Cass. com., 20 novembre 2024, n° 23-12.297
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Brahic-Lambrey
Avocat général :
Mme Henry
Avocats :
SCP Zribi et Texier, SARL Ortscheidt
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 15 novembre 2022), le 16 mars 2017, la société JBC a été mise en redressement judiciaire, sur déclaration de la cessation des paiements de son dirigeant, M. [M], le 3 février 2017, la procédure étant convertie le 10 avril 2017 en liquidation judiciaire. La société [W], désignée liquidateur, a recherché la responsabilité du dirigeant pour insuffisance d'actif.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses troisième, quatrième et cinquième branches, et le second moyen
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
3. M. [M] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société [W], ès-qualités, la somme de 150 000 euros, alors :
« 1°/ que suivant l'article L. 631-4 du code de commerce, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante-cinq jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation ; que ne commet pas une faute de gestion le dirigeant qui ne déclare pas l'état de cessation des paiements alors qu'une procédure de conciliation est en cours ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 631-4 du code de commerce ;
2°/ que suivant l'article L. 631-4 du code de commerce, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire doit être demandée par le débiteur au plus tard dans les quarante cinq jours qui suivent la cessation des paiements s'il n'a pas, dans ce délai, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation ; que, pour imputer une faute de gestion à M. [M], la cour d'appel a énoncé que "la mise en place d'une procédure de conciliation n'exonère en rien le dirigeant social des responsabilités qui sont les siennes", en ce qu'il "conserve toutes ses attributions et sa totale indépendance quant à la gestion de sa société", étant ajouté que, "s'agissant de son obligation de déclarer l'état de cessation des paiements, cette procédure établit la parfaite conscience qu'avait le dirigeant social de la très grande vulnérabilité de son entreprise", et qu'ainsi "le retard qui est le sien dans le dépôt de bilan lui est d'autant plus reprochable" et est "manifestement constitutif d'une faute" ; qu'en statuant ainsi, en l'état de la procédure de conciliation autorisée par une ordonnance du 7 septembre 2015 du président du tribunal de commerce de Saintes, et après avoir fixé la date de cessation des paiements au 16 septembre 2015, ce dont il résultait qu'aucune faute de gestion ne pouvait être imputée à M. [M] pour avoir retardé la déclaration de cessation des paiements, survenue, suivant ses propres constatations, pendant le cours de la procédure de conciliation, la cour d'appel a violé la disposition susvisée, ensemble l'article L. 651-2 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 611-4 et L. 631-4 du code de commerce :
4. Il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque le délai de quarante-cinq jours prévu par le second expire au cours de la procédure conciliation, le débiteur est dispensé d'exécuter son obligation de demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. A l'expiration de la procédure de conciliation, le débiteur est en revanche tenu d'exécuter cette obligation sans délai.
5. Pour condamner M. [M] à supporter une partie de l'insuffisance d'actif de la société JBC, l'arrêt retient qu'il a commis une faute en ne déclarant que le 3 février 2017 la cessation des paiements dont la date a été fixée au 16 septembre 2015 par le jugement d'ouverture et que la mise en place d'une procédure de conciliation quelques jours avant la survenance de la cessation des paiements n'exonère pas le dirigeant social des responsabilités qui sont les siennes. Il ajoute que le passif qui lui est imputable est constitué par les créances nées quarante-cinq jours après la date de cessation des paiements retenue et celle de sa déclaration.
6. En statuant ainsi, alors que M. [M] était dispensé de déclarer la cessation des paiements de la société JBC pendant la durée de la procédure de conciliation, de sorte qu'il appartenait à la cour d'appel, pour caractériser une éventuelle faute du dirigeant susceptible d'engager sa responsabilité pour insuffisance d'actif, d'apprécier l'exécution de cette obligation à l'expiration de la procédure de conciliation, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
7. La condamnation à supporter l'insuffisance d'actif ayant été prononcée en considération de plusieurs fautes de gestion, la cassation encourue à raison de l'une d'entre elles entraîne, en application du principe de proportionnalité, la cassation de l'arrêt de ce chef.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.