CA Rouen, ch. soc., 15 novembre 2024, n° 22/03233
ROUEN
Arrêt
Autre
PARTIES
Défendeur :
Urssaf de Haute Normandie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bideault
Conseillers :
Mme Roger-Minne, Mme Pouget
Avocats :
Me Chauvel, Me Paternel
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) de Haute-Normandie a procédé à un contrôle comptable d'assiette, sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, au sein de la société [5] (la société).
Elle lui a adressé une lettre d'observations le 25 octobre 2019, chiffrant à 80 697 euros le rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance-chômage et d'AGS.
L'inspecteur du recouvrement a confirmé le redressement, en dépit des observations de la société qui s'est vu notifier une mise en demeure, le 14 octobre 2020, pour un montant total de 85 573 euros.
La société a saisi la commission de recours amiable de l'Urssaf d'un recours qui a été rejeté par décision du 9 mars 2021.
Elle a poursuivi sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire de Rouen.
Par jugement du 31 août 2022, le tribunal a :
- dit que le redressement était fondé à hauteur de 87'965 euros, soit 79'248 euros en cotisations et 8 717 euros en majorations de retard,
- condamné la société au paiement de cette somme ainsi qu'à celle de 1 608 euros au titre des autres chefs de redressement,
- débouté la société de ses demandes de remboursement du trop perçu de charges sociales par l'Urssaf au titre des indemnités repas et des dommages et intérêts,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- condamné la société aux dépens et débouté celle-ci de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
La société a relevé appel du jugement le 4 octobre 2022.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions remises le 13 septembre 2024, soutenues oralement à l'audience, la société demande à la cour de :
- avant dire droit, surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure de pourvoi en cassation n° 24-15605,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- juger irrégulières la mise en demeure ainsi que la lettre d'observations,
- juger la créance de l'Urssaf infondée en son principe et en son quantum,
- débouter l'Urssaf de ses demandes reconventionnelles,
- annuler la décision de la commission de recours amiable,
- annuler la créance de l'Urssaf de Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Haute-Normandie tirée du redressement relatif à la réduction générale des cotisations (87'965 euros), intérêts et majorations de retard compris et tirée des indemnités kilométriques versées au titre des années 2016 à 2018,
- condamner l'Urssaf à lui payer les sommes de :
' 24'428,45 euros au titre du remboursement du trop perçu de cotisations sociales et patronales portant sur les années 2016 à 2018,
' 30'000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,
' 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'Urssaf aux dépens.
Par conclusions remises le 12 juillet 2024, soutenues oralement à l'audience, l'Urssaf de Normandie, venant aux droits de l'Urssaf de Haute-Normandie, demande à la cour de :
- débouter la société de ses demandes,
- confirmer le jugement,
- prendre acte de ce que le montant de sa créance ne porte plus que sur la somme de 80 698 euros en cotisations,
- fixer sa créance au passif de la procédure collective de la société à cette somme,
- dire qu'elle participera à titre provisionnel en tout ou partie aux répartitions faites avant l'admission définitive.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé détaillé de leurs moyens.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La société fait valoir qu'elle appartient au groupe [6] [I], de même que la société [7] qui a également fait l'objet d'un redressement de l'Urssaf portant sur le même motif que le redressement litigieux ; que la présente cour a confirmé le redressement de la société [7] par arrêt du 5 avril 2024 qui fait l'objet d'un pourvoi en cassation. Elle considère qu'il relève de la bonne administration de la justice de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure de cassation. Elle fait observer que l'Urssaf a pu déclarer sa créance au passif, de sorte que l'attente de l'issue du pourvoi en cassation n'induit en aucun cas un rejet de la déclaration de créance.
Pour s'opposer à cette demande, l'Urssaf fait valoir que l'admission au passif de sa créance doit s'effectuer dans un délai restreint et qu'un sursis à statuer l'empêcherait de la porter au passif de la société de manière définitive.
Sur ce :
Selon l'article L. 622-24 du code de commerce, la déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés aux articles L. 5427-1 à L. 5427-6 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1 (délai fixé par le tribunal).
En l'espèce il existe une procédure judiciaire en cours et un sursis à statuer aurait pour effet de suspendre l'instance, ce dont il résulte que l'Urssaf ne serait pas empêchée d'obtenir une fixation définitive de sa créance à l'issue de la procédure.
Au regard du pourvoi en cassation formé contre l'arrêt de la présente cour du 5 avril 2024, concernant la société [7], appartenant au même groupe que la société [5], et portant sur les mêmes problématiques, il convient de faire droit à la demande de sursis à statuer et de réserver les demandes.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort :
Ordonne un sursis à statuer dans l'attente de la décision qui sera rendue par la Cour de cassation dans l'affaire opposant la société [7] à l'Urssaf de Normandie, ayant fait l'objet d'un arrêt de la présente cour rendu le 5 avril 2024 (n° de pourvoi 24-15605) ;
Dit qu'il appartiendra aux parties de faire réinscrire la présente affaire après que l'arrêt de la Cour de cassation aura été rendu ;
Réserve les demandes.