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Décisions

Cass. com., 20 novembre 2024, n° 23-19.085

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneau

Rapporteur :

M. Riffaud

Avocat général :

Mme Guinamant

Avocat :

SCP Lyon-Caen et Thiriez

T. com. Lille Métropole, du 6 juin 2023

6 juin 2023

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (Lille Métropole, 6 juin 2023), rendu en dernier ressort, les 9 décembre 2013 et 14 janvier 2014, la société Quantum sécurité a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, M. [Y] ayant été désigné liquidateur.

2. L'UNEDIC, en son Centre de gestion et d'études - AGS (CGEA) de [Localité 8], gestionnaire de l'Association de garantie des salaires (l'AGS), a avancé pour le compte des salariés une somme de 672 014,70 euros dont 295 501,55 euros au titre de leurs créances superprivilégiées.

3. Le 20 décembre 2016, le liquidateur a remis à l'AGS une somme de 40 000 euros.

4. Le 20 octobre 2022, soutenant ne pas disposer de fonds suffisants pour couvrir ses émoluments, le liquidateur a assigné l'AGS en restitution de la somme de 3 013,88 euros et en paiement de la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêt pour résistance abusive.

5. Désignée en remplacement de M. [Y], la société [P] [K] & associés, prise en la personne de M. [K], est intervenue volontairement à l'instance.

Sur le moyen relevé d'office

6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article L. 625-8 du code de commerce, rendu applicable à la liquidation judiciaire par l'article L. 641-14, alinéa 1er, du même code et L. 3253-16, 2° du code du travail :

7. Selon le premier de ces textes, nonobstant l'existence de toute autre créance, les créances que garantit le privilège établi aux articles L. 143-10 [L. 3253-2 et L. 3253-3], L. 143-11 [L. 3253-4], L. 742-6 et L. 751-15 [L. 7313-8] du code du travail doivent, sur ordonnance du juge-commissaire, être payées dans les dix jours du prononcé du jugement ouvrant la procédure par le débiteur ou, lorsqu'il a une mission d'assistance, par l'administrateur, si le débiteur ou l'administrateur dispose des fonds nécessaires et, qu'à défaut de disponibilités, ces sommes doivent être acquittées sur les premières rentrées de fonds.

8. Il résulte du troisième de ces textes que les institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail sont subrogées dans les droits des salariés pour lesquels elles ont réalisé des avances pour les créances garanties par le privilège prévu aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 (le superprivilège), et les créances avancées au titre du 3° de l'article L. 3253-8 du même code, lors d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.

9. Il s'en déduit que la subrogation, dont bénéficient les institutions de garantie, a pour effet de les investir de la créance des salariés avec tous ses avantages et accessoires, présents et à venir, et que le superprivilège, garantissant le paiement de leurs créances, lequel n'est pas exclusivement attaché à la personne des salariés, est transmis à l'AGS qui bénéficie ainsi du droit à recevoir un paiement qui, effectué sur les premières rentrées de fonds de la procédure collective et hors le classement des différentes créances sujettes à admission, ne constitue pas un paiement à titre provisionnel opéré sur le fondement de l'article L. 643-3, alinéa 1er, du code de commerce et ne peut ainsi donner lieu à répétition.

10. Pour accueillir la demande de restitution de la somme de 3 013,88 euros, le jugement, après avoir relevé que la somme de 40 000 euros remise à l'AGS par le liquidateur correspondait à une avance sur répartition, retient que ladite demande, formée par le liquidateur pour recevoir la totalité de ses émoluments, repose sur l'application des dispositions de l'article L. 643-8 du code de commerce, selon lesquelles le montant de l'actif, distraction faite des frais et dépens de la liquidation judiciaire et des subsides accordés au débiteur, est réparti entre les créanciers.

11. En statuant ainsi, le tribunal a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, la cassation prononcée du chef de la demande de restitution entraînant celles de l'ensemble des chefs du jugement qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire, que la Cour de cassation statue au fond et rejette l'ensemble des demandes du liquidateur.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action, le jugement rendu le 6 juin 2023, entre les parties, par le tribunal de commerce de Lille Métropole ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.