CA Paris, Pôle 6 ch. 13, 15 novembre 2024, n° 22/08349
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Carbonaro
Conseillers :
Mme Rouge, M. Revelles
Avocats :
Me Charton, Me de Castro, Me Baki, Me Millat, Me Machele, Me Taboure
La cour statue sur l'appel interjeté par la SASU [6] d'un jugement prononcé le 21 juillet 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Créteil dans un litige l'opposant à M. [H] [X] et à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [X] [H] travaillait au poste de chargé de course pour le compte de la société [6]. Celle-ci faisait partie du groupe [7], avait pour activité la vente et la livraison de plats japonais sur place, à emporter ou à livrer et exploitait un restaurant situé à [Localité 5].
Le samedi 30 mai 2015, Monsieur [X] [H], alors âgé de 21 ans, a été victime d'un accident de la route dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail.
L'enquête de police a conclu que le casque porté par le salarié et fourni par l'employeur était défectueux, que l'employeur n'avait pas fourni d'équipement de sécurité.
Par jugement du 23 octobre 2017, le tribunal correctionnel de Créteil a déclaré la société coupable de blessures involontaires et son directeur d'exploitation coupables des faits reprochés et l'a condamné à un emprisonnement délictuel pour violation des règles de sécurité prescrites par le code du travail. La société a formé opposition à ce jugement. Par jugement du 18 mars 2019, le tribunal correctionnel a confirmé la condamnation pénale de l'employeur qui n'a pas formé appel.
Par jugement du 14 décembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Créteil a jugé que l'accident du travail dont M. [H] a été victime était dû à la faute inexcusable de l'employeur et qu'il avait droit à indemnisation complémentaire outre la majoration de sa rente, et a, avant dire droit sur la liquidation du préjudice, ordonné une mesure d'expertise.
À la suite de la notification du rapport d'expertise, Monsieur [H] a sollicité l'indemnisation de ses préjudices sur le fondement de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.
Par jugement rendu le 21 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Créteil a :
- accordé à M. [X] [H] les indemnités suivantes dans le cadre de la réparation des différents chefs de préjudice établis :
* la somme de 25 000 euros en réparation des souffrances physiques et morales ;
* la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice esthétique ;
* la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice d'agrément ;
* la somme de 17 280 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne ;
* la somme de 35 000 euros en réparation de son préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;
- dit que ces sommes seront versées à M. [X] [H] par la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne ;
- dit que la SASU [6] est tenue de rembourser ces sommes à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne et, en tant que de besoin,
- la condamne à payer ces sommes à la caisse ;
- rappelé que la somme éventuellement déjà versée au titre de la provision accordée initialement devra être déduite ;
- condamné la SASU [6] à verser à M. [X] [H] la somme de 1 000 euros dont la victime a fait l'avance au titre de la consignation préalable à l'expertise judiciaire;
- dit que la SASU [6] payera à M. [X] [H] une indemnité de 2 000 euros dans le cadre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires ;
- dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 5 septembre 2022 à la société Sasu [6] qui en a interjeté appel le 28 septembre 2022.
Par jugement du 13 février 2023, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de la société [6], Maître [N] a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées par RPVA le 7 mai 2024, et reprises oralement par son conseil, Maître [B] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS [6], appelant, demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Créteil le 21 juillet 2022 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté M. [H] de ses demandes, rappelé que la provision devait être déduite et dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens ;
Statuant à nouveau,
- déclarer irrecevable toute demande de condamnation de la société [6] à payer des sommes à la Caisse primaire d'assurance maladie ou à M. [H] ;
- déclarer irrecevable toute demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire faute de déclaration de créance au passif au titre des préjudices objet de la présente instance ;
- débouter M. [H] et la Caisse primaire d'assurance maladie de toutes les demandes à l'encontre de la société [6] et de son liquidateur ;
Subsidiairement,
- limiter le montant des indemnités aux sommes suivantes :
* 8 000 euros au titre des souffrances endurées physiques et morales ;
* 2 000 euros au titre du préjudice esthétique ;
* 17 280 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées par RPVA le 16 mai 2024 et reprises oralement à l'audience du 19 septembre 2024 par son conseil, M. [X] [H] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 21 juillet 2022 en ce qu'il a limité les indemnités réparant ses préjudices aux sommes de :
* 2 000 euros au titre du préjudice esthétique ;
* 4 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;
* 17 280 euros au titre du préjudice résultant de l'assistance temporaire par une tierce personne;
* 35 000 euros au titre du préjudice résultant de la perte ou diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;
Statuant à nouveau,
- lui allouer les sommes de :
* 15 000 euros au titre du préjudice esthétique ;
* 30 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;
* 26 446 euros au titre du préjudice résultant de l'assistance temporaire par une tierce personne;
* 150 000 euros au titre du préjudice résultant de la perte ou diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ;
- dire que l'arrêt est opposable à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne qui sera tenue de faire l'avance des sommes allouées à la victime ;
- confirmer le jugement en ce qu'il a :
* alloué la somme de 25 000 euros au titre des souffrances physiques et morales ;
* dit que les sommes allouées seront versées par la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne ;
* dit que la SASU [6] sera tenue de rembourser ces sommes à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne ;
* condamné la SASU [6] à lui payer la somme de 1 000 euros au titre des frais d'expert judiciaire dont il a fait l'avance ;
* condamné la SASU [6] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Y ajoutant,
- condamner la SASU [6] à payer à Monsieur [H] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, en tant que de besoin fixer cette somme au passif de la liquidation judiciaire ;
- condamner la société [6] représentée par Maître [N] aux entiers dépens.
La Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne par conclusions déposées le 19 août 2024 et reprises oralement à l'audience, demande à la cour de :
- débouter Me [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS [6] de sa demande visant à déclarer irrecevable toute demande de condamnation de la société [6] à payer des sommes à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne ;
- débouter M. [H] de sa demande au titre de la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle et de sa demande au titre du préjudice d'agrément ;
- limiter l'indemnisation au titre du préjudice esthétique à la somme de 2 000 euros et de l'aide à la tierce personne à la somme de 17 280 euros ;
- constater que M. [H] a perçu une provision de 15 000 euros à déduire de son indemnisation définitive ;
- condamner la société [6] représentée par Maître [N] ès qualités de liquidateur judiciaire à supporter l'ensemble des conséquences financières liées à la reconnaissance de sa faute inexcusable ;
- voir fixer au passif de la société l'ensemble des conséquences financières liées à la reconnaissance de sa faute inexcusable ;
En tout état de cause,
- dire que la caisse récupérera les sommes dont elle aura fait l'avance auprès la société [6] représentée par Maître [N] mandataire judiciaire ès qualités de liquidateur judiciaire ;
- condamner la société [6] représentée par Maître [N] mandataire judiciaire ès qualités de liquidateur judiciaire, à verser à la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne la somme de 2 000 euros en application des disposition de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 19 septembre 2024 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.
MOYENS DES PARTIES
- Sur l'irrecevabilité de toute demande de paiement ou de garantie ou de fixation au passif d'une créance
Maître [N] soutient qu'un créancier ne peut plus, postérieurement au jugement d'ouverture, introduire une action à l'encontre de la société débitrice ou de son liquidateur pour obtenir le paiement d'une créance antérieure ou d'une créance postérieure qui n'est pas visée par l'article L. 622-17 du code de commerce, dès lors la Caisse primaire d'assurance maladie est irrecevable à solliciter la condamnation de la société au remboursement des sommes avancées.
Le liquidateur judiciaire rappelle qu'à partir de la publication du jugement d'ouverture, tous les créanciers dont la créance est née avant ce dernier doivent adresser la déclaration de leur créance dans un délai de deux mois et que concernant les créances dont le montant est à parfaire, elles doivent être déclarées sur la base d'une évaluation effectuée au moment de la déclaration de créance. Il fait donc valoir que, la Caisse primaire d'assurance maladie n'ayant déclaré au passif que la somme de 135 694 euros au titre de la majoration de la rente ajoutant qu'il conviendrait d'ajouter le montant des préjudices indemnisés par le juge sans, en faire l'évaluation, est désormais irrecevable à solliciter la fixation au passif des préjudices objet de la présente instance.
La Caisse primaire d'assurance maladie rappelle qu'elle a déclaré sa créance le 11 mars 2020 et qu'elle a indiqué que le montant approximatif de la rente serait de 135 694 euros auquel il conviendrait d'ajouter le montant des préjudices indemnisables et fixés par le juge. La caisse rappelle qu'une proposition de plan d'apurement a été envoyée par l'étude de Me [N].
L'article L. 622-7 du code de commerce prévoit que : « Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née après le jugement d'ouverture, non mentionnée au I de l'article L. 622-17. Ces interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances alimentaires... »
L'article L. 622-17 du même code précise que : « Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance... »
L'article L. 622-21 du code de commerce prévoit que : « Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :
1° À la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; ... »
L'article L. 622-24 du même code indique que : « À partir de la publication du jugement tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture adressent la déclaration de leur créance au mandataire judiciaire... »
La date de la déclaration de créance faite par la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne est le 11 mars 2020 soit antérieurement au jugement ayant reconnu la faute inexcusable de l'employeur qui a été rendu le 14 décembre 2020. Elle a réservé expressément les indemnisations complémentaires de la victime alors qu'aucune expertise médicale n'était intervenue, à cette date afin de déterminer les différents préjudices de cette dernière.
Dés lors il ne peut être utilement reproché à la caisse de ne pas avoir fourni la moindre évaluation du montant des préjudices subis par M. [H].
Il résulte des articles susvisés qu'aucune condamnation en paiement n'est recevable mais que la demande en fixation de créance, sollicitée oralement à l'audience est en revanche recevable.
La demande en fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société SAS [6] sera déclarée recevable.
- Sur les préjudices
L'expert médical a rendu son rapport le 18 mai 2021. Ses conclusions sont les suivantes:
' déficit fonctionnel temporaire total du 31 mai 2015 au 09 juillet 2015 et du 15 juillet 2015 au 12 janvier 2016 ;
' déficit fonctionnel temporaire partiel :
en classe III du 10 juillet 2015 au 14 juillet 2015
' en classe III du 13 janvier 2016 au 29 février 2016
' les souffrances physiques et morales endurées : 4,5/7 ;
' le préjudice esthétique avant consolidation à 1/7 et à la consolidation à 1/7 ;
' une perte ou diminution de promotion professionnelle ;
' un préjudice d'agrément consistant dans l'impossibilité de reprendre le sport de combat et le football ;
' la nécessité d'une aide à la tierce personne pendant la période de classe III.
L'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale dispose qu'indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.
- Sur le préjudice de la douleur
Ce poste indemnise les souffrances physiques et psychiques ainsi que les troubles associés que la victime a enduré du jour de l'apparition du traumatisme jusqu'à sa consolidation.
Celles-ci ayant été évaluées à 4,5/7 et au regard du rapport dit 'Mornet', le liquidateur judiciaire soutient que l'indemnité devra être réduite à 8 000 euros.
M. [H] soutient que l'indemnité de 25 000 euros devra être confirmée.
L'expert indique que les souffrances endurées sont évaluées à 4,5/7 en raison de l'intervention neurochirurgicale, du séjour en réanimation et dans le service de neurochirurgie, des soins et bilan de réadaptation pour troubles cognitifs et syndrôme dysexécutif, d'une prise en charge en hôpital de jour et soins de rééducation et du traitement psychiatrique du stress post traumatique qui s'est manifesté par des céphalées, des troubles du sommeil, des crises compulsives alimentaires et un syndrome anxieux majeur.
Le montant de 25 000 euros alloué par le tribunal sera confirmé.
- Sur le préjudice esthétique temporaire et permanent
Ces postes indemnisent les altérations de l'apparence physique de la victime antérieurement à la consolidation et qui ont pu présenter, malgré leur caractère temporaire, un retentissement dans la vie de cette dernière sur le préjudice esthétique permanent et les altérations de l'apparence physique de la victime postérieurement à la consolidation.
M. [H] présente trois cicatrices : une cicatrice temporale à droite, une cicatrice de trachéotomie et une cicatrice frontale haute à droite.
L'expert détermine à 1/7 ces préjudices.
Le liquidateur judiciaire soutient que le préjudice esthétique permanent de M.[H] a été évalué à 1/7 et qu'au regard du rapport dit 'Mornet', l'indemnité devra être réduite.
M. [H] soutient qu'au regard de son âge (21 ans) au moment des faits et de l'aspect définitif de ses cicatrices, l'indemnité devra être portée à 15 000 euros.
La Caisse primaire d'assurance maladie estime que celui-ci n'apporte pas d'éléments de nature à contredire l'évaluation de l'expert de ce préjudice à 1/7.
Cependant, ces cicatrices sont sur le visage et donc visibles. En outre le très jeune âge de la victime accroît son préjudice puisqu'il va subir ce préjudice pendant de longues années.
L'indemnisation globale de ces deux préjudices par le tribunal à 2 000 euros sera infirmée, et son préjudice sera évalué à 6000 euros.
- Sur le préjudice d'agrément
Le préjudice d'agrément réparable en application de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer à pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir.
Monsieur [H] soutient que depuis son accident, du fait des douleurs, de la fatigue et de la perte de mobilité, il ne peut plus pratiquer les activités qu'il pratiquait auparavant : le football, la course à pied et le 'Qwan Ki Do' (un sport de combat). Il soutient que l'indemnité devra être portée à 30 000 euros.
Le liquidateur judiciaire soutient que, les attestations produites par Monsieur [H] étant non conformes ou non-probantes, il devra être débouté de sa demande au titre du préjudice d'agrément.
La Caisse primaire d'assurance maladie souligne que M. [H] peut reprendre le football et la course à pied et qu'il ne produit aucune carte d'adhérent de Qwan Ki Do, ni justificatif d'inscription.
L'impossibilité d'exercer une activité spécifique de sport ou de loisir doit résulter d'une part d'une constatation médicale et d'autre part de la preuve de la pratique antérieure de cette activité.
L'expert relève que M. [H] ne pourra pas en raison de son état de santé reprendre de sport de combat ni le football mais qu'il n'existe pas de contre indication à la marche et à la course à pied.
M. [H] verse aux débats deux attestations de camarades qui indiquent avoir joué au football avec lui, ainsi qu'une attestation du responsable du centre de Qwan Ki Do mentionnant l'affiliation de M. [H] pendant deux ans de 2010 à 2012 au club. Toutefois, il n'est pas justifié d'une pratique de ce dernier sport au moment de l'accident.
Le jugement qui lui alloué la somme de 4 000 euros à ce titre sera confirmé en raison de l'impossibilité de pratiquer le football.
- Sur la perte ou la diminution des possibilités de promotion professionnelle
Me [N] rappelle que le préjudice à indemniser est celui de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelles et non de la perte professionnelle réparée par l'allocation de la rente. Celui-ci ne peut prétendre à une promotion professionnelle dés lors qu'il ne bénéficiait pas du permis de conduire obligatoire pour les métiers auxquels il se destinait et qu'il ne démontre pas les démarches effectuées pour l'obtenir.
La Caisse primaire d'assurance maladie rappelle que celui-ci ne démontre pas s'être inscrit en vue de l'obtention de ce permis avant son accident et demande qu'il soit débouté de sa demande à ce titre.
M. [H] demande que son préjudice soit porté de 35 000 euros à 150 000 euros. Il rappelle qu'il venait d'être diplômé puisqu'il avait eu un bac professionnel spécialisé en maintenance de véhicules le 10 juillet 2014 et qu l'expert a rappelé le dernier bilan neuropsychologique du 23 décembre 2019 qui soulignait qu'« aucune reprise d'activité professionnelle n'est envisageable actuellement même avec un accompagnement spécialisé en raison d'une limite importante des capacités de formation et d'apprentissage et une limitation majeure d'adaptation comportementale et cognitive à un exercice professionnel quelconque ».
Il appartient au salarié de démontrer la perte de chance de promotion qu'il allègue. Ces chances doivent avoir être appréciées avant l'accident. Faute de preuve de ce fait, le salarié ne justifierait pas d'un préjudice distinct de celui résultant d'un déclassement professionnel déjà compensé par l'attribution de la rente majorée.
Il ne résulte pas des éléments produits par M. [H] que celui-ci était inscrit dans une auto école, ni qu'il avait commencé des démarches dans le but de passer le permis de conduire. Il ne fournit aucun élément permettant de démontrer qu'au regard de son investissement professionnel et de ses diplômes une possibilité de promotion professionnelle était envisageable. Le jugement sera infirmé et M. [H] débouté de sa demande.
- S'agissant de l'aide d'une tierce personne
Me [N] demande la confirmation du jugement qui a évalué ce préjudice à la somme 17 280 euros, selon la méthode de calcul détaillée dans le référentiel Mornet qui préconise un taux horaire de 16 à 25 euros, pour une aide de 5 heures par semaine pour 216 semaines à un montant de 20 euros.
M. [H] sollicite à ce titre la somme de 26 446 euros en indiquant que le taux horaire doit être fixé à 25 euros.
La Caisse primaire d'assurance maladie considère qu'au vu des conclusions de l'expert, il faut allouer sur la base de 16€/l'heure la somme de 17250euros.
L'expert a indiqué que l'aide d'une tierce personne a été nécessaire pendant la période de classe III pour l'entretien de la maison, faire des courses, les rendez-vous médicaux et paramédicaux, les démarches administratives et l'aide à l'hygiène et tout rendez-vous extérieur à raison de 5 heures par semaine.
La période de classe III pendant laquelle l'aide du tierce personne était nécessaire correspond à une période de 1 508 jours.
Ce poste correspond à l'aide apportée à la victime qui se trouve dans l'incapacité d'accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante.
Le taux horaire de 20 euros sera retenu en raison de l'absence de spécialisation de l'aide. Dès lors le jugement sera infirmé sur ce point, il lui sera alloué la somme de 21 542,86 euros, arrondie à 21600 euros.
Il sera rappelé qu'une provision d'un montant de 15 000 euros a été versée à M. [H], cette somme devra être déduite de l'indemnisation définitive.
- Sur l'action récursoire de la caisse
La CPAM rappelle les dispositions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale et le dernier alinéa de l'article L. 452-3 du même code qui indiquent que si la caisse doit verser la majoration de l'indemnité en capital et la réparation des préjudices, elle récupère ces sommes auprès de l'employeur.
Eu égard à la liquidation judiciaire, ces sommes devront être fixées au passif de la société [6].
- Sur les frais d'expertise
M. [H] a fait l'avances des frais d'expertise à hauteur de 1 000 euros. Cette somme sera fixée au passif de la société [6] en liquidation judiciaire.
- Sur les frais irrépétibles
Il n'est pas inéquitable d'allouer à M. [H] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DÉCLARE recevable l'action de la Caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne en vue de voir mise au passif de la SARL [6] les conséquences financières liées à la reconnaissance de la faute inexcusable de la société ;
CONFIRME le jugement en ce qu'il a fixé les préjudices de M. [H] aux sommes suivantes :
* souffrances physiques et morales : 25 000 euros ;
* préjudice d'agrément : 4 000 euros ;
INFIRME le jugement sur le montant des préjudices esthétiques temporaire et permanent, en ce qu'il a reconnu une perte ou diminution de promotion professionnelle et sur l'assistance par une tierce personne ;
STATUANT À NOUVEAU :
FIXE le préjudice esthétique avant et après consolidation à 6 000 euros ;
FIXE le préjudice consécutif au besoin d'aide d'une tierce personne avant la consolidation à 21 600 euros ;
DÉBOUTE M. [H] de sa demande formée au titre de la perte de chance de promotion professionnelle ;
RAPPELLE que la provision de 15 000 euros versée à M. [H] sera déduite de son indemnisation définitive ;
DIT que les sommes dont la caisse primaire d'assurance maladie aura fait l'avance à M. [H] seront fixées au passif de la SARL [6] ;
CONDAMNE Me [N] ès qualités de liquidateur de la société [6] à payer à M. [H] la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Me [N] ès qualités de liquidateur de la SARL [6] aux dépens incluant les frais d'expertise.