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Décisions

CA Metz, ch. soc. sect. 1, 2 février 2022, n° 21/00277

METZ

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme WOLF

Conseillers :

Mme FABERT, Mme GRILLON

METZ, du 19 janv. 2021

19 janvier 2021

Vu le jugement rendu le 15 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes de Metz dans une instance ayant opposé la SARL R., représentée par son liquidateur amiable, M. Wolfgang R., à Mme Jennifer E. ;

Vu l'appel interjeté le 13 novembre 2019 contre ce jugement par Me Stéphane V., avocat au barreau de Metz, pour le compte de la SARL R. ;

Vu les conclusions d'incident déposées par le conseil de Mme E. le 13 août 2020 pour demander l'annulation de l'acte d'appel au motif d'un vice de fond tenant à l'absence de représentant légal de la SARL R., ainsi que l'annulation des conclusions déposées par cette société ;

Vu l'ordonnance d'incident de mise en état en date du 19 janvier 2021 déclarant nul l'appel interjeté ;

Vu la requête en déféré déposée le 2 février 2021 par la SARL R., représentée par son liquidateur amiable, la SELARL G. & N., à laquelle il est renvoyé pour l'exposé des moyens de cette partie ;

Vu les conclusions en réplique du conseil de Mme E. en date du 7 octobre 202, auxquelles il est renvoyé de même ;

MOTIFS DE LA DECISION

Il ressort du jugement entrepris que la SARL R. a fait l'objet d'une dissolution amiable le 30 juin 2017, puis d'une liquidation amiable le 28 juillet 2017, M.Wolgang Joseph R., son ancien gérant, ayant été nommé en qualité de liquidateur et ayant été attrait à la procédure de première instance à ce titre.

M. R. est décédé le 11 octobre 2019 et donc la société en liquidation n'avait plus de représentant légal ni au jour où le jugement entrepris a été rendu, ni au jour où appel a été interjeté en son nom par Me V..

Il est constant que ce n'est que le 19 février 2020, sur requête formée par les consorts R.-E. le 13 janvier 2020, que le président de la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz a désigné un nouveau liquidateur amiable en la personne de la SELARL G. & N..

Il en résulte que, comme l'a retenu à juste titre le conseiller chargé de la mise en état, la SARL R., personne morale, n'a pas interjeté appel par l'intermédiaire de son représentant régulièrement habilité par la loi ou les statuts, qui imposaient en l'espèce que la collectivité des associés nomme un nouveau gérant, à la diligence de l'un des associés et aux conditions de majorité prévues par ces statuts, une disposition ayant aussi vocation à s'appliquer pour la désignation du liquidateur amiable.

Une personne morale qui n'a plus de représentant légal au jour où elle fait appel est dépourvue de la capacité d'ester en justice, et, aux termes de l'article 117 du code de procédure civile, ce défaut de capacité, ou le défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, qui ne peut être couverte après l'expiration des délais pour agir.

L'acte d'appel intervenu le 13 novembre 2019 est donc nul, de même que sont nulles les conclusions déposées pour le compte de la SARL R. le 30 janvier 2020, une demande également formulée par la partie intimée mais sur laquelle le conseiller chargé de la mise en état ne s'est pas prononcé, puisqu'un nouveau liquidateur amiable n'avait toujours pas été nommé à cette date.

Dans son déféré, le conseil de la société, Me V., ne se prononce pas sur cette nullité, mais reprend seulement l'argument selon lequel Me W., avocat de la société en première instance, aurait eu mandat pour interjeter appel à titre conservatoire, lui-même étant intervenu, comme il en justifie par un courrier de ce dernier en date du 13 novembre 2019, en qualité de postulant de cet avocat strasbourgeois pour transmettre la déclaration d'appel à la cour par la voie du RPVA.

Il soutient que le décès de M. R. n'aurait pas été connu de Me W. avant l'expiration du délai pour interjeter appel, se référant à un acte de décès daté du 18 décembre 2019, date à laquelle le délai d'appel était expiré, et soutenant que ce n'est qu'à la date de cet acte que les consorts R.-E. ont pu saisir le tribunal judiciaire aux fins de désignation d'un nouveau représentant de la société.

Cependant, la délivrance d'un acte de décès, lequel indique en l'espèce n'être qu'un extrait de l'acte de décès initial et non cet acte lui-même, pouvait être demandée à tout moment après le décès de M. Wolfgang R., - qui était forcément connu des membres de sa famille, Mme Monika E., mentionnée sur cet acte comme son épouse, et ses deux fils Andreas et Christian, dont les statuts de la SARL R. indiquent qu'ils étaient co-associés de la société avec leur père depuis 2002 -, et donc cet acte ne saurait excuser la saisine tardive du tribunal pour la nomination d'un nouveau liquidateur amiable, qui aurait pu être demandée en urgence, mais en l'occurrence cette saisine a particulièrement traîné puisqu'elle a été postérieure de trois mois au certificat en question.

Il doit être rappelé que la nomination d'un nouveau liquidateur amiable aurait également pu intervenir à tout moment par voie statutaire à l'initiative de l'un des associés restants, donc à nouveau rapidement après le décès de M. R..

Par ailleurs, si aux termes de l'article 2008 du code civil, un acte effectué par un mandataire dans l'ignorance de la mort du mandant ou de l'une des autres causes qui font cesser le mandat, est considéré comme valide, c'est à ce mandataire qu'il incombe de prouver cette ignorance, or en l'espèce Me W. et son postulant, Me V., n'apportent aucun élément sur cette ignorance qui ne peut reposer sur un extrait d'acte de décès délivré postérieurement à ce décès.

Il est relevé que Me W. a écrit dans son courrier du 13 novembre 2019 que « ma mandante, la société R. SARL, souhaite interjeter appel du jugement rendu le 15 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes de Metz », or il n'a pu être mandaté pour ce recours, nullement qualifié de préventif ou conservatoire, qu'une fois connu le contenu du jugement en question, dont il joignait d'ailleurs une copie à son courrier, ce qui interroge sur la validité même de ce mandat, donné par une société alors dépourvue de représentant légal.

Le conseil de la partie intimée soutient ainsi à juste titre que le mandat de faire appel n'a pu naître qu'après la décision du conseil de prud'hommes, or le mandat de représentation donné par M. Wolfgang R. es qualité de liquidateur amiable de la SARL R. à Me W., qui concernait l'instance devant le conseil de prud'hommes, a, aux termes de l'article 2003 du code civil, prit fin à la mort du mandat le 11 octobre 2019, donc encore antérieurement à cette décision intervenue le 15 octobre 2019.

En tout état de cause, même à retenir que le décès de M. R. n'aurait été connu de Me W. que le 18 décembre 2019, il ne peut soutenir avoir encore disposé d'un mandat valable lorsqu'il a fait déposer au RPVA par son postulant des conclusions au fond le 30 janvier 2020, alors que la société était toujours dépourvue de tout représentant légal à cette date, ce qu'il n'ignorait plus.

La nullité des conclusions qui en découle rend accessoirement la déclaration d'appel caduque, faute pour la partie appelante d'avoir régulièrement déposé des conclusions dans les trois mois de cet appel comme l'exige l'article 908 du code de procédure civile.

L'ordonnance déférée sera confirmée et il y sera ajouté une disposition sur la nullité des conclusions du 30 janvier 2020 et la caducité de l'acte d'appel.

La nullité ou la caducité de l'acte d'appel entraînent l'extinction de l'instance.

La SARL R., qui succombe, supportera les dépens liés à son recours.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant sur déféré, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme l'ordonnance déférée ;

Y ajoutant,

Prononce la nullité des conclusions au fond déposées pour le compte de la SARL R. le 30 janvier 2020 et, en conséquence, à titre accessoire, la caducité de l'acte d'appel en application des dispositions de l'article 908 du code de procédure civile ;

Constate l'extinction de l'instance ;

Condamne la SARL R., représentée par son liquidateur amiable, la SELARL G. et N. aux dépens d'appel.