CA Paris, Pôle 5 ch. 2, 15 novembre 2024, n° 22/18460
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Franklin Bach (SELARL)
Défendeur :
Dcf Réunion (SARL), Dcf Mayotte (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Renard
Conseillers :
Mme Salord, M. Buffet
Avocats :
Me Dausse, Me Dallet, Me Boccon-Gibod, Me Couturier, Me Bentolila
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente de chambre, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement rendu le 11 octobre 2022 par le tribunal judiciaire de Paris,
Vu l'appel interjeté le 28 octobre 2022 par la Selarl Franklin Bach ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [N] Déménagements,
Vu les conclusions remises au greffe le 9 janvier 2023 par la Selarl Franklin Bach ès qualités et signifiées les 6 février 2023 et 9 février 2023 à MM. [K] [N] [R] et [Z] [N] [R] et aux sociétés [N] Déménagements, DCF Réunion et DCF Mayotte,
Vu les conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 4 mai 2023 par MM. [K] [N] [R] et [Z] [N] [R] et la société [N] Déménagements,
Vu les conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 5 juin 2023 par les sociétés DCF Réunion et DCF Mayotte,
Vu l'ordonnance de clôture du 9 novembre 2023,
SUR CE, LA COUR,
Il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La SARL [N] Déménagements, immatriculée depuis le 17 avril 1992, exerce une activité de transport de toutes marchandises et de déménagement.
Elle a pour co-gérants MM. [K] [N] [R] et M. [F] [N] [R].
Elle a quatre associés égalitaires MM. [K] [N] [R], [F] [N] [R], [Z] [N] [R] et [A] [N] [R].
Suivant dernier contrat en date du 4 mai 2011, elle a conclu avec la société Demeco un contrat d'utilisation de la marque 'Demeco' sur les départements d'outre-mer ou territoires d'outre-mer.
La SARL Déménagement [N] Fils, immatriculée le 4 octobre 2013, a pour activité toutes opérations de déménagement de toute nature, de transport de toutes marchandises, meubles et objets. Sa date de début d'exploitation est le 1er septembre 2013.
Son gérant est M. [V] [N] [R].
Ses associés sont la société Acacia Capital, représentée par M. [W] [M] [N] [R], la société K&Finances, représentée par M. [V] [N] [R] et la société Lic Partners, représentée par M. [U] [N] [R].
La société Déménagement [N] Fils a conclu un contrat de franchise avec Les Gentlemen du Déménagement dont elle exploite la marque à la Réunion et à Mayotte.
La société [N] Déménagement Mayotte, immatriculée le 25 juillet 2011, exerce une activité de transport de toutes marchandises, meubles ou objets et de toutes opérations de déménagement.
Ses co-gérants sont MM. [W] [M] [N] [R] et [A] [N] [R].
Elle a pour associés la société Sogefi, représentée par M. [W] [M] [N] [R] et la société Lip Invest, représentée par [A] [N] [R].
Par exploits d'huissier des 3, 9 et 11 septembre 2014, la société [N] Déménagements a fait assigner la société Déménagement [N] Fils, la société [N] Déménagement Mayotte et M. [F] [N] [R] devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis-de la Réunion aux fins notamment de voir dire qu'ils ont commis des actes de concurrence déloyale à son préjudice et en conséquence, les voir condamner solidairement à lui payer la somme de 2 750 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices subis.
Par conclusions du 31 mars 2015, MM. [K] [N] [R] et [Z] [N] [R] sont intervenus volontairement à la procédure aux fins de voir condamner M. [F] [N] [R] à leur verser, à chacun, la somme de 1350 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices personnels qu'ils ont subis.
Par jugement du 15 novembre 2017, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion :
- a ordonné la disjonction de l'instance entre les demandes formées par MM. [K] [N] [R] et M. [Z] [N] [R] à l'encontre de M. [F] [N] [R] d'une part et les autres demandes d'autre part ;
- s'est déclaré incompétent pour connaître des demandes formées par M. [K] [N] [R] et M. [Z] [N] [R] à l'encontre de M. [F] [N] [R],
- a renvoyé l'examen de ces demandes devant le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion ;
- s'est déclaré incompétent pour connaitre du surplus des prétentions des parties ;
- a renvoyé l'examen de ces demandes devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement du 1er avril 2015, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société [N] Déménagements.
Par jugement du 24 février 2016, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion a adopté un plan de cession de la société [N] Déménagements.
Par jugement du 8 juin 2016, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion a prononcé la liquidation judiciaire sous le régime de droit commun de la société [N] Déménagements et a désigné la Selarl Franklin Bach ès qualités de liquidateur judiciaire.
Par conclusions notifiées le 2 mars 2021 devant le tribunal judiciaire de Paris, la société [N] Déménagements, MM. [K] [N] [R] et [Z] [N] [R], intervenants volontaires, ont sollicité la condamnation solidaire de la société Déménagement [N] Fils, devenue DCF Réunion, et de la société [N] Déménagement Mayotte, devenue DFC Mayotte, à payer à la société [N] Déménagements représentée par son liquidateur, la somme de 2 750 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis du fait des actes de concurrence déloyale.
Par conclusions notifiées le 21 mai 2021, la Selarl Franklin Bach ès qualités a également sollicité du tribunal, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, la condamnation solidaire de la société DCF Réunion, la société DCF Mayotte et M. [F] [N] [R] à lui payer, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [N] Déménagements, la somme de 2 750 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis au titre des actes de concurrence déloyale commis à l'encontre de cette société.
Par conclusions notifiées le 1er avril 2021, les sociétés DCF Réunion et DCF Mayotte ont sollicité, sur le fondement des articles L.641-91 alinéa 1 du code de commerce et 1240 du code civil, de déclarer irrecevables, faute de qualité à agir, les 'conclusions régularisées par la société [N] Déménagements, M. [Z] [N] [R] et M. [K] [N] [R]' et le rejet des demandes de la Selarl Franklin Bach ès qualités de liquidateur de la société [N] Déménagements.
M. [F] [N] [R] n'a pas constitué avocat devant le tribunal judiciaire de Paris.
Par jugement réputé contradictoire du 11 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :
- accueilli la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société [N] Déménagements ;
- déclaré la société [N] Déménagements, M. [Z] [N] [R] et M. [K] [N] [R] irrecevables en leur action à l'encontre des sociétés DCF Réunion et DCF Mayotte ;
- débouté la SELARL Franklin Bach ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [N] Déménagements de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné la SELARL Franklin Bach ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [N] Déménagements à payer à la société DCF Réunion et à la société DCF Mayotte la somme totale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamné la SELARL Franklin Bach ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [N] Déménagements aux dépens.
Pour statuer ainsi, le tribunal retient que, par application de l'article L.641-9 du code de commerce, les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur et que la société [N] Déménagements ne fait valoir aucun droit propre, de sorte qu'elle n'a pas intérêt à agir, tandis que MM. [Z] [N] [R] et M. [K] [N] [R] ne formulent aucune demande en leur nom personnel, mais uniquement au nom de la société [N] Déménagements. Sur le fond, le tribunal retient que la Selarl Franklin Bach ès qualités de mandataire liquidateur de cette société ne démontre aucun acte de la concurrence déloyale reprochée aux société DCF Réunion et DCF Mayotte.
La Selarl Franklin Bach ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [N] Déménagements a interjeté appel de cette décision par déclaration matérialisée par la voie électronique le 28 octobre 2022, cet appel n'étant dirigé que contre les sociétés DCF Réunion et DCF Mayotte, MM. [K] [N] [R] et [Z] [N] [R] et la société [N] Déménagements.
Aux termes de ses conclusions d'appel du 9 janvier 2023, la Selarl Franklin Bach ès qualités de liquidateur judiciaire de la société [N] Déménagements, demande à la cour de :
- réformer et infirmer le jugement dont appel,
En conséquence,
- dire que les sociétés Déménagement [N] Fils (DCF Réunion) et [N] Déménagement Mayotte (DCF Mayotte) ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société [N] Déménagements,
- condamner in solidum les sociétés Déménagement [N] Fils (DCF Réunion) et [N] Déménagement Mayotte (DCF Mayotte) à lui payer la somme de 2 750 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis,
- débouter les sociétés Déménagement [N] Fils (DCF Réunion) et [N] Déménagement Mayotte (DCF Mayotte) de leurs demandes,
- à titre subsidiaire,
- ordonner avant-dire droit une expertise judiciaire confiée à tel expert qu'il plaira à la cour de désigner avec notamment la mission suivante :
- établir et chiffrer jusqu'au dépôt de bilan de la société appelante, l'impact financier des agissements déloyaux décrits dans les présentes écritures sur le chiffre d'affaires, la perte de marge, la perte de rentabilité et plus généralement sur le résultat d'exploitation de la société [N] Déménagements,
- dire si cet impact a eu une incidence directe ou indirecte sur le dépôt de bilan puis la liquidation judiciaire de la société [N] Déménagements,
- chiffrer l'entier préjudice financier subi par la société [N] Déménagements résultant des actes déloyaux évoqués dans cette affaire,
En tout état de cause,
- condamner in solidum les sociétés Déménagement [N] Fils (DCF Réunion) et [N] Déménagement Mayotte (DCF Mayotte) à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire et juger que Me Dausse, avocat postulant, sera autorisé à recouvrer directement à son profit sur les parties condamnées, les dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamner in solidum les sociétés Déménagement [N] Fils (DCF Réunion) et [N] Déménagement Mayotte (DCF Mayotte) aux entiers dépens.
Aux termes de leurs conclusions notifiées le 4 mai 2023, la société [N] Déménagements et MM. [K] [N] [R] et [Z] [N] [R] demandent à la cour de :
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
- statuant à nouveau :
- déclarer irrecevables les sociétés DCF Réunion et DCF Mayotte en leur fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société [N] Déménagements,
- déclarer recevable l'intervention volontaire accessoire de MM. [Z] [N] [R] et [K] [N] [R],
Statuant à nouveau :
- faire droit aux demandes principales et subsidiaires de la Selarl Franklin Bach ès qualités de liquidateur de la société [N] Déménagements,
- juger que les sociétés Déménagement [N] Fils et [N] Déménagement ont commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société [N] Déménagements,
En conséquence :
- condamner solidairement les sociétés Déménagement [N] Fils, devenue la DCF Réunion, et la société [N] Déménagement, devenue la DCF Mayotte, à payer à la société [N] Déménagements, représentée par son liquidateur, la Selarl Franklin Bach, la somme de 2 750 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis, sauf à titre subsidiaire à ordonner avant dire droit une expertise judiciaire confiée à tel expert qu'il plaira à la cour de désigner avec notamment la mission suivante :
- établir et chiffrer jusqu'au jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis du 5 novembre 2014 ouvrant la procédure de sauvegarde de la société [N] Déménagements, l'impact financier subi à raison des agissements déloyaux décrits dans les présentes écritures et dans celles de la Selarl Franklin Bach ès qualités sur le chiffre d'affaire, la perte de marge, la perte de rentabilité et plus généralement sur le résultat d'exploitation de la société [N] Déménagements,
- dire si cet impact a eu une incidence directe ou indirecte sur le dépôt de bilan puis la liquidation judiciaire de la société [N] Déménagements,
- chiffrer l'entier préjudice subi par la société [N] Déménagements résultants des actes déloyaux invoqués à l'encontre des sociétés DCF Réunion et DCF Mayotte,
En tout état de cause,
- condamner solidairement les sociétés Déménagement [N] Fils, devenue la DCF Réunion et la société [N] Déménagement, devenue la DCF Mayotte, à payer à la société [N] Déménagements, MM. [Z] [N] [R] et [K] [N] [R] la somme totale de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens dont ceux de l'article A 444-32 du code de commerce.
Aux termes de leurs conclusions notifiées le 5 juin 2023, les sociétés DCF Réunion et DCF Mayotte demandent à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a accueilli la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société [N] Déménagements,
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevables la société [N] Déménagements, MM. [Z] [N] [R] et [K] [N] [R] en leur action à l'encontre des sociétés DCF Réunion et DCF Mayotte,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la Selarl Franklin Bach ès qualités de toutes ses demandes,
En conséquence,
- condamner la Selarl Franklin Bach ès qualités de mandataire liquidateur de la société [N] Déménagements à payer aux sociétés DCF Réunion et DCF Mayotte la somme totale de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 9 novembre 2023.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'action de la société [N] Déménagements et de MM. [Z] [N] [R] et [K] [N] [R] :
Les sociétés DCF Réunion et DCF Mayotte se prévalent de l'article L.641-9 I du code de commerce et font valoir que, du fait de son dessaississement en raison du jugement de liquidation judiciaire, la société [N] Déménagements est irrecevable à exercer, pendant la procédure collective, des actions en responsabilité contre les tiers et à solliciter des dommages-intérêts. Elles font valoir que cette fin de non-recevoir est d'ordre public et peut être invoquée par toute partie y ayant intérêt. Elles ajoutent que MM. [K] [N] [R] et [Z] [N] [R], qui agissent en qualité d'associés de la société [N] Déménagements et se présentent comme intervenants volontaires, ne forment aucune demande en leur nom personnel et n'ont pas qualité pour représenter la société [N] Déménagements.
La société [N] Déménagements et MM. [K] [N] [R] et [Z] [N] [R] répliquent que seul le mandataire liquidateur de la société [N] Déménagements peut se prévaloir de la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de cette société. Ils ajoutent que MM. [K] [N] [R] et [Z] [N] [R] sont recevables en leur intervention volontaire, la recevabilité d'une action s'appréciant au jour où elle est formée, soit avant le jugement de sauvegarde de la société [N] Déménagements du 5 novembre 2014, qu'ils agissent comme associés de cette société en réparation de leur préjudice personnel et ont intérêt à ce que l'actif de cette société soit reconstitué.
L'article 330 du code de procédure civile dispose que l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie. Elle est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie.
En vertu de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Aux termes de l'article L.641-9 I du code de commerce, dans sa version modifiée par l'ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014, applicable en l'espèce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime.
Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.
Les intimés sont recevables à invoquer le défaut de qualité du débiteur, la fin de non-recevoir n'étant pas réservée au seul mandataire liquidateur (V.Cass Com, 13 novembre 2013, n°13-11.921, 12-28.572).
La société [N] Déménagements en liquidation judiciaire ne se prévalant d'aucun droit propre à intervenir à la procédure diligentée par son mandataire liquidateur qui a seul qualité pour exercer les droits et actions concernant son patrimoine, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déclarée irrecevable à intervenir à l'instance pour défaut de qualité à agir.
MM. [K] [N] [R] et [Z] [N] [R] justifient de leur qualité d'associés de la société [N] Déménagements, étant mentionnés dans ses statuts.
Ils ont un intérêt certain, pour la conservation de leurs droits, à soutenir le mandataire liquidateur de la société [N] Déménagements, les demandes indemnitaires formées par la Selarl Franklin Bach ès qualités ayant pour objet de reconstituer l'actif de la société.
Par conséquent, le jugement sera infirmé de ce chef et l'intervention volontaire accessoire de MM. [K] [N] [R] et [Z] [N] [R] déclarée recevable.
Sur la concurrence déloyale et parasitaire :
La Selarl Franklin Bach ès qualités fait valoir en substance que les sociétés intimées, créées en 2013 pour la société Déménagements [N] Fils et 2011 pour la société [N] Déménagement Mayotte, ont imité la dénomination sociale de la société [N] Déménagements constituée en 1992 ; que la société [N] Déménagements Fils a reproduit de manière quasi-servile le logo de la société [N] Déménagements sur ses supports de communication ; qu'elles ont utilisé comme nom de domaine sur internet des signes distinctifs de la société [N] Déménagements afin de créer une confusion avec celle-ci, ayant créé frauduleusement des liens pour rediriger les internautes sur leurs sites et par la création d'un nom de domaine utilisant la marque Demeco. Elle ajoute que la société [N] Déménagements a été victime d'une désorganisation interne par des manoeuvres déloyales en direction de son personnel exercées par M. [F] [N] [R], son co-gérant, lequel a débauché des salariés ayant des fonctions importantes en dénigrant, harcelant et agressant ceux qui n'ont pas été débauchés ; que la société [N] Déménagements a été également victime d'une désorganisation commerciale par le détournement de commandes, le démarcharge de la clientèle et de ses principaux partenaires ; que les actes de concurrence déloyale ont vidé toute la substance de la société [N] Déménagements au profit des sociétés intimées par un détournement de la clientèle, lesquelles ont commis des actes de parasitisme en utilisant la répution de la société [N] Déménagements.
MM. [K] [N] [R] et [Z] [R] reprennent les moyens développés par la Selarl Franklin Bach ès qualités.
Les sociétés DCF Réunion et DCF Mayotte répliquent qu'elles n'ont commis aucun agissement déloyal constitutif d'une faute susceptible d'engager leur responsabilité ; que les fils et neveu de [F] [N] [R] étaient libres de créer une société concurrente, la société [N] Déménagement Fils (DCF Réunion), laquelle a conclu un contrat de franchise avec la société Les Gentlemen du Déménagement ; que les faits de débauchage invoqués et la désorganisation de la société [N] Déménagements concernent exclusivement M. [F] [N] [R] en sa qualité de co-gérant de la société [N] Déménagements, lequel n'est pas associé de la société DCF Réunion ; que les démissions de trois salariés, Mmes [O] et [X] et M. [E], ne provenaient pas d'un débauchage fautif mais étaient la conséquence exclusive du conflit violent opposant MM. [K] [N] [R] et [F] [N] [R] ; que les dénominations sociales des sociétés [N] Déménagement Fils et [N] Déménagement Mayotte n'ont pas été adoptées pour chercher à créer un risque de confusion au détriment de la société [N] Déménagements ; que les sociétés exerçaient leur activité sous des noms commerciaux et des enseignes différents ; que la société Déménagements [N] Fils n'a pas cherché à imiter le logo de la société [N] Déménagements ni à s'approprier son nom de domaine ; qu'enfin, elles n'ont pas détourné de fichiers clients de la société [N] Déménagements.
Il convient de rappeler que la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l'article 1240 du code civil mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l'étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme, lequel est une forme de déloyauté, constitutive d'une faute au sens du texte susvisé, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts, de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
Ces deux notions doivent être appréciées au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie qui implique qu'un produit, qui ne fait pas l'objet d'un droit de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit ou par l'existence d'une captation parasitaire, circonstances attentatoires à l'exercice paisible et loyal du commerce.
L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée.
Au cas d'espèce, concernant l'imitation invoquée de la dénomination sociale de la société [N] Déménagements, il est observé que la dénomination de la société Déménagements [N] Fils comprend le nom patronymique des associés de cette société, ce qui en soi n'est pas illégitime, tandis que le mot 'Déménagements', qui désigne l'activité exercée par la société intimée, est purement descriptif. Il est observé que le mot 'Fils' placé à la fin de la dénomination sociale renvoie au fait que la société a été fondée par trois petits-fils du fondateur du groupe [N]. Par ailleurs, la dénomination Déménagements [N] Fils Mayotte désigne son activité exercée à Mayotte, une telle référence n'étant pas reprise dans la dénomination sociale de la société [N] Déménagements, qui exploite son activité à La Réunion.
Aussi, il n'est pas justifié que l'adoption de la dénomination sociale de la société Déménagements [N] Fils, devenue DCF Réunion, et de la société Déménagements [N] Fils Mayotte, devenue DCF Mayotte ainsi qu'il résulte de l'extrait k.bis qu'elle produit daté du 19 avril 2020, présenterait un caractère fautif et serait de nature à engendrer un risque de confusion dans l'esprit du public désireux de faire appel aux services d'une société de déménagement à La Réunion et Mayotte.
Ce risque de confusion est d'autant moins constitué que la société [N] Déménagements exerce son activité sous la marque et l'enseigne Demeco et les sociétés intimées sous la marque Les Gentlemen du déménagement, cette marque étant reproduite sur leurs supports de communication. Par ailleurs, les papiers en-tête de la société Déménagements [N] Fils reproduisent la marque qu'elle exploite ; le logo de cette société reproduit le mot 'Fils', en petits caractères, clairement identifiable, sous le terme '[N]', de sorte que toute personne un minimum attentive comprendra que cette société est distincte de la société [N] Déménagements, dont les papiers en tête reproduisent la marque Demeco.
Par ailleurs, sur les noms de domaine exploités par les sociétés, il est observé que si la société Déménagements [N] Fils utilise l'adresse Internet '[N]-demenagement. com', la société [N] Déménagements utilise en revanche l'adresse Web 'demeco-reunion.com' ; les déclarations de M. [G] [T], salarié de la société [N] Déménagements, dans son courrier du 28 février 2014, aux termes desquelles il indique que le site internet de cette société serait '[N]-demenagements.fr' sont démenties par les courriers de la société [N] Déménagements qui renvoient à l'adresse 'demeco-reunion.com'. Enfin, il est observé que la société Déménagements [N] Fils Mayotte travaillait à l'origine avec la société [N] Déménagements et qu'il était convenu de son utilisation de l'adresse 'demeco-mayotte.fr', cette société exploitant également lors de sa création la marque Demeco, avant d'adopter la marque Les Gentlemen du Déménagement, son adresse internet étant alors la même que la société [N] Déménagement.
En outre, la Selarl Franklin Bach ès qualités ne prouve aucunement que la société Déménagements [N] Fils aurait exploité un nom de domaine reproduisant le signe Demeco. La société Demeco indique, dans son courrier du 23 octobre 2013 à la société [N] Déménagements, qu'elle a constaté la présence de son entreprise sur le site internet des Gentlemen du Déménagement et la présence de sa publication sur les pages jaunes.fr de son entreprise pour La Réunion. Si la société Demeco a cru dans un premier temps que la société [N] Déménagements exploitait la marque les Gentlemen du Déménagement, aucun élément ne permet de retenir que les dirigeants des sociétés intimées auraient tenté de créer frauduleusement des liens sur le site internet de la société [N] Déménagements redirigeant les internautes sur leurs sites.
La Selarl Franklin Bach ès qualités ne peut pas plus se prévaloir utilement de manoeuvres des sociétés intimées en vue de désorganiser la société [N] Déménagements par un débauchage du personnel, les pièces produites aux débats établissant que la démission de Mmes [O] et [X] et M. [E] était imputable à une ambiance de travail délétère en raison du conflit interne opposant les associés de la société, MM. [K] [N] [R] et [F] [N] [R]. Il n'est pas caractérisé que les sociétés intimées auraient fautivement débauché ces salariés, étant ajouté que le recrutement des salariés ne constitue pas, à lui seul, une faute de nature à établir des faits de concurrence déloyale.
Enfin, il ne peut être reproché à la société Déménagements [N] Fils de s'être présentée auprès des acteurs économiques du secteur comme ouvrant 'une nouvelle agence de déménagement', celle-ci précisant qu'elle était sous franchise Les Gentlemen du Déménagement et implantée à La Réunion et à Mayotte, cette société se distinguant dans sa communication de la société [N] Déménagements qui exploitait la marque Demeco. Il n'est donc pas établi que la société Déménagements [N] Fils aurait frauduleusement tenté de générer un risque de confusion entre ces entreprises sur l'origine de leurs prestations, ni de détourner des clients de la société [N] Déménagements, ceux-ci demeurant libres du choix de leurs partenaires.
Aussi, à défaut de rapporter la preuve d'une faute des sociétés intimées de nature à caractériser des faits de concurrence déloyale, ni de leur volonté de se placer frauduleusement dans le sillage de la société [N] Déménagements, la Selarl Franklin ès qualités sera déboutée de ses demandes, les pièces communiquées étant pour la plupart relatives à la désorganisation de la société [N] Déménagements du fait du conflit opposant les associés de cette société ayant contribué à ses difficultés financières.
Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Sur les dépens et frais irrépétibles :
Le jugement sera confirmé du chef des condamnations prononcées.
La Selarl Franklin Bach ès qualités sera condamnée aux dépens d'appel et à payer aux sociétés DCF Réunion et DCF Mayotte la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les demandes formées à ce titre par la Selarl Franklin Bach ès qualités et MM. [K] [N] [R] et [Z] [N] [R] seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour,
CONFIRME le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a déclaré MM. [K] [N] [R] et [Z] [N] [R] irrecevables en leur intervention volontaire accessoire,
Statuant à nouveau,
DECLARE MM. [K] [N] [R] et [Z] [N] [R] recevables en leur intervention volontaire accessoire,
Y ajoutant,
CONDAMNE la Selarl Franklin Bach ès qualités de mandataire liquidateur de la société [N] Déménagements aux dépens d'appel,
EN APPLICATION de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE la Selarl Franklin Bach ès qualités de mandataire liquidateur de la société [N] Déménagements à payer aux sociétés DCF Réunion et DCF Mayotte la somme de 10 000 euros et déboute la Selarl Franklin Bach ès qualités de mandataire liquidateur de la société [N] Déménagements et MM. [K] [N] [R] et [Z] [N] [R] de leur demande formée à ce titre.