Décisions
CA Versailles, ch. civ. 1-2, 19 novembre 2024, n° 22/07733
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51F
Chambre civile 1-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 NOVEMBRE 2024
N° RG 22/07733 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VS2W
AFFAIRE :
Société CNP
ASSURANCES
C/
[R] [U]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 novembre 2022 par le Juge des contentieux de la protection de COURBEVOIE
Expéditions exécutoires
Copies certifiées conformes
délivrées le : 19/11/24
à :
Me Martine DUPUIS
Me Mathilde BAUDIN
Me Mélina
PEDROLETTI
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX-NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE
Société CNP ASSURANCES
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
Plaidant : Me Emilie ASSOUS, avocat au barreau de PARIS
Substitué par : Me Orane BERTHELOT, avocat au barreau de PARIS
****************
INTIMÉS
Monsieur [R] [U]
né le 24 juin 1974 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 5]
bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale
Représentant : Me Mathilde BAUDIN, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 351
Madame [J] [X] épouse [O]
née le 07 octobre 1963 à [Localité 8] (POLOGNE)
[Adresse 3]
[Localité 5]
bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale
Représentant : Me Mathilde BAUDIN, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 351
S.A.S.U. ESSET Inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 484 882 642, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 484 88 2 6 42
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626
Plaidant : Me Chloé FROMENT, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : A0074
Substituée par Me Aziliz GAUTIER-GUEGAN, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : A0074
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 septembre 2024, Madame Anne THIVELLIER, Conseillère, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,
Madame Agnès PACCIONI, Magistrate placée,
qui en ont délibéré,
Greffière lors des débats : Madame Céline KOC
Greffier placée lors du prononcé de décision : Madame Gaëlle RULLIER
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 28 février 2006 à effet au 1er mars 2006, pour une durée de six ans renouvelable, la CNP Iam, devenue la société CNP Assurances, a consenti à M. [R] [U] et Mme [T] [U] un bail d'habitation portant sur des locaux de type F4, constituant le lot n°253, situés à [Localité 5], 40 terrasse de l'iris, moyennant un loyer annuel, hors charges, de 11 976 euros.
Par acte sous seing privé du 4 avril 2007 à effet au 7 avril 2007, pour une durée de six ans renouvelable, la CNP Iam, devenue la société CNP Assurances, a consenti à M. [G] [O] et Mme [J] [X] épouse [O] un bail d'habitation portant sur des locaux de type F4, constituant le lot n°231, situés à [Localité 5], 40 terrasse de l'iris, moyennant un loyer annuel, hors charges, de 11 976 euros.
Les locataires se sont manifestés auprès de la société CNP Assurances, qui avait confié la gestion de l'immeuble à la société Esset, pour se plaindre notamment de l'entretien des parties communes et privatives ainsi que du comportement agressif du gardien.
Par acte d'huissier de justice du 8 octobre 2021, M. [U] et Mme [O] ont fait assigner les sociétés CNP Assurances et Esset aux fins notamment de :
- les voir condamner solidairement à la réalisation des travaux d'entretien et de réparation des parties communes de l'immeuble, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
- les voir condamner solidairement à la réalisation des travaux d'entretien et de réparation au sein de leurs appartements, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
- prononcer la résiliation judiciaire pour faute des contrats de gestion d'immeuble et de gestion locative liant la bailleresse à la société Esset, en raison des défaillances graves et répétées de celle-ci,
- fixer le montant du loyer de Mme [O] à la somme de 955,98 euros, jusqu'à complète réalisation des travaux précités, et conséquemment condamner solidairement la société Esset et CNP Assurances au remboursement de la somme de 14 352 euros, en raison des loyers trop perçus sur ces cinq dernières années,
- fixer le montant du loyer de M. [U] à la somme de 955,98 euros, jusqu'à complète réalisation des travaux précités et conséquemment condamner solidairement la société Esset et CNP Assurances au remboursement de la somme de 14 352 euros en raison des loyers trop perçus sur ces cinq dernières années,
- les voir condamner solidairement au règlement de la somme respective de 21 300 euros à M. [U] et de 22 200 euros au titre des provisions sur charges appelées sur les cinq dernières années et non justifiées,
- les voir condamner solidairement à régler respectivement à chacun des demandeurs la somme de 8 000 euros en réparation de leur préjudice moral et d'anxiété,
- les voir condamner solidairement à leur régler à chacun la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de la présente instance, qui comprendront le coût du constat d'huissier dressé le 9 juin 2021 pour un montant de 369,20 euros.
Par jugement contradictoire du 14 novembre 2022, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Courbevoie a :
- condamné in solidum la société CNP Assurances et la société Esset à payer :
* à M. [U] une somme de 8 000 euros au titre de son préjudice de jouissance,
* à Mme [O] une somme de 8 000 euros au titre de son préjudice de jouissance,
- rejeté la demande de M. [U] et de Mme [O] au titre du préjudice moral,
- rejeté la demande de M. [U] et de Mme [O] au titre des travaux,
- rejeté la demande de M. [U] et de Mme [O] au titre de la résiliation du contrat de gestion d'immeuble et du contrat de gestion locative liant la société CNP Assurances et la société Esset,
- rejeté toute autre demande,
- mis les dépens in solidum à la charge de la société CNP Assurances et de la société Esset (dépens qui comprendront les frais de constat des 9 juin 2021 et 6 septembre 2021), qui seront en outre condamnées in solidum à payer à chacun des demandeurs une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépetibles,
- rappelé que l'exécution provisoire assortit la décisions.
Par acte notarié du 2 mai 2023, la société CNP Assurances a vendu le bien immobilier dans lequel se situent les appartements donnés à bail à la société In'li.
Par déclaration déposée au greffe le 23 décembre 2022, la société CNP Assurances a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 5 juillet 2024, la société CNP Assurances, appelante, demande à la cour de :
- prendre acte qu'elle n'est plus propriétaire de l'immeuble où sont situés les appartements loués à M. [U] et Mme [O], ce depuis le 2 mai 2023,
- déclarer irrecevable toute demande formulée en réalisation de travaux et toute demande pécuniaire afférente à un préjudice postérieur à la date de la vente,
- la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement du 14 novembre 2022 en ce qu'il l'a condamnée à régler à M. [U] et Mme [O] la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts chacun, celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile chacun et aux entiers dépens,
- infirmer le jugement du 14 novembre en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
- débouter M. [U] et Mme [O] de l'ensemble de leur demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [U] et Mme [O] à lui payer la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [U] et Mme [O] au paiement des entiers dépens de première instance,
Y ajoutant,
- condamner M. [U] et Mme [O] à lui payer la somme de 5 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [U] et Mme [O] au paiement des entiers dépens d'appel.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 14 juin 2024, M. [U] et Mme [O], intimés et appelants à titre incident, demandent à la cour de :
- les déclarer bien fondés et recevables en leur appel incident,
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Esset et CNP Assurances à leur devoir chacun la somme de 8 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
- infirmer le jugement du 14 novembre 2022 en ce qu'il a rejeté :
- leur demande au titre du préjudice moral,
- leur demande au titre de travaux,
- leur demande au titre de la résiliation du contrat de gestion d'immeuble et du contrat de gestion locative liant les sociétés Esset et CNP Assurances;
- toute autre demande,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
- débouter les sociétés Esset et CNP Assurances de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
Sur les travaux,
- à titre principal, condamner solidairement les sociétés Esset et CNP Assurances à la réalisation des travaux d'entretien et de réparation des parties communes de l'immeuble sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et notamment:
- réfection des réseaux d'eau de l'immeuble et de leurs joints,
- désinfection et nettoyage en profondeur de l'ensemble des parties communes, à savoir escalier, cage d'escalier, murs, sols, plafond et réfection des murs s'effritant,
- mise en place d'un système d'opacité des vitres d'entrée permettant le respect de la vie privée des locataires,
- mise aux normes des accès PMR,
- remplacement des ampoules déficientes,
- procéder à une recherche de panne et à une maintenance de l'ascenseur,
- condamner solidairement les sociétés Esset et CNP Assurances à la réalisation des travaux d'entretien et de réparation au sein de leurs appartements sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et notamment :
- faire réaliser à leurs frais tous travaux et réparations afin de remettre l'appartement loué par Mme [O] en l'état dans lequel il se trouvait au jour de la signature du bail et de faire cesser toute infiltration future,
- faire réaliser à leurs frais tous travaux et réparations afin de remettre l'appartement loué par M. [U] en l'état dans lequel il se trouvait au jour de la signature du bail et de faire cesser toute infiltration, remontée d'eau usée future et sortie d'eau souillée,
- à titre subsidiaire, condamner solidairement les sociétés Esset et CNP Assurances à rembourser le montant des travaux qu'elles devaient effectuer, sur présentation des factures y afférent et sous un délai de deux mois maximum à compter de l'édition de la facture,
Sur les loyers et les charges,
- à titre principal, fixer rétroactivement le montant de leur loyer à la somme de 955,98 euros jusqu'à complète réalisation des travaux précités,
- à titre subsidiaire, fixer rétroactivement les loyers à 955,98 euros entre le 8 octobre 2018 (trois ans précédant l'assignation) au 2 mai 2023 (cession de CNP Assurances à In'li),
En tout état de cause,
- condamner solidairement les sociétés Esset et CNP Assurances à leur rembourser la somme de 12 862,79 euros chacun, en raison des loyers trop perçus entre le 8 octobre 2018 (trois ans précédant l'assignation au fond) et le 2 mai 2023 (date de la cession),
- condamner solidairement les sociétés Esset et CNP Assurances à régler la somme respective de 12 780 euros à Mme [O] et de 13 320 euros au titre des provisions sur charges appelées sur les trois dernières années et non justifiées,
Sur la résiliation judiciaire du contrat de gestion et les préjudices,
- prononcer la résiliation judiciaire pour faute des contrats de gestion d'immeuble et de gestion locative liant la bailleresse à la société Esset, en raison des défaillances graves et répétées de celle-ci,
- condamner solidairement les sociétés Esset et CNP Assurances à régler respectivement à chacun des demandeurs la somme de 4 000 euros en réparation de leurs préjudices moral et d'anxiété,
Y ajoutant,
- condamner in solidum les sociétés Esset et CNP Assurances à leur devoir la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, avec renonciation expresse au bénéfice de l'aide juridictionnelle, ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 12 juillet 2024, la société Esset, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :
- déclarer irrecevables les conclusions et pièces signifiées par M. [U] et Mme [O] le 19 mai 2024,
- prendre acte qu'elle n'est plus gestionnaire de l'immeuble où sont situés les appartements loués à M. [U] et Mme [O], ce depuis le 2 mai 2023, date de la cession de l'immeuble par la société CNP Assurances à la société In'li,
- déclarer irrecevables les demandes formulées par M. [U] et Mme [O] en vue de sa condamnation à réaliser sous astreinte des travaux au sein de l'immeuble sis [Adresse 3],
- déclarer irrecevables les demandes formulées par M. [U] et Mme [O] en vue de sa condamnation pour toute période postérieure au 2 mai 2023,
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident,
- débouter M. [U] et Mme [O] de l'ensemble de leurs demandes d'appel incident et demandes nouvelles,
En tout état de cause,
- infirmer le jugement du 14 novembre 2022 en ce qu'il :
- l'a condamnée in solidum avec la société CNP Assurances à payer :
- à M. [U] une somme de 8 000 euros, au titre de son préjudice de jouissance relatif au bien loué,
- à Mme [O] une somme 8 000 euros au titre de son préjudice de jouissance relatif au bien loué,
- a mis les dépens in solidum à sa charge et à celle de la société CNP Assurances (dépens qui comprendront les frais de constat des 9 juin 2021 et 6 septembre 2021), et les a en outre condamnées in solidum à payer à chacun des demandeurs une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
- débouter M. [U] et Mme [O] de l'ensemble de leur demandes, fins et conclusions à son encontre,
- condamner M. [U] et Mme [O] au paiement des dépens de première instance,
Y ajoutant,
- condamner M. [U] et Mme [O] à lui payer chacun la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [U] et Mme [O] au paiement des entiers dépens d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 17 septembre 2024.
Par message RPVA du 24 octobre 2024, la cour a demandé à l'avocat de la société Esset de produire ses pièces n°47 à 49 qui ne figuraient pas dans son dossier de plaidoirie. Ces pièces ont été communiquées le 30 octobre.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des conclusions et pièces signifiées par M. [U] et Mme [O] le 19 mai 2024
La société Esset demande à la cour de déclarer irrecevables les conclusions et pièces signifiées par M. [U] et Mme [O] le 19 mai 2024 en raison de leur tardiveté, la clôture devant intervenir le 28 mai.
Cependant, il apparaît qu'un report de la clôture, initialement prévue le 28 mai 2024, a été ordonnée au 17 septembre et que les parties ont toutes conclu à nouveau avant cette date et notamment les intimés le 14 juin 2024.
Dans ces conditions, il convient de débouter la société Esset de cette demande qui est devenue sans objet.
Sur la recevabilité des demandes au titre des travaux et en remboursement des travaux
M. [U] et Mme [O] demandent, à titre principal, la condamnation solidaire des sociétés Esset et CNP Assurances à réaliser des travaux d'entretien et de réparation dans les parties communes de l'immeuble et au sein de leurs appartements, sous astreinte.
A titre subsidiaire, ils demandent leur condamnation solidaire à rembourser le montant des travaux qu'elles devaient effectuer, sur présentation des factures y afférent et sous un délai de deux mois maximum à compter de l'édition de la facture.
La société CNP Assurances soutient que les demandes au titre de la réalisation de travaux sont irrecevables du fait qu'elle n'est plus propriétaire de l'immeuble.
Elle soutient en outre que la demande de remboursement du montant des travaux litigieux, formée dans leurs dernières conclusions, est nouvelle et non fondée. Elle relève que les locataires ne précisent pas si ce montant devrait leur être remboursé ou versé au nouveau propriétaire et qu'en tout état de cause, seul ce dernier, non attrait dans la cause, pourrait solliciter le remboursement des travaux s'il décidait de les réaliser.
La société Esset conclut également à l'irrecevabilité de ces demandes dans la mesure où elle n'a plus qualité pour intervenir sur l'immeuble suite à sa cession au profit de la société In'li et la fin de son mandat.
Elle fait valoir que la demande en remboursement des travaux est une demande nouvelle et rappelle que les locataires n'ont aucun droit ni qualité à faire cette demande à l'encontre de l'ancien propriétaire de l'immeuble et de son ancien gestionnaire, ajoutant qu'elle porte sur un montant et des travaux indéterminés et payés par le nouveau propriétaire de l'immeuble.
M. [U] et Mme [O] ne répondent pas sur la recevabilité de leur demande au titre des travaux.
A titre subsidiaire, ils font valoir qu'au regard de la cession de l'immeuble et si leur demande de travaux était rejetée, la cour devra condamner les sociétés Esset et CNP Assurances à rembourser le montant des travaux litigieux rendus nécessaires par leurs fautes.
Ils soutiennent que leur demande de travaux n'est pas nouvelle car elle figure dans leurs premières conclusions et qu'ils ont juste adapté leurs demandes initiales en ajoutant une demande subsidiaire en raison du transfert de propriété.
Sur ce,
En application de l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
En application de l'article 1743 du code civil, l'acquéreur est substitué dans les droits et obligations du vendeur à compter de la date d'acquisition du bien loué.
En l'espèce, la société CNP Assurances n'est plus propriétaire du bien depuis le 2 mai 2023, de sorte qu'elle n'a plus la qualité de bailleresse et n'est plus tenue, à compter de cette date, aux obligations nées du bail, l'acquéreur devenant, dès le transfert de propriété, le nouveau bailleur.
De même, il n'est pas contesté que le mandat de gestion conclu entre la société Esset et la société CNP Assurances a pris fin avec la cession de l'immeuble, de sorte qu'elle n'en est plus gestionnaire depuis cette date.
Il convient en conséquence de déclarer les demandes de travaux irrecevables faute de qualité à agir à l'encontre de la société CNP Assurances et de la société Esset.
Concernant la demande de remboursement des travaux, il est relevé qu'elle ne figure pas dans les premières conclusions des locataires signifiées le 4 juillet 2023 alors que la cession de l'immeuble était déjà intervenue et qu'ils en étaient informés comme ils l'indiquent en page 7, de sorte qu'il s'agit d'une demande nouvelle devant être déclarée irrecevable sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa version applicable au présent litige.
En tout état de cause, il convient de relever que M. [U] et Mme [O] sont irrecevables, faute d'intérêt à agir, à demander le remboursement de travaux qui auraient été effectués par leur nouveau bailleur qui n'est pas dans la cause.
Sur la résiliation des contrats de mandat de gestion conclus entre la société CNP Assurances et la société Esset
M. [U] et Mme [O] font grief au premier juge de les avoir déboutés de leur demande de résiliation judiciaire des contrats de gestion aux motifs qu'ils étaient extérieurs à ceux-ci et qu'ils ne justifiaient pas des conditions nécessaires pour exercer une action oblique.
Au soutien de leur demande de résiliation de ces contrats, ils font valoir qu'ils justifient des conditions d'application de l'article 1341-1 du code civil, ajoutant que ni cet article ni la jurisprudence n'impose de caractériser une inaction comme le soutiennent les sociétés CNP Assurances et Esset qui ajoutent une condition à la loi.
Poursuivant la confirmation de ce chef du jugement et reprenant la motivation du premier juge, la société CNP Assurances fait valoir que les conditions de l'article 1341-1 du code civil ne sont pas remplies en ce que les locataires ne justifient d'aucun préjudice qui résulterait de prétendus manquements de la société Esset dans le cadre du contrat de mandat de gestion et qu'en tout état de cause, la Cour de cassation exclut l'application de l'action oblique pour les actes de gestion et d'administration effectués par le débiteur.
La société Esset poursuit en soutenant que M. [U] et Mme [O] ne démontrent pas que les conditions permettant d'exercer valablement une action oblique sont remplies en ce qu'elle n'est pas débitrice à l'égard de la société CNP Assurances d'une obligation qui pourrait donner lieu à une action patrimoniale et que l'action en résiliation du mandat de gestion est une action personnelle ne pouvant être menée que par la société CNP Assurances elle-même. Elle ajoute qu'en tout état de cause, le mandat a pris fin avec la vente de l'immeuble.
Sur ce,
L'immeuble ayant été vendu le 2 mai 2023, il en résulte que les contrats de mandat de gestion de ce bien passés entre la société CNP Assurances et la société Esset ont pris fin à cette date, de sorte que la demande en résiliation de ces contrats est devenue sans objet et sera rejetée.
Le jugement déféré est en conséquence confirmé par substitution de motifs.
Sur les demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance et au titre de la réduction du loyer
La société CNP Assurances fait grief au premier juge de l'avoir condamnée à verser aux locataires la somme de 8 000 euros chacun au motif qu'il était suffisamment établi qu'ils avaient subi, pendant la période non prescrite, divers troubles de jouissance tant dans les parties communes que privatives, causés notamment par un entretien insuffisant des parties communes, créant des nuisances visuelles et olfactives et un sentiment d'insécurité résultant du dysfonctionnement des dispositifs vigik ayant rendu possible la pénétration de squatters, et l'embauche d'un gardien dont le comportement a fait l'objet d'une plainte pénale et qui a finalement quitté son poste.
Poursuivant l'infirmation de ce chef du jugement et le rejet des demandes des intimés à ce titre, la société CNP Assurances fait valoir que le premier juge s'est fondé sur une suite de pièces non contradictoires et peu probantes, insuffisantes à elles seules à établir un lien de cause à effet entre les prétendus troubles de jouissance et les maux dont se plaignent les locataires.
Elle soutient que le juge des contentieux et de la protection n'a pas tiré les conséquences des pièces qu'elle avait produites et qui démontrent que les lieux étaient correctement entretenus lorsqu'elle en était propriétaire, ajoutant que les problématiques soulevées par les locataires ont fait l'objet d'interventions de sa part.
Elle souligne que M. [U] et Mme [O] se contentent de procéder par voie d'affirmation sans élément de preuve objectif et que, conscients de la faiblesse de leurs pièces, ils produisent en cause d'appel des attestations de onze locataires dont certaines concernent des sujets sans rapport avec la présente procédure, tout comme le sont les constats postérieurs à la vente.
Enfin, elle fait valoir que les locataires ne justifient d'aucun préjudice et qu'ils n'ont à aucun moment perdu la jouissance d'une partie de la chose louée ni apporté la preuve que les désordres invoqués ne leur permettaient pas une jouissance paisible des lieux. Elle relève que leurs pièces démontrent des désordres localisés et ponctuels, voire d'ordre esthétique, tant dans les parties privatives que communes, auxquels elle a remédié par la suite. Elle ajoute qu'ils évaluent leur préjudice de manière arbitraire sur une durée de 5 années sans démontrer la réalité d'un quelconque dommage sur l'intégralité de cette période.
Elle en conclut qu'à défaut de rapporter la preuve de la réalité et de l'ampleur exacte du préjudice subi, il convient de les débouter de leur demande.
Elle indique que la demande en diminution du loyer ne saurait aboutir à compter du 2 mai 2023, date à partir de laquelle elle n'est plus propriétaire du bien et qu'en tout état de cause, y faire droit reviendrait à indemniser M. [U] et Mme [O] deux fois pour le même préjudice.
La société Esset poursuit également l'infirmation de ce chef du jugement déféré et le rejet de la demande des intimés sur ce point.
Elle fait valoir que le premier juge n'a indiqué aucun trouble de jouissance relatif aux parties privatives et que les troubles retenus au titre des parties communes, à savoir un entretien insuffisant des parties communes, un sentiment d'insécurité et le comportement du gardien, ne sont pas caractérisés et ne font l'objet d'aucune démonstration factuelle probante.
Elle soutient rapporter la preuve d'un entretien suffisant des locaux et indique que le sentiment d'insécurité des locataires est subjectif et ne peut caractériser un trouble de jouissance, ajoutant qu'il n'est en outre qu'une impression, aucune pièce n'établissant une insécurité réelle dans l'immeuble.
Elle reproche également au premier juge de ne pas avoir examiner les rapports techniques, audits et procès-verbaux qu'elle-même et la société CNP Assurances avaient versés aux débats.
Elle critique le montant indemnitaire forfaitaire retenu par le premier juge qui n'est étayé par aucune pièce ni calcul, sans précision quant à la période couverte par l'indemnisation. Elle ajoute que cette somme équivaut à peu près de 20% du loyer à compter du 8 octobre 2018, ce qui est très largement excessif puisqu'aucun préjudice de jouissance n'a été retenu pour les parties privatives pour lesquelles le bailleur et elle-même n'avaient pas été informés de désordres.
M. [U] et Mme [O], qui demandent la confirmation de ce chef du jugement, répliquent que le premier juge s'est fondé sur les nombreuses pièces qu'ils avaient versées aux débats et que celles produites par les sociétés appelantes ne permettent pas de contredire, ni même d'établir qu'il s'agirait de désordres ponctuels ou d'ordre esthétique alors qu'il s'agit de désordres troublant véritablement la jouissance des lieux. .
Ils affirment que les désordres grevant les parties communes et privatives sont de l'ordre de l'entretien, olfactifs, sanitaires et sécuritaires. Ils soutiennent que de nombreux locataires attestent de la mauvaise foi des sociétés CNP Assurances et Esset quant aux désordres rencontrés et quant à leur inaction. Ils ajoutent que la société In'li a constaté que des travaux d'envergure étaient nécessaires.
Ils affirment avoir subi un sentiment d'insécurité sans qu'il y ait besoin de rapporter la preuve d'une agression, lequel résulte de la présence de personnes tierces se livrant à des squats, des activités de prostitution ou des vols dans les caves, sans que les troubles dépressifs dont ils souffrent, qui sont la conséquence du harcèlement constant du gardien pendant plusieurs années et du sentiment d'insécurité régnant dans l'immeuble, soient de nature à influer leur perception des faits.
Ils soutiennent que leurs plaintes déposées à l'encontre du gardien sont toujours en cours et qu'ils produisent également des plaintes de nombreux autres locataires, ce qui constitue un faisceau d'indices suffisant et objectivé.
Enfin, ils relèvent que le premier juge a bien tenu compte des pièces versées aux débats par les défenderesses et qu'il a opéré une balance entre les preuves produites par les parties pour retenir à bon droit l'existence d'un préjudice et la nécessité d'une indemnisation.
Sur ce,
Il résulte de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 que bailleur doit délivrer, pendant le cours du bail, au locataire un logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement, doit assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l'article 1721 du code civil, doit entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués.
En outre, l'article 1719 du code civil oblige le bailleur à faire jouir paisiblement le preneur pendant toute la durée du bail.
L'obligation du bailleur d'assurer au preneur une jouissance paisible de la chose louée, qui est une obligation de résultat, ne cesse qu'en cas de force majeure, sans qu'il y ait ainsi besoin de caractériser l'existence d'une faute de la part du bailleur.
Le manquement du bailleur à ses obligations peut être sanctionné, si le preneur démontre l'existence d'un trouble de jouissance, par sa condamnation au paiement de dommages et intérêts, évalués en fonction de la gravité, de l'intensité et de la durée du trouble.
A titre liminaire, il convient de relever que le premier juge a retenu, sur le fondement de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, que M. [U] et Mme [O] ne pouvaient formuler de demande concernant des faits antérieurs au 8 octobre 2018, l'assignation étant intervenue le 8 octobre 2021, le point de départ du délai de prescription étant, pour les troubles de jouissance, le jour où les locataires avaient commencé à subir ce préjudice et a exclu les pièces antérieures à cette date.
M. [U] et Mme [O], qui demandent la confirmation du jugement leur ayant octroyé une indemnisation à hauteur de 8 000 euros chacun au titre des troubles de jouissance, ne formulent aucune critique sur ce point.
L'immeuble ayant été vendu le 2 mai 2023, les locataires ne peuvent donc demander une indemnisation au titre de leur préjudice de jouissance que pour la période comprise entre le 8 octobre 2018 et le 2 mai 2023.
* Sur le défaut d'entretien de l'immeuble
Il ressort du jugement déféré que le premier juge a bien rappelé, dans sa motivation, les différentes pièces produites par la société CNP Assurances et la société Esset.
Il résulte des pièces versées aux débats que M. [U] et Mme [O] ont adressé à la société CNP Assurances et la société Esset des courriers et courriels dès le 7 juin 2021 pour dénoncer divers désordres.
Leur avocat leur a également envoyé une mise en demeure le 20 juillet 2021 reprenant ces doléances en faisant état notamment d'un comportement menaçant et inapproprié du gardien à l'encontre de ses clients et de difficultés dans la remise des courriers, un défaut de sécurisation de l'accès à l'immeuble, et un défaut d'entretien des parties communes avec odeurs nauséabondes et des parties privatives vétustes, dénonçant chez Mme [O], des infiltrations d'eau dans les murs et plafonds de son appartement et la présence importante de moisissures et chez M. [U], des remontées d'eau usées dans sa salle d'eau, des fuites d'eau régulières, une absence de purge des radiateurs les rendant non fonctionnels, et une absence d'eau froide dans sa cuisine notamment.
S'en sont suivis de nombreux échanges entre les parties concernant ces difficultés.
Ces allégations des locataires sont corroborées par de nombreux constats d'huissier établis lorsque la société CNP Assurances était encore propriétaire de l'immeuble, à savoir:
- un constat d'huissier de justice du 9 juin 2021,duquel il ressort notamment :
* dans le sas d'entrée: de nombreuses traces de salissures et de poussière sur le sol,
* dans les caves: plusieurs traces et auréoles brunâtres sur le sol, d'importants décollements de peinture et des traces brunâtres sur les murs, le mauvais état des réseaux situés au plafond en mauvais état (décollements de peinture, effritement du calorifuge, traces brunâtres sur les conduits), au fond du couloir: la présence d'eau stagnante sur le sol, d'une poubelle pour récupérer les eaux provenant des canalisations lors des fuites régulières et d'une bâche en plastique. L'huissier de justice a constaté une fuite importante au niveau des canalisations au dessus de la poubelle et une odeur nauséabonde émanant de l'eau,
* dans le sas d'accès 2: un décollement important de la peinture des murs, deux dalles du faux plafond présentant d'importantes traces et auréoles brunâtres au droit de l'ascenseur,
* dans la cage d'escalier: d'importantes traces et auréoles brunâtres sur les marches et une forte odeur nauséabonde,
* dans le palier - 1: de nombreuses auréoles brunâtres et traces d'usure au sol, que les murs et les portes sont sales et présentent des traces jaunâtres et brunâtres, le plafond est usé avec d'importantes traces brunâtres,
* au 4ème étage des parties communes: décollement de la peinture des murs à de nombreux endroits,
* dans l'intégralité des parties communes: le linoleum du sol présente de nombreuses traces blanchâtre et de salissure.
- un constat d'huissier de justice du 6 septembre 2021 duquel il ressort notamment:
* la présence d'un matelas et d'un sommier dans le parking devant l'entrée des parties communes,
* à l'intérieur: le sol est encrassé, la porte métallique est équipée d'un système de fermeture avec badge qui ne fonctionne pas, la serrure de la porte est forcée, l'état du mur extérieur est insalubre et en mauvais état, des traces d'humidité et d'oxydation au plafond, les luminaires au dessus de la porte hors service,
* au niveau de l'accès à l'ascenseur: le sol, les murs et les plinthes sont vétustes, en mauvais état et des traces d'infiltration d'eau sont visibles, l'ensemble est encrassé,
* dans l'accès escalier : l'ensemble n'a jamais été nettoyé, des traces jaunâtres et marronnasses sont visibles sur différentes marches, devant la porte 'hall 49-10", des traces d'urine présumées sont visibles sur une grande partie de la surface du sol,
* gardien absent à 8h34 soit durant les horaires d'ouverture,
* au niveau de la porte d'accès aux boîtes aux lettres et aux appartements: l'ensemble est non entretenu et sale,
* dans les caves: traces jaunâtres et marronnasses, traces d'urine présumée au sol et odeur nauséabonde; certaines serrures ont été forcées,
* dans le local poubelle: l'ensemble est sale et non nettoyé, les poubelles ne sont pas vidées ni sorties, une odeur nauséabonde se dégage, de nombreuses mouches sont présentes,
* l'ensemble des parties communes est sale et non nettoyé.
La société CNP Assurances et la société Esset produisent un constat d'huissier de justice du 5 novembre 2021 réalisé à leur demande duquel il ressort, pour l'immeuble situé au numéro 40, que :
* la porte d'accès côté livraison est commandée par un badge magnétique et une platine murale vigik en bon état de fonctionnement,
* le sol est nettoyé,
* des tâches ou auréoles orangées dans les escaliers mais un revêtement de sol propre et non glissant; dans la cage d'escalier au N-1, des traces de rouille au plafond, la peinture est écaillée et présente des cloques et boursouflures, des traces d'écoulement orangées sont visibles sur le mur qui présente un aspect jauni en partie basse, la dalle de pallier au sol est tachée avec des traces d'écoulements sur les marches, l'éclairage fonctionne, la peinture murale et celle en face sous l'escalier et celle du pilier central est en bon état d'usage, pas d'odeur particulière,
* depuis le palier N-1 jusqu'au rez-de-chaussée, la peinture (sous-face de l'escalier, murs, marches) est en bon état, nettoyée et propre, comme le palier au rez-de-chaussée, dans le sas ascenseur/escalier, le sol est nettoyé, la peinture des murs et du plafond est en bon état d'usage, * à l'extérieur, les abords sont propres, la porte d'entrée s'ouvre uniquement avec le badge magnétique ou le code à composer, il existe une vitrophanie sur les panneaux vitrés, côté boîte aux lettres, l'aspect général de l'entrée de l'immeuble est en bon état d'entretien, propre, les peintures sont en bon état d'usage et propre, le sol est en bon état d'entretien et propre,
* la cage d'escalier menant aux logements est propre, les peintures sont en bon état, les marches sont en bon état, l'éclairage fonctionne, de même pour le palier ascenseur au rez-de-chaussée,
* dans le couloir d'accès aux caves: la peinture au sol est en état d'usage, nettoyée, les luminaires fonctionnent,
* dans le local poubelles: peinture en bon état d'usage, carrelage aux murs en bon état et nettoyé, le sol carrelé propre, pas d'odeur particulière se dégageant de ces locaux, les portes sont fermées et équipées de serrures,
* les parties communes sont en bon état d'entretien (sans autre précision).
Pour autant, ce constat d'huissier ne suffit pas à remettre en cause les précédentes constatations également réalisées par un officier ministériel ayant une valeur probante identique, sans qu'il soit établi que les locataires auraient demandé à l'huissier de justice d'insister sur des désordres 'minimes' comme le soutient l'appelante. Il en ressort cependant que l'immeuble a fait l'objet d'un nettoyage et de réparations, notamment au niveau des portes d'accès.
De même, le fait qu'un diagnostic, réalisé en mars 2018, ait conclu à un immeuble en bon état général et maintenu propre, est insuffisant à établir par la suite un entretien courant et régulier de l'immeuble, ce que les factures de la société Cottrez pour les produits de nettoyage (pièce 23) ou les factures de remplacement du gardien en son absence ne permettent pas davantage.
Par la suite, les locataires ont fait réaliser d'autres constats par huissier et commissaire de justice:
- le 3 février 2022 duquel il ressort que:
* les portes d'accès du hall d'entrée et au sous-sol, pourtant équipées d'un pass vigik, s'ouvrent manuellement sans sécurité, ce que constate également le commissaire de justice les 14 mars,16 septembre et le 8 novembre 2022,
* les parties communes sont sales avec des traces marrons, mégots de cigarette au sol et déchets à différents endroits, ce que constate également l'huissier de justice le 14 mars 2022, y compris dans les escaliers où l'huissier relève une odeur de tabac et de drogue, des taches et des traces sur les marches d'escalier, la peinture cloquée et écaillée en partie basse, des traces d'humidité, et que la zone des caves est sale avec des traces et taches sur les murs et au sol et que le revêtement de la tuyauterie est abîmé,
* la loge du gardien fermée alors qu'il s'agit des horaires d'ouverture et qu'il ne l'a pas croisé durant l'heure de sa visite,
* une fissure verticale sur le bâtiment 40.
- le 14 mars 2022: l'huissier de justice constate en outre que:
* l'ascenseur est en panne sans signalement,
* de manière générale les parties communes ne sont pas entretenues (traces de saleté, taches diverses, coulures jaunâtres, dégradation de la peinture, traces d'humidité) notamment au niveau -2 où le sol est sale et dégradé et les murs dégradés de manière significative, la peinture s'écaille et des impacts sont visibles. De l'eau stagnante est présente sur le sol le rendant glissant, et les poubelles sont positionnées devant l'entrée.
- le 16 septembre 2022, le commissaire de justice constate en outre que:
* dans le local électrique: l'accès s'effectue par une porte qui s'ouvre librement avec à l'intérieur la présence de différents cartons, un matelas et des jouets d'enfants,
* dans le hall ascenseur: accès par une double porte vitrée dotée d'un lecteur de badge magnétique mais cette porte ferme mal et reste ouverte en l'absence de vérification de sa fermeture, le pêne ne s'actionnant pas dans la gâche, laissant libre l'accès à l'ascenseur; que depuis ce hall, on accède librement à l'escalier (sans serrure ni contrôle d'accès) ainsi qu'à la cabine ascenseur (sans badge),
* accès libre aux caves, nombreuses marques et traces d'effractions, nombreuses portes endommagées,
* dans le hall du rez-de-chaussée: stigmates d'un dégât des eaux visible sur l'ensemble des murs dont la peinture cloque, micro-fissures visibles sur les cloisons et le faux-plafond, dysfonctionnement du bouton d'appel de l'ascenseur, porte d'accès menant vers les caves et les appartements depuis le hall muni d'un lecteur de badge magnétique défaillant, la porte s'ouvre librement,
* à l'extérieur du hall: fissure marquée avec détachement de matière visible sur le mur de façade.
- le 8 novembre 2022, le commissaire de justice constate que :
* la porte d'entrée est ouverte malgré le dispositif vigik, la porte vitrée de l'immeuble n'est pas fermée à clé, le vigik ne fonctionne pas, ce que relèvera également le commissaire de justice le 15 novembre 2022,
* le hall d'entrée a fait l'objet d'un dégât des eaux, le vigik de la seconde porte d'entrée ne fonctionne pas et l'entrée est libre et non sécurisée,
* dans les caves: portes fracturées, ce qui sera également constaté le 15 novembre 2022 et présence d'eau au sol.
Ces éléments permettent d'établir un défaut d'entretien des parties communes par la bailleresse et son mandataire, ce qui est en outre corroboré par des attestations d'autres occupants de l'immeuble (attestation de Mmes [L] et [N] du 5 septembre 2021 - pièce 27, Mme [P] - pièce 85, M. Mme [I] - pièce 87 notamment), et dans le courrier de Mme [A] - pièce 62) et le courriel de Mme [Y] (pièce 83), ce qui a généré des nuisances visuelles et olfactives et ainsi un trouble de jouissance pour les locataires qui ont vécu dans un environnement dégradé bien supérieur à l'état de propreté attendu y compris dans un grand immeuble en région parisienne.
Ils permettent en outre d'établir que les accès au bâtiment n'étaient pas sécurisés, permettant l'accès à des tiers, et générant ainsi un sentiment d'insécurité chez M. [U] et Mme [O], étant en outre relevé qu'il a été constaté que des caves avaient été fracturées et que des squatters ont pu s'y introduire, ce qui a justifié un signalement au commissariat qui a multiplié les patrouilles aux abords de l'immeuble (courriel du 11 octobre 2021). Si les sociétés CNP Assurances et Esset ont justifié d'interventions sur ces accès (entre janvier et mai 2021 selon les factures de la société Gercom), ils n'établissent pas avoir pris des mesures pour y remédier de façon pérenne, étant ajouté que par courriel du 7 novembre 2022, la société Esset a fait part de l'intervention de la société Protixis qui a confirmé que le digicode était hors service en raison de son ancienneté.
Ces désordres sont donc justifiés pour la période allant de juin 2021, date du premier constat, au 2 mai 2023, la société CNP Assurances et la société Esset ne justifiant pas y avoir remédié avant la vente.
M. [U] et Mme [O] dénoncent en outre le comportement du gardien de l'immeuble du fait de ses absences, de son manque de réactivité aux problèmes rencontrés dans l'immeuble, de son comportement menaçant et vindicatif envers eux surtout depuis leurs réclamations. Ils dénoncent également des problèmes de non distribution du courrier et d'ouverture de courrier, justifiant avoir pris attache avec la Poste à cet effet pour surveiller le courrier à distribuer, ce que confirment d'autres habitants (M. [H] - pièce 79, M. [F] -pièce 82, Mme [K] - pièce 84, Mme [P], Mme [A] et M. et Mme [I]).
Ils justifient avoir déposé plusieurs plaintes à son encontre entre juin et septembre 2021 pour des faits de menaces de violences, injures, harcèlement moral et immixtion dans leur vie privée, puis directement auprès du procureur de la République de Nanterre par l'intermédiaire de leur avocat le 4 février 2022 pour harcèlement moral, menaces, vol et dégradations de biens, violation de correspondances. Ces affaires étaient toujours en cours d'instruction au parquet de Nanterre en juin 2024.
Il apparaît par ailleurs que le gardien, qui avait déjà fait l'objet d'un rappel à l'ordre en 2016 notamment pour non respect des horaires de loge et son relationnel, a fait l'objet d'une convocation pour un entretien préalable à un éventuel licenciement le 5 juillet 2021 et d'un courrier d'avertissement le 29 juillet 2021 reprenant ses déclarations selon lesquelles il reconnaissait avoir eu des difficultés relationnelles avec certains locataires et un comportement peu propice à l'apaisement ainsi que la détention d'une arme non létale de catégorie D sur son lieu de travail, donnant ainsi du crédit aux affirmations des locataires quant à une posture menaçante à leur égard. La sociétés Esset ne justifie pas des raisons de son départ définitif le 31 mai 2022, date à laquelle ces troubles ont donc cessé.
Ces éléments permettent d'établir que le comportement du gardien a causé aux locataires un trouble de jouissance depuis le mois de juin 2021 dont la bailleresse et sont gestionnaire doivent répondre quand bien même il était salarié par une société tierce s'agissant du gardien de leur immeuble.
En revanche, M. [U] ne justifie nullement que les blessures relevées dans le certificat médical de l'UMJ de [Localité 7] du 24 avril 2024 feraient suite à une chute dans les parties commune de l'immeuble le 19 avril en raison d'une fuite d'eau, étant au surplus relevé qu'il s'agit de faits qui seraient intervenus postérieurement à la vente de l'immeuble et ne pourraient en tout état de cause, être imputés aux appelantes.
Contrairement à ce qu'allègue la société Esset, le premier juge a également retenu des désordres dans les parties privatives bien qu'il ne les ait pas précisés.
Concernant Mme [O], il ressort du constat de l'huissier de justice du 9 juin 2021 que le plafond de la salle d'eau est recouvert de moisissures avec décollements de peinture. Les services d'hygiène de la mairie ont également relevé, dans leur rapport du 9 décembre 2021, dans la salle d'eau, que la VMC est fonctionnelle mais que le débit d'extraction d'air semble faible ainsi que la présence d'importantes traces de moisissures au niveau du plafond; que la prise électrique n'est pas raccordée à la terre et n'est pas conforme aux tests 10 et 30 mA, et que dans l'ensemble des pièces de vie, les prises électriques fonctionnelles mais non conformes au test 30mA. Ils ont préconisé la recherche des causes de l'humidité afin d'y remédier, et la vérification de l'installation électrique par un professionnel qualifié et celle de l'extraction d'air des ventilations. Le 3 février 2022, l'huissier de justice a constaté la présence de traces noirâtres de champignons liées à l'humidité sur le plafond de sa salle d'eau et que la VMC ne faisait pas de bruit, le 14 mars 2022, que le papier peint se décolle à divers endroits et que des traces de moisissures sont visibles au niveau du plafond de la douche, et le 15 novembre 2022 que la VMC ne fonctionne pas dans la salle d'eau ainsi que la présence de moisissures au plafond.
Devant le conciliateur de justice le 7 avril 2022 puis dans son courrier du 24 mai 2022 aux services d'hygiène de la mairie, la société Esset a convenu de la nécessité de réparer la VMC, en indiquant que les premiers travaux effectués au niveau des tourelles en mars 2022 n'étaient pas suffisants et qu'il convenait d'effectuer un ramonage, qui est intervenu le 14 juin 2022, tout en indiquant qu'une fois l'origine de ce dysfonctionnement traité, elle s'occuperait de la remise en état des supports dégradés au niveau des moisissures en plafond des salles d'eau. Elle a également indiqué avoir remis l'installation électrique en conformité.
Le 2 novembre 2022, la société Esset a informé Mme [O], en réponse à son courriel sur le maintien des problèmes d'humidité, de VMC et d'eau chaude et eau jaunâtre, que les investigations de leur service technique étaient toujours en cours. Il n'est donc pas établi qu'elle aurait remédié à ces difficultés.
Il convient de rappeler que le propriétaire doit assurer une jouissance paisible du bien et que le fait de rechercher les causes et d'effectuer des investigations qui n'ont pas abouti, ne saurait le dispenser de son obligation.
Ainsi, il résulte de ces éléments que les désordres relevés ci-dessus dans le logement de Mme [O] lui ont nécessairement causé à un préjudice de jouissance en ce que l'électricité n'était pas aux normes et que sa salle d'eau était anormalement humide entraînant des moisissures, en raison d'un système d'aération insuffisant, cet appartement ne répondant pas de ce fait aux normes sanitaires et de sécurité en vigueur.
L'ampleur du préjudice et la nature et la durée des troubles constatés justifient que Mme [O] soit indemnisée au titre du préjudice de jouissance tant dans les parties communes que parties privatives à hauteur de 20 % du loyer pour la période du 1er juin 2021 au 3 mai 2023, soit la somme de 4 600 euros (200 euros x 23 mois).
Pour M. [U], il a subi un dégât des eaux (liquide noirâtre vicieux et très abondant dans sa salle de douche) le 7 mai 2021 suite au curage d'une descente collective d'évacuation des eaux usées à la suite d'une fuite dans les caves, pour lequel il a effectué une déclaration de sinistre dont il n'a pas donné les suites alors qu'une expertise amiable a été diligentée en présence de la société Esset.
Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 3 février 2022 que l'eau qui coule dans la salle d'eau est marron et que la VMC ne fait pas de bruit et qu'il n'y a pas d'eau froide au robinet de la cuisine bien que la position du mitigeur soit sur le froid. Le 15 novembre 2022, le commissaire de justice a relevé que la VMC ne fonctionne pas, que tous les radiateurs sont froids, et que le capteur installé sur les radiateurs est éteint.
M. [U] justifie donc de troubles de jouissance sans que le seul rapport de la société Eurofins relatif à des prélèvements d'eau du 22 mars 2022 mentionnant des résultats conformes suffise à exonérer la bailleresse de son obligation de lui assurer une jouissance paisible des lieux.
Les troubles de jouissance pour la partie privative étant moins importants pour M. [U], il sera retenu, au vu de l'importance du préjudice et la nature et la durée des troubles constatés tant dans les parties communes que privatives, justifient une indemnisation au titre du préjudice de jouissance correspondant à 15 % du loyer pour la période du 1er juin 2021 au 3 mai 2023, soit la somme de 3 450 euros (150 euros x 23 mois).
Le jugement déféré est en conséquence infirmé sur le montant de l'indemnisation du préjudice de jouissance des locataires.
Il n'y a donc pas lieu de réduire en sus le montant du loyer comme demandé par les locataires, leur préjudice étant déjà indemnisé par l'octroi de dommages et intérêts. Il convient en conséquence de confirmer le jugement ayant débouté M. [U] et Mme [O] de cette demande.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et d'anxiété
M. [U] et Mme [O] font grief au premier juge de les avoir déboutés de leur demande en indemnisation au titre du préjudice moral en estimant que l'indemnisation du préjudice de jouissance suffisait.
Ils font valoir que le préjudice moral vise à indemniser l'inconfort moral quotidien dont ils ont été victimes qui est distinct du préjudice de jouissance; qu'ils en justifient par des pièces médicales; qu'ils ont vécu une situation très difficile jusqu'au départ du gardien préposé de la société Esset, elle-même mandataire de la société CNP Assurances, eu égard à son comportement inadapté et anxiogène à cause duquel ils ressentaient une insécurité quotidienne.
Ils ajoutent avoir subi des nuisances sonores et vibratoires résultant de travaux sur la tour Aurore qui ont impacté leur immeuble, constatées par un cabinet d'experts dont la société CNP Assurances et la société Esset ont eu connaissance dans le cadre d'un référé-préventif, de même qu'elles ont eu connaissance du rapport d'expertise judiciaire du 25 janvier 2022.
La société CNP Assurances de répliquer que les éléments versés aux débats ne permettent pas de déterminer avec certitude que les troubles dépressifs de M. [U] seraient liés au comportement du gardien alors qu'ils ont visiblement des origines multifactorielles; de même que les attestations du médecin de Mme [O] ne permettent pas de déterminer l'origine de ses maux. Elle soutient qu'ils ne démontrent pas de lien causal entre les troubles dont ils souffrent et les faits qu'on lui reproche.
Elle ajoute que l'évaluation du préjudice n'est pas justifiée et que les locataires ne démontrent pas l'existence d'un préjudice distinct du trouble de jouissance.
Elle soutient que les rapports d'expertise dont ils font état ne sont pas contradictoires et ne lui ont pas été communiqués, de sorte qu'elle n'a pu faire le nécessaire pour y remédier et que dans le cadre du référé préventif, aucun désordre n'a été relevé.
La société Esset s'oppose également à cette demande en faisant valoir que cette demande n'est justifiée ni dans son principe ni dans son quantum; que les troubles dépressifs de M. [U] en lien avec un accident n'ont rien à voir avec l'occupation de son appartement; que ceux de Mme [O] sont liés à de multiples facteurs dont elle et la société CNP Assurances ne sont pas la cause.
Elle soutient que les éléments produits ne démontrent pas l'existence d'un lien de causalité entre leur état de santé et le prétendu défaut de gestion et d'entretien qu'on leur attribue.
Enfin, elle relève que les éléments produits dans leurs dernières conclusions relatifs à différents désordres n'ont rien à voir avec le préjudice moral qu'ils invoquent ni avec le référé préventif au cours duquel l'expert n'a relevé aucun désordre, ajoutant que la tour Aurore est éloignée de leur immeuble et qu'elle n'a reçu aucune plainte des locataires à ce sujet, les invitant à en référer à leur bailleur actuel.
Sur ce,
En application de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
M. [U] et Mme [O] n'explicitent pas en quoi la société CNP Assurances et la société Esset seraient responsables des conséquences éventuelles sur leur bâtiment et leur environnement quotidien des travaux réalisés sur la tour Aurore, doléances dont ils ne justifient pas avoir fait état auprès de leur ancien bailleur et gestionnaire préalablement et par conséquent de leur responsabilité sur d'éventuels problèmes de santé qui en résulteraient (pathologies respiratoires, ORL, digestives ou dermatologiques).
Mme [O] justifie d'arrêts de travail pour troubles dépressifs entre avril et septembre 2021. Elle produit également un certificat médical établi sur réquisition par l'UMJ de [Localité 7] le 21 juin 2021 qui relate qu'elle affirme être harcelée en permanence par son gardien, qu'elle souffre d'anxiété, de stress, de dépression, cauchemars, tristesse, angoisse, troubles du sommeil. Le certificat relève l'absence de lésions physiques visibles mais qu'il y a des signes de retentissement psychologiques suite à des contacts difficiles avec le gardien qui sont à confirmer avec un psychologue, une évaluation étant conseillée dans 3 semaines. Mme [O] ne produit pas cette évaluation.
Elle verse également aux débats 17 certificats médicaux, notamment ceux de son médecin traitant des 16 juin, 25 octobre, 6 décembre 2021, 1er avril, 30 juin, 22 septembre et 12 décembre 2022, certifiant que Mme [O] doit consulter un psychiatre; qu'elle se déclare victime de harcèlement moral par son gardien depuis plusieurs mois; qu'elle présente un préjudice moral et physique avec anxiété, stress, dépression, tristesse, angoisse, troubles du sommeil, crises d'angoisse avec palpitations et hypertension artérielle ce jour, des pleurs et des idées noires réactionnelles avec une peur du gardien et que son état psychologique et physique s'aggrave de jour en jour. Il est noté que cet état pathologique séquellaire et réactionnel a nécessité la prise d'anxiolytiques et de somnifères et justifie une ITT. Elle produit des certificats médicaux établis postérieurement à la vente de l'immeuble.
Il apparaît ainsi que ces certificats médicaux, rédigés en des termes quasiment identiques, ne font que reprendre les déclarations de Mme [O] quant à l'origine de ces troubles, étant relevé que certains d'entre eux sont bien postérieurs aux départ du gardien intervenu en juin 2022, permettant de s'interroger sur l'origine de ces troubles.
Mme [O] ne justifie donc pas que ses problèmes de santé seraient la conséquence de manquements de son bailleur et de son gestionnaire, de sorte qu'il convient de la débouter de sa demande au titre du préjudice moral et d'anxiété.
Concernant M. [U], il produit un certificat médical d'un médecin psychiatre du 21 avril 2021 mentionnant un état de stress nécessitant une prise en charge régulière pendant un an. Ce document ne permet pas d'établir l'origine de cette situation.
Son médecin traitant atteste le 22 décembre 2021, qu'il souffre de pathologies digestives et dermatologiques liées aux travaux actuels (présence de poussières et eaux polluées, jaunâtres) dans son environnement quotidien, nécessitant des consultations spécialisées et des traitements, ce dont il ne justifie pas.
Il convient en conséquence de débouter M. [U] de sa demande au titre du préjudice moral et d'anxiété.
Le jugement déféré est en conséquence confirmé de ces chefs.
Sur la demande de restitution des charges récupérables
M. [U] et Mme [O] font grief au premier juge d'avoir rejeté leur demande au titre de la restitution des charges pour la période postérieure à 2018 au motif que les sociétés CNP Assurances et Esset justifiaient de la régularisation des charges pour chaque année ainsi que des diligences accomplies pour permettre une transparence auprès de l'ensemble des locataires. Ils reconnaissent en revanche qu'ils étaient irrecevables à agir pour la période antérieure à l'année 2018 en raison de la prescription.
Au soutien de leur demande de restitution des provisions sur charges, ils font valoir que:
- lors de la précédente instance, les sociétés ne justifiaient que de la régularisation des charges pour l'année 2019,
- qu'en juin 2023, la Confédération Générale du Logement (CGL) 92 attestait que les sociétés n'avaient pas procédé à la régularisation pour l'année 2020 , que pourtant, ils indiquent que le juge des contentieux et de la protection les y avait contraints par ordonnance et qu'en juillet 2022, l'association avait relevé certaines incohérences et non justifications de plusieurs postes de charges,
- en tout état de cause, les régularisations de charges produites ne sont pas suffisantes pour justifier des provisions sur charges appelées en ce qu'il n'a pas été communiqué de résultat antérieur ni de budget prévisionnel, que si la nature des différentes charges est bien précisée, aucune note d'information ne permet d'expliciter le mode de répartition entre locataires ni les modalités de calcul des charges d'eau et de chauffage, alors que les locataires se plaignent d'un dysfonctionnement de l'installation de chauffage et d'un défaut des compteurs individuels installés,
- la société CNP Assurances et la société Esset ne justifient pas de la mise à dispositions d'un état complet des charges et des justificatifs,
- il ne peut leur être imposé de régler des charges d'eau, au vu de la qualité de l'eau et de la surconsommation d'eau résultant du temps mis pour l'eau chaude à arriver, des charges d'entretien au vu des désordres constatés, et des charges de chauffage alors que celui-ci n'est pas réglable),
- le juge des contentieux et de la protection a enjoint à la société CNP Assurances de communiquer les justificatifs de charges pour 2021.
Poursuivant la confirmation de ce chef du jugement, la société CNP Assurances réplique qu'elle a parfaitement respecté ses obligations; que chaque année, elle a adressé un mois avant la régularisation, un décompte par nature de charges ainsi que le mode de répartition entre les locataires; que ces documents sont accompagnés d'un avis affiché dans les parties communes les informant qu'un état complet des charges par poste de dépenses est joint à cet envoi et que le détail des charges récupérables et les pièces justificatives de dépenses sont tenus à disposition dans ses locaux pendant un délai de 6 mois. Elle ajoute qu'un dossier de contrôle des charges est préparé chaque année pour permettre la vérification des comptes au sein des locaux de son mandataire par les locataires. Elle relève que M. [U] et Mme [O] n'ont pas pris la peine de venir consulter ces documents et qu'ils ne peuvent se prévaloir de leur propre carence pour demander le remboursement des charges qui sont la contrepartie des services dont ils ont bénéficié.
Elle relève avoir été contrainte de produire les pièces comme ordonné par le juge des contentieux et de la protection alors même qu'elle n'était plus propriétaire du bien pour éviter toute condamnation alors que les requérants auraient dû s'adresser au nouveau propriétaire. Elle soutient que les comptes de charges pour 2021 et les justificatifs ont été transmis au nouveau propriétaire qui a procédé aux appels.
La société Esset demande également la confirmation de ce chef du jugement en faisant valoir que les décomptes individuels de charges sont transmis chaque année aux locataires qui ont la possibilité de venir consulter les pièces justificatives dans ses locaux comme rappelé dans les parties communes, ce qu'il n'ont jamais fait.
Elle ajoute qu'il n'existe aucun fondement juridique à leur demande de remboursement des charges qui sont l'exacte contrepartie des prestations dont ils ont bénéficié et dont elle justifie. Elle affirme avoir transmis à l'association CGL 92 toutes les pièces dont la transmission a été ordonnée par le juge des contentieux et de la protection ainsi que le décompte général de charges.
Sur ce,
L'article 23 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose qu'une fois par an au moins, le bailleur devra procéder au compte de régularisation de charges en ajustant les sommes versées par le preneur à titre de provisions par rapport à celles réellement dues un mois avant la régularisation, le bailleur communiquera au locataire :
- un décompte des charges selon leur nature,
- dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires et, le cas échéant, une note d'information sur les modalités de calcul des charges de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire collectif.
A compter de l'envoi du décompte, le bailleur doit tenir les pièces justificatives (factures, contrats de fourniture et d'exploitation en cours, etc.) à la disposition du locataire pendant six mois.
En outre, le premier alinéa de cet article énonce un principe général selon lequel les charges récupérables sont exigibles sur justification.
Cependant, le défaut de respect par le bailleur de son obligation de régularisation des charges une fois par an ne le prive pas du droit de réclamer le paiement des charges, dès lors qu'elles sont justifiées et que le bailleur démontre, en outre, avoir mis à la disposition du locataire, fût-ce devant la cour, les pièces justificatives, qui s'entendent des factures, contrats de fourniture et d'exploitation en cours et leurs avenants, ainsi que les décomptes des quantités consommées et les prix unitaires de chacune des catégories de charges, c'est-à-dire toutes les pièces qui ont été utilisées pour opérer la régularisation des charges.
En l'espèce, pour l'année 2019, la société CNP Assurances produit un relevé individuel de charges (pièce 4 et 7) par nature de charges et répartition au vu des tantièmes. Elle ne justifie pas de l'envoi de l'état complet des charges par poste de dépenses qui serait joint à l'envoi du relevé individuel ni de l'avis qui serait apposé dans les parties communes selon lequel le détail des charges récupérables et les pièces justificatives sont tenues à disposition dans leurs locaux ni du dossier de contrôle des charges qui serait préparé chaque année et mis à disposition dans les locaux.
Pour autant, dans son courrier du 28 juillet 2022, l'association CGL 92, intervenant à la demande de l'association des locataires de l'immeuble (DILMS), sollicite des observations précises et détaillées sur différents postes de charges au vu des pièces justificatives qu'elle a manifestement pu consulter et contrôler. M. [U] et Mme [O] reconnaissent eux-même dans leur conclusions que la bailleresse justifiait de la régularisation pour l'année 2019.
Devant la cour, M. [U] et Mme [O] ne reprennent pas les contestations figurant dans ce courrier et ne justifient pas de problèmes relatifs à l'eau, au chauffage et à l'entretien pour cette année-là afin de contester le bien-fondé de ces charges.
Il convient en conséquence de les débouter de leur demande en remboursement des provisions sur charges pour 2019.
Pour l'année 2020, aucun document n'est produit par la société bailleresse ou la société gestionnaire de sorte qu'il convient de faire droit à la demande de remboursement des provisions sur charges pour cette année-là.
Pour l'année 2021, il apparaît que le juge des contentieux et de la protection a rendu une ordonnance d'injonction de faire du 10 janvier 2024 ordonnant à la société CNP Assurances de communiquer à Mme [O] et M. [U] les justificatifs de charges 2021 ainsi qu'une note d'information sur les modalités de calcul des charges de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire collectifs et sur la consommation individuelle de la chaleur et d'eau chaude sanitaire du logement dans un délai maximal de 6 semaines à compter de la signification de la décision en indiquant que l'affaire sera examinée à l'audience du 23 mai 2024 sauf si elle faisait valoir que l'ordonnance avait été exécutée.
Il ressort des échanges de courriel entre les parties (pièce 113 des locataires) que ces documents ont été communiqués à l'exception du décompte général permettant de reconstituer les postes avec les factures selon les courriers. Cependant, cet élément a été produit devant la cour (pièce 50 de la société Esset).
M. [U] et Mme [O] ne contestent pas la qualification de charges récupérables pour les postes d'eau, chauffage et entretien ni les montants retenus. Ils invoquent une surconsommation d'eau et de chauffage dont ils ne justifient pas et les carences relevées dans l'entretien des bâtiments ci-dessus ont fait l'objet d'une indemnisation au titre du trouble de jouissance et ne sauraient les dispenser du paiement de ces charges.
Il convient en conséquence de les débouter de leur demande en remboursement des provisions sur charges pour l'année 2021.
En conséquence, la société CNP Assurances et la société Esset seront condamnées in solidum à rembourser à M. [U] la somme de 4 260 euros (355 X 12) et à Mme [O] la somme de 4 440 euros (370 x 12) au titre des provisions sur charges de l'année 2020 et les locataires seront déboutés de leur demande pour le surplus.
Le jugement est partiellement infirmé de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Chacune des parties succombant partiellement en son appel, il convient de faire masse des dépens et de dire qu'ils seront supportés pour un tiers par chacune d'elles et qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle. En revanche, les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe
Déboute la société Esset de sa demande visant à voir déclarer irrecevables les conclusions et pièces signifiées par M. [U] et Mme [O] le 19 mai 2024 devenue sans objet ;
Confirme, par substitution de motifs, le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [U] et Mme [O] de leur demande en résiliation des contrats de mandat de gestion passés entre les sociétés CNP Assurances et Esset, devenue sans objet ;
Infirme partiellement le jugement déféré sur le montant de l'indemnisation au titre du titre de jouissance, sur le rejet de la demande de M. [U] et Mme [O] au titre des charges pour l'année 2020 et sur le rejet de la demande de M. [U] et Mme [O] au titre des travaux;
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les demandes de M. [U] et Mme [O] au titre des travaux formées à l'encontre de la société CNP Assurances et de la société Esset ;
Condamne in solidum la société CNP Assurances et la société Esset à payer à Mme [J] [O] une somme de 4 600 euros au titre de son préjudice de jouissance ;
Condamne in solidum la société CNP Assurances et la société Esset à payer à M. [R] [U] une somme de 3 450 euros au titre de son préjudice de jouissance ;
Condamne in solidum la société CNP Assurances et la société Esset à payer à Mme [J] [O] la somme de 4 440 euros en remboursement des provisions sur charges pour l'année 2020 ;
Condamne in solidum la société CNP Assurances et la société Esset à payer à M. [R] [U] la somme de 4 260 euros en remboursement des provisions sur charges pour l'année 2020 ;
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions dévolues à la cour ;
Y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de M. [U] et Mme [O] de remboursement du montant des travaux formée à l'encontre de la société CNP Assurances et de la société Esset ;
Rejette toute autre demande ;
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Fais masse des dépens et dit qu'y seront tenus M. [U] et Mme [O] pour un tiers, la société CNP Assurances pour un tiers et la société Esset pour un tiers et qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, président et par Madame Gaëlle RULLIER, greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière placée, Le président
DE
VERSAILLES
Code nac : 51F
Chambre civile 1-2
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 NOVEMBRE 2024
N° RG 22/07733 - N° Portalis DBV3-V-B7G-VS2W
AFFAIRE :
Société CNP
ASSURANCES
C/
[R] [U]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 novembre 2022 par le Juge des contentieux de la protection de COURBEVOIE
Expéditions exécutoires
Copies certifiées conformes
délivrées le : 19/11/24
à :
Me Martine DUPUIS
Me Mathilde BAUDIN
Me Mélina
PEDROLETTI
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX-NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE
Société CNP ASSURANCES
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625
Plaidant : Me Emilie ASSOUS, avocat au barreau de PARIS
Substitué par : Me Orane BERTHELOT, avocat au barreau de PARIS
****************
INTIMÉS
Monsieur [R] [U]
né le 24 juin 1974 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 5]
bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale
Représentant : Me Mathilde BAUDIN, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 351
Madame [J] [X] épouse [O]
née le 07 octobre 1963 à [Localité 8] (POLOGNE)
[Adresse 3]
[Localité 5]
bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale
Représentant : Me Mathilde BAUDIN, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 351
S.A.S.U. ESSET Inscrite au RCS de Nanterre sous le numéro 484 882 642, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
N° SIRET : 484 88 2 6 42
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626
Plaidant : Me Chloé FROMENT, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : A0074
Substituée par Me Aziliz GAUTIER-GUEGAN, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : A0074
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 septembre 2024, Madame Anne THIVELLIER, Conseillère, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,
Madame Agnès PACCIONI, Magistrate placée,
qui en ont délibéré,
Greffière lors des débats : Madame Céline KOC
Greffier placée lors du prononcé de décision : Madame Gaëlle RULLIER
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 28 février 2006 à effet au 1er mars 2006, pour une durée de six ans renouvelable, la CNP Iam, devenue la société CNP Assurances, a consenti à M. [R] [U] et Mme [T] [U] un bail d'habitation portant sur des locaux de type F4, constituant le lot n°253, situés à [Localité 5], 40 terrasse de l'iris, moyennant un loyer annuel, hors charges, de 11 976 euros.
Par acte sous seing privé du 4 avril 2007 à effet au 7 avril 2007, pour une durée de six ans renouvelable, la CNP Iam, devenue la société CNP Assurances, a consenti à M. [G] [O] et Mme [J] [X] épouse [O] un bail d'habitation portant sur des locaux de type F4, constituant le lot n°231, situés à [Localité 5], 40 terrasse de l'iris, moyennant un loyer annuel, hors charges, de 11 976 euros.
Les locataires se sont manifestés auprès de la société CNP Assurances, qui avait confié la gestion de l'immeuble à la société Esset, pour se plaindre notamment de l'entretien des parties communes et privatives ainsi que du comportement agressif du gardien.
Par acte d'huissier de justice du 8 octobre 2021, M. [U] et Mme [O] ont fait assigner les sociétés CNP Assurances et Esset aux fins notamment de :
- les voir condamner solidairement à la réalisation des travaux d'entretien et de réparation des parties communes de l'immeuble, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
- les voir condamner solidairement à la réalisation des travaux d'entretien et de réparation au sein de leurs appartements, sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
- prononcer la résiliation judiciaire pour faute des contrats de gestion d'immeuble et de gestion locative liant la bailleresse à la société Esset, en raison des défaillances graves et répétées de celle-ci,
- fixer le montant du loyer de Mme [O] à la somme de 955,98 euros, jusqu'à complète réalisation des travaux précités, et conséquemment condamner solidairement la société Esset et CNP Assurances au remboursement de la somme de 14 352 euros, en raison des loyers trop perçus sur ces cinq dernières années,
- fixer le montant du loyer de M. [U] à la somme de 955,98 euros, jusqu'à complète réalisation des travaux précités et conséquemment condamner solidairement la société Esset et CNP Assurances au remboursement de la somme de 14 352 euros en raison des loyers trop perçus sur ces cinq dernières années,
- les voir condamner solidairement au règlement de la somme respective de 21 300 euros à M. [U] et de 22 200 euros au titre des provisions sur charges appelées sur les cinq dernières années et non justifiées,
- les voir condamner solidairement à régler respectivement à chacun des demandeurs la somme de 8 000 euros en réparation de leur préjudice moral et d'anxiété,
- les voir condamner solidairement à leur régler à chacun la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens de la présente instance, qui comprendront le coût du constat d'huissier dressé le 9 juin 2021 pour un montant de 369,20 euros.
Par jugement contradictoire du 14 novembre 2022, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Courbevoie a :
- condamné in solidum la société CNP Assurances et la société Esset à payer :
* à M. [U] une somme de 8 000 euros au titre de son préjudice de jouissance,
* à Mme [O] une somme de 8 000 euros au titre de son préjudice de jouissance,
- rejeté la demande de M. [U] et de Mme [O] au titre du préjudice moral,
- rejeté la demande de M. [U] et de Mme [O] au titre des travaux,
- rejeté la demande de M. [U] et de Mme [O] au titre de la résiliation du contrat de gestion d'immeuble et du contrat de gestion locative liant la société CNP Assurances et la société Esset,
- rejeté toute autre demande,
- mis les dépens in solidum à la charge de la société CNP Assurances et de la société Esset (dépens qui comprendront les frais de constat des 9 juin 2021 et 6 septembre 2021), qui seront en outre condamnées in solidum à payer à chacun des demandeurs une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépetibles,
- rappelé que l'exécution provisoire assortit la décisions.
Par acte notarié du 2 mai 2023, la société CNP Assurances a vendu le bien immobilier dans lequel se situent les appartements donnés à bail à la société In'li.
Par déclaration déposée au greffe le 23 décembre 2022, la société CNP Assurances a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 5 juillet 2024, la société CNP Assurances, appelante, demande à la cour de :
- prendre acte qu'elle n'est plus propriétaire de l'immeuble où sont situés les appartements loués à M. [U] et Mme [O], ce depuis le 2 mai 2023,
- déclarer irrecevable toute demande formulée en réalisation de travaux et toute demande pécuniaire afférente à un préjudice postérieur à la date de la vente,
- la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes,
Y faisant droit,
- infirmer le jugement du 14 novembre 2022 en ce qu'il l'a condamnée à régler à M. [U] et Mme [O] la somme de 8 000 euros à titre de dommages-intérêts chacun, celle de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile chacun et aux entiers dépens,
- infirmer le jugement du 14 novembre en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
- débouter M. [U] et Mme [O] de l'ensemble de leur demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [U] et Mme [O] à lui payer la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [U] et Mme [O] au paiement des entiers dépens de première instance,
Y ajoutant,
- condamner M. [U] et Mme [O] à lui payer la somme de 5 500 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [U] et Mme [O] au paiement des entiers dépens d'appel.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 14 juin 2024, M. [U] et Mme [O], intimés et appelants à titre incident, demandent à la cour de :
- les déclarer bien fondés et recevables en leur appel incident,
- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a condamné in solidum les sociétés Esset et CNP Assurances à leur devoir chacun la somme de 8 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,
- infirmer le jugement du 14 novembre 2022 en ce qu'il a rejeté :
- leur demande au titre du préjudice moral,
- leur demande au titre de travaux,
- leur demande au titre de la résiliation du contrat de gestion d'immeuble et du contrat de gestion locative liant les sociétés Esset et CNP Assurances;
- toute autre demande,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
- débouter les sociétés Esset et CNP Assurances de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
Sur les travaux,
- à titre principal, condamner solidairement les sociétés Esset et CNP Assurances à la réalisation des travaux d'entretien et de réparation des parties communes de l'immeuble sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et notamment:
- réfection des réseaux d'eau de l'immeuble et de leurs joints,
- désinfection et nettoyage en profondeur de l'ensemble des parties communes, à savoir escalier, cage d'escalier, murs, sols, plafond et réfection des murs s'effritant,
- mise en place d'un système d'opacité des vitres d'entrée permettant le respect de la vie privée des locataires,
- mise aux normes des accès PMR,
- remplacement des ampoules déficientes,
- procéder à une recherche de panne et à une maintenance de l'ascenseur,
- condamner solidairement les sociétés Esset et CNP Assurances à la réalisation des travaux d'entretien et de réparation au sein de leurs appartements sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et notamment :
- faire réaliser à leurs frais tous travaux et réparations afin de remettre l'appartement loué par Mme [O] en l'état dans lequel il se trouvait au jour de la signature du bail et de faire cesser toute infiltration future,
- faire réaliser à leurs frais tous travaux et réparations afin de remettre l'appartement loué par M. [U] en l'état dans lequel il se trouvait au jour de la signature du bail et de faire cesser toute infiltration, remontée d'eau usée future et sortie d'eau souillée,
- à titre subsidiaire, condamner solidairement les sociétés Esset et CNP Assurances à rembourser le montant des travaux qu'elles devaient effectuer, sur présentation des factures y afférent et sous un délai de deux mois maximum à compter de l'édition de la facture,
Sur les loyers et les charges,
- à titre principal, fixer rétroactivement le montant de leur loyer à la somme de 955,98 euros jusqu'à complète réalisation des travaux précités,
- à titre subsidiaire, fixer rétroactivement les loyers à 955,98 euros entre le 8 octobre 2018 (trois ans précédant l'assignation) au 2 mai 2023 (cession de CNP Assurances à In'li),
En tout état de cause,
- condamner solidairement les sociétés Esset et CNP Assurances à leur rembourser la somme de 12 862,79 euros chacun, en raison des loyers trop perçus entre le 8 octobre 2018 (trois ans précédant l'assignation au fond) et le 2 mai 2023 (date de la cession),
- condamner solidairement les sociétés Esset et CNP Assurances à régler la somme respective de 12 780 euros à Mme [O] et de 13 320 euros au titre des provisions sur charges appelées sur les trois dernières années et non justifiées,
Sur la résiliation judiciaire du contrat de gestion et les préjudices,
- prononcer la résiliation judiciaire pour faute des contrats de gestion d'immeuble et de gestion locative liant la bailleresse à la société Esset, en raison des défaillances graves et répétées de celle-ci,
- condamner solidairement les sociétés Esset et CNP Assurances à régler respectivement à chacun des demandeurs la somme de 4 000 euros en réparation de leurs préjudices moral et d'anxiété,
Y ajoutant,
- condamner in solidum les sociétés Esset et CNP Assurances à leur devoir la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, avec renonciation expresse au bénéfice de l'aide juridictionnelle, ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 12 juillet 2024, la société Esset, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :
- déclarer irrecevables les conclusions et pièces signifiées par M. [U] et Mme [O] le 19 mai 2024,
- prendre acte qu'elle n'est plus gestionnaire de l'immeuble où sont situés les appartements loués à M. [U] et Mme [O], ce depuis le 2 mai 2023, date de la cession de l'immeuble par la société CNP Assurances à la société In'li,
- déclarer irrecevables les demandes formulées par M. [U] et Mme [O] en vue de sa condamnation à réaliser sous astreinte des travaux au sein de l'immeuble sis [Adresse 3],
- déclarer irrecevables les demandes formulées par M. [U] et Mme [O] en vue de sa condamnation pour toute période postérieure au 2 mai 2023,
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident,
- débouter M. [U] et Mme [O] de l'ensemble de leurs demandes d'appel incident et demandes nouvelles,
En tout état de cause,
- infirmer le jugement du 14 novembre 2022 en ce qu'il :
- l'a condamnée in solidum avec la société CNP Assurances à payer :
- à M. [U] une somme de 8 000 euros, au titre de son préjudice de jouissance relatif au bien loué,
- à Mme [O] une somme 8 000 euros au titre de son préjudice de jouissance relatif au bien loué,
- a mis les dépens in solidum à sa charge et à celle de la société CNP Assurances (dépens qui comprendront les frais de constat des 9 juin 2021 et 6 septembre 2021), et les a en outre condamnées in solidum à payer à chacun des demandeurs une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles,
- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
- débouter M. [U] et Mme [O] de l'ensemble de leur demandes, fins et conclusions à son encontre,
- condamner M. [U] et Mme [O] au paiement des dépens de première instance,
Y ajoutant,
- condamner M. [U] et Mme [O] à lui payer chacun la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [U] et Mme [O] au paiement des entiers dépens d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 17 septembre 2024.
Par message RPVA du 24 octobre 2024, la cour a demandé à l'avocat de la société Esset de produire ses pièces n°47 à 49 qui ne figuraient pas dans son dossier de plaidoirie. Ces pièces ont été communiquées le 30 octobre.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité des conclusions et pièces signifiées par M. [U] et Mme [O] le 19 mai 2024
La société Esset demande à la cour de déclarer irrecevables les conclusions et pièces signifiées par M. [U] et Mme [O] le 19 mai 2024 en raison de leur tardiveté, la clôture devant intervenir le 28 mai.
Cependant, il apparaît qu'un report de la clôture, initialement prévue le 28 mai 2024, a été ordonnée au 17 septembre et que les parties ont toutes conclu à nouveau avant cette date et notamment les intimés le 14 juin 2024.
Dans ces conditions, il convient de débouter la société Esset de cette demande qui est devenue sans objet.
Sur la recevabilité des demandes au titre des travaux et en remboursement des travaux
M. [U] et Mme [O] demandent, à titre principal, la condamnation solidaire des sociétés Esset et CNP Assurances à réaliser des travaux d'entretien et de réparation dans les parties communes de l'immeuble et au sein de leurs appartements, sous astreinte.
A titre subsidiaire, ils demandent leur condamnation solidaire à rembourser le montant des travaux qu'elles devaient effectuer, sur présentation des factures y afférent et sous un délai de deux mois maximum à compter de l'édition de la facture.
La société CNP Assurances soutient que les demandes au titre de la réalisation de travaux sont irrecevables du fait qu'elle n'est plus propriétaire de l'immeuble.
Elle soutient en outre que la demande de remboursement du montant des travaux litigieux, formée dans leurs dernières conclusions, est nouvelle et non fondée. Elle relève que les locataires ne précisent pas si ce montant devrait leur être remboursé ou versé au nouveau propriétaire et qu'en tout état de cause, seul ce dernier, non attrait dans la cause, pourrait solliciter le remboursement des travaux s'il décidait de les réaliser.
La société Esset conclut également à l'irrecevabilité de ces demandes dans la mesure où elle n'a plus qualité pour intervenir sur l'immeuble suite à sa cession au profit de la société In'li et la fin de son mandat.
Elle fait valoir que la demande en remboursement des travaux est une demande nouvelle et rappelle que les locataires n'ont aucun droit ni qualité à faire cette demande à l'encontre de l'ancien propriétaire de l'immeuble et de son ancien gestionnaire, ajoutant qu'elle porte sur un montant et des travaux indéterminés et payés par le nouveau propriétaire de l'immeuble.
M. [U] et Mme [O] ne répondent pas sur la recevabilité de leur demande au titre des travaux.
A titre subsidiaire, ils font valoir qu'au regard de la cession de l'immeuble et si leur demande de travaux était rejetée, la cour devra condamner les sociétés Esset et CNP Assurances à rembourser le montant des travaux litigieux rendus nécessaires par leurs fautes.
Ils soutiennent que leur demande de travaux n'est pas nouvelle car elle figure dans leurs premières conclusions et qu'ils ont juste adapté leurs demandes initiales en ajoutant une demande subsidiaire en raison du transfert de propriété.
Sur ce,
En application de l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
En application de l'article 1743 du code civil, l'acquéreur est substitué dans les droits et obligations du vendeur à compter de la date d'acquisition du bien loué.
En l'espèce, la société CNP Assurances n'est plus propriétaire du bien depuis le 2 mai 2023, de sorte qu'elle n'a plus la qualité de bailleresse et n'est plus tenue, à compter de cette date, aux obligations nées du bail, l'acquéreur devenant, dès le transfert de propriété, le nouveau bailleur.
De même, il n'est pas contesté que le mandat de gestion conclu entre la société Esset et la société CNP Assurances a pris fin avec la cession de l'immeuble, de sorte qu'elle n'en est plus gestionnaire depuis cette date.
Il convient en conséquence de déclarer les demandes de travaux irrecevables faute de qualité à agir à l'encontre de la société CNP Assurances et de la société Esset.
Concernant la demande de remboursement des travaux, il est relevé qu'elle ne figure pas dans les premières conclusions des locataires signifiées le 4 juillet 2023 alors que la cession de l'immeuble était déjà intervenue et qu'ils en étaient informés comme ils l'indiquent en page 7, de sorte qu'il s'agit d'une demande nouvelle devant être déclarée irrecevable sur le fondement de l'article 910-4 du code de procédure civile dans sa version applicable au présent litige.
En tout état de cause, il convient de relever que M. [U] et Mme [O] sont irrecevables, faute d'intérêt à agir, à demander le remboursement de travaux qui auraient été effectués par leur nouveau bailleur qui n'est pas dans la cause.
Sur la résiliation des contrats de mandat de gestion conclus entre la société CNP Assurances et la société Esset
M. [U] et Mme [O] font grief au premier juge de les avoir déboutés de leur demande de résiliation judiciaire des contrats de gestion aux motifs qu'ils étaient extérieurs à ceux-ci et qu'ils ne justifiaient pas des conditions nécessaires pour exercer une action oblique.
Au soutien de leur demande de résiliation de ces contrats, ils font valoir qu'ils justifient des conditions d'application de l'article 1341-1 du code civil, ajoutant que ni cet article ni la jurisprudence n'impose de caractériser une inaction comme le soutiennent les sociétés CNP Assurances et Esset qui ajoutent une condition à la loi.
Poursuivant la confirmation de ce chef du jugement et reprenant la motivation du premier juge, la société CNP Assurances fait valoir que les conditions de l'article 1341-1 du code civil ne sont pas remplies en ce que les locataires ne justifient d'aucun préjudice qui résulterait de prétendus manquements de la société Esset dans le cadre du contrat de mandat de gestion et qu'en tout état de cause, la Cour de cassation exclut l'application de l'action oblique pour les actes de gestion et d'administration effectués par le débiteur.
La société Esset poursuit en soutenant que M. [U] et Mme [O] ne démontrent pas que les conditions permettant d'exercer valablement une action oblique sont remplies en ce qu'elle n'est pas débitrice à l'égard de la société CNP Assurances d'une obligation qui pourrait donner lieu à une action patrimoniale et que l'action en résiliation du mandat de gestion est une action personnelle ne pouvant être menée que par la société CNP Assurances elle-même. Elle ajoute qu'en tout état de cause, le mandat a pris fin avec la vente de l'immeuble.
Sur ce,
L'immeuble ayant été vendu le 2 mai 2023, il en résulte que les contrats de mandat de gestion de ce bien passés entre la société CNP Assurances et la société Esset ont pris fin à cette date, de sorte que la demande en résiliation de ces contrats est devenue sans objet et sera rejetée.
Le jugement déféré est en conséquence confirmé par substitution de motifs.
Sur les demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance et au titre de la réduction du loyer
La société CNP Assurances fait grief au premier juge de l'avoir condamnée à verser aux locataires la somme de 8 000 euros chacun au motif qu'il était suffisamment établi qu'ils avaient subi, pendant la période non prescrite, divers troubles de jouissance tant dans les parties communes que privatives, causés notamment par un entretien insuffisant des parties communes, créant des nuisances visuelles et olfactives et un sentiment d'insécurité résultant du dysfonctionnement des dispositifs vigik ayant rendu possible la pénétration de squatters, et l'embauche d'un gardien dont le comportement a fait l'objet d'une plainte pénale et qui a finalement quitté son poste.
Poursuivant l'infirmation de ce chef du jugement et le rejet des demandes des intimés à ce titre, la société CNP Assurances fait valoir que le premier juge s'est fondé sur une suite de pièces non contradictoires et peu probantes, insuffisantes à elles seules à établir un lien de cause à effet entre les prétendus troubles de jouissance et les maux dont se plaignent les locataires.
Elle soutient que le juge des contentieux et de la protection n'a pas tiré les conséquences des pièces qu'elle avait produites et qui démontrent que les lieux étaient correctement entretenus lorsqu'elle en était propriétaire, ajoutant que les problématiques soulevées par les locataires ont fait l'objet d'interventions de sa part.
Elle souligne que M. [U] et Mme [O] se contentent de procéder par voie d'affirmation sans élément de preuve objectif et que, conscients de la faiblesse de leurs pièces, ils produisent en cause d'appel des attestations de onze locataires dont certaines concernent des sujets sans rapport avec la présente procédure, tout comme le sont les constats postérieurs à la vente.
Enfin, elle fait valoir que les locataires ne justifient d'aucun préjudice et qu'ils n'ont à aucun moment perdu la jouissance d'une partie de la chose louée ni apporté la preuve que les désordres invoqués ne leur permettaient pas une jouissance paisible des lieux. Elle relève que leurs pièces démontrent des désordres localisés et ponctuels, voire d'ordre esthétique, tant dans les parties privatives que communes, auxquels elle a remédié par la suite. Elle ajoute qu'ils évaluent leur préjudice de manière arbitraire sur une durée de 5 années sans démontrer la réalité d'un quelconque dommage sur l'intégralité de cette période.
Elle en conclut qu'à défaut de rapporter la preuve de la réalité et de l'ampleur exacte du préjudice subi, il convient de les débouter de leur demande.
Elle indique que la demande en diminution du loyer ne saurait aboutir à compter du 2 mai 2023, date à partir de laquelle elle n'est plus propriétaire du bien et qu'en tout état de cause, y faire droit reviendrait à indemniser M. [U] et Mme [O] deux fois pour le même préjudice.
La société Esset poursuit également l'infirmation de ce chef du jugement déféré et le rejet de la demande des intimés sur ce point.
Elle fait valoir que le premier juge n'a indiqué aucun trouble de jouissance relatif aux parties privatives et que les troubles retenus au titre des parties communes, à savoir un entretien insuffisant des parties communes, un sentiment d'insécurité et le comportement du gardien, ne sont pas caractérisés et ne font l'objet d'aucune démonstration factuelle probante.
Elle soutient rapporter la preuve d'un entretien suffisant des locaux et indique que le sentiment d'insécurité des locataires est subjectif et ne peut caractériser un trouble de jouissance, ajoutant qu'il n'est en outre qu'une impression, aucune pièce n'établissant une insécurité réelle dans l'immeuble.
Elle reproche également au premier juge de ne pas avoir examiner les rapports techniques, audits et procès-verbaux qu'elle-même et la société CNP Assurances avaient versés aux débats.
Elle critique le montant indemnitaire forfaitaire retenu par le premier juge qui n'est étayé par aucune pièce ni calcul, sans précision quant à la période couverte par l'indemnisation. Elle ajoute que cette somme équivaut à peu près de 20% du loyer à compter du 8 octobre 2018, ce qui est très largement excessif puisqu'aucun préjudice de jouissance n'a été retenu pour les parties privatives pour lesquelles le bailleur et elle-même n'avaient pas été informés de désordres.
M. [U] et Mme [O], qui demandent la confirmation de ce chef du jugement, répliquent que le premier juge s'est fondé sur les nombreuses pièces qu'ils avaient versées aux débats et que celles produites par les sociétés appelantes ne permettent pas de contredire, ni même d'établir qu'il s'agirait de désordres ponctuels ou d'ordre esthétique alors qu'il s'agit de désordres troublant véritablement la jouissance des lieux. .
Ils affirment que les désordres grevant les parties communes et privatives sont de l'ordre de l'entretien, olfactifs, sanitaires et sécuritaires. Ils soutiennent que de nombreux locataires attestent de la mauvaise foi des sociétés CNP Assurances et Esset quant aux désordres rencontrés et quant à leur inaction. Ils ajoutent que la société In'li a constaté que des travaux d'envergure étaient nécessaires.
Ils affirment avoir subi un sentiment d'insécurité sans qu'il y ait besoin de rapporter la preuve d'une agression, lequel résulte de la présence de personnes tierces se livrant à des squats, des activités de prostitution ou des vols dans les caves, sans que les troubles dépressifs dont ils souffrent, qui sont la conséquence du harcèlement constant du gardien pendant plusieurs années et du sentiment d'insécurité régnant dans l'immeuble, soient de nature à influer leur perception des faits.
Ils soutiennent que leurs plaintes déposées à l'encontre du gardien sont toujours en cours et qu'ils produisent également des plaintes de nombreux autres locataires, ce qui constitue un faisceau d'indices suffisant et objectivé.
Enfin, ils relèvent que le premier juge a bien tenu compte des pièces versées aux débats par les défenderesses et qu'il a opéré une balance entre les preuves produites par les parties pour retenir à bon droit l'existence d'un préjudice et la nécessité d'une indemnisation.
Sur ce,
Il résulte de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 que bailleur doit délivrer, pendant le cours du bail, au locataire un logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement, doit assurer au locataire la jouissance paisible du logement et, sans préjudice des dispositions de l'article 1721 du code civil, doit entretenir les locaux en état de servir à l'usage prévu par le contrat et y faire toutes les réparations, autres que locatives, nécessaires au maintien en état et à l'entretien normal des locaux loués.
En outre, l'article 1719 du code civil oblige le bailleur à faire jouir paisiblement le preneur pendant toute la durée du bail.
L'obligation du bailleur d'assurer au preneur une jouissance paisible de la chose louée, qui est une obligation de résultat, ne cesse qu'en cas de force majeure, sans qu'il y ait ainsi besoin de caractériser l'existence d'une faute de la part du bailleur.
Le manquement du bailleur à ses obligations peut être sanctionné, si le preneur démontre l'existence d'un trouble de jouissance, par sa condamnation au paiement de dommages et intérêts, évalués en fonction de la gravité, de l'intensité et de la durée du trouble.
A titre liminaire, il convient de relever que le premier juge a retenu, sur le fondement de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989, que M. [U] et Mme [O] ne pouvaient formuler de demande concernant des faits antérieurs au 8 octobre 2018, l'assignation étant intervenue le 8 octobre 2021, le point de départ du délai de prescription étant, pour les troubles de jouissance, le jour où les locataires avaient commencé à subir ce préjudice et a exclu les pièces antérieures à cette date.
M. [U] et Mme [O], qui demandent la confirmation du jugement leur ayant octroyé une indemnisation à hauteur de 8 000 euros chacun au titre des troubles de jouissance, ne formulent aucune critique sur ce point.
L'immeuble ayant été vendu le 2 mai 2023, les locataires ne peuvent donc demander une indemnisation au titre de leur préjudice de jouissance que pour la période comprise entre le 8 octobre 2018 et le 2 mai 2023.
* Sur le défaut d'entretien de l'immeuble
Il ressort du jugement déféré que le premier juge a bien rappelé, dans sa motivation, les différentes pièces produites par la société CNP Assurances et la société Esset.
Il résulte des pièces versées aux débats que M. [U] et Mme [O] ont adressé à la société CNP Assurances et la société Esset des courriers et courriels dès le 7 juin 2021 pour dénoncer divers désordres.
Leur avocat leur a également envoyé une mise en demeure le 20 juillet 2021 reprenant ces doléances en faisant état notamment d'un comportement menaçant et inapproprié du gardien à l'encontre de ses clients et de difficultés dans la remise des courriers, un défaut de sécurisation de l'accès à l'immeuble, et un défaut d'entretien des parties communes avec odeurs nauséabondes et des parties privatives vétustes, dénonçant chez Mme [O], des infiltrations d'eau dans les murs et plafonds de son appartement et la présence importante de moisissures et chez M. [U], des remontées d'eau usées dans sa salle d'eau, des fuites d'eau régulières, une absence de purge des radiateurs les rendant non fonctionnels, et une absence d'eau froide dans sa cuisine notamment.
S'en sont suivis de nombreux échanges entre les parties concernant ces difficultés.
Ces allégations des locataires sont corroborées par de nombreux constats d'huissier établis lorsque la société CNP Assurances était encore propriétaire de l'immeuble, à savoir:
- un constat d'huissier de justice du 9 juin 2021,duquel il ressort notamment :
* dans le sas d'entrée: de nombreuses traces de salissures et de poussière sur le sol,
* dans les caves: plusieurs traces et auréoles brunâtres sur le sol, d'importants décollements de peinture et des traces brunâtres sur les murs, le mauvais état des réseaux situés au plafond en mauvais état (décollements de peinture, effritement du calorifuge, traces brunâtres sur les conduits), au fond du couloir: la présence d'eau stagnante sur le sol, d'une poubelle pour récupérer les eaux provenant des canalisations lors des fuites régulières et d'une bâche en plastique. L'huissier de justice a constaté une fuite importante au niveau des canalisations au dessus de la poubelle et une odeur nauséabonde émanant de l'eau,
* dans le sas d'accès 2: un décollement important de la peinture des murs, deux dalles du faux plafond présentant d'importantes traces et auréoles brunâtres au droit de l'ascenseur,
* dans la cage d'escalier: d'importantes traces et auréoles brunâtres sur les marches et une forte odeur nauséabonde,
* dans le palier - 1: de nombreuses auréoles brunâtres et traces d'usure au sol, que les murs et les portes sont sales et présentent des traces jaunâtres et brunâtres, le plafond est usé avec d'importantes traces brunâtres,
* au 4ème étage des parties communes: décollement de la peinture des murs à de nombreux endroits,
* dans l'intégralité des parties communes: le linoleum du sol présente de nombreuses traces blanchâtre et de salissure.
- un constat d'huissier de justice du 6 septembre 2021 duquel il ressort notamment:
* la présence d'un matelas et d'un sommier dans le parking devant l'entrée des parties communes,
* à l'intérieur: le sol est encrassé, la porte métallique est équipée d'un système de fermeture avec badge qui ne fonctionne pas, la serrure de la porte est forcée, l'état du mur extérieur est insalubre et en mauvais état, des traces d'humidité et d'oxydation au plafond, les luminaires au dessus de la porte hors service,
* au niveau de l'accès à l'ascenseur: le sol, les murs et les plinthes sont vétustes, en mauvais état et des traces d'infiltration d'eau sont visibles, l'ensemble est encrassé,
* dans l'accès escalier : l'ensemble n'a jamais été nettoyé, des traces jaunâtres et marronnasses sont visibles sur différentes marches, devant la porte 'hall 49-10", des traces d'urine présumées sont visibles sur une grande partie de la surface du sol,
* gardien absent à 8h34 soit durant les horaires d'ouverture,
* au niveau de la porte d'accès aux boîtes aux lettres et aux appartements: l'ensemble est non entretenu et sale,
* dans les caves: traces jaunâtres et marronnasses, traces d'urine présumée au sol et odeur nauséabonde; certaines serrures ont été forcées,
* dans le local poubelle: l'ensemble est sale et non nettoyé, les poubelles ne sont pas vidées ni sorties, une odeur nauséabonde se dégage, de nombreuses mouches sont présentes,
* l'ensemble des parties communes est sale et non nettoyé.
La société CNP Assurances et la société Esset produisent un constat d'huissier de justice du 5 novembre 2021 réalisé à leur demande duquel il ressort, pour l'immeuble situé au numéro 40, que :
* la porte d'accès côté livraison est commandée par un badge magnétique et une platine murale vigik en bon état de fonctionnement,
* le sol est nettoyé,
* des tâches ou auréoles orangées dans les escaliers mais un revêtement de sol propre et non glissant; dans la cage d'escalier au N-1, des traces de rouille au plafond, la peinture est écaillée et présente des cloques et boursouflures, des traces d'écoulement orangées sont visibles sur le mur qui présente un aspect jauni en partie basse, la dalle de pallier au sol est tachée avec des traces d'écoulements sur les marches, l'éclairage fonctionne, la peinture murale et celle en face sous l'escalier et celle du pilier central est en bon état d'usage, pas d'odeur particulière,
* depuis le palier N-1 jusqu'au rez-de-chaussée, la peinture (sous-face de l'escalier, murs, marches) est en bon état, nettoyée et propre, comme le palier au rez-de-chaussée, dans le sas ascenseur/escalier, le sol est nettoyé, la peinture des murs et du plafond est en bon état d'usage, * à l'extérieur, les abords sont propres, la porte d'entrée s'ouvre uniquement avec le badge magnétique ou le code à composer, il existe une vitrophanie sur les panneaux vitrés, côté boîte aux lettres, l'aspect général de l'entrée de l'immeuble est en bon état d'entretien, propre, les peintures sont en bon état d'usage et propre, le sol est en bon état d'entretien et propre,
* la cage d'escalier menant aux logements est propre, les peintures sont en bon état, les marches sont en bon état, l'éclairage fonctionne, de même pour le palier ascenseur au rez-de-chaussée,
* dans le couloir d'accès aux caves: la peinture au sol est en état d'usage, nettoyée, les luminaires fonctionnent,
* dans le local poubelles: peinture en bon état d'usage, carrelage aux murs en bon état et nettoyé, le sol carrelé propre, pas d'odeur particulière se dégageant de ces locaux, les portes sont fermées et équipées de serrures,
* les parties communes sont en bon état d'entretien (sans autre précision).
Pour autant, ce constat d'huissier ne suffit pas à remettre en cause les précédentes constatations également réalisées par un officier ministériel ayant une valeur probante identique, sans qu'il soit établi que les locataires auraient demandé à l'huissier de justice d'insister sur des désordres 'minimes' comme le soutient l'appelante. Il en ressort cependant que l'immeuble a fait l'objet d'un nettoyage et de réparations, notamment au niveau des portes d'accès.
De même, le fait qu'un diagnostic, réalisé en mars 2018, ait conclu à un immeuble en bon état général et maintenu propre, est insuffisant à établir par la suite un entretien courant et régulier de l'immeuble, ce que les factures de la société Cottrez pour les produits de nettoyage (pièce 23) ou les factures de remplacement du gardien en son absence ne permettent pas davantage.
Par la suite, les locataires ont fait réaliser d'autres constats par huissier et commissaire de justice:
- le 3 février 2022 duquel il ressort que:
* les portes d'accès du hall d'entrée et au sous-sol, pourtant équipées d'un pass vigik, s'ouvrent manuellement sans sécurité, ce que constate également le commissaire de justice les 14 mars,16 septembre et le 8 novembre 2022,
* les parties communes sont sales avec des traces marrons, mégots de cigarette au sol et déchets à différents endroits, ce que constate également l'huissier de justice le 14 mars 2022, y compris dans les escaliers où l'huissier relève une odeur de tabac et de drogue, des taches et des traces sur les marches d'escalier, la peinture cloquée et écaillée en partie basse, des traces d'humidité, et que la zone des caves est sale avec des traces et taches sur les murs et au sol et que le revêtement de la tuyauterie est abîmé,
* la loge du gardien fermée alors qu'il s'agit des horaires d'ouverture et qu'il ne l'a pas croisé durant l'heure de sa visite,
* une fissure verticale sur le bâtiment 40.
- le 14 mars 2022: l'huissier de justice constate en outre que:
* l'ascenseur est en panne sans signalement,
* de manière générale les parties communes ne sont pas entretenues (traces de saleté, taches diverses, coulures jaunâtres, dégradation de la peinture, traces d'humidité) notamment au niveau -2 où le sol est sale et dégradé et les murs dégradés de manière significative, la peinture s'écaille et des impacts sont visibles. De l'eau stagnante est présente sur le sol le rendant glissant, et les poubelles sont positionnées devant l'entrée.
- le 16 septembre 2022, le commissaire de justice constate en outre que:
* dans le local électrique: l'accès s'effectue par une porte qui s'ouvre librement avec à l'intérieur la présence de différents cartons, un matelas et des jouets d'enfants,
* dans le hall ascenseur: accès par une double porte vitrée dotée d'un lecteur de badge magnétique mais cette porte ferme mal et reste ouverte en l'absence de vérification de sa fermeture, le pêne ne s'actionnant pas dans la gâche, laissant libre l'accès à l'ascenseur; que depuis ce hall, on accède librement à l'escalier (sans serrure ni contrôle d'accès) ainsi qu'à la cabine ascenseur (sans badge),
* accès libre aux caves, nombreuses marques et traces d'effractions, nombreuses portes endommagées,
* dans le hall du rez-de-chaussée: stigmates d'un dégât des eaux visible sur l'ensemble des murs dont la peinture cloque, micro-fissures visibles sur les cloisons et le faux-plafond, dysfonctionnement du bouton d'appel de l'ascenseur, porte d'accès menant vers les caves et les appartements depuis le hall muni d'un lecteur de badge magnétique défaillant, la porte s'ouvre librement,
* à l'extérieur du hall: fissure marquée avec détachement de matière visible sur le mur de façade.
- le 8 novembre 2022, le commissaire de justice constate que :
* la porte d'entrée est ouverte malgré le dispositif vigik, la porte vitrée de l'immeuble n'est pas fermée à clé, le vigik ne fonctionne pas, ce que relèvera également le commissaire de justice le 15 novembre 2022,
* le hall d'entrée a fait l'objet d'un dégât des eaux, le vigik de la seconde porte d'entrée ne fonctionne pas et l'entrée est libre et non sécurisée,
* dans les caves: portes fracturées, ce qui sera également constaté le 15 novembre 2022 et présence d'eau au sol.
Ces éléments permettent d'établir un défaut d'entretien des parties communes par la bailleresse et son mandataire, ce qui est en outre corroboré par des attestations d'autres occupants de l'immeuble (attestation de Mmes [L] et [N] du 5 septembre 2021 - pièce 27, Mme [P] - pièce 85, M. Mme [I] - pièce 87 notamment), et dans le courrier de Mme [A] - pièce 62) et le courriel de Mme [Y] (pièce 83), ce qui a généré des nuisances visuelles et olfactives et ainsi un trouble de jouissance pour les locataires qui ont vécu dans un environnement dégradé bien supérieur à l'état de propreté attendu y compris dans un grand immeuble en région parisienne.
Ils permettent en outre d'établir que les accès au bâtiment n'étaient pas sécurisés, permettant l'accès à des tiers, et générant ainsi un sentiment d'insécurité chez M. [U] et Mme [O], étant en outre relevé qu'il a été constaté que des caves avaient été fracturées et que des squatters ont pu s'y introduire, ce qui a justifié un signalement au commissariat qui a multiplié les patrouilles aux abords de l'immeuble (courriel du 11 octobre 2021). Si les sociétés CNP Assurances et Esset ont justifié d'interventions sur ces accès (entre janvier et mai 2021 selon les factures de la société Gercom), ils n'établissent pas avoir pris des mesures pour y remédier de façon pérenne, étant ajouté que par courriel du 7 novembre 2022, la société Esset a fait part de l'intervention de la société Protixis qui a confirmé que le digicode était hors service en raison de son ancienneté.
Ces désordres sont donc justifiés pour la période allant de juin 2021, date du premier constat, au 2 mai 2023, la société CNP Assurances et la société Esset ne justifiant pas y avoir remédié avant la vente.
M. [U] et Mme [O] dénoncent en outre le comportement du gardien de l'immeuble du fait de ses absences, de son manque de réactivité aux problèmes rencontrés dans l'immeuble, de son comportement menaçant et vindicatif envers eux surtout depuis leurs réclamations. Ils dénoncent également des problèmes de non distribution du courrier et d'ouverture de courrier, justifiant avoir pris attache avec la Poste à cet effet pour surveiller le courrier à distribuer, ce que confirment d'autres habitants (M. [H] - pièce 79, M. [F] -pièce 82, Mme [K] - pièce 84, Mme [P], Mme [A] et M. et Mme [I]).
Ils justifient avoir déposé plusieurs plaintes à son encontre entre juin et septembre 2021 pour des faits de menaces de violences, injures, harcèlement moral et immixtion dans leur vie privée, puis directement auprès du procureur de la République de Nanterre par l'intermédiaire de leur avocat le 4 février 2022 pour harcèlement moral, menaces, vol et dégradations de biens, violation de correspondances. Ces affaires étaient toujours en cours d'instruction au parquet de Nanterre en juin 2024.
Il apparaît par ailleurs que le gardien, qui avait déjà fait l'objet d'un rappel à l'ordre en 2016 notamment pour non respect des horaires de loge et son relationnel, a fait l'objet d'une convocation pour un entretien préalable à un éventuel licenciement le 5 juillet 2021 et d'un courrier d'avertissement le 29 juillet 2021 reprenant ses déclarations selon lesquelles il reconnaissait avoir eu des difficultés relationnelles avec certains locataires et un comportement peu propice à l'apaisement ainsi que la détention d'une arme non létale de catégorie D sur son lieu de travail, donnant ainsi du crédit aux affirmations des locataires quant à une posture menaçante à leur égard. La sociétés Esset ne justifie pas des raisons de son départ définitif le 31 mai 2022, date à laquelle ces troubles ont donc cessé.
Ces éléments permettent d'établir que le comportement du gardien a causé aux locataires un trouble de jouissance depuis le mois de juin 2021 dont la bailleresse et sont gestionnaire doivent répondre quand bien même il était salarié par une société tierce s'agissant du gardien de leur immeuble.
En revanche, M. [U] ne justifie nullement que les blessures relevées dans le certificat médical de l'UMJ de [Localité 7] du 24 avril 2024 feraient suite à une chute dans les parties commune de l'immeuble le 19 avril en raison d'une fuite d'eau, étant au surplus relevé qu'il s'agit de faits qui seraient intervenus postérieurement à la vente de l'immeuble et ne pourraient en tout état de cause, être imputés aux appelantes.
Contrairement à ce qu'allègue la société Esset, le premier juge a également retenu des désordres dans les parties privatives bien qu'il ne les ait pas précisés.
Concernant Mme [O], il ressort du constat de l'huissier de justice du 9 juin 2021 que le plafond de la salle d'eau est recouvert de moisissures avec décollements de peinture. Les services d'hygiène de la mairie ont également relevé, dans leur rapport du 9 décembre 2021, dans la salle d'eau, que la VMC est fonctionnelle mais que le débit d'extraction d'air semble faible ainsi que la présence d'importantes traces de moisissures au niveau du plafond; que la prise électrique n'est pas raccordée à la terre et n'est pas conforme aux tests 10 et 30 mA, et que dans l'ensemble des pièces de vie, les prises électriques fonctionnelles mais non conformes au test 30mA. Ils ont préconisé la recherche des causes de l'humidité afin d'y remédier, et la vérification de l'installation électrique par un professionnel qualifié et celle de l'extraction d'air des ventilations. Le 3 février 2022, l'huissier de justice a constaté la présence de traces noirâtres de champignons liées à l'humidité sur le plafond de sa salle d'eau et que la VMC ne faisait pas de bruit, le 14 mars 2022, que le papier peint se décolle à divers endroits et que des traces de moisissures sont visibles au niveau du plafond de la douche, et le 15 novembre 2022 que la VMC ne fonctionne pas dans la salle d'eau ainsi que la présence de moisissures au plafond.
Devant le conciliateur de justice le 7 avril 2022 puis dans son courrier du 24 mai 2022 aux services d'hygiène de la mairie, la société Esset a convenu de la nécessité de réparer la VMC, en indiquant que les premiers travaux effectués au niveau des tourelles en mars 2022 n'étaient pas suffisants et qu'il convenait d'effectuer un ramonage, qui est intervenu le 14 juin 2022, tout en indiquant qu'une fois l'origine de ce dysfonctionnement traité, elle s'occuperait de la remise en état des supports dégradés au niveau des moisissures en plafond des salles d'eau. Elle a également indiqué avoir remis l'installation électrique en conformité.
Le 2 novembre 2022, la société Esset a informé Mme [O], en réponse à son courriel sur le maintien des problèmes d'humidité, de VMC et d'eau chaude et eau jaunâtre, que les investigations de leur service technique étaient toujours en cours. Il n'est donc pas établi qu'elle aurait remédié à ces difficultés.
Il convient de rappeler que le propriétaire doit assurer une jouissance paisible du bien et que le fait de rechercher les causes et d'effectuer des investigations qui n'ont pas abouti, ne saurait le dispenser de son obligation.
Ainsi, il résulte de ces éléments que les désordres relevés ci-dessus dans le logement de Mme [O] lui ont nécessairement causé à un préjudice de jouissance en ce que l'électricité n'était pas aux normes et que sa salle d'eau était anormalement humide entraînant des moisissures, en raison d'un système d'aération insuffisant, cet appartement ne répondant pas de ce fait aux normes sanitaires et de sécurité en vigueur.
L'ampleur du préjudice et la nature et la durée des troubles constatés justifient que Mme [O] soit indemnisée au titre du préjudice de jouissance tant dans les parties communes que parties privatives à hauteur de 20 % du loyer pour la période du 1er juin 2021 au 3 mai 2023, soit la somme de 4 600 euros (200 euros x 23 mois).
Pour M. [U], il a subi un dégât des eaux (liquide noirâtre vicieux et très abondant dans sa salle de douche) le 7 mai 2021 suite au curage d'une descente collective d'évacuation des eaux usées à la suite d'une fuite dans les caves, pour lequel il a effectué une déclaration de sinistre dont il n'a pas donné les suites alors qu'une expertise amiable a été diligentée en présence de la société Esset.
Il ressort du procès-verbal de constat d'huissier de justice du 3 février 2022 que l'eau qui coule dans la salle d'eau est marron et que la VMC ne fait pas de bruit et qu'il n'y a pas d'eau froide au robinet de la cuisine bien que la position du mitigeur soit sur le froid. Le 15 novembre 2022, le commissaire de justice a relevé que la VMC ne fonctionne pas, que tous les radiateurs sont froids, et que le capteur installé sur les radiateurs est éteint.
M. [U] justifie donc de troubles de jouissance sans que le seul rapport de la société Eurofins relatif à des prélèvements d'eau du 22 mars 2022 mentionnant des résultats conformes suffise à exonérer la bailleresse de son obligation de lui assurer une jouissance paisible des lieux.
Les troubles de jouissance pour la partie privative étant moins importants pour M. [U], il sera retenu, au vu de l'importance du préjudice et la nature et la durée des troubles constatés tant dans les parties communes que privatives, justifient une indemnisation au titre du préjudice de jouissance correspondant à 15 % du loyer pour la période du 1er juin 2021 au 3 mai 2023, soit la somme de 3 450 euros (150 euros x 23 mois).
Le jugement déféré est en conséquence infirmé sur le montant de l'indemnisation du préjudice de jouissance des locataires.
Il n'y a donc pas lieu de réduire en sus le montant du loyer comme demandé par les locataires, leur préjudice étant déjà indemnisé par l'octroi de dommages et intérêts. Il convient en conséquence de confirmer le jugement ayant débouté M. [U] et Mme [O] de cette demande.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et d'anxiété
M. [U] et Mme [O] font grief au premier juge de les avoir déboutés de leur demande en indemnisation au titre du préjudice moral en estimant que l'indemnisation du préjudice de jouissance suffisait.
Ils font valoir que le préjudice moral vise à indemniser l'inconfort moral quotidien dont ils ont été victimes qui est distinct du préjudice de jouissance; qu'ils en justifient par des pièces médicales; qu'ils ont vécu une situation très difficile jusqu'au départ du gardien préposé de la société Esset, elle-même mandataire de la société CNP Assurances, eu égard à son comportement inadapté et anxiogène à cause duquel ils ressentaient une insécurité quotidienne.
Ils ajoutent avoir subi des nuisances sonores et vibratoires résultant de travaux sur la tour Aurore qui ont impacté leur immeuble, constatées par un cabinet d'experts dont la société CNP Assurances et la société Esset ont eu connaissance dans le cadre d'un référé-préventif, de même qu'elles ont eu connaissance du rapport d'expertise judiciaire du 25 janvier 2022.
La société CNP Assurances de répliquer que les éléments versés aux débats ne permettent pas de déterminer avec certitude que les troubles dépressifs de M. [U] seraient liés au comportement du gardien alors qu'ils ont visiblement des origines multifactorielles; de même que les attestations du médecin de Mme [O] ne permettent pas de déterminer l'origine de ses maux. Elle soutient qu'ils ne démontrent pas de lien causal entre les troubles dont ils souffrent et les faits qu'on lui reproche.
Elle ajoute que l'évaluation du préjudice n'est pas justifiée et que les locataires ne démontrent pas l'existence d'un préjudice distinct du trouble de jouissance.
Elle soutient que les rapports d'expertise dont ils font état ne sont pas contradictoires et ne lui ont pas été communiqués, de sorte qu'elle n'a pu faire le nécessaire pour y remédier et que dans le cadre du référé préventif, aucun désordre n'a été relevé.
La société Esset s'oppose également à cette demande en faisant valoir que cette demande n'est justifiée ni dans son principe ni dans son quantum; que les troubles dépressifs de M. [U] en lien avec un accident n'ont rien à voir avec l'occupation de son appartement; que ceux de Mme [O] sont liés à de multiples facteurs dont elle et la société CNP Assurances ne sont pas la cause.
Elle soutient que les éléments produits ne démontrent pas l'existence d'un lien de causalité entre leur état de santé et le prétendu défaut de gestion et d'entretien qu'on leur attribue.
Enfin, elle relève que les éléments produits dans leurs dernières conclusions relatifs à différents désordres n'ont rien à voir avec le préjudice moral qu'ils invoquent ni avec le référé préventif au cours duquel l'expert n'a relevé aucun désordre, ajoutant que la tour Aurore est éloignée de leur immeuble et qu'elle n'a reçu aucune plainte des locataires à ce sujet, les invitant à en référer à leur bailleur actuel.
Sur ce,
En application de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
M. [U] et Mme [O] n'explicitent pas en quoi la société CNP Assurances et la société Esset seraient responsables des conséquences éventuelles sur leur bâtiment et leur environnement quotidien des travaux réalisés sur la tour Aurore, doléances dont ils ne justifient pas avoir fait état auprès de leur ancien bailleur et gestionnaire préalablement et par conséquent de leur responsabilité sur d'éventuels problèmes de santé qui en résulteraient (pathologies respiratoires, ORL, digestives ou dermatologiques).
Mme [O] justifie d'arrêts de travail pour troubles dépressifs entre avril et septembre 2021. Elle produit également un certificat médical établi sur réquisition par l'UMJ de [Localité 7] le 21 juin 2021 qui relate qu'elle affirme être harcelée en permanence par son gardien, qu'elle souffre d'anxiété, de stress, de dépression, cauchemars, tristesse, angoisse, troubles du sommeil. Le certificat relève l'absence de lésions physiques visibles mais qu'il y a des signes de retentissement psychologiques suite à des contacts difficiles avec le gardien qui sont à confirmer avec un psychologue, une évaluation étant conseillée dans 3 semaines. Mme [O] ne produit pas cette évaluation.
Elle verse également aux débats 17 certificats médicaux, notamment ceux de son médecin traitant des 16 juin, 25 octobre, 6 décembre 2021, 1er avril, 30 juin, 22 septembre et 12 décembre 2022, certifiant que Mme [O] doit consulter un psychiatre; qu'elle se déclare victime de harcèlement moral par son gardien depuis plusieurs mois; qu'elle présente un préjudice moral et physique avec anxiété, stress, dépression, tristesse, angoisse, troubles du sommeil, crises d'angoisse avec palpitations et hypertension artérielle ce jour, des pleurs et des idées noires réactionnelles avec une peur du gardien et que son état psychologique et physique s'aggrave de jour en jour. Il est noté que cet état pathologique séquellaire et réactionnel a nécessité la prise d'anxiolytiques et de somnifères et justifie une ITT. Elle produit des certificats médicaux établis postérieurement à la vente de l'immeuble.
Il apparaît ainsi que ces certificats médicaux, rédigés en des termes quasiment identiques, ne font que reprendre les déclarations de Mme [O] quant à l'origine de ces troubles, étant relevé que certains d'entre eux sont bien postérieurs aux départ du gardien intervenu en juin 2022, permettant de s'interroger sur l'origine de ces troubles.
Mme [O] ne justifie donc pas que ses problèmes de santé seraient la conséquence de manquements de son bailleur et de son gestionnaire, de sorte qu'il convient de la débouter de sa demande au titre du préjudice moral et d'anxiété.
Concernant M. [U], il produit un certificat médical d'un médecin psychiatre du 21 avril 2021 mentionnant un état de stress nécessitant une prise en charge régulière pendant un an. Ce document ne permet pas d'établir l'origine de cette situation.
Son médecin traitant atteste le 22 décembre 2021, qu'il souffre de pathologies digestives et dermatologiques liées aux travaux actuels (présence de poussières et eaux polluées, jaunâtres) dans son environnement quotidien, nécessitant des consultations spécialisées et des traitements, ce dont il ne justifie pas.
Il convient en conséquence de débouter M. [U] de sa demande au titre du préjudice moral et d'anxiété.
Le jugement déféré est en conséquence confirmé de ces chefs.
Sur la demande de restitution des charges récupérables
M. [U] et Mme [O] font grief au premier juge d'avoir rejeté leur demande au titre de la restitution des charges pour la période postérieure à 2018 au motif que les sociétés CNP Assurances et Esset justifiaient de la régularisation des charges pour chaque année ainsi que des diligences accomplies pour permettre une transparence auprès de l'ensemble des locataires. Ils reconnaissent en revanche qu'ils étaient irrecevables à agir pour la période antérieure à l'année 2018 en raison de la prescription.
Au soutien de leur demande de restitution des provisions sur charges, ils font valoir que:
- lors de la précédente instance, les sociétés ne justifiaient que de la régularisation des charges pour l'année 2019,
- qu'en juin 2023, la Confédération Générale du Logement (CGL) 92 attestait que les sociétés n'avaient pas procédé à la régularisation pour l'année 2020 , que pourtant, ils indiquent que le juge des contentieux et de la protection les y avait contraints par ordonnance et qu'en juillet 2022, l'association avait relevé certaines incohérences et non justifications de plusieurs postes de charges,
- en tout état de cause, les régularisations de charges produites ne sont pas suffisantes pour justifier des provisions sur charges appelées en ce qu'il n'a pas été communiqué de résultat antérieur ni de budget prévisionnel, que si la nature des différentes charges est bien précisée, aucune note d'information ne permet d'expliciter le mode de répartition entre locataires ni les modalités de calcul des charges d'eau et de chauffage, alors que les locataires se plaignent d'un dysfonctionnement de l'installation de chauffage et d'un défaut des compteurs individuels installés,
- la société CNP Assurances et la société Esset ne justifient pas de la mise à dispositions d'un état complet des charges et des justificatifs,
- il ne peut leur être imposé de régler des charges d'eau, au vu de la qualité de l'eau et de la surconsommation d'eau résultant du temps mis pour l'eau chaude à arriver, des charges d'entretien au vu des désordres constatés, et des charges de chauffage alors que celui-ci n'est pas réglable),
- le juge des contentieux et de la protection a enjoint à la société CNP Assurances de communiquer les justificatifs de charges pour 2021.
Poursuivant la confirmation de ce chef du jugement, la société CNP Assurances réplique qu'elle a parfaitement respecté ses obligations; que chaque année, elle a adressé un mois avant la régularisation, un décompte par nature de charges ainsi que le mode de répartition entre les locataires; que ces documents sont accompagnés d'un avis affiché dans les parties communes les informant qu'un état complet des charges par poste de dépenses est joint à cet envoi et que le détail des charges récupérables et les pièces justificatives de dépenses sont tenus à disposition dans ses locaux pendant un délai de 6 mois. Elle ajoute qu'un dossier de contrôle des charges est préparé chaque année pour permettre la vérification des comptes au sein des locaux de son mandataire par les locataires. Elle relève que M. [U] et Mme [O] n'ont pas pris la peine de venir consulter ces documents et qu'ils ne peuvent se prévaloir de leur propre carence pour demander le remboursement des charges qui sont la contrepartie des services dont ils ont bénéficié.
Elle relève avoir été contrainte de produire les pièces comme ordonné par le juge des contentieux et de la protection alors même qu'elle n'était plus propriétaire du bien pour éviter toute condamnation alors que les requérants auraient dû s'adresser au nouveau propriétaire. Elle soutient que les comptes de charges pour 2021 et les justificatifs ont été transmis au nouveau propriétaire qui a procédé aux appels.
La société Esset demande également la confirmation de ce chef du jugement en faisant valoir que les décomptes individuels de charges sont transmis chaque année aux locataires qui ont la possibilité de venir consulter les pièces justificatives dans ses locaux comme rappelé dans les parties communes, ce qu'il n'ont jamais fait.
Elle ajoute qu'il n'existe aucun fondement juridique à leur demande de remboursement des charges qui sont l'exacte contrepartie des prestations dont ils ont bénéficié et dont elle justifie. Elle affirme avoir transmis à l'association CGL 92 toutes les pièces dont la transmission a été ordonnée par le juge des contentieux et de la protection ainsi que le décompte général de charges.
Sur ce,
L'article 23 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose qu'une fois par an au moins, le bailleur devra procéder au compte de régularisation de charges en ajustant les sommes versées par le preneur à titre de provisions par rapport à celles réellement dues un mois avant la régularisation, le bailleur communiquera au locataire :
- un décompte des charges selon leur nature,
- dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires et, le cas échéant, une note d'information sur les modalités de calcul des charges de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire collectif.
A compter de l'envoi du décompte, le bailleur doit tenir les pièces justificatives (factures, contrats de fourniture et d'exploitation en cours, etc.) à la disposition du locataire pendant six mois.
En outre, le premier alinéa de cet article énonce un principe général selon lequel les charges récupérables sont exigibles sur justification.
Cependant, le défaut de respect par le bailleur de son obligation de régularisation des charges une fois par an ne le prive pas du droit de réclamer le paiement des charges, dès lors qu'elles sont justifiées et que le bailleur démontre, en outre, avoir mis à la disposition du locataire, fût-ce devant la cour, les pièces justificatives, qui s'entendent des factures, contrats de fourniture et d'exploitation en cours et leurs avenants, ainsi que les décomptes des quantités consommées et les prix unitaires de chacune des catégories de charges, c'est-à-dire toutes les pièces qui ont été utilisées pour opérer la régularisation des charges.
En l'espèce, pour l'année 2019, la société CNP Assurances produit un relevé individuel de charges (pièce 4 et 7) par nature de charges et répartition au vu des tantièmes. Elle ne justifie pas de l'envoi de l'état complet des charges par poste de dépenses qui serait joint à l'envoi du relevé individuel ni de l'avis qui serait apposé dans les parties communes selon lequel le détail des charges récupérables et les pièces justificatives sont tenues à disposition dans leurs locaux ni du dossier de contrôle des charges qui serait préparé chaque année et mis à disposition dans les locaux.
Pour autant, dans son courrier du 28 juillet 2022, l'association CGL 92, intervenant à la demande de l'association des locataires de l'immeuble (DILMS), sollicite des observations précises et détaillées sur différents postes de charges au vu des pièces justificatives qu'elle a manifestement pu consulter et contrôler. M. [U] et Mme [O] reconnaissent eux-même dans leur conclusions que la bailleresse justifiait de la régularisation pour l'année 2019.
Devant la cour, M. [U] et Mme [O] ne reprennent pas les contestations figurant dans ce courrier et ne justifient pas de problèmes relatifs à l'eau, au chauffage et à l'entretien pour cette année-là afin de contester le bien-fondé de ces charges.
Il convient en conséquence de les débouter de leur demande en remboursement des provisions sur charges pour 2019.
Pour l'année 2020, aucun document n'est produit par la société bailleresse ou la société gestionnaire de sorte qu'il convient de faire droit à la demande de remboursement des provisions sur charges pour cette année-là.
Pour l'année 2021, il apparaît que le juge des contentieux et de la protection a rendu une ordonnance d'injonction de faire du 10 janvier 2024 ordonnant à la société CNP Assurances de communiquer à Mme [O] et M. [U] les justificatifs de charges 2021 ainsi qu'une note d'information sur les modalités de calcul des charges de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire collectifs et sur la consommation individuelle de la chaleur et d'eau chaude sanitaire du logement dans un délai maximal de 6 semaines à compter de la signification de la décision en indiquant que l'affaire sera examinée à l'audience du 23 mai 2024 sauf si elle faisait valoir que l'ordonnance avait été exécutée.
Il ressort des échanges de courriel entre les parties (pièce 113 des locataires) que ces documents ont été communiqués à l'exception du décompte général permettant de reconstituer les postes avec les factures selon les courriers. Cependant, cet élément a été produit devant la cour (pièce 50 de la société Esset).
M. [U] et Mme [O] ne contestent pas la qualification de charges récupérables pour les postes d'eau, chauffage et entretien ni les montants retenus. Ils invoquent une surconsommation d'eau et de chauffage dont ils ne justifient pas et les carences relevées dans l'entretien des bâtiments ci-dessus ont fait l'objet d'une indemnisation au titre du trouble de jouissance et ne sauraient les dispenser du paiement de ces charges.
Il convient en conséquence de les débouter de leur demande en remboursement des provisions sur charges pour l'année 2021.
En conséquence, la société CNP Assurances et la société Esset seront condamnées in solidum à rembourser à M. [U] la somme de 4 260 euros (355 X 12) et à Mme [O] la somme de 4 440 euros (370 x 12) au titre des provisions sur charges de l'année 2020 et les locataires seront déboutés de leur demande pour le surplus.
Le jugement est partiellement infirmé de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Chacune des parties succombant partiellement en son appel, il convient de faire masse des dépens et de dire qu'ils seront supportés pour un tiers par chacune d'elles et qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle. En revanche, les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles sont confirmées.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe
Déboute la société Esset de sa demande visant à voir déclarer irrecevables les conclusions et pièces signifiées par M. [U] et Mme [O] le 19 mai 2024 devenue sans objet ;
Confirme, par substitution de motifs, le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [U] et Mme [O] de leur demande en résiliation des contrats de mandat de gestion passés entre les sociétés CNP Assurances et Esset, devenue sans objet ;
Infirme partiellement le jugement déféré sur le montant de l'indemnisation au titre du titre de jouissance, sur le rejet de la demande de M. [U] et Mme [O] au titre des charges pour l'année 2020 et sur le rejet de la demande de M. [U] et Mme [O] au titre des travaux;
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevables les demandes de M. [U] et Mme [O] au titre des travaux formées à l'encontre de la société CNP Assurances et de la société Esset ;
Condamne in solidum la société CNP Assurances et la société Esset à payer à Mme [J] [O] une somme de 4 600 euros au titre de son préjudice de jouissance ;
Condamne in solidum la société CNP Assurances et la société Esset à payer à M. [R] [U] une somme de 3 450 euros au titre de son préjudice de jouissance ;
Condamne in solidum la société CNP Assurances et la société Esset à payer à Mme [J] [O] la somme de 4 440 euros en remboursement des provisions sur charges pour l'année 2020 ;
Condamne in solidum la société CNP Assurances et la société Esset à payer à M. [R] [U] la somme de 4 260 euros en remboursement des provisions sur charges pour l'année 2020 ;
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions dévolues à la cour ;
Y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de M. [U] et Mme [O] de remboursement du montant des travaux formée à l'encontre de la société CNP Assurances et de la société Esset ;
Rejette toute autre demande ;
Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Fais masse des dépens et dit qu'y seront tenus M. [U] et Mme [O] pour un tiers, la société CNP Assurances pour un tiers et la société Esset pour un tiers et qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe JAVELAS, président et par Madame Gaëlle RULLIER, greffière placée, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière placée, Le président