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Décisions

Cass. com., 20 novembre 2024, n° 23-19.924

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

Mme Coricon

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocats :

SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, Me Carbonnier

Bordeaux, du 1 juin 2023

1 juin 2023

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 1er juin 2023), la société Crédit Logement, créancière à titre non professionnel de M. [J] et de son épouse en vertu d'un jugement du 14 décembre 2017 devenu irrévocable, leur a fait délivrer le 11 mai 2021 un commandement aux fins de saisie-vente de leur résidence principale, sur laquelle elle détient une hypothèque.

2. Le 28 janvier 2022, M. [J] a été mis en liquidation judiciaire. La société EKIP', prise en la personne de M. [W], a été désigné liquidateur.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La société Crédit Logement fait grief à l'arrêt de dire que la vente forcée de l'immeuble en cause ne peut être poursuivie jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire de M. [J] alors « qu'un créancier, titulaire d'une sûreté réelle, à qui l'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire est inopposable en application de l'article L. 526-1 du code de commerce, peut faire procéder à la vente de cet immeuble sur saisie ; que pour débouter Crédit Logement de sa demande de vente forcée de l'immeuble saisi, qui constituait la résidence principale des époux [J], la cour d'appel a jugé que s'il est acquis que le créancier non professionnel peut réaliser son droit sur un immeuble bénéficiant d'une insaisissabilité légale, la règle de l'arrêt des poursuites, qui présente un caractère d'ordre public, l'empêche toutefois d'exercer une action qui tend au paiement de sa créance ; que la cour d'appel en a déduit que le créancier peut prendre toutes mesures visant à faire constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance, qu'il peut effectuer toute action tendant à la préservation ses droits sur le patrimoine saisissable de l'entrepreneur individuel, mais qu'en revanche il ne peut exercer d'action visant au paiement de sa créance, hors application des règles de la procédure collective, comme la vente forcée de l'immeuble (arrêt, p. 9, §§ 3 et 4) ; qu'en statuant ainsi tandis qu'étant titulaire d'une sûreté réelle et l'insaisissabilité de la résidence principale lui étant inopposable, Crédit Logement devait pouvoir faire procéder à la vente forcée de cet immeuble, peu important la liquidation judiciaire ouverte à l'égard de M. [J], la cour d'appel a violé les articles L. 526-1 et L. 641-3 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 526-1 et L. 622-21 du code de commerce :

4. Le créancier titulaire d'une sûreté réelle, à qui la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire est inopposable en application du premier de ces textes, peut faire procéder à sa vente sur saisie, qui n'est pas une action tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent, prohibée par le second de ces textes.

5. Pour rejeter la demande, formée par la société Crédit Logement, de vente forcée de l'immeuble appartenant notamment à M. [J] et constituant sa résidence principale, l'arrêt, après avoir énoncé que si un créancier non professionnel peut réaliser son droit sur l'immeuble bénéficiant d'une insaisissabilité légale, l'ouverture d'une procédure collective, qui a pour corollaire l'arrêt des poursuites, fait obstacle à l'exercice d'une action qui tend au paiement d'une créance, et donc à la vente forcée de l'immeuble. Il en déduit que la vente forcée de l'immeuble appartenant à M. [J], mis en liquidation judiciaire, ne pourra pas être poursuivie jusqu'à la clôture de la procédure collective.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la vente forcée de l'immeuble ne peut être poursuivie jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l'égard de M. [J], l'arrêt rendu le 1er juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée.