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Décisions

TUE, 2e ch., 20 novembre 2024, n° T-733/19

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Zhejiang Sunflower Light Energy Science & Technology Ltd, Sunowe Solar GmbH

Défendeur :

Commission européenne

TUE n° T-733/19

19 novembre 2024

Arrêt

1 Par leur recours fondé sur l'article 263 TFUE, les requérantes, Zhejiang Sunflower Light Energy Science & Technology Ltd et Sunowe Solar GmbH, demandent l'annulation du règlement d'exécution (UE) 2019/1329 de la Commission, du 6 août 2019, invalidant les factures émises par Zhejiang Sunflower Light Energy Science & Technology Ltd en violation de l'engagement annulé par le règlement d'exécution (UE) 2017/1570 (JO 2019, L 207, p. 12, ci-après le « règlement attaqué »).

Antécédents du litige

2 La première requérante, Zhejiang Sunflower Light Energy Science & Technology, fabrique en République Populaire de Chine des modules photovoltaïques en silicium cristallin qu'elle exporte vers l'Union européenne. La seconde requérante, Sunowe Solar, importe dans l'Union des modules solaires fabriqués par la première requérante. Les requérantes indiquent appartenir au groupe Sunflower (Luxembourg) Light Energy Science & Technology Co. Ltd (ci-après le « groupe Sunflower »).

3 Le 4 juin 2013, la Commission européenne a adopté le règlement (UE) n o 513/2013, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine et modifiant le règlement (UE) n o 182/2013 soumettant à enregistrement ces importations originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 152, p. 5).

4 Le 2 août 2013, la Commission a adopté la décision 2013/423/UE, portant acceptation d'un engagement offert dans le cadre de la procédure antidumping concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République Populaire de Chine (JO 2013, L 209, p. 26). L'engagement de prix (ci-après l'« engagement ») a été offert par la Chambre de commerce chinoise pour l'importation et l'exportation de machines et de produits électroniques (China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products, ci-après la « CCCME ») au nom de la première requérante et de plusieurs autres producteurs-exportateurs chinois.

5 Le 2 décembre 2013, le Conseil de l'Union européenne a adopté le règlement d'exécution (UE) n o 1238/2013, instituant un droit antidumping définitif et collectant définitivement le droit antidumping provisoire institué sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 325, p. 1).

6 Le même jour, le Conseil a également adopté le règlement d'exécution (UE) n o 1239/2013, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 325, p. 66).

7 L'article 3, paragraphe 2, du règlement d'exécution n o 1238/2013 et l'article 2, paragraphe 2, du règlement d'exécution n o 1239/2013 prévoient, dans les mêmes termes, que la Commission peut identifier des transactions pour lesquelles une « dette douanière naît au moment de l'acceptation de la déclaration de mise en libre pratique » dans les situations où l'acceptation de l'engagement est retirée.

8 Le 4 décembre 2013, la Commission a adopté la décision d'exécution 2013/707/UE, confirmant l'acceptation d'un engagement offert dans le cadre des procédures antidumping et antisubventions concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République Populaire de Chine pour la période d'application des mesures définitives (JO 2013, L 325, p. 214).

9 Le 10 septembre 2014, l'engagement a été modifié par la décision d'exécution 2014/657/UE de la Commission, acceptant une proposition soumise par un groupe de producteurs-exportateurs en concertation avec la [CCCME] en vue de l'apport d'éclaircissements concernant la mise en œuvre de l'engagement visé dans la décision d'exécution 2013/707 (JO 2014, L 270, p. 6).

10 Les droits antidumping ont été étendus par le règlement d'exécution (UE) 2017/367 de la Commission, du 1 er mars 2017, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine à l'issue d'un réexamen au titre de l'expiration des mesures effectué en vertu de l'article 11, paragraphe 2, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil et clôturant l'enquête de réexamen intermédiaire partiel effectué en vertu de l'article 11, paragraphe 3, du règlement (UE) 2016/1036 (JO 2017, L 56, p. 131, ci-après le « règlement antidumping post-réexamen »).

11 Les droits compensateurs ont été étendus par le règlement d'exécution (UE) 2017/366 de la Commission, du 1 er mars 2017, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine à l'issue d'un réexamen au titre de l'expiration des mesures effectué en vertu de l'article 18, paragraphe 2, du règlement (UE) 2016/1037 du Parlement européen et du Conseil et clôturant le réexamen intermédiaire partiel effectué en vertu de l'article 19, paragraphe 3, du règlement (UE) 2016/1037 (JO 2017, L 56, p. 1, ci-après le « règlement antisubventions post-réexamen »).

12 Le droit ad valorem total applicable aux importations de cellules et de modules photovoltaïques originaires de Chine pour les sociétés, telles que la première requérante, non retenues dans l'échantillon qui ont coopéré et qui sont inscrites sur la liste figurant à l'annexe I du règlement d'exécution n o 1238/2013 et à l'annexe 1 du règlement d'exécution n o 1239/2013 est de 47,7 %. Il correspond à un droit antidumping de 41,3 % (article 1 er , paragraphe 2, du règlement d'exécution n o 1238/2013, remplacé par l'article 1 er , paragraphe 2, du règlement antidumping post-réexamen), auquel s'ajoute un droit compensateur de 6,4 % (article 1 er , paragraphe 2, du règlement d'exécution n o 1239/2013, remplacé par l'article 1 er , paragraphe 2, du règlement antisubventions post-réexamen).

13 Des dispositions équivalentes à celles mentionnées au point 7 ci-dessus ont été prévues à l'issue des enquêtes de réexamen au titre de l'expiration des mesures dans les règlements antidumping et antisubventions post-réexamen.

14 En 2017, l'engagement a été remplacé par une obligation de payer un droit égal à la différence entre le prix minimal à l'importation, variable, et le prix net franco frontière de l'Union, avant dédouanement, si ce dernier était inférieur au précédent et qui, en tout état de cause, ne dépassait pas 41,3 % pour le droit antidumping et 6,4 % pour le droit compensateur [article 1 er , paragraphe 1, et article 3, paragraphe 1, du règlement d'exécution (UE) 2017/1570 de la Commission, du 15 septembre 2017, modifiant le règlement d'exécution 2017/366 et le règlement d'exécution 2017/367 instituant des droits compensateurs et antidumping définitifs sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine, et abrogeant la décision d'exécution 2013/707 (JO 2017, L 238, p. 22, ci-après le « règlement d'abrogation »)]. Le règlement d'abrogation est entré en vigueur le 1 er octobre 2017.

15 Par lettre du 2 avril 2019, la Commission a informé les requérantes qu'elle entendait invalider les factures émises par la première requérante, en violation de l'engagement, et elle a communiqué les faits et les considérations essentielles sur lesquelles reposait cette démarche. Un document d'information générale a été annexé à cette lettre. Ce document a été complété par un document d'information spécifique complémentaire communiqué aux requérantes le 30 avril 2019.

16 Dans le document d'information générale, la Commission indiquait que la première requérante avait violé plusieurs obligations résultant de l'engagement et que, partant, elle entendait, d'une part, invalider l'ensemble des factures conformes à l'engagement accompagnant les ventes à la seconde requérante et, d'autre part, enjoindre aux autorités douanières de recouvrer la dette douanière qui serait née si les requérantes n'avaient pas présenté de factures conformes valides au moment de l'acceptation de la déclaration de mise en libre pratique des marchandises. La Commission accusait également la première requérante d'avoir commis une fraude, notamment une « sous-évaluation frauduleuse ».

17 Par courrier électronique du 10 mai 2019, les requérantes ont formulé des observations.

18 La Commission a confirmé ses conclusions dans le règlement attaqué, dont l'article 1 er est libellé comme suit :

« 1. Les factures conformes énumérées à l'annexe sont déclarées non valides.

2. Les droits antidumping et les droits compensateurs dus au moment de l'acceptation de la déclaration douanière de mise en libre pratique en vertu de l'article 3, paragraphe 2, [sous] b), du règlement d'exécution [...] n o 1238/2013, de l'article 2, paragraphe 2, [sous] b), du règlement [antidumping post-réexamen], de l'article 2, paragraphe 2, [sous] b), du règlement d'exécution [...] n o 1239/2013 et de l'article 2, paragraphe 2, [sous] b), du règlement [antisubventions post-réexamen] sont perçus. »

Conclusion des parties

19 Dans le dernier état de leurs conclusions, les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal :

– annuler le règlement attaqué ;

– condamner la Commission et le Conseil aux dépens.

20 La Commission, soutenue par le Conseil, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme non fondé ;

– condamner les requérantes aux dépens.

En droit

21 À l'appui de leur recours, les requérantes soulèvent deux moyens. Le premier moyen est tiré de l'illégalité prétendument commise par la Commission en déclarant invalides les factures en cause (voir point 18 ci-dessus) et en les soumettant à la perception de droits, alors même que les pouvoirs sur lesquels elle se serait fondée auraient expiré ou auraient été abrogés. Le second moyen est tiré de ce que lesdits droits ne pourraient être perçus sur des panneaux solaires, premièrement, qui ont été vendus à une partie liée aux requérantes et utilisés par celle-ci dans une centrale solaire photovoltaïque lui appartenant, deuxièmement, qui ont été vendus avant le 30 septembre 2014 à une partie liée aux requérantes et utilisés par celle-ci dans une centrale solaire photovoltaïque lui appartenant ou, troisièmement, qui n'ont jamais été revendus à un client indépendant, mais stockés.

Sur le premier moyen relatif à la compétence de la Commission pour adopter le règlement attaqué

22 Les requérantes soutiennent qu'il ressort de l'article 1 er du règlement attaqué que la Commission entendait déclarer non valides les factures en cause et percevoir les droits dus au moment de l'acceptation de l'engagement « en vertu des pouvoirs » conférés par l'article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement d'exécution n o 1238/2013, de l'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping post-réexamen, de l'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement d'exécution n o 1239/2013 et de l'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement antisubventions post-réexamen. Or, les deux règlements d'exécution de 2013 ont expiré, selon elles, le 7 décembre 2015, en application de leur article 5, et ceux de 2017, le 3 septembre 2018, en application de leur article 6.

23 En outre, avant même l'expiration desdits règlements d'exécution de 2017, les dispositions en cause auraient été abrogées par l'article 1 er , paragraphe 4, et l'article 3, paragraphe 3, du règlement d'abrogation. Partant, pour invalider l'engagement et ordonner la perception des droits, la Commission se serait illégalement fondée, dans le règlement attaqué, sur des pouvoirs qui n'existaient plus et, ce faisant, aurait agi sans fondement juridique, commettant ainsi un excès de pouvoir.

24 La Commission, soutenue par le Conseil, conteste les allégations des requérantes.

25 Il convient de relever que, ainsi qu'il ressort du point 118 de l'arrêt du 16 mars 2023, Commission/Jiangsu Seraphim Solar System et Conseil/Jiangsu Seraphim Solar System et Commission (C 439/20 P et C 441/20 P, EU:C:2023:211), le pouvoir des institutions de l'Union chargées de l'exécution du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de l'Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base antidumping ») et du règlement (UE) 2016/1037, du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de subventions de la part de pays non membres de l'Union européenne (JO 2016, L 176, p. 55, ci-après le « règlement de base antisubventions ») d'exiger le paiement, à la suite du retrait de l'acceptation d'un engagement, des droits dus au titre des transactions couvertes par les factures conformes invalidées, comme le prévoit, en l'espèce, l'article 1 er , paragraphe 2, du règlement attaqué, peut valablement se fonder sur l'article 8, paragraphe 9, du règlement de base antidumping et l'article 13, paragraphe 9, du règlement de base antisubventions. Conformément au point 119 de l'arrêt susvisé, la même conclusion s'impose par ailleurs en tant que l'article 1 er , paragraphe 1, du règlement attaqué prévoit l'invalidation de ces factures conformes.

26 En l'espèce, la Commission s'est référée, au considérant 30 du règlement attaqué, aux dispositions visées au point 25 ci-dessus, en indiquant que c'est sur cette base qu'elle avait informé les requérantes de son intention d'invalider les factures conformes, en leur donnant la possibilité d'être entendues et de présenter des observations. De même, ainsi qu'il ressort du considérant 20 dudit règlement, ces mêmes dispositions ont constitué avec l'article 14, paragraphe 7, du règlement de base antidumping et l'article 24, paragraphe 7, du règlement de base antisubventions le fondement sur lequel les autorités douanières d'un État membre ont soumis à la Commission des éléments de preuve portant sur la violation des engagements par la première requérante. C'est également en ce même sens que doivent être compris les considérants 39 et 57 du règlement attaqué. Enfin, le considérant 58 du règlement attaqué renvoie aux droits antidumping et compensateurs définitifs institués conformément à l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base antidumping et à l'article 14, paragraphe 4, du règlement de base antisubventions.

27 Dans ces circonstances, contrairement à ce qu'indiquent les requérantes, l'article 1 er du règlement attaqué ne saurait être interprété en ce sens que la Commission entendait déclarer non valides les factures conformes en cause et percevoir les droits antidumping et les droits compensateurs dus au moment de l'acceptation de la déclaration douanière de mise en libre pratique « en vertu des pouvoirs conférés » par les dispositions rappelées au point 22 ci-dessus, lesquelles, en substance, renvoient aux dispositions de l'article 8, paragraphe 9, du règlement de base antidumping et de l'article 13, paragraphe 9, du règlement de base antisubventions ou aux dispositions correspondantes dans les règlements de base antidumping et antisubventions précédents, à savoir le règlement (CE) n o 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51), et le règlement (CE) n o 597/2009 du Conseil, du 11 juin 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 188, p. 93). Ainsi, les dispositions rappelées au point 22 ci-dessus se limitent à prévoir la mise en place d'un système d'émission de factures conformes, sans être pour autant attributives de compétences dans le sens évoqué par les requérantes.

28 Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter comme non fondées les allégations des requérantes, selon lesquelles la Commission se serait fondée sur des pouvoirs qui avaient expiré ou qui avaient été abrogés.

29 Partant, il convient de rejeter le premier moyen.

Sur le second moyen, tiré de la délimitation erronée des produits auxquels pouvaient s'appliquer les droits antidumping et compensateurs en cause

30 Les requérantes soutiennent que les droits antidumping et compensateurs ne pouvaient être perçus sur des panneaux solaires qui soit ont été vendus à une partie liée aux requérantes et utilisés par celle-ci dans une centrale solaire photovoltaïque lui appartenant, soit ont été vendus avant le 30 septembre 2014 à une partie liée aux requérantes et utilisés par celle-ci dans une centrale solaire photovoltaïque lui appartenant (ci-après le « premier type de transactions »), soit qui n'ont jamais été revendus à un client indépendant, mais stockés jusqu'à l'expiration des droits antidumping et compensateurs (ci-après le « second type de transactions »).

31 En premier lieu, dans le premier type de transactions, les modules solaires produits et exportés par la première requérante auraient été installés dans un parc solaire en Italie. Ce parc solaire serait la propriété de A, dont le groupe Sunflower auquel les requérantes indiquent appartenir détient 50 % des parts. Les modules solaires importés dans l'Union moyennant certaines factures conformes invalidées par la Commission auraient finalement été vendus à une filiale B du promoteur du projet, également établie en Italie. Ainsi qu'il ressortirait d'une feuille Excel fournie à la Commission au cours de l'enquête administrative, certains des modules solaires en cause auraient été vendus à cette entreprise par la seconde requérante, qui les aurait auparavant achetés auprès de la première requérante. D'autres modules solaires lui auraient été vendus directement par la première requérante.

32 Selon les requérantes, aucune disposition des engagements ne régit le prix applicable aux importations de modules solaires qui ne sont pas revendus à un client indépendant, mais utilisés dans un parc solaire appartenant à une société qui leur est liée. En effet, l'engagement ne régirait que le prix facturé au premier client indépendant. Le prix minimal à l'importation applicable à la revente dans l'Union au premier client indépendant par une société qui leur est liée serait le prix minimal à l'importation applicable au moment de ladite revente, et non le prix minimal à l'importation applicable lorsque l'importateur lié à la seconde requérante a importé le module solaire.

33 Les requérantes contestent la validité des explications données par la Commission à la CCCME par la lettre du 30 septembre 2014, selon lesquelles les ventes des produits en cause pour la construction de parcs solaires par des entreprises liées aux requérantes constituaient une violation de l'engagement. D'une part, ces explications seraient dépourvues de toute valeur contraignante, dès lors qu'elles ne figurent ni dans un règlement, ni dans une décision, ni même dans un engagement formel. D'autre part, et en tout état de cause, elles ne pourraient concerner que les factures émises après le 30 septembre 2014.

34 En second lieu, s'agissant du second type de transactions, elles concerneraient les importations de modules solaires par la seconde requérante, qui n'auraient jamais été revendus, mais qui seraient restés en stock, pour certains jusqu'à la fin de l'engagement, en septembre 2017, pour d'autres jusqu'à l'expiration des mesures antidumping et compensatoires en cause, en septembre 2018. Enfin, selon les requérantes, certains modules solaires restaient encore en stock à la date de la rédaction de la requête.

35 Selon les requérantes, rien dans l'engagement n'interdisait le stockage des produits. Celui-ci n'aurait jamais été exclu en tant que violation de l'obligation de contrôle ou de toute autre obligation de l'engagement. Il ne serait pas non plus juste de supposer que, du seul fait que des rétro-commissions et d'autres paiements ont prétendument eu lieu pour certaines factures, la Commission était en droit d'invalider toutes les factures, y compris celles qui avaient trait à des marchandises stockées ou qui n'ont jamais été revendues à un client indépendant. Une telle interprétation serait disproportionnée et déchargerait les autorités douanières de la responsabilité d'enquêter sur chaque facture.

36 La Commission, soutenue par le Conseil, conteste les allégations des requérantes.

37 À titre liminaire, il y a lieu de constater que, ainsi que le soutient la Commission, les requérantes n'ont pas contesté, dans l'ensemble, l'existence d'un système de contournement de leurs obligations ressortant de l'engagement, tel que décrit aux considérants 22 à 27 du règlement attaqué, mais ont uniquement présenté des allégations portant sur certaines transactions concrètes. Les requérantes ont soutenu, en outre, qu'il n'était pas correct de supposer que, du seul fait que des rétrocommissions et des paiements ont prétendument eu lieu pour certaines factures, la Commission était en droit d'invalider toutes les factures.

38 En premier lieu, s'agissant du premier type des transactions en cause, la question se pose de savoir quel est le traitement à accorder, dans le contexte des engagements, aux modules solaires produits et exportés par la première requérante, qui sont installés dans un parc solaire appartenant à A, dont le groupe Sunflower détient 50 % des parts. Ainsi que l'indiquent les requérantes, les modules solaires importés dans l'Union moyennant certaines factures conformes invalidées par la Commission ont finalement été vendus à B, également en Italie. Certains des modules solaires en cause ont été vendus à cette société directement par la première requérante, d'autres par la seconde requérante, qui les avait auparavant achetés auprès de la première requérante.

39 À cet égard, premièrement, il est constant, comme cela ressort également des considérants 43 et 44 du règlement attaqué, que les produits en cause sont entrés dans l'Union, qu'ils ont été mis en libre pratique en vertu de factures conformes et qu'ils ont été exemptés des droits antidumping et conservatoires. Partant, ces transactions devaient être conformes aux engagements.

40 Deuxièmement, ainsi qu'il ressort du considérant 12 du règlement attaqué, la Commission a informé la CCCME par la lettre du 30 septembre 2014 que les reventes des modules solaires pour la construction de parcs solaires par une partie liée aux requérantes constituaient une violation des engagements. Cette information a été transmise par la CCCME aux producteurs-exportateurs qui étaient partie aux engagements.

41 À cet égard, comme le soutient la Commission, il ressort, en substance, de la clause 5.18 de l'engagement qu'il appartenait aux requérantes de s'assurer qu'aucune entreprise qui leur était liée, dont l'activité diffère de la production ou de la vente de modules photovoltaïques en silicium cristallin et de leurs composantes essentielles, ne prenne part au commerce issu de ces produits. De surcroît, il est indiqué à ladite clause 5.18 de l'engagement que les requérantes, en tant que parties à l'engagement, devaient donner à la Commission accès, sur sa demande, à toutes les informations nécessaires aux fins d'un contrôle des engagements. Ainsi, contrairement à ce que prétendent les requérantes, l'engagement régit les importations à destination d'entreprises liées. S'agissant de la lettre du 30 septembre 2014, elle ne faisait que rappeler et expliquer l'engagement, conformément à la clause 5.12 de celui-ci.

42 Troisièmement, les requérantes ont répondu aux questions écrites posées par le Tribunal dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure en soutenant, en substance, que A et B n'étaient pas des sociétés qui leur étaient liées, et elles ont également confirmé que ces deux sociétés n'étaient pas incluses dans l'engagement.

43 En particulier, d'une part, s'agissant de A, les requérantes l'ont décrite comme étant une société chargée de la construction de deux parcs solaires en Italie, à laquelle elles ont fourni les produits en cause, à savoir des modules photovoltaïques. Les requérantes ont précisé que ces produits avaient d'abord été livrés à B, pour, ensuite, être transmis à A. Dans la mesure où cette dernière société aurait été dans l'impossibilité d'effectuer un payement à la date de la livraison des produits en cause, 50 % de ses parts auraient été transférées au groupe Sunflower, entreprise de type holding pour plusieurs parcs solaires, aux fins de garantir le prix de vente, ainsi que le futur paiement, faisant suite à la revente des parcs solaires à un investisseur. Selon les requérantes, dans la mesure où la partie des parcs solaires comportant les produits en cause « a été détruite par un glissement de terrain », de sorte qu'elle n'a jamais été revendue à des investisseurs, les 50 % de parts restantes dans A ont été transférées au groupe Sunflower en 2019.

44 D'autre part, s'agissant de B, les requérantes indiquent qu'il s'agissait d'une société italienne indépendante ne présentant aucun lien avec elles (« no corporate relationships »). Les requérantes ont confirmé que cette société avait acheté les produits en cause auprès d'elles.

45 Dans ses réponses aux questions du Tribunal, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, la Commission a soutenu, en ce même sens, en substance, en référence au considérant 26 du règlement attaqué, que les parcs solaires en Italie ont été construits par A et B, qui avaient acheté une partie des modules solaires auprès de la seconde requérante et une autre partie auprès de la première requérante. La Commission a mis en exergue que les ventes de la première requérante concernaient les factures indiquées à l'annexe A.12, à la page 960, sous les désignations « SUNOWE14307-RE », « SUNOWE14308-RE » et « SUNOWE14309-RE ». La Commission a également effectué une référence à l'annexe A.17, page 1036, ainsi qu'aux documents, renvoyant aux déclarations d'un des témoins (membre du conseil d'administration des requérantes) dans le cadre d'une enquête pénale allemande, transmis à la Commission durant la procédure administrative par les autorités douanières allemandes (voir, en particulier, pages 777 et 778 de l'annexe A.10 à la requête, et pages 872 et 873 de l'annexe A.11 à la requête). Il ressort en substance desdites déclarations du témoin que les ventes en question, en Sicile (Italie), présentaient des risques de (ou constituaient un indice de) contournement du prix minimal à l'importation dans l'Union des produits en cause. Alors même que le témoin soutient ne pas avoir eu les documents confirmatifs définitifs à cet égard, il décrit, toutefois, le schéma frauduleux en question.

46 La Commission a également indiqué, aux points 9 à 14 de sa réponse aux questions du Tribunal dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, en substance, que A et B étaient liées aux requérantes, au sens de l'article 143, paragraphe 1, sous e), de son règlement (CEE) n o 2454/93, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d'application du règlement (CEE) n o 2913/92 du Conseil, établissant le code des douanes communautaire (JO 1993, L 253, p. 1). Ce fait serait, d'ailleurs, expressément reconnu par les requérantes au point 94 de la requête, s'agissant de A, eu égard à la référence effectuée à l'annexe A.16 de la requête, indiquant que le groupe Sunflower, auquel appartenaient les requérantes, détenait 50 % des parts de cette société.

47 La Commission indique également qu'il ressortait des éléments de preuve que C était désigné comme un représentant exclusif de A et de B, comme l'aurait mentionné le témoin dans le cadre de l'enquête pénale allemande, mentionnée au point 45 ci-dessus (voir annexe A.10 de la requête, page 778, et annexe A.11 de la requête, page 872). Partant, lesdites sociétés auraient été liées aux requérantes.

48 À titre liminaire, il convient de relever que la position des requérantes avancée dans leur réponse aux mesures d'organisation de la procédure, selon laquelle A et B étaient indépendantes d'elles, est en contradiction avec leur allégation présentée au point 94 de la requête, qui renvoie, dans le contexte de la construction du parc solaire en Italie, à une société liée aux requérantes et à une filiale du promoteur du projet. Par ailleurs, l'ensemble des éléments susvisés, présentés par la Commission, permettent effectivement de constater que A et B étaient liées aux requérantes. En particulier, le témoignage mentionné au point 45 ci-dessus indique, sous serment, des éléments portant sur les événements tels qu'ils ont eu lieu à l'époque pertinente, quant aux transactions liées à la vente des produits en cause en Sicile, qui démontrent une concertation entre les requérantes et les sociétés concernées en Sicile, présentant des risques de (ou un indice de) contournement du prix minimal à l'importation dans l'Union des produits en cause (voir également point 47 ci-dessus, renvoyant au fait que C était désigné comme un représentant exclusif de A et de B). Dans ces circonstances, au regard de la lecture combinée de l'article 143 du règlement n o 2454/93, de l'article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement d'exécution n o 1238/2013 et de l'article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement d'exécution n o 1239/2013, ainsi que de l'article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement antidumping post-réexamen et de l'article 2, paragraphe 1, sous a), du règlement antisubventions post-réexamen, B ne pouvait être considérée comme étant le « premier client indépendant » des requérantes, agissant comme importateur dans l'Union.

49 Or, conformément aux dispositions explicites de l'engagement, la définition de « partie liée dans l'Union européenne » nécessitait qu'une telle partie soit mentionnée à l'annexe XI de l'engagement, ce qui précisément n'a pas été le cas en l'espèce. Par ailleurs, il ressort des clauses 6.2 et 6.3 de l'engagement qu'il appartenait aux requérantes d'informer la Commission de leur intention d'ajouter une nouvelle partie liée à celles dont elles l'avaient déjà informée à la date de l'adoption de l'engagement.

50 De surcroît, il ressort de la clause 5.18 de l'engagement que les sociétés liées, non incluses dans l'engagement, n'entreprennent pas d'activités relatives aux produits concernés. De même, les requérantes n'ont pas indiqué avoir consulté la Commission au sujet de leur intention de vendre les produits en cause à des entreprises liées dans l'Union, non incluses dans l'annexe XI de l'engagement. Partant, il ne s'agissait pas non plus de « ventes directes » correspondant aux dispositions citées au point 48 ci-dessus.

51 Dans ces circonstances, dès lors que la clause 5.18 de l'engagement s'applique au cas de A et B considérées comme étant liées aux requérantes (voir points 41, 46, 48 et 50 ci-dessus), il n'est pas non plus possible de considérer, comme le suggèrent les requérantes, que ce ne seraient que les factures, portant sur les transactions après le 30 septembre 2014, qui pourraient être sujettes à invalidation sur cette base. En outre, ainsi qu'il ressort des déclarations du témoin dans le cadre d'une enquête pénale allemande (voir point 45 ci-dessus), et comme décrit aux considérants 25, 43 et 48 du règlement attaqué, un schéma frauduleux a été prévu, impliquant tant A que B, ce qui, dans le contexte de l'ensemble des éléments décrits à cet égard dans le règlement attaqué, constituait un indice dont la Commission pouvait raisonnablement tenir compte. Partant, il convient de rejeter comme non fondées les allégations des requérantes portant sur les ventes à A et à B.

52 En second lieu, s'agissant du second type de transactions en cause, à titre liminaire, c'est à juste titre que la Commission avance que ces importations ont été accompagnées par des factures conformes et que les modules photovoltaïques ont été mis en libre pratique sans paiement de droits antidumping ou compensateurs sur la base du respect des conditions de l'engagement. Partant, même ces produits devaient se conformer aux conditions de l'engagement (voir également considérant 44 du règlement attaqué).

53 Ensuite, ainsi qu'il a été indiqué au considérant 45 du règlement attaqué, les requérantes n'ont présenté, durant la procédure administrative, que certains exemples de factures conformes concernant les transactions en cause, ainsi que des tableaux Excel à cet égard et des références correspondantes quant au stockage dans des containers.

54 Il ressort de ces éléments que, en principe, pour ces transactions, les produits en cause ont été stockés pendant de longues années. Partant, le lien entre l'importation et la revente a été rendu particulièrement peu clair, voire même a été rompu, de sorte qu'il n'était plus possible de procéder à un contrôle précis du respect des engagements. Ainsi qu'il est indiqué au considérant 45 du règlement attaqué et comme le soutient la Commission, une telle situation renforce le risque de spéculation quant au prix minimal à l'importation.

55 Les circonstances, soulignées par les requérantes, selon lesquelles ces modules solaires auraient été en stock lorsque l'engagement a pris fin en septembre 2017, certains étant encore stockés lorsque les mesures antidumping et compensateurs ont entièrement expiré en septembre 2018 ou certains l'étant jusqu'à la date de la rédaction de la requête, ne constituent pas des éléments décisifs.

56 En effet, ainsi qu'il ressort des considérants 46 et 47 du règlement attaqué, et comme le soutient à juste titre la Commission, la clause 3.8 de l'engagement doit être lue dans le contexte de celui-ci dans son ensemble, ainsi que de sa clause 3.1. Il en ressort que le producteur exportateur doit respecter le prix minimal à l'importation, même lorsque celle-ci a lieu par l'intermédiaire d'un importateur lié. Dans ces circonstances, le prix minimal à l'importation doit être appliqué même lorsque les factures conformes ont été émises lors d'une revente par l'importateur lié après l'expiration des droits antidumping et compensateurs, si les produits en cause ont été approuvés à la libre circulation avant ladite expiration. C'est le dernier prix minimal à l'importation précédant l'expiration des droits antidumping et compensateurs qui s'applique (voir également considérant 47 du règlement attaqué). La situation est analogue s'agissant des factures conformes concernant des produits qui demeurent en stock.

57 Enfin, il convient de tenir compte du fait que, comme le soutient la Commission, les requérantes ne contestent pas avoir participé à un schéma consistant notamment en des rétrocommissions ainsi qu'à une sous-évaluation des prix de certains services liés aux parcs solaires, dans le contexte des ventes aux importateurs liés aux requérantes, tel que décrit au considérant 23 du règlement attaqué. Dans ces circonstances, compte tenu des difficultés dans le contrôle des transactions, aggravées par l'absence de clarté, voire même par la rupture du lien entre l'importation des produits en cause et leur revente lorsqu'ils étaient gardés en stock pendant de longues années, c'est à bon droit que la Commission a considéré que l'ensemble des transactions et des factures portant sur les modules solaires revendus par la première requérante par le biais de son importateur lié étaient affectés par ce schéma frauduleux, indépendamment de la question de savoir si une revente à un client indépendant dans l'Union a eu lieu.

58 Partant, il convient de rejeter le second moyen, ainsi que le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

59 Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

60 Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

61 Le Conseil supportera ses propres dépens, conformément à l'article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Zhejiang Sunflower Light Energy Science & Technology Ltd et Sunowe Solar GmbH sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3) Le Conseil de l'Union européenne supportera ses propres dépens.