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Décisions

TUE, 2e ch., 20 novembre 2024, n° T-660/20

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Zhejiang Beyondsun Green Energy Technology Co. Ltd

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Juges :

MM. Valasidis, MM. Schwarcz

TUE n° T-660/20

19 novembre 2024

Arrêt

1 Par son recours fondé sur l'article 263 TFUE, la requérante, Zhejiang Beyondsun Green Energy Technology Co. Ltd, demande l'annulation du règlement d'exécution (UE) 2020/1216 de la Commission, du 24 août 2020, invalidant les factures [qu'elle a] établies en violation de l'engagement annulé par le règlement d'exécution (UE) 2017/1570 (JO 2020, L 276, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).

Antécédents du litige

2 La requérante fabrique en République Populaire de Chine des modules photovoltaïques en silicium cristallin qu'elle exporte vers l'Union européenne.

3 BT Solar d.o.o., la première intervenante, établie en Croatie, est l'importateur des modules solaires faisant l'objet des factures invalidées par le règlement attaqué, alors que RC-Log d.o.o., la seconde intervenante, établie en Slovénie, a agi en tant que déclarant en douane pour les importations en cause.

4 Le 4 juin 2013, la Commission européenne a adopté le règlement (UE) n o 513/2013, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine et modifiant le règlement (UE) n o 182/2013 soumettant à enregistrement ces importations originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 152, p. 5).

5 Le 2 août 2013, la Commission a adopté la décision 2013/423/UE, portant acceptation d'un engagement offert dans le cadre de la procédure antidumping concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules et wafers) originaires ou en provenance de la République Populaire de Chine (JO 2013, L 209, p. 26). L'engagement de prix (ci-après l'« engagement ») a été offert par la Chambre de commerce chinoise pour l'importation et l'exportation de machines et de produits électroniques (China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products, ci-après la « CCCME ») au nom de la requérante et de plusieurs autres producteurs-exportateurs chinois.

6 Le 2 décembre 2013, le Conseil de l'Union européenne a adopté le règlement d'exécution (UE) n o 1238/2013, instituant un droit antidumping définitif et collectant définitivement le droit antidumping provisoire institué sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 325, p. 1).

7 Le même jour, le Conseil a également adopté le règlement d'exécution (UE) n o 1239/2013, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine (JO 2013, L 325, p. 66).

8 L'article 3, paragraphe 2, du règlement d'exécution n o 1238/2013 et l'article 2, paragraphe 2, du règlement d'exécution n o 1239/2013 prévoient, dans les mêmes termes, que la Commission peut identifier des transactions pour lesquelles une « dette douanière naît au moment de l'acceptation de la déclaration de mise en libre pratique » dans les situations où l'acceptation de l'engagement est retirée.

9 Le 4 décembre 2013, la Commission a adopté la décision d'exécution 2013/707/UE, confirmant l'acceptation d'un engagement offert dans le cadre des procédures antidumping et antisubventions concernant les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République Populaire de Chine pour la période d'application des mesures définitives (JO 2013, L 325, p. 214).

10 Le 10 septembre 2014, l'engagement a été modifié par la décision d'exécution 2014/657/UE de la Commission, acceptant une proposition soumise par un groupe de producteurs-exportateurs en concertation avec la [CCCME] en vue de l'apport d'éclaircissements concernant la mise en œuvre de l'engagement visé dans la décision d'exécution 2013/707 (JO 2014, L 270, p. 6).

11 Les droits antidumping ont été étendus par le règlement d'exécution (UE) 2017/367 de la Commission, du 1 er mars 2017, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine à l'issue d'un réexamen au titre de l'expiration des mesures effectué en vertu de l'article 11, paragraphe 2, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil et clôturant l'enquête de réexamen intermédiaire partiel effectué en vertu de l'article 11, paragraphe 3, du règlement (UE) 2016/1036 (JO 2017, L 56, p. 131, ci-après le « règlement antidumping post-réexamen »).

12 Les droits compensateurs ont été étendus par le règlement d'exécution (UE) 2017/366 de la Commission, du 1 er mars 2017, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine à l'issue d'un réexamen au titre de l'expiration des mesures effectué en vertu de l'article 18, paragraphe 2, du règlement (UE) 2016/1037 du Parlement européen et du Conseil et clôturant le réexamen intermédiaire partiel effectué en vertu de l'article 19, paragraphe 3, du règlement (UE) 2016/1037 (JO 2017, L 56, p. 1, ci-après le « règlement antisubventions post-réexamen »).

13 Le droit ad valorem total applicable aux importations de cellules et de modules photovoltaïques originaires de Chine fabriqués et exportés par la requérante, fixé par les règlements d'exécution n o 1238/2013 et n o 1239/2013 et, à l'issue des enquêtes de réexamen au titre de l'expiration des mesures, par les règlement antidumping et antisubventions post-réexamen, est de 47,7 %, soit un droit antidumping de 41,3 % (article 1 er , paragraphe 2, du règlement d'exécution n o 1238/2013, remplacé par l'article 1 er , paragraphe 2, du règlement antidumping post-réexamen), auquel s'ajoute un droit compensateur de 6,4 % (article 1 er , paragraphe 2, du règlement d'exécution n o 1239/2013, remplacé par l'article 1 er , paragraphe 2, du règlement antisubventions post-réexamen).

14 Des dispositions équivalentes à celles mentionnées au point 8 ci-dessus ont été prévues à l'issue des enquêtes de réexamen au titre de l'expiration des mesures dans les règlements antidumping et antisubventions post-réexamen.

15 Par son règlement d'exécution (UE) 2017/1570, du 15 septembre 2017, modifiant le règlement d'exécution 2017/366 et le règlement d'exécution 2017/367 instituant des droits compensateurs et antidumping définitifs sur les importations de modules photovoltaïques en silicium cristallin et leurs composants essentiels (cellules) originaires ou en provenance de la République populaire de Chine, et abrogeant la décision d'exécution 2013/707 (JO 2017, L 238, p. 22 ; ci-après le « règlement d'abrogation »), la Commission a modifié les règlements antidumping et antisubventions post-réexamen et a abrogé l'engagement, le remplaçant par une obligation de payer un droit égal à la différence entre le prix minimal à l'importation, variable, et le prix net franco frontière de l'Union, avant dédouanement, si ce dernier était inférieur au précédent (ci-après le « PMI de droit variable »). Afin de bénéficier du PMI de droit variable, une facture commerciale, établie conformément à l'annexe V du règlement antidumping post-réexamen et à l'annexe 4 du règlement antisubventions post-réexamen, devait être présentée au moment où les marchandises étaient mises en libre pratique dans l'Union. Le règlement d'abrogation est entré en vigueur le 1 er octobre 2017. À partir de ce moment, les importations dont la valeur déclarée était égale ou supérieure au PMI de droit variable n'étaient assujetties à aucun droit. Si le produit était importé à un prix inférieur au PMI de droit variable, les autorités douanières étaient, en revanche, habilitées à prélever immédiatement des droits.

16 Par lettre du 30 avril 2020, la Commission a informé la requérante qu'elle entendait invalider les factures émises par cette dernière en violation de l'engagement, et elle a communiqué les faits et les considérations essentielles sur lesquelles reposait cette démarche. Un document d'information générale a été annexé à cette lettre.

17 Dans le document d'information générale, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle estimait que la requérante avait violé plusieurs obligations résultant de l'engagement, premièrement, en établissant des factures conformes à l'engagement pour lesquelles les transactions financières sous-jacentes ne correspondaient pas au prix minimal à l'importation applicable en vertu de l'engagement, deuxièmement, en établissant des factures ne respectant pas les exigences relatives au contenu énoncées respectivement à l'annexe III du règlement antidumping post-réexamen et à l'annexe 2 du règlement antisubventions post-réexamen, troisièmement, en déclarant un prix de vente correspondant au prix minimal à l'importation applicable en vertu de l'engagement à la date de la facture, alors que le prix de vente sur la facture commerciale ordinaire était inférieur à celui communiqué à la Commission et, quatrièmement, en établissant en parallèle des factures commerciales en application, respectivement, de l'annexe V du règlement antidumping post-réexamen et de l'annexe 4 du règlement antisubventions post-réexamen.

18 Par conséquent, la Commission a indiqué qu'elle entendait, d'une part, invalider les factures conformes à l'engagement, à savoir des factures émises entre le 23 août 2017 et le 13 septembre 2017 et, d'autre part, retirer le nom de la requérante de la nouvelle annexe VI du règlement antidumping post-réexamen et de la nouvelle annexe 5 du règlement antisubventions post-réexamen, rétroactivement à compter du 1 er octobre 2017, avec pour conséquence la perception rétroactive des droits applicables sur les importations couvertes par ces factures.

19 Par courrier électronique du 31 mai 2020, la requérante a formulé des observations sur le document d'information générale.

20 Le 9 juin 2020, une audition s'est tenue avec la Commission par vidéoconférence, à la demande de la requérante.

21 Le 12 juin 2020, la requérante a fourni des éclaircissements et des observations supplémentaires à la Commission.

22 La Commission a confirmé ses conclusions dans le règlement attaqué, dont les articles 1 er et 2 sont libellés comme suit :

« Article premier

1. Les factures conformes énumérées à l'annexe sont déclarées invalides.

2. Ces factures conformes ne sont pas acceptées par les autorités douanières comme des factures commerciales au titre de l'annexe V du règlement [antidumping post-réexamen] et de l'annexe 4 du règlement [antisubventions post-réexamen].

Article 2

1. Zhejiang Trunsun Solar Co. Ltd est retiré, à compter du 1 er octobre 2017, de la nouvelle annexe VI du règlement [antidumping post-réexamen], tel que modifié par le règlement [d'abrogation], et de la nouvelle annexe 5 du règlement [antisubventions post-réexamen], tel que modifié par le règlement [d'abrogation].

2. Les droits antidumping et les droits compensateurs dus au moment de l'acceptation de la déclaration douanière de mise en libre pratique [...] sont perçus pour les importations dédouanées avec les factures invalidées en vertu de l'article 1 er , paragraphe 1, excepté lorsque les délais de prescription applicables ont expiré conformément aux règles figurant à l'article 103 du règlement (UE) n o 952/2013.

3. Toutes les autres importations de Zhejiang Trunsun Solar Co. Ltd effectuées à partir du 1 er octobre 2017 et accompagnées d'une facture commerciale valide établie à partir de cette date en application de l'annexe V du règlement [antidumping post-réexamen] et de l'annexe 4 du règlement [antisubventions post-réexamen] ne sont pas concernées. »

Conclusions des parties

23 La requérante, soutenue par les intervenantes, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

– annuler le règlement attaqué ;

– condamner la Commission et le Conseil aux dépens.

24 La Commission, soutenue par le Conseil, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours ;

– condamner la requérante aux dépens.

En droit

25 À l'appui de son recours, la requérante soulève, trois moyens.

26 Le premier moyen est tiré d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une violation de l'article 8 du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de l'Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base antidumping »), et de l'article 13 du règlement (UE) 2016/1037 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de subventions de la part de pays non membres de l'Union européenne (JO 2016, L 176, p. 55, ci-après le « règlement de base antisubventions ») qu'aurait commises la Commission lorsqu'elle a considéré que la requérante avait violé les conditions de l'engagement. Le deuxième moyen est tiré de l'illégalité prétendument commise par la Commission en déclarant invalides les factures en cause et en les soumettant à la perception de droits, alors même que les pouvoirs sur lesquels elle se serait fondée auraient expiré ou auraient été abrogés. Le troisième moyen est tiré d'une violation de l'article 8, paragraphes 1, 9 et 10, et l'article 10, paragraphe 5, du règlement de base antidumping, ainsi que de l'article 13, paragraphes 1, 9 et 10, et l'article 16, paragraphe 5, du règlement de base antisubventions, en ce que la Commission a invalidé des factures conformes et a enjoint, ensuite, aux autorités douanières de percevoir les droits rétroactivement.

27 Par courrier du 7 avril 2023, la requérante a indiqué qu'elle renonçait à son troisième moyen, étant donné que celui-ci était substantiellement analogue aux questions soulevées par Jiangsu Seraphim Solar System Co. Ltd dans les affaires ayant donné lieu à l'arrêt du 16 mars 2023, Commission/Jiangsu Seraphim Solar System et Conseil/Jiangsu Seraphim Solar System et Commission (C 439/20 P et C 441/20 P, EU:C:2023:211).

Sur le premier moyen relatif à une violation des termes de l'engagement

28 La requérante, soutenue par les intervenantes, fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation et violé l'article 8 du règlement de base antidumping et l'article 13 du règlement de base antisubventions, et plus particulièrement le paragraphe 9 de ces deux dispositions, en considérant, dans le règlement attaqué, qu'elle avait violé les termes de l'engagement en établissant des factures avec un prix revu conforme au PMI de droit variable pour des importations mises en libre pratique après l'entrée en vigueur du règlement d'abrogation, annulant l'engagement et introduisant le régime du PMI de droit variable.

29 La requérante soutient également que, dans le règlement attaqué, la Commission a erronément interprété l'engagement ou dénaturé les faits de l'espèce, en considérant que, premièrement, les factures accompagnant les importations, émises avant le 1 er octobre 2017, c'est-à-dire avant l'annulation de l'engagement, auraient dû être établies conformément aux termes de l'engagement, indépendamment de la date de mise en libre pratique des produits concernés, deuxièmement, la requérante n'était pas autorisée à émettre des factures autres que des factures conformes à l'engagement avant la date d'entrée en vigueur du règlement d'abrogation et, troisièmement, les factures en question sont invalides, sans tenir compte du fait qu'elles ont été établies conformément au cadre juridique du PMI de droit variable, tel qu'introduit par le règlement d'abrogation.

30 La requérante soutient également que le règlement d'abrogation ne conférerait aucune base juridique à la Commission pour invalider des factures commerciales établies conformément au régime du PMI de droit variable et prétend qu'elle pouvait légitimement s'attendre à ce qu'aucun droit ne soit perçu sur les marchandises en question, puisqu'elle avait respecté le nouveau cadre juridique du PMI de droit variable introduit par le règlement d'abrogation.

31 La Commission conteste les allégations de la requérante.

32 À cet égard, il convient de relever qu'il ressort, d'une part, de la clause 3.1 de l'engagement que les entreprises parties à celui-ci se sont engagées à ne vendre les produits couverts qu'à un prix égal ou supérieur au prix minimal à l'importation prévu à la clause 3.4 et à l'annexe I et, d'autre part, de la clause 2.2 de l'engagement que ce prix minimal doit être respecté en ce qui concerne toutes les exportations vers l'Union de produits couverts qui, en l'absence de l'engagement, feraient l'objet de droits antidumping.

33 En outre, figure à la clause 2.5 de l'engagement une obligation, pour les entreprises parties à celui-ci, de soumettre à la Commission des rapports de ventes détaillés, afin de permettre à cette institution de contrôler le respect de l'engagement. À cette fin, il est précisé dans l'annexe II de l'engagement que la soumission d'information erronée ou trompeuse peut conduire la Commission à retirer l'acceptation de l'engagement. Il y a également lieu de souligner que, conformément à la clause 9.6 de l'engagement, les annexes font partie intégrante de celui-ci.

34 Enfin, il y a lieu de rappeler que l'engagement était applicable jusqu'au 30 septembre 2017 et que, à partir du 1 er octobre 2017, est entré en vigueur le régime du PMI de droit variable établissant un prix minimal à l'importation inférieur à celui prévu par l'engagement.

35 En l'espèce, il ressort des pièces déposées devant le Tribunal par la requérante que, en date du 14 et du 18 août 2017, cette dernière a convenu de vendre à la première intervenante des modules solaires à un prix conforme à l'engagement et, à cette fin, a établi deux factures pro forma. La requérante a ensuite émis, entre le 23 août et le 13 septembre 2017, douze factures conformes à l'engagement, qu'elle a déclarées à la Commission conformément à celui-ci et pour lesquelles elle a obtenu des certificats d'engagement à l'exportation.

36 À la suite de la publication, le 16 septembre 2017, du règlement d'abrogation, la requérante a, en date du 20 septembre 2017, convenu avec la première intervenante de réviser le prix prévu dans ces factures, pour l'abaisser à un prix conforme au PMI de droit variable, mais inférieur au prix minimal prévu par l'engagement. La requérante a alors émis deux factures pro forma révisées, portant le même numéro que les factures initialement émises, mais la date du 20 septembre 2017, et a établi de nouvelles factures commerciales portant le même numéro et la même date que les douze factures conformes initiales.

37 Il en découle que, le 20 septembre 2017, la requérante a accepté de vendre à la première intervenante des produits couverts par l'engagement, à un prix inférieur au prix minimal à l'importation prévu par celui-ci. Or, à cette date, l'engagement était encore en vigueur, ce que la requérante ne conteste pas, avec pour conséquence, d'une part, que, en convenant d'un tel prix, elle a enfreint ledit engagement et, d'autre part, qu'elle n'était pas encore en droit d'émettre des factures conformes au régime du PMI de droit variable. Force est par ailleurs de constater que la requérante a présenté les factures révisées aux autorités douanières slovènes, mais qu'elle n'a pas informé la Commission que les factures conformes initiales, qu'elle lui avait pourtant déclarées, avaient été modifiées et que le prix qui y était indiqué avait été revu à la baisse, ce qui paraît contraire à l'interdiction de soumettre des informations erronées ou trompeuses prévue à l'annexe II de l'engagement.

38 En tout état de cause, il est difficilement concevable que des factures, datées entre le 23 août et le 13 septembre 2017, puissent être soumises au régime du PMI de droit variable, alors même que le règlement introduisant ledit régime a été publié le 16 septembre 2017 et qu'il est entré en vigueur le 1 er octobre 2017, de sorte que l'argument de la requérante, selon lequel seule compte la date de mise en libre pratique des marchandises concernées, ne saurait être accueilli. L'argument de la requérante, selon lequel elle pouvait légitimement s'attendre à ce que le régime du PMI de droit variable s'applique aux marchandises couvertes par ces factures, alors même qu'elles ont été établies préalablement à son entrée en vigueur, doit, pour ce motif, être rejeté.

39 Dès lors, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, sans erronément interpréter l'engagement et sans dénaturer les faits que la Commission a considéré, dans le règlement attaqué, que la requérante avait manqué aux termes de l'engagement et, plus particulièrement, que les factures visées auraient dû respecter ledit engagement, que la requérante n'était pas autorisée à émettre des factures conformes au régime du PMI de droit variable avant l'entrée en vigueur de celui-ci et, partant, que les factures visées étaient invalides, et ce même si elles étaient prétendument conformes au nouveau régime.

40 Par ailleurs, en tant que la requérante soutient que la Commission ne disposait d'aucune base juridique pour invalider des factures commerciales établies conformément au régime du PMI de droit variable, il convient d'observer que, aux points 115 à 119 de son arrêt du 16 mars 2023, Commission/Jiangsu Seraphim Solar System et Conseil/Jiangsu Seraphim Solar System et Commission (C 439/20 P et C 441/20 P, EU:C:2023:211), la Cour a considéré, en substance, que l'article 8, paragraphe 9, du règlement de base antidumping et l'article 13, paragraphe 9, du règlement de base antisubventions étaient susceptibles de permettre l'invalidation de factures et la perception des droits à l'égard des transactions visées par ces factures, notamment en cas de violation d'un engagement.

41 En outre, force est de constater qu'il ressort, en substance, du considérant 54 du règlement d'abrogation que les producteurs-exportateurs qui ont violé l'engagement ne devraient pas pouvoir bénéficier du PMI de droit variable, même si cette violation est constatée après l'expiration de l'engagement, et que, dans de tels cas, la Commission est habilitée à retirer le nom de la ou des sociétés concernées de la nouvelle annexe VI du règlement antidumping post-réexamen et de la nouvelle annexe 5 du règlement antisubventions post-réexamen dans le cadre du même acte juridique constatant la violation de l'engagement.

42 Dès lors, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission disposait bien d'une base juridique pour décider, dans le règlement attaqué, après avoir constaté que la requérante n'avait pas respecté l'engagement, d'invalider les factures concernées, d'ordonner la perception des droits à l'égard des transactions visées par ces factures, et de retirer le nom de la requérante de la nouvelle annexe VI du règlement antidumping post-réexamen et de la nouvelle annexe 5 du règlement antisubventions post-réexamen, rétroactivement à partir du 1 er octobre 2017.

43 Il découle de ce qui précède que la requérante n'est pas parvenue à démontrer que la Commission aurait, dans le règlement attaqué, commis une erreur manifeste d'appréciation ou enfreint l'article 8 du règlement de base antidumping et l'article 13 du règlement de base antisubventions.

44 Partant, il convient de rejeter le premier moyen.

Sur le second moyen relatif à la compétence de la Commission pour adopter le règlement attaqué

45 La requérante, soutenue par les intervenantes, fait valoir qu'il ressort des articles 1 er et 2 du règlement attaqué que la Commission a déclaré non valides les factures en cause et ordonné la perception des droits dus au moment de l'acceptation de l'engagement « en vertu des pouvoirs » conférés par l'article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement d'exécution n o 1238/2013, de l'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement antidumping post-réexamen de 2017, de l'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement d'exécution n o 1239/2013 et de l'article 2, paragraphe 2, sous b), du règlement antisubventions post-réexamen de 2017. Or, les deux règlements d'exécution de 2013 ont expiré, selon elle, le 7 décembre 2015, en application de leur article 5, et ceux de 2017, le 3 septembre 2018, en application de leur article 6.

46 En outre, avant même l'expiration desdits règlements de 2017, les dispositions en cause auraient été abrogées par l'article 1 er , paragraphes 4 et 5, et l'article 3, paragraphes 3 et 4, du règlement d'abrogation. La requérante ajoute qu'il ne suffisait pas que le règlement d'abrogation explique que les pouvoirs de la Commission seraient maintenus après l'abrogation. Selon elle, la Commission ne disposait dès lors pas du pouvoir d'invalider des factures et d'enjoindre aux autorités douanières de percevoir des droits rétroactivement. Partant, pour invalider l'engagement et ordonner la perception des droits, la Commission se serait illégalement fondée, dans le règlement attaqué, sur des pouvoirs qui n'existaient plus et, ce faisant, aurait agi sans fondement juridique.

47 La Commission conteste les allégations de la requérante.

48 Il convient de relever que, ainsi qu'il ressort du point 118 de l'arrêt du 16 mars 2023, Commission/Jiangsu Seraphim Solar System et Conseil/Jiangsu Seraphim Solar System et Commission (C 439/20 P et C 441/20 P, EU:C:2023:211), le pouvoir des institutions de l'Union chargées de l'exécution des règlements de base antidumping et antisubventions d'exiger le paiement, à la suite du retrait de l'acceptation d'un engagement, des droits dus au titre des transactions couvertes par les factures conformes invalidées, comme le prévoit, en l'espèce, l'article 2, paragraphe 2, du règlement attaqué, peut valablement se fonder sur l'article 8, paragraphe 9, du règlement de base antidumping et l'article 13, paragraphe 9, du règlement de base antisubventions. Conformément au point 119 de l'arrêt susvisé, la même conclusion s'impose par ailleurs en tant que l'article 1 er , paragraphe 1, du règlement attaqué prévoie l'invalidation de ces factures conformes.

49 En l'espèce, la Commission s'est référée, au considérant 27 du règlement attaqué, aux dispositions visées au point 48 ci-dessus en indiquant que c'est sur cette base qu'elle avait informé les parties intéressées, y compris la requérante, de son intention d'invalider les factures conformes, en donnant à celles-ci la possibilité d'être entendues et de présenter des observations. C'est également en ce même sens que doivent être compris les considérants 53 et 57 du règlement attaqué. Enfin, le considérant 48 du règlement attaqué renvoie aux droits antidumping et compensateurs définitifs imposés par l'article 9, paragraphe 4, du règlement de base antidumping et par l'article 14, paragraphe 4, du règlement de base antisubventions.

50 Dans ces circonstances, contrairement à ce qu'indique la requérante, les articles 1 er et 2 du règlement attaqué ne sauraient être interprétés en ce sens que la Commission entendait déclarer non valides les factures conformes en cause et percevoir les droits antidumping et les droits compensateurs dus au moment de l'acceptation de la déclaration douanière de mise en libre pratique « en vertu des pouvoirs conférés » par les dispositions rappelées au point 45 ci-dessus, lesquelles, en substance, renvoient aux dispositions de l'article 8, paragraphe 9, du règlement de base antidumping et de l'article 13, paragraphe 9, du règlement de base antisubventions ou aux dispositions correspondantes dans les règlements de base antidumping et antisubventions précédents, à savoir le règlement (CE) n o 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51), et le règlement (CE) n o 597/2009 du Conseil, du 11 juin 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 188, p. 93). Ainsi, les dispositions rappelées au point 45 ci-dessus se limitent à prévoir la mise en place d'un système d'émission de factures conformes, sans être pour autant attributives de compétence dans le sens évoqué par la requérante.

51 Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter comme non fondées les allégations de la requérante, selon lesquelles la Commission se serait fondée sur des pouvoirs qui avaient expiré ou qui avaient été abrogés.

52 Partant, il convient de rejeter le second moyen ainsi que le recours dans son ensemble.

Sur les dépens

53 Aux termes de l'article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

54 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

55 Le Conseil supportera ses propres dépens, conformément à l'article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

56 Les intervenantes supporteront chacune leurs propres dépens, en application de l'article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Zhejiang Beyondsun Green Energy Technology Co. Ltd est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3) BT Solar d.o.o., RC-Log d.o.o. et le Conseil de l'Union européenne supporteront chacun leurs propres dépens.