogées réalisées par les principaux distributeurs afin de procéder au versement de l’avoir concerné, avec comme objectif de :
« Mettre en place un suivi rigoureux de ces dérogations de prix : montants, taux confirmation, montants reversés, …
Fiabiliser le processus de paiement : justificatifs, contrôles, délais contractuels, impacts sur résultats CA et statistiques »193.
155. Ce document précise qu’en pratique, les distributeurs bénéficiant des dérogations doivent faire des déclarations mensuelles à Legrand, sous forme de remontée informatique, pour ce qui concerne les ventes dérogées194. Ces déclarations doivent contenir un certain nombre d’informations concernant la vente réalisée, incluant la référence produit Legrand livrée, le point de vente du distributeur qui a réalisé la vente, la raison sociale du client aval, ainsi que l’une de ces trois informations obligatoires sur la vente : « - soit la référence de la commande / - soit le n° du bordereau de livraison / - soit le n° de facture »195. Le document précise que le montant facturé au client aval pourra être remonté au fabricant, sans pour autant que cela soit obligatoire196.
156. Dans les faits, Legrand bénéficie d’une grande transparence sur les prix pratiqués à travers, notamment, des remontées d’informations par les clients finals et les distributeurs. À titre d’exemple :
- dans un courriel interne de Legrand du 29 octobre 2009, une commerciale écrit à son chef des ventes qu’elle s’inquiète des prix effectivement offerts par CEF197 à un de ses clients, qui l’en a informée :
« En revanche je m’inquiète de leurs niveaux de prix :
- Pour l affaire des blocs avec le CEF contre Rexel sur des 625 25 pour une qté de 48, j avais fait un [•] à Rexel avec un prix client à 52,80 € et malgrès (sic) cela le client m a communiqué les prix de CEF en me faisant promettre de ne rien dire, ils sont 5 € en dessous de ce prix.... Je l ai bien averti de mon inquiétude sur cette affaire étant donné que je n ai pas été consultée mais rien n’y fait. Le client a un accord de principe pour cette affaire mais rien d officiel
- Idem pour CEF Nevers qui a fait un coup face à Rexel pour l hopital de la charité sur Loire pour une qté de 35, j avais fait un [•] à Rexel car budget de l hopital serré sur cette affaire, CEF a pris la commande à une marge dérisoire
- Les consultations pour le marché de la ville de Nevers sont lancées, M.D de Rexel m'a parlé de prix déconnants sur appareillage et blocs mais il n’a pas de preuves écrites ...
Je m’inquiète face à l'agressivité de CEF sur les prix de nos produits... »198 (soulignements ajoutés).
- des échanges internes à Legrand du 9 mars 2012 révèlent qu’une visite chez un client final installateur a donné lieu à un relevé des prix pratiqués par Sonepar. Un chef des ventes écrit à un chef de marché :
« Suite visite [chez le client final], confirmation avec relevé de prix ICTA et IRL199 Arnould200 via CGED201 Lyon : 07116 13.64 07120 12.81 07125 19.13 06616 14.10 06620 16 Me dire ce que l'on fait »202 (soulignement ajouté).
157. La réponse du chef de marché à ce courriel confirme que Legrand n’hésite pas à sanctionner les distributeurs qui s’écartent des prix dérogés. Il répond, en effet : « [o]n fait péter la dérog ! »203, confirmant ainsi qu’une mesure de rétorsion est envisagée par Legrand en réaction, i.e. la suppression de la dérogation accordée à la filiale de Sonepar qui casse les prix.
158. Un compte rendu d’une réunion du 29 juillet 2014 entre Rexel et Legrand, rédigé par un responsable des achats de Rexel et transmis à plusieurs salariés de Rexel, confirme que les prix sont reportés à Legrand à travers le déclaratif des distributeurs :
« La part de dérogé est stratégique pour LEGRAND car elle est le terrain de jeu du commerce pour la conquête de Business et permet au travers du déclaratif de suivre leur performance de CA et de tenue des prix de vente. LEGRAND ne peut pas s'affranchir d'un reporting fin sur ses clients dérogés. Quand bien même l'information porte sur une étendue restreinte de CA, ils doivent maîtriser l'information »204 (soulignement ajouté).
iii. La participation consciente de Rexel au système mis en place par Legrand
159. Les documents internes de Rexel attestent qu’elle percevait les dérogations comme un système de prix fixes lui permettant de bénéficier d’un niveau de marge garanti.
160. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Rexel avait conscience du caractère fixe des prix dérogés.
161. Un courriel interne, précité, de février 2009 d’un chargé de développement chez Rexel à plusieurs salariés de l'entreprise ayant pour objet « mauvaise utilisation des dérogations fournisseurs par la concurrence », confirme que selon les opérationnels de Rexel, le mécanisme des dérogations implique, par principe, la fixation du prix de vente final par le fournisseur :
« Lorsque un fabricant accorde à un distributeur une dérogation, le principe général est que le prix de vente au client soit fixé »205 (soulignement ajouté).
162. Cette compréhension est confirmée par plusieurs échanges entre Legrand et Rexel.
163. Ainsi, un courriel d’un commercial de Rexel à un responsable clients de Legrand du 14 septembre 2015 montre que Rexel s’aligne sur le prix de vente fixé par Legrand. Rexel écrit ainsi à Legrand :
« Je vous contacte au sujet de la société E qui me demande une offre de prix pour 6000 pièces de la référence 66631./ En pièce jointe il y a votre engagement sur un prix à 0,88€ HT, merci de me transmettre mon prix avec une marge convenable bien sûr »206 (soulignements ajoutés).
164. En outre, un courriel d’un commercial de Rexel à un responsable des ventes de Legrand du 21 mai 2015 confirme qu’en pratique, Rexel sollicite Legrand aussi bien sur ses prix d’achat que ses prix de vente :
« Il me manque une dérogation sur les familles 251 et 259 à 58 de remise pour [un client de Sonepar]
Pourrais-tu me l’envoyer avec prix d’achat et prix de vente pour que je puisse la rentrer chez nous ? »207 (soulignement ajouté).
165. En second lieu, il s’évince de différents documents du dossier que l’intérêt pour Rexel de vendre au « prix convenu » par le fournisseur était de bénéficier d’un niveau de marge garanti.
166. Cela ressort notamment d’un document interne de Rexel d’avril 2003 intitulé « Gestion des promesses fournisseurs ». Cette présentation précise que dans le cadre d’une dérogation :
« Le point de vente saisit le numéro de dérogation et réalise la vente au prix convenu. […]
C’est donc de la MARGE et aussi de l’efficacité commerciale puisqu’en prenant des affaires on contribue à l’accroissement de la part de marché »208 (soulignements ajoutés).
167. En outre, une présentation « Rexel – Projet Thomas Kit de formation pour le déploiement national des plans commerciaux » du 12 novembre 2014 précise que les prix de vente de Rexel « sont trop dictés par le prix d’achat avec une marge à conserver »209 (soulignement ajouté).
3. LA CONSCIENCE COLLECTIVE DES RISQUES AU REGARD DES REGLES PROHIBANT LES ENTENTES VERTICALES ET LES TENTATIVES DE SORTIE DU SYSTEME
168. À partir de 2013, Rexel (a) et Schneider Electric (b) ont engagé des réflexions visant à sortir du système des dérogations. Sous leur impulsion, Sonepar (c) et Legrand (d) se sont également interrogées sur le bien-fondé de ce système. De nombreuses pièces issues de ces réflexions figurent au dossier et participent à démontrer que ces quatre entreprises avaient connaissance des risques juridiques associés à la manière dont elles ont mis en oeuvre le mécanisme des dérogations.
a) S’agissant de Rexel
169. En juillet 2013, le directeur général de Rexel France a fait appel au cabinet de consultants Boston Consulting Group (ci-après « BCG ») afin de « repenser en profondeur la tarification de Rexel France »210 et de sortir du système des dérogations211. À l’occasion de cette démarche, le risque juridique engendré par la mise en oeuvre du système des dérogations a été confirmé (i), justifiant d’y mettre fin dans le cadre d’une démarche appelée le « projet Thomas » 212 (ii).
i. La connaissance des risques engendrés par la mise en oeuvre du système des dérogations
170. De nombreux documents relatifs au projet Thomas mettent en évidence que, dans les faits, le système des dérogations a été mis en oeuvre de sorte que le fournisseur fixait le prix de revente au client final. Le projet Thomas a, par conséquent, été conçu notamment pour répondre au risque juridique associé à une détermination par le fournisseur du prix de revente, risque identifié par Rexel depuis 2008 et exposé aux paragraphes 109 et suivants ci-avant.
171. En premier lieu, de nombreuses présentations relatives au projet Thomas mettent en évidence l’intervention du fournisseur dans la fixation du prix de revente au client final.
172. En second lieu, si le projet Thomas, comme souligné par Rexel, a été en partie mis en place pour des raisons relevant de la stratégie commerciale et afin d’alléger la gestion administrative des dérogations223, de nombreuses présentations font explicitement référence à des motivations d’ordre juridique, en particulier au risque de voir ce système qualifié d’entente verticale.
173. Il résulte de l’ensemble de ces pièces que Rexel considère que le système des dérogations amène les fournisseurs à contrôler le prix de vente au client final et pourrait, par conséquent, constituer une entente verticale.
ii. Une démarche visant à y mettre fin : le projet Thomas
174. Seront successivement abordés les principes de fonctionnement du projet Thomas, la volonté de Rexel de conférer à ses commerciaux une réelle autonomie dans la détermination du prix de vente au client final et les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de ce projet.
Les principes de fonctionnement du projet Thomas
175. Le projet Thomas repose, selon Rexel, sur « trois principes intangibles », à savoir que :
- « Le fabricant ne remet plus de prix aux clients de Rexel
- Le fabricant n’a plus connaissance de l’identité des clients derrière les transactions
- Le terme et la mécanique des dérogations n’existent plus, en particulier la négociation de prix d’achat entre les commerciaux Rexel et les commerciaux fabricant »231 (soulignements ajoutés).
176. En pratique, le système proposé repose sur des prix d’achat déterminés en fonction de la catégorie de clients finals à laquelle les produits sont destinés232, le distributeur déterminant ensuite librement son prix de revente.
177. Rexel propose ainsi de passer d’un « prix d’achat unique par produit pour tous les clients avec des dérogations pour les clients les plus exigeants » au « remplacement des dérogations par huit prix d’achat différents pour chaque produit en fonction du segment de client »233.
La volonté de conférer aux commerciaux de Rexel une réelle autonomie s’agissant de la détermination du prix de vente au client final
178. De nombreuses présentations et courriels de Rexel insistent sur sa volonté de déterminer désormais de manière autonome les prix de vente aux clients finals dans le cadre du projet Thomas. Le tableau ci-après recense des exemples en ce sens.
Les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre du projet Thomas
179. Si le projet Thomas a été déployé pour certaines catégories de clients248, sa mise en oeuvre n’a toutefois été que partielle, en raison, selon Rexel, de réticences de la part des fournisseurs.
180. Selon le président de Rexel France depuis octobre 2019 :
« Concernant le projet THOMAS, il y a un déploiement qui s’est opéré sur l’ensemble de la clientèle de proximité (artisan, installateur, utilisateur privé et public, tertiaire et industrie). Il y a également un pilote en cours concernant les OEM249 sur un périmètre réduit qui est la région Auvergne Rhône-Alpes et qui devrait aboutir à un déploiement national en fin d’année REXEL espère l’élargissement à un autre segment clientèle (installateur tertiaire hors nationaux) »250.
181. S’agissant de Legrand, il indique :
« [L]e projet THOMAS a été présenté de la même manière à LEGRAND. Le contenu était identique. Aujourd’hui, LEGRAND n’est pas intéressé dans le déploiement du projet THOMAS »251.
182. Le directeur général du groupe Rexel depuis 2016252 confirme les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre du projet Thomas :
« Il n’y a plus d’avancée avec Schneider parce que ça bloque sur la connaissance client. Schneider veut à tous prix avoir la connaissance du client, c’est une condition pour avancer dans ce projet ». En effet, « [e]n dérogé, Schneider connaît le nom du client, le projet, les produits et encadre ainsi notre autonomie commerciale »253. Il conclut : « Schneider n’a pas envie de sortir de ce modèle. j’applique mon modèle THOMAS à tout ce qui n’est pas dérogé. Je bute sur l’absence de volonté des fabricants d’arrêter les dérogations et je bute sur des demandes d’informations client inacceptables comme condition d’ouverture à envisager une évolution »254.
b) S’agissant de Schneider Electric
183. Plusieurs pièces au dossier établissent que Schneider Electric avait également identifié un risque juridique associé au mécanisme des dérogations (i) et a mis en place un projet de sortie des dérogations intitulé « Polco » ou « New Polco » (ii).
i. La connaissance des risques juridiques engendrés par la mise en oeuvre du système des dérogations
184. Il résulte des pièces du dossier que Schneider Electric avait, de longue date, connaissance des risques juridiques associés à la mise en oeuvre du système des dérogations.
185. D’abord, une présentation intitulée « Pratiques tarifaires en droit européen de la concurrence », du 7 mars 2004, présente l’ « interdiction pour un fabricant de fixer, directement ou indirectement, les prix de vente de son client » comme un principe essentiel du droit européen de la concurrence255. Selon cette présentation, les dérogations « sur affaire » ne sont possibles que :
« dès lors que les 4 conditions suivantes sont réunies […] → la demande de dérogation doit être formulée par le client du fournisseur (accord avec le client final impossible) → le rabais doit être identique pour tous les clients de la même catégorie qui en font la demande → le fournisseur ne doit pas avoir connaissance du prix de revente et/ou de la marge de son client, le client étant libre de son prix de revente, il n’est pas obligé de répercuter les rabais octroyés par son fournisseur à son propre client → cette pratique doit rester exceptionnelle »256.
186. D’autres diapositives de la même présentation envisagent des « pratiques alternatives à la dérogation », consistant soit à « [t]raiter directement avec le client du Distributeur, ou utiliser le Distributeur avec un statut juridique différent » (sont évoqués la vente directe, la cession de contrat, le distributeur « logisticien » et le distributeur « commissionnaire à la vente »), soit à « [t]raiter directement avec le client du Distributeur, sans changer le rôle du Distributeur », via des « contrats de coopération commerciale + rémunération volumétrique sur quantité globale » ou le « remboursement de la différence de prix »257.
187. Une note du service juridique du 13 décembre 2012 identifie, parmi les pratiques problématiques en droit de la concurrence, la mise en oeuvre du système des dérogations par Schneider Electric en France, et précise :
« La politique de dérogations de SE avec ses distributeurs et clients dans certains pays européens et en particulier en France (décrite plus précisément ci-dessous) soulève des problèmes de compatibilité avec le droit de la concurrence, dès lors qu’il s’assimile à un prix de revente imposé, lequel est strictement interdit par le droit de la concurrence de l'UE et de ces pays […]. / Très clairement, ce processus administratif est mis en oeuvre parce que les services commerciaux de SE, soit :
> Déterminent ou négocient directement ou indirectement avec le client final (tableautiers, installateurs, OEM..) le prix que ce dernier obtiendra du distributeur,
> Fixent ou garantissent, directement ou indirectement, la marge sur la revente du produit »258 (soulignements ajoutés).
188. Sur ce point, le président de l’époque de Schneider Electric France, explique avoir :
« été alerté fin 2012 par une note du service juridique […]. Cette note décrivait le système des dérogations d’une manière imparfaite mais les grands principes étaient là. Elle attirait notre attention sur le risque que si Schneider fixait le prix de vente final alors que le produit était vendu par le distributeur, il y avait un risque d’entente verticale […] J’ai décidé à la lecture de cette note, de travailler sur une nouvelle politique commerciale (New Polco) qui simplifierait le système, diminuerait les AJP et s’éloignerait de ces risques potentiels »259 (soulignement ajouté).
189. En outre, une présentation du 6 novembre 2013 évoque, parmi les enjeux juridiques liés aux dérogations : « risque de sanction pour : Fixation prix de revente/entente verticale ». Cette présentation propose également une estimation des « sanctions financières encourues aux niveaux français et européen »260.
190. Une présentation de Schneider Electric du 23 mai 2014 indique également :
« Relation SE / Client du distributeur 1. SE ne remet plus de prix au client du distributeur. 2. Recentrage du rôle du vendeur sur la défense des parts de marché (prescription) [...] » « Relation SE / Distributeur 1. Elimination du risque juridique. 2. Responsabilisation du Distributeur sur le maintien des prix de vente [...] »261 (soulignements ajoutés).
191. Une autre présentation du 13 octobre 2014 qualifie d’ « illégal[e] » la mécanique des dérogations à l’initiative de Schneider Electric. Elle indique :
« ●Dérogé via DO (Légal): Demande du distributeur à Schneider pour obtenir meilleures conditions achat pour une affaire. C’est le DO qui remet ensuite son prix au client sans que SE intervienne. Nous ne définissons pas la marge du distributeur. ●Dérogé via Schneider (Illégal): Mécanique actuelle des dérogations »262.
192. De même, un document de juillet 2016263 mentionne, parmi les objectifs de la nouvelle politique commerciale de Schneider Electric, la volonté de « réduire le risque juridique avec les distributeurs grâce à des prix d’achat par catégorie de client »264. Ce document affirme également qu’en 2016, la politique tarifaire est « définie par catégorie de client et par l’ensemble des commerciaux de Schneider Electric »265 et que [70-90] % des prix aux clients sont définis par Schneider Electric266.
193. Enfin, une présentation de 2017267 rappelle les risques associés à la mise en oeuvre des dérogations par Schneider Electric et le fait qu’une amende pourrait être infligée à ce titre :
« ● La politique de dérogations de SE (SPA) avec ses distributeurs soulève des problèmes de compatibilité avec le droit européen de la concurrence, dès lors qu’elle s’assimile à un prix de revente imposé / pratique d’entente verticale. Ces pratiques sont strictement interdites car incompatibles avec une concurrence équitable sur le marché.
(article 101.1 du Traité sur le Fonctionnement de l’U.E.) Risque d’amende: Au niveau français, risque d’amende estimé entre 100M€ et 400M€, ou Si au niveau européen, le risque d’amende pourrait théoriquement atteindre jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial de [Schneider Electric] »268.
ii. Une démarche visant à y mettre fin : la « Polco »
Présentation de la « Polco »
194. À partir de 2012, dans le cadre de la « Polco » ou « New Polco » (ci-après la « Polco ») Schneider Electric a tenté de faire évoluer sa politique tarifaire afin de diminuer le volume des dérogations.
195. Le responsable juridique de l’époque de Rexel en France explique que :
« C’est le Président France de l’époque M.H [Schneider] qui est à l’origine de cette Polco. C’est un ensemble de facteurs qui lui ont fait prendre cette décision, à savoir : - La lourdeur administrative des dérogations liée au volume. Il faut savoir qu’en 2012-2013, il y avait environ 70 000 contrats de dérogations par an avec des délais de traitement très long (sic). On perdait une agilité vis à vis des clients et des distributeurs. --- - Le risque juridique potentiel au vu de l’ampleur que le système avait pris (sic) sous la pression des clients qui souhaitaient tous bénéficier des dérogations. C’était le risque que SCHNEIDER intervenant vis à vis de certains clients sur la définition de prix, SEF puisse être accusé d’imposer les prix de revente, ce qui n’est pas la raison d’être de ce système mais qui aurait pu être interprété comme tel en fonction de comportements déviants. --- »269.
196. Il ressort également des présentations relatives au projet Thomas (voir le Tableau 7 ci-avant) que, dès 2013, Rexel s’est rapproché de Schneider Electric afin de lui proposer d’y prendre part270. Selon Rexel, Schneider Electric a ainsi été « le premier fabricant embarqué dans cette démarche collaborative »271. Une présentation indique par exemple « Schneider Electric […] □ Accord de principe obtenu sur la sortie des dérog. en 2015 »272.
197. Sur ce point, M.G 273 précise :
« Quant à la concomitance de ces 2 projets, lorsqu’en fin 2013 le sujet a été partagé par REXEL auprès de SEF, les deux groupes ont décidé de mener en commun accord une démarche de redéfinition de politique commerciale conduisant à la suppression ou à la diminution forte de la dérogation »274.
198. La Polco de Schneider Electric est fondée, comme le Projet Thomas, sur un système dans lequel les prix d’achat sont déterminés en fonction de la catégorie de clients à laquelle la vente est destinée et qui permet au distributeur de définir librement son prix de vente au client final.
199. Il ressort notamment d’une présentation du 28 septembre 2015 que, dans le « Mode de fonctionnement futur », Schneider Electric ne remettra plus de prix au client et que les distributeurs seront en charge de la « Détermination du prix de vente au client », ce qui n’est pas le cas dans le « Mode de fonctionnement actuel »275.
200. La Polco repose également sur la « [r]eprise en direct du business pour certaines catégories de clientèles (tableautiers) », une « [r]efonte du Tarif Distributeur pour accroître le CA diffus » mais aussi sur le « [m]aintien à un volume maîtrisé des dérogations AJP uniquement au cas par cas sur affaire identifiée, à la demande du distributeur »276.
La mise en oeuvre de la Polco
Avec Rexel
201. La collaboration entre Rexel et Schneider Electric s’est notamment traduite par la mise en place de pilotes visant à tester les principes de fonctionnement du nouveau modèle277. Les documents relatifs à ces pilotes insistent sur les nouveaux rôles dévolus à Schneider Electric, d’une part, et à ses distributeurs, d’autre part, ainsi qu’en témoignent les passages suivants : « [l]e vendeur Schneider ne remet plus de prix à son client et le renvoie vers son Distributeur »278, « [t]ester la capacité des vendeur Schneider à faire de la promotion & de la prescription chez nos clients sans parler du prix »279 ou encore « [t]ester la capacité des vendeurs Rexel à faire le prix chez les clients »280.
Avec Sonepar
202. À partir du second semestre 2013281, Schneider Electric France a également présenté la Polco à Sonepar.
203. Un échange de courriels entre Schneider Electric et Sonepar datant de juin 2018 démontre néanmoins que les commerciaux de Sonepar ne sont pas habitués à déterminer eux-mêmes les prix de vente, dès lors que cette responsabilité incombait à Schneider Electric avant la mise en oeuvre de la Polco.
204. Ainsi, interrogé par une commerciale Sonepar en ces termes :
« Bonjour, Il me manque les conditions de nos clients sur les 2 dérogations. Pouvez vous me les transmettre svp ? »
205. Schneider Electric répond :
« dans la nouvelle polco artisan, les déro exceptionnelles accordées sont pour les achats : nous ne fixons plus de prix de vente pour le client : le [Client]282 a des conditions d’achats spécialement pour cette affaire : tu fais tes prix de vente pour le client »283 (soulignements ajoutés).
Les réactions internes à Schneider Electric
206. En 2017, un questionnaire a été adressé à des vendeurs Schneider Electric afin de connaître leur sentiment sur la nouvelle politique commerciale284. Le tableau ci-dessous présente certaines des réponses obtenues.
Les difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la Polco
207. La mise en oeuvre de la Polco dans les relations Schneider Electric-Rexel n’a pas abouti à une sortie des dérogations. En témoigne notamment l’annotation manuscrite suivante, figurant sur une présentation intitulée « Projet Thomas / New Polco – Principes de la collaboration Rexel / Schneider Electric » du 9 février 2017288 :
« → aucune avancée depuis 2013 – Soit 4 ans ».
208. Schneider Electric explique que :
« la mise en place de la PolCo s’est heurtée à deux difficultés principales : - d’une part, en raison du nombre relativement important de "dérogations" accordées annuellement par Schneider Electric à ses distributeurs, cette évolution constitue un processus nécessitant des adaptations considérables au sein de Schneider Electric [...] ; - d’autre part, elle a suscité des contestations de la part de certains distributeurs, en particulier Sonepar et Rexel qui ont catégoriquement refusé de s’engager à procéder à des déclarations APACLI »289 (soulignements ajoutés).
209. Malgré ces difficultés, Schneider Electric indique néanmoins avoir déployé la Polco pour les catégories « artisans » et « utilisateurs finaux », ce qui lui aurait permis « de réduire significativement le volume des "dérogations" en nombre de transactions » et avoir lancé en 2020 une nouvelle phase de déploiement sous le nom de « politique Oxygène »290.
c) S’agissant de Sonepar
210. Tout comme Rexel et Schneider Electric, Sonepar avait connaissance du caractère potentiellement anticoncurrentiel du système des dérogations (i.) et a cherché à en limiter le volume en participant à la « Polco » proposée par Schneider Electric (ii.).
i. La connaissance des risques juridiques engendrés par la mise en oeuvre du système des dérogations
Les mises en garde du secrétariat général de Sonepar
211. Il résulte de l’instruction que deux secrétaires générales du groupe Sonepar ont, à plusieurs reprises, fait part de leurs doutes quant à la compatibilité du système des dérogations avec le droit de la concurrence.
212. Selon Mme.B, secrétaire générale [Confidentiel], puis consultante pour Sonepar [Confidentiel]291, « [l]a non conformité à cet article 101 était connue. Le montant élevé de sanctions dans les affaires de concurrence était connu chez SONEPAR et par sa présidente Mme.N »292. Elle précise : « [l]’illégalité de la situation avait été invoquée par SONEPAR auprès de SCHNEIDER depuis longtemps. Je pense que la nouvelle Polco est une première réponse de SCHNEIDER au problème de méconnaissance de l’article 101. Le point avait été soulevé par SONEPAR à plusieurs reprises. La précédente directrice juridique293 de SONEPAR avait été en parler avec SCHNEIDER, il s’agit de Mme.O »294. Selon la présidente du groupe Sonepar, ces alertes concernant Schneider Electric remontent à 2015 ou 2016295. Les pièces au dossier attestent également de ce que la secrétaire générale du groupe avait partagé, au sein de Sonepar, ses conclusions quant à l’illégalité des dérogations296.
213. Il ressort toutefois des pièces au dossier que des réflexions sur les risques juridiques associés à la mise en oeuvre des dérogations avec Schneider Electric existaient dès 2005. En effet, le 2 décembre 2005, le secrétaire général de Sonepar International Services297 écrit à Mme.B, alors secrétaire générale du groupe Sonepar ; que :
« La question liée au système dit des dérogations mise en place par Schneider n’est pas nouvelle [...]. Si Sonepar France ne prend pas une position opérationnelle en acceptant par exemple de devenir distributeur logisticien, je crains que nous ne puissions pas apporter de réponse concrète aux risques générés par le système actuel »298.
214. En outre, dès 2008, un groupe de travail a été mis en place afin de chercher « une alternative au dispositif des dérogations »299.
Les analyses menées à l’occasion de la mise en place de la « Polco Schneider »
215. La proposition de Schneider Electric, visant à réduire le niveau des dérogations dans le cadre de la « Polco », a conduit Sonepar à s’interroger de manière plus approfondie sur la licéité du système des dérogations.
216. Lors de son audition, Mme.B a expliqué avoir été sollicitée par la présidente du groupe pour « évaluer la "Polco" donner [son] avis et [son] analyse sur la "Polco" qui avait déjà été testée sur une partie de la clientèle, en l’espèce les artisans. Cette "Polco" a été proposée par SCHNEIDER au groupe SONEPAR ainsi qu’à tous les distributeur (sic) »300.
217. Lors d’une réunion du « comité risques »301 le 7 septembre 2017, Mme.B a présenté ses missions302. Les notes manuscrites prises par le directeur de l’audit de Sonepar indiquent notamment :
« 2014-2015 → Schneider propose [nouvelle] Pol commerciale (« POLCO ») [...] règle traité Rome / Code de commerce → interdit 1 [fournisseur] à imposer 1 prix de [vente] au distri. Accord [fournisseur] + DISTRI = ENTENTE 80% CA dérogé aujourd’hui avec Schneider ! → volonté de maîtrise du client final [...] Risque important (théo : 10% CA mondial) si ctrl DGCCRF Schneider → [nouvelle] POLCO → ↓ à 40% vol. Dérogé MAIS reste non conforme au principe de libre fixation des prix »303.
218. L’analyse finale de Mme.B est synthétisée dans une note du 12 octobre 2017, intitulée « POLCO SCHNEIDER : QUELQUES PISTES A VALIDER »304. Cette note débute par la présentation d’une « situation juridique très préoccupante dans les relations Schneider Sonepar : le problème des dérogations »305. Elle définit les dérogations puis décrit ainsi leurs effets :
« Par les dérogations, le fournisseur se donne les moyens d'emporter un marché tout en contrôlant le processus pour éviter que le distributeur ne casse les prix. La dérogation est donc un moyen pour le fournisseur de contrôler les prix de vente du distributeur. On est donc dans un système de prix imposé par le fournisseur, lui permettant en outre de connaitre le nom du client final. La dérogation permet à Sonepar de garantir sa marge »306.
219. La note se poursuit ainsi :
« Cette situation est une violation flagrante de l'article101 du Traité de Rome : interdiction de pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun et notamment de fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat et de revente »307.
220. Elle aborde ensuite les négociations engagées par Schneider Electric en 2015 et 2016 qui visent à « Ramener progressivement le taux du dérogé en dessous de 40% du CA »308, les expérimentations menées309 et critique la solution proposée par Schneider Electric qui :
« N'a pour ambition de résoudre que 40% des problèmes !!!! Même si c'est un mieux, le problème juridique n'est pas pour autant résolu [...] Néanmoins, force est de constater, au-delà de ces critiques, que la Polco permet à ce stade à Sonepar de retrouver la maîtrise du prix de vente final fait à un client Artisan, ce qui est nécessairement positif »310.
221. Un autre document découvert dans le bureau de la présidente du groupe intitulé « Notes - Sonepar, prix dérogés & concurrence » et postérieur à la note de Mme.B311 indique notamment :
« La dérogation ouvre droit, pour le distributeur, à une remise supplémentaire, un avoir, qui est généralement conditionnée au respect, par ce dernier, du prix de revente conseillé par le fabricant ». Il en déduit que « [l]e principe de l'existence de dérogations n'est critiquable que s'il aboutit à la fixation, par le fabricant, du prix de revente du distributeur. Ce qui est le cas dans la pratique » (soulignement ajouté). Selon ce document, la « polco "Schneider" [...] a pour ambition de baisser sensiblement le volume de dérogations [et] doit permettre au distributeur de retrouver sa liberté dans la fixation de son prix de revente »312.
ii. La mise en oeuvre de la Polco
222. D’abord sous l’impulsion de Schneider Electric, Sonepar s’est engagée dans une démarche visant à limiter le poids des dérogations. Selon M.U, alors directeur général de Sonepar France :
« Fin 2014, il y a eu quelques discussions préliminaires sur la volonté de diminuer le nombre de dérogations, le taux du CA dérogé. Ces discussions étaient à l’initiative de SCHNEIDER. De notre côté, on ne pouvait qu’y être favorable »313.
223. S’agissant des motivations de Sonepar, la présidente du groupe explique : « en entendant le poids pris par les dérogations Schneider en France, en observant la baisse de notre marge, j’ai invité les instances responsables à engager une évolution de leur politique commerciale d’achat. Cette évolution s’appelait la "Polco" qui a du démarrer en 2016 sous l’impulsion du DG France, M.R »314. Elle précise :
« En 2015 ou 2016, je prends conscience de l’importance du taux du dérogé et j’ai invité la direction de Sonepar France à réagir dans un souci d’indépendance stratégique. Plus le dérogé est important plus nous sommes dépendants au détriment de la rentabilité. Pour moi, le problème des dérogations n’est pas un problème juridique mais un problème stratégique, commercial et de rentabilité »315.
224. Si la démarche de Sonepar visant à limiter le volume des dérogations semble effectivement motivée notamment par des considérations d’ordre commercial, les pièces au dossier attestent de ce qu’elle répond également à des préoccupations juridiques.
225. D’un point de vue commercial, il résulte de plusieurs pièces du dossier que la mise en oeuvre de la Polco doit permettre à Sonepar de déterminer de manière autonome les prix de vente aux clients finals.
226. Par exemple, un document de 2015 précise que l’objectif, s’agissant du « pricing », est d’ « Avoir fin 2015 un système qui nous permette d’être autonome dans nos remises de prix », ou encore de : « faire en sorte que l’on montre aux clients que c’est bien le distributeur qui fait le prix »316.
227. De même, lors du conseil d’administration [d’une entité régionale de Sonepar] du 9 février 2016, à la question « [c]oncernant Schneider, quelle est votre appréciation sur la fin des dérogations et le changement de Polco à venir ? », [le] directeur général de [cette entité] répond :
« C’est un enjeu important pour nous. Nous devons accompagner nos équipes et travailler le comportemental sur la gestion de la marge et nous affranchir efficacement de la consultation systématique de Schneider sur la demande de prix. Nous menons depuis 2 ans un test […]. Pour 2015 nous avons 248 clients ciblés avec une fixation de prix par nos soins »317.
228. D’après un autre document daté du 9 décembre 2016, la Polco « vise à limiter le nombre de dérogations sur des clients où la Distribution pourra faire son prix »318.
229. En outre, une présentation de décembre 2017 affirme que le dérogé comporte « [u]n risque de déresponsabilisation des commerciaux sur le pricing → Les commerciaux se retournent vers le fournisseur de manière systématique » et que la Polco traduit une « volonté partagée avec Schneider de faire évoluer le modèle » afin de « [r]eprendre la main commercialement, responsabiliser les commerciaux sur le pricing »319. Une diapositive présente ensuite les « modalités de mise en oeuvre de la POLCO » et conclut : « [l]e distributeur devient le seul maître du prix de vente »320.
230. D’un point de vue juridique, Sonepar et Schneider Electric ont cherché à définir ensemble un niveau acceptable de dérogations. Le directeur général du groupe Sonepar l’explique ainsi dans un courriel adressé le 12 décembre 2017 au directeur général de Sonepar France et à Mme.B, auteur de la note précitée d’octobre 2017 :
« Nous avons atteind (sic) l’accord suivant avec [le président directeur général de Schneider Electric SE] / Schneider : 1. Mise en relation de notre cabinet d’avocats avec le leur afin de revoir le contrat Polco et confirmer qu’il est applicable sans modification (voir si impact de la loi Sapin 2), de définir le montant maximal de dérogation acceptable soit en % € ou en % nombre de transaction, et de définir une explication commune sur pourquoi ces dérogations [...] »321.
231. Le lendemain, le directeur général de Sonepar France transfère ce courriel au directeur commercial et marketing, au directeur financier, au directeur commercial et au directeur data et pricing de Sonepar France en indiquant :
« Voici le deal trouvé avec Schneider sur le déploiement de la Polco : -on fait bosser nos avocats sur le taux mini à atteindre pour qu’on soit safe juridiquement et on déploit (sic) en conséquence à marche forcée…ce qui veut dire qu’on pourrait se retrouver à 60 ou 80% du CA déployé en 1 an… » 322.
232. Le déploiement de la « Polco Schneider » a conduit à la mise en place de tests ou pilotes323 mais s’est avéré complexe et chronophage324. Un courriel du directeur général de Sonepar France du 25 octobre 2015 fait état des difficultés rencontrées :
« -sur le fond : une déception : la Polco est à coup sûr un projet de compliance mené surtout par des juristes, pas vraiment un projet de business mené par des commerçants ! -j’avais vraiment cru en arrivant sur le projet que ce projet serait l’occasion de sortir des dérogations et de repartir sur des bases du négoce traditionnel en redonnant de l’autonomie à nos équipes avec un prix d’achat net. Et donc une marge avant enfin suffisante sur laquelle nous puissions construire notre pricing. Ce n’est pas le cas »325.
233. Dans sa réponse au questionnaire des services d’instruction du 25 mars 2022, Sonepar explique que « les modalités de la Polco proposées par Schneider Electric ont dès l’origine soulevé des difficultés majeures d’un point de vue commercial et juridique pour Sonepar »326. En particulier, les données de reporting demandées par Schneider Electric étaient « constitutives d’informations commerciales sensibles [...] ». La réponse mentionne en particulier que « Schneider Electric demandait par exemple à se voir communiquer des informations sur le prix de vente effectivement appliqué par Sonepar à son client » et que « en réponse au refus de Sonepar de fournir ces informations sensibles, Schneider Electric a expressément menacé Sonepar d’orienter son développement commercial vers d’autres distributeurs qui, eux, accepteraient un tel partage d’informations »- que Sonepar ne pouvait donc pas accepter de partager avec un fournisseur [...] »327.
234. Malgré la mise en place de pilotes et le déploiement de la Polco pour la catégorie de clients « artisans », ces difficultés ont entraîné une interruption de la Polco328.
d) S’agissant de Legrand
235. Si Legrand a identifié un risque juridique associé à la mise en oeuvre du mécanisme des dérogations (i), elle n’a néanmoins pas souhaité s’associer aux projets permettant d’y mettre fin (ii).
i. La connaissance des risques juridiques engendrés par la mise en oeuvre du système des dérogations
236. Il ressort de plusieurs pièces du dossier que, dès 2009, certaines pratiques de Legrand ont été identifiées, en interne, comme « problématiques au regard du droit de la concurrence français et européen »329.
237. Ces pratiques sont décrites dans une note du 6 mars 2009 :
« Pour la relation Distributeur-Legrand : des courriers types indiquant une marge imposée ou un prix imposé au distributeur lors de la revente du produit, ou encore une marge ou un prix définis par Legrand en accord avec le distributeur lors de la revente du produit. Ce type de courrier est établi soit pour une revente occasionnelle, soit pour des reventes sur une année. Parallèlement et/ou en amont de la relation Distributeur-Legrand, Legrand s’accorde via des lettres ou par téléphone avec les clients finaux professionnels (installateurs ou autres metteurs en oeuvre) sur le prix qu'ils désirent lors de l’achat aux distributeurs, portant sur des achats occasionnels ou annuels. Les propositions de prix faites dans les 2 courriers ou échanges téléphoniques (Distributeur-Legrand et Legrand-clients finaux professionnels) se rejoignent. En conséquence, le produit suit le schéma de distribution normal avec les éléments caractéristiques de la revente décidés par Legrand. De ce fait, jusqu’au client professionnel, Legrand est capable de connaître le prix effectué à chaque opération de vente et de le choisir »330.
238. La même analyse figure dans un document intitulé « Analyse des risques concurrentiels » du 13 mai 2009331.
239. La note de mars 2009 se conclut par les recommandations suivantes :
« La gravité de ces pratiques est telle qu’il convient de cesser immédiatement tout échange (courrier mail téléphone, accord verbal) pouvant amener à penser que LEGRAND (ou toute autre entité lui appartenant) impose des prix, des marges ou encore dispose de tout autre moyen lui permettant de contrôler les conditions de prix de la revente de ses produits. Il convient également de ne pas répondre à des sollicitations des clients finaux ou des distributeurs pouvant conduire à de telles pratiques. Le prix payé par le client professionnel final doit résulter d'une négociation entre ce dernier et le distributeur et non être imposé par le fournisseur. Le client professionnel final doit s’adresser directement à son distributeur, LEGRAND n’ayant pas à intervenir dans cette relation »332.
240. Par ailleurs, un tableau de 2009 recensant les contrats conclus avec les distributeurs et les clients finals indique : « 16 contrats passés avec des clients directs proposant des remises différentes selon le canal de distribution choisi : attention imposition de prix de revente et de marge, risque d'entente »333 (soulignement ajouté).
ii. La réaction de Legrand face aux projets visant à mettre fin aux dérogations
Les échanges suscités par la présentation du projet Thomas
241. Le projet Thomas a donné lieu à de nombreux échanges entre Legrand et Rexel, mais également au sein de la direction de chacune de ces entreprises. Ces échanges mettent en lumière les désaccords existant entre elles quant à la nécessité de s’engager dans une démarche visant à limiter le volume des dérogations. Ces désaccords portent, d’une part, sur le risque juridique associé, selon Rexel, au mécanisme des dérogations, et d’autre part, sur la mainmise qu’aurait Legrand sur la fixation du prix au client final, à laquelle Rexel lui demande de renoncer dans le cadre du projet Thomas.
Les réunions Rexel-Legrand relatives au projet Thomas
242. Plusieurs réunions ont été organisées en 2014 entre Rexel et Legrand et ont notamment permis une « [p]remière introduction du projet [Thomas] au top management »334 de Legrand.
243. Un compte rendu interne à Legrand, rédigé par son directeur des projets commerciaux, relate ainsi les motivations exposées par Rexel, au cours d’une réunion du 29 juillet 2014, entre plusieurs représentants des deux sociétés335:
« - La situation actuelle de gestion des dérogations induit 3 risques principaux : risque juridique, dispersion des prix, infantilisation du distributeur. ---> Risque juridique / LME : entente Même si LEGRAND est OK sur la forme en matière de dérogation, cela ne résisterait pas à une enquête/analyse approfondie sur le fond. Risque de condamnation du fabricant et du distributeur pour entente ---> amendes lourdes et atteinte à l'image de la marque. Le risque pourrait venir de la volonté des fabricants, comme ABB ou GE, ou de sites internet marchands ayant des difficultés à entrer sur le marché français. De plus, il existe encore des échanges écrits entre LEGRAND, REXEL et les clients aval, en plus des offres officielles, qui seraient condamnables au sens de la loi [...] ---> Infantilisation de la distribution Ce sont bien les fabricants qui fixent les prix de vente aval et la marge distributeur dans le cadre des dérogations »336.
244. Ce compte rendu fait ensuite état des doutes et des réticences de Legrand face à la proposition de Rexel :
« ---> Le rôle que REXEL veut attribuer aux réseaux de vente fabricants est-il acceptable pour LEGRAND ? - Quoi qu'en dise REXEL, un installateur/tableautier appelle toujours en premier le fabricant pour une offre de prix chantier ou marché annuel. [...] - Si nous ne répondons plus aux demandes de prix des clients aval, ils se retourneront d'abord vers nos concurrents fabricants qui, peut-être, ne se seront pas engagés avec REXEL et donc seront libres de faire des offres avec ou sans les distributeurs. Cela veut, à très court terme, rupture du lien client aval-LEGRAND si LEGRAND n'a plus la maîtrise des offres de prix et, bien sûr, dépendance très forte vis-à-vis de REXEL. Sans compter que nos outils de chiffrage ne serviront plus à grand chose... - A quoi servira demain le réseau de vente LEGRAND ? Il est formé et motivé à la vente aval avec maîtrise des prix et c'est grâce au poids du levier qu'il représente dans la chaîne éco que LEGRAND peut mener à bien […] la création de valeur (prix/mix) »337.
245. Les « CONCLUSION / RECOMMANDATIONS » de ce compte rendu sont les suivantes :
« [Un représentant de Rexel] nous a dit, lors de la réunion, qu'un NON de LEGRAND n'était pas, pour eux, acceptable ; je pense, au contraire que c'est la seule réponse possible. Sinon, et même si nous n'acceptons que pour les petites dérog, nous commencerons à perdre la main en aval et comme seul le réseau de vente LEGRAND est capable de tenir les niveaux de prix LEGRAND, les prix baisseront de plus belle »338.
246. Une autre réunion entre Rexel et Legrand a eu lieu le 2 octobre 2014. Le compte rendu interne qu’en a fait Rexel témoigne à nouveau des désaccords existant entre les deux sociétés :
« Volonté LEGRAND de garder la main sur la remise de prix au client sur 100% du business pour [certains segments clients]… ce qui est incompatible du projet THOMAS. REXEL souhaite travailler en totale autonomie quel que soit le segment client sur la remise de prix et quel que soit la famille de produits [...] LEGRAND n’est également pas disposé à laisser une quelconque autonomie dans la remise de prix au client final pour certaines typologies d’offres comme le Power »339.
247. Une troisième réunion s’est tenue le 27 novembre 2014, ainsi qu’en témoigne un échange de courriels internes à Legrand. Cet échange illustre notamment la volonté de Legrand de préserver sa « capacité de négociation des prix chez tous les clients ». Le directeur des projets commerciaux de Legrand indique en interne que :
« Rexel considère que Legrand doit adhérer totalement au projet mais peut comprendre que sur certains segments il y ait des exceptions (temporaires) c'est à dire que Legrand conserve là son pouvoir de négocier les prix, ex : tableautiers/GE Donc Rexel piloterait directement la fabrication des prix Legrand sur tous les autres segments de clientèle et même pour les segments que Legrand se réserverait, Rexel veut pouvoir intervenir au moins partiellement. Nous avons donc reprécisé notre position : nous conservons notre capacité de négociation des prix chez tous les clients mais nous pourrions accepter, par exception, de donner la main à Rexel chez les artisans pour les marchés annuels et les affaires si < à 3000 €/an. Rexel veut également qu'à partir d'un premier accord sur par ex les artisans < à 3000 €, nous leur proposions des perspectives claires d'évolution sur les autres segments de marché. Ce que nous avons refusé. Une vraie guerre des tranchées... »340.
248. Enfin, en janvier 2015, une réunion téléphonique a eu lieu en présence, notamment, de juristes des deux entreprises. Selon la responsable juridique France de Legrand :
« L’objectif de l’échange était de comprendre la position de REXEL. L’objectif de REXEL était de nous convaincre du risque juridique et que LEGRAND devait arrêter de communiquer des prix maximum aux clients finaux. Lors de cet échange, j’ai demandé des explications à [une juriste de Rexel], de manière à comprendre son point de vue. Ils nous ont effectivement exprimé leur point de vue selon lequel bien que LEGRAND, contrairement aux autres fabricants, ait veillé à exprimer formellement l’existence de la liberté tarifaire du distributeur, dans le fond, cette liberté n’existait pas vraiment et donc que LEGRAND imposait le prix de revente. Bien évidemment, on s’est inscrit en faux en réaffirmant le fait que REXEL était totalement libre de déterminer son prix de revente et que LEGRAND n’avait aucun moyen de connaître leur prix de revente, ni aucune volonté de le connaître. Encore une fois, on ne comprenait pas comment REXEL pouvait affirmer qu’il y avait sur le fond une volonté de LEGRAND de contrôler le prix de revente »341.
249. Cette affirmation de Legrand, quant à la liberté de Rexel de fixer son prix de revente, est néanmoins contredite par d’autres pièces du dossier.
Les échanges internes à Legrand relatifs au projet Thomas
250. Les échanges avec Rexel à propos du projet Thomas ont conduit Legrand à s’interroger à nouveau sur la conformité du mécanisme des dérogations au droit de la concurrence.
251. Dans un courriel du 1er octobre 2014, le directeur des projets commerciaux de Legrand s’alarme, en ces termes, de la situation :
« C'est un risque réel pour tout le monde d'être accusé d'entente verticale. Coût potentiel = amende de 10% du CA monde ! Attention au discours : NE RIEN DIRE Attention à l'écrit : NE RIEN ECRIRE Ce qu'il faut répondre à Rexel : Legrand ne vous oblige à rien. Message à passer et repasser régulièrement aux réseaux de vente du groupe = ne communiquer QUE au moyen des formulaires validés par le juridique et issus de chiffrage et de Provence. RIEN D'AUTRE N'EST AUTORISE. En cas de projet/chantier significatif, la remise de prix par le fabricant est légitime.
Commentaire de [la responsable juridique France chez Legrand SNC] sur la réalité du risque : quel intérêt auraient les autorités à poursuivre les acteurs de la chaîne éco si le client final n'est pas pénalisé ? Salutations PS : compte tenu de ce qui est écrit ci-dessus il serait peut-être bon de détruire ce mail après lecture... »342 (soulignements ajoutés).
252. Le directeur de Legrand France fait suivre ce courriel à plusieurs responsables Legrand et ajoute :
« Je souscrit (sic) pleinement aux recommandations, nous devons appliquer les règles telles que définies et se tenir a des prix maxi conseilles.
La forme est essentielle
Je partage aussi la conclusion du mail, merci de le détruire Nous ferons des points réguliers sur ces sujets en Codir »343 (soulignements ajoutés).
E. RAPPEL DES GRIEFS NOTIFIES
253. Les griefs suivants ont été notifiés aux mises en cause :
« Grief n° 1
Il est fait grief aux sociétés :
- Schneider Electric France SAS (RCS Nanterre 421 106 709) et Sarel – Appareillage électrique SASU (RCS Saverne 675 680 458), en tant qu’auteures,
- Schneider Electric Industries SAS (RCS Nanterre 954 503 439), en tant qu’auteure et société mère,
- Schneider Electric SE (RCS Nanterre 542 048 574), en tant que société mère,
- Sonepar France Distribution SAS (RCS Nanterre 824 484 653) et Sonepar France Interservices SAS (RCS Nanterre 451 234 801), en tant qu’auteures,
- Sonepar France SAS (RCS Nanterre 326 769 379), en tant qu’auteure et société mère,
- Sonepar SAS (RCS Paris 585 580 202), en tant que société mère,
- Rexel France SAS (RCS Paris 309 304 616), en tant qu’auteure,
- Rexel Développement SAS (RCS Paris 480 172 840), en tant qu’auteure et société mère, et
- Rexel SA (RCS Paris 479 973 513), en tant que société mère,
de s’être entendues, pour limiter l’autonomie tarifaire des distributeurs Rexel, d’une part, et Sonepar, d’autre part, en fixant directement ou indirectement les prix aux clients finals.
Cette pratique, qui a pour objet et pour effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, est prohibée par les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après le « TFUE »).
Le grief est notifié :
- à Schneider Electric France SAS, Sarel - Appareillage électrique SASU, Schneider Electric Industries SAS et Schneider Electric SE pour la période allant de l’année 2003 à la date d’envoi de la présente notification des griefs ;
- à Sonepar France Distribution SAS, Sonepar France Interservices SAS, Sonepar France SAS et Sonepar SAS pour la période allant de l’année 2004 à la date d’envoi de la présente notification des griefs ;
- à Rexel France SAS, Rexel Développement SAS et Rexel SA pour la période allant de l’année 2003 à la date d’envoi de la présente notification des griefs ».
Grief n° 2
Il est fait grief aux sociétés :
- Legrand SNC (RCS Limoges 389 290 586), en tant qu’auteure,
- Legrand France SA (RCS Limoges 758 501 001), en tant qu’auteure et société mère, et
- Legrand SA (RCS Limoges 421 259 615), en tant que société mère,
- Sonepar France Distribution SAS (RCS Nanterre 824 484 653) et Sonepar France Interservices SAS (RCS Nanterre 451 234 801), en tant qu’auteures,
- Sonepar France SAS (RCS Nanterre 326 769 379), en tant qu’auteure et société mère,
- Sonepar SAS (RCS Paris 585 580 202), en tant que société mère,
- Rexel France SAS (RCS Paris 309 304 616), en tant qu’auteure,
- Rexel Développement SAS (RCS Paris 480 172 840), en tant qu’auteure et société mère, et
- Rexel SA (RCS Paris 479 973 513), en tant que société mère,
de s’être entendues, pour limiter l’autonomie tarifaire des distributeurs Rexel, d’une part, et Sonepar, d’autre part, en fixant directement ou indirectement les prix aux clients finals.
Cette pratique, qui a pour objet et pour effet de faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché, est prohibée par les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).
Le grief est notifié :
- à Legrand SNC, Legrand France SA et Legrand SA pour la période allant de l’année 2011 à la date d’envoi de la présente notification des griefs ;
- à Sonepar France Distribution SAS, Sonepar France Interservices SAS, Sonepar France SAS et Sonepar SAS pour la période allant de l’année 2011 à la date d’envoi de la présente notification des griefs ;
- à Rexel France SAS, Rexel Développement SAS et Rexel SA pour la période allant de l’année 2012 à la date d’envoi de la présente notification des griefs ».
II. Discussion
A. SUR LA PROCEDURE
254. Les parties font valoir que la procédure est entachée de plusieurs irrégularités, en ce qu’elle porterait atteinte à des droits ou principes garantis par la loi ou par des normes de rang supérieur. Seront dès lors examinés leurs moyens pour chacune des atteintes qu’elles allèguent, à savoir (1) la violation du principe du contradictoire, (2) le détournement de procédure, (3) l’atteinte aux droits de la défense et au droit à un recours effectif, (4) la violation de l’exigence de loyauté de la preuve, (5) la violation du secret professionnel, (6) l’atteinte résultant de l’évolution de la thèse des services d’instruction, (7), la violation du principe non bis in idem et, enfin, (8) l’atteinte au secret des affaires.
1. SUR LA PRETENDUE VIOLATION DU PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE
a) Rappel des principes
255. Les pouvoirs d’enquête des services d’instruction de l’Autorité et la procédure devant l’Autorité sont régis par les dispositions des titres V et VI, respectivement, du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence.
256. Il résulte de l’article L. 450-1 dudit code que les « agents des services d’instruction [...] habilités à cet effet par le rapporteur général peuvent procéder à toute enquête nécessaire à l’application des dispositions des titres II et III du [livre IV] », notamment en vue de la recherche d’infractions à l’article L. 420-1.
257. Aux termes de l’article L. 450-2 du code de commerce, les enquêtes réalisées par les agents des services d’instruction de l’Autorité donnent lieu à l’établissement de procès-verbaux dont copie est transmise aux personnes intéressées.
258. En outre, il résulte de l’article L. 450-7, dans sa version applicable en avril 2018, que ces agents « peuvent, sans se voir opposer le secret professionnel, accéder à tout document ou élément d'information détenu par les services et établissements de l'État »344. Selon la Cour de cassation, les dispositions légales ne subordonnent pas l'exercice de ce droit de consultation et de communication à une forme particulière, pas plus qu'elles n'interdisent aux services concernés de communiquer spontanément aux enquêteurs tous documents susceptibles d'intéresser leur mission345.
259. Le caractère contradictoire de la procédure résulte quant à lui des dispositions du premier alinéa de l’article L. 463-1 du code de commerce, aux termes desquelles « [l]’instruction et la procédure devant l’Autorité de la concurrence sont contradictoires, sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 463-4 et L. 464-10 ». Il se traduit au premier chef, ainsi que le prévoit l’article L. 463-2 du même code, par la faculté pour les personnes destinataires d’une notification de griefs de consulter le dossier, sous réserve des dispositions relatives à la protection du secret des affaires, de présenter leurs observations dans un délai de deux mois et, par la suite, de présenter un mémoire en réponse et de consulter les mémoires en réponse des autres parties dans les quinze jours qui précèdent la séance.
260. À cet égard, la cour d’appel de Paris a souligné que les pièces versées au dossier par les services d’instruction sont soumises au débat contradictoire dès lors qu’elles ont été communiquées aux parties à la suite de la notification de griefs346. La cour d’appel a ainsi décrit, à l’inverse, comme « non contradictoire » la phase d’enquête, pendant laquelle les services d’instruction « procèdent, sans mise en cause nominative, à la réunion d’éléments de preuve qui ne préjugent en rien des griefs qui seront, le cas échéant, notifiés ultérieurement à des entreprises qui, devenant ainsi parties en cause, ont accès dès la notification des griefs dans le cadre d’une procédure contradictoire à l’ensemble des éléments de preuve détenus par [l’Autorité] »347.
b) Application au cas d’espèce
Arguments des parties
261. Les parties reprochent aux services d’instruction de ne pas avoir dévoilé les actes d’enquête accomplis entre la publication de l’article de Mediapart le 5 avril 2018 et le signalement au procureur de la République le 23 avril 2018 (voir le paragraphe 1 ci-avant). En particulier, elles observent que les circonstances qui ont précédé le recueil par l’Autorité le 11 avril 2018 de déclarations anonymes, laissent demeurer plusieurs interrogations sur la manière dont les services d’instruction sont entrés en contact avec les auteurs de ces déclarations, sur l’existence de documents qui auraient pu être présentés au moment du rendez-vous et sur la provenance de ces éventuels documents. Elles ajoutent qu’une autre incertitude demeure, celle de l’origine des documents que l’AFA a transmis aux services d’instruction le 12 avril 2018, étant précisé que l’AFA avait, d’après Sonepar, reçu le même jour des documents remis de manière anonyme348.
262. Ainsi, les parties soutiennent qu’afin d’assurer la transparence sur les premiers actes d’enquête et donc sur la genèse de la procédure, les services d’instruction auraient dû demander communication des pièces du dossier de l’information judiciaire menée des chefs de vol et d’abus de confiance au préjudice de Sonepar, pour ce qui concerne précisément la diffusion de documents confidentiels349. Elles soulignent que ce point avait motivé la saisine en janvier 2024 du conseiller auditeur, qui avait recommandé de soumettre à un débat contradictoire les modalités de recueil du témoignage anonyme350.
263. En s’abstenant de demander copie de ces pièces, les services d’instruction auraient ainsi méconnu le principe du contradictoire.
Réponse de l’Autorité
264. En premier lieu, le respect du principe du contradictoire de la procédure, tel que le prévoit l’article L. 463-1 du code de commerce, s’apprécie à compter de la date d’envoi de la notification de griefs, qui est intervenue en l’espèce le 4 juillet 2022. Or les actes visés par les parties datent d’avril 2018. Réalisés en vertu de l’habilitation générale conférée aux rapporteurs de l’Autorité par l’article L. 450-1 du même code, ils sont soumis au respect du cadre légal rappelé ci-dessus, qui prévoit non seulement l’obligation d’établir des procès-verbaux, mais aussi la faculté pour les services d’instruction de se faire communiquer par une autorité publique, sans formalité particulière, tout document en lien avec des faits intéressant l’action de l’Autorité.
265. Il ressort des pièces annexées au signalement du 23 avril 2018 que la rapporteure générale adjointe a, par courriel du 9 avril 2018 intitulé « Article MEDIAPART », demandé à l’AFA, sur le fondement de l’article L. 450-7 du code de commerce, la transmission des documents qu’elle avait en sa possession :
« Nous avons été informés que l'Agence Française Anticorruption a également, dans le cadre de sa mission de contrôle, obtenu communication de certains documents cités dans l'article et notamment un audit interne daté du 17 décembre 2013, des présentations PowerPoint ainsi que des faxs. Conformément à l'article L, 450-7 du code de commerce, je me permets de solliciter tout document ou éléments d'information détenu par vos services et en particulier les documents cités dans l'article de presse nécessaires à l'accomplissement de notre enquête »351.
En tant que service à compétence nationale352, l’AFA était tenue de répondre à cette demande en application de l’article L. 450-7 précité.
266. L’AFA a répondu à cette demande par un courriel du 12 avril 2018 indiquant : « [s]uite à votre demande, je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint les documents susceptibles de contribuer à l'enquête diligentée par l'Autorité de la concurrence après la parution de l'article de Mediapart cité en objet »353.
267. Il apparaît ainsi que la rapporteure générale adjointe a motivé sa demande à l’AFA par la publication de l’article de Mediapart, en précisant les documents qu’elle souhaitait obtenir, et que l’AFA lui a, quatre jours plus tard, transmis les documents qu’elle estimait pertinents au regard de sa demande. Cette transmission a donc eu lieu dans le strict respect de l’article L. 450-7 du code de commerce. Quant à la provenance de ces documents et à la manière dont les services d’instruction ont été informés de leur détention par l’AFA, ces éléments sont des circonstances de fait qui ne relèvent pas de la compétence de l’Autorité.
268. Au surplus, il convient de relever, d’une part, que les documents concernés ont été annexés au signalement du 23 avril 2018. Ils ne sont pas utilisés comme éléments de preuve dans la présente procédure, mais seulement comme des éléments factuels destinés à informer le procureur de la République de comportements qui pourraient être pénalement répréhensibles. D’autre part, les informations recueillies, tant auprès des témoins anonymes que de l’AFA, ont de fait été soumises au contradictoire dans la suite de la procédure, après la notification de griefs.
269. En second lieu, s’agissant du refus par les services d’instruction de suivre l’avis du conseiller auditeur en demandant communication des pièces pénales issues du dossier de l’information diligentée pour vol et abus de confiance, il sera observé que le conseiller auditeur a lui-même relativisé l’importance pour la suite de la procédure de la communication sollicitée. D’une part, en effet, il a indiqué que les requérantes ont formé cette demande parce qu’elles « considèrent (…) que les éléments de preuve recueillis par les services de l’Autorité et qui fondent le témoignage anonyme initial, ne peuvent être utilisés dans la procédure “concurrence”, dès lors qu’ils ont été obtenus illégalement par un tiers et souhaitent a minima pouvoir s’en assurer en ayant accès égal aux pièces de l’information concernant ces pièces, au même titre que le groupe SONEPAR »354. D’autre part, il a rappelé la jurisprudence européenne selon laquelle « l’obtention régulière et l’utilisation en tant que moyen de preuve par une autorité publique d’un élément obtenu illégalement par une partie privée ne se heurte pas en soi aux principes d’équité consacrés par l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH »355, ainsi que les termes de l’article L. 463-1 du code de commerce, qui dispose que les pratiques dont l’Autorité est saisie « peuvent être établies par tout mode de preuve ».
270. Dès lors que l’avis du conseiller auditeur soulignait que l’origine licite ou illicite des pièces en question était, quoi qu’il en soit, indifférente quant à l’établissement des griefs notifiés, il ne peut être reproché aux services d’instruction de n’avoir pas suivi cet avis, au demeurant non contraignant.
271. Il s’ensuit qu’aucune violation du principe du contradictoire n’est établie en l’espèce.
2. SUR LE DETOURNEMENT DE PROCEDURE
a) Rappel des principes
272. Plusieurs dispositions du code de procédure pénale et du code de commerce énoncent les conditions dans lesquelles l’Autorité et l’autorité judiciaire peuvent coordonner leur action ou se communiquer des pièces.
273. Aux termes du second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale, « [t]oute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d’un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».
274. Dans le cas particulier de l’infraction définie à l’article L. 420-6 du code de commerce, consistant « pour toute personne physique de prendre frauduleusement une part personnelle et déterminante dans la conception, l’organisation ou la mise en oeuvre de pratiques visées aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-2-2 », le second alinéa de l’article L. 462-6 du même code prévoit que « [l]orsque les faits lui paraissent de nature à justifier l'application de [cet article], [l’Autorité] adresse le dossier au procureur de la République. Cette transmission interrompt la prescription de l'action publique ».
275. En outre, il résulte de l’article L. 463-5 du code de commerce que « [les] juridictions d'instruction et de jugement peuvent communiquer à l'Autorité de la concurrence, sur sa demande, les procès-verbaux rapports d'enquête ou autres pièces de l'instruction pénale ayant un lien direct avec des faits dont l'Autorité est saisie ».
276. L’article L. 450-1 du code de commerce prévoit par ailleurs que les agents des services d’instruction de l’Autorité peuvent, sous certaines conditions, recevoir des juges d’instruction des commissions rogatoires356.
277. La mise en oeuvre de ces dispositions, de même que leur compatibilité avec des normes de rang supérieur à la loi, a donné lieu à plusieurs précisions jurisprudentielles.
278. S’agissant de la communication de pièces par une juridiction pénale sur le fondement de l’article L. 463-5 du code précité, il ressort d’une jurisprudence constante que ni la demande de communication de pièces, ni la communication elle-même « ne constituent la formulation d’une accusation, ni ne préjugent de l’affaire au fond, [de sorte que] ces diligences ne sont en elles-mêmes nullement incompatibles avec les articles 6 § 1 et 6 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales »357.
279. S’agissant de la transmission d’éléments d’information au procureur de la République par une autorité administrative, le Conseil d’État a considéré que la décision de procéder à cette transmission est indissociable de l’appréciation que l’autorité judiciaire pourra porter sur l’acte de poursuite ultérieur. Ainsi, saisi d’une demande d’annulation d’une délibération de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, le Conseil d’État a, par un arrêt du 4 mai 2016, décliné sa compétence au profit du juge judiciaire.358
280. Il ressort de la pratique décisionnelle du Conseil, puis de l’Autorité, que les dispositions des articles 40 du code de procédure pénale et L. 463-5 du code de commerce peuvent être mises en oeuvre successivement dans une même affaire.
281. Ainsi, dans les affaires dites « Signalisation routière »359 et « Monuments historiques »360, les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ci-après « DGCCRF ») ont transmis un signalement au procureur de la République, qui a ouvert une information notamment du chef de l’infraction prévue à l’article L. 420-6 du code de commerce. Dans chacune de ces affaires, le rapporteur général du Conseil de la concurrence (ci-après « Conseil ») a ensuite demandé et obtenu la transmission de pièces issues du dossier de l’information judiciaire, qui ont servi à démontrer à l’égard des entreprises mises en cause une entente au sens de l’article L. 420-1 du même code.
282. La communication des pièces pénales et leur utilisation comme éléments de preuve dans la procédure administrative du Conseil ont été validées par la cour d’appel de Paris361. La cour a notamment considéré que la communication des pièces concourt à l’accomplissement par l’Autorité de sa « mission de protection de l’ordre public économique » et ne porte pas atteinte au principe de l’égalité des armes, dès lors que les pièces pénales transmises sont rendues accessibles aux entreprises destinataires de la notification de griefs. Elle a précisé en outre que la transmission des pièces relève de la décision du juge d’instruction, qui est libre de faire droit ou non à la demande et de sélectionner les pièces qu’il estime pertinentes362. Saisie d’une demande de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité au sujet précisément de l’article L. 463-5 du code de commerce, la Cour de cassation a approuvé l’analyse de la cour d’appel363.
283. Il est à noter que dans ces deux affaires, le signalement au procureur de la République avait été adressé par les services de la DGCCRF eu égard à des informations recueillies en raison de la compétence qu’ils tenaient de l’article L. 450-1 du code de commerce pour procéder à des enquêtes de concurrence. Depuis la modification de cet article par l’ordonnance du 13 novembre 2008364, cette compétence est également reconnue au rapporteur général.
284. Plus récemment, dans la décision n° 24-D-06 du 21 mai 2024 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des produits préfabriqués en béton, l’Autorité a sanctionné une entente au vu, notamment, de pièces issues d’une information judiciaire ouverte à la suite d’un signalement adressé par la rapporteure générale au procureur de la République.
285. Saisie d’une requête en annulation présentée par certains mis en examen dans cette information judiciaire, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a confirmé la régularité dudit signalement, indiquant « que constatant l’impossibilité pour ses rapporteurs d’exploiter les informations recueillies sous le couvert de l’anonymat, l’Autorité les a transmises au procureur de la République. Il n’en résulte aucun détournement de procédure, l’Autorité n’ayant fait usage que des dispositions de l’article 40 qui lui imposent, lorsqu’elle acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs »365.
b) Application au cas d’espèce
Arguments des parties
286. Les parties prétendent que l’Autorité a commis un détournement de procédure par la mise en oeuvre conjointe de trois actes procéduraux : l’envoi d’un signalement au procureur de la République en dépit de l’absence de tout indice d’une violation de l’article L. 420-6 du code de commerce, la participation de rapporteurs aux actes d’instruction sur commission rogatoire et la demande de communication de pièces du dossier de l’information judiciaire sur le fondement de l’article L. 463-5 du code de commerce.
287. Elles se prévalent en particulier de la doctrine et de la jurisprudence administrative, dont il ressort qu’un détournement de procédure doit être constaté et conduire à la nullité d’un acte lorsque sont réunis un élément objectif, d’une part, à savoir le choix d’un cadre procédural moins contraignant, et un élément subjectif, d’autre part, à savoir la volonté délibérée de se soustraire à ces contraintes et d’éluder les garanties associées.
288. Elles soutiennent que l’élément objectif, en l’espèce, consiste dans le choix de la voie pénale et du recours, partant, à des perquisitions régies par le code de procédure pénale, qui offriraient moins de garanties que les opérations de visite et de saisie réalisées sur le fondement de l’article L. 450-4 du code de commerce.
289. L’élément subjectif résulterait quant à lui de trois éléments.
290. Tout d’abord, le signalement du 23 avril 2018 n’aurait que l’apparence d’un rapport au procureur de la République au sens de l’article 40 du code de procédure pénale, et traduirait en réalité au contraire une manoeuvre du rapporteur général en vue d’entreprendre des investigations. En effet, selon les parties, ce signalement d’une part ne comporte aucun indice d’une violation, par des personnes physiques, de l’article L. 420-6 du code précité, d’autre part insiste dans son libellé sur l’insuffisance des éléments de preuve pour que puissent être mis en oeuvre les pouvoirs que les services d’instruction tiennent des articles L. 460-3 et L. 450-4 du code de commerce. Dès lors, le recours à l’article 40 du code de procédure pénale, bien loin d’être l’accomplissement d’une obligation légale, aurait été un choix procédural destiné à mener des investigations qui auraient été impossibles dans le cadre administratif. Le visa de l’article L. 420-6 serait, dans ces conditions, artificiel.
291. Ensuite, les parties observent que des rapporteurs ont participé aux perquisitions et auditions et ont, ce faisant, recherché des preuves non pas du délit de participation personnelle à une entente au sens de l’article L. 420-6 précité mais d’ententes au sens de l’article L. 420-1.
292. Enfin, les parties soulignent qu’aucune personne physique n’a été mise en examen par le juge d’instruction, ce qui confirmerait, selon elles, que le visa de l’article L. 420-6 retenu par le rapporteur général était artificiel et masquait une volonté de déléguer au juge d’instruction la recherche d’une entente au sens de l’article L. 420-1.
293. Les parties déduisent de l’ensemble de ces éléments que la procédure, telle qu’elle a été mise en oeuvre par le rapporteur général, constitue un détournement de procédure qui a vicié tous les actes procéduraux dans la présente affaire et justifierait le prononcé d’un non-lieu.
Réponse de l’Autorité
294. Tout d’abord, il résulte de la jurisprudence du Conseil d’État rappelée au paragraphe 279 ci-avant, que l’avis donné par une autorité administrative au procureur de la République sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale est indissociable de l’appréciation que portera l’autorité judiciaire sur les actes de poursuite ultérieurs. Ainsi, le juge pénal est seul compétent pour juger de la régularité de la saisine du procureur de la République et des actes de procédure subséquents. Par conséquent, le collège de l’Autorité n’a pas la qualité pour se prononcer sur la régularité du signalement.
295. Aussi, il convient d’écarter l’ensemble des moyens des mises en cause contestant la régularité de ce dernier au regard des critères du détournement de procédure énoncés plus haut, et des actes d’instruction accomplis par les agents de l’Autorité dans le cadre de la procédure pénale.
296. Si, comme l’indiquent les parties, le collège doit pouvoir se prononcer sur la régularité de l’obtention des pièces sur lesquelles reposent les griefs opposés aux mises en cause, il convient de noter que, en l’espèce, les pièces du dossier pénal ont été régulièrement communiquées aux services d’instruction le 17 septembre 2021 par le juge d’instruction conformément à l’article L. 463-5 du code de commerce366.
297. Les développements qui suivent sont, par conséquent, présentés à titre surabondant.
298. En premier lieu, la pratique décisionnelle, illustrée par les décisions « Signalisation routière » et « Monuments historiques » mentionnées plus haut, ainsi que la jurisprudence rendue sur ces affaires, montrent que le recours, de manière combinée, à l’article 40 du code de procédure pénale, à des investigations sur commission rogatoire et à l’article L. 463-5 du code de commerce n’est pas inédit et n’a jamais été censuré comme constitutif d’un détournement de procédure.
299. L’Autorité observe en effet que ces différents actes traduisent l’exercice de prérogatives relevant d’autorités différentes : le rapporteur général, auteur du signalement, le procureur de la République, qui est à l’initiative de l’ouverture d’une information, le collège de l’Autorité, qui a demandé la transmission des pièces du dossier pénal dans sa décision de saisine d’office367, et enfin le juge d’instruction qui a accepté cette transmission.
300. L’usage conjoint des trois actes procéduraux présentés par les parties comme un détournement de procédure ne remplit donc pas les conditions pour qu’un tel détournement soit caractérisé.
301. En deuxième lieu, la chronologie des actes réalisés en amont du signalement montre que le rapporteur général a bien transmis ce dernier en application d’une obligation légale.
302. Eu égard au contenu de l’article de Mediapart, les services d’instruction ont demandé le 9 avril 2018 à l’AFA la transmission de documents mentionnés par l’article qu’elle avait en sa possession368, sur le fondement de l’article L. 450-7 du code de commerce.
303. La déclaration anonyme recueillie le 11 avril 2018 contenait elle-même, outre des éléments relatifs à des pratiques anticoncurrentielles, plusieurs indices d’infractions d’une autre nature, tenant en particulier à l’établissement de fausses factures et à des fraudes aux règles sur les marchés publics369.
304. De même, les documents transmis par l’AFA le 12 avril 2018, notamment la « synthèse d’un audit de 2013 », comportaient de tels indices370.
305. Le rapporteur général était par conséquent tenu de porter ces faits à la connaissance du procureur de la République en application du deuxième alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale. Le fait que la « synthèse de l’audit de 2013 » ait été annexée au signalement, alors même que les parties et les services d’instruction s’accordent sur le fait qu’elle ne présentait aucun lien avec des comportements prohibés par le droit de la concurrence, est révélateur à cet égard.
306. L’Autorité observe enfin que si le signalement consacre plus de développements aux pratiques anticoncurrentielles alléguées qu’aux autres infractions, cela ne démontre pas pour autant que la volonté du rapporteur général aurait été de déléguer à l’autorité judiciaire la recherche de ces infractions. En effet, d’une part, il paraît nécessaire d’apporter des explications précises sur une pratique d’entente au sens de l’article L. 420-1 du code de commerce, dans la mesure où, comme l’indiquent les mises en cause elles-mêmes, cette dernière est une condition nécessaire à la qualification pénale de participation frauduleuse à une entente illicite visée à l’article L. 420-6 du code de commerce. D’autre part, les autres infractions ne relevant pas de la compétence de l’Autorité, le rapporteur général ne les a, de manière légitime, évoquées que de manière large en faisant référence aux annexes, à charge pour le procureur de la République de les qualifier en droit pénal.
307. Par conséquent, le moyen tiré du détournement de procédure sera écarté.
3. SUR LES ATTEINTES AUX DROITS DE LA DEFENSE ET AU DROIT A UN RECOURS EFFECTIF
a) Rappel des principes
308. En premier lieu, l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales (ci-après la « CESDH ») relatif au procès équitable dispose que « [t]oute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ». La Cour européenne des droits de l’Homme (ci-après « CEDH ») considère que la procédure conduite devant l’Autorité en matière de sanction de pratiques anticoncurrentielles relève de la matière pénale au sens de cet article et que dès lors, les exigences découlant du droit à un procès équitable s’y appliquent371.
309. Le droit au procès équitable au sens de cet article se traduit en particulier par l’exigence du droit à un recours juridictionnel effectif et par le respect des droits de la défense.
310. En second lieu, s’agissant de l’articulation entre une procédure pénale suivie devant une juridiction judiciaire et une procédure suivie devant l’Autorité, la jurisprudence rendue dans les affaires « Signalisation routière » et « Monuments historiques » mentionnées plus haut a apporté plusieurs précisions372.
311. Ainsi qu’il a déjà été indiqué, notamment aux paragraphes 275 et suivants, il résulte de l’article L. 463-5 du code de commerce que les juridictions d’instruction et de jugement peuvent communiquer à l'Autorité, sur sa demande, les pièces d’une information judiciaire qui ont un lien direct avec des faits dont l'Autorité est saisie.
312. La cour d’appel de Paris, approuvée sur ce point par la Cour de cassation, a jugé que l’article L. 463-5 précité « ne prévoit aucune restriction dans l’utilisation des pièces pénales communiquées [...], qui sont donc opposables aux parties dans les mêmes conditions que les pièces rassemblées dans le cadre d’une enquête administrative »373.
313. La Cour de cassation a considéré, par ailleurs, que l’action publique et la procédure devant l’Autorité sont « indépendantes [et] suivent leur propre évolution en fonction des actes accomplis par chacune des autorités compétentes »374.
b) Application au cas d’espèce
Arguments des parties
314. Les parties considèrent que la voie procédurale judiciaire les a privées de plusieurs des garanties qui leur auraient été offertes dans le cadre de l’enquête administrative prévue par le code de commerce en matière de recherche de pratiques anticoncurrentielles375. Elles soutiennent à ce titre que leurs droits de la défense ont été méconnus.
315. Legrand soutient qu’elle n’a pas été informée, au moment de la perquisition, de l’objet et du champ de l’enquête justifiant les saisies, qu’elle s’est vu refuser l’assistance d’avocats pendant la perquisition et que ses salariés n’ont pas été en mesure de consulter les pièces appréhendées par les enquêteurs afin de vérifier qu’elles présentaient bien un lien avec l’objet de l’enquête et qu’elles n’étaient pas couvertes par le secret des correspondances avocat-client. En outre, elle souligne qu’elle n’a pas eu la possibilité de contester devant un juge le bien-fondé ou le déroulement des perquisitions, contrairement à ce que prévoit le régime des opérations de visite et saisie en application de l’article L. 450-4 du code de commerce376. Dans le cas d’espèce, le recours contre la perquisition n’a pu être exercé qu’après sa mise en examen, ce qui, selon Legrand, n’est pas conforme « aux exigences qui découlent du principe constitutionnel des droits de la défense et en particulier du droit au recours » telles qu’elles ressortent d’une décision du Conseil constitutionnel rendue en matière de visites domiciliaires377.
316. Schneider Electric fait valoir qu’elle n’a pas pu soumettre le déroulement de la perquisition au contrôle d’un juge, alors que sous le régime défini par l’article L. 450-4 du code de commerce, il aurait été possible de solliciter le juge des libertés et de la détention par l’intermédiaire de l’officier de police judiciaire présent. En outre, ne s’étant pas vu remettre de procès-verbal à l’issue des perquisitions, elle n’a pas eu connaissance de l’étendue et de l’objet des saisies réalisées378.
317. Schneider Electric soutient en outre que la transmission à l’Autorité des pièces du dossier pénal sur le fondement de l’article L. 463-5 du code de commerce n’est soumise à aucun contrôle juridictionnel qui permettrait de vérifier son bien-fondé ou sa régularité. En ce sens, elle considère qu’elle a été privée du droit d’exercer un recours juridictionnel effectif379.
318. Sonepar rappelle pour sa part qu’elle a pu contester la perquisition seulement après sa mise en examen, devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel, alors qu’elle aurait pu contester une opération de visite et de saisie devant le premier président de la cour d’appel de Paris dans un délai de dix jours en application de l’article L. 450-4 du code de commerce. Elle estime par conséquent qu’elle a été privée de la possibilité de former un recours juridictionnel immédiat380.
319. Rexel381 et Legrand382 soulignent en particulier qu’au moment de la mise en oeuvre de la perquisition, en 2018, les règles applicables aux perquisitions pénales n’avaient pas été mises en conformité avec les exigences découlant de l’arrêt de la CEDH du 21 février 2008, aux termes duquel l’absence de droit au recours effectif et du droit de faire appel à un avocat, dans le cadre d’opérations de visites et saisies, constituent chacune une violation de l’article 6 de la CESDH383.
320. Cette mise en conformité n’est intervenue qu’en 2019, à travers la création dans le code de procédure pénale de l’article 802-2, qui ouvre sous certaines conditions un droit de recours contre une perquisition avant toute mise en examen. Or les parties soutiennent que les droits de la défense sont un principe supra-légal qui s’impose même en cas de dispositions législatives contraires, de sorte que l’Autorité devrait retenir, en l’espèce, une violation objective des droits de la défense s’agissant de la saisie des pièces.
Réponse de l’Autorité
321. Les parties contestent la régularité d’actes pris sur le fondement de dispositions du code de procédure pénale sur autorisation d’un juge d’instruction.
322. Or l’Autorité relève, d’une part, qu’elle est valablement saisie et que les pièces du dossier pénal lui ont été régulièrement transmises et, d’autre part, que les parties, ainsi qu’elles l’ont confirmé au cours de la séance, ont chacune formé devant la juridiction compétente, à savoir la chambre de l’instruction, une requête en annulation de leur mise en examen.
323. Même si, en l’espèce, une copie de pièces de la procédure pénale sélectionnées par le juge d’instruction a été versée au dossier de l’Autorité, les actes concernés n’en restent pas moins des actes judiciaires qui font partie d’une procédure toujours en cours et qui sont soumis aux seules voies de recours prévues par le code de procédure pénale.
324. L’Autorité n’a donc pas compétence pour se prononcer sur la conformité de ces actes à la loi ou à des normes de rang supérieur, étant précisé, comme il a été indiqué au paragraphe 260, que les pièces issues du dossier pénal versées au dossier de l’Autorité ont été soumises au débat contradictoire.
325. Au surplus, sur l’impossibilité de former un recours avant une mise en examen contre les perquisitions menées le 6 septembre 2018, il est à noter que les nouvelles dispositions de l’article 802-2 du code de procédure pénale ne s’appliquent qu’aux perquisitions postérieures à la publication de la loi, soit après le 24 mars 2019384. Les parties ne peuvent ainsi se prévaloir, en l’espèce, de dispositions entrées en vigueur après les perquisitions de 2018, dès lors que le législateur a exclu expressément leur application rétroactive.
4. SUR LE RESPECT DE L’EXIGENCE DE LOYAUTE DE LA PREUVE
a) Rappel des principes
Sur les formalités applicables à l’établissement de procès-verbaux par les services d’instruction
326. Aux termes de l’article L. 450-2 du code de commerce, les enquêtes réalisées par les agents des services d’instruction de l’Autorité donnent lieu à l’établissement de procès-verbaux dont copie est transmise aux personnes intéressées et qui « font foi jusqu’à preuve contraire ».
327. Le quatrième alinéa de l’article L. 450-3 du même code, dans sa version en vigueur au moment du recueil des déclarations anonymes du 11 avril 2018, dispose que « [les] agents peuvent exiger la communication et obtenir ou prendre copie, par tout moyen et sur tout support, des livres, factures et autres documents professionnels de toute nature, et, le cas échéant, de leurs moyens de déchiffrement, susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles, entre quelques mains qu'ils se trouvent, propres à faciliter l'accomplissement de leur mission. [...] Ils peuvent également recueillir, sur place ou sur convocation, tout renseignement, document ou toute justification nécessaire au contrôle. »
328. Ainsi qu’il résulte des dispositions du I de l’article R. 450-1 du même code, dans sa version du 30 septembre 2014 applicable en l’espèce, « les procès-verbaux prévus à l’article L. 450-2 énoncent la nature, la date et le lieu des constatations ou des contrôles effectués. Ils sont signés d’un agent [des services d’instruction de l’Autorité] ».
Sur les modes de preuve admissibles devant l’Autorité
329. Il résulte de l’article L. 463-1 du code de commerce que « [l]’instruction et la procédure devant l’Autorité de la concurrence sont contradictoires, sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 463-4 et L. 464-10. »
330. Ainsi que l’Autorité l’a rappelé dans sa décision n° 14-D-08 du 24 juillet 2014385, « tous les modes de preuve (documents écrits, témoignages, aveux) sont utilisables devant l’Autorité, sous réserve du respect du principe de loyauté de la preuve ».
331. À cet égard, saisis d’une contestation du mode de recueil d’un élément de preuve, tant la CEDH, dans l’arrêt Schenk c. Suisse du 12 juillet 1988386, que le Tribunal de l’Union (ci-après « le Tribunal »), dans l’arrêt Goldfish BV du 8 septembre 2016, distinguent selon que l’élément contesté constitue ou non le seul moyen de preuve retenu pour motiver la condamnation387.
332. Le Tribunal a ainsi considéré qu’un élément de preuve doit être admis, à supposer qu’il aurait été recueilli par un moyen dont la régularité pourrait être critiquée, dès lors que cet élément ne constitue pas l’unique moyen de preuve utilisé par la Commission pour établir une pratique anticoncurrentielle388. Dans le même arrêt, le Tribunal rappelle que « l’interprétation et l’application uniformes du principe de libre administration des preuves dans l’Union sont indispensables », sauf à « porter atteinte à l’unité du droit de l’Union »389.
333. Dans le prolongement de la jurisprudence précitée, la directive dite ECN+ du 11 décembre 2018390 souligne à ce titre que, étant donné l’importance des preuves dans la mise en oeuvre des articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ci-après « TFUE »), les autorités nationales de concurrence « devraient avoir la possibilité d'examiner des preuves pertinentes, qu'elles soient soumises par écrit, oralement, sous une forme électronique ou enregistrée ». La directive ajoute que ces preuves devraient inclure la possibilité de prendre en compte des moyens de preuve mis en oeuvre par des personnes physiques ou morales qui ne sont pas des autorités publiques et procédant d’un degré certain de dissimulation, « pour autant qu'il ne s'agisse pas de l'unique source de preuve »391.
334. Cette disposition a été transposée en droit national par l’ajout d’un alinéa à l’article L. 463-1 précité, aux termes duquel « les pratiques dont l’Autorité est saisie peuvent être établies par tout mode de preuve »392.
335. En ce sens, des déclarations recueillies de manière anonyme sont admises dès lors qu’elles ne constituent pas, au regard de la pratique sanctionnée, l’élément de preuve unique ou déterminant. La Cour de cassation a ainsi, dans une affaire relative à des pratiques restrictives de concurrence, censuré un arrêt de la cour d’appel de Paris qui, pour condamner une entreprise, s’était fondée de manière déterminante sur un ensemble de déclarations recueillies anonymement qui se corroboraient mutuellement. La Cour a considéré en effet, au visa de l’article 6, paragraphes 1 et 3 de la CESDH, « qu’au regard des exigences du procès équitable, le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des déclarations anonymes »393.
336. En revanche, l’usage d’une déclaration anonyme parmi les éléments retenus par le rapporteur général à l’appui d’un signalement fondé sur l’article 40 du code de procédure pénale a été approuvé par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris. Saisie de requêtes en annulation présentées par des personnes mises en examen, la chambre de l’instruction a en effet considéré, le 1er juillet 2021, que « les déclarations anonymes, si elles ne pouvaient être exploitées par les rapporteurs de l’Autorité, contenaient des éléments suffisamment précis et circonstanciés permettant de considérer qu’un délit d’entente illicite prévu par l’article L. 420-6 du code de commerce avait été commis »394.
b) Application au cas d’espèce
Arguments des parties
337. Les parties soutiennent que les services d’instruction ont violé le principe de la loyauté de la preuve en fondant le signalement transmis au procureur de la République le 23 avril 2018 sur des déclarations recueillies de manière anonyme non corroborées par d’autres éléments et en méconnaissance, comme le soutient Legrand395, des conditions et formes normalement requises pour qu’une déclaration anonyme soit admise à titre de preuve.
338. Au soutien de l’irrégularité du procès-verbal du 11 avril 2018, les parties font valoir qu’il n’identifie pas l’auteur des déclarations, qu’il n’est pas signé par les auteurs et qu’il n’existe au dossier aucune version non anonyme permettant de les identifier.
339. Les parties font valoir en outre que cette violation est d’autant plus caractérisée que les informations portées à la connaissance du procureur de la République étaient issues de documents obtenus de manière frauduleuse et avaient été transcrites dans un procès-verbal qui ne relatait pas de manière exacte le déroulement de l’audition du 11 avril 2018396. Ainsi, selon Legrand notamment, il apparaît que la personne entendue de manière anonyme a remis aux services d’instruction un rapport d’audit interne à Sonepar obtenu frauduleusement. Sonepar, ayant déposé plainte à ce titre pour vol et abus de confiance, a d’ailleurs produit quelques jours avant la séance l’ordonnance de renvoi de cette personne devant le tribunal correctionnel rendue par le juge d’instruction du chef d’abus de confiance397.
340. À la lecture du procès-verbal précité, il serait manifeste que ce rapport d’audit, ainsi que d’autres documents internes à Sonepar, a été examiné et commenté par les personnes qui participaient à l’audition, la mention « pièces à l’appui de ces déclarations » figurant même expressément dans le procès-verbal. Toutefois, ce dernier ne mentionne pas que le rapport a été remis ni a fortiori versé au dossier, ce qui démontrerait la connaissance que les services d’instruction avaient de son origine illicite398. Le procès-verbal ne comporte pas non plus de question sur l’origine des pièces.
341. Ainsi, selon les parties, le procès-verbal de recueil de déclarations établi le 11 avril 2018 contreviendrait au principe de loyauté de l’administration de la preuve. Or, il sert de support au signalement du 23 avril 2018 fondé sur l’article 40 du code de procédure pénale. Tous les actes subséquents, y compris les perquisitions et saisies, seraient donc atteints d’un vice irrémédiable et devraient être déclarés nuls.
Réponse de l’Autorité
342. L’Autorité relève que les arguments développés ci-dessus reviennent à contester la régularité du signalement fondé sur l’article 40 du code de procédure pénale. Or il a été démontré plus haut que l’Autorité n’a pas compétence pour apprécier ce point. Le conseiller auditeur lui-même, auquel était soumise la même contestation au regard de la loyauté de la preuve, est parvenu à la même conclusion, en se référant à l’arrêt du 4 mars 2016 du Conseil d’État cité au paragraphe 279399.
343. À titre surabondant, s’agissant de la régularité du procès-verbal, il n’est pas contesté que ce dernier énonce la nature, la date et le lieu des constatations ou des contrôles effectués, en l’espèce la transcription des déclarations de deux personnes non identifiées et désignées par les lettres « X » et « Y », et qu’il a été signé par plusieurs rapporteurs. Les formalités prévues par l’article R. 450-1 du code de commerce sont donc respectées. En outre, le procès-verbal comporte le nom et la signature, clairement identifiables, de l’avocat qui a assisté les personnes déclarantes, ce qui ne peut que renforcer l’authenticité des déclarations recueillies.
344. Cette régularité formelle étant établie, il sera observé en outre, en premier lieu, que ce procès-verbal n’est qu’un des éléments qui ont servi à motiver l’envoi d’un signalement au procureur de la République. Les autres éléments documentaires, mentionnés en des termes explicites par le rapporteur général et annexés au signalement, sont un article de presse et des documents légalement obtenus auprès de l’AFA conformément à l’article L. 450-7 du code de commerce. Le procès-verbal du 11 avril 2018 n’est donc pas l’élément de preuve unique et déterminant au sens de la jurisprudence citée au paragraphe 335.
345. En deuxième lieu, la mention « sur les pièces à l’appui de ces déclarations » qui figure, en sous-titre, à la page 4 du procès-verbal ne suffit pas à démontrer que des pièces ont été présentées aux services d’instruction sans leur être remises. Les procès-verbaux faisant foi jusqu’à preuve contraire en application de l’article L. 450-1 du code de commerce, les parties émettent à cet égard une hypothèse sans apporter de preuve de nature à réfuter ce constat. Il est constant, par ailleurs, que les déclarantes, ou au moins l’une d’entre elles, était une personne qui avait travaillé pour Sonepar et avait eu accès, en raison de ses fonctions et responsabilités, à des documents qu’elle était dès lors tout à fait apte à évoquer sans les avoir en sa possession.
346. Pour toutes ces raisons, le moyen tiré d’une méconnaissance de l’exigence de loyauté de la preuve sera écarté.
5. SUR LA VIOLATION DU SECRET PROFESSIONNEL
a) Rappel des principes
347. Le secret des correspondances entre un avocat et son client bénéficie d’une protection, reconnue par la loi et la jurisprudence tant européenne que nationale, qui limite la possibilité pour les services d’instruction de l’Autorité de saisir les pièces couvertes par ce secret et d’en faire usage pour établir des infractions au droit de la concurrence.
348. Il résulte des dispositions législatives relatives au secret professionnel des avocats que ce dernier s’applique « en toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense » et couvre notamment les consultations, correspondances et notes d’entretien400. Le Conseil constitutionnel, statuant sur la constitutionnalité de dispositions de procédure pénale qui reprenaient la distinction entre les activités de conseil et de défense, a observé « [qu’]aucune disposition constitutionnelle ne consacre spécifiquement un droit au secret des échanges et correspondances des avocats ». Il a néanmoins reconnu la constitutionnalité de l’interdiction de toute saisie d’échanges ou correspondances « dès lors qu’ils relèvent de l’exercice des droits de la défense »401.
349. Pour préciser la portée de cette interdiction, le Conseil constitutionnel a indiqué que les documents concernés sont ceux qui sont « relatifs à une procédure juridictionnelle ou à une procédure ayant pour objet le prononcé d’une sanction et relevant, à ce titre, des droits de la défense garantis par l’article 16 de la Déclaration de 1789 »402.
350. Selon la Cour de cassation, le critère tenant à l’exercice des droits de la défense relève d’une appréciation in concreto de chaque pièce403.
351. Selon une jurisprudence constante, la chambre criminelle de la Cour de cassation considère que, pour la mise en oeuvre de cette protection dans le cadre d’opérations de visite et de saisie conduites par l’Autorité, des correspondances entre un avocat et son client peuvent être saisies, dès lors qu’elles « ne concernent pas l’exercice des droits de la défense »404. Il en est de même pour les « échanges préalables à la saisine d’un avocat sans que celui-ci n’en soit l’émetteur ou le destinataire », comme elle l’a souligné dans un arrêt du 25 juin 2024405.
352. Se fondant sur ce même critère, la Cour de cassation a, dans l’arrêt Whirlpool du 26 janvier 2022, approuvé le premier président de la cour d’appel de Paris pour avoir annulé la saisie de documents internes à l’entreprise, en considérant que la protection de la confidentialité des échanges entre avocats et clients bénéficie aux documents qui reprennent la stratégie de défense mise en place par l’avocat, dès lors que celle-ci en constitue « l’objet essentiel »406.
353. Les juridictions de l’Union reconnaissent une protection similaire aux documents internes.
354. Dans l’ordonnance Hilti c/ Commission du 4 avril 1990, le Tribunal a indiqué que, « compte tenu de sa finalité, le principe de protection accordée aux communications entre l'avocat et son client doit être regardé comme s'étendant également aux notes internes qui se bornent à reprendre le texte ou le contenu de ces communications »407. Le Tribunal a élargi cette protection, dans l’arrêt Akzo Nobel du 7 septembre 2007, aux documents préparatoires qui, « même s’ils n’ont pas été échangés avec un avocat ou n’ont pas été créés pour être transmis matériellement à un avocat, ont été élaborés exclusivement aux fins de demander un avis juridique à un avocat, dans le cadre de l’exercice des droits de la défense ». En revanche, aux termes de cet arrêt, « le simple fait qu’un document ait été l’objet de discussions avec un avocat ne saurait suffire à lui attribuer cette protection »408 (soulignements ajoutés).
355. En outre, s’agissant de pièces saisies dans le cadre d’opérations prévues par l’article L. 450-4 du code de commerce, la Cour de cassation rappelle de manière constante que la prise de connaissance et la saisie irrégulière de pièces couvertes par ce secret n’a aucun effet sur la validité de la procédure409. Ainsi, conformément à cette jurisprudence, il a été jugé que « la prise de connaissance éventuelle par un enquêteur d’un document protégé par l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 n’a pour effet que l’annulation de ce document et l’interdiction pour l’administration d’en faire état de quelque manière que ce soit, ainsi que le rappelle[nt] de manière constante la Haute Juridiction [la Cour de cassation] et la CEDH, la saisie irrégulière de certains fichiers ou documents étant sans effet sur la validité des opérations de visite et des autres saisies »410.
356. Plus particulièrement, s’agissant de la présence de documents couverts par le secret de la correspondance entre avocats et clients dans le dossier de l’Autorité, la Cour de cassation considère qu’elle ne porte pas atteinte aux droits de la défense, dès lors qu’en toute hypothèse l’Autorité ne peut faire usage des documents concernés : « [s]i des fichiers relevant de la protection des correspondances avocat-client pourraient éventuellement être récupérés car non définitivement supprimés, […] ils ne pourraient en tout état de cause être utilisés dans la procédure postérieure si elle se poursuivait, l'Autorité de la concurrence ne pouvant en faire usage sous quelque condition que ce soit, de sorte qu'aucune atteinte aux droits de la défense n'est caractérisée »411. Ainsi, la Cour de cassation considère de manière constante que « seule est prohibée l'utilisation dans une procédure de tels documents »412.
357. Enfin, dès lors qu’une entreprise se prévaut de la protection de la confidentialité des échanges avec un avocat, il lui appartient d’établir que ces échanges sont en lien avec l’exercice des droits de la défense413.
b) Application au cas d’espèce
Arguments des parties
358. Les entreprises mises en cause font valoir que des pièces couvertes par le secret des correspondances entre un avocat et son client ont été saisies au cours de l’instruction pénale et restent présentes dans le dossier de l’Autorité. De ce fait, elles demeureraient accessibles à la fois aux services d’instruction et au collège. Elles ajoutent que les services d’instruction, bien qu’en ayant été avertis, n’ont pas pris les mesures nécessaires pour y remédier, par exemple en mettant en oeuvre la procédure dite des scellés fermés provisoires comme en matière d’opérations de visite et de saisie. Elles estiment qu’il en résulte une violation du secret professionnel qui porte une atteinte irrémédiable aux droits de la défense et devrait conduire à la nullité de la procédure414.
359. Legrand415 rappelle les termes de l’arrêt Akzo Nobel précité du Tribunal, selon lesquels la simple prise de connaissance par l’autorité de poursuite de documents couverts par le secret et liés à l’objet de l’enquête constitue une atteinte aux droits de la défense et, par ailleurs, la simple présence de pièces protégées par la confidentialité des correspondances entre avocats et clients dans le dossier de la Commission suffit à causer un dommage irréparable à l’entreprise416. Dans ces conditions, Legrand affirme que les services d’instruction auraient dû à tout le moins la mettre en mesure de former une demande de restitution de pièces417.
360. Legrand soutient en l’espèce avoir, dès le 25 octobre 2018, adressé un courrier au rapporteur général signalant la saisie par les enquêteurs de plusieurs pièces de cette nature, en particulier des documents préparatoires à l’audition du 15 mai 2018 qu'elle avait proposée aux services d’instruction à la suite de la publication de l’article de Mediapart. Elle indique que les documents concernés, une « note juridique » du 1er mai 2018 et des « éléments de langage » du 14 mai 2018, seraient encore présents au dossier418.
361. Rexel soutient que la restitution de certaines pièces concernées ne suffit pas à remédier à cette atteinte, dans la mesure où cette restitution interviendrait trop tardivement, et de surcroît en l’absence de tout contrôle juridictionnel419. Elle ajoute que des pièces reprenant une analyse juridique réalisée par le cabinet d’avocats [Confidentiel], et couverte à ce titre par le secret professionnel, auraient été exploitées par les services d’instruction et seraient mentionnées dans la notification de griefs420. Elle observe que, même si ces pièces ont été remises volontairement par leur auteur, le cabinet de conseil Boston Consulting Group, cette remise volontaire était sans effet en l’espèce, dès lors que seule Rexel était cliente du cabinet d’avocats et que le secret professionnel ne peut être levé que par le client et non par un tiers421.
362. À l’appui de cette prétention, Rexel se prévaut de l’arrêt Whirlpool précité, alléguant que la stratégie de défense élaborée par un avocat constitue l’objet essentiel des pièces concernées.
363. De son côté, Schneider Electric indique avoir adressé une lettre au juge d’instruction le 20 septembre 2018 demandant la restitution de l’ensemble des documents protégés, quel qu’en soit le support. La réponse du juge ne figure pas au dossier. Elle prétend, en citant les cotes correspondantes, que plusieurs documents protégés, de nature diverse, figurent encore au dossier422 et soutient que deux de ces documents ont été utilisés par les services d’instruction dans la notification de griefs423, en l’espèce une présentation PowerPoint de novembre 2013 contenant une page intitulée « Enjeux juridiques » (cote 4 815), d’une part, et une note de la direction juridique datée du 13 décembre 2012 (cotes 19 380 VC et 19 381 VC424) intitulée « Memorandum on special prices to distributors in the EU »425.
364. Au cours de la séance, Schneider Electric a soutenu en outre qu’un document intitulé « Schéma canaux »426 extrait d’une présentation PowerPoint devait être protégé, en ce qu’il a fait l’objet de discussions avec des avocats du cabinet [Confidentiel] lors d’une réunion du 23 janvier 2014.
365. Sonepar a adressé une lettre aux services d’instruction le 7 février 2022, après transmission des pièces du dossier (sous forme de fichiers informatiques), en amont de l’envoi de la notification de griefs427. Elle y indiquait avoir « constaté avec stupéfaction la présence dans les éléments transmis d’un très grand nombre de correspondances avocat-client en relation directe avec le dossier », éléments qu’elle énumérait.
366. Les services d’instruction ont répondu à Sonepar par courriel du 8 février 2022 en lui demandant de leur « faire parvenir les éléments permettant d'identifier précisément les éléments mentionnés dans ledit courrier (nom du scellé, support concerné et chemin d'accès), en vue de leur restitution par suppression, dans l'hypothèse où il s'agirait effectivement de correspondances échangées dans le cadre et aux fins des droits de la défense de [Sonepar] dans un dossier de concurrence »428. Sonepar a refusé d’accéder à cette demande, insistant dans sa réponse du 14 février 2022 sur l’inutilité d’une telle démarche, l’atteinte au secret étant ipso facto irrémédiable, les services d’instruction ayant eu accès à ces échanges a minima depuis le 7 juillet 2021, date de leur saisine, voire depuis les perquisitions de septembre 2018429.
367. Enfin, les parties prétendent que, même si les pièces litigieuses étaient écartées du dossier, rien ne permettrait d’exclure que ces pièces auraient contribué à la décision du collège. La gravité de ces irrégularités justifierait, partant, que soit prononcée la nullité de la procédure.
Réponse de l’Autorité
368. À titre liminaire, l’Autorité souligne, tout d’abord, que la saisie des pièces ayant été faite par des enquêteurs agissant sur commission rogatoire d’un juge d’instruction, l’examen de sa régularité est du seul ressort de la chambre de l’instruction de la cour d’appel.
369. Ensuite, la procédure de scellés fermés provisoires n’est, contrairement à ce que soutiennent les parties, nullement une obligation mais une simple faculté pour les services d’instruction destinée à prévenir toute contestation sur les pièces saisies. Au demeurant, une telle procédure n’aurait pas été possible, ni devant le juge d’instruction, car n’étant pas encore mises en examen, les parties n’avaient pas accès à la procédure et ne pouvaient donc pas identifier les pièces précisément, ni devant l’Autorité, car les pièces transmises par le juge d’instruction étaient déjà sous scellés.
370. Enfin, à la lumière de la jurisprudence nationale, européenne et constitutionnelle citée aux paragraphes 347 à 354 ci-avant, il y a lieu de relever que, par-delà la distinction entre les activités de conseil et de défense, reconnue formellement par la loi, et contrairement à ce que soutiennent les parties, le secret professionnel qui s’impose à un avocat ne fait pas obstacle par lui-même à la saisie de documents. Le critère pertinent pour apprécier la validité de la saisie des documents et la possibilité de les utiliser dans la procédure est en effet l’existence d’un lien avec l’exercice des droits de la défense. À cet égard, il résulte des principes rappelés ci-dessus que ce critère peut être appliqué également aux échanges, consultations et autres documents qui relèvent d’une activité de conseil, c’est-à-dire en dehors ou en amont de toute procédure administrative tendant à la recherche d’infractions au droit de la concurrence.
Sur les pièces signalées par Legrand
371. S’agissant des pièces dont la présence au dossier est critiquée en l’espèce, l’Autorité relève que les documents de mai 2018 signalés par Legrand figurent au dossier sous les cotes 26 950 et 26 952. Ces cotes sont des scellés informatiques intitulés « scellé 4/6/02 Legrand Limoges » et « scellé 4/1 Legrand Limoges » qu’il est impossible de consulter dans leur forme littérale. Ces cotes ont été volontairement (et techniquement) rendues inaccessibles, et donc placées hors du débat contradictoire, par les services d’instruction et le service de la procédure de l’Autorité. De plus, ces cotes ne sont pas citées par la notification de griefs et n’interviennent pas dans la démonstration des services d’instruction. Aucune atteinte au secret dont Legrand se prévaut n’est donc établie en l’espèce.
Sur les pièces signalées par Rexel
372. S’agissant des documents signalés par Rexel, plusieurs remarques peuvent être formulées.
373. Dans une lettre du 5 octobre 2018, Rexel a signalé au rapporteur général le risque de présence de correspondances protégées parmi les pièces saisies, en raison notamment de la saisie « massive » de courriels du directeur juridique430. Rexel a joint à cette lettre la copie d’une lettre adressée au juge d’instruction le 11 septembre 2018 aux fins d’exposer cette même contestation.
374. Dans une lettre adressée aux services d’instruction le 7 janvier 2022431, Rexel a appelé leur attention sur la saisie de plusieurs éléments :
- des notes prises par un représentant de l’entreprise au cours d’une réunion avec des avocats du cabinet [Confidentiel] destinée à préparer sa défense (cotes 1 161 et suivantes) ;
- deux consultations du cabinet [Confidentiel] des 3 octobre 2012 et 28 juin 2013 analysant les dérogations sous l’angle du droit de la concurrence, dont Rexel précisait que le numéro de scellé et la cote n’étaient pas identifiables432.
375. En réponse à cette lettre, les services d’instruction ont proposé la restitution de ces pièces par suppression433, proposition que Rexel a acceptée le 1er février 2022, ajoutant toutefois que le secret avait déjà été méconnu, compte tenu de l’absence de garantie que les pièces n’avaient pas été exploitées et de la possibilité qu’il y ait encore des copies des mêmes pièces ailleurs parmi les pièces saisies. Rexel a néanmoins identifié les chemins d’accès informatique des pièces comme l’y invitaient les services d’instruction.
376. La suppression des pièces concernées, tant des notes manuscrites que des fichiers informatiques, est intervenue le 17 mars 2022, comme attesté par procès-verbal434. L’Autorité constate ainsi que les cotes 1 161 à 1 180 et 24 421 à 24 440 sont désormais absentes du dossier435.
377. Rexel soutient que les services d’instruction avaient été expressément informés de l’existence de ces documents protégés dès le 5 octobre 2018436 et se sont donc délibérément abstenus de mettre en place les garanties nécessaires à la protection de la confidentialité.
378. Toutefois, Rexel s’est contentée, à cette date, de signaler un simple risque de présence de correspondances protégées, sans les identifier précisément. Ce n’est que plus tard qu’elle a apporté les précisions suivantes.
379. Premièrement, après la suppression des fichiers informatiques opérée le 17 mars 2022, Rexel a signalé aux services d’instruction avoir identifié dans le dossier d’autres documents qui lui paraissaient devoir bénéficier de protection, dans un courriel du 13 mai 2022437, puis un autre du 10 juin 2022438, en l’espèce des présentations PowerPoint du 8 octobre 2013 (cotes 805 à 811 et 22 723 à 22 729), du 30 août 2013 (cotes 22 393 à 22 418) et du 31 octobre 2013 (cotes 1 454 à 4 516). Elle indiquait de même que c’était également le cas d’une présentation BCG/Rexel du 20 novembre 2013 qui reprenait un « diagnostic juridique » formulé par le cabinet [Confidentiel] (cotes 1 247 à 1 266).
380. Deuxièmement, le 4 octobre 2022, dans ses observations à la notification de griefs, Rexel a indiqué aux services d’instruction que malgré la suppression intervenue en mars 2022, des copies des consultations supprimées figuraient encore dans des archives de messagerie électronique placées sous scellé informatique, précisant le chemin d’accès de chacune des copies dans lesdits scellés439.
381. S’agissant du contentieux des opérations de visite et saisie, qui présente une analogie pertinente en l’espèce, la jurisprudence rappelle de manière constante en ce qui concerne la saisie de correspondances couvertes par le secret professionnel avocat-client qu’il appartient à la requérante non seulement d’indiquer précisément les pièces qu'elle avait inventoriées, mais aussi d'indiquer pour chacune d'entre elles les raisons qui la rendent insaisissable440. Ces exigences n’étaient manifestement pas remplies le 5 octobre 2018.
382. En outre, les documents « protégés » identifiés par Rexel correspondent soit à des doublons de consultations d’avocats qui ont été supprimées par les services d’instruction le 17 mars 2022, soit à des présentations PowerPoint dont certaines pages seulement reprennent des « diagnostics juridiques » établis par des cabinets d’avocats. S’agissant, d’une part, des copies de fichiers identifiées par Rexel dans ses observations à la notification de griefs, ces éléments demeurent dans le scellé informatique, n’ont pas été cotés dans le dossier et sont dès lors inaccessibles pour le collège. Leur présence dans le scellé en tant que doublons non exploitables et non exploités de fichiers supprimés est donc sans incidence sur les droits de Rexel. S’agissant, d’autre part, des présentations PowerPoint mentionnées par Rexel, s’il apparaît que Rexel a effectivement signalé les éléments protégés par le secret professionnel aux services d’instruction, fût-ce à une date plus tardive qu’elle le prétend, l’unique conséquence est cependant d’interdire à l’Autorité d’en faire usage dans la procédure. Or, ces éléments protégés n’étant en l’espèce pas utilisés, aucune atteinte au secret des correspondances avocat-client n’est caractérisée.
383. À cet égard, la présentation PowerPoint du cabinet BCG, relative au projet Thomas, comportant la mention « diagnostic juridique du cabinet [Confidentiel] » figure dans un document du 31 octobre 2013, qui n’est pas cité dans la notification de griefs441. La notification de griefs fait référence à une autre présentation datée du 20 novembre 2013442, qui ne mentionne le nom d’aucun cabinet d’avocats mais serait, selon Rexel, une version plus récente de la présentation d’octobre. À supposer qu’il soit démontré que ce document ait été établi aux fins de l’exercice des droits de la défense, quod non, l’Autorité précise qu’il n’y a pas lieu de l’utiliser dans la suite de la présente décision. Par conséquent, le risque d’atteinte aux droits de la défense allégué par Rexel doit être écarté.
Sur les pièces signalées par Schneider Electric
384. Les documents cités par Schneider Electric comme devant bénéficier de la confidentialité des échanges appellent les remarques suivantes.
385. Premièrement, le document coté 48 815 est issu d’une présentation PowerPoint intitulée « POLCO & Processus AJP » et qui, bien que présentant des enjeux juridiques, porte la mention « Schneider Electric », sans que quoi que ce soit permette de rattacher son contenu à une analyse réalisée par un cabinet d’avocats. De plus, la notification de griefs se fonde sur d’autres passages de la présentation et non sur la cote signalée par l’entreprise.
386. Deuxièmement, s’agissant de la note de la direction juridique du 13 décembre 2012, les pages citées dans la notification de griefs correspondent aux cotes 19 380 et 19 381 et contiennent, certes, une analyse juridique faite par un cabinet d’avocats, mais celle-ci est ancienne (2004) et est rejetée par l’auteur de la note. De surcroît, en réponse à la demande présentée par les services d’instruction le 31 mai 2022443, Schneider Electric ne s’est pas opposée au déclassement de ces cotes pour les besoins de la procédure, sous réserve de la confidentialisation de « passages noircis »444. Il peut être observé enfin que la notification de griefs ne fait pas référence à ces passages.
387. Troisièmement, s’agissant du document intitulé « Schéma canaux »445, il résulte du rapport d’exploitation des saisies informatiques réalisé par les services d’instruction qu’il consiste en un document PowerPoint de 12 pages nommé « Réunion [Confidentiel] 23012014.pptx »446. Toutefois, un représentant de Schneider Electric a déclaré, au cours de son audition, être l’auteur de ce document, expliquant l’avoir rédigé à la suite de sa prise de poste à la fin de l’année 2013 : « [j]’ai eu connaissance de ce document. Je l’ai rédigé. [...] Je ne sais plus à qui il était destiné »447. Il apparaît donc que ce document, qui ne comporte aucune référence à un cabinet d’avocats sur les 12 pages qu’il contient, doit être considéré comme un document purement interne, quand bien même il aurait été présenté ensuite à un avocat. L’appréciation que ce dernier a pu porter sur le document, que ce soit lors d’une réunion du 23 janvier 2014 ou ultérieurement, n’apparaît pas dans le dossier. Au surplus, le document lui-même n’étant pas daté, ainsi que le reconnaît Schneider Electric448, il n’est pas possible d’affirmer qu’il a été établi au regard des conseils d’un avocat dans le cadre d’une réunion qui s’est tenue le 23 janvier 2014. Par conséquent, il n’y a pas lieu de considérer que cette pièce doit bénéficier de la protection au titre de la confidentialité des échanges entre un avocat et son client.
Sur les pièces signalées par Sonepar
388. L’Autorité observe que Sonepar a refusé la proposition, faite par les services d’instruction dès avant l’envoi de la notification de griefs, de destruction des fichiers susceptibles d’être concernés. N’ayant pas identifié précisément les correspondances en cause, elle n’a pas mis l’Autorité en mesure d’assurer une protection adéquate du secret de ces correspondances. Étant donné que la simple présence de tels éléments au dossier ne porte pas atteinte par elle-même à ce secret, aucune atteinte au secret n’est établie en l’espèce.
389. Pour toutes ces raisons, il y a lieu de rejeter le moyen, présenté par chacune des parties, tiré d’une atteinte au secret des correspondances entre avocats et clients.
6. SUR L’EVOLUTION DE LA THESE DES SERVICES D’INSTRUCTION
a) Rappel des principes
Sur la possibilité de faire évoluer le grief
390. Comme il a été rappelé ci-avant aux paragraphes 259 et suivants, la procédure devant l’Autorité est contradictoire. La pratique décisionnelle déduit notamment de ce principe que l’analyse faite dans le rapport peut évoluer au regard de celle qui a été développée dans la notification de griefs449. Ainsi, le Conseil de la concurrence a considéré en ce sens que « tant que le rapport ne vise pas des pratiques différentes de celles évoquées dans la notification de griefs et ne modifie pas leur qualification, il est possible d’y affiner l’analyse concurrentielle, d’étayer ou de préciser l’un des griefs notifiés »450.
Sur la clarté exigée des griefs notifiés
391. Il ressort d’une jurisprudence constante qu’en vertu des « principes fondamentaux de la procédure, inscrits dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et rappelés à l'article L. 463-1 du code de commerce », la notification de griefs doit informer précisément les entreprises poursuivies des pratiques qui leur sont reprochées451. Ainsi, la cour d’appel de Paris a déjà jugé que « le respect de ces principes fondamentaux de la procédure impose que les faits soient formulés de manière suffisamment précise et les pratiques incriminées étayées d’éléments de preuve suffisants pour que les parties puissent préparer utilement leur défense » et que le collège de l’Autorité est « habilité à vérifier que les entreprises en cause [n’ont] pu se méprendre sur les accusations portées contre elles et qu’elles [ont] été en mesure de présenter utilement leur défense pour les marchés cités, cette vérification devant se faire au regard, non seulement de la formule finale d’accusation, mais aussi du corps même de la notification des griefs »452.
392. Corrélativement, la cour d’appel de Paris vérifie que des sanctions ne soient pas prononcées, en l’absence d’une notification de griefs complémentaire, pour une pratique qui n’aurait pas été visée dans la notification de griefs, quand bien même elle aurait été dénoncée ensuite dans le rapport et que les parties s’en seraient expliquées. À l’inverse, « le principe de la contradiction et les droits de la défense sont respectés lorsque la décision ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans les notifications de griefs et ne retient que des faits sur lesquels ils ont eu l'occasion de s'expliquer »453.
b) Application au cas d’espèce
Arguments des parties
393. Les quatre entreprises mises en cause prétendent que les services d’instruction ont modifié, entre la notification de griefs et le rapport, leur thèse concernant la qualification des pratiques, d’une part, et la caractérisation des effets, d’autre part. Cette modification justifierait, selon elles, le prononcé d’un non-lieu.
394. Elles font valoir que le standard de preuve d’une entente verticale retenu dans la notification de griefs est inspiré de la décision Apple du 16 mars 2020454 et s’appuie sur la réunion de trois critères, la fixation d’un prix de revente maximal à travers une négociation préalable entre le fournisseur et le client final, l’absence d’incitation du distributeur à proposer un prix inférieur et la capacité restreinte du distributeur à proposer un prix inférieur.
395. Rappelant que la cour d’appel de Paris a réformé cette décision le 6 octobre 2022, remettant en cause l’analyse de l’Autorité notamment sur la liberté tarifaire laissée aux distributeurs455, les parties affirment que les services d’instruction, alors qu’ils auraient dû abandonner le grief, l’ont fait évoluer. D’après les observations présentées par les parties lors de la séance, les services d’instruction se seraient trouvés « contraints d’invoquer tardivement une police des prix » et se seraient dès lors appuyés sur quatre critères, à savoir une évocation de prix de revente fixes ou minimaux (et non plus maximaux), une police des prix, et l’application significative des prix par Rexel et Sonepar. Le périmètre des pratiques visées aurait en outre été modifié pour être étendu à l’ensemble des dérogations.
396. Cette évolution se serait accompagnée d’une évolution dans la caractérisation des effets désormais allégués des pratiques, à savoir la hausse des prix « non dérogés », qui serait à la fois incohérente, en ce que les effets des pratiques diminueraient à mesure que les dérogations se généraliseraient, et incompatible avec les griefs notifiés, en ce qu’elle correspondrait davantage à une pratique de discrimination tarifaire, pourtant expressément exclue du champ des griefs.
Réponse de l’Autorité
397. Eu égard au caractère contradictoire de la procédure, et à supposer, quod non, que la thèse des services d’instruction ait pu évoluer, l’Autorité relève que les parties ont pu y répondre en formulant à la fois des observations en réponse au rapport et des observations orales en séance. Ainsi, les parties ont été mises en mesure de s’expliquer sur les faits qui font l’objet de la présente décision, ainsi que sur leur qualification. En outre, il apparaît que le rapport ne vise pas des pratiques ou des faits différents, l’évolution alléguée de la thèse étant seulement une manière d’affiner l’analyse concurrentielle en vue, notamment, de répondre aux observations formulées par les parties en réponse à la notification de griefs456.
398. Quant au respect de l’exigence de clarté du grief, les parties ne démontrent pas que l’évolution de la thèse qu’elles dénoncent ait été de nature à créer une confusion sur les faits reprochés. Au contraire, la notification de griefs et le rapport sont suffisamment motivés et étayés par les éléments du dossier pour permettre aux parties de répondre précisément aux griefs, quand bien même l’analyse concurrentielle aurait évolué, possibilité dont elles ont au demeurant amplement usé.
399. Il s’ensuit que les arguments tirés de l’évolution de la thèse des services d’instruction ne justifient nullement que soit prononcé un non-lieu.
7. SUR LA VIOLATION DU PRINCIPE NON BIS IN IDEM
a) Rappel des principes
400. Ainsi qu’il a été exposé aux paragraphes 310 et suivants, les procédures qui se déroulent devant une juridiction judiciaire et devant l’Autorité sont indépendantes et suivent leur propre évolution, sans préjudice de la possibilité d’une communication de pièces issues d’un dossier pénal, lorsqu’elles présentent un lien direct avec les faits dont l’Autorité est saisie.
401. Au-delà de cette articulation, toutefois, ces procédures ne pourraient conduire à sanctionner deux fois les mêmes faits sans qu’il soit porté une atteinte au principe non bis in idem. Consacré notamment par l’article 4 du protocole n° 7 de la CESDH, l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et, au niveau national, par l’article 368 du code de procédure pénale et la pratique décisionnelle du Conseil constitutionnel, ce principe, selon lequel nul ne peut être poursuivi ou sanctionné en raison des mêmes faits, s’applique en cas « de cumul de sanctions ayant le caractère d’une punition (sanctions pénales, administratives, disciplinaires etc.) ainsi que de cumul de poursuites tendant à de telles sanctions »457.
402. Selon les juridictions de l’Union, l’application du principe non bis in idem requiert l’existence d’une décision préalable statuant sur un comportement, non susceptible de recours (la condition « bis »), et est soumise à une triple condition d’identité des faits, d’unité de contrevenant et d’unité de l’intérêt juridique protégé (la condition « idem »)458. Ces principes ont été constamment repris par la jurisprudence française459.
403. La Cour de justice de l’Union européenne (ci-après « CJUE ») a rappelé expressément ces deux conditions en réponse à une question préjudicielle dans un arrêt du 14 septembre 2023 : « En ce qui concerne la condition “bis”, pour qu’une décision judiciaire puisse être regardée comme ayant définitivement statué sur les faits soumis à une seconde procédure, il est nécessaire non seulement que cette décision soit devenue définitive, mais également qu’elle ait été rendue à la suite d’une appréciation portant sur le fond de l’affaire. [...] S’agissant de la condition “idemˮ, il découle des termes mêmes de l’article 50 de la Charte que celui-ci interdit de poursuivre ou de sanctionner pénalement une même personne plus d’une fois pour une même infraction. [...] Selon une jurisprudence établie, le critère pertinent afin d’apprécier l’existence d’une même infraction est celui de l’identité des faits matériels, compris comme l’existence d’un ensemble de circonstances concrètes indissociablement liées entre elles qui ont conduit à l’acquittement ou à la condamnation définitive de la personne concernée »460.
b) Application au cas d’espèce
404. Sonepar461 et Rexel462 soutiennent que la conduite parallèle de l’instruction par les juridictions pénales et les services d’instruction de l’Autorité constitue une violation du principe non bis in idem.
405. Il est précisé que les quatre entreprises mises en cause, ainsi qu’elles l’ont confirmé au cours de la séance, ont été mises en examen du chef de participation à une entente illicite au sens de l’article L. 420-6 du code de commerce, sur le fondement notamment de l’article 121-1 du code pénal, qui définit les conditions de la responsabilité pénale des personnes morales.
406. Dans leurs observations au rapport, Sonepar et Rexel demandent donc à l’Autorité d’abandonner les griefs à leur encontre et, subsidiairement, de surseoir à statuer jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue dans le cadre de la procédure pénale463, nonobstant la jurisprudence constante qui admet la poursuite parallèle d’une procédure pénale et d’une procédure administrative devant l’Autorité.
407. Toutefois, l’application du principe non bis in idem suppose, conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus, qu’une première décision de sanction ait été rendue. Or il est constant que l’information judiciaire suivie des chefs notamment d’entente illicite contre Sonepar, Rexel, Legrand et Schneider Electric, n’a donné lieu, à la date de la présente décision, à aucune décision de renvoi devant une juridiction répressive. La mise en examen des entreprises ne constitue pas une reconnaissance de culpabilité, ni a fortiori une sanction qui ferait obstacle au prononcé d’une sanction par l’Autorité.
408. Il manque ainsi une condition indispensable pour qu’une violation du principe non bis in idem soit caractérisée. Ce moyen sera donc écarté.
8. SUR L’ATTEINTE AU SECRET DES AFFAIRES
a) Rappel des principes
409. L’article L. 463-4 du code de commerce dispose que le rapporteur général peut refuser à une partie la communication ou la consultation de pièces ou de certains éléments contenus dans ces pièces mettant en jeu le secret des affaires d'autres personnes, hormis les cas où cette communication ou cette consultation est nécessaire à l'exercice des droits de la défense d'une partie mise en cause.
410. Aux termes de l’article L. 464-8-1 du même code, les décisions par lesquelles le rapporteur général refuse d’accorder la protection du secret des affaires ou lève la protection initialement accordée peuvent faire l’objet d’un recours en réformation ou en annulation devant le premier président de la cour d’appel de Paris. L’article R. 464-24-3 prévoit que ce recours est formé dans un délai de dix jours à compter de la notification de la décision du rapporteur général.
411. En outre, il résulte de l’article R. 464-24-4 du même code que le délai de recours et le recours lui-même exercé à l’encontre de la décision du rapporteur général ne sont pas suspensifs. Le premier président de la cour d’appel de Paris ou son délégué peut toutefois ordonner qu’il soit sursis à son exécution, si la décision est susceptible d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
412. Il ressort de la jurisprudence de la cour d’appel de Paris qu’une violation éventuelle du secret des affaires ne saurait entraîner la nullité de la procédure « que s’il résulte de cette violation une atteinte irrémédiable et concrète aux droits de la défense, dont la preuve incombe à l’entreprise qui s’en plaint », c’est-à-dire une atteinte qui aurait « empêch[é] l’entreprise mise en cause de répondre de manière efficace aux griefs qui lui avaient été notifiés »464.
413. De même, dès avant la création, par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016465, de la voie de recours autonome prévue à l’article L. 464-8-1 précité, le Conseil d’État avait retenu une solution comparable. Il a en effet considéré que les décisions par lesquelles le rapporteur général refuse la protection du secret des affaires ou accorde la levée de ce secret sont susceptibles de faire grief à la partie dont les pièces concernées émanent et que, dès lors, les dispositions du code de commerce qui excluaient la possibilité d’un recours, en dehors de celui exercé contre la décision au fond, ou d’une action en référé devant le juge compétent portaient atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif qui découle de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le Conseil d’État a néanmoins précisé que de telles décisions sont « sans incidence sur la régularité de la procédure suivie devant l’Autorité de la concurrence »466.
b) Application au cas d’espèce
414. Schneider Electric observe que les services d’instruction lui ont notifié une décision de levée du secret des affaires sur certaines pièces au contenu confidentiel et stratégique le 1er juillet 2022467, soit trois jours avant l’envoi de la notification de griefs, alors que le délai de recours contre cette décision de déclassement s’étendait jusqu’au 11 juillet 2022. Ces pièces ont donc, à travers la notification de griefs, été rendues accessibles aux autres parties, ce qui aurait irrémédiablement compromis l’effectivité du recours. Schneider Electric demande par conséquent à l’Autorité de constater la nullité de la procédure, seule sanction de nature à limiter le préjudice qu’elle a subi468.
415. Elle souligne que le caractère non suspensif du recours ne peut lui être opposé, en faisant valoir que dans un arrêt du 20 décembre 2023, la Cour de cassation n’a pas accueilli ce moyen, que le rapporteur général avait soulevé469. Elle ajoute que, quand bien même le recours ne serait pas suspensif, cela ne justifierait pas pour autant de la priver du droit à un recours effectif. Elle estime à cet égard avoir été privée à tout le moins de la possibilité de demander au premier président de la cour d’appel de Paris le sursis à exécution de la décision de déclassement470.
416. Toutefois, il ressort de la jurisprudence rappelée plus haut qu’une atteinte au secret des affaires du fait d’une décision prise par le rapporteur général n’est susceptible d’entraîner la nullité de la procédure que dans de rares hypothèses. Il faut en effet que cette atteinte ait porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense, circonstance qu’il incombe à l’entreprise de démontrer, notamment en établissant que l’atteinte l’a empêchée de répondre efficacement aux griefs. Tel n’est pas le cas de Schneider Electric, qui a pu répondre de manière détaillée au grief notifié en dépit de l’atteinte qu’elle allègue.
417. Enfin, l’Autorité relève de manière surabondante que la décision n° 22-DEC-349 du 28 juin 2022 précitée énonçait que Schneider Electric ne pouvait se prévaloir du caractère secret des pièces concernées au motif que celles-ci étaient « accessibles à toutes les parties dans le cadre de la procédure pénale menée en parallèle de la procédure devant l’Autorité ». Or la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi contre une ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris annulant une décision de déclassement ultérieure471 prise à l’égard de Schneider Electric, qui visait certes des pièces différentes mais se fondait sur un motif identique, a cassé ladite ordonnance par un arrêt du 4 septembre 2024472. En considérant que le premier président aurait dû apprécier la réalité du risque de divulgation d’informations susceptibles de relever du secret des affaires en recherchant « si chacune des sociétés parties en cause devant l'Autorité avait eu accès à ces informations au travers du dossier pénal », la Cour a approuvé la motivation retenue par les services d’instruction.
418. En outre, faute pour Schneider Electric d’avoir entrepris l’annulation de la décision du rapporteur général et d’avoir demandé le sursis à exécution dans les délais prévus par les articles précités du code de commerce, il n’y a pas lieu de considérer qu’elle a été privée de son droit à un recours juridictionnel effectif.
419. Le moyen soulevé par Schneider Electric sera donc écarté.
Conclusion sur les moyens de procédure
420. Eu égard à tous les développements qui précèdent, l’Autorité considère que la procédure, contrairement à ce que soutiennent les parties, n’est entachée d’aucun vice qui justifierait de prononcer son annulation.
B. SUR L’APPLICATION DU DROIT DE L’UNION
421. Selon la jurisprudence de la CJUE et la communication de la Commission portant lignes directrices relatives à la notion d’affectation du commerce figurant aux articles 101 et 102 du TFUE473, trois éléments doivent être réunis pour que des pratiques soient susceptibles d’affecter sensiblement le commerce entre États membres de l’Union européenne (ci-après « Union ») : l’existence d’un courant d’échanges entre États membres portant sur les produits en cause, l’existence de pratiques susceptibles d’affecter ces échanges et le caractère sensible de cette affectation.
422. En l’espèce, s’agissant du premier élément, il convient de relever que les entreprises concernées figurent parmi les leaders européens de la fabrication ou de la distribution de matériel électrique basse tension et appartiennent à des groupes de dimension internationale.
423. S’agissant du deuxième élément, les pratiques en cause sont de nature à affecter directement et indirectement les prix. Elles ont été mises en oeuvre par des fabricants et des distributeurs exerçant leur activité sur l’ensemble du territoire national en concurrence avec des groupes de dimension mondiale.
424. S’agissant, enfin, du caractère sensible de cette affectation, les entreprises en cause sont des acteurs majeurs des marchés concernés et y détiennent des parts de marché particulièrement importantes, bien supérieures au seuil de 5 % de part de marché au niveau européen retenu par la CJUE et la Commission474.
425. Il résulte de ce qui précède que les pratiques constatées sont susceptibles d’être examinées tant au regard du droit de l’Union, notamment de l’article 101 du TFUE, que du droit national, et notamment de l’article L. 420-1 du code de commerce. Ce point n’est contesté par aucune des entreprises mises en cause.
C. SUR LE MARCHE PERTINENT
1. RAPPEL DES PRINCIPES
426. Dans sa Communication sur la définition du marché en cause aux fins du droit de la concurrence de l’Union, la Commission rappelle que « le marché de produits en cause comprend tous les produits que les clients considèrent comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auquel ils sont destinés, compte tenu des conditions de concurrence et de la structure de la demande et de l’offre sur le marché »475.
427. Au niveau national, l’Autorité estime que « [l]e marché, au sens où l'entend le droit de la concurrence, est défini comme le lieu sur lequel se rencontrent l'offre et la demande pour un produit ou un service spécifique. [...] Une substituabilité parfaite entre produits ou services s'observant rarement, le Conseil regarde comme substituables et comme se trouvant sur un même marché les produits ou services dont on peut raisonnablement penser que les demandeurs les considèrent comme des moyens alternatifs entre lesquels ils peuvent arbitrer pour satisfaire une même demande ».476
428. Cependant, lorsque les pratiques en cause sont examinées au titre de la prohibition des ententes, il n’est pas nécessaire de définir le marché avec précision, dès lors que le secteur a été suffisamment identifié pour qualifier les pratiques observées et permettre de les imputer aux opérateurs qui les ont mises en oeuvre477.
2. L’APPLICATION AU CAS D’ESPECE
429. Les pratiques relevées ont porté sur le secteur de la fourniture (a) et de la distribution (b) de matériel électrique basse tension.
a) Le marché de la fourniture de matériel électrique basse tension
430. Dans le cadre de sa pratique décisionnelle, la Commission a identifié les segments suivants s’agissant de la fourniture de matériel électrique basse tension478 :
- les tableaux de distribution basse tension qui ont pour fonction principale de distribuer l’énergie électrique aux différents niveaux de l’installation et de protéger l’installation et l’utilisateur contre le risque de surintensité et de court-circuit ;
- les supports de câbles et les canalisations préfabriquées ;
- les équipements électriques situés en aval du tableau de distribution terminale (par exemple prises, interrupteurs, systèmes d’alarme, etc.) qui regroupent six catégories de produits.
431. La dimension géographique des différents segments du marché de la fourniture de matériel électrique est nationale479, compte tenu « des différences nationales en matière de produits et marques commercialisées, de règlementation et de niveau de prix. En outre, les négociations entre les fabricants et leurs clients se déroulent pour la plupart au niveau national »480.
b) Le marché de la distribution de matériel électrique basse tension
432. La Commission et l’Autorité distinguent tout d’abord au sein du marché de la distribution de matériel électrique la distribution effectuée auprès de professionnels et celle effectuée auprès de particuliers481.
433. Contrairement aux marchés en amont de l’approvisionnement de matériel électrique, les marchés en aval de la distribution de matériel électrique ne sont pas segmentés en fonction de certaines familles de produits.
434. Une segmentation en fonction des canaux de distribution482 utilisés a été envisagée à plusieurs reprises483. À cet égard, la Commission et l’Autorité retiennent uniquement la segmentation entre le marché de la distribution en gros et le marché de la distribution directe de matériel électrique par les fabricants484.
435. Le marché de la distribution de matériel électrique est de dimension nationale485.
436. En conséquence, il résulte de l’ensemble des éléments exposés ci-dessus que les marchés concernés par les pratiques constatées sont ceux de la fourniture de matériel électrique basse tension et de la distribution de matériel électrique basse tension auprès de professionnels, en France.
437. Cette définition des marchés pertinents n’a pas été contestée par les entreprises mises en cause dans leurs observations à la notification de griefs et dans leurs mémoires en réponse au Rapport.
D. SUR LES PRATIQUES CONSTATEES
1. SUR LA DEMONSTRATION DE L’ACCORD DE VOLONTES
a) Rappel des principes
438. Il ressort d’une jurisprudence constante, tant en droit de l’Union qu’en droit interne, que la preuve d’un accord au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, requiert la démonstration de ce que les entreprises en cause ont exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d’une manière déterminée486.
439. Selon le Tribunal, la preuve d’un tel accord « doit reposer sur la constatation directe ou indirecte de l’élément subjectif qui caractérise la notion même d’accord, c’est-à-dire d’une concordance de volontés entre opérateurs économiques sur la mise en pratique d’une politique, de la recherche d’un objectif ou de l’adoption d’un comportement déterminé sur le marché, abstraction faite de la manière dont est exprimée la volonté des parties de se comporter sur le marché conformément aux termes dudit accord »487.
440. S’agissant plus particulièrement d’une entente verticale sur les prix, la cour d’appel de Paris a jugé, dans l’arrêt Epsé Joué Club du 28 janvier 2009, qu’il appartient à l’Autorité, pour démontrer le concours de volontés, d’établir « l’invitation d’une partie à l’accord à mettre en oeuvre une pratique illicite et l’acquiescement de l’autre à cette invitation »488. Les lignes directrices de la Commission de 2022 sur les restrictions verticales précisent, à cet égard, que la forme sous laquelle l’intention commune des parties est exprimée « est indifférente, pour autant qu’elle en constitue l’expression fidèle »489.
441. La démonstration de l’accord de volontés peut s’appuyer sur des preuves aussi bien directes qu’indirectes, étant rappelé que le Tribunal considère qu’il n’est pas nécessaire, en présence de preuves documentaires ou contractuelles, de procéder à l’examen de preuves additionnelles de nature comportementale490. Sur ce point, la CJUE a qualifié de « preuves documentaires directes » de l’existence d’un accord des éléments tels que des contrats, des notes internes, des déclarations, des comptes rendus de réunion, des projets d’ordre du jour ou encore des notes prises lors de réunions491.
442. La cour d’appel de Paris a procédé à la même analyse, soulignant que la démonstration de l’accord de volontés « peut se faire par tout moyen ». Elle a notamment rappelé qu’en présence de preuves directes ou explicites résultant de documents ou de clauses contractuelles, « il n’est pas nécessaire de recourir à des preuves indirectes ou comportementales, constitutives d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants, impliquant la caractérisation d’une application significative ou effective par les distributeurs des prix conseillés par le fournisseur »492.
443. En l’absence d’accord explicite exprimant la volonté concordante des parties, il convient toutefois de prouver que la stratégie unilatérale d’une partie reçoit l’acquiescement de l’autre. L’existence d’un acquiescement tacite peut alors être démontrée dès lors « qu’une partie exige, explicitement ou implicitement, la coopération de l’autre partie à la mise en oeuvre de sa stratégie unilatérale et que l’autre partie se conforme à cette exigence en mettant cette stratégie unilatérale en oeuvre »493.
444. En pratique, l’invitation faite par un fabricant à ses distributeurs de participer à une pratique de prix imposés est généralement démontrée par la diffusion auxdits distributeurs des prix de revente conseillés et par la mise en oeuvre d’une surveillance des prix, qui permet d’établir que les prix dits « conseillés » sont en réalité des prix imposés. L’acquiescement des distributeurs peut être démontré par l’application effective desdits prix494.
445. La réunion de ces trois indices, généralement qualifiée de « faisceau à trois branches », ne constitue toutefois qu’un des modes de preuve utilisés afin de démontrer l’existence d’une entente verticale sur les prix. En particulier, la jurisprudence, notamment européenne, n’exige pas que soit établie l’existence d’un système de contrôle a posteriori et de sanctions495.
446. Sur ce point, la cour d’appel de Paris a d’ailleurs rappelé que « si le mode de preuve le plus généralement utilisé du concours de volontés en matière d'entente verticale sur les prix s'articule autour de la réunion de trois indices, qualifiée de « faisceau à trois branches » (diffusion de prix, mise en oeuvre d'une police des prix et application significative des prix diffusés), la preuve de ce concours de volontés peut également résulter d'autres indices, documentaires ou comportementaux, permettant d'établir, d'une part, l'invitation du fabricant, et d'autre part, l'acquiescement des distributeurs à la pratique litigieuse »496 (soulignement ajouté).
447. De la même manière, la CJUE a rappelé en termes généraux dans l’arrêt Super Bock Bebidas que l’existence d’un accord, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, portant sur des prix minimaux de revente peut être établie non seulement au moyen de preuves directes, mais également sur la base de coïncidences et d’indices concordants, « dès lors qu’il peut en être inféré qu’un fournisseur a invité ses distributeurs à suivre de tels prix et que ces derniers ont, en pratique, respecté les prix indiqués par le fournisseur »497.
448. Par ailleurs, conformément à ce qu’a encore indiqué la cour d’appel de Paris dans l’arrêt du 26 janvier 2012 précité498, il est loisible à l’Autorité d’apprécier globalement la fiabilité du faisceau d’indices, chaque élément du faisceau n’ayant pas à répondre au critère de preuves précis graves et concordants dès lors que le faisceau répond à cette exigence. Aussi l’Autorité a-t-elle souligné qu’elle n’est pas « tenue de démontrer l’existence de cette invitation et de cet acquiescement s’agissant de chaque indice sur lequel elle s’appuie »499.
449. En conséquence, et comme l’a rappelé l’Autorité à plusieurs reprises500, dans la mesure où la preuve d’un concours de volonté peut être rapportée par tout moyen, la démonstration d’une entente verticale sur les prix peut être établie au moyen d’indices documentaires ou comportementaux établissant l’invitation à la pratique litigieuse par le fournisseur et l’acquiescement de la part de ses distributeurs.
b) Application au cas d’espèce
Sur le standard de preuve
Arguments des parties
450. Schneider Electric, Sonepar et Rexel soutiennent que s’agissant de prix qualifiés de « maximaux » ou « conseillés » par les fournisseurs, il incombe à l’Autorité, en l’absence de preuves directes d’une entente verticale sur les prix, de démontrer l’existence d’une contrainte exercée sur le distributeur en vue de le voir appliquer les prix de revente501.
451. Si certaines parties admettent que la preuve d’un accord ne requiert pas l’existence de mesures de surveillance ou de police des prix502, toutes soulignent que la simple perception, par les distributeurs, de prix imposés en raison, notamment, de la faiblesse de leurs marges ne suffit pas à caractériser l’invitation des fournisseurs à participer à une entente sur les prix de revente503.
452. Sur ce point, les parties font valoir que les services d’instruction n’auraient pas démontré que l’absence d’incitation des distributeurs à baisser leurs prix n’est pas le résultat d’un mécanisme de marché, dès lors en particulier que les distributeurs disposent d’un réservoir de marge conséquent qu’ils sont incités à utiliser compte tenu de la forte concurrence existant sur le marché504.
Position de l’Autorité
453. Il ressort des principes jurisprudentiels exposés ci-avant que l’existence d’un accord portant sur des prix minimaux de revente peut être établie non seulement au moyen de preuves directes, mais également sur la base de coïncidences et d’indices concordants505.
454. Comme les parties le rappellent à juste titre, il s’infère de cette jurisprudence que le simple alignement de distributeurs sur des prix présentés comme conseillés ou maximaux ne suffit pas à caractériser une entente verticale sur les prix, en l’absence d’une invitation des fournisseurs.
455. En revanche, contrairement à ce que soutiennent Schneider Electric, Sonepar et Rexel 506, il ne ressort nullement des arrêts Apple de la cour d’appel de Paris et Super Bock Bebidas de la CJUE, que l’Autorité soit tenue de démontrer le caractère impératif des prix de revente ou la mise en oeuvre d’une police des prix.
456. Si de tels indices peuvent s’avérer décisifs en l’absence de preuves directes d’une entente, leur existence n’est pas impérativement requise par la jurisprudence.
457. Il en est notamment ainsi lorsque l’Autorité est en mesure d’établir que l’alignement des distributeurs sur des prix de vente maximum résulte, non pas de choix ou de contraintes inhérentes au libre jeu de la concurrence mais, comme le rappelle le Tribunal, d’une « concordance de volontés entre opérateurs économiques sur la mise en pratique d’une politique, de la recherche d’un objectif ou de l’adoption d’un comportement déterminé sur le marché »507.
458. En d’autres termes, si, comme le suggère d’ailleurs Legrand, l’Autorité doit établir l’existence d’un renoncement des distributeurs à leur liberté tarifaire508, il s’évince en revanche nécessairement des notions mêmes d’accord ou de concours de volontés qu’un tel renoncement ne doit pas nécessairement être contraint ou surveillé par le fournisseur.
459. Comme l’indique la jurisprudence précitée, un tel renoncement est en effet également constitutif d’entente s’il procède d’une « concordance de volontés entre opérateurs économiques sur la mise en pratique d’une politique » 509 et non « de libres arbitrages nés du jeu du marché »510.
460. Or, contrairement à ce que soutient Rexel sur ce point, la connaissance par les distributeurs de la volonté de fournisseurs de voir respecter un certain niveau de prix est pertinente pour caractériser l’adhésion à une invitation anticoncurrentielle511. Une telle connaissance permet, en effet, de distinguer la convergence d’intérêts particuliers, d’une part, et la rencontre de volontés autour d’un objectif commun, d’autre part. Sur ce point, la cour d’appel de Paris512 a par exemple approuvé le Conseil de la concurrence d’avoir estimé que la transmission par un fabricant à ses revendeurs de documents de nature à discréditer une marque concurrente constituait une pratique unilatérale513, non pas en raison de l’absence de mesures de police, mais, plus largement, parce que la volonté du fournisseur d’inciter ses distributeurs à ne pas acheter les produits concurrents ne ressortait pas des preuves du dossier.
461. Or comme exposé ci-après, l’Autorité considère que l’existence d’un tel concours de volontés entre, d’une part, Schneider Electric et ses distributeurs, d’autre part, Legrand et Rexel, est établie par des preuves documentaires directes confirmées, en tout état de cause, par un faisceau d’indices précis, graves et concordants.
Sur le premier grief (Schneider Electric, Sonepar et Rexel)
Sur les arguments des parties
462. Schneider, Rexel et Sonepar soutiennent que les éléments du dossier ne permettent pas d’établir l’existence d’une invitation, ni d’une acceptation à une pratique de prix imposé.
463. S’agissant de l’invitation, elles affirment, en premier lieu, que les prix dérogés revêtaient la nature de simples prix maximum non contraignants514, ce que confirmeraient les déclarations des salariés des entreprises mises en cause515. Sur ce point, Schneider Electric souligne que les formulaires de dérogation adressés aux clients finals rappelaient, dès 2010, que le prix dérogé constituait un prix maximum et que le distributeur restait libre de déterminer ses prix de revente516. À compter de cette date, les clients finals étaient donc selon elle en mesure de faire jouer la concurrence entre distributeurs pour obtenir de meilleures conditions commerciales. Elle ajoute qu’à compter de 2016, les formulaires à destination des distributeurs ont également mentionné le caractère maximal du prix convenu avec le client final517.
464. Les parties soulignent, en second lieu, l’absence au dossier de preuves de mesures visant à obtenir communication des prix de revente ou à faire respecter les prix dérogés518 et contestent l’existence de mesures de surveillance mises en oeuvre par les distributeurs519.
465. S’agissant de l’acceptation, Rexel et Sonepar font valoir que l’application effective de prix conseillés ou maximum ne soulève aucune difficulté du point de vue du droit de la concurrence dès lors que, comme en l’espèce, aucune contrainte n’est exercée par le fournisseur pour l’application de ces prix520.
466. Elles affirment également que leur taux de suivi des prix dérogés est inférieur à 80 %, dès lors, en particulier, qu’il conviendrait, d’une part, d’exclure du calcul les dérogations à l’initiative du distributeur, d’autre part, de tenir compte des remises de fin d’année venant en déduction du prix unitaire moyen de chaque produit521.
467. Schneider Electric soulève des arguments similaires et avance que les distributeurs disposent d’une marge suffisante pour octroyer des conditions tarifaires plus attractives que le prix maximum recommandé par Schneider Electric, ce qu’ils font en pratique en raison, notamment, de la concurrence entre distributeurs dans le cadre des dérogations. Dans ces conditions, l’application par Rexel et Sonepar des prix dérogés résulte selon elle en toute hypothèse d’un « parallélisme des comportements individuels dans un marché très concentré »522.
Position de l’Autorité
Sur les preuves directes d’une entente entre Schneider Electric, Rexel et Sonepar
468. Divers documents et déclarations figurant au dossier et émanant des parties qualifient explicitement la politique de dérogations mise en oeuvre par Schneider Electric d’entente verticale sur les prix ou de système de prix imposés.
469. C’est tout d’abord le cas de certains documents émanant de Schneider Electric présentés aux paragraphes 184 à 193. À titre d’exemple, une note du service juridique du 13 décembre 2012 assimile ainsi explicitement sa politique de dérogations à un « prix de revente imposé », par lequel les services commerciaux de Schneider Electric « [d]éterminent ou négocient directement ou indirectement avec le client final (tableautiers, installateurs, OEM523...) le prix que ce dernier obtiendra du distributeur » et « [f]ixent ou garantissent, directement ou indirectement, la marge sur la revente du produit » (voir le paragraphe 187 ci-avant)524. Trois autres présentations de Schneider Electric mentionnent des risques juridiques pour « [f]ixation prix de revente/entente verticale » (présentation du 6 novembre 2013)525 et « contrôle des prix par le fabricant » (présentation du 9 février 2017)526 et « resale price maintenance » (présentation du 6 juin 2017)527.
470. C’est également le cas de plusieurs documents émanant de Rexel, mentionnés aux paragraphes 107 à 123 et 172, actant un risque d’entente verticale associé au mécanisme de dérogations528 ou attestant du caractère fixe des prix dérogés octroyés par Schneider Electric, à l’instar des échanges inclus dans la pochette intitulée « RPM avérés » trouvée dans le bureau de la directrice juridique de Rexel529.
471. L’une des pièces trouvées dans cette pochette indique en outre qu’en pratique, Rexel n’a, dans de nombreux cas, pas même la possibilité d’octroyer des remises sur le tarif standard dans la mesure où le client exige souvent l’application du prix dérogé octroyé par Schneider Electric avant même que le prix d’achat ait été modifié (voir paragraphe 109 ci-avant)530.
472. C’est enfin le cas de plusieurs documents saisis chez Sonepar exposés aux paragraphes 124 à 134, dont la note du 12 octobre 2017, présentant la dérogation comme « un système de prix imposé », qui « permet à Sonepar de garantir sa marge »531. Un autre document non daté découvert dans le bureau de la présidente du groupe indique quant à lui que « le principe de l'existence de dérogations n'est critiquable que s'il aboutit à la fixation […] du prix de revente du distributeur. Ce qui est le cas dans la pratique »532.
473. Les parties contestent toutes la force probante de ces documents. Elles font valoir que les documents et échanges identifiant un risque juridique ne sauraient constituer une quelconque forme de preuve, ni d’aveu des pratiques. Elles ajoutent que la simple « perception » d’un tel risque par les parties ne constituait en tout état de cause pas une « contrainte » empêchant réellement les distributeurs de baisser les prix533.
474. Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les parties, ces documents, contemporains des pratiques et dont il doit être souligné qu’ils émanent souvent d’organes de gouvernance534 ou de représentants des parties occupant des postes stratégiques535, décrivent tous, en termes dénués d’ambiguïté, l’existence d’un système de contrôle des prix ou de prix de vente imposés.
475. Ces descriptions, précises et concordantes, vont au-delà d’une simple perception des parties selon laquelle leur liberté tarifaire serait restreinte. Elles sont en outre, pour certaines d’entre elles, effectuées sans même que la question d’un « risque juridique » soit évoquée536.
476. Par ailleurs, lorsque ce risque est évoqué, il l’est sur le fondement d’une analyse précise et circonstanciée, suffisamment crédible pour avoir justifié la volonté de sortir du modèle des dérogations pour au moins trois des parties en cause.
477. Dans ces conditions, l’Autorité considère que les documents internes suffisent à établir l’existence d’une entente sur les prix entre Schneider Electric, Rexel et Sonepar. En tout état de cause, ils constituent a minima des indices particulièrement probants permettant d’établir le concours de volontés entre Schneider Electric, Rexel et Sonepar autour d’une politique commune de prix fixes.
Sur l’existence, en tout état de cause, d’un faisceau d’indices graves précis et concordants établissant l’accord des parties sur une politique tarifaire commune
Sur les éléments établissant l’invitation de Schneider Electric à participer à une politique de prix fixes
478. L’invitation de Schneider Electric est suffisamment caractérisée par un faisceau d’indices de nature documentaire et comportementale établissant, d’une part, la volonté de Schneider Electric de mettre en oeuvre un système de prix fixes, d’autre part, l’extériorisation de cette volonté auprès des distributeurs, qui faisaient en outre l’objet de mécanismes de surveillance. Elle est également corroborée par les nombreux documents rappelés dans les constatations et examinés aux paragraphes 497 à 514 ci-après, confirmant que Rexel et Sonepar avaient pleinement conscience du caractère fixe des prix dérogés de Schneider Electric.
479. En premier lieu, les éléments du dossier attestent de la volonté de Schneider Electric d’instaurer un système de prix fixes sous couvert de prix maximum.
480. Il ressort des constatations que le système des dérogations a été, dès l’origine, conçu comme un système de prix fixes par Schneider Electric. Une présentation interne à Schneider Electric de 2003 indique ainsi que, dans le cadre des dérogations, le distributeur livre les produits aux conditions négociées par Schneider Electric537 (voir paragraphe 83 ci-avant).
481. Dans le même sens, une présentation « DEFENDRE le PRIX » du 24 octobre 2014538, destinée à former les commerciaux de Schneider Electric, fait explicitement état de la volonté de Schneider Electric d’intervenir activement pour éviter toute « dérive des prix » et illustre le rôle de « gardienne des clés » que Schneider Electric entend jouer s’agissant du respect, par les distributeurs, de leurs prix de revente539 (voir paragraphe 87 ci-avant).
482. Schneider Electric affirme que cet échange concernerait uniquement les dérogations à l’initiative du distributeur et que l’expression « gardienne des clés » vise, dans ce contexte, à souligner qu’il est important pour le distributeur de comprendre que « l’octroi de [la dérogation] s’intègre dans un cadre clair, dont l’application est identique pour tous les distributeurs »540.
483. Toutefois, cette explication, outre qu’elle confirme que le fabricant a bien le dernier mot sur la fixation des prix dans le cadre des dérogations à l’initiative du distributeur541, tend en réalité à confirmer l’intervention de Schneider Electric sur les prix de revente de ses distributeurs. De fait, comme il ressort des paragraphes 487 et suivants ci-après, Schneider Electric n’hésitait pas à intervenir auprès de ses distributeurs afin de s’assurer qu’ils appliquent le prix dérogé.
484. Enfin, le système de dérogations était toujours décrit comme un système de prix fixe dans une présentation interne à Schneider Electric de mars 2017, aux termes de laquelle les dérogations sont présentées comme un mécanisme par lequel Schneider Electric convient d’un prix de vente avec le client final qui est effectivement appliqué par le distributeur (voir paragraphe 89 ci-avant)542.
485. Schneider Electric concède que les termes de la présentation de mars 2017 sont « ambigus », mais soutient qu’ils doivent être interprétés comme désignant des prix maximum, ce que confirmeraient certaines dispositions contractuelles et les déclarations univoques effectuées dans le cadre des auditions pénales543.
486. Or, d’une part, la mention, dans la documentation contractuelle de Schneider Electric, du caractère maximum des prix dérogés, a été partiel et tardif (voir paragraphes 78 à 80 ci-avant). D’autre part, les déclarations effectuées dans le cadre des auditions pénales, dont le caractère stéréotypé peut être relevé, sont amplement infirmées par les éléments au dossier.
487. En second lieu, comme rappelé aux paragraphes 445 et suivants ci-avant, la mise en oeuvre d’une police des prix n’est pas nécessaire pour établir l’existence d’un accord vertical sur les prix dès lors que l’Autorité est en mesure d’établir que l’alignement des distributeurs sur des prix maximaux résulte d’un concours de volonté autour d’une politique tarifaire commune.
488. Toutefois, l’existence d’une telle police ou de mesures de surveillance constitue, lorsqu’elle existe, un indice comportemental supplémentaire pertinent pour établir que des prix dits conseillés ou maximum sont en réalité des prix fixes dans l’esprit des parties544.
489. En l’espèce, si certains éléments au dossier rappelés aux paragraphes 101 et 102 suggèrent que Schneider Electric bénéficiait d’une transmission automatique des prix de revente, l’existence d’un tel mécanisme n’est pas établie avec certitude dans la mesure, notamment, où Schneider Electric a produit un rapport d’analyse de Capgemini545, attestant du contraire. En toute hypothèse, les éléments du dossier confirment néanmoins que Schneider Electric pouvait contrôler les prix de revente des distributeurs et qu’elle a effectivement agi en ce sens.
490. Diverses stipulations contractuelles permettaient à Schneider Electric d’obtenir la communication des prix de vente finals des distributeurs. De fait, les lettres de confirmation des dérogations envoyées aux distributeurs contenaient systématiquement des clauses d’audit permettant à Schneider Electric de prendre connaissance de ces prix546. La faculté de Schneider Electric de procéder à un audit de factures auprès de ses distributeurs est confirmée par de nombreux autres documents (voir paragraphes 99 et suivants).
491. De même, il ressort d’une présentation du 9 février 2017 relative aux « Principes de la collaboration Rexel / Schneider Electric » que « la dérogation s'accompagne quasi-toujours d'un contrôle du prix de vente au client final, et donc d'un contrôle de la marge du distributeur par le fabricant [...] »547 (soulignement ajouté).
492. En outre, plusieurs documents attestent de remontées d’informations par les distributeurs, qui permettaient à Schneider Electric « d’analyser l’évolution des prix nets réels de vente aux clients finaux »548(soulignement ajouté). Un document saisi dans les locaux de Rexel indique que ces données étaient utilisées par Schneider Electric pour le « pilotage de la performance de vente par client final » incluant le « niveau des prix de marché » 549 (voir paragraphe 103 ci-avant).
493. À titre d’exemple, il ressort d’un courriel du 17 avril 2013 que Schneider Electric a demandé à Rexel de « [s’]aligner » sur le prix pratiqué par CGED550 pour obtenir un marché [Confidentiel], ce que Rexel a fait (voir paragraphe 113 ci-avant). Contrairement à l’interprétation suggérée par Schneider Electric551, l’octroi d’une remise supplémentaire par Rexel dans ce cadre est peu plausible compte tenu de la rédaction même de cet échange.
494. La présentation interne de Schneider Electric intitulée « Schéma Canaux » confirme explicitement que la possibilité de demander au distributeur les prix client s’inscrit dans la « police des prix »552 (voir paragraphe 102 ci-avant).
495. À cet égard, l’explication de Schneider Electric553 selon laquelle ce document se bornerait à recenser un ensemble de questions s’agissant des données pouvant être demandées aux distributeurs est peu plausible, compte tenu, là encore, de sa rédaction et de la mention expresse d’une police des prix.
496. Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’instauration par Schneider Electric d’une politique de prix fixe dans le cadre du mécanisme des dérogations était ancienne et parfaitement connue des distributeurs. Il ressort de surcroit des développements ci-après que ceux-ci ont adhéré à cette politique en toute connaissance de cause.
Sur les éléments établissant l’acquiescement de Rexel et Sonepar à la politique de prix fixes souhaitée par Schneider Electric
o Sur les éléments documentaires
497. L’adhésion de Rexel, est démontrée par des preuves directes554 et, en tout état de cause, par un faisceau d’indices précis, graves et concordants555 démontrant qu’elle a sciemment, et en dépit des risques juridiques, pris part à la politique de prix fixes souhaitée par Schneider Electric dans la mesure où cette politique permettait de « protéger » sa marge556.
498. Bien que Rexel le conteste557, ces éléments attestent en outre que la politique de prix fixes voulue par Schneider Electric a été parfaitement internalisée par les commerciaux de Rexel, qui n’hésitaient pas à surveiller les écarts de leurs concurrents par rapport au prix dérogés en cas de « mauvaise utilisation de la dérogation »558.
499. S’agissant de Sonepar, diverses pièces établissent, au-delà des preuves documentaires directes rappelées aux paragraphes 462 à 476 ci-avant, qu’elle avait conscience de la volonté de Schneider Electric de mettre en oeuvre une politique de prix fixes (paragraphes 125 à 133) et de bénéficier, en y prenant part, d’un niveau de marge garanti (paragraphe 134) 559.
500. Cette conclusion n’est infirmée par aucun des arguments soulevés par Sonepar dans ses écritures.
501. En premier lieu, le caractère fixe des prix dérogés octroyés par Schneider Electric ressort, contrairement à ce que soutient Sonepar560, de sa propre description en interne du fonctionnement des dérogations. Cette description rappelle en effet, en des termes dénués d’ambiguïté, que les « taux de remise à pratiquer » étaient communiqués par Schneider Electric et intégrés sans modification dans les outils informatiques de Sonepar pour application561.
502. La volonté de Sonepar de prendre part à la politique de prix fixes de Schneider Electric n’est pas davantage infirmée par les déclarations de ses employés dans le cadre des auditions pénales attestant du caractère uniquement « maximum » des prix dérogés562, celles-ci étant amplement démenties par l’ensemble des preuves et indices documentaires figurant au dossier. À cet égard, les déclarations faites par le directeur Data & Pricing de Sonepar lors de son audition563 doivent être confrontées à ses propres propos de 2017, contemporains des pratiques, dans le magazine Sonefil, selon lesquels « c’est le fabricant qui fixe le prix de vente et le prix d’achat. Il contrôle ainsi notre marge »564.
503. Ces propos ne sont pas davantage infirmés par l’indication, émanant d’un autre responsable de Sonepar dans le même magazine, qu’il existerait chez Sonepar une « tendance au forçage systématique des prix » ou une habitude à « forcer les prix pour garder ses clients »565. Sur ce point, l’Autorité relève en effet que selon les données au dossier, l’octroi de remises par Sonepar est loin d’avoir revêtu un caractère « systématique »566, ce que Sonepar ne soutient d’ailleurs pas. Dans ces circonstances, il est peu probable que la notion de « forçage », au demeurant imprécise, visait en l’espèce, comme le soutient Sonepar, l’octroi de remises sur le prix de revente.
504. Dans ces circonstances également, le reproche fait par Schneider Electric à Sonepar567 d’avoir été trop « agressive en prix » ne démontre pas tant l’éventuelle « latitude de Sonepar » pour s’écarter du prix dérogé, que la surveillance étroite dont sa politique tarifaire faisait l’objet568.
505. En second lieu, la circonstance que Sonepar octroierait parfois des avoirs en fin d’affaire afin de « conserver le client » et « prendre du volume de chiffre d’affaires »569 n’est pas susceptible de remettre en cause sa participation à la politique de prix souhaitée par Schneider Electric dès lors que l’ampleur de cette pratique commerciale n’est nullement étayée.
506. Il résulte des éléments exposés ci-avant que l’application par Rexel et Sonepar des prix dérogés procède non pas, comme elles le prétendent, d’une stratégie commerciale autonome, mais d’un alignement conscient sur la politique de prix fixes souhaitée par Schneider Electric.
o Sur les éléments comportementaux
507. En vertu des principes jurisprudentiels applicables rappelés aux paragraphes 438 et suivants, l’adhésion des distributeurs à une pratique de prix de revente fixe peut être prouvée par tous moyens.
508. Ainsi, si l’existence d’un taux de suivi supérieur à 80 % des prix maximum ou conseillés par les distributeurs est traditionnellement utilisée comme l’indice d’une adhésion dans le cadre du faisceau à trois branches, ce critère n’est pas requis lorsque l’adhésion des distributeurs peut être établie par d’autres moyens.
509. Cette adhésion étant en l’espèce établie, tant pour Rexel que pour Sonepar, par des preuves documentaires directes et, en tout état de cause, par un faisceau d’indices précis, graves et concordants, elle ne saurait dépendre du taux exact de suivi des prix dérogés octroyés par Schneider Electric, d’autant plus lorsque les éléments du dossier indiquent comme en l’espèce que ce taux a été significatif, ce qui n’est contesté ni par Schneider Electric570, ni par Rexel571, ni par Sonepar572.
510. Il en ressort que les critiques formulées par les parties à l’endroit de la méthodologie sous-tendant le calcul du taux de suivi effectué par les services d’instruction sont inopérantes.
511. À titre surabondant, l’Autorité relève néanmoins qu’elles sont infondées.
512. D’une part, il est constant que les dérogations à l’initiative du distributeur sont également couvertes par le grief de prix imposé, dès lors que les éléments du dossier rappelés aux paragraphes 72 à 77 et 87 attestent de l’ingérence de Schneider Electric dans la détermination des prix de revente de ses distributeurs pour ce type de dérogation. Rien ne justifie donc de les écarter du calcul du taux de suivi des prix.
513. D’autre part, les remises de fin d’année ne peuvent pas être prises en compte pour remettre en cause le calcul du taux de suivi des prix par les distributeurs dans la mesure où elles sont calculées sur l’ensemble des achats réalisés par ces clients, toutes marques confondues573. Il en résulte que les arguments soulevés par les parties ne permettent pas de remettre en cause l’existence d’un taux de suivi des prix dérogés supérieur à 80 % s’agissant de Rexel et de Sonepar.
514. En conséquence, l’adhésion de Rexel et Sonepar à la politique de prix fixes mise en oeuvre par Schneider Electric n’est pas remise en cause par les éléments quantitatifs soulevés par les parties.
Sur le second grief (Legrand, Sonepar et Rexel)
Sur les arguments des parties
515. S’agissant de l’invitation de Legrand, les parties font valoir que les prix dérogés octroyés par Legrand revêtent uniquement le caractère de prix maximum ou conseillés574, ce qu’auraient confirmé l’ensemble des personnes interrogées dans le cadre des auditions pénales575.
516. Elles soulignent l’absence de preuve directe de nature à établir une entente sur les prix avec ses distributeurs576 et font valoir que les documents faisant état d’un éventuel risque associé au système des dérogations ne sont en tout état de cause pas de nature à caractériser une quelconque invitation à pratiquer des prix fixes577, ce d’autant moins que Legrand aurait conclu à la légalité de son système de dérogations578. Elles arguent en outre de l’absence d’éléments attestant selon elles, soit de mesures de suivi ou de contrôle sur le prix de revente de Rexel et de Sonepar, soit de plaintes de ces distributeurs visant à faire remonter leurs prix de revente579.
517. S’agissant de l’acceptation, les parties contestent le calcul du taux de suivi effectué par les services d’instruction en reprenant, pour l’essentiel, les mêmes critiques que celles effectuées dans le cadre du premier grief et affirment que ce taux n’a pu atteindre 80 %580. Elles font valoir qu’en tout état de cause, le suivi des prix dérogés résulte de la structure du marché dès lors que les distributeurs ont pleinement mis en oeuvre la liberté tarifaire dont ils disposaient581.
Position de l’Autorité
518. À titre liminaire, il convient de relever que si certains éléments au dossier suggèrent que la politique de prix fixes souhaitée par Legrand a pu concerner d’autres distributeurs que Rexel, ils sont en toute hypothèse insuffisants pour constituer une preuve directe ou un faisceau d’indices suffisamment précis, graves et concordants susceptibles de caractériser l’adhésion de Sonepar.
519. Cette dernière doit, par conséquent, être mise hors de cause s’agissant du grief n° 2.
Sur l’existence de preuves directes d’une entente entre Legrand et Rexel
520. Plusieurs pièces du dossier constituent des preuves directes d’une entente sur les prix entre Legrand et Rexel.
521. S’agissant, en premier lieu, de Legrand, une note interne de Legrand du 6 mars 2009 indique ainsi que « [p]our la relation Distributeur –Legrand […] jusqu’au client professionnel, Legrand est capable de connaître le prix effectué à chaque opération de vente et de le choisir »582 et ajoute que « [l]a gravité de ces pratiques est telle qu’il convient de cesser immédiatement tout échange […] pouvant amener à penser que LEGRAND (ou toute autre entité lui appartenant) impose des prix »583.
522. La même analyse figure dans un document intitulé « Analyse des risques concurrentiels » du 13 mai 2009584.
523. Certains documents révèlent par ailleurs l’existence d’une démarche consciente de dissimulation en interne (« ne rien dire » ou « rien écrire ») face au « risque réel pour tout le monde d'être accusé d'entente verticale »585. Cette stratégie a été partagée au plus haut niveau de l’entreprise par le directeur de Legrand France en ces termes: « [j]e souscrit (sic) pleinement aux recommandations, nous devons appliquer les règles telles que définies et se tenir a des prix maxi conseilles. La forme est essentielle. Je partage aussi la conclusion du mail, merci de le détruire »586 (soulignement ajouté).
524. S’agissant, en second lieu, de Rexel, sa participation à la politique de prix fixes mise en oeuvre par Legrand est attestée par plusieurs comptes rendus de réunions bilatérales exposés aux paragraphes 242 à 249 ci-avant.
525. Entre autres exemples, le compte rendu de Legrand d’une réunion du 29 juillet 2014 avec Rexel au sujet du « Projet Thomas » relate ainsi que, pour Rexel, « ce sont bien les fabricants qui fixent les prix de vente aval et la marge distributeur dans le cadre des dérogations »587, et que « [m]ême si LEGRAND est OK sur la forme en matière de dérogation, cela ne résisterait pas à une enquête/analyse approfondie sur le fond ».
526. Ce même document rapporte que, toujours selon Rexel, il existe un risque « de condamnation du fabricant et du distributeur pour entente ---> amendes lourdes et atteinte à l'image de la marque. […] », dans la mesure, notamment, où « [I]l existe encore des échanges écrits entre LEGRAND, REXEL et les clients aval, en plus des offres officielles, qui seraient condamnables au sens de la loi »588 (soulignement ajouté).
527. L’analyse de Rexel est confirmée par un courriel interne de Rexel qui, après avoir rappelé que la motivation du Projet Thomas tient au « [r]isque Juridique de se faire épingler par l'UE et la DGCCRF sur l'entente verticale », souligne que Legrand fait partie des fabricants à qui le projet doit être présenté en priorité589.
528. Ces différents documents, qui émanent des parties et dont le contenu clair et explicite est contemporain des pratiques faisant l’objet du premier grief, constituent des preuves directes d’une entente verticale sur les prix entre Legrand et Rexel. Ils complètent et éclairent, en toute hypothèse, l’ensemble des autres éléments du dossier établissant l’existence d’une invitation de Legrand à pratiquer une politique de prix fixes et l’acquiescement conscient de Rexel à cette politique.
Sur l’existence, en tout état de cause, d’un faisceau d’indices précis, graves et concordants établissant l’accord de volonté entre Legrand et Rexel
Sur les indices établissant l’invitation de Legrand à pratiquer une politique de prix fixes
529. L’Autorité considère que les diverses pièces exposées aux paragraphes 145 à 152 ci-avant confirment amplement la volonté de Legrand de conférer un caractère fixe aux prix dérogés négociés avec les clients finals.
530. S’agissant des éléments attestant de la volonté de Legrand de mettre en oeuvre un système de prix fixes, s’il est vrai que les documents contractuels encadrant les dérogations ne confèrent explicitement aucun caractère fixe ou imposé aux prix dérogés, les preuves documentaires directes exposées ci-avant et l’ensemble des pièces présentées aux paragraphes 145 à 152 confirment qu’ils étaient bien conçus comme tels par Legrand.
531. Certaines pièces au dossier montrent ainsi que, concrètement, la négociation tarifaire se fait, en principe, exclusivement entre Legrand et le client final, le distributeur jouant en pratique un simple rôle d’intermédiaire tenu par les prix discutés en amont.
532. C’est ce qui ressort par exemple du courriel interne à Legrand du 10 avril 2013, cité au paragraphe 151 ci-avant, relatant une visite chez un client final : « [p]our M.C si prix espace en dessous même de 2 ou 3 cts il passe en espace via rexel et cged orléans uniquement (pas Luminaire courbevoie pour l'instant) car les logts sont sur Loiret et Eure et Loir »590.
533. Dans cet échange, la négociation a lieu au centime près, ce qui montre bien – Legrand s’abstenant de commenter ce point dans ses écritures591 – que le prix dérogé est fixé par Legrand dans le cadre de sa négociation avec le client final et que ni ce dernier, ni Legrand, n’envisagent de renégociations ultérieures avec le distributeur.
534. De même, un courriel de Legrand à Cofely Ineo de 2014 montre que les conditions de facturation sont négociées avec le client et transmises à Rexel : « [...] je vous confirme l'accord convenu ensemble à savoir : - Pour le Batiment C, la base de facturation sera celle du prix de base 2011 soit 11 780.74 € Net unit HT pour un transformateur 1250 KVA et 14 099.35 € Net unit HT pour un transformateur 1600 KVA [...] Je vais transmettre à REXEL (Mme.1) ces éléments »592.
535. S’agissant des indices de mesures de suivi des prix mises en oeuvre par Legrand, il ressort par ailleurs clairement des éléments présentés aux paragraphes 144 à 158 ci-avant que les outils de suivi des prix avaient pour vocation de déterminer à la fois le prix de vente au client final et la marge du distributeur.
536. Plusieurs captures d’écran montrent en effet que lorsque la demande de dérogation provient du client final, il est précisé :
« ENVOI AU CLIENT DE SES PRIX NETS D’ACHAT ET AU DISTRIBUTEUR CHOISI SES PRIX NETS + PRIX NETS CLIENT »593. (soulignement ajouté).
537. De fait, divers documents établissent que Legrand surveillait les prix pratiqués par ses distributeurs.
538. Dans un courriel interne de Legrand du 29 octobre 2009, une commerciale fait par exemple part à son chef des ventes de son inquiétude s’agissant des prix offerts par CEF594 à un de ses clients, qui l’en a informée et « s’inquiète face à l'agressivité de CEF sur les prix » des produits Legrand595.
539. De même, dans le compte rendu d’une réunion du 29 juillet 2014 entre Rexel et Legrand transmis à plusieurs salariés de Rexel, un responsable des achats de Rexel rappelait que « LEGRAND ne peut pas s'affranchir d'un reporting fin sur ses clients dérogés. Quand bien même l'information porte sur une étendue restreinte de CA , ils doivent maîtriser l'information »596 et expliquait en des termes clairs597 que « […] La part de dérogé est stratégique pour LEGRAND car elle […] permet au travers du déclaratif de suivre leur performance de CA et de tenue des prix de vente » (soulignements ajoutés).
Sur les indices de l’adhésion de Rexel à la politique de prix fixes souhaitée par Legrand
540. Il résulte notamment des documents exposés aux paragraphes 159 à 167 et 241 à 249 ci-avant qu’il existe un faisceau d’indices précis, graves et concordants démontrant la connaissance par Rexel de la politique de prix fixes souhaitée par Legrand dans le cadre du système des dérogations.
541. Outre les pièces explicitement qualifiées de preuves documentaires directes par l’Autorité aux paragraphes 520 à 528 ci-avant, il ressort d’autres éléments au dossier cités aux paragraphes 107 à 123 que Rexel avait parfaitement conscience du caractère fixe des prix dérogés octroyés par Legrand et a néanmoins sciemment pris le risque de participer à ce système en raison, notamment, du niveau de marge garanti qu’il permettait d’obtenir598.
542. Sur ce point, les éléments mis en avant par Legrand et Rexel pour démontrer que Rexel ne suivrait pas systématiquement les prix ne sont pas pertinents.
543. En effet, la plupart des pièces citées par Rexel montrent au contraire qu’elle applique les prix et s’inquiète de déviations de la part de Sonepar. C’est par exemple le sens de l’échange interne du 11 juin 2017 selon lequel « [l]a guerre est déclarée avec Sonepar, ils veulent conquérir des parts de marché quel que soit le prix. Ils contrôlent difficilement leurs troupes »599 (soulignement ajouté), qui confirme que Rexel s’attend à voir les prix dérogés appliqués tels quels.
544. Compte tenu des différents éléments de nature documentaire établissant la participation volontaire de Rexel au système de prix fixes mis en place par Legrand, le niveau de suivi exact des prix dérogés par Rexel n’est pas, pour les raisons déjà explicitées au paragraphe 509 ci-avant, déterminant pour établir son adhésion en l’espèce.
545. Dans ces conditions, les arguments avancés par Rexel pour contester la méthodologie600 sous-tendant les calculs de taux de suivi effectués par les services d’instruction, auxquels il a déjà été répondu aux paragraphes 509 à 514 ci-avant, sont inopérants.
546. En tout état de cause, l’Autorité relève qu’il ressort des calculs effectués par Rexel601 que ce niveau a été significatif et en toute hypothèse trop conséquent pour infirmer l’existence d’un accord de volontés en l’espèce.
547. Pour l’ensemble de ces raisons, l’Autorité considère que le second grief notifié par les services d’instruction est établi s’agissant de Legrand et de Rexel.
2. SUR L’EXISTENCE D’UNE RESTRICTION DE CONCURRENCE PAR OBJET
a) Rappel des principes
548. De manière générale, pour relever de l’interdiction énoncée aux articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce, un accord doit avoir « pour objet ou pour effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence dans le marché intérieur602.
549. Selon une jurisprudence constante de la CJUE, la notion de restriction de concurrence par objet peut être appliquée à certains types de coordination entre entreprises révélant un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré que l’examen de leurs effets n’est pas nécessaire603. Sont ainsi visées certaines formes de coordination entre entreprises qui peuvent être considérées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement de la concurrence604. La CJUE rappelle également que la notion de restriction de concurrence par objet doit être interprétée de manière restrictive.
550. La CJUE a précisé que « la circonstance qu’un accord constitue un accord vertical n’exclut pas la possibilité que celui-ci comporte une « restriction de concurrence par objet ». En effet, si les accords verticaux sont, par leur nature, souvent moins nuisibles pour la concurrence que les accords horizontaux, ils peuvent, eux aussi, dans certaines circonstances, comporter un potentiel restrictif particulièrement élevé »605.
551. S’agissant des accords verticaux sur les prix, la CJUE a indiqué dans son arrêt Super Bock que « l’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que la constatation qu’un accord vertical de fixation de prix minimaux de revente comporte une « restriction de concurrence par objet » ne peut être effectuée qu’après avoir déterminé que cet accord révèle un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, compte tenu de la teneur de ses dispositions, des objectifs qu’il vise à atteindre ainsi que de l’ensemble des éléments caractérisant le contexte économique et juridique dans lequel il s’insère »606.
552. S’agissant de la teneur de l’accord, il ressort de la jurisprudence de la CJUE que l’appréciation de l’objet anticoncurrentiel d’un accord s’effectue in concreto, sans se limiter aux seuls termes de celui-ci: « il y a lieu de tenir compte non seulement des termes d’un accord, mais également d’autres facteurs, tels que les buts poursuivis par l’accord en tant que tel, à la lumière du contexte économique et juridique, afin de déterminer si un accord a un objet restrictif au sens de l’article 81 CE »607.
553. S’agissant des buts poursuivis par le comportement en cause, il y a lieu de déterminer les buts objectifs que ce comportement vise à atteindre à l’égard de la concurrence. En revanche, la circonstance que les entreprises impliquées ont agi sans avoir l’intention subjective d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence et le fait qu’elles ont poursuivi certains objectifs légitimes ne sont pas déterminants aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE608.
554. S’agissant du contexte économique et juridique dans lequel l’accord s’insère, la CJUE a eu récemment l’occasion de préciser que : « il y a lieu de prendre en considération la nature des produits ou des services concernés ainsi que les conditions réelles qui caractérisent la structure et le fonctionnement du ou des secteurs ou marchés en question […]. En revanche, il n’est en aucune manière nécessaire d’examiner et à plus forte raison de démontrer les effets de ce comportement sur la concurrence, qu’ils soient réels ou potentiels et négatifs ou positifs »609.
555. De plus, dans les cas où l’objet anticoncurrentiel est aisément perceptible, comme c’est le cas pour les ententes verticales sur les prix, l’analyse du contexte économique et juridique « peut ainsi se limiter à ce qui s’avère strictement nécessaire en vue de conclure à l’existence d’une restriction de concurrence par objet »610.
b) Application au cas d’espèce
Arguments des parties
556. Legrand611 et Schneider Electric612 soutiennent qu’aucun des critères permettant de qualifier une pratique anticoncurrentielle par objet ne serait rempli en l’espèce. S’agissant de la teneur des pratiques, l’examen du fonctionnement concret des dérogations permettrait de démontrer que les dérogations ne constituent pas un système de prix imposés mais un système licite de prix maximum recommandés613. En outre, l’objectif poursuivi par Legrand et Schneider Electric et leurs distributeurs, i.e. gagner ou défendre ses parts de marché dans un contexte très concurrentiel et s’assurer que l’effort commercial consenti au distributeur sera bien répercuté au client final614, serait non seulement légitime, mais également pro-concurrentiel. Par ailleurs, aucun précédent décisionnel ou jurisprudentiel ne permettrait de justifier la qualification d’infraction par objet, alors même que l’existence de précédents est essentielle à une telle qualification615. Enfin, le contexte économique caractérisé par une forte concurrence inter-marques, une forte concentration de la distribution et une grande hétérogénéité et technicité des produits ne permettrait pas de retenir la qualification d’infraction par objet616.
557. Selon Rexel617 et Sonepar618, la notion de restriction de concurrence par objet, qui doit être interprétée strictement, nécessite la démonstration d’une expérience acquise faisant état d’une nocivité particulière, ce qui ne serait pas le cas en espèce. En outre, le mécanisme des dérogations, qui aurait des effets pro-concurrentiels en entraînant notamment une baisse des prix, ne peut être qualifié de restriction par objet.
558. Rexel619 et Sonepar620 avancent également qu’il existe une vive concurrence tarifaire entre distributeurs tant sur le plan inter-marques qu’intra-marque. En particulier, Sonepar, qui estime sa part de marché entre 15 % et 20 % selon la taille du marché retenu621, conteste l’existence d’un duopole avec Rexel sur le marché du matériel électrique basse tension à destination de clients professionnels en France, tel que décrit par la notification de griefs622. Sonepar fait notamment valoir l’apparition de nouveaux entrants au stade de la distribution, tels qu’Amazon Business, ManoMano ou Yess.
559. Legrand623, Schneider Electric624, Rexel625 et Sonepar626 soutiennent, enfin, que le mécanisme décrit dans le rapport des services d’instruction serait assimilable à un contrat d’exécution, considéré comme licite par les lignes directrices de la Commission de 2022 sur les restrictions verticales627.
Réponse de l’Autorité
560. En vertu de la jurisprudence rappelée aux paragraphes 549 à 555 ci-avant, afin d’apprécier si un accord entre entreprises présente un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour être considéré comme une restriction de concurrence par objet, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il convient de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère. Dans le cadre de l’appréciation dudit contexte, il y a également lieu de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du ou des marchés en question628.
561. En premier lieu, sur la teneur des accords, les lignes directrices de la Commission concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du Traité (devenu article 101, paragraphe 3 du TFUE), précisent « [qu’]avant de pouvoir déterminer si une restriction donnée a pour objet de restreindre la concurrence, il peut s'avérer nécessaire d'examiner les faits sur lesquels repose l'accord ainsi que les circonstances spécifiques dans lesquelles il fonctionnera. Il arrive que les modalités concrètes de mise en oeuvre d'un accord révèlent une restriction par objet, alors que celle-ci n'est pas expressément stipulée dans l'accord »629.
562. Les lignes directrices de la Commission du 10 mai 2010 sur les restrictions verticales, en vigueur à la période des pratiques, rappellent quant à elles que les prix de vente imposés peuvent être appliqués par des moyens directs (via des dispositions contractuelles ou des pratiques concertées, par exemple) ou par des moyens indirects, notamment des mesures utilisées « pour faire d’un prix maximal ou conseillé l’équivalent d’un prix de vente imposé »630.
563. Il en résulte que la restriction de concurrence résultant d’un accord s’apprécie en prenant en considération, non pas simplement son contenu, mais également l’interprétation qu’en font les parties concernées et ses modalités d’application.
564. Or, si ni le système des dérogations dans son principe, ni les documents contractuels les encadrant ne constituent, en tant que tels, des accords de fixation des prix de revente, il ressort des pièces du dossier que la mise en oeuvre concrète de ce système a pu se traduire par une fixation par le fournisseur des prix de vente accordés par le distributeur au client final, pratique qui a, constamment, été qualifiée de restriction de concurrence par objet.
565. Contrairement à ce que soutiennent les parties, l'absence de précédents français ou européens sanctionnant des accords de dérogations parfaitement identiques n'exclut pas la qualification de restriction de concurrence par objet, dès lors que ce n’est pas le système de dérogations en lui-même qui est condamnable, mais uniquement les modalités concrètes de sa mise en oeuvre par les parties mises en cause.
566. Sur ce point, le Tribunal a eu l’occasion de préciser dans l’arrêt Lundbeck, confirmé par la CJUE, « [qu’]il n’est pas requis que le même type d’accords ait déjà été condamné […] pour que ceux-ci puisse[nt] être considéré[s] comme une restriction de la concurrence par objet. Le rôle de l’expérience […] ne concerne pas la catégorie spécifique d’un accord dans un secteur particulier, mais renvoie au fait qu’il est établi que certaines formes de collusion sont, en général et au vu de l’expérience acquise, tellement susceptibles d’avoir des effets négatifs sur la concurrence qu’il n’est pas nécessaire de démontrer qu’elles ont des effets dans le cas particulier en cause »631.
567. En deuxième lieu, sur l’objectif des dérogations, de nombreux documents attestent que leur mise en oeuvre avait pour finalité de maintenir des prix standards élevés en France en limitant la concurrence intra-marque et inter-marques632 et que les fournisseurs ont cherché à maintenir ce système, afin d’éviter une baisse trop importante des prix en France (voir en ce sens le Tableau 4 sous le paragraphe 60).
568. Dans le système des dérogations, ce sont en effet Schneider Electric et Legrand qui contrôlent, voire pilotent la négociation tarifaire avec le client final, parfois sans même l’intervention du distributeur, ce qui leur permet de maintenir les prix de vente des distributeurs à des niveaux élevés. En outre, en conférant aux prix dérogés un caractère fixe en dessous duquel les distributeurs ne devaient pas descendre, les parties mises en cause éliminent la concurrence intra-marque entre les distributeurs au détriment des clients finals.
569. Comme le résume la note du 12 octobre 2017 de l’ancienne secrétaire générale de Sonepar sur la politique commerciale de Schneider Electric: « [p]ar les dérogations, le fournisseur se donne les moyens d'emporter un marché tout en contrôlant le processus pour éviter que le distributeur ne casse les prix. La dérogation est donc un moyen pour le fournisseur de contrôler les prix de vente du distributeur »633.
570. Les parties contestent cette analyse, en soutenant que les dérogations poursuivent des objectifs pro-concurrentiels, en l’occurrence répondre à l’hétérogénéité de la demande, baisser les prix à la demande des clients et éviter la double-marginalisation.
571. Or, d’une part, la jurisprudence européenne et la pratique décisionnelle considèrent de manière constante qu’un « accord peut être considéré comme ayant un objet restrictif même s’il n’a pas pour seul objectif de restreindre la concurrence, mais poursuit également d’autres objectifs légitimes »634.
572. D’autre part, les objectifs pro-concurrentiels identifiés par les parties reposent sur une prémisse erronée, selon laquelle les dérogations constitueraient, en l’espèce, de simples prix maximum conseillés aux distributeurs et clients finaux par les fournisseurs. Or, comme démontré précédemment, les modalités de mise en oeuvre des accords par Legrand et Schneider Electric ont pu faire de ces prix maximum conseillés l’équivalent de prix de revente imposés, limitant ainsi les effets pro-concurrentiels que ces accords auraient pu produire s’ils avaient été correctement appliqués.
573. S’agissant, en troisième lieu, du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrivent les accords, les parties ne peuvent utilement se fonder sur ce contexte pour remettre en cause la matérialité des pratiques établie précédemment.
574. En effet, il n’existe aucune circonstance de fait ou de droit de nature à exclure le caractère anticoncurrentiel de la mise en oeuvre des accords de dérogations.
575. La circonstance, tout d’abord, que les accords de dérogations soient communément appliqués par des concurrents de Schneider Electric et Legrand est indifférente, dès lors que ce ne sont pas les principes de ces accords qui apparaissent condamnables au cas présent, mais leurs modalités de mise en oeuvre par les parties.
576. S’agissant par ailleurs du degré de concurrence, il convient de relever que le secteur du matériel électrique basse tension se caractérise par un fort degré de concentration tant à l’amont635 qu’à l’aval636. Le directeur général de Sonepar décrit ainsi le marché de la fabrication de matériel électrique basse tension comme un « duopole » entre Schneider Electric et Legrand637, tandis que Schneider Electric et Legrand affirment que la distribution est concentrée autour du duopole Rexel et Sonepar, qui représenteraient conjointement environ [70-90] % du marché638. Rexel souligne que le secteur du matériel basse tension en France est « concentré, non seulement sur le marché amont, […] mais également sur le marché aval »639, ce qui pourrait expliquer, selon elle, l’existence de prix plus élevés en France que sur d’autres marchés européens, car « il est évident qu’un produit donné sera sujet à des prix plus élevés dans un pays où les marchés sont concentrés tant à l’amont qu’à l’aval que dans un pays où les marchés amont et/ou aval seraient plus fragmentés »640.
577. Les parties se prévalent également de plusieurs documents, saisis principalement dans les locaux de Rexel, faisant état d’un effet mécaniquement « déflationniste » des dérogations. Ces documents, qui reprennent une étude réalisée par un cabinet de consultants pour Rexel dans le cadre du projet Thomas, ayant pour objectif de convaincre les fournisseurs de renoncer aux dérogations sont toutefois contredits sur ce point par de nombreux éléments documentaires émanant non seulement des autres parties mises en cause au cours du projet Thomas, mais également de Rexel.
578. Ainsi, une présentation interne de Rexel du 11 décembre 2013, concomitante au lancement du projet Thomas, mentionne un « risque de déflation » des prix de vente de Rexel comme l’un des impacts possible d’une sortie des dérogations avec Schneider Electric notamment641.
579. Un courriel interne de Rexel du 5 août 2014 relatant le déroulement d’une réunion entre Rexel et Legrand du 29 juillet 2014 concernant le projet Thomas indique que Legrand s’oppose à la suppression des dérogations, car « [l]a perte de la maîtrise et du contrôle des prix de vente par LEGRAND inhérent au projet n'est pas envisageable selon eux. […] La raison d'être du commerce LEGRAND est de maintenir la marque sur le haut du panier en terme de prix de vente »642 (soulignement ajouté). Un courriel interne de Legrand du 31 juillet 2014 concernant cette même réunion indique que la suppression des dérogations conduira Legrand « à perdre la main en aval et comme seul le réseau de vente LEGRAND est capable de tenir les niveaux de prix LEGRAND, les prix baisseront de plus belle »643.
580. Dans le même sens, une présentation interne élaborée par Schneider Electric en 2017 dans le cadre de sa nouvelle politique commerciale consistant à réduire la part des affaires dérogées dans son chiffre d’affaires indique que la sortie des dérogations peut « accélérer la réduction des prix d’environ 3% » en France644 dans la mesure, notamment, où « [Schneider] perdra la maîtrise du prix »645 et où la concurrence « sur les prix entre distributeurs pourrait s’accélérer »646. Si la présentation n’explicite pas ce point plus avant, il est en effet à attendre, en cas de guerre des prix à l’aval, que les deux principaux distributeurs exigent de meilleures conditions d’achat afin de limiter l’érosion de leurs marges, cette pression entraînant en retour une réduction des marges des fournisseurs.
581. Les mises en cause se prévalent également de réponses de commerciaux de Schneider Electric à un sondage interne à l’entreprise faisant part d’un risque d’augmentation des prix pour les clients finals en cas de sortie des dérogations. Toutefois, d’autres commerciaux de Schneider Electric ont indiqué que la suppression des dérogations pourrait au contraire conduire à une baisse des prix sur le marché aval et à « une guerre des prix entre les distributeurs »647.
582. S’agissant des différentes études économiques figurant au dossier, les parties relèvent tout d’abord que l’analyse économique réalisée par les services d’instruction à la demande de la juge d’instruction visant à comparer les niveaux de prix des produits Schneider Electric en Europe648 ne permet pas de conclure que les prix seraient systématiquement supérieurs en France à ceux pratiqués dans les autres pays européens et ne démontre pas, en tout état de cause, le lien de causalité entre les dérogations et le niveau plus élevé des prix en France.
583. Pour démontrer l’effet déflationniste des dérogations, Schneider Electric et Rexel se fondent sur leurs propres études économiques qui démontreraient que la sortie des dérogations s’est traduite par une augmentation des prix de gros de Schneider Electric (étude produite par Schneider Electric 649) et une absence de baisse des prix de revente de Rexel (étude produite par Rexel650).
584. Toutefois, la jurisprudence européenne rappelée ci-avant estime qu’il convient « de prendre en considération la nature des biens ou des services affectés ainsi que les conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché ou des marchés en question »651 dans le cadre de l’examen du contexte économique et juridique. De plus, dans les cas où l’objet anticoncurrentiel est aisément perceptible, comme c’est le cas pour les ententes verticales sur les prix, l’analyse du contexte économique et juridique « peut ainsi se limiter à ce qui s’avère strictement nécessaire en vue de conclure à l’existence d’une restriction de concurrence par objet »652. En outre, comme l’a précisé la CJUE, en matière d’infraction par objet, il n’est en aucune manière nécessaire d’examiner et à plus forte raison de démontrer les effets de ce comportement sur la concurrence, qu’ils soient réels ou potentiels et négatifs ou positifs653.
585. En l’espèce, les éléments fondant la notification de griefs se sont conformés à ce cadre d’analyse. Ils établissent clairement (i) la position de leaders du marché français de la fourniture de matériel électrique basse tension de Legrand et Schneider Electric, (ii) la forte concentration du marché de la distribution de matériel électrique basse tension autour de Rexel et Sonepar et (iii) l’objectif des parties de maintenir des tarifs élevés en France dans le cadre de la mise en oeuvre des dérogations.
586. En quatrième et dernier lieu, il convient de rappeler que les pratiques sont intervenues dans le cadre de deux systèmes de distribution ouverts, reposant sur des acteurs économiques indépendants et autonomes, qui ne s’assimilent pas à des contrats d’exécution.
587. Les lignes directrices de 2022 définissent en effet le contrat d’exécution comme « un accord vertical avec un acheteur aux fins de l’exécution d’un contrat de fourniture conclu antérieurement entre le fournisseur et un client spécifique »654 et précisent que « lorsque le client sélectionne l’entreprise qui fournira les services d’exécution, l’imposition d’un prix de vente par le fournisseur peut restreindre la concurrence pour la prestation des services d’exécution. Dans ce cas, l’imposition d’un prix de vente peut équivaloir à une pratique de prix de vente imposés »655.
588. Or, d’une part, les dérogations ne sont pas systématiquement accordées dans le cadre d’un accord conclu antérieurement entre le fournisseur et le client final. Elles peuvent également être octroyées dans le cadre d’une affaire apportée par le distributeur au fournisseur (voir paragraphe 48 ci-avant). D’autre part, en cas d’accord conclu antérieurement entre le fournisseur et le client final, ce dernier demeure libre de s’approvisionner auprès du distributeur de son choix, de sorte que l’imposition d’un prix de revente par le fournisseur n’apparaît pas non plus justifiée dans ce cas de figure.
589. Par conséquent, et sans qu’il soit besoin d’examiner les effets des pratiques au regard de la jurisprudence citée ci-avant, les pratiques visées constituent des restrictions de concurrence par objet, de nature à affecter le fonctionnement de la concurrence sur le marché.
3. SUR L’OCTROI D’UNE EXEMPTION CATEGORIELLE OU INDIVIDUELLE
a) Rappel des principes
590. S’agissant de l’exemption par catégorie, en vertu de l’article 2, paragraphe 1 du règlement n° 330/2010656, les accords verticaux peuvent, sauf exception, bénéficier, d’une exemption à l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.
591. Selon l’article 4 du même règlement, l’exemption ne peut s’appliquer en présence de restrictions dites caractérisées, qui comprennent notamment, en vertu de l’article 4, sous a), dudit règlement, les restrictions de la capacité de l’acheteur à déterminer librement son prix de vente.
592. Dans le nouveau règlement d'exemption par catégorie applicable aux accords verticaux657 accompagné de nouvelles lignes directrices sur les restrictions verticales658, la Commission a réaffirmé que constitue une restriction caractérisée le fait pour un fournisseur d’imposer des prix minimum. Ces textes sont entrés en vigueur le 1er juin 2022. Bien qu’ils ne soient pas applicables dans la présente affaire, ils constituent un guide utile, en ce qu’ils illustrent la pratique actuelle de la Commission en matière de restrictions verticales. S’agissant de l’exemption individuelle, l’article 101, paragraphe 3, TFUE énonce : « les dispositions du paragraphe 1 peuvent être déclarées inapplicables à tout accord ou catégorie d’accords entre entreprises, à toute décision ou catégorie de décisions d’associations d’entreprises et à toute pratique concertée ou catégorie de pratiques concertées qui contribuent à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs b) donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d’éliminer la concurrence ».
593. De même, l’article L. 420-4 du code de commerce dispose que « ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 les pratiques : [...] 2° Dont les auteurs peuvent justifier qu’elles ont pour effet d’assurer un progrès économique, y compris par la création ou le maintien d’emplois, et qu’elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d’éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause » (soulignements ajoutés).
594. L’article 2 du règlement n° 1/2003 dispose par ailleurs « [qu’]il incombe à l’entreprise ou à l’association d’entreprises qui invoque le bénéfice des dispositions de l’article [101], paragraphe 3, du traité d’apporter la preuve que les conditions de ce paragraphe sont remplies ». Dans le même sens, les nouvelles lignes directrices de 2022 sur les restrictions verticales précisent également que « [l]orsque des entreprises invoquent des gains d’efficience pour appliquer des prix de vente imposés, elles doivent être en mesure d’apporter des éléments de preuve concrets et de démontrer que toutes les conditions énoncées à l’article 101, paragraphe 3, sont remplies dans le cas d’espèce »659.
595. Il ressort également d’une jurisprudence constante, tant européenne que nationale, que « la personne qui se prévaut de cette disposition doit démontrer, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants, que les conditions requises pour bénéficier d’une exemption sont réunies »660. À cet égard, les autorités de concurrence sont uniquement tenues, afin de déterminer si un accord contribue à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, d’examiner les arguments de fait et les éléments de preuve fournis par l’entreprise dans le cadre de sa demande d’exemption661.
596. Par ailleurs, conformément aux lignes directrices du 27 avril 2004 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, dès lors que l’une de ces quatre conditions n’est pas remplie, il est inutile d’examiner les trois autres662.
597. Enfin, il convient de rappeler que les lignes directrices du 27 avril 2004 précitées précisent « [qu’]il est fort peu probable que de graves restrictions de la concurrence puissent remplir les conditions de l'article 81, paragraphe 3. En général, ces restrictions sont […] qualifiées de restrictions caractérisées dans les lignes directrices et les communications de la Commission. D’ordinaire, les accords de cette nature ne remplissent pas les deux premières conditions (au moins) de l'article 81, paragraphe 3. Ils ne créent pas d'avantages économiques objectifs et ne bénéficient pas aux consommateurs »663. Dans le même sens, les nouvelles lignes directrices de 2022 sur les restrictions verticales précisent également « [qu’]un accord comportant une restriction caractérisée au sens de l’article 4 du règlement (UE) 2022/720 ne remplit probablement pas les conditions de l’article 101, paragraphe 3, du traité »664.
b) Application au cas d’espèce
Arguments des parties
598. Dans le cadre de leurs observations, Schneider Electric, Legrand et Rexel soutiennent que leurs pratiques, dans le cas où elles seraient qualifiées de prix imposés, remplissent les quatre conditions exposées ci-avant. Sonepar n’a pas avancé d’arguments en ce sens.
599. Sur la première condition, Schneider Electric665, Legrand666 et Rexel667 soutiennent que le système des dérogations améliore la distribution des produits notamment en évitant la double marginalisation autrement dit le risque que le fournisseur et le distributeur pratiquent des prix « trop élevés », captant ainsi, selon elles, une marge indue. Les dérogations permettraient de faire baisser les prix du matériel électrique basse tension en permettant des prestations d’installation moins onéreuses pour le consommateur final. Schneider Electric, considérant que le système des dérogations est un mécanisme de prix maximum, estime que celui-ci permettrait « d’éviter de perdre des volumes dans un contexte de forte croissance inter-marques, de répondre à la demande des clients de bénéficier d’un prix compétitif », et ce d’autant plus dans un secteur très concentré comme au cas présent. Dès lors, un tel système permettrait des gains d’efficience tels que définis par les lignes directrices sur l’article 101 paragraphe 3668. Legrand ajoute qu’il ne lui incombe pas de démontrer une baisse généralisée des prix et que les dérogations ne sont pas réservées à une fraction de la clientèle qui dispose du plus grand pouvoir de négociation, dès lors que tous les clients et distributeurs y sont éligibles669. Rexel indique que les dérogations permettent aussi de servir la clientèle la plus sensible au prix, permettant un ajustement du prix en fonction de la propension à payer de chaque client670.
600. Sur la deuxième condition, Schneider Electric671, Legrand672 et Rexel673 estiment qu’une part équitable du profit bénéficie aux clients finals, via les baisses de prix permises par le système des dérogations. Legrand souligne, à cet égard, que les marges des distributeurs sont plus importantes lorsque Legrand ne fixe pas de prix maximal recommandé674. Rexel ajoute qu’il serait indispensable pour les distributeurs de bénéficier ex post d’un prix d’achat remisé afin de pratiquer le prix de vente adéquat675.
601. Sur la troisième condition, Schneider Electric676 et Legrand677 avancent que le système des dérogations est indispensable afin de limiter le phénomène de double marginalisation, compte tenu du fait que, sans les dérogations, les distributeurs ne seraient pas incités à répercuter aux clients les remises consenties par les fabricants. Rexel678 soutient que les dérogations sont indispensables pour garantir les prix les plus bas possibles aux clients dont la propension à payer est la plus faible. Schneider Electric ajoute qu’il ne suffit pas de constater qu’il existerait d’autres moyens de commercialisation afin de contester le caractère indispensable des pratiques concernées sans démontrer que ces moyens « permettent d’offrir des prix aussi compétitifs » alors qu’il ressort du dossier que la mise en place du projet Oxygène se serait traduite par une hausse des prix de gros appliqués par Schneider Electric aux distributeurs pour les catégories de clients concernés679.
602. Sur la quatrième condition, Schneider Electric680 et Legrand681 avancent que le système des dérogations n’a pas entravé la concurrence inter-marques entre fabricants, mais aurait au contraire stimulé celle-ci en provoquant une baisse des prix de leurs produits. Schneider Electric souligne aussi que le système des dérogations n’a pas non plus entravé la concurrence intra-marque car les distributeurs pouvaient se concurrencer sur les prix et/ou le niveau des services fournis682. Legrand souligne que les dérogations n’éliminent pas la concurrence pour une partie substantielle du marché, puisque seules [20-40] % de ses ventes sont concernées683.
603. Rexel avance enfin que les dérogations à l’initiative des distributeurs ne restreignent pas la concurrence et que dans l’hypothèse où les dérogations à l’initiative des clients finals seraient considérées comme restreignant la concurrence, les ventes non dérogées ne représentent pas une partie substantielle de la concurrence684.
Réponse de l’Autorité
604. Comme indiqué ci-avant aux paragraphes 560 et suivants, les pratiques reprochées aux mises en cause constituent des ententes verticales sur les prix et s’analysent comme des restrictions caractérisées au sens des règlements n° 2790/99 et n° 330/2010. Elles ne peuvent donc pas bénéficier d’une exemption catégorielle.
605. En outre, de nombreuses décisions, aux niveaux européen et national, ont considéré que les accords sur les prix ne pouvaient pas bénéficier d’une exemption individuelle. À titre d’illustration, la Commission a précisé dans sa décision Yamaha du 16 juillet 2003 que « [l]es pratiques de prix imposés sont des restrictions caractérisées qui ne remplissent pas les conditions cumulatives de l’article [101, paragraphe 3, TFUE]. Elles ne contribuent pas à l’amélioration de la production ou, en l’espèce, de la distribution des marchandises, et les consommateurs n’ont pas non plus droit à une part du bénéfice qui en résulte »685 (traduction libre).
606. À titre liminaire, il convient d’écarter les arguments des parties concernant les gains d’efficacité liés à la diffusion de prix maximum, dès lors qu’il ne s’agit pas des pratiques qui leur sont reprochées. Comme démontré ci-avant, les modalités concrètes de mise en oeuvre des dérogations ont conduit à faire des prix maximum diffusés par les fournisseurs l’équivalent de prix fixes en dessous desquels les distributeurs ne devaient pas descendre.
607. Ce type de pratiques, par essence nocives pour la concurrence, ne contribuent pas à l’amélioration de la distribution des produits et ne sont en tout état de cause pas nécessaires pour produire des gains d’efficacité.
608. Partant, les première et troisième conditions concernant l’amélioration de la production ou la distribution des produits ne sont pas remplies.
609. Conformément aux lignes directrices sur l’article 101 paragraphe 3, dès lors qu’il est constaté qu’au moins l’une des conditions n’est pas remplie, il est inutile d'examiner les autres686. Par conséquent, les pratiques reprochées ne sont pas susceptibles de bénéficier d’une exemption individuelle.
4. SUR LA DUREE DES PRATIQUES
a) Rappel des principes
610. Afin de déterminer la durée d’une infraction aux règles de la concurrence, il convient de rechercher la période qui s’est écoulée entre la date de la conclusion de l’accord anticoncurrentiel et la date à laquelle il y a été mis fin687. En l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement la durée de cette infraction et sa continuité, l’Autorité doit se fonder, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises688.
611. En outre, s'agissant du caractère continu de l'entente, la cour d’appel de Paris689 a récemment rappelé la jurisprudence européenne constante690 en vertu de laquelle l'absence de preuve de l'existence d'un accord au cours de certaines périodes déterminées, ou, tout au moins, de sa mise en oeuvre par une entreprise au cours d'une période donnée, ne fait pas obstacle à ce que l'infraction soit regardée comme constituée durant une période globale plus étendue que celles-ci, dès lors qu'une telle constatation repose sur des indices objectifs et concordants.
612. L’Autorité considère que « [l]a continuité d’une pratique peut être établie notamment par l’existence d’actions manifestant son maintien, par la répétition de l’accord anticoncurrentiel ou compte tenu du fait qu’il est resté en vigueur et a conservé, de façon continue, son objet et ses effets, actuels et potentiels »691.
613. La cour d’appel de Paris a également rappelé que dans le cadre d'une infraction s'étendant sur plusieurs années, le fait que les manifestations de l'entente interviennent à des périodes différentes, pouvant être séparées par des laps de temps plus ou moins longs, demeure sans incidence sur l'existence de cette entente, pour autant que les différentes actions qui font partie de cette infraction poursuivent une seule finalité et s'inscrivent dans un plan d'ensemble. Dans ce cas, les éléments de preuve doivent se rapporter à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, pour qu'il puisse être raisonnablement admis que l'infraction s'est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises692. Une infraction continue peut ainsi être caractérisée sur une période donnée sans que soit démontrée l'existence d'actes matériels tout au long de cette période. Par ailleurs, la période séparant deux manifestations d’un comportement infractionnel doit être appréciée à la lumière du fonctionnement de l’entente en question693.
614. Enfin, la CJUE considère qu’il n’est pas nécessaire que la participation des mises en cause soit étayée par des preuves documentaires directes couvrant toute la durée de l’infraction dès lors que leur participation continue ressort de l’examen global de l’ensemble des éléments de preuve produits par la Commission pour toute la période considérée694.
b) Application au cas d’espèce
S’agissant du premier grief
615. S’il existe, dès 2003, des éléments au dossier apportant un éclairage sur les faits constatés, la note précitée (voir les paragraphes 83 et suivants) du service juridique de Schneider Electric, qui fait clairement état de pratiques généralisées de prix imposés entre Schneider Electric et ses distributeurs, permet de fixer le point de départ des ententes, au plus tard, au 13 décembre 2012.
616. Les éléments du dossier attestent, par ailleurs, que ces pratiques ont perduré de manière continue après le 13 décembre 2012, sans qu’aucune partie ne prenne les dispositions adéquates pour les faire cesser. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir la date des perquisitions réalisées dans le cadre de la procédure pénale, soit le 6 septembre 2018, comme date de fin des pratiques.
617. Il ressort de ce qui précède que les pratiques sont établies à tout le moins à compter du 13 décembre 2012 et jusqu’au 6 septembre 2018.
S’agissant du second grief
618. S’il existe, dès 2006, des éléments au dossier apportant un éclairage sur les faits constatés (voir en ce sens les paragraphes 146 et suivants), un courriel du 24 mai 2012 échangé entre Rexel et Legrand, qui présente les dérogations comme le « poussage d’une offre imposée », permet de dater avec précision le point de départ des pratiques695.
619. S’agissant de la fin des pratiques, elle peut être déterminée par un courriel d’un commercial de Rexel à un responsable clients de Legrand du 14 septembre 2015 aux termes duquel Rexel s’aligne sur le prix de vente fixé par Legrand :
« Je vous contacte au sujet de la société Aldes qui me demande une offre de prix pour 6000 pièces de la référence 66631./ En pièce jointe il y a votre engagement sur un prix à 0,88€ HT, merci de me transmettre mon prix avec une marge convenable bien sûr »696 (soulignement ajouté).
620. Il ressort de ce qui précède que les pratiques sont établies à tout le moins à compter du 24 mai 2012 et jusqu’au 14 septembre 2015.
E. SUR L’IMPUTABILITE
1. RAPPEL DES PRINCIPES
a) Sur l’imputabilité des pratiques à une entité économique
621. Il résulte d’une jurisprudence constante que les articles 101 et 102 du TFUE ainsi que les articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce se rapportent aux infractions commises par des entreprises. La notion d’entreprise et les règles qui découlent de cette notion en vertu desquelles le comportement d’une société peut être imputé à une autre société, notamment à sa société mère, relèvent des règles matérielles du droit de la concurrence de l'Union. L’interprétation qu'en donnent les juridictions de l'Union s'impose donc à l'autorité nationale de concurrence et aux juridictions nationales lorsqu'elles appliquent les articles 101 et 102 TFUE parallèlement aux règles de concurrence internes du code de commerce697.
622. La notion d’entreprise au sens de la jurisprudence de l’Union désigne toute entité qui exerce une activité économique, indépendamment de son statut juridique et de son mode de financement698. Elle doit être comprise comme désignant une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales699. C’est cette entité économique qui doit, lorsqu’elle enfreint les règles de concurrence, répondre de cette infraction conformément au principe de responsabilité personnelle700.
b) Sur l’imputabilité des pratiques en cas de transformation d’entreprises
623. Il ressort d’une jurisprudence constante que tant que la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise qui a mis en oeuvre des pratiques enfreignant les règles de concurrence subsiste juridiquement, elle doit être tenue pour responsable de ces pratiques.
Si cette personne morale a changé de dénomination sociale ou de forme juridique, elle n’en continue pas moins de répondre de l’infraction commise.
624. En revanche, lorsque la personne morale responsable de l’exploitation de l’entreprise qui a commis les pratiques a cessé d’exister juridiquement, ces pratiques doivent être imputées à la personne morale à laquelle l’entreprise a juridiquement été transmise, c’est-à-dire celle qui a reçu les droits et obligations de la personne auteur de l’infraction et, à défaut d’une telle transmission, à celle qui assure en fait sa continuité économique et fonctionnelle701.
625. De même, en droit de l’Union, il ressort de la jurisprudence du Tribunal que « lorsque l’entreprise en cause cesse d’exister du fait qu’elle a été absorbée par un acquéreur, ce dernier reprend ses actifs et passifs, y compris ses responsabilités pour cause d’infraction au droit communautaire […]. Dans cette hypothèse, la responsabilité pour l’infraction commise par l’entreprise absorbée peut être imputée à l’acquéreur »702.
c) Sur l’imputabilité au sein d’un groupe de sociétés
626. En droit interne comme en droit de l’Union, au sein d’un groupe de sociétés, le comportement d’une filiale peut être imputé à la société mère lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités703.
627. Lorsqu’une société mère détient, directement ou indirectement par le biais d’une société interposée, la totalité ou la quasi-totalité du capital de sa filiale auteure d’un comportement infractionnel, il existe une présomption selon laquelle cette société mère exerce une influence déterminante sur le comportement de sa filiale. Dans cette hypothèse, il suffit pour l’autorité de concurrence de rapporter la preuve de cette détention capitalistique pour imputer le comportement de la filiale auteure des pratiques à la société mère. Il est possible à la société mère de renverser cette présomption en apportant des éléments de preuve qui démontrent que sa filiale détermine de façon autonome sa ligne d’action sur le marché. Si la présomption n’est pas renversée, l’autorité de concurrence sera en mesure de tenir la société mère solidairement responsable du paiement de la sanction infligée à sa filiale704.
2. APPLICATION AU CAS D’ESPECE
a) Imputabilité des pratiques à Schneider Electric
628. Il y a lieu de retenir, au titre du premier grief, la responsabilité de Schneider Electric France SAS, en tant qu’auteure des pratiques705.
629. En outre, la responsabilité de Schneider Electric Industries SAS doit également être retenue en sa qualité de société mère détenant la totalité du capital de Schneider Electric France SAS et présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale pendant la période de commission des pratiques706.
630. Enfin, la responsabilité de Schneider Electric SE doit être retenue, au titre du premier grief, en sa qualité de société mère détenant la totalité du capital de Schneider Electric Industries SAS et présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale et des filiales de cette dernière pendant la période de commission des pratiques707.
631. Schneider Electric ne formule pas de contestation à ce sujet.
b) Imputabilité des pratiques à Legrand
632. Il y a lieu de retenir, au titre du second grief, la responsabilité de Legrand SNC, en tant qu’auteure des pratiques.
633. En outre, la responsabilité de Legrand SNC doit aussi être retenue du fait de la disparition de la société Groupe Arnould le 1er janvier 2016, en tant que société absorbante d’une auteure des pratiques, pendant la période de leur commission708, conformément aux principes énoncés aux paragraphes 623 à 625.
634. Ensuite, la responsabilité de Legrand France SA doit également être retenue, au titre du second grief, en sa qualité de société mère détenant intégralement puis quasi intégralement Legrand SNC et présumée, dès lors, avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale pendant la période de commission des pratiques709.
635. Enfin, la responsabilité de Legrand SA doit être retenue en sa qualité de société mère détenant l’intégralité du capital de Legrand France SA, et présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale et de la filiale de cette dernière pendant la période de commission des pratiques710.
636. Legrand ne conteste pas ce point.
c) Imputabilité des pratiques à Sonepar
637. Il y a lieu de retenir, au titre du premier grief, la responsabilité de Sonepar France Interservices SAS en tant qu’auteure des pratiques.
638. En outre, la responsabilité de Sonepar France Distribution SAS doit aussi être retenue du fait de la disparition des sociétés Cabus & Raulot SAS, Teissier SAS, La Société Dijonnaise de Matériel Électrique SAS (SDME), Sonepar Nord-Est SAS, Sonepar Sud Est SAS, Sonepar Méditerranée SAS, Sonepar Ouest SA, Sonepar Ile-de-France SAS, CGE Distribution SAS, en tant que société absorbante d’auteures des pratiques, pendant la période de leur commission711.
639. La responsabilité de Sonepar France SAS doit également être retenue en sa qualité de société mère détenant la totalité du capital social de Sonepar France Interservices SAS, et présumée, dès lors, avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale pendant la période de commission des pratiques712.
640. Enfin, la responsabilité de Sonepar SAS, société mère du groupe détenant l’intégralité de Sonepar France SAS et indirectement l’intégralité des filiales de cette dernière, doit également être retenue en ce qu’elle est présumée avoir exercé une influence déterminante de sa filiale et les filiales de celle-ci, pendant la période de commission des pratiques713.
641. Sonepar ne formule aucune contestation à ce sujet.
d) Imputabilité des pratiques à Rexel
642. Il y a lieu de retenir, au titre des deux griefs, la responsabilité de la société Rexel France SAS en tant qu’auteure des pratiques.
643. La responsabilité de Rexel Développement SAS doit également être retenue en sa qualité de société mère détenant la totalité du capital social de Rexel France SAS, et présumée, dès lors, avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale pendant la période de commission des pratiques714.
644. En outre, la responsabilité de Rexel SA doit être retenue en sa qualité de société mère détenant l’intégralité de Rexel Développement SAS, et présumée avoir exercé une influence déterminante sur le comportement de sa filiale et de la filiale de celle-ci pendant la période de commission des pratiques715.
645. Rexel ne conteste pas ce point.
F. SUR LES SANCTIONS PECUNIAIRES
646. Seront successivement abordés les principes relatifs à la détermination des sanctions (1), la détermination du montant de base de la sanction (2), les éléments d’individualisation de la sanction (3) et les ajustements finaux (4).
1. LES PRINCIPES RELATIFS A LA DETERMINATION DES SANCTIONS
a) Le droit applicable
647. Les dispositions du I de l’article L. 464-2 du code de commerce et de l’article 5 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002716 habilitent l’Autorité à infliger une sanction pécuniaire aux entreprises et aux organismes qui se livrent à des pratiques anticoncurrentielles interdites par les articles L. 420-1 du code de commerce et 101 du TFUE.
648. Le troisième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, dans sa version applicable à la présente espèce, prévoit que « [l]es sanctions pécuniaires sont appréciées au regard de la gravité et de la durée de l'infraction, de la situation de l'association d'entreprises ou de l'entreprise sanctionnée ou du groupe auquel l'entreprise appartient et de l'éventuelle réitération de pratiques prohibées par le présent titre. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ».
649. Aux termes du quatrième alinéa du I de l’article L. 464-2 du même code, « le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise, de 10 % du montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre. Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante ».
650. L’Autorité apprécie les critères légaux de calcul des sanctions selon les modalités décrites dans son communiqué du 30 juillet 2021 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires (ci-après le « communiqué sanctions »), à moins « [qu’]après une analyse globale des circonstances particulières de l’espèce, notamment au regard des caractéristiques des pratiques en cause, de l’activité des parties concernées et du contexte économique et juridique de l’affaire, ou pour des raisons d’intérêt général, [elle ne décide] de s’en écarter, en motivant ce choix »717.
b) Sur l’application du communiqué sanctions du 30 juillet 2021
651. Schneider Electric718, Rexel719 et Sonepar720 soutiennent que le communiqué sanctions ne doit pas s’appliquer, eu égard au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère.
652. Legrand721, Rexel722, Schneider Electric723 et Sonepar724 ajoutent que, dans l’hypothèse où l’Autorité appliquerait le communiqué sanctions, il conviendrait, par application de son point 6, de s’en écarter, au regard des circonstances de l’espèce, et notamment de l’existence d’une incertitude juridique sur la qualification des pratiques, du caractère inédit des pratiques, ou encore de la mise en oeuvre en toute transparence des pratiques.
653. Ces arguments seront rejetés.
i. Sur l’application du communiqué sanctions de 2021
654. À titre liminaire, il convient de rappeler que la loi confère à l’Autorité un large pouvoir d’appréciation lui permettant de déterminer au cas par cas, en vertu de l’exigence légale d’individualisation et conformément au principe de proportionnalité, les sanctions pécuniaires qu’elle prononce en application des critères prévus, conformément au principe de légalité des délits et des peines, par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce. La loi encadre ce pouvoir en prévoyant un montant maximal de sanction. Depuis la loi du 15 mai 2001725, ce plafond est établi, pour une entreprise, à « 10 % du montant du chiffre d'affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d'un des exercices clos depuis l'exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre » et n’a pas évolué depuis la date des pratiques.
655. L’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 a conduit à la modification de certains critères légaux prévus par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce726. Ainsi, le critère de la durée de l’infraction a été explicitement introduit, tandis que celui relatif à l’importance du dommage à l’économie a été supprimé. En revanche, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires n’a pas été modifié. Dans ces conditions, et les nouveaux critères légaux n’étant pas plus sévères que les anciens, l’article 6 de l’ordonnance a pu prévoir que ces modifications sont applicables aux procédures pour lesquelles des griefs ont été notifiés, en application de l’article L. 463-2 du code de commerce, après l’entrée en vigueur de l’ordonnance727.
656. La mise en oeuvre de l’article L. 464-2 du code de commerce conduit l’Autorité à faire état, dans ses décisions imposant des sanctions, des principaux éléments pris en considération pour les déterminer, ce qui contribue à assurer la transparence sur la façon dont l’Autorité exerce son pouvoir d’appréciation au cas par cas. Cette motivation est nécessairement liée au contexte et aux faits propres à chaque espèce, et ne saurait préjuger de la façon dont l’Autorité peut être conduite à déterminer les sanctions pécuniaires dans d’autres affaires728.
657. Dans ce contexte, et afin de préciser la façon dont elle exerce son pouvoir de sanction en application des critères prévus par le I de l’article L. 464-2 du code de commerce tel que modifié par l’ordonnance n° 2021-649, l’Autorité a adopté, le 30 juillet 2021, un communiqué de procédure sur la méthode de détermination des sanctions pécuniaires, en remplacement de l’ancien communiqué du 6 mai 2011. Ce dernier était devenu sans objet du fait de la suppression dans la loi des critères dont il explicitait l’application (notamment le critère relatif à l’importance du dommage à l’économie). L’Autorité a ainsi logiquement appliqué le nouveau communiqué sanctions aux affaires dans lesquelles les nouveaux critères légaux étaient applicables, à savoir celles dans lesquelles les griefs ont été notifiés après l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2021-649729.
658. Par ailleurs, il convient de relever que les communiqués sanctions adoptés par l’Autorité ne peuvent pas être considérés comme des textes à valeur normative et donc comme une loi pénale. Dans le nouveau communiqué sanctions, l’Autorité indique à cet égard que celui-ci revêt le caractère de lignes directrices au sens de la jurisprudence administrative730. En effet, ce nouveau communiqué, comme celui de 2011, se borne, dans un souci de transparence, à préciser par avance, et sous réserve de l’examen concret des circonstances propres à chaque cas d’espèce, les modalités concrètes selon lesquelles l’Autorité entend faire usage du pouvoir d’appréciation qui lui a été confié par la loi pour déterminer, en vertu des dispositions du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, sous le contrôle des juridictions, les sanctions qu’elle impose731.
659. Toutefois, l’Autorité rappelle que les différentes étapes de cette méthode structurent la façon dont elle exerce son pouvoir d’appréciation, sans se substituer à l’examen spécifique auquel elle procède dans chaque affaire, en fonction des circonstances propres à celle-ci et conformément à l’exigence légale d’individualisation. Si le communiqué sanctions permet, entre autres, à tous les acteurs économiques d’anticiper les risques financiers associés à la commission d’infractions, il n’est ni possible, ni souhaitable, tant du point de vue de l’Autorité que dans l’intérêt des entreprises et des associations d’entreprises concernées, de concevoir un barème automatique permettant de prévoir par avance le montant précis des sanctions encourues. Le montant applicable à chaque espèce donne lieu à une décision spécifique, qui tient compte de l’ensemble des motifs pertinents de la décision concernée et du contexte de l’affaire en cause732.
660. En outre, le principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ne s’oppose pas à ce que l’Autorité adapte sa méthode de calcul de sanction à une évolution législative ou aux besoins de l’application efficace des règles de concurrence733. Ainsi, dans un arrêt du 4 juillet 2019, la cour d’appel de Paris a décrit la finalité du communiqué sanctions en ces termes :
« [L]e communiqué sanctions, qui vise à accroître la transparence, en faisant connaître par avance la façon concrète dont l'Autorité exerce son pouvoir de sanction, a notamment pour finalité de donner de la prévisibilité aux sanctions encourues par les entreprises et, ainsi, de renforcer leur caractère dissuasif, mais qu'il n'instaure aucun montant particulier ou aucune fourchette de sanction.
Or, ainsi que l'ont jugé la Cour de justice, dans son arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission (C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, point 228), et le Tribunal de l'Union, dans l'arrêt Archer Daniels Midland/Commission (point 48), les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende ne sauraient acquérir une confiance légitime dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement ni dans une méthode de calcul de ces dernières.
Il s'ensuit que l'application par l'Autorité, dans la décision attaquée, des règles d'analyse énoncées par le communiqué sanctions ne constitue pas une violation du principe de nonrétroactivité des sanctions punitives et que les moyens sont rejetés. »734
661. Il résulte de ce qui précède que l’application du nouveau communiqué sanctions ne saurait constituer une modification de l’exercice du pouvoir de sanction de l’Autorité qui ne serait pas raisonnablement prévisible.
662. En tout état de cause, l’adoption du nouveau communiqué sanctions ne constitue pas une rupture brutale et imprévisible de la pratique antérieure, ni de la politique générale de concurrence de l’Autorité en matière d’amendes. Au contraire, il importe de souligner la continuité évidente, malgré la modification des critères légaux de la sanction (suppression du dommage à l’économie, introduction explicite du critère de durée), entre la méthodologie du communiqué sanctions de 2011 et celui de 2021, qui repose sur les mêmes grandes étapes : calcul d’un montant de base qui est une proportion de la valeur des ventes en lien avec l’infraction, application à ce montant d’un coefficient tenant compte de la gravité et de la durée des pratiques, appréciation d’éventuelles circonstances atténuantes ou aggravantes et des autres éléments d’individualisation, prise en compte de la réitération, et ajustements finaux. Ainsi, comme la Cour de cassation l’a déjà jugé, dans la mesure où le nouveau communiqué ne marque pas une rupture brutale et imprévisible avec la pratique antérieure, les moyens tirés de la violation de la légalité des peines et de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère ne sauraient être fondés735.
663. Il convient en outre de relever que le communiqué sanctions du 16 mai 2011736, comme le communiqué sanctions actuel737, prévoit la possibilité pour l’Autorité de s’écarter de la méthode exposée au regard des circonstances spécifiques de l’espèce, en motivant ce choix.
Les méthodes de calcul préconisées par ces communiqués ne sont dès lors pas d’application systématique, et l’adoption du communiqué sanctions ne saurait constituer une rupture dans la politique de sanctions conduite par l’Autorité.
664. Dans ce contexte, les entreprises mises en cause en l’espèce savaient que la commission de pratiques anticoncurrentielles leur faisait encourir une sanction pouvant aller jusqu’à 10 % de leur chiffre d’affaires mondial consolidé, et avaient même pour certaines alerté leur hiérarchie en ce sens (voir sur ce point les paragraphes 168 et suivants ci-avant). Les évolutions du communiqué sanctions intervenues par la suite, alors même que l’infraction se poursuivait, n’ont pas conduit à remettre en cause ce plafond consacré par le législateur, que ce soit au niveau national ou européen.
665. Il en résulte que l’application du communiqué sanctions n’est pas susceptible de porter atteinte au principe de non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère. Il convient donc d’apprécier les critères légaux selon les modalités pratiques qui y sont décrites.
Conformément au point 19 du communiqué sanctions, seront successivement abordés la détermination du montant de base de la sanction pécuniaire, les éléments d’individualisation de ce montant et ses ajustements finaux.
ii. Sur l’opportunité de s’écarter du communiqué sanctions
666. Il ressort de la pratique décisionnelle de l’Autorité que lorsqu’elle s’est écartée du communiqué sanctions en raison d’une incertitude juridique sur la qualification des pratiques, il s’agissait de cas dans lesquels le droit et la jurisprudence applicables en la matière n’étaient pas clairement fixés, notamment s’agissant de pratiques tendant à l’interdiction de la revente en ligne738. Or, au cas présent, l’illicéité des pratiques de prix de revente imposés est très clairement établie par le droit et la jurisprudence depuis le début des pratiques en cause. La circonstance que ces pratiques ont été, en l’espèce, mises en oeuvre dans le cadre d’un système de dérogations, qui n’a jamais été sanctionné par les autorités de concurrence, ne saurait leur conférer un caractère inédit. En effet, ce n’est pas le système de dérogations qui est en lui-même anticoncurrentiel, mais les modalités concrètes de sa mise en oeuvre.
667. De la même façon, le caractère inédit des pratiques et leur mise en oeuvre en toute transparence ne justifient pas davantage de sortir du communiqué sanctions ou d’imposer une sanction symbolique ou forfaitaire à ce titre739. Outre que ces critères n’ont jamais été retenus par l’Autorité pour s’écarter de la méthodologie décrite par le communiqué sanctions, ils n’apparaissent pas pouvoir être retenus. D’une part, les pratiques de prix imposés ont déjà fait l’objet de nombreuses sanctions par l’Autorité et par la Commission.
D’autre part, Legrand notamment a mis en place des mesures pour occulter les preuves écrites de leur existence, comme cela ressort notamment de la pièce citée au paragraphe 251.
668. Par conséquent, aucune circonstance particulière invoquée par les parties ne justifie que l’Autorité s’écarte de la méthodologie décrite par le communiqué sanction, en application de son point 6.
2. LA DETERMINATION DU MONTANT DE BASE DE LA SANCTION
669. Le communiqué sanctions énonce au point 20 que « le montant de base de la sanction est déterminé par une proportion de la valeur des ventes du ou des produit(s) ou service(s) en relation avec l’infraction (1), et est fonction de l’appréciation portée par l’Autorité sur la gravité des faits (2) et de la durée de l’infraction (3) ».
670. Seront successivement abordées la valeur des ventes (a), la gravité des pratiques (b) et leur durée (c).
a) La valeur des ventes
671. Aux termes du point 22 du communiqué sanctions, « la référence prise par l’Autorité est la valeur de l’ensemble des catégories de produits ou de services en relation directe ou indirecte avec l’infraction, vendues par l’entreprise ou l’association d’entreprises concernée durant son dernier exercice comptable complet de participation à celle(s)-ci, sous réserve du point 25 […]. La qualification de l’infraction ou des infractions effectuée par l’Autorité, au regard de leur objet ou de leurs effets anticoncurrentiels, détermine ces catégories de produits ou de services ».
672. Conformément au point 26 du communiqué sanctions, « la méthode décrite ci-dessus peut être adaptée dans les cas particuliers où l’Autorité estime que la valeur des ventes, ou ses modalités de prise en compte, aboutiraient à un résultat ne reflétant pas de façon appropriée l’ampleur économique de l’infraction ou le poids relatif de chaque entreprise ou association d’entreprises, qui y a pris part ».
673. En premier lieu, Legrand740, Rexel741 et Schneider Electric742 soutiennent que seules les ventes faisant l’objet d’une dérogation à l’initiative du client final doivent être incluses dans les valeurs des ventes, dans la mesure où, selon elles, seules ces ventes sont susceptibles de soulever des problèmes de concurrence.
674. Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les parties, les ventes faisant l’objet d’une dérogation à l’initiative du distributeur sont également couvertes par l’infraction et ont donné lieu à des interventions des fournisseurs sur les prix de revente des distributeurs (voir le paragraphe 87 ci-avant).
675. En outre, comme indiqué au point 22 du communiqué sanctions, le périmètre pris en compte par l’Autorité correspond à la valeur des ventes en relation directe ou indirecte avec l’infraction. Sur ce point, la cour d’appel a eu l’occasion de préciser que : « c’est la qualification de l’infraction, effectuée au regard de son objet ou de ses effets, qui permet de déterminer les catégories de produits ou de services en relation avec cette infraction. Il n’est, en revanche, fait aucune référence à une nécessaire affectation des ventes de ces catégories de produits ou services par l’infraction pour pouvoir prendre en compte leur valeur »743.
676. Au cas d’espèce, les ventes « hors dérogations » réalisées par les fournisseurs sont bien en relation directe avec l’infraction. Les éléments du dossier attestent en effet que l’un des objectifs poursuivis par les fournisseurs dans la mise en oeuvre du système de dérogations était précisément de maintenir les prix de vente standards du matériel électrique à un niveau élevé (voir les paragraphes 567 et suivants ci-avant). Les ventes « hors dérogations » sont donc directement affectées par l’infraction.
677. En deuxième lieu, Rexel744, Legrand745 et Sonepar746 font également valoir que le périmètre des produits inclus dans la valeur des ventes devrait être défini en se fondant sur la définition de matériel électrique basse tension retenue par la Directive 2014/35/UE747 et non sur les définitions de marchés retenues par la Commission dans la décision Schneider /Legrand.
Sans remettre en cause le choix de se fonder sur cette décision, Schneider Electric fait valoir que la décision Schneider Electric/Legrand n’inclut pas les « automatismes » dans les produits de matériel électrique basse tension, de sorte que cette catégorie de produits doit être exclue des valeurs des ventes748.
678. Les marchés de la fourniture et de la distribution de matériel électrique basse tension ont été définis au regard de la pratique décisionnelle de l’Autorité et de la Commission. Cette définition, qui n’a pas été contestée par les parties mises en cause, ne saurait être remise en cause au stade de la discussion sur les sanctions.
679. L’Autorité observe par ailleurs que Schneider Electric s’est contentée de relever une erreur matérielle des services d’instruction qui ont inclus une catégorie de produits (les automatismes), qui ne figuraient pas dans les marchés de produits retenus par la Commission dans la décision Schneider/Legrand précitée.
680. En dernier lieu, l’Autorité observe que les montants de valeurs des ventes communiquées par les distributeurs sont très largement supérieurs à ceux communiqués par les fournisseurs, ce qui s’explique essentiellement par des divergences d’approche méthodologiques pour définir leur périmètre de valeur des ventes. Ainsi, par exemple, les ventes retenues par Schneider Electric et Legrand sont limitées aux ventes réalisées par les sociétés de leur groupe qui se sont vu notifier les griefs, tandis que les ventes retenues par Rexel et Sonepar comprennent également les ventes de produits achetés auprès de l’ensemble des sociétés des groupes Legrand et Schneider Electric, y compris celles qui ne se sont pas vu notifier de grief. Compte tenu de ces circonstances spécifiques, et afin de ne pas surévaluer le poids des distributeurs dans la commission de l’infraction, il convient de faire application du point 26 du communiqué sanctions, en retenant le montant des ventes réalisées par Legrand et Schneider Electric comme point de référence des valeurs des ventes de Rexel et Sonepar.
681. Par conséquent, et comme synthétisé dans le tableau ci-dessous, seront prises en compte pour Schneider Electric, Sonepar et Rexel, au titre du premier grief, les valeurs des ventes par distributeur fournies par Schneider Electric en 2017. Celles fournies par Legrand en 2014 et qui concernent les ventes réalisées avec Rexel seront retenues au titre du second grief.
b) La gravité des pratiques
i. Rappel des principes
682. Aux termes du communiqué sanctions, l’Autorité apprécie la gravité des faits « de façon objective et concrète, au vu de l’ensemble des éléments pertinents du cas d’espèce »749. Pour ce faire, l’Autorité peut notamment tenir compte, en fonction de leur pertinence, des éléments énumérés de manière non limitative au point 28 du communiqué sanctions, parmi lesquels figurent la nature de l’infraction en cause et des faits retenus pour la caractériser, la nature du ou des paramètres de la concurrence concernés, la nature des activités, des secteurs ou des marchés en cause, ou encore les caractéristiques objectives de l’infraction (caractère secret ou non, degré de sophistication, connaissance du caractère infractionnel de la pratique, existence de mécanismes de police ou de mesures de représailles, etc.).
683. En considération de la gravité des faits ainsi appréciée, le communiqué sanctions prévoit que l’Autorité retient au cas par cas une proportion de la valeur des ventes réalisées comprise entre 0 et 30 %.
ii. Arguments des parties
684. Sur la nature de l’infraction, Legrand750, Schneider Electric751, Rexel752 et Sonepar753 considèrent qu’il convient de tenir compte de la nature verticale de l’infraction en cause, les pratiques verticales n’étant pas considérées comme des pratiques particulièrement graves, ou à tout le moins, considérées comme moins nocives que les ententes horizontales.
685. Schneider Electric soutient, contrairement aux services d’instruction, que les pratiques reprochées n’interviennent pas dans un secteur concentré à tous les stades de la chaîne économique, le marché amont étant, selon elle, fragmenté et caractérisé par une vive concurrence754.
686. Legrand755 et Schneider Electric756 rappellent que les pratiques n’étaient pas secrètes et que les entreprises n’avaient pas connaissance du caractère anticoncurrentiel de leurs comportements.
687. Schneider Electric757 et Rexel758 considèrent que les pratiques n’ont pas d’effet cumulatif.
688. Sur le secteur en cause, Sonepar conteste l’existence sur le marché de la distribution, d’un duopole entre Rexel et Sonepar, de barrières à l’entrée et indique que l’analyse des prix pratiqués par Sonepar en Europe démontre que les prix sont plus élevés dans d’autres pays voisins759.
689. Sur la nature des acteurs susceptibles d’être affectés, Schneider Electric ne considère pas que les personnes susceptibles d’être affectées soient particulièrement vulnérables car elles concerneraient uniquement les clients qui demanderaient eux-mêmes à bénéficier de ces dérogations760. Legrand761 et Sonepar762 considèrent également que les acteurs affectés ne sont pas vulnérables en ce qu’il s’agit de clients professionnels de taille importante, disposant d’un fort pouvoir de négociation.
iii. Réponse de l’Autorité
690. En l’espèce, les pratiques ont été mises en place sur les marchés de la fourniture et de la distribution de matériel électrique basse tension auprès de professionnels, en France.
691. Il ressort d'une jurisprudence et d’une pratique décisionnelle constantes que les ententes verticales impliquant des entreprises actives à des stades différents de la chaîne de production sont considérées avec moins de sévérité que les ententes horizontales entre concurrents763.
692. Ce constat n’exclut pas, toutefois, que ce type de pratiques puisse être analysé comme présentant un caractère certain de gravité, en ce qu’elles tendent non seulement à limiter la concurrence intra-marque sur le marché français, mais aussi à cloisonner les marchés764, comme cela ressort notamment d’une présentation de Schneider Electric765.
693. S’agissant de la nature de l’infraction, les pratiques d’entente verticale sur les prix sont considérées de manière constante comme une des pratiques anticoncurrentielles les plus graves.
694. Ainsi, dans son arrêt du 26 janvier 2012 dans l’affaire Parfums, la cour d’appel de Paris a rappelé que « les jurisprudences, nationale et communautaire attribuent également aux pratiques verticales de prix imposés une gravité intrinsèque de principe en ce qu’elles confisquent au profit des auteurs de l’infraction, le bénéfice que le consommateur est en droit d’attendre d’un bon fonctionnement du marché »766.
695. Dans l’affaire JouéClub, la cour d’appel de Paris a jugé que « les ententes verticales sur les prix, constitutives de "restrictions caractérisées" au sens du règlement européen n°2790 du 27 décembre 1999 [...] même si elles ne sont pas regardées avec autant de sévérité que les ententes horizontales, figurent parmi les plus graves des pratiques anticoncurrentielles ; que les effets de telles pratiques, avantageuses pour les fournisseurs comme pour les distributeurs, tendent en effet à éliminer la concurrence intra-marque, laquelle mérite d’autant plus d’être préservée que les consommateurs sont attachés aux marques, même si la concurrence inter-marque demeure »767.
696. En 2013, la Cour de cassation a souligné que la Commission considère « encore aujourd’hui que les pratiques de prix de revente imposé dans les relations verticales sont suffisamment graves pour conduire à présumer qu’elles enfreignent l’article 101 du TFUE (ex article 81 du TCE) et ne remplissent pas les conditions de l’article 101 § 3 du TFUE (ex article 81 § 3 du TCE) »768.
697. Par ailleurs, le nombre, le cumul et l’interaction des comportements anticoncurrentiels mis en oeuvre en même temps constituent un facteur qui doit être pris en compte au titre de la gravité des faits769. En l’espèce, les pratiques de fixation de prix ont été mises en oeuvre, pour partie concomitamment, par quatre entreprises leaders dans la fabrication et dans la distribution de matériel électrique basse tension en France, affectant d’autant plus fortement les marchés concernés, qui sont concentrés tant à l’amont qu’à l’aval (voir le paragraphe 576 ci-avant).
698. S’agissant de la nature des acteurs susceptibles d’être affectés, les infractions poursuivies ont affecté, de façon directe, les clients professionnels utilisateurs de matériel électrique basse tension qui se sont vu retirer la possibilité de faire pleinement jouer la concurrence entre les distributeurs d’une part, et entre les distributeurs et les fournisseurs d’autre part, dans le but de bénéficier notamment d’un meilleur prix.
699. S’agissant des caractéristiques objectives de l’infraction, il convient de noter que Schneider Electric, Legrand, Rexel et Sonepar avaient connaissance du caractère infractionnel des pratiques, leur caractère anticoncurrentiel ayant été identifié à plusieurs reprises (voir les paragraphes 168 et suivants).
700. L’importance des réseaux de distribution de Sonepar et Rexel, visés par les deux griefs notifiés, doit également être prise en compte dans la mesure où les ventes combinées de ces deux distributeurs représentent la majorité du marché de la distribution en France et où ils jouissent d’une importante notoriété auprès des clients professionnels.
701. Par conséquent, l’Autorité considère que les pratiques revêtent un degré de gravité certain et retiendra, dès lors, une proportion de la valeur des ventes de 7 %.
c) La prise en compte de la durée
702. Ainsi que l’énoncent les points 32 et suivants du communiqué sanctions, la durée de l’infraction a nécessairement un impact sur les conséquences potentielles de l’infraction surle marché et joue donc un rôle significatif dans la détermination du montant de la sanction.
C’est pourquoi, pour calculer le montant de base de la sanction pécuniaire, l’Autorité multiplie le montant déterminé par la valeur des ventes de chaque entreprise par le nombre d’années où cette entreprise a participé à l’infraction.
703. En l'espèce, au titre du premier grief, les pratiques en cause ont été mises en oeuvre de façon continue du 13 décembre 2012 au 6 septembre 2018.
704. Au titre du second grief, les pratiques ont été mises en oeuvre de façon continue du 24 mai 2012 au 14 septembre 2015.
705. Les coefficients multiplicateurs de durée sont présentés dans le tableau ci-dessous.
d) Conclusions sur le montant de base des sanctions
706. Il résulte de tout ce qui précède que l’Autorité prendra pour montant de base des sanctions les sommes présentées ci-dessous.
3. SUR L’INDIVIDUALISATION DES SANCTIONS
707. Aux termes de l’article L. 464-2 du code de commerce, les sanctions « sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné ».
708. En fonction des éléments propres à chaque cas d’espèce, l’Autorité peut prendre en considération différentes circonstances atténuantes ou aggravantes caractérisant le comportement de chaque entreprise dans le cadre de sa participation à l’infraction, ainsi que d’autres éléments d’individualisation pertinents tenant à la situation de chaque entreprise ou association d’entreprises770. Cette prise en considération peut conduire à ajuster la sanction tant à la hausse qu’à la baisse.
709. L’individualisation des déterminants de la sanction conduit à traiter, pour chacune des entreprises mises en cause, l’existence de circonstances atténuantes ou aggravantes (a) et les autres éléments d’individualisation (b).
a) Les circonstances aggravantes ou atténuantes
i. Rappel des principes
710. Le communiqué sanctions mentionne plusieurs circonstances qui peuvent conduire l’Autorité à réduire ou augmenter le montant de base de la sanction pécuniaire.
711. Aux termes du point 37 du communiqué sanctions, l’Autorité peut tenir compte de certaines circonstances atténuantes et ainsi réduire le montant de base de la sanction pécuniaire, notamment, lorsque l’entreprise ou l’association d’entreprises apporte la preuve :
« - qu’elle a mis fin à l’infraction dès les premières interventions de l’Autorité, étant précisé que cette circonstance atténuante n’est pas applicable aux accords ou pratiques de nature secrète, en particulier les cartels ;
- qu’elle a durablement adopté un comportement concurrentiel, pour une part substantielle des produits ou services en cause, au point d’avoir perturbé, en tant que franc-tireur, le fonctionnement même de la pratique en cause ;
- qu’elle a été contrainte à participer à l’infraction ;
- qu’elle coopère effectivement avec l’Autorité, en allant au-delà des obligations auxquelles elle est juridiquement soumise et en dehors du champ d’application de la procédure de clémence ;
- que l’infraction a été autorisée, sollicitée ou encouragée par les autorités publiques ;
- qu’elle a mis en oeuvre, en cours de procédure, des mesures de réparation bénéficiant spécifiquement aux victimes de la pratique, notamment le versement à ces dernières d’une indemnité due en exécution d’une transaction au sens de l’article 2044 du code civil ».
712. Aux termes du point 38 du même communiqué, des circonstances aggravantes peuvent également être prises en compte pour augmenter le montant de base de la sanction pécuniaire, notamment lorsque :
« - l’entreprise ou l’association d’entreprises a joué un rôle de meneur ou d’incitateur, ou a joué un rôle particulier dans la conception ou la mise en oeuvre de l’infraction ;
- l’entreprise ou l’association d’entreprises a pris des mesures en vue d’en contraindre d’autres à participer à l’infraction, ou a pris des mesures de rétorsion à leur encontre en vue de faire respecter celle-ci ;
- l’entreprise ou l’association d’entreprises jouit d’une capacité d’influence ou d’une autorité morale particulières, notamment parce qu’elle est chargée d’une mission de service public ».
ii. Arguments des parties
713. S’agissant des circonstances atténuantes, Rexel771, Schneider Electric772 et Sonepar773 requièrent que soit retenue à ce titre leur tentative de réforme du système des dérogations.
714. Rexel774 et Sonepar775 considèrent qu’il conviendrait de prendre en compte le fait que les distributeurs n’auraient pas joué de rôle dans la mise en oeuvre des pratiques.
715. Legrand776 et Rexel777 soutiennent que le montant de base de la sanction devrait être ajusté à la baisse afin de tenir compte du caractère inédit des pratiques et du doute quant à leur nature infractionnelle.
716. Legrand considère que devrait être pris en compte le fait que les pratiques en cause auraient engendré des gains d’efficience en faisant bénéficier les clients de prix réduits778.
iii. Réponse de l’Autorité
717. S’agissant de l’application de circonstances atténuantes, les éléments du dossier attestent que Rexel s’est fortement engagée dans le processus de réforme du système des dérogations et a tenté à plusieurs reprises de convaincre Legrand et Schneider Electric de s’y associer. Cette circonstance justifie d’atténuer la sanction qui lui sera imposée par un abattement de 20 % sur le montant de base.
718. En revanche, cette circonstance ne peut être accordée à Sonepar, dans la mesure où ses initiatives de réforme du système de dérogations sont postérieures à la période infractionnelle retenue à son encontre. Schneider Electric ne peut pas non plus bénéficier de cette circonstance, dans la mesure où elle a joué un rôle significatif dans la commission de l’infraction, comme en attestent les nombreuses pièces figurant au dossier.
719. En outre, il convient une nouvelle fois de rejeter les arguments des parties tendant à prendre en compte le caractère inédit des pratiques, au titre des circonstances atténuantes. Comme précisé ci-avant, le cas d’espèce concerne des pratiques de prix imposés dont le caractère illicite n’a jamais présenté de doute et qui ont déjà fait l’objet de sanctions par l’Autorité et par la Commission. Ce constat est d’ailleurs renforcé par la lecture de certaines pièces qui témoignent de ce que les parties mises en cause avaient conscience du caractère illicite de leurs pratiques (voir les paragraphes 168 et suivants).
720. Enfin, aucun gain d’efficience n’est effectivement démontré par les parties (voir les paragraphes 604 et suivants).
721. S’agissant des circonstances aggravantes, l’Autorité considère qu’il n’y a lieu d’en retenir à l’encontre d’aucune des parties mises en cause.
b) Les autres éléments d’individualisation
i. Rappel des principes
722. Selon le point 39 du communiqué sanctions, après avoir procédé à l’ajustement individuel du montant de la sanction eu égard aux éventuelles circonstances aggravantes et atténuantes, l’Autorité peut ensuite adapter le montant obtenu à la hausse ou à la baisse, afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire, « en prenant en considération d’autres éléments objectifs propres à la situation de l’entreprise ou à l’association d’entreprises concernée ». Parmi ces éléments figure en particulier l’appartenance de l’entreprise à un groupe disposant d’une puissance économique ou de ressources globales puissantes.
723. La circonstance qu’une entreprise dispose d’une puissance financière importante peut justifier que la sanction qui lui est infligée, en considération d’une ou plusieurs infractions données, soit plus élevée que si tel n’était pas le cas, afin d’assurer le caractère à la fois dissuasif et proportionné de la sanction pécuniaire779. À cet égard, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que l’efficacité de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles requiert que la sanction pécuniaire soit effectivement dissuasive – objectif également mis en exergue, s’agissant des sanctions pouvant être imposées en cas de violation de règles nationales de concurrence, par l’arrêt de la CEDH du 27 septembre 2011, Menarini Diagnostics/Italie780 –, au regard de la situation financière propre à chaque entreprise au moment où elle est sanctionnée781.
724. La jurisprudence de l’Union considère également qu’une majoration sur ce fondement, en ce qu’elle se réfère à la situation financière globale de l’entreprise, est de nature à rendre la sanction pécuniaire d’autant plus dissuasive et proportionnée782.
725. Enfin, la cour d’appel de Paris a précisé que le niveau du chiffre d’affaires total réalisé par la société mère et le rapport de la valeur des ventes de la filiale en relation avec l’infraction avec ce chiffre d’affaires total peuvent constituer, ensemble, un critère pertinent pour apprécier s’il y a lieu d’appliquer une telle majoration783.
ii. Application au cas d’espèce
En ce qui concerne Rexel
726. Rexel demande au Collège d’écarter l’application de cette circonstance aggravante au motif qu’il n’est pas démontré que l’appartenance de Rexel France au groupe Rexel a joué un rôle dans la mise en oeuvre des pratiques alléguées784.
727. Or, cet argument, à le supposer avéré, ne fait pas obstacle à ce que l’Autorité tienne compte du fait que l’entreprise à laquelle elle impute l’infraction appartient à un groupe jouissant d’un périmètre d’activité et d’une puissance financière significatifs, voire considérables785.
728. En effet, ce n’est que lorsque l’autonomie d’une filiale a été constatée qu’il convient de tenir compte du rôle joué par l’appartenance à un grand groupe dans la mise en oeuvre des pratiques anticoncurrentielles ou de son influence sur la gravité de ces pratiques.
729. En l’espèce, les infractions en cause ont été imputées aux sociétés Rexel France SAS et Rexel Développement SAS, en tant qu’auteures et aux sociétés Rexel Développement SAS et Rexel SA, en tant que sociétés mères. Toutes ces sociétés constituent, prises ensemble, une entreprise au sens du droit de la concurrence, ainsi que cela ressort des développements de la présente décision relatifs à l’imputabilité des pratiques.
730. Les ressources financières globales du groupe Rexel sont très importantes, son chiffre d’affaires mondial consolidé pour 2023 s’élevant à 19,1 milliards d’euros.
731. Compte tenu de cet élément, et pour les motifs exposés ci-avant, l’Autorité augmentera de 8 % le montant de base des sanctions individuelles de Rexel France SAS, dont sont également tenues solidairement responsables les sociétés mères Rexel Développement SAS et Rexel SA.
En ce qui concerne Schneider Electric
732. Les ressources financières globales du groupe Schneider Electric sont considérables, son chiffre d’affaires mondial consolidé pour 2023 s’élevant à 35,9 milliards d’euros.
733. Compte tenu de cet élément, et afin de donner à la sanction un effet à la fois dissuasif et proportionné, l’Autorité augmentera de 8 % le montant de base des sanctions individuelles de Schneider Electric France SAS, dont sont également tenues solidairement responsables les sociétés mères Schneider Electric Industries SAS et Schneider Electric SE.
En ce qui concerne Legrand
734. Les ressources financières globales du groupe Legrand sont très importantes, son chiffre d’affaires mondial consolidé pour 2023 s’élevant à 8,4 milliards d’euros.
735. Compte tenu de cet élément, et afin de donner à la sanction un effet à la fois dissuasif et proportionné, l’Autorité augmentera de 8 % le montant de base des sanctions individuelles de Legrand SNC, dont sont également tenues solidairement responsables les sociétés mères Legrand France SA et Legrand SA.
En ce qui concerne Sonepar
736. Les ressources financières globales du groupe Sonepar sont considérables, son chiffre d’affaires mondial consolidé pour 2023 s’élevant à 33,3 milliards d’euros.
737. Compte tenu de cet élément, et afin de donner à la sanction un effet à la fois dissuasif et proportionné, l’Autorité augmentera de 8 % le montant de base des sanctions individuelles de Sonepar France Interservices SAS et Sonepar France Distribution SAS, dont sont également tenues solidairement responsables les sociétés mères Sonepar France SAS et Sonepar SAS.
4. SUR LES AJUSTEMENTS FINAUX
738. Conformément au I de l’article L. 464-2 du code de commerce, il convient de vérifier que le montant de la sanction pécuniaire résultant de l’individualisation du montant de base n’excède pas le maximum légal de 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes le plus élevé réalisé au cours d’un des exercices clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en oeuvre.
739. En l’espèce, le montant individualisé des sanctions de chaque entreprise, calculé selon la méthode exposée ci-avant, est présenté dans le tableau suivant.
740. En l’espèce, pour chacune des entreprises concernées, le montant du chiffre d’affaires mondial hors taxes retenu et le maximum légal correspondant, par grief notifié, sont présentés ci-dessous.
741. Les sanctions infligées au titre des deux griefs n’excèdent pas la proportion de 10 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes réalisé par l’entreprise.
G. LES AUTRES SANCTIONS
742. Conformément au premier alinéa du I de l’article L 464-2 du code de commerce, l’Autorité peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières.
743. Conformément au dixième alinéa du I de l’article L. 464-2 du code de commerce, l’Autorité peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision ou d’un extrait de celle-ci selon les modalités qu’elle précise. Les frais sont alors supportés par la personne intéressée.
744. En l’espèce, les pratiques établies à l’encontre de Schneider Electric, Legrand, Sonepar et Rexel justifient d’enjoindre à ces dernières de publier ou faire publier un résumé de la présente décision dans les versions papier et en ligne (i) du quotidien Les Échos, (ii) d’une revue spécialisée dans le secteur du matériel électrique, ainsi que (iii) de publier sur la page d’accueil de leur site internet le texte du résumé de la présente décision inclus pages 3 et 4 ci-avant.
DÉCISION
Article 1er : Il est établi que les sociétés suivantes ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE en participant du 13 décembre 2012 au 6 septembre 2018 à une entente sur les prix sur le marché du matériel électrique basse tension :
- Schneider Electric France SAS en tant qu’auteure, et Schneider Electric Industries SAS et Schneider Electric SE en tant que sociétés mères ;
- Sonepar France Interservices SAS et Sonepar France Distribution SAS en tant qu’auteures, et Sonepar France SAS et Sonepar SAS en tant que sociétés mères ;
- Rexel France SAS en tant qu’auteure, et Rexel Développement SAS et Rexel SA en tant que sociétés mères.
Article 2 : Au titre des pratiques visées à l’article 1er, la société Sarel – Appareillage Électrique SASU est mise hors de cause. Il n’y a donc pas lieu, en application de l’article 5 du règlement n° 1/2003, de poursuivre la procédure à son encontre, que ce soit au titre du droit de l’Union ou du droit national.
Article 3 : Il est établi que les sociétés suivantes ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 101, paragraphe 1 du TFUE en participant du 24 mai 2012 au 14 septembre 2015 à une entente sur les prix sur le marché du matériel électrique basse tension :
- Legrand SNC en tant qu’auteure, et Legrand France SA et Legrand SA en tant que sociétés mères ;
- Rexel France SAS en tant qu’auteure, et Rexel Développement SAS et Rexel SA en tant que sociétés mères.
Article 4 : Au titre des pratiques visées à l’article 3, les sociétés Sonepar France Interservices SAS, Sonepar France Distribution SAS, Sonepar France SAS et Sonepar SAS sont mises hors de cause. Il n’y a donc pas lieu, en application de l’article 5 du règlement n° 1/2003, de poursuivre la procédure à leur encontre, que ce soit au titre du droit de l’Union ou du droit national.
Article 5 : Sont infligées, au titre des pratiques visées aux articles 1 et 3, les sanctions pécuniaires suivantes :
- 207 000 000 euros à Schneider Electric France SAS, solidairement aux sociétés Schneider Electric Industries SAS et Schneider Electric SE ;
- 43 000 000 euros à Legrand SNC, solidairement aux sociétés Legrand France SA et Legrand SA ;
- 124 000 000 euros à Rexel France SAS, solidairement aux sociétés Rexel Développement SAS et Rexel SA ;
- 96 000 000 euros à Sonepar France Distribution SAS, solidairement aux sociétés Sonepar France Interservices SAS, Sonepar France SAS et Sonepar SAS.
Article 6 : Il est enjoint aux entreprises sanctionnées visées aux articles 1 et 3 d’insérer, à frais partagés et au prorata de leurs sanctions pécuniaires respectives, le résumé figurant au pages 3 et 4 de la présente décision, en respectant la mise en forme, dans l’édition papier et sur le site internet du quotidien Les Échos, et d’une revue spécialisée dans le secteur du matériel électrique ainsi que sur la page d’accueil de leur site internet, pour une durée de sept jours consécutifs. Cette publication interviendra dans un encadré en caractères noirs sur fond blanc de hauteur au moins égale à trois millimètres sous le titre suivant, en caractère gras de même taille : « Décision de l’Autorité de la concurrence n° 24-D-09 du 29 octobre 2024 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du matériel électrique basse tension ». Elle pourra être suivie de la mention selon laquelle la décision a fait l’objet d’un recours devant la cour d’appel de Paris si un tel recours est exercé. Les entreprises sanctionnées adresseront, sous pli recommandé, au service de la procédure et de la documentation, copie de cette publication, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision.
NOTES DE BAS DE PAGE :
1 Ce résumé a un caractère strictement informatif. Seuls font foi les motifs de la décision numérotés ci-après.
2 Cotes 45 à 50.
3 Cotes 35 à 44.
4 Cotes 5 308 à 5 312.
5 Cotes 5 313 à 5 315.
6 Cote 5 316.
7 Cotes 1 à 2.
8 Cotes 55 494 à 55 623.
9 Cotes 92 502 à 92 658.
10 « La fabrication de matériel électrique », Etude Xerfi, janvier 2021, cote 50 805.
11 Décision de la Commission européenne du 10 octobre 2001, COMP/M.2283, Schneider/Legrand, paragraphe 11. Voir également les cotes 47 784, 48 271 VNC (47 804 VC), 47 840 à 47 843 et 47 903.
12 Transposée en droit français par le décret n° 2015-1083 du 27 août 2015 relatif à la mise à disposition sur le marché du matériel électrique destiné à être employé dans certaines limites de tension.
13 Article 3 de la Directive Basse Tension.
14 Article 6 de la Directive Basse Tension.
15 Annexe III de la Directive Basse Tension.
16 Article 9 de la Directive Basse Tension.
17 https://www.se.com/fr/fr/work/support/local/reglementation/norme-nfc15-100/, https://www.legrand.fr/pro/normes-et-reglementations/norme-nf-c-15-100/norme-nf-c-15-100-suivez-le-guide. Voir également la cote 47 906.
18 https://www.se.com/fr/fr/work/support/local/reglementation/norme-nfc15-100/.
19 Décision de la Commission européenne du 10 octobre 2001, COMP/M.2283, Schneider/Legrand, paragraphe 55 ; https://marque-nf.com/.
20 Décision de la Commission européenne du 10 octobre 2001, COMP/M.2283, Schneider/Legrand, paragraphes 15 à 42. Voir aussi les cotes 48 271 VNC (47 804 VC), 47 805, 47 844 à 47 848, 47 785, 48 067 VNC (47 904 VC) et 47 905.
21 Cotes 47 785 et 47 786.
22 Cote 47 786.
23 Cote 47 786.
24 Cote 47 829.
25 « La fabrication de matériel électrique », Etude Xerfi, janvier 2021, cotes 55 448 et 55 449.
26 Cote 47 829.
27 Cote 47 830.
28 Cotes 47 831 à 47 833.
29 Cotes 47 832 et 47 833.
30 Cote 47 834.
31 « La fabrication de matériel électrique », Etude Xerfi, janvier 2021, cotes 55 448 et 55 449.
32 Cote 47 779.
33 Les UPS (pour « Uninterruptible Power Supply ») servent à protéger le matériel électrique contre les coupures de courant, les surtensions, les sous-tensions, les pics de tension et la foudre.
34 Cotes 47 781 à 47 783.
35 Cote 47 779.
36 Jusqu’en 2006, la société de tête du groupe était Legrand SAS, dissoute au cours de l’année 2006 par transmission universelle de son patrimoine à son associé unique, la société Legrand Holding SA, devenue Legrand SA (cote 47 781).
37 Cote 47 781.
38 Etude Xerfi « Le négoce de matériel électrique », juillet 2021, cote 55 359.
39 Cote 48 061 VNC (47 898 VC).
40 Cote 47 895 et https://www.sonepar.com/fr/a-propos.html.
41 Cote 47 895.
42 Cotes 47 896 et 47 897.
43 Cotes 47 895 à 47 897 et 48 061 VNC (47 898 VC).
44 Cotes 47 897 et 50 975.
45 Cote 48 065 VNC (47 902 VC).
46 Etude Xerfi « Le négoce de matériel électrique », juillet 2021, cote 55 354.
47 Cote 47 800.
48 Cote 47 801.
49 Cote 47 800.
50 Cotes 47 800 et 47 801 et site Internet www.rexel.com.
51 Avant 2011, Rexel France SAS était une filiale à 100 % de Rexel Distribution, qui a été absorbée par Rexel Développement SAS le 26 juillet 2011. Cote 48 270 VNC (47 803 VC).
52 Cotes 47 801, 47 802 et 48 270 VNC (47 803 VC).
53 Voir par exemple cotes 48 401 (contrat-cadre pour 2013 conclu avec Rexel France), 48 448 (contrat-cadre pour 2018-2020 conclu avec Rexel France), 48 508 à 48 509 (avenant 2019 au contrat-cadre conclu avec Rexel), 49 187 à 49 188 (contrat-cadre 2013 conclu avec Sonepar Ile-de-France) et 49 144 à 49 145 (contrat-cadre pour 2019 conclu avec Sonepar France Interservices).
54 Voir par exemple cotes 48 843 à 48 845 (contrat de partenariat pour 2015 conclu avec Rexel France), 48 878 à 48 879 (contrat de partenariat pour 2019 conclu avec Rexel France), 48 939 (contrat de partenariat pour 2015 conclu avec Sonepar Ile-de-France), 48 965 à 48 966 (contrat de partenariat pour 2019 conclu avec Sonepar Ile-de-France).
55 Cote 25 741.
56 Cote 1 918.
57 Cotes 47 790, 2 485 à 2 497.
58 Cote 3 051.
59 Cote 50 537.
60 Cote 49 644.
61 Cotes 50 573 et 50 574.
62 Cote 3 051.
63 Cote 49 631.
64 Cote 5 711. Pièce Extrait
65 Cote 3 938.
66 Cote 4 083.
67 Cotes 48 836 et 47 890.
68 Cotes 48 396 et 47 791. Il s’agit du chiffre d’affaires « sell-in », lequel constitue, selon Legrand, un majorant du chiffre d’affaires comptable (cotes 47 782 et 47 783). Legrand considère par ailleurs que les années 2020 et 2021 sont peu représentatives, en raison de la crise sanitaire.
69 Voir par exemple, s’agissant de Yess, les cotes 2 771 à 2 773 ; s’agissant de Nollet, les cotes 4 388 à 4 391 et 15 002 à 15 006 ; voir également la cote 48 176 VNC (47 792 VC).
70 Cote 1 764.
71 Cote 2 432.
72 Cote 2 435.
73 Cote 90 881 VC (92 217 VNC).
74 Cote 5 854.
75 Cote 25 754.
76 Cote 50 501, traduction libre.
77 Cote 2 360 (soulignement ajouté). Voir également la cote 22 702 concernant les consignes émises par Rexel lors des réunions avec Schneider Electric sur le projet de sortie des dérogations : « En réunion Rexel – Schneider : Présence juridique en charge des minutes, pas de support papier ni d'envoi de documents ».
78 Cote 24 709.
79 Cote 5 854.
80 Cote 1 434, traduction libre.
81 Courriel de M.Z à plusieurs salariés de Rexel du 5 août 2014 ayant pour objet « Draft CR Kick Off Projet Thomas LEGRAND », cotes 49 639 à 49 640, citation cote 49 639.
82 Cote 25 754.
83 Cote 3 051.
84 Cote 4 318.
85 Cote 50 723.
86 Cote 12 180.
87 Cote 50 585.
88 Cote 50 579.
89 Traduction libre, cote 50 369.
90 Cote 2 409.
91 Cote 22 744.
92Article 7.1.2 du Contrat de partenariat conclu avec Rexel pour l’année 2015, cote 48 843. L’article 7.1.2.4 précise en outre que « pour chaque Affaire Exceptionnelle, le taux de réduction sera négocié au cas par cas entre le FOURNISSEUR et le DISTRIBUTEUR ». Le contrat commercial cadre conclu avec Sonepar Ile de France pour l’année 2015 est rédigé en des termes analogues. Son article 7.2 définit en effet les dérogations comme suit : « A la demande du Distributeur, les Parties pourront être amenées à discuter et conclure au cas par cas des accords tarifaires dérogatoires pour répondre à un environnement économique spécifique sur des affaires identifiées ». Voir cote 48 939.
93 Contrat de partenariat conclu entre Schneider Electric et Rexel pour l’année 2019, cote 48 878. Le contrat commercial cadre entre Schneider Electric et Sonepar Ile de France pour l’année 2019 (cotes 48 961 et suivantes) contient des dispositions similaires. Son article 7.3 stipule ainsi : « A la demande du Distributeur, SEF pourra consentir au Distributeur des conditions d’achat pour lui permettre de se positionner sur des affaires spécifiques ou exceptionnelles qui sont par exemple des opérations de grande envergure ou d’une importance particulière en termes de volume, et pour lesquelles le Distributeur pourra justifier que les conditions d’achat catégorielles consenties par SEF ne lui permettent pas d’être suffisamment compétitif […] ».Voir cote 48 965 (soulignement ajouté).
94 Voir par exemple les cotes 48 843, 48 878, 48 401 et 48 448.
95 Lettre de Confirmation de Conditions Exceptionnelles de Schneider Electric du 3 juin 2016 adressée à Sonepar pour le client [Confidentiel], cotes 7 130 à 7 133 VC (87 798 à 87 801 VNC)..
96 Voir, par exemple, la cote 83 942.
97 S’agissant de Rexel, ces mécanismes sont prévus aux articles 7.1.2.5 et 7.1.2.7 suivants du Contrat de partenariat conclu pour l’année 2015 (cotes 48 843 et suivantes) et à l’article 7.6 du Contrat de partenariat conclu pour l’année 2019. S’agissant de Sonepar Ile de France, ils sont prévus à l’article 7.2 du contrat commercial cadre conclu pour l’année 2015 et 7.6 du contrat commercial cadre pour l’année 2019.
98 Contrat de partenariat conclu avec Rexel pour l’année 2015, cotes 48 837 et suivantes.
99 Contrat commercial cadre conclu avec Sonepar Ile de France pour l’année 2015, cotes 48 935 et suivantes.
100 Article 7.1.2 du Contrat de partenariat conclu avec Rexel pour l’année 2015, cote 48 843, qui définit les dérogations comme suit : « À la demande d’un Client du DISTRIBUTEUR, le FOURNISSEUR pourra consentir au DISTRIBUTEUR des réductions de prix concernant des affaires spécifiques ou exceptionnelles qui sont par exemple des opérations de grande envergure ou d’une importance particulière, notamment en termes de volume ».
101 Article 7.2 du contrat commercial cadre conclu avec Sonepar Ile de France pour l’année 2015, cote 48 939, qui définit les dérogations comme suit : « A la demande du Distributeur, les Parties pourront être amenées à discuter et conclure au cas par cas des accords tarifaires dérogatoires pour répondre à un environnement économique spécifique sur des affaires identifiées ».
102 Contrat de partenariat entre Schneider Electric et Rexel pour l’année 2019, cotes 48 873 et suivantes.
103 Contrat commercial cadre entre Schneider Electric et Sonepar Ile de France pour l’année 2019, cotes 48 961 et suivantes.
104 L’article 7.3 du contrat entre Schneider Electric et Rexel pour l’année 2019 [Confidentiel].Voir cote 48 878.
105 L’article 7.2 du contrat entre Schneider Electric et Rexel pour l’année 2019 les désigne comme des [Confidentiel]. Voir cote 48 877.
106 Voir l’article 7.5 du contrat entre Schneider Electric et Rexel pour l’année 2019 et du Contrat commercial cadre entre Schneider Electric et Sonepar Ile de France pour l’année 2019.
107 Voir l’article 7.6 du contrat entre Schneider Electric et Rexel pour l’année 2019 et du Contrat commercial cadre entre Schneider Electric et Sonepar Ile de France pour l’année 2019.
108 Cote 94 490.
109 Cotes 94 602 et 94 603.
110 Cote 48 965.
111 Rappel : sigle pour ajustements de prix, terme utilisé par Schneider Electric pour désigner les dérogations.
112 Cote 2 165
113 CGED est une filiale de Sonepar.
114 Produit commercialisé par Schneider Electric.
115 Cotes 20 565 et 20 566.
116 Cote 20 565.
117 Cote 1 688.
118 Cote 49 725.
119 Cote 49 970.
120 Cotes 1 688, 49 725 et 49 970. Sonepar et Rexel sont tous deux des distributeurs officiels de Schneider Electric.
121 Cotes 1 674 à 1 838.
122 En l’espèce, le cas étudié concerne une dérogation à l’initiative du distributeur.
123 Cote 1 764.
124 Cotes 50 452 à 50 476.
125 Cote 50 454.
126 Cotes 1 443 à 1 445.
127 Cote 1 444 ; traduction libre.
128 Cote 50 716, cellule G24.
129 Cotes 4 759 à 4 804 VC (43 203 à 43 271 VNC).
130 APAJE est un outil informatique de Schneider Electric via lequel les distributeurs remontent des informations relatives aux ventes dérogées, en vue d’obtenir le versement de leur avoir. Voir la cote 1 312.
131 Cote 49 664.
132 APAPROD est un outil informatique de Schneider Electric, via lequel les distributeurs déclarent des informations relatives aux ventes, dérogées ou non. Voir la cote 1 312.
133 Cote 2 025.
134 Cote 2 030.
135 Voir par exemple cotes 20 810 et 20 811 VC (90 990 et 90 991 VNC), 7 130 à 7 133 VC (87 798 à 87 801 VNC), 6 904 et 6 905 VC (87 795 et 87 796 VNC), 25 475 et 25 476 VC, 87 595 et 87 596 VC (90 996 et 90 997 VNC), 87 620 à 87 634 VC (91 022 à 91 036 VNC), 87 644 à 87 648 VC (91 047 à 91 051 VNC) et 87 650 à 87 702 VC (91 054 à 91 106 VNC).
136 Cotes 20 810 (VC) et 92 333 (VNC).
137 Cote 49 664, Onglet « Processus AJP », cellule N13.
138 Cotes 2 035 à 2 046. NB : Schneider Electric argue que ce document est couvert par le secret professionnel, comme abordé ci-après, au paragraphe 387.
139 Cote 2 038.
140 Cote 2 037.
141 Cotes 22 730 à 22 789.
142 Cote 22 742.
143 Cote 22 742.
144 Cotes 1 977 à 1 994.
145 Cote 1 990.
146 Cotes 22 526 et 22 714.
147 Cote 4 319.
148 Cote 23 880.
149 Cote 23 831.
150 Cote 23 880.
151 Cote 23 774.
152 Cote 23 774.
153 Cote 23 774.
154 Cotes 23 846 et 23 847.
155 Cote 23 831.
156 Cote 23 847.
157 CGED est une filiale de Sonepar.
158 Cote 20 565.
159 Cote 22 526.
160 Cote 22 742.
161 Cote 22 742.
162 Voir les cotes 25 741 et 25 754. Le système de suivi « OGARD » a été développé par Schneider Electric dans les années 1990.
163 Cote 25 741.
164 Cote 25 754.
165 Cote 25 754.
166 Cotes 25 750, 25 751 et 25 752.
167 Cote 3 185.
168 Cote 22 483.
169 Cote 50 715, cellule C16.
170 Cote 50 716, cellule G24.
171 Cote 50 717, cellule C37.
172 Cote 50 723.
173 Cote 50 724.
174 Cote 50 721.
175 Cote 2 919.
176 Cotes 5 854 à 5 860.
177 Cote 5 854.
178 Cote 5 854.
179 Contrat-cadre 2013 régissant la relation commerciale entre Rexel France et Legrand SNC, cote 48 401, et contrat-cadre 2013 régissant la relation commerciale entre Sonepar Ile-de-France et Legrand SNC, cotes 49 187 et 49 188.
Une rédaction quasi identique de cette clause figure également dans le contrat-cadre 2018 à 2020 régissant la relation commerciale entre Rexel France et Legrand, cote 48 448.
180 Voir par exemple les cotes 48 843, 48 878, 48 401 et 48 448.
181 Offre de prix du 5 janvier 2016 à destination de Rexel Villeurbanne pour le client ADTE FAREINS, cotes 2 666 à 2 684.
182 L’avenant au contrat-cadre entre Rexel France et Legrand SNC a été signé le 15 juillet 2019 (voir la cote 48 515), et le contrat-cadre 2019 conclu entre Legrand SNC et Sonepar France Interservices le 11 juin 2019 (voir la cote 48 557).
183 Cotes 48 508 (avenant de 2019 avec Rexel) et 48 536 (contrat-cadre 2019 conclu avec Sonepar), soulignement ajouté.
184 Cotes 48 508 (avenant de 2019 avec Rexel) et 48 536 (contrat-cadre 2019 conclu avec Sonepar).
185 Cote 2 581.
186 Cote 2 345.
187 Cotes 2 374 à 2 379.
188 Cote 2 375.
189 Cote 2 379.
190 Courriel de Legrand à Rexel du 24 mai 2012 ayant pour objet « 8 axes de travail pour une nouvelle relation Rexel Legrand », cotes 23 867 à 23 871, citation cote 23 870.
191 Filiale de Sonepar.
192 Courriel interne à Legrand du 10 avril 2013 ayant pour objet « CRESCITZ MARCHE ESPACE 1ER SEMESTRE 2013 - Offre de prix n°237578107 », cote 90 923 VC (92 259 VNC).
193 Cote 2 501.
194 Cote 2 523.
195 Cotes 2 524 à 2 525.
196 Cote 2 525.
197 Il s’agit de Yess, distributeur de matériel électrique concurrent de Rexel et Sonepar.
198 Cote 92 262 VNC (90 926 VC).
199 Il s’agit de gaines et tubes utilisés pour protéger les fils électriques.
200 Groupe Legrand.
201 Groupe Sonepar.
202 Cote 90 913.
203 Cote 90 912, soulignement ajouté.
204 Cote 49 639.
205 Cote 23 774.
206 Cote 2 838.
207 Cote 49 610.
208 Cotes 25 750, 25 751 et 25 752.
209 Cote 3 185.
210 Lettre de mission Rexel-BCG. Cotes 4 444 à 4 449, citation en cote 4 444.
211 Procès-verbal d’audition de M.Y, du 24 juin 2020, « M.F, PDG de Rexel, souhaitait baisser drastiquement le poid (sic) de la dérogation et BCG a proposé une solution […] », cote 4 086.
212 Dans sa réponse au questionnaire des services d’instruction du 21 mars 2022, Rexel a précisé que ce projet se nomme désormais le « [Confidentiel] », cote 47 808.
213 Cote 22 526 (soulignements ajoutés). Ce passage figure également dans la présentation intitulée « Projet d’évolution de la politique commerciale - Réunion de kick-off Rexel – Schneider » du 28 novembre 2013, cote 22 714.
214 Cotes 22 772, 22 743, 22 755 et 22 756 (soulignements ajoutés).
215 Cotes 23 185 et 23 190 (soulignements ajoutés).
216 Cote 26 333 (soulignement ajouté).
217 Cotes 26 322 et 26 323 (soulignement ajouté).
218 Parts de marché.
219 Cotes 25 323 et 25 325, soulignements ajoutés.
220 Cotes 3 172 et 3 185, soulignements ajoutés. Voir aussi la cote 3 237.
221 Cote 3 390, soulignement ajouté.
222 Cote 24 709, soulignements ajoutés.
223 Voir notamment, en ce sens, la présentation interne de Rexel intitulée « Projet Thomas / New Polco – Principes de la collaboration Rexel / Schneider Electric » du 9 février 2017, cote 24 709 : « La quantité de dérogations à gérer est extrêmement lourde pour les fabricants comme pour les distributeurs et duplique les compétences de chaque côté, administrativement et commercialement » et 24 712 : « Problèmes rencontrés […] Lourdeur administrative des dérogations ».
224 Cote 22 466. Ce document vise Schneider Electric (cote 22 466) et Legrand (cote 22 459).
225 Cotes 22 481 et 22 483.
226 Cotes 22 703 et 22 704.
227 Cote 23 184.
228 Cotes 22 639 et 22 640.
229 Cotes 23 121, 23 122 et 23 124.
230 Cotes 24 709, 24 710, 24 711, 24 712 et 24 713.
231 Présentation intitulée « Projet Thomas – Comité de Pilotage - 02 octobre 2014 », cote 25 326.
232 Cote 47 808.
233 Présentation intitulée « Rexel - Projet Thomas – Présentation du Pilote – 26 février 2014 », cote 26 334.
234 Cote 22 707.
235 Cotes 22 743, 22 755 et 22 756 (soulignements ajoutés).
236 Cotes 3 014 et 3 015.
237 Cote 23 185 (soulignements ajoutés). Voir aussi le schéma de la cote 23 186.
238 Cotes 26 333 et 26 344 (soulignements ajoutés).
239 Cote 23 039 (soulignement ajouté).
240 Cote 26 323 (soulignements ajoutés).
241 Cotes 22 613 et 22 615.
242 Cotes 23 120 et 23 124.
243 Cotes 3 172 et 3 212.
244 Cotes 3 103 et 3 110.
245 Cotes 3 020, 3 023, 3 046 et 3 047.
246 Cote 3 080.
247 Cote 24 712.
248 Dans sa réponse au questionnaire des services d’instruction du 21 mars 2022, Rexel fait état du déploiement du projet pour cinq catégories de clients avec Schneider Electric et pour une catégorie avec Legrand, d’autres catégories étant actuellement en projet de déploiement, cote 47 809.
249 Fabricant d'équipement d'origine (OEM, de l’anglais « original equipment manufacturer »).
250 Cote 4 179. Procès-verbal d’audition de M.G du 29 janvier 2021. [Confidentiel].
251 Ibid. Cote 4 180.
252 [Confidentiel].
253 Procès-verbal d’audition de M. F du 27 mai 2021. Cote 4 199. M.F précise que l’une des raisons pour laquelle Schneider Electric souhaite maintenir le système des dérogations tient au « contrôle des clients. Dans le cadre du projet THOMAS et de la segmentation, Schneider souhaitait également choisir l’affectation des clients dans les segments et donc avoir la connaissance des listes clients ».
254 Cote 4 210. Il précise : « Sur le résultat de la mise en place du projet THOMAS, nous n’avons pas progressé. Sur le principe, c’est rentré dans la tête de beaucoup de gens […]. Je précise qu’en interne, il n’y a pas un nouveau commercial qui rentre sans passer par la formation THOMAS. Tous les ans, tous les commerciaux font l’effort de classer leur client dans des segments au cas où le projet THOMAS devrait être mis en place. On applique ce principe au non dérogé pour que les équipes soient entraînées pour le mettre en oeuvre » (même cote).
255 Cotes 50 297 à 50 325, citation en cote 50 302.
256 Cote 50 316 (diapositive consacrée à la dérogation « sur affaire »). La cote 50 317 indique, s’agissant des dérogations « sur clients » : « Si respect des conditions indiquées à la page précédente sauf en France (interdiction généralisée du traitement discriminatoire tant pour les produits Leader que Challenger) ».
257 Cotes 50 318 à 50 324.
258 Cotes 53 464 et 53 465.
259 Procès-verbal d’audition de M.H du 3 juin 2021, cote 3 695.
260 Présentation intitulée« POLCO & Processus AJP », datée du 6 novembre 2013, cotes 48 810 à 48 834, citation cote 48 815.
261 Ibid, cotes 49 931 et 49 932.
262 Présentation intitulée « Projet New PolCo REXEL », datée du 13 octobre 2014, cotes 50 208 à 50 235, citation en cote 50 218.
263 Document intitulé « France Review - July 16 - Commercial Transformation - Final draft.pptx », cotes 49 665 à 49 693.
264 Cote 49 666. Traduction libre de : « Reduce legal risks with Distributor thanks to purchasing price per Customer category ». La même phrase figure notamment dans une autre présentation intitulée « France New Commercial Policy – Methodology & Status – July, 27th, 2016 », cote 49 696.
265 Cote 49 667. Traduction libre.
266 Cote 49 667 : « Pricing to customers managed for 83% by SE ».
267 Présentation PowerPoint intitulée « Update on France New Commercial Policy - Group Audit Committee » du 7 juin 2017, cotes 50 498 à 50 512.
268 Traduction libre, cote 50 501.
269 Procès-verbal d’audition de M. I du 17 décembre 2020, cote 3 616.
270 Voir, par exemple, la présentation intitulée « Rexel – Refondation tarifaire – Phase d’opérationnalisation – Comité de pilotage #1 - 11 décembre 2013 », cote 22 737.
271 Présentation intitulée : « Evolution de la politique commerciale Schneider – Rexel. Comité de pilotage du 31 janvier », 31 janvier 2014, cote 23 166.
272 Présentation intitulée « Rexel – Refondation tarifaire – Phase d’opérationnalisation – Comité de pilotage #1 - 11 décembre 2013 », cote 22 735. L’objectif commun d’une « sortie complète des dérogations en 2015 » figure également en cote 22 613 (Présentation intitulée : « Projet Thomas- Comité de Pilotage – 16 avril 2014 »).
273 [Confidentiel].
274 Cote 4 178. Il précise : « A mon arrivée en novembre 2013, je savais que REXEL était venu démarcher SEF avec un projet de sortie de dérogations. Ce qui m’a été demandé était de reprendre les propositions faites par REXEL et de les retravailler. Indirectement, c’est REXEL qui nous a poussé à faire cette Polco ». Cote 42 196 VNC (4 176 VC).
275 Présentation PowerPoint intitulée « Projet d’évolution commerciale » du 28 septembre 2015, cotes 50 454 et 50 455.
276 Présentation PowerPoint intitulée« POLCO & Processus AJP », datée du 6 novembre 2013, cotes 48 816 et 48 817.
277 Voir ci-dessus, paragraphe 178 et, notamment, cotes 24 714 (présentation intitulée « Projet Thomas / New Polco – Principes de la collaboration Rexel / Schneider Electric » du 9 février 2017) et 2 216 (procès-verbal de la réunion ordinaire du Comité d’Établissement de Schneider Electric du 22 février 2017).
278 Présentation intitulée « Projet d’évolution commerciale » du 28 septembre 2015, cote 50 464. Voir également les cotes 1 973 (« Nous n’intervenons plus dans la fixation des prix clients […]. Notre vendeur prend en charge la demande du client […]. Le vendeur transmet la demande au distributeur […]. Le distributeur peut décider de s’aligner ou pas […] », présentation PowerPoint intitulée « F.A.Q. », 27 juillet 2017) et 2 235 (« Nous n’intervenons plus dans la fixation des prix clients », courriel interne à Schneider Electric du 6 juillet 2017).
279 Cote 1 979. Voir également la cote 1 984 (« Votre discours face aux vendeurs Rexel » : « Je ne fais plus le prix au client mais reste vigilant en partageant avec mon client », présentation intitulée « Pilote Rexel - avril 2014 - Confidentiel »).
280 Présentation intitulée « Pilote Rexel - avril 2014 - Confidentiel », cote 1 979.
281 Procès-verbal d’audition de M.I, du 17 décembre 2020, cote 3 616. Voir également la présentation de Schneider Electric intitulée « Politique commerciale – Reunion Sonepar / Schneider Electric - Vendredi 23 mai 2014 », cotes 49 925 à 49 953.
282 Client final.
283 Courriel de M.J à M.K, M.L et M.M ayant pour objet « RE: Tr : Lettre engagement [Confidentiel] », 18 juin 2018, cotes 2 097 et 2 098.
284 Courriels intitulés « RE: Questionnaire » du 8 septembre 2017, cote 50 295 et « retour questionnaire » du 26 octobre 2017, cote 50 236.
285 Document intitulé « Résultats du questionnaire SCHNEIDER ELECTRIC », les réponses citées figurent aux cotes 50 339 à 50 341.
286 Document intitulé « Résultats du questionnaire SCHNEIDER ELECTRIC », les réponses citées figurent aux cotes 50 343 à 50 347.
287 Technico-commercial itinérant.
288 Cotes 24 708 à 24 719. Annotation manuscrite en cote 24 708.
289 Réponse au questionnaire des services d’instruction du 21 mars 2022, cotes 47 854 et 47 855. Le déclaratif APACLI est un système d’audit a posteriori visant à « vérifier l’absence de détournement du système », cote 47 854.
290 Cote 47 855.
291 Cotes 3 865, 3 866 et 47 994.
292 Procès-verbal d’audition de Mme.B, du 21 septembre 2018, cote 3 868.
293 Mme.O était en réalité secrétaire générale du groupe Sonepar, [Confidentiel], cote 47 994.
294 Procès-verbal d’audition de Mme.B, du 21 septembre 2018, cote 3 867.
295 Procès-verbal d’audition de Mme.N, du 25 juin 2021, cote 4 041.
296 Voir par exemple le courriel du 12 octobre 2017 dans lequel M.P écrit : « Mme.B confirme, comme l’avait fait Mme.Q précédemment, que les pratiques de dérogations nous exposent à un risque légal majeur d’entente verticale avec nos fournisseurs » (soulignement ajouté), cote 2 924. Voir également le procès-verbal d’audition de M. R : « A votre demande, Mme. O avait déjà fait une alerte sur le sujet que Mme.B a confirmé mais qui depuis a été infirmé par nos avocats spécialistes », cote 2 924.
297 Filiale de Sonepar, voir la cote 65 467.
298 Mémo ayant pour objet « Dérogation Schneider – Notre Rendez-vous » du 2 décembre 2005, cotes 50 730 et 50 731, citation de la cote 50 730.
299 Procès-verbal d’audition de M. S du 4 décembre 2018, cote 3 899. Voir également, en ce sens, les notes manuscrites saisies dans le bureau de M.S, cote 8 078.
300 Procès-verbal d’audition de Mme.B, du 21 septembre 2018, cote 3 865.
301 Il s’agit d’une instance de coordination entre les fonctions juridiques, audit et le contrôle interne, cote 3 948.
302 Procès-verbal d’audition de M.S, du 4 décembre 2018, cote 3 898 et procès-verbal d’audition de M.T, du 3 novembre 2020, cote 3 948.
303 Cote 8 078 (notes de M.S). Voir également les notes prises par M.T qui mentionnent « Risque très important », cote 8 045.
304 Cotes 5 854 à 5 860.
305 Cote 5 854.
306 Cote 5 854.
307 Cote 5 854.
308 Cote 5 854.
309 Cotes 5 855 et 5 856.
310 Cotes 5 856 et 5 857 (soulignements dans le texte d’origine).
311 Cotes 5 742 à 5 744. La présidente du groupe et le directeur général de Sonepar France attribuent ce document à MV, directeur administratif et financier, cotes 4 042 et 27 110. Il a été rédigé après le 4 décembre 2017 (date citée dans le document en cote 5 742) et avant le 6 septembre 2018 (date de la perquisition durant laquelle il a été saisi).
312 Cote 5 743 (soulignement dans le texte d’origine).
313 Procès-verbal d’audition de M.U, du 8 juin 2021, cote 4 006.
314 Procès-verbal d’audition de Mme.N, du 25 juin 2021, cote 4 040.
315 Ibid, cote 4 043.
316 « RELEVE DE DECISIONS CODIR BUSINESS », qui présente les sujets des réunions ayant eu lieu du 14 janvier 2015 au 7 mai 2015, cotes 7 255 et 7 256.
317 Minutes du conseil d’administration de Sonepar Nord-Est du 9 février 2016, cote 50 679.
318 Courriel du directeur général de Sonepar France à la présidente du groupe du 9 décembre 2016, ayant pour objet « Point Schneider », cote 2 862. Voir également le courriel du directeur data et pricing de Sonepar France au directeur commercial de Sonepar France, ayant pour objet : « Polco Schneider : coordination pilote Nice » du 16 décembre 2015 : « L’objectif reste de supprimer le système de dérogations et pour nous cela doit être une opportunité de simplifier le processus et de maîtriser notre politique de prix », cote 50 776.
319 Présentation intitulée « LA "POLCO" SCHNEIDER – Réunion du 7 décembre 2017 », cotes 5 711 et 5 713. Voir également la cote 5 723 (« Réappropriation du pricing par les commerciaux »).
320 Cote 5 716. Voir également la présentation intitulée « LA "POLCO" SCHNEIDER – Premiers éléments pour discussion – 21 novembre 2017 » qui contient des éléments similaires : « Un poids important et croissant du dérogé avec un taux de marge en baisse… ce qui pose question juridiquement ainsi que commercialement → Les commerciaux se retournent vers le fournisseur de manière systématique : risque de désappropriation du pricing », cote 7 447 ou encore « Le distributeur devient le seul maître du prix de vente », cote 7 451.
321 Cote 2 927.
322 Courriel ayant pour objet « TR: Confidential Polco », du 13 décembre 2017, cote 2 927. Voir également, dans un échange du directeur général de Sonepar France au directeur commercial de Sonepar France, avec en copie le directeur financier de Sonepar France et le directeur juridique de Sonepar France Interservices : « nous partons donc sur l’approche préconisée par [le directeur général du groupe Sonepar] où nos avocats doivent nous donner par écrit et de manière conjointe un taux mini de non dérogé à atteindre (pour ne pas prendre de risques tout en restant raisonnable) », cote 2 992.
323 Voir par exemple le courriel du directeur data et pricing au directeur commercial de Sonepar France ayant pour objet « Polco Schneider : coordination pilote Nice » du 16 décembre 2015, cotes 50 776 à 50 779.
324 Voir en ce sens les déclarations du directeur général de Sonepar France, par exemple, « on a mis en place la nouvelle Polco et c’est très long à mettre en place car les négociations sont ardues », cote 4 031.
325 Cote 2 918.
326 Cote 47 912.
327 Cote 47 913.
328 Cote 47 913.
329 Document intitulé « NOTE DU 6 MARS 2009 SUR LES RELATIONS ENTRE LEGRAND/ DISTRIBUTEURS/ CLIENTS PROFESSIONNELS », cotes 2 374 à 2 379.
330 Cote 2 375 (gras dans le texte d’origine).
331 Cotes 2 361 à 2 373.
332 Cote 2 379 (gras dans le texte d’origine).
333 Tableau enregistré sous le nom « nouveau tabl (1).doc », 13 janvier 2009, cotes 49 617 à 49 627, l’extrait cité figure à la sixième colonne, onzième ligne de la cote 49 619.
334 Voir, par exemple, les présentations intitulées « Projet Thomas - Comité de pilotage - 16 avril 2014 », cote 22 620 et « Projet Thomas Point d'étape achats - 8 avril 2014 », cote 22 635 qui mentionnent une « Introduction du projet a B Barlet ». Voir également la présentation intitulée « Projet THOMAS – Point BPO – 28 septembre 2015 » qui évoque la mise en place d’un pilote Rexel-Legrand, cotes 3 130 à 3 133.
335 Les représentants présents lors de cette réunion sont nommés à la cote 2 404.
336 Courriel interne de Legrand ayant pour objet « Tr : compte rendu réunion REXEL/LEGRAND ''"THOMAS"'', Paris le 29 juillet 2014 », 31 juillet 2014, cote 2 405 (soulignement dans le texte d’origine).
337 Idem, cotes 2 408 et 2 409 (gras dans le texte d’origine).
338 Cote 2 409.
339 Courriel interne à Rexel du 9 octobre 2014 ayant pour objet « THOMAS Proposition de CR du RDV # 2 LEGRAND du 02-10-2014 », cotes 49 637 et 49 638, citation de la cote 49 637.
340 Courriel interne à Legrand du 28 novembre 2014 ayant pour objet « RE: Notes Réunion Rexel 27/11 », cotes 2 336 et 2 337, citation de la cote 2 336 (soulignement ajouté).
341 Procès-verbal d’audition de Mme.W du 3 décembre 2020, cotes 3 785 et 3 786.
342 Courriel interne à Legrand ayant pour objet « Re: Rexel/dérog/LME/projet"Thomas » du 1er octobre 2014, cote 2 360.
343 Cote 2 360.
344Depuis la transposition de la directive « ECN+ » du 11 décembre 2018, notamment son article 8, « Demandes d’information », cette disposition a été élargie à d’autres autorités : « les autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes mentionnées à l'annexe de la loi n° 2017-55 du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes ».
345Arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 26 janvier 1999, pourvois n° 97-30.110 et n° 97-30.113.
346 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Société Lacroix Signalisations SAS e.a. RG n° 2011/01228, page 15, et du 11 octobre 2012, Société Entreprise H. Chevalier Nord e.a., RG n° 2011/03298, page 35.
347 Ibid, arrêt du 29 mars 2012 Société Lacroix Signalisations SAS, page 16.
348 Voir notamment la cote 92 772.
349 Le 5 avril 2018, date de la publication de l’article de Mediapart, Sonepar a déposé plainte contre X auprès du procureur de la République de Paris pour des faits de vol et d’abus de confiance. Après le classement sans suite de ladite plainte, Sonepar a, le 19 avril 2019, déposé une plainte dans les mêmes termes avec constitution de partie civile. Cette affaire a été instruite à la suite d’un réquisitoire introductif pris par le procureur de la République le 7 janvier 2020. Par ordonnance du juge d’instruction du 28 mai 2024, Mme.O a été renvoyée devant le tribunal correctionnel du chef d’abus de confiance, tandis qu’un non-lieu était prononcé du chef de vol (voir notamment le communiqué de presse de Sonepar du 5 avril 2018, cote 8 118, la page 7 de l’avis du conseiller auditeur, cote 95 676, et l’ordonnance de renvoi de Mme.O devant le tribunal correctionnel, cote 98 876).
350 Extraits de l’avis du conseiller auditeur du 31 janvier 2014 : « La détermination du caractère licite ou non de l’obtention et de l’utilisation des documents ne relève, en l’espèce, que de l’information judiciaire. […] Les modalités qui entourent le recueil de ce témoignage anonyme sans référence à un procédé d’identification contrôlable a posteriori et la production, réelle ou supposée, des pièces qui en sont le support, doivent pouvoir faire l’objet d’un examen contradictoire, dès lors que ce témoignage est le point de départ du signalement et de l’enquête et constitue un des éléments cités à plusieurs reprises dans la notification de griefs. […] Il paraît donc équitable […] de permettre un accès égal à toutes les parties à ces informations et de solliciter des autorités judiciaires en charge de la procédure, sur le fondement de l’article L.463-5 du code de commerce, communication des pièces pénales en lien avec le recueil de ce témoignage et, le cas échéant, les pièces consultées ou remises à cette occasion », cotes 95 680 et 95 682.
351 Cote 61.
352 Aux termes de l’article 1er de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », l’AFA est un service à compétence nationale, placé auprès du ministre de la justice et du ministre chargé du budget.
353 Ibid.
354 Cote 95 680.
355 Arrêt du Tribunal de l’Union du 8 septembre 2016, Goldfish BV, T-54/14, point 55, cité par l’avis du conseiller auditeur du 31 janvier 2024, page 12, cote 95 681.
356 Article L. 450-1 C.com, II bis : « Des fonctionnaires de catégorie A spécialement habilités à cet effet par le ministre de la justice, sur la proposition, selon le cas, du ministre chargé de l'économie ou du rapporteur général de l'Autorité de la concurrence, peuvent recevoir des juges d'instruction des commissions rogatoires. »
357 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 24 juin 2008, France Travaux, RG n° 2006/06913, page 16, solution confirmée par l’arrêt de la Cour de cassation du 13 octobre 2009, Colas Ile-de-France Normandie e.a., n° 08-17.269 e.a..
358 Conseil d’État, 4 mai 2016, affaires n° 395384 et n° 395386, Mme B...A...
359 Décision n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale.
360 Décision n° 11-D-02 du 26 janvier 2011 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la restauration des monuments historiques.
361 Voir les arrêts du 29 mars 2012 et du 11 octobre 2012 précités.
362 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012 et du 11 octobre 2012 précités.
363 Arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation, du 28 novembre 2012, n° 12-18.410 (dans l’affaire « Signalisation routière »).
364 Ordonnance n° 2008-1161 du 13 novembre 2008 portant modernisation de la régulation de la concurrence.
365 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 1er juillet 2021 (ch. instr.), RG n° 2019/06816, cité dans la décision n° 24-D-06, paragraphe 213.
366 Saisine n° 21/0054 F, cote 12.
367 Saisine n° 21/0054 F, cote 1.
368 Saisine n° 21/0054 F, cotes 61et 62.
369 Voir les pages 3 et 4 du procès-verbal du 11 avril 2018, cotes 53 et 54.
370 Voir la page du signalement du 23 avril 2018, cotes 39 et 40.
371 Voir, en particulier l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) du 3 déc. 2002, Lilly c. France, requête n° 53892/00, pages 6 et 9.
372 Les arrêts sont postérieurs à la création de l’Autorité mais se prononcent sur des contestations relatives à des décisions prises par le Conseil.
373 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 octobre 2012, Société Entreprise H. Chevalier Nord e.a., RG n° 2011/03298, page 35, confirmé par l’arrêt de la Cour de cassation du 18 février 2014, pourvoi n° V 12-27.643 e.a., page 10.
374 Arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 13 octobre 2009, Colas Ile-de-France Normandie e.a., précitée.
375 Cotes 84 427 à 84 429 VC et 91 703 à 91 705 VNC (Legrand), cotes 83 742 à 83 746 VC et 91 371 à 91 375 VNC (Schneider Electric), cotes 83 063 à 83 067 VC et 91 184 à 91 188 VNC (Rexel), cotes 84 767 à 84 781 VC et 91 539 à 91 553 VNC (Sonepar).
376 Cotes 84 420 à 84 429 VC.
377 Cote 84 429 VC (95 089 VNC).
378 Cotes 85 420 à 85 421.
379 Cote 83 744 VC (91 373 VNC).
380 Cotes 85 173 à 85 176.
381 Cote 86 322.
382 Cote 95 107.
383 CEDH, 21 février 2008, Ravon c/France, req. no 18497/03.
384 Aux termes du XII de l’article 109 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
385 Décision n° 14-D-08 du 24 juillet 2014 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la commercialisation de produits laitiers frais aux Antilles françaises, paragraphe 192.
386 CEDH, 12 juillet 1988, Schenk c. Suisse, req. n° 10862/84, paragraphe 48
387 Arrêt du Tribunal de l’Union du 8 septembre 2016, Goldfish BV, T-54/14, point 55.
388 Ibid. points 62 et 65.
389 Ibid. point 79.
390 Directive (UE) 2019/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur.
391 Directive précitée, considérant 73. La directive cite en exemple « les enregistrements dissimulés ».
392 Article 2 de l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021 relative à la transposition de la directive (UE) 2016/1 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 visant à doter les autorités de concurrence des États membres des moyens de mettre en oeuvre plus efficacement les règles de concurrence et à garantir le bon fonctionnement du marché intérieur.
393 Arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du11 mai 2022, n° 19-22.242, point 7.
394 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 1er juillet 2021 (ch. instr.), RG n° 2019/06816, cité dans la décision n° 24-D-06, paragraphe 213.
395 Cotes 95 139 à 95 140.
396 Cotes 95 141 à 95 145 VC (96 359 à 96 363 VNC) (Legrand), cotes 93 620 à 93 621 (Rexel), cotes 94 512 et 94 513 (Schneider Electric) et cotes 92 814 à 92 818 VC (98 515 à 98 518 VNC) (Sonepar).
397 Ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le tribunal correctionnel du 28 mai 2024, cote 98 876.
398 Cote 94 427.
399 Cote 95 678.
400 Article 66-5, al. 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques.
401 Conseil constitutionnel, décision n° 2022-1030 QPC du 19 janvier 2023, paragraphe 9, rendue à propos de l’article 56-1 du code de procédure pénale créée par la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.
402 Ibid., paragraphe 11.
403 Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du10 janvier 2023, pourvoi n° 21-85.526, points 44 à 47.
404 Voir notamment les arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 8 avril 2010, n° 08-87415 ; n° 08-87416 ; 30 novembre 2011, n° 10-81749 ; 14 décembre 2011, n° 10-85293 ; 24 avril 2013, n° 12-80331 ; 25 novembre 2020, n° 19-84304 ; 20 avril 2022, n°20-87248.
405 Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 25 juin 2024, pourvoi n° C 23-81.491 F-B, paragraphe 21.
406 Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 26 janvier 2022 Whirlpool, n° 17-87.359.
407 Ordonnance du Tribunal de première instance du 4 avril 1990, affaire T-30/89, Hilti, point 18.
408 Arrêt du Tribunal de l’Union du17 sept. 2007, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals / Commission, T-125/03 et T-253/03 aff. jointes, point 123.
409 Voir notamment les arrêts de la chambre criminelle des 11 janvier 2012, n° 10-87087 ; 27 novembre 2013, n° 12-85830 ; 11 décembre 2013, n°12-86427 ; 4 mai 2017, n° 16-81062, n° 16-81043 ; 20 décembre 2017, n° 16-83468 ; et 20 avril 2022, n° 20-87248.
410 Arrêt de la cour d’appel de Versailles, Premier président du 28 juin 2018, Neopost, RG n° 5666-5667/16.
411 Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 20 janvier 2021, pourvoi n° 19-84.292. Dans le même sens, voir l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 20 décembre 2017, pourvoi nº 16-83.469, l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 20 décembre 2017, Apple France, n° 16-834.68 et l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 juillet 2017, Adecco Groupe France, Adecco France, Adecco Holding France, Pontoon, n° 16-81065.
412 Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 29 juin 2011, pourvoi nº 10-85.479.
413 Voir notamment les arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 11 juillet 2017, n° 16-81066, du 12 septembre 2018, n° 17-81191 et du 25 novembre 2020, n° 19-84304.
414 Cotes 83 749 à 83 750 VC et 91 378 à 91 379 VNC (Schneider Electric), cotes 84 434 à 84 436 VC et 91 710 à 91 712 VNC (Legrand), cotes 83 033 à 83 036 VC et 91 154 à 91 157 VNC (Rexel), cotes 84 773 à 84 778 VC et 91 545 à 91 550 VNC (Sonepar).
415 Cote 95 092 VC (96 310 VNC).
416 Arrêt du Tribunal de l’Union du 17 sept. 2007, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals / Commission, T-125/03, point 86 ; confirmé par la CJUE le 14 septembre 2010, C-550/07 P.
417 Cotes 95 102 et 95 103.
418 Cote 95 097.
419 Cotes 83 031 à 83 032 VC (91 152 à 91 153 VNC).
420 Cote 83 033 VC (91 154 VNC).
421 Cotes 93 565 et 95 566.
422 Mémoire en réponse au rapport, paragraphes 256 et suivants, cotes 94 552 et 94 553.
423 Cotes 19 380, 19 381 et 48 815.
424 Cotes 53 464 VNC et 53 465 VNC.
425 « Note sur les prix dérogés pour les distributeurs dans l’UE » (traduction libre).
426 Cotes 2 037 et 2 038.
427 Cotes 27 237 à 27 240.
428 Cote 84 909.
429 Cote 84 912.
430 Cotes 83 179 à 83 183 (VC) (86 870 à 86 874 (VNC)).
431 Cotes 27 201 à 27 205.
432 Cote 27 201, note de bas de page 2.
433 Cotes 27 233 à 27 234.
434 Cotes 47 756 à 47 757.
435 Les cotes correspondent aux notes manuscrites. Les fichiers informatiques ne sont en revanche pas cotés mais identifiés par leur chemin d’accès.
436 Date de la transmission aux services d’instruction du courrier du 11 septembre 2018 cité au paragraphe 373 par lequel Rexel appelait l’attention du juge d’instruction sur la présence de documents couverts par le secret professionnel dans les boîtes emails et disques durs des juristes de Rexel saisis lors de la perquisition du 6 septembre 2018 (mémoire en réponse au rapport, paragraphe 216, cote 93 575).
437 Cote 97 703.
438 Cote 51 169.
439 Cotes 83 031 et 83 032.
440 Voir par exemple, l’ordonnance de la cour d'appel de Paris du 27 mars 2024, Pôle 5, Chambre 15, RG nº 22/19211. Voir également les arrêts de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 25 novembre 2020, n° 19.84.304, et du 11 juillet 2017, n° 16-81066.
441 Cote 4 460 VC.
442 Cotes 26 254 à 26 273, citées au paragraphe 233 de la notification de griefs.
443 Cotes 50 900 et 50 901.
444 Cotes 52 514, 53 464 et 53 465.
445 Cotes 2 035 à 2 046.
446 Rapport d’exploitation des saisies informatiques, cote 1 311.
447 Cote 4 174 (VC) (42 194 (VNC)).
448 Cote 52 488 : Présentation PowerPoint intitulée « Schéma Canaux » non datée.
449 Voir, à cet égard, la décision du Conseil de la concurrence n° 07-D-23 du 12 juillet 2007 relative à la saisine de la SA Edition presse magazines 2000 relative à des pratiques mises en oeuvre par la société Nouvelles messageries de presse parisienne NMPP, paragraphe 52.
450 Décision du Conseil de la concurrence n° 06-D-18 du 28 juin 2006 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la publicité cinématographique, paragraphe 111.
451 Arrêts de la cour d’appel de Paris du 27 janvier 2011, Société française de la radiotéléphonie, RG n° 10/08945, du 23 février 2010, Expédia, RG n° 09/05544 et du 29 mars 2005, Filmdis et Cinésogar, RG n° 04/19930.
452 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 24 juin 2008, France Travaux, RG n° 2006/06913, page 18 ; voir aussi décision du Conseil de la concurrence n° 07-D-49 du 19 décembre 2007 relative à des pratiques mises en oeuvre par les sociétés Biotronik, Ela Medical, Guidant, Medtronic et Saint Jude Medical dans le cadre de l’approvisionnement des hôpitaux en défibrillateurs cardiaques implantables, paragraphes 160 à 163.
453 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 février 2010, Expédia, précité, p. 9.
454 Décision n° 20-D-04 du 16 mars 2020 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution de produits de la marque Apple.
455 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 octobre 2022, RG n° 20/08582 (pourvoi en cours).
456 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 décembre 2017, La Banque Postale e.a., RG n° 15/17638, point 138.
457 Conseil constitutionnel, commentaire autorisé, décision QPC du 26 mars 2021, n° 2081-892 Société Akka Technologies et autres, page 17.
458 Arrêt de la CJUE du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C-217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123, point 338, voir également l’arrêt du Tribunal du 17 mai 2011, Arkema France/Commission, T-343/08, points 80 à 84.
459 Voir, par exemple, l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 janvier 2014, Colgate Palmolive, n° 2012/0723, qui examine ces trois conditions, se référant ce faisant à « une jurisprudence communautaire constante », pages 13 et 17.
460 Arrêt de la Cour de justice du 14 septembre 2023, Volkswagen Group, C-27/22, points 58, 64 et 66.
461 Cotes 84 782 à 84 801 VC (91 554 à 91 573 VNC).
462 Cote 83 069 VC (91 190 VNC).
463 Cote 84 801 VC (91 573 VNC).
464 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 23 septembre 2010, Sté orange Caraïbes, RG n° 2010/00163, page 11.
465 Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, article 96.
466 Conseil d’État, 10 octobre 2014, Syndicat national des fabricants d’isolants en laines minérales manufacturées, n° 367807, considérant 6.
467 Décision n° 22-DEC-349 du 28 juin 2022.
468 Cotes 85 430 et 85 431.
469 Arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 20 décembre 2023, pourvoi n° 22-17.296.
470 Cotes 94 555 et 94 556.
471 Décision n° 23-DEC-194 du 25 avril 2023.
472 Arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 4 septembre 2024, pourvoi n° N 23-19.285. Voir également en ce sens les quatre arrêts rendus à la même date, pourvois n° J 23-19.282 (Legrand), n° K 23-19.283 (Sonepar), n° M 23-19.284 (Rexel) et n° P 23-19.286 (Schneider Electric).
473 Lignes directrices relatives à la notion d'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du traité, Journal officiel n° C 101 du 27/04/2004 p. 0081 – 0096.
474 Voir par exemple les arrêts de la Cour de justice du 1er février 1978, Miller/Commission, affaire 19/77, points 9 et 10, et du 25 octobre 1983, AEG/Commission, affaire 107/82, point 58.Voir également les Lignes directrices de la Commission relatives à la notion d’affectation du commerce, paragraphe 53.
475 Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit de la concurrence de l’Union (C/2024/1645), paragraphe 12.
476 Voir notamment les décisions n° 10-D-13 de l'Autorité de la concurrence du 15 avril 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre, paragraphe 220 ; décision n° 10-D-19 de l'Autorité de la concurrence du 24 juin 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre sur les marchés de la fourniture de gaz, des installations de chauffage et de la gestion de réseaux de chaleur et de chaufferies collectives, paragraphes 158 à 159.
477 Voir notamment arrêt du Tribunal de l’Union du 12 septembre 2007, William Prym/Commission, T-30/05, et les décisions n° 24-D-02 du 6 février 2024 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution de chocolats, paragraphe 172 et n° 23-D-13 du 19 décembre 2023 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution de montres de luxe, paragraphe 219.
478 Décision de la Commission COMP/2283 – Schneider Electric/Legrand, 10 octobre 2001, paragraphe 12.
479 Voir notamment la décision de la Commission COMP/2283 – Schneider Electric/Legrand, 10 octobre 2001.
480 Décision n° 12-DCC-46 du 3 avril 2012 relative à la prise de contrôle des fonds de commerce de la société SCT Toutelectric par le groupe Rexel, paragraphe 9.
481 Décision n° 12-DCC-46 du 3 avril 2012 relative à la prise de contrôle des fonds de commerce de la société SCT Toutelectric par le groupe Rexel, paragraphe 5 et décision de la Commission COMP/4963 REXEL/HAGEMEYER du 22 février 2008, point 14.
482 Distribution de matériel électrique par l’intermédiaire de grossistes ; distribution de matériel électrique directement par les fabricants ; distribution de matériel électrique par des distributeurs spécialisés (vente à distance) ou distribution de matériel électrique par des distributeurs généralistes du bâtiment en vente physique (au sein de rayons « matériel électrique »).
483 Décision n° 12-DCC-46 du 3 avril 2012 relative à la prise de contrôle des fonds de commerce de la société SCT Toutelectric par le groupe Rexel, paragraphe 11 et décision n° 10-DCC-65 du 29 juin 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société C3F par la société Sonepar France, paragraphe 13.
484 Décision de la Commission COMP/4963 REXEL/HAGEMEYER du 22 février 2008, point 22, décision n° 12-DCC-46 du 3 avril 2012 relative à la prise de contrôle des fonds de commerce de la société SCT Toutelectric par le groupe Rexel, paragraphe 13 et Décision n° 10-DCC-65 du 29 juin 2010 relative à la prise de contrôle exclusif de la société C3F par la société Sonepar France, paragraphe 17.
485 Décision de la Commission COMP/4963 REXEL/HAGEMEYER du 22 février 2008, point 27.
486 Arrêts de la Cour de justice du 15 juillet 1970, ACF Chemiefarma, C-41/69, point 112 et du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer, T-41/96, point 67 ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International e.a., RG n° 2010/23945, page 42.
487 Arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer, T-41/96, point 173.
488 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 janvier 2009, Epsé Joué Club, RG n° 08/00255, page 9.
489 Commission européenne, Lignes directrices sur les relations verticales, JOUE C 248 du 30 juin 2022, point 53.
490 Arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, GlaxoSmithKline Services, T-168/01, points 83 et 84.
491 Arrêt de la Cour de justice du 7 janvier 2004, Aalborg Portland, C-204/00, point 237.
492 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 16 janvier 2020, RG n° 19/03410, page 8.
493 Commission européenne, Lignes directrices sur les relations verticales, JOUE C 248 du 30 juin 2022, point 54.
494 Arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2010, Puériculture de France, n° 09-11853.
495 Arrêt de la Cour de justice du 6 janvier 2004, Bundesverband der Arzneimittel-Importeure eV et Commission des Communautés européennes contre Bayer AG C-02/01 P et C-03/01 P (aff. jointes), point 84.
496 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 octobre 2022, Apple, n° 20/08582, point 456.
497 Arrêt de la Cour de justice du 29 juin 2023, Super Bock, C-211/22, point 57.
498 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 26 janvier 2012, Beauté Prestige International e.a., RG n° 2010/23945, page 43.
499 Décision n° 21-D-20 du 22 juillet 2021 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des lunettes et montures de lunettes, paragraphe 649.
500 Décisions n° 20-D-04 du 16 mars 2020 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution de produits de marque Apple, paragraphe 835 ; n° 20-D-20 du 3 décembre 2020 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des thés haut de gamme, paragraphe 186.
501 Cotes 94 571 à 94 589 ; 93 650 à 93 661 ; 92 920 à 92 923.
502 Cote 95 187.
503 Voir, par exemple, les cotes 95 175 et 95 176 ; 93 652 et 93 662 ; 92 923.
504 Cotes 94 647 à 94 650 (VC) (95 863 à 9595 866 (VNC)) ; 95 182 à 95 185 (VC) (96 400 à 96 403 (VNC)) et 95 190; 93 699 à 93 703 ; 92 920 à 92 921.
505 Arrêt de la Cour de justice du, 29 juin 2023, Super Bock Bebidas, C-211/22, paragraphe 57.
506 Cotes 94 573 à 94 575 ; 92 920 et 92 921 ; 93 659 et 93 660.
507 Arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer, T-41/96, point 173.
508 Cote 95 177.
509 Arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Bayer, T-41/96, point 173.
510 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 octobre 2022, Apple, RG n° 20-08582, paragraphe 469.
511 Cote 93 653.
512 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 février 2000, Société ploërmelaise de friction industrielle : « le simple fait que Ferodo Abex ait transmis ses notes à Kemper Freins en indiquant, d’une part, qu’il s’agissait de notes confidentielles qui avaient été diffusées à son équipe de vente et, d’autre part, qu’il était demandé à Kemper Freins d’en faire « le meilleur usage », formule vague qui ne s’apparente pas à une consigne, est insuffisant pour établir l’existence d’un accord de volontés entre les deux sociétés ; que devant la confusion créée dans l’esprit de sa clientèle entre son matériel et celui importé et commercialisé par SPFI, avec le risque de perte qui pouvait en découler, Ferodo Abex a pu de manière unilatérale communiquer ces renseignements à ses commerciaux et à ses clients, indépendamment du comportement que l’un d’entre eux pouvait adopter, étant observé que, seule, la société Kemper Freins a entrepris de répercuter l’information ainsi reçue, et uniquement dans sa zone d’activité ; que pour ce qui la concerne, cette entreprise avait également un intérêt propre à répondre aux interrogations de ses clients et à éviter qu’ils ne la délaissent ; que la simple convergence des intérêts particuliers des deux entreprises, qui étaient dans des situations objectives différentes, n’est pas un élément de preuve suffisant d’une pratique concertée destinée à fausser le jeu de la concurrence » (soulignement ajouté).
513 Ce, bien qu’un de ces revendeurs ait répercuté ces informations à ses clients après avoir reçu lesdits documents accompagnés de la recommandation du fournisseur d’en faire « le meilleur usage ».
514 Cotes 94 501 et suivantes (VC) et 95 717 et suivantes (VNC), 95 147 et suivantes, 93 708 et suivantes (VC) et 97 578 et suivantes (VNC), 92 991 et suivantes (VC).
515 Cotes 94 592 et 94 595 VC, cotes 95 808 à 95 811 (VNC), 92 933, 93 734 à 93 739 VC, 97 604 à 97 609 (VNC), 95 200 à 95 204 (VC), 96 418 à 96 422 (VNC).
516 Cotes 94 732, 94 602 (VC) et 95 818 (VNC).
517 Cote 94 732.
518 Cotes 94 610 à 94 631 (VC) (95 826 à 95 847 (VNC)) ; 92 935 à 92 942 (VC) (98 635 à 98 642 (VNC)) ; 93 679 à 93 690 (VC) (94 549 à 97 560 (VNC)).
519 Cotes 94 625 à 94 630 (VC) (95 841 à 95 846 (VNC)) et 93 693 à 93 694 ; 92 938 à 92 940 (VC) et 98 638 à 98 640 (VNC) ; 93 689 à 93 690 et 93 693 à 93 694.
520 Cotes 92 943 ; 93 741 à 93 742 (VC) (97 611 à 97 612 (VNC)).
521 Cotes 92 943 à 92 948 (VC) (98 642 à 98 648 (VNC)), 93 742 à 93 745 (VC) (98 297 à 98 300 (VNC)).
522 Cotes 94 632 à 94 640 (VC) (95 848 à 95 856 (VNC)) et 94 647 à 94 650 (VC) (95 863 à 95 866 (VNC)).
523 Fabricant d'équipement d'origine (OEM, de l’anglais « original equipment manufacturer »).
524 Cotes 53 464 et 53 465.
525 Cote 48 815.
526 Cote 24 709.
527 Cote 50 501, traduction libre.
528 Voir le Tableau 6 – Extraits de documents de Rexel élaborés dans le cadre du projet Thomas, faisant référence au risque juridique engendré par la mise en oeuvre des dérogations.
529 Voir paragraphes 109 et suivants ci-avant.
530 Cote 23 880.
531 Cote 5 854 (soulignement ajouté).
532 Document intitulé « Notes - Sonepar, prix dérogés & concurrence », cote 5 743.
533 Cotes 94 608 et 94 609 VC (95 824 et 95 825 VNC) s’agissant de Schneider Electric ; 93 662 et 93 663 s’agissant de Rexel et 92 949 92 950 VC (98 649 et 98 650 VNC) s’agissant de Sonepar.
534 Voir par exemple, s’agissant de Schneider Electric, la présentation « Update on France New Commercial Policy - Group Audit Committee » du 7 juin 2017, cotes 50 498 à 50 512, paragraphe 193.
535 Par exemple, s’agissant de Sonepar, Mme.B, secrétaire générale [Confidentiel], paragraphes 212 et suivants.
536 Voir par exemple : Présentation « Rexel-Projet Thomas Kit de formation pour le déploiement national des plans commerciaux », 12 novembre 2014, cotes 3 172 et 3 185 (paragraphe 171), courriel interne du 11 février 2009 ayant pour objet « mauvaise utilisation des dérogations fournisseurs par la concurrence », cote 23 774 (paragraphe 110).
537 Rappel : sigle pour ajustements de prix, terme utilisé par Schneider Electric pour désigner les dérogations.
538 Cotes 1 674 à 1 838.
539 Cote 1 764.
540 Cotes 94 817 (VC) et 94 006 (VNC).
541 Voir également paragraphes 72 à 77 et 87.
542 Cotes 1 443 à 1 445.
543 Cote 94 604 (VC) (95 820 (VNC)).
544 Voir par exemple cour d’appel de Paris 26 juin 2007, RG n° 2006/07821, p. 33.
545 Son prestataire en charge de la gestion du système informatique Vantive, qui enregistre les données remontées via échange de données informatisé (EDI) par le fichier APAJE.
546 Voir par exemple cotes 20 810 et 20 811 VC (90 990 à 90 991 VNC), 7 130 à 7 133 VC (87 798 à 87 801 VNC), 6 904 et 6 905 VC (87 795 à 87 796 VNC), 25 475 et 25 476 VC, 87 595 et 87 596 VC (90 996 et 90 997 VNC), 87 620 à 87 634 VC (91 022 à 91 036 VNC), 87 644 à 87 648 VC (91 047 à 91 051 VNC) et 87 650 à 87 702 VC (91 054 à 91 106 VNC).
547 Cote 3 051.
548 Cote 2 030.
549 Cote 22 742.
550 Groupe Sonepar.
551 Cotes 94 850 (VNC) et 96 039 (VC).
552 Cote 2 037.
553 Cotes 94 591 à 94 592 (VC) (cotes 95 807 à 95 808 (VNC)).
554 Paragraphes 107 à 123.
555 Paragraphes 107 à 123.
556 Cote 22 723, traduction libre.
557 Cotes 93 732 et 93 733 (VC) (97 602 et 97 603 (VNC)).
558 Courriel interne du 11 février 2009 ayant pour objet « mauvaise utilisation des dérogations fournisseurs par la concurrence », cote 23 774, cité paragraphe 110.
559 Voir notamment cote 5 854.
560 Cote 92 945.
561 Fichier Excel intitulé « dérogations.xls », cellule C2, cote 50 714.
562 Cotes 92 945 à 92 947 (VC) et 98 645 à 98 647 (VNC).
563 Cote 92 973, renvoyant à l’indication donnée par le directeur Data & Pricing de Sonepar France entre [Confidentiel] et [Confidentiel] dans le cadre de son audition pénale, que « Sonepar est libre de fixer la marge qu’il souhaite et donc son prix de vente. S’il ne veut pas se faire de marge et établir un prix de vente égale à son prix d’achat fabricant, il le peut » (cote 3909).
564 Cote 7 374.
565 Cote 92 944.
566 Comme il est d’ailleurs rappelé au paragraphe 155 ci-avant.
567 Rapporté dans le courriel interne de Sonepar exposé au paragraphe 131 ci-avant. Cote 2 919.
568 Cote 92 944.
569 Cote 92 944, renvoyant à la cote 4 066 (VC) (28 212 (VNC)).
570 Cotes 94 647 à 94 649 (VC) (95 863 à 95 865 (VNC)).
571 Qui se contente de critiquer à partir d’un taux proche de [70-90] %, l’absence de prise en compte par les services d’instruction, de l’application des remises de fin d’année octroyées par Rexel, cotes 93 743 (VC) (98 298 VNC) et 93 744.
572 Pour qui le taux de suivi réel des prix maximum par Sonepar (dans le cadre d’opérations ayant fait l’objet de dérogations) se situe en toute hypothèse entre [20 et 50] %. Voir cote 92 900 (VC) (98 600 (VNC)).
573 En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que « ces systèmes de remises, quand bien même ils seraient fondés sur des critères objectifs et non discriminatoires, n'en constituent pas moins des gestes commerciaux accordés individuellement en fonction des caractéristiques du client et non du produit vendu et ne sauraient dès lors être pris en considération dans l'appréciation de la politique tarifaire du distributeur vis-à-vis des marques ; que c'est à bon droit que le Conseil a exclu les remises en caisse de l'étude des prix effectivement pratiqués ». Voir CA, Paris, 26 juin 2007, RG n° 2006/07821 (soulignement ajouté).
574 Cotes 95 245 et 95 246.
575 Cotes 95 245 à 95 246 ; 93 538 (VC) (97 408 (VNC)), 93 731 à 93 739 (VC) (97 601 à 97 609 (VNC) et 92 886.
576 Cote 95 180.
577 Cotes 95 221 à 95 226 ; 93 745 à 93 748 (VC) (97 615 à 97 618 (VNC)).
578 Cotes 93 539 ; 95 241 à 95 243.
579 Cotes 93 679 à 93 687 (VC) (97 549 à 97 557 (VNC), 93 690 à 93 698 (VC) (98 245 à 98 253(VNC)) ; 95 219 à 95 221 ; 92 957 à 92 968 (VC) (98 657 à 98 666 (VNC)).
580 Cotes 93 742 à 93 744 (VC) (98 297 à 98 299 (VNC)) ; 92 900 (VC) (98 600 (VNC)) ; 95 309.
581 Cotes 93 741 et 93 742 (VC) (98 296 et 98 297 (VNC)) ; 95 161, 95 236 à 95 241 (VC) (96 454 à 96 459 (VNC)).
582 Cote 2 375 (gras dans le texte d’origine).
583 Cote 2 379 (gras dans le texte d’origine).
584 Cotes 2 361 à 2 373.
585 Courriel interne à Legrand ayant pour objet « Re: Rexel/dérog/LME/projet"Thomas » du 1er octobre 2014, cote 2 360.
586 Cote 2 360.
587 Courriel interne à Legrand du 31 juillet 2014 ayant pour objet « Tr : compte rendu réunion REXEL/LEGRAND « « Thomas » », Paris le 29 juillet 2014, cote 2 405 (soulignements ajoutés).
588 Courriel interne à Legrand ayant pour objet « Tr : compte rendu réunion REXEL/LEGRAND ''"THOMAS"'', Paris le 29 juillet 2014 », 31 juillet 2014, cotes 2 404 à 2 410, citation à la cote 2 405.
589 Cotes 23 121, 23 122 et 23 124.
590 Courriel interne à Legrand du 10 avril 2013 ayant pour objet « CRESCITZ MARCHE ESPACE 1ER SEMESTRE 2013 - Offre de prix n°237578107 », cote 90 923 VC (92 259 VNC).
591 Cote 95 216.
592 Courriel de Legrand à Cofely Ineo ayant pour objet « Transfo Batiment C & Batiment Tech », cote 16 253.
593 Document Excel intitulé « Processus Affaire Marché » daté du 8 mars 2006, cotes 2 581 à 2 594, schéma à la cote 2 581.
594 Il s’agit de Yesss, distributeur de matériel électrique concurrent de Rexel et Sonepar.
595 Cote 90 926 (VC) (92 262 (VNC)).
596 Cote 49 639.
597 Contrairement à ce que soutient Rexel, cote 93 687.
598 Cotes 25 750, 25 751 et 25 752.
599 Mémoire en réponse de Rexel cote 93 732, pièce au dossier cote 1 151.
600 Cotes 92 619 et 92 620.
601 Cotes 93 743 (VC) et 98 298 (VNC).
602 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 16 mai 2013, Kontiki, RG n° 12/01227 et arrêt de la Cour de justice du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C‑228/18, EU:C:2020:265, point 33.
603 Arrêt de la Cour de justice du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C-228/18, point 54.
604 Arrêts de la Cour de justice du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C-382/12 P, points 184 et 185, ainsi que 20 janvier 2016, Toshiba Corporation/Commission, C-373/14 P, point 26.
605 Arrêt de la Cour de Justice du 29 juin 2023, Super Bock, C-211/22, point 57.
606 Arrêt de la Cour de justice du 29 juin 2023, Super Bock Bebidas, C-211/22, paragraphe 43.
607 Arrêt de la Cour de justice du 6 avril 2006, General Motors, C-551/03, point 66.
608 Arrêt de la Cour de Justice du 21 décembre 2023, ISU, C-124/21, point 107.
609 Arrêt de la Cour de Justice du 21 décembre 2023, ISU, C-124/21, points 105 et 106.
610 Arrêt de la Cour de justice du 27 avril 2017, FSL c. Commission, C-469/15, point 107 ; arrêt de la Cour de justice du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation c. Commission, C-373/14 P, point 29.
611 Cotes 84 535 à 84 542 VC (91 811 à 91 818 VNC).
612 Cotes 83 812 à 83 818 VC (91 441 à 91 447 VNC).
613 Cotes 84 542 à 84 548 VC (91 818 à 91 824 VNC) et 83 828 à 83 830 VC (91 457 à 91 459 VNC).
614 Cotes 84 548 à 84 552 VC (91 824 à 91 828 VNC), 84 478 VC (91 754 VNC) et 83 830 à 83 835 VC (91 459 à 91 464 VNC).
615 Cotes 84 552 à 84 564 VC ((91 828 à 91 840 VNC) et 83 819 à 83 827 VC (91 448 à 91 456 VNC).
616 Cotes 84 565 à 84 566 VC (91 841 à 91 842 VNC), 83 835 à 83 836 VC (91 464 à 91 465 VNC) et 83 759 à 83 761 VC (91 388 à 91 390 VNC).
617 Cotes 83 147 à 83 163 VC (91 268 à 91 284 VNC).
618 Cotes 84 867 à 84 869 VC (91 639 à 91 641 VNC) et 84 872 à 84 877 VC (91 644 à 91 649 VNC).
619 Cote 83 023 VC (91 144 VNC).
620 Cotes 84 805 à 84 809 VC (91 577 à 91 581 VNC).
621 Cote 84 808 VC (91 580 VNC).
622 Cote 84 805 VC (91 577 VNC).
623 Cote 95 312.
624 Cotes 94 696 à 94 698 VC (95 912 à 95 914 VNC).
625 Cotes 93 642 à 93 643.
626 Cotes 93 000 à 93 001.
627 Lignes directrices sur les restrictions verticales de 2022 précitées, point 193.
628 Arrêt de la Cour de justice du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a., C-228/18, EU:C:2020:265, point 51 et jurisprudence citée.
629 Communication de la Commission, Lignes directrices concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité, Journal officiel n° C 101 du 27/04/2004 p. 0097 – 0118, point 22.
630 Lignes directrices de la Commission européenne du 19 mai 2010 n° 2010/C 130/01 sur les restrictions verticales, JOUE C 130/1, point 48.
631 Arrêt du Tribunal du 8 septembre 2016, Lundbeck, T-472/13, point 438. Voir également l’arrêt de la Cour de Justice du 25 mars 2021, Lundbeck, C-591/16, points 130 et 131.
632 Voir notamment la présentation interne de Schneider Electric du 11 mai 2017, cote 1 434.
633 Cote 5 854.
634 Arrêt de la Cour de justice du 6 avril 2006, General Motors BV contre Commission des Communautés européennes, C-551/03, point 64 cité par exemple dans la décision du Conseil de la concurrence n° 09-D-10 du 27 février 2009 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur du transport maritime entre la Corse et le continent, paragraphe 169.
635 Voir, en ce sens, l’étude Xerfi, La fabrication de matériel électrique (février 2023), pages 69, 76 et 77 (cotes 92 003, 92 010 et 92 011), un document interne à Sonepar (cote 87 744), ou encore le document d’enregistrement universel 2020 de Legrand (cote 59 193).
636 Voir, en ce sens, la décision n° 12-DCC-46 du 3 avril 2012 relative à la prise de contrôle des fonds de commerce de la société SCT Toutelectric par le groupe Rexel, paragraphes 5, 34 à 36 ; et la décision de la Commission COMP/4963 REXEL/HAGEMEYER du 22 février 2008, point 14. Voir également les cotes 5 908 et 87 744.
637 Cote 87 744.
638 Voir cote 83 762 VC (91 391 VNC) pour Schneider Electric et cote 84 410 VC (91 686 VNC) pour Legrand.
639 Cote 93 762.
640 Cote 93 762.
641 Cotes 22 744 et 22 748.
642 Cote 49 639. Voir également la cote 22 641 qui mentionne « une baisse tendancielle des prix » comme l’une des craintes exprimées par Legrand en cas de sortie des dérogations.
643 Cote 2 409.
644 Traduction libre, cote 50 502.
645 Traduction libre, cote 50 508.
646 Traduction libre, cote 50 508.
647 Voir notamment sur ce point le Tableau 8.
648 Cotes 3 408 à 3 565 VC (49 233 à 49 248 et 47 681 VNC).
649 Cotes 94 694 à 94 696 VC (cotes 95 910 à 95 912 (VNC)).
650 Cotes 93 759 à 93 763.
651 Arrêt de la Cour de justice du 14 mars 2013, Allianz Hungária Biztosító, C-32/11, point 36.
652 Arrêts de la Cour de justice du 27 avril 2017, FSL c. Commission, C-469/15, point 107 et du 20 janvier 2016, Toshiba Corporation c. Commission, C-373/14 P, point 29.
653 Arrêt de la Cour de Justice du 21 décembre 2023, ISU, C-124/21, point 106.
654 Lignes directrices de la Commission européenne sur les restrictions verticales du 11 mai 2022, JO L 134, point 193.
655 Lignes directrices de la Commission européenne sur les restrictions verticales du 11 mai 2022, JO L 134, point 193.
656 Règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l'application de l'article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, JOUE L 102/1 du 23/04/2010.
657 Règlement (UE) 2022/720 de la Commission du 10 mai 2022 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées, JOUE L 134 du 11 mai 2022.
658 Lignes directrices sur les restrictions verticales, JOUE C 248 du 30 juin 2022.
659 Lignes directrices sur les restrictions verticales JO C 248/01, 30 juin 2022, paragraphe 197.
660 Arrêt de la Cour de justice du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a. / Commission, C-501/06 P, C-513/06 P, C-515/06 P et C-519/06 P, point 82 ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 décembre 2011, Compagnie Emirates, 09/20639, page 5 et la décision de l’Autorité de la concurrence n° 12-D-09 du 13 mars 2012 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des farines alimentaires, paragraphe 653.
661 Arrêt de la Cour de Justice du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a. / Commission, précité, point 102.
662 Lignes directrices du 27 avril 2004 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du TFUE, point 42.
663 Lignes directrices du 27 avril 2004 concernant l’application de l’article 101, paragraphe 3, du TFUE, point 46.
664 Lignes directrices sur les restrictions verticales JO C 248/01, 30 juin 2022, paragraphe 180.
665 Cotes 83 863 VC (91 492 VNC) et 83 864 VC (91 493 VNC).
666 Cotes 84 573 et suivantes VC (91 849 et suivantes VNC).
667 Cotes 83 168 VC (91 289 VNC) et 83 169 VC (91 290 VNC).
668 Cotes 94 726 à 94 729 VC (95 942 à 95 945 (VNC)).
669 Cotes 95 316 à 95 319.
670 Cotes 83 168 VC (91 289 VNC) et 83 169 VC (91 290 VNC).
671 Cotes 83 865 VC (91 494 VNC) et 83 866 VC (91 495 VNC).
672 Cotes 84 576 VC et suivantes (91 852 et suivantes VNC).
673 Cotes 83 168 VC (91 289 VNC) et 83 169 VC (91 290 VNC).
674 Cote 84 577 VC (91 853 VNC).
675 Cote 83 170 VC (91 291 VNC).
676 Cotes 83 867 à 83 870 VC (91 496 à 91 499 VNC).
677 Cotes 84 578 à 84 579 VC (91 854 à 91 855 VNC).
678 Cote 83 169 VC (91 290 VNC).
679 Cote 94 729.
680 Cote 83 871 VC (91 500 VNC).
681 Cote 84 580 VC (91 856 VNC).
682 Cote 83 871 VC (91 500 VNC).
683 Cote 84 580 VC (91 856 VNC).
684 Cote 83 170 VC (91 291 VNC).
685 Décision de la Commission du 16 juillet 2003, COMP/37.975 Yamaha, point 175.
686 Lignes directrices concernant l’application de l'article 81 paragraphe 3, du traité, JO C 101 du 27.4.2004, p. 97118, point 38.
687 Arrêts du Tribunal du 27 juillet 2005, Brasserie nationale e.a./Commission, T-49/02 à T-51/02, Rec. p. II-3033, point 185, et du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T-303/02, Rec. p. II-4567, point 138.
688 Arrêts du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T-43/92, Rec. p. II-441, point 79, et du 16 novembre 2006, Peroxidos Organicos/Commission, T-120/04, Rec. p. II-4441, point 51.
689 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 octobre 2022, Apple, RG n° 20/08582.
690 Voir, notamment, arrêt de la Cour de justice du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens,C-441/11P, point 72 et la jurisprudence citée, et, plus récemment, l'arrêt du 18 mars 2021, Prometon SpA, C-440/19 P, point 112.
691 Décision n° 07-D-41 du 28 novembre 2007 relative à des pratiques s’opposant à la liberté des prix des services proposés aux établissements de santé à l’occasion d’appels d’offres en matière d’examens anatomo-cyto-pathologiques, paragraphe 95.
692 Voir, notamment, arrêt de la Cour de justice du 26 septembre 2018, Infineon Technologies AG, C-99/17 P, point 53, et arrêt précité, Prometon SpA, point 112.
693 Arrêts du Tribunal du 16 juin 2015, FSL e.a./ Commission, T-655/11, EU:T:2015:383, point 483 et du 10 novembre 2017, ICAP e.a./ Commission, T-180/15, EU:T:2017:795, point 220.
694 Voir dans ce sens l’arrêt de la Cour de justice du 26 janvier 2017, Commission/Keramag Keramische Werke e.a., , C-613/13 P, point 55 ou du Tribunal du 28 mars 2019, Pometon SpA contre Commission européenne, T-433/16, point 312.
695 Cote 23 870.
696 Cote 2 838.
697 Arrêt de la Cour de justice du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands BV e.a., C-8/08, points 46, 49 et 50 ; arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 mars 2012, n° 2011/01228, Lacroix Signalisation e.a., sur la décision n° 10-D-39 du 22 décembre 2010 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale, p.18.
698 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice du 28 juin 2005, Dansk Rorindustri A/S e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02P, point 112 ; du 10 janvier 2006, Ministero dell’Economica e delle Finanze, C-222/04, point 107, du 11 janvier 2006, Federacion Espanola de Empresas de Tecnologia Sanitaria (FENIN)/Commission, C-205/03 P, point 25, et du 20 janvier 2011, General Quimica SA e.a./Commission, C-90/09 P, point 34.
699 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice du 14 décembre 2006, Confederacion Espanola de Empresarios de Estaciones de Servicio, C-217/05, point 40, du 10 septembre 2009, Akzo Nobel NV e.a./Commission, C-97/08 P, point 55, du 20 janvier 2011, General Quimica SA e.a./Commission, C-90/09 P, point 35, du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg SA/Commission, C-201/09 P et C-216/09 P, point 95, du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine SA/Commission, C-521/09, point 53, du 29 septembre 2011, Arkema SA/Commission, C-520/09 P, point 37 ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 29 mars 2012, Lacroix Signalisation e.a., précité, p.18.
700 Voir notamment les arrêts de la Cour de justice General Quimica précité, point 36 ; Akzo Nobel NV e.a./Commission, précité, point 56 ; ArcelorMittal Luxembourg SA/Commission, précité, point 95 ; Elf Aquitaine SA/Commission, précité, point 53 ; voir également l’arrêt de la cour d’appel de Paris, Lacroix Signalisation e.a., précité, pages 18 et 20.
701 Arrêt de la Cour de cassation du 23 juin 2004, BNP Paribas e.a., n° 01-17896 et 02-10066 et arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 janvier 2009, Eurelec Midi Pyrénées e.a., RG n° 2008/01095, page 5.
702 Arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich AG e.a. c./Commission, affaires jointes T-259/02 à T-264/02 et T-271/02, point 326.
703 Arrêts de la Cour de justice Akzo Nobel e.a./Commission, précité, point 58, General Quimica/Commission précité, point 37, et Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 18 et 19.
704 Arrêts de la Cour de justice Akzo Nobel précité, points 60 et 61, General Quimica précité, points 39 et 40, et Lacroix Signalisation e.a., précité, p. 19 et 20.
705 La société Sarel – Appareillage électrique SASU, qui ne commercialise pas de produits en relation avec l’infraction, a été mise hors de cause.
706 Cotes 47 833, 48 351 et 48 352.
707 Cotes 47 832 et 48 350. Avant le mois de juin 2014, la dénomination sociale de Schneider Electric SE était Schneider Electric SA, cote 48 349.
708 Cote 47 780. Le 1er janvier 2016, le Groupe Arnould a fait l’objet d’une fusion-absorption par la société Legrand SNC.
709 Cote 50 868 VNC (48 295 VC).
710 Cote 50 868 VNC (48 295 VC).
711 Voir, à cet égard, les cotes 47 897, 48 061 VNC (cote 47 898 VC), et 50 975.
712 Cotes 51 026 à 51 027 VNC (48 239 à 48 240 VC) et 50 861 VNC (47 922 VC).
713 Cotes 50 861 VNC (47 922 VC), 51 025 à 51 026 VNC (48 238 et 48 239 VC).
714 Cote 48 270 VNC (47 803 VC).
715 Cote 48 270 VNC (47 803 VC).
716 Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, JOUE, 2003, L1, p. 1.
717 Communiqué sanctions, paragraphe 6.
718 Cotes 94 735 à 94 741.
719 Cotes 93 797 et 93 798.
720 Cotes 93 070 à 93 074.
721 Cote 95 334.
722 Cote 93 797.
723 Cotes 94 744 à 94 747.
724 Cotes 93 066 à 93 069.
725 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques.
726 Voir le 3° du XVIII de l’article 2 de l’ordonnance n° 2021-649 du 26 mai 2021.
727 Le même article 6 a, en revanche, prévu que les modifications en question n’étaient pas applicables aux procédures pour lesquelles des griefs ont été notifiés avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance.
728 Communiqué sanctions, paragraphe 11.
729 Voir notamment les décisions n° 23-D-08 du 7 septembre 2023 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur des prestations de services d’ingénierie, de maintenance, de démantèlement et de traitement des déchets pour des sites nucléaires, n° 23-D-13 du 19 décembre 2023 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution des montres de luxe et n° 23-D-14 du 20 décembre 2023 relative à des pratiques mises en oeuvre dans les secteurs des consoles statiques de jeux vidéo de huitième génération et des accessoires de contrôle compatibles avec le console PlayStation 4.
730 Communiqué sanctions, paragraphe 12.
731 Voir, dans ce sens, l’arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 2015, Royal Canin, précité. Voir également l’arrêt de la Cour de justice du 18 juillet 2013, Schindler, C-501/11 P, dans lequel la Cour a considéré que les lignes directrices adoptées par la Commission « ne constituent ni une législation, ni une législation déléguée au sens de l’article 290, paragraphe 1, TFUE, ni la base légale des amendes infligées en matière de concurrence, lesquelles sont adoptées sur le seul fondement de l’article 23 du règlement n° 1/2003 » (point 66), et qu’elles « énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement […], et se limitent à décrire la méthode d’examen de l’infraction suivie par la Commission et les critères que celle-ci s’oblige à prendre en considération pour fixer le montant de l’amende » (point 67).
732 Communiqué sanctions, paragraphe 13.
733 Voir, dans ce sens, le raisonnement du Tribunal, confirmé par la Cour de justice, dans l’affaire Schindler (arrêt du Tribunal Schindler précité, points 118 à 129).
734 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 juillet 2019, Goodmills Deutschland, n° 16/23609, paragraphes 464-466.
735 Arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 2015, Royal Canin, précité.
736 Paragraphe 7 du communiqué sanctions de 2011.
737 Paragraphe 6 du communiqué sanctions.
738 Voir en ce sens les décisions n° 18-D-23 du 24 octobre 2018 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution de matériel de motoculture et n° 19-D-14 du 01 juillet 2019 relative à des pratiques mises en oeuvre dans le secteur de la distribution des cycles haut de gamme, et les arrêts de la cour d’appel de Paris du 13 mars 2014, Société Bang & Olufsen, n° RG 2013/00714, pages 11 à 13 et du 17 octobre 2019, n° RG 18/24456, pages 74 et 75.
739 Voir les cotes 93 787 pour Rexel, 95 334 pour Legrand et 93 063 à 93 065 pour Sonepar.
740 Cotes 95 339 à 95 344.
741 Cotes 93 799 à 93 804.
742 Cotes 94 751 à 94 758.
743 Arrêt de la cour d’appel de Paris, 19 juillet 2018, RG n° 16/01270, paragraphe 859.
744 Cotes 93 799 à 93 804.
745 Cotes 95 339 à 95 344.
746 Cotes 93 076 à 93 077.
747 Directive 2014/35/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à l’harmonisation des législations des États membres concernant la mise à disposition sur le marché du matériel électrique destiné à être employé dans certaines limites de tension (« Directive basse tension »).
748 Cotes 94 751 à 94 758.
749 Communiqué sanctions, point 27.
750 Cote 95 345.
751 Cotes 94 759 à 94 762.
752 Cote 93 811.
753 Cotes 93 085 à 93 087.
754 Cotes 94 759 à 97 762.
755 Cotes 95 344 à 95 348.
756 Cote 94 765.
757 Cotes 94 759 à 97 762.
758 Cotes 93 810 à 93 811.
759 Cotes 93 088 à 93 090.
760 Cote 94 765.
761 Cotes 95 344 à 95 348.
762 Cotes 93 091 à 93 093.
763 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 28 janvier 2009, Espé Joué Club, n°2008/00255, page 17.
764 Arrêt de la Cour de justice, du 21 septembre 2006, JCB / Commission, C-167/04, point 216 ; arrêt de la cour d’appel de Paris du 4 mars 2008, José Alvarez e.a. n° 2007/00370.
765 Voir la cote 1 434.
766 RG n°2010/23945, p.87.
767 Arrêt précité de la cour d’appel de Paris du 28 janvier 2009, Espé Joué Club, p.17.
768 Arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale du 11 juin 2013, pourvois n° Y 12-13.961 et a., p.55.
769 Décision n° 09-D-36 du 9 décembre 2009 relative à des pratiques mises en oeuvre par Orange Caraïbes et France Télécom sur différents marchés de services de communications électroniques dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Guyane, paragraphe 449, confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris, 23 septembre 2010, RG n° 2010/00163.
770 Communiqué sanctions, point 36.
771 Cotes 93 816 à 93 818.
772 Cotes 94 768 à 94 770.
773 Cotes 93 095 et 93 096.
774 Cotes 93 816 à 93 821.
775 Cotes 93 095 et 93 096.
776 Cotes 95 349 et 93 350.
777 Cotes 93 816 à 93 821.
778 Cotes 95 349 et 93 350.
779 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 11 octobre 2012, Entreprise H. Chevalier Nord e.a., n° 2011/03298, p. 71, et du 30 janvier 2014, Société Colgate-Palmolive Service, n° 2012/00723, p. 41.
780 Arrêt CEDH du 27 septembre 2011, A. Menarini Diagnostics S.R.L. c. Italie, n° 43509/08, paragraphe 41.
781 Arrêt de la Cour de cassation du 18 septembre 2012, Sephora e.a., n° 12-14401.
782 Voir, notamment, l’arrêt de la Cour de justice du 26 juin 2006, Showa Denko/Commission, aff. C-289/04, points 16 et 17.
783 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 octobre 2022, Société Materne S.A.S. et autres, n° RG 20/01494, point 600.
784 Cote 93 823.
785 Arrêt de la cour d’appel de Paris du 9 mars 2023, Santerne Nord Tertiaire S.A.S, RG n° 21/06028, paragraphe 208.