Cass. com., 6 novembre 2024, n° 23-13.327
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Ducloz
Avocats :
SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Célice, Texidor, Périer
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 18 janvier 2023) et les productions, la société à responsabilité limitée Quick Grill a été constituée entre MM. [G], [E], [M] et [K] [J], chacun détenant 25 % de son capital social. MM. [M] et [K] [J] en ont été nommés les co-gérants.
2. Le 17 juin 2017, la SCI FK, constituée par MM. [M] et [K] [J], a acquis les murs du fonds de commerce loué par la société Quick Grill pour les besoins de son activité.
3. Le 7 avril 2020, le président d'un tribunal de commerce a, par ordonnance rendue à la requête de MM. [G] et [E], désigné M. [R] en qualité de mandataire ad hoc avec mission de représenter la société Quick Grill pour les besoins de la procédure judiciaire que MM. [G] et [E] entendaient initier dans l'intérêt de la société.
4. Le 23 avril 2020, MM. [G] et [E] ont assigné MM. [J], pris en leur qualité de gérants de la société Quick Grill, la société Quick Grill, représentée par M. [R], mandataire ad hoc, et la SCI FK, aux fins de voir annuler la vente des murs du fonds de commerce, révoquer M. [M] [J] de ses fonctions de gérant et condamner MM. [J] à payer des dommages et intérêts tant à leur profit qu'à celui de la société Quick Grill.
5. Le 23 septembre 2020, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, a rétracté l'ordonnance du 7 avril 2020 désignant le mandataire ad hoc de la société Quick Grill.
6. Par des conclusions d'incident du 15 novembre 2021, MM. [J] et la société FK ont soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de MM. [G] et [E]. Par des conclusions du 26 janvier 2022, MM. [G] et [E] ont sollicité la nomination d'un mandataire ad hoc pour représenter la société Quick Grill dans la procédure au fond qu'ils ont initiée.
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. MM. [G] et [E] font grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance ayant constaté qu'ils n'avaient pas qualité pour agir et, en conséquence, de déclarer irrecevable leur demande de nomination d'un administrateur ad hoc, alors « que le juge ne peut pas méconnaître l'objet du litige ; que dans leurs conclusions, MM. [G] et [E] avaient sollicité la nomination d'un mandataire ad hoc "pour défendre les intérêts de la société Quick Grill, notamment dans l'instance, en nullité de la vente, en révocation du gérant et en responsabilité des gérants de droit et de fait" ; qu'en jugeant que l'action qu'ils avaient intentée tendait uniquement à l'annulation de la vente et l'obtention de dommages-intérêts pour le préjudice causé à la société, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
8. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
9. Pour dire que MM. [G] et [E] n'ont pas qualité à agir et, par suite, qu'ils ne peuvent utilement soutenir l'incident visant à obtenir la désignation d'un mandataire ad hoc, l'arrêt retient que leur action principale tend à l'annulation de la vente immobilière consentie à la société FK par le propriétaire de l'immeuble dans lequel la société Quick Grill exploite son fonds de commerce et à l'obtention de dommages et intérêts pour le préjudice causé à cette société et, qu'en qualité d'associés de la société Quick Grill, ils n'ont pas qualité à représenter les intérêts de cette dernière pour poursuivre une action dont ils ne sont pas titulaires.
10. En statuant ainsi, alors que, dans leurs conclusions d'appel, MM. [G] et [E] demandaient la nomination d'un mandataire ad hoc dans la procédure qu'ils avaient initiée pour défendre les intérêts de la société Quick Grill dans l'instance en révocation du gérant et en responsabilité des gérants de droit et de fait, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée.