CA Bastia, ch. civ. sect. 2, 1 juillet 2020, n° 18/00837
BASTIA
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
GEO (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. GILLAND
Conseillers :
Mme DELTOUR, M. EGRON REVERSEAU
EXPOSÉ DES FAITS
M. Ange-Paul V. expose que son épouse, Marie M., propriétaire d'une parcelle de terre cadastrée section BA n° 140, située sur le territoire de la commune de Lucciana (Haute-Corse), a, par mandat sous seing privé en date du 30 décembre 2010, donné pouvoir à M. Mauro B., gérant de la société S.A.R.L. Geo, en vue de la construction de quatre maisons individuelles sur la parcelle précitée.
Avant son décès survenu le 2 juin 2016, elle lui a fait, par acte notarié du 30 mai 2016, donation de l'universalité des biens meubles et immeubles relevant de sa succession.
Imputant à M. B. et à la S.A.R.L. Geo la rupture fautive des relations contractuelles en vue de la signature du projet d'acte authentique de vente de terrain à bâtir prévoyant la cession à la S.A.R.L. Geo des trois parcelles cadastrées BA 280, BA 281 et BA 282
issues de la division de la parcelle BA 140, à la S.A.R.L. Geo, les parcelles cadastrées BA 277, BA 278, BA 279, BA 283, BA 284 et BA 285 également issues de cette division demeurant sa propriété, au prix de 120 000 euros, payable par compensation, l'acquéreur s'engageant à lui construire, sur l'une des parcelles restant sa propriété, une maison à usage d'habitation d'une surface de plancher de 137 m², M. V., leur a notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 mars 2017, la révocation du mandat consenti en vue de la réalisation de l'opération.
Puis par acte d'huissier en date du 31 mars 2017, il les a assignés devant le tribunal de grande instance de Bastia aux fins :
'- de les voir condamner à lui restituer la somme de 20.000 euros qu'il a versée le 21 septembre 2016 avec intérêt au taux légal à compter des révocations de mandat comportant mise en demeure en date du 8 mars 2017,
- qu'il leur soit ordonné de restituer l'original du mandat du 30 décembre 2010 dans un délai de trois jours à compter de la signification du jugement à intervenir et ce, sous peine d'une astreinte de 30 euros par jour de retard,
- qu'il leur soit ordonné de procéder à l'enlèvement des containers, du matériel de chantier et des matériaux de construction qui sont entreposés sur la parcelle cadastrée section B.A. n°140 dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard,
- de les condamner in solidum à lui restituer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.'
Par jugement du 27 septembre 2018, le tribunal de grande instance faisant droit aux demandes a :
'- débouté M. Mauro B. et la S.A.R.L. GEO de l'ensemble de leurs demandes,
- ordonné à M. Mauro B., ès qualité de représentant de la S.A.R.L. GEO, et à la S.A.R.L. GEO de restituer l'original du mandat du 30 décembre 2010 dans un délai de trois jours à compter de la signification du jugement à intervenir et sous peine d'une astreinte de 30 euros par jour de retard qui sera due in solidum par M. Mauro B. et la S.A.R.L. GEO,
- ordonné à M. Mauro B. et la S.A.R.L. GEO de procéder à l'enlèvement des containers, du matériel de chantier et des matériaux de construction qui sont entreposés sur la parcelle cadastrée section B.A. n° 140 dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir et sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard due in solidum par M. Mauro B. et la S.A.R.L. GEO
- condamné in solidum M. Mauro B. et la S.A.R.L. GEO à restituer la somme de 20.000 euros qu'il a versée le 21 septembre 2016 avec intérêt au taux légal à compter des révocations de mandat comportant mise en demeure en date du 8 mars 2017,
- condamné in solidum M. Mauro B. et la S.A.R.L. GEO à payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. Mauro B. et la S.A.R.L. GEO au paiement des entiers dépens,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.'
Par déclaration reçue au greffe le 9 novembre 2018 , M. Mauro B. et la S.A.R.L. Geo ont relevé appel de l'ensemble des chefs de jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions reçues au greffe le 8 février 2019, ils demandent :
'- de déclarer l'appel recevable et bien fondé,
- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- statuant à nouveau,
- de prononcer la mise hors de cause de M. Mauro B.,
- au visa de l'article 2003 alinéa 4 du code civil,
- de dire et juger que le mandat conclu le 30 décembre 2010 entre Mme Marie M. et la S.A.R.L. GEO représentée par M. B. a pris fin avec le décès de la mandante, soit le 2 juin 2016,
- de constater que la S.A.R.L. GEO ne détient pas l'original du mandat conclu le 30 octobre 2010,
- en conséquence,
- de débouter M. V. de sa demande de restitution, sous astreinte, de l'original du mandat conclu le 30 octobre 2010,
- de débouter M. V. de sa demande de restitution de la somme de 20.000 euros quel qu'en soit le fondement juridique,
- reconventionnellement, au visa de l'article 1999 du code civil:
- de constater que la S.A.R.L. GEO n'a commis aucun comportement fautif en exécution du mandat qui lui a été confié par Mme M.,
- en conséquence,
- de dire et juger que la S.A.R.L. GEO est bien fondée à solliciter le remboursement des frais et avances qu'elle a engagés en exécution de son mandat,
- de condamner M. V. à payer à la société GEO la somme de 16.714,14 euros en remboursement des sommes exposées dans le cadre du mandat conclu le 30 octobre 2010,
- en tout état de cause,
- de débouter M. V. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- de condamner M. V. à verser à M. Mauro B. et la S.A.R.L. GEO la somme de 2.500 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.'
Au soutien de leur appel, ils font valoir :
'- que les parties au contrat ayant convenu que le mandataire était la S.A.R.L. GEO représentée physiquement par son gérant M. Mauro B., ce dernier doit être mis hors de cause,
- que le mandat cessant avec le décès du mandant, sa survivance doit résulter soit d'une dérogation conventionnelle soit d'éléments intrinsèques au mandat, ce qui en l'espèce fait défaut compte tenu de ce qu'après le décès de son épouse, le 2 juin 2016, M. V. a sollicité le retrait du permis de construire, qu'aucune construction n'a été entreprise, qu'aucune clause contractuelle n'a prévu la continuité après le décès du mandant,
- que le mandat n'étant pas un accessoire à un contrat synallagmatique principal dont il constitue la garantie, il n'a pas pu être transmis aux héritiers,
- que n'étant en possession que d'une copie du contrat, dont il n'est pas mentionné qu'il a été établi en plusieurs originaux, M. V. doit être débouté de sa demande de restitution sous astreinte du contrat original,
- que les pièces justificatives produites aux débats attestant des démarches administratives accomplies par la S.A.R.L. GEO ainsi que de l'engagement des frais inéluctables liés à l'opération de construction telle qu'envisagée par Mme M., tels que des frais de géomètre, de notaire, de taxes fiscales et des dépenses liées à la commercialisation des lots (encart publicitaire), la somme de 20000 euros qui a été effectivement versée correspond à un acompte sur le remboursement des frais engagés par la S.A.R.L. GEO après la décision de M. V. de ne pas poursuivre l'opération initiée par son épouse,
- qu'il ne peut sérieusement être soutenu que ce versement de 20000 euros survenu le 21 septembre 2016 après la demande de retrait du permis de construire, ainsi que de la notification de la révocation du mandat corresponde à un versement occulte dans le cadre d'une vente qui n'a pas été menée à son terme, et ce d'autant qu'en matière de vente, le transfert d'argent s'opère toujours de l'acquéreur à destination du vendeur et non l'inverse,
- qu'ayant hérité de l'actif détenu par son épouse et notamment le terrain litigieux objet des débats, M. V. a également hérité des dettes qu'elle a contractées à raison du mandat qu'elle a confié à la S.A.R.L. GEO, et dont il a commencé à régler par le versement de 20000 euros,
- qu'à défaut de toute demande de M. V. de statuer sur le comportement fautif tant de M. B. que de la S.A.R.L. GEO, le tribunal en retenant la faute du mandataire, a statué ultra petita,
- que la demande reconventionnelle du remboursement des avances et frais exposés visant l'article 1999 du code civilfigure bien au dispositif des conclusions initiales,
- que M. V. est mal fondé à les mettre en cause sur l'absence de construction, dès lors qu'il n'a plus voulu mener à terme le projet de son épouse pour lequel elle avait obtenu un permis de construire et qu'il était de l'intérêt de la S.A.R.L. GEO de mener à son terme le projet compte tenu des fonds avancés par son dirigeant-associé et du retour sur investissement
attendu,
- qu'il est inexact qu'un précédent permis de construire a été périmé faute de construction pendant le délai de validité,
- que c'est M. V. qui a refusé de signer chez le notaire en raison de la modification unilatérale de l'accord initial en décidant que la cession ne porterait plus que sur trois parcelles et non quatre,
- que la prétention selon laquelle le versement de la somme de 20000 euros serait causée par une contre-lettre ayant pour but une augmentation du prix stipulé dans l'acte notarié ou une diminution de celui-ci en vue de dissimuler une partie du prix, est inexacte en ce qu'il s'agit bien d'une avance au titre des dépenses engagées par la S.A.R.L. GEO, et inopérante en ce qu'il serait incompréhensible que ce serait le vendeur qui verserait de l'argent à l'acquéreur dans une opération de vente,
- que l'engagement dans les démarches préalables à l'opération de construction par les deniers personnels de M. B. qu'il a avancés pour le compte de la société dont il est associé et dirigeant, correspond d'un point de vue comptable à une avance en compte-courant d'associé et certainement pas à un abus de biens sociaux,
- que la fin de la relation contractuelle résultant du décès de la mandante sans aucunement leur être imputable, alors que le mandataire a tout mis en oeuvre pour honorer ses obligations, ils sont fondés à solliciter le remboursement de la somme de 20000 euros sur le fondement de l'article 1999 alinéa 1er du code civil, correspondant aux frais avancés en exécution du mandat s'élevant à la somme de 36.714,14 euros, soit un reliquat de 16 714,14 euros restant à devoir.
Par conclusions reçues au greffe le 7 mai 2019, M. V. demande :
- de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- d'ordonner, en application de l'article 462 du code de procédure civile, la rectification de la condamnation concernant la restitution de l'original du mandat comme suit :
'Ordonne à M. Mauro B. et à la S.A.R.L. GEO de restituer l'original du mandat du 30 décembre 2010 dans un délai de trois jours à compter de la signification du jugement, et sous peine d'une astreinte de 30 euros par jour de retard qui sera due in solidum par M. Mauro B. et la S.A.R.L. GEO ».
- de débouter la S.A.R.L. GEO de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- de condamner in solidum M. Mauro B. et la S.A.R.L. GEO à payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.'
Il fait valoir :
'- que la présence de la mention au contrat selon laquelle le mandataire était M. Mauro B. gérant de la S.A.R.L. GEO et non la S.A.R.L. GEO représentée par son gérant, explique que sa révocation a été faite tant à M. B. qu'à la société ainsi que la demande de leur condamnation in solidum,
- qu'en l'absence de réalisation de construction sept ans après la signature du mandat, puis en laissant le délai de validité du permis de construire devenir caduc, tout en exigeant alors
que l'acte authentique de vente était prêt à être conclu, que la cession porte sur 'd'autres parcelles que celles initialement prévues et mentionnées dans le projet et pour le même prix', et en encaissant de manière occulte et à titre personnel la somme de 20000 euros, la révocation du mandat a été justifiée par ces comportements fautifs,
- que l'encaissement de la somme de 20000 euros par M. B. qui n'avait aucun titre pour y procéder, sans avoir été prévu au contrat, ni dans le projet d'acte authentique de vente, ne correspond à aucune contrepartie dans le cadre de l'opération et est constitutif d'un abus de biens sociaux,
- qu'il est constant que toute somme payée de manière occulte dans le cadre d'une vente immobilière doit être restituée sans que celui qui l'a encaissée ne puisse invoquer la cause illicite de la remise pour se soustraire à cette restitution,
- que ce paiement étant indu, comme ne correspondant à aucune dette, doit être restitué,
- que la demande de désencombrement de la parcelle litigieuse qui figurait dans les courriers de révocation du mandat en date du 8 mars 2017 n'ayant pas été satisfaite, la condamnation prononcée d'avoir à y procéder doit être confirmée,
- que le mandat était à l'évidence l'accessoire d'une opération immobilière comportant des obligations synallagmatiques pesant sur le mandant qui cédait ses terrains et sur le mandataire qui s'engageait, en contrepartie, à construire une maison d'habitation au profit du mandant, comme cela résulte des termes même du mandat ainsi que du projet d'acte authentique de vente,
- que la somme de 20000 euros a bien été encaissée personnellement par M. B. antérieurement à la notification de la révocation du mandat,
- que les fautes imputables au mandataire empêchent de faire droit à sa demande de remboursement des frais et avances qu'il a exposés,
- que la rupture des relations contractuelles ne peut pas lui être imputée au motif que le projet d'acte notarié, contrairement au mandat, ne portait plus in fine que sur trois parcelles pour le même prix de vente.'
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 septembre 2019.
L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 23 janvier 2020. A cette audience, l'affaire a été renvoyée à la demande des avocats des parties poursuivant un mouvement de grève.
L'affaire a été fixée à l'audience du 28 mai 2020.
Les parties ont été avisées que l'affaire serait examinée en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 25 mars 2020.
L'affaire a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2020.
MOTIFS
Sur la mise hors de cause de M. B.
En désignant dans le mandat, 'M. B. Mauro gérant de la S.A.R.L. GEO' comme le mandataire, sans le rajout de la mention selon laquelle il allait agir 'ès qualités' ou bien 'en qualité de gérant de la S.A.R.L.' et non pas 'la S.A.R.L. GEO représentée par son gérant, M. B. Mauro', ce dernier ne peut pas sérieusement soutenir, à l'inverse même des termes du contrat, que la volonté du mandant a été de contracter avec lui en sa qualité de gérant.
D'autant, comme le relève fort justement l'intimé, que précisément c'est M. B. seul qui, conformément au mandat qu'il a reçu, sans avoir alors précisé agir en qualité de gérant de la S.A.R.L. GEO ni non plus démontrer par d'autres éléments que tel a été le cas, a en fait accompli en son nom personnel les démarches préalables à l'opération de construction, comme cela résulte de la déclaration préalable à la division de la propriété en deux lots effectuée à son nom, et de l'arrêté de non-opposition à la dite déclaration au nom de la commune de Lucciana, notifiée également à son seul nom, lequel patronyme seul apparaît encore sur le plan de division établi par le géomètre-expert en mai 2013, réceptionné au service de la DDTM de Bastia le 20 novembre 2013, sans jamais que ces actes ne se réfèrent à la S.A.R.L. Geo.
Il sera encore précisé que le mandat portant uniquement sur l'ensemble des démarches en vue de 'la construction de quatre maisons individuelles', il importe peu que sur le projet d'acte notarié de vente des trois parcelles provenant de la division de la parcelle de Mme M., le nom de l'acquéreur soit la S.A.R.L. Geo, puisque la dite vente n'a jamais figuré au dit mandat convenu entre les parties.
En conséquence, seul M. B. ayant la qualité de mandataire, sa demande de mise hors de cause sera rejetée, tandis que celle de la S.A.R.L. Geo sera accueillie favorablement, le jugement étant réformé sur ce point.
Sur la fin du mandat
Si en application de l'article 2003 du code civil, le mandat prend fin par la mort du mandant, les héritiers peuvent toutefois maintenir le mandat, y compris de manière tacite, en laissant agir le mandataire. En outre, le maintien du mandat peut se fonder sur une volonté tacite qui peut s'induire notamment de l'objet du mandat et du but dans lequel il a été donné.
En l'espèce, alors même que l'objet du mandat, qui ne contient aucune clause prévoyant sa continuité au-delà du décès du mandant, a été circonscrit à l'accomplissement des démarches en vue de réaliser quatre lots de 800 m² pour la construction de quatre maisons individuelles sur chaque lot, il résulte des écritures des parties et du projet d'acte notarié produit au débat, que le mandataire qui ne le conteste pas, s'était engagé en contrepartie de la cession faite par le mandant d'une partie de la parcelle, à lui édifier une maison d'habitation, comme ce dernier le revendique.
Au vu de ces éléments, il s'en suit que le mandat a bien été maintenu au-delà du décès de Marie M., et a été transmis à M. V..
Cependant, comme cela résulte des pièces produites, et comme le mandant ne le conteste pas, en agissant en fait de concert avec M. B., pour solliciter par courrier, datés tous
les deux du même jour, le 12 août 2016, le retrait de son permis de construire accordé par la commune de Lucciana sur la parcelle mentionnée au mandat, puis en lui remettant quelques semaines après, le 21 septembre 2016, une somme de 20 000 euros en espèces, sans établir qu'il s'agit d'un versement en rapport avec l'opération immobilière, le mandat qui ne pouvait donc plus s'inscrire, comme il le soutient pourtant, dans le cadre de la poursuite de l'opération immobilière puisqu'elle venait d'être abandonnée, a donc pris fin d'un commun accord des parties.
Dès lors, la notification le 8 mars 2017 par M. V. de la révocation du mandat au visa de l'article 2004 du code civil qui, même si elle vise divers comportements fautifs du mandataire n'a fait que donner date certaine à la fin du mandat, soit le 24 mars 2017, quinze jours après sa réception le 10 mars 2017 par M. B..
Si, en application de l'article 2004 du code civil, le mandataire doit remettre l'original du mandat au mandant, la cour relève que celui-ci produit parmi ses pièces, ledit original, sans établir que, lors de la signature, il a été constitué en double, de sorte que cette demande est sans objet.
En conséquence, le jugement condamnant, sous astreinte, M. B. et la S.A.R.L. Geo à y procéder doit être réformé et M. V. débouté de cette demande.
S'agissant par ailleurs des comportements fautifs imputées au mandataire, la cour relève en premier lieu que le mandat du 30 décembre 2010 n'a comporté aucune échéance dans son exécution, ni n'a imposé des délais d'exécution à la charge du mandataire, de sorte que le mandant ne peut arguer d'un quelconque grief résultant de l'absence de réalisation d'une construction plusieurs années après la signature, alors, par ailleurs, qu'il est justifié par le mandataire de la mise en oeuvre des démarches en vue de l'obtention des autorisations administratives s'y rapportant entre 2011 et 2014, et surtout, comme rappelé ci-dessus que M. V. a retiré son permis de construire dans l'opération immobilière envisagée.
En deuxième lieu, en l'absence de la production au débat d'un précédent permis de construire que le mandataire aurait laissé devenir caduc, distinct de ceux qui ont été accordés par la commune de Lucciana portant sur la parcelle de Marie M. visée au mandat, à la suite de sa demande en date du 21 septembre 2012 et de celle présentée par M. B. le 14 février 2012, ce grief allégué par le mandant à l'encontre de M. B. n'est pas plus fondé.
S'agissant en troisième lieu du grief résultant de l'exigence par le mandataire que la cession porte sur d'autres parcelles que celles initialement prévues, la cour entend relever à nouveau que d'une part, le mandat ne fait état d'aucun accord initial entre les parties sur un projet immobilier hormis la réalisation 'de quatre lots pour la construction de quatre maisons individuelles'.
D'autre part, alors qu'il est seulement produit le projet d'acte notarié de cession édité en 2016, transmis par courrier du notaire le 3 mai 2016 à la S.A.R.L. Geo, précisant qu'après la division de la parcelle BA 140, trois lots sont cédés à la S.A.R.L. Geo, les six autres demeurant la propriété de Marie M., aucune autre pièce, ni le courriel du notaire instrumentaire adressé le 13 mars 2017 au conseil de M. V. faisant état, selon les indications reçues de M. B., de la modification du contenu de la vente et de l'invitation alors faite par le notaire à M. V. de réfléchir davantage à la nouvelle proposition, ne permettent d'imputer à M. B. comme l'a fait le premier juge, l'échec de la cession envisagée par une volonté fautive du mandataire, celui-ci n'établissant pas plus d'ailleurs, comme pourtant soutenu, la modification des termes de l'accord initial par M. V..
En dernier lieu enfin, M. V. qui ne discute pas avoir versé la somme de 20 000 euros en espèces entre les mains de M. B., et qui produit le reçu que ce dernier a rédigé et lui a remis, peu après l'abandon du projet immobilier objet du mandat, lors du retrait en commun du permis de construire, ne procède que par voie d'affirmation pour qualifier ce versement d'occulte et ne produit aucun élément permettant de contredire efficacement que ledit paiement a bien été causé pour le travail et la dépense du mandataire comme cela y est précisé.
Ce dernier grief invoqué par M. V. ne pourra pas être retenu non plus.
En définitive, la révocation du mandat par M. V. autorisée par les dispositions de l'article 2004 du code civil ne peut pas être fondée sur les comportements fautifs du mandataire pour débouter celui-ci de ses demandes de remboursements des avances et frais fondées sur l'article 1999 du code civil, comme le premier juge l'a retenu.
Le jugement doit être, par conséquent, réformé sur ce point.
Sur la demande de remboursement au titre des frais avancés
M. B. et la S.A.R.L. Geo demandent le remboursement d'une somme de 36 714,14 euros au titre des frais avancés en exécution du mandat.
En vertu de l'article 1999 du code civil, le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l'exécution du mandat, et lui payer ses salaires lorsqu'il en a été promis.
S'il n'y a aucune faute imputable au mandataire, le mandant ne peut se dispenser de faire ces remboursements et paiements, lors même que l'affaire n'aurait pas réussi, ni faire réduire le montant des frais et avances sous le prétexte qu'ils pouvaient être moindres.
Il sera rappelé en premier lieu que M. B. seul ayant la qualité de mandant, comme il vient d'être jugé, les demandes présentées au nom de la S.A.R.L. Geo seront, par conséquent, déclarées irrecevables.
En second lieu, comme précédemment jugé aussi, le mandat n'ayant porté que sur ' les démarches et déclarations auprès des administrations compétentes' ainsi que sur les démarches en vue des 'arpentages, mesurages, concernant le terrain à bâtir en vue de la réalisation de quatre lots de 800 m² pour la construction de quatre maisons individuelles' seuls les frais avancés s'y rapportant sont à rembourser.
A cet égard, M. B. produit les pièces justificatives des frais de géomètre de 2011-2013 et 2014 pour 12 730,17 euros, d'EDF pour 937,87 euros, de la taxe locale d'équipement pour 3 996 euros, ainsi que les notes d'honoraires concernant l'élaboration des projets pour la réalisation de quatre villas pour 15 100,80 euros, soit un total de
32 764,84 euros, qui entre sans discussion dans l'objet du mandat et dont il est par conséquent fondé à obtenir le remboursement.
En revanche, sans précision ni explication de sa part sur la nature et l'objet des frais de notaire du 5 octobre 2015 pour 500 euros crédités au compte de la S.A.R.L. Geo, ni sur la facturation de plantations chez Marie M. pour 2 244 euros, le remboursement de ces sommes n'est pas justifié et il en sera débouté.
Egalement, alors qu'il sollicite le remboursement de la taxe d'aménagement de 2014 pour la somme de 3 089 euros, le titre de perception est émis au nom de Marie M. et il n'établit pas s'en être acquittée, ni l'avoir fait à sa place.
En conséquence cette demande sera également rejetée.
En définitive, la demande de remboursement au titre des frais avancés en exécution du mandat apparaît justifiée à hauteur de la somme de 32 764,84 euros, soit après déduction de la somme de 20 000 euros déjà versée par M. V. un reliquat de 12 764,84 euros, lequel sera condamné au paiement de la dite somme entre les mains de M. B..
Sur les autres demandes
Même si l'appelant a sollicité l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, en ce que notamment il lui a été ordonné, sous astreinte, de procéder à l'enlèvement des conteneurs, du matériel de construction et matériaux entreposés sur la parcelle BA n° 140, il ne développe à l'appui de son appel aucun moyen et se limite à viser dans ses conclusions, le courrier qu'il a adressé le 20 mars 2017 à M. V. où il lui précisait avoir commencé à retirer les matériaux de chantier sur le terrain.
Il ne produit pas non plus un constat d'huissier plus récent que celui que M. V. a fait établir pour son compte le 21 septembre 2016, dont il ne discute d'ailleurs pas les éléments, lequel atteste de la présence des deux conteneurs métalliques et des matériaux de chantier.
Faute de démontrer qu'il a effectivement exécuté l'obligation d'enlèvement mise à sa charge par le premier juge, la décision déférée sera confirmée sur ce point.
Au regard de la solution apportée au règlement du litige en cause d'appel, chacune des parties conservera à sa charge les dépens personnellement exposés ; il n'y a donc pas lieu, dans ces conditions, à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement qui a condamné in solidum M. Mauro B. et la S.A.R.L. Geo au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens sera réformé.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme le jugement prononcé le 27 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de Bastia en ce qu'il a ordonné à M. Mauro B. de procéder à l'enlèvement des conteneurs, du matériel, et des matériaux de construction entreposés sur la parcelle cadastrée section BA n° 140 dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir et sous peine d'une astreinte de 100 euros par jour de retard due par M. Mauro B.,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Met hors de cause la S.A.R.L. Geo, représentée par M. Mauro B.,
Déclare irrecevables les demandes de la S.A.R.L. Geo à l'encontre de M. Ange-Paul V.,
Dit que le mandat conclu le 30 décembre 2010 a été révoqué par la notification faite par M. V. le 8 mars 2017,
Condamne M. Ange-Paul V. à payer à M. Mauro B. la somme de 12 764,84 euros en remboursement des frais et avances engagés en exécution du mandat,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens personnellement exposés en première instance et en cause d'appel,
Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du même code tant en première instance qu'en cause d'appel.